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09/01/2014 | CEDH | N°001-140049

CEDH | CEDH, AFFAIRE GELAUDE c. BELGIQUE, 2014, 001-140049


CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE GELAUDE c. BELGIQUE

(Requête no 43733/09)

ARRÊT

STRASBOURG

9 janvier 2014

DÉFINITIF

09/04/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Gelaude c. Belgique,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ann Power-Forde,
André Potoc

ki,
Paul Lemmens,
Helena Jäderblom, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 décembre...

CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE GELAUDE c. BELGIQUE

(Requête no 43733/09)

ARRÊT

STRASBOURG

9 janvier 2014

DÉFINITIF

09/04/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Gelaude c. Belgique,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ann Power-Forde,
André Potocki,
Paul Lemmens,
Helena Jäderblom, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 décembre 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 43733/09) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant de cet État, M. Davy Gelaude (« le requérant »), a saisi la Cour le 3 août 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me P. Verpoorten, avocat à Herentals. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. M. Tysebaert, conseiller général, service public fédéral de la Justice.

3. Le requérant allègue que son maintien en détention dans un lieu inapproprié à son état de santé emporte violation de l’article 5 § 1 de la Convention. Il se plaint également de ne pas avoir bénéficié d’un recours effectif (article 5 § 4).

4. Le 5 mai 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1977. Il est actuellement interné à l’aile psychiatrique de la prison de Merksplas.

6. Alors que le requérant avait été arrêté le 3 novembre 2002 pour des faits de vol et de viols, deux rapports psychiatriques furent établis en mars et en mai 2003 à la demande du juge d’instruction. Le premier rapport constatait que le requérant était hautement intelligent, qu’il avait une personnalité mensongère, manipulatrice et fortement antisociale. Il devait être considéré comme un violeur du type sadique modéré. Le deuxième diagnostiquait une schizophrénie pseudo-psychopathique et décrivait le requérant comme un aliéné mental. Il recommandait que le requérant soit interné et suive une thérapie psychiatrique et orthopédagogique de longue durée, entre dix et vingt ans.

7. Le 16 juillet 2003, le requérant fut interné sur ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Louvain, décision qui fut ensuite confirmée par un arrêt du 28 octobre 2003 de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles. Il fut décidé de placer le requérant à l’aile psychiatrique de la prison de Louvain dans l’attente que la Commission de défense sociale (« CDS ») compétente désigne un lieu d’internement conformément à la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels (« loi de défense sociale »).

8. La CDS d’Anvers décida que le requérant serait interné d’abord à l’aile psychiatrique da la prison de Louvain, ensuite à l’aile psychiatrique de la prison de Merksplas.

9. La CDS confirma plusieurs fois de 2004 à 2007 le maintien du requérant à Merksplas dans l’attente de l’autorisation d’admission du requérant dans un établissement psychiatrique de haute sécurité spécialisé pour les délinquants sexuels. Ces décisions tenaient compte des résultats des pré-thérapies entreprises à Merksplas notamment grâce à l’intervention d’un centre spécialisé dans l’encadrement thérapeutique des auteurs de faits de mœurs.

10. D’après un avis établi par les services pénitentiaires en 2004, le requérant avait contacté trois établissements psychiatriques qui avaient laissé ses demandes sans suite. Il avait également pris contact avec trois établissements spécialisés dans le traitement de délinquants sexuels, qui toutefois avaient refusé de le prendre en charge en raison du score élevé qu’il avait obtenu au test PCL-R (Psychopathy Check List - Revised). Selon l’auteur de l’avis, aucune perspective de reclassement n’existait à ce stade car elle dépendait de l’admission du requérant dans un établissement spécialisé. Le même constat fut répété dans plusieurs rapports établis de 2005 à 2007.

11. En 2005, le requérant demanda une contre-expertise. Le psychiatre consulté conclut que les perspectives d’évolution n’étaient pas nulles et qu’un traitement spécialisé de la problématique sexuelle du requérant pouvait faire évoluer le diagnostic et correspondait à ce qu’il demandait.

12. Sur la base de cette contre-expertise, le requérant contacta à nouveau des établissements psychiatriques spécialisés qui soit refusèrent de le prendre en charge en raison de sa dangerosité soit laissèrent la demande sans suite.

13. Un nouveau test PCL-R fut effectué en 2006. Il confirmait que le requérant était un psychopathe gravement atteint et indiquait que les traitements existants n’auraient qu’un effet minimal sur son évolution et qu’une pré-thérapie risquait d’aggraver les sentiments négatifs.

14. Le 14 janvier 2008, la CDS confirma à nouveau le maintien du requérant à Merksplas. Le recours introduit par le requérant contre cette décision fut rejeté par la Commission supérieure de défense sociale (« CSDS ») le 14 février 2008.

15. Dans un rapport du 24 décembre 2008, un psychiatre du service pénitentiaire confirma le diagnostic décrivant le requérant comme un violeur en série atteint d’une psychopathie marquée qui, dans l’état de la science, n’était pas curable. Il recommandait le placement du requérant dans un cadre hautement sécurisé. Cet avis fut confirmé à plusieurs reprises par d’autres psychiatres en 2009 et 2010.

16. Le 2 mars 2009, la CDS confirma une fois encore le maintien à Merksplas. La décision, longuement motivée, soulignait que le requérant présentait un très haut risque de récidive pour la société et que, même s’il n’y avait pas de perspective de traitement, il devait être placé dans un établissement hautement sécurisé pour protéger la société et en particulier les enfants contre les abus sexuels. Elle constata que le personnel de Merksplas faisait de son mieux pour accompagner le requérant et améliorer ses conditions de vie et que les conditions d’internement, bien que perfectibles, étaient acceptables. Considérant qu’une visite des lieux ne lui apprendrait rien de nouveau, elle refusa de faire suite à la demande de visite qui avait été formulée par le requérant.

17. Le 25 mars 2009, le requérant saisit la CSDS d’un recours contre cette décision. Se référant à la jurisprudence de la Cour et notamment à l’arrêt Aerts c. Belgique (30 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998‑V), il dénonçait ses conditions de détention comme étant inappropriées à son état et ses besoins et demandait qu’une visite des lieux soit effectuée. Il demandait son admission immédiate dans un établissement approprié au sens de l’article 5 § 1 de la Convention.

18. Le 26 mars 2009, la CSDS rejeta le recours, s’exprimant en ces termes :

(traduction)

« Il n’est pas nécessaire, avant de se prononcer, d’effectuer une visite des lieux de l’aile psychiatrique de la prison de Merksplas.

Il ressort du dossier et des débats que l’état de l’interné ne s’est pas suffisamment amélioré et que les conditions en vue d’un reclassement ne sont pas remplies. (...)

La Commission ne peut pas ordonner le transfèrement immédiat de l’interné vers un établissement psychiatrique sans la soumission d’une attestation d’admission de l’intéressé dans un tel établissement

La prolongation de l’internement d’un interné ne remplissant pas les conditions pour sa libération n’emporte pas violation de l’article 5 § 1 de la Convention. »

19. Le requérant se pourvut en cassation contre cette décision. Il se plaignait que la CSDS n’avait pas ordonné son transfèrement dans un établissement approprié à sa problématique en vue d’assurer qu’un lien soit maintenu entre le but de sa détention et les conditions dans lesquelles elle avait lieu conformément à la jurisprudence de la Cour. Il invoquait également les articles 6 § 1 et 13 de la Convention alléguant qu’en raison du refus d’effectuer une visite du lieu de détention, il était dans l’impossibilité de démontrer que l’aile psychiatrique de Merksplas était un lieu inapproprié à sa détention.

20. Le 9 juin 2009, la Cour de cassation rejeta le pourvoi introduit par le requérant. Se référant notamment à l’article 14 de la loi de la loi de défense sociale en vertu duquel l’internement a lieu dans un endroit désigné par les instances de défense sociale, la Cour jugea que la décision relative au transfèrement d’un interné dans un établissement psychiatrique privé était une modalité d’exécution de l’internement qui n’était pas susceptible d’un pourvoi en cassation. Par conséquent, dans la mesure où le grief du requérant était dirigé contre la décision rendue sur sa demande tendant à un transfèrement immédiat dans une telle structure, son moyen n’était pas recevable.

21. Deux rapports établis par les services pénitentiaires en 2011 constatèrent qu’il y avait très peu d’évolution dans le dossier du requérant, qu’il ne demandait presque jamais d’entretien et restait superficiel dans ses contacts. Il devait être considéré comme représentant toujours un très grand risque pour la société. Les auteurs des rapports soulignaient qu’un tel profil ne pouvait être traité qu’au sein d’un établissement hautement sécurisé « comme il n’en existe pas encore ».

22. D’après un bilan des soins figurant en annexe d’un rapport établi le 21 décembre 2007 par le service psycho-social, le requérant bénéficia au sein de la prison, entre octobre 2005 et avril 2008, de dix-neuf entretiens avec un psychologue et de quatre consultations auprès d’un psychiatre.

II. LA SITUATION EN DROIT ET EN PRATIQUE EN MATIÈRE D’INTERNEMENT EN BELGIQUE

23. Les dispositions légales applicables et la description des structures d’internement en Belgique en général figurent dans l’arrêt Van Meroye c. Belgique (no 330/09, §§ 36 à 60, 9 janvier 2014).

24. La Cour a récemment rendu quatre arrêts de principe concernant la régularité de l’internement en Belgique de personnes délinquantes souffrant de troubles mentaux au sein d’ailes psychiatriques de prisons ordinaires. Les extraits pertinents de documents internes et internationaux relatifs aux problèmes structurels rencontrés en Belgique dans ce domaine figurent dans ces arrêts (L.B. c. Belgique, no 22831/08, §§ 72-74, 2 octobre 2012, Claes c. Belgique, no 43418/09, §§ 42-69 et 70-72, 10 janvier 2013, Dufoort c. Belgique, no 43653/09, §§ 37-62 et 63-65, 10 janvier 2013, et Swennen c. Belgique, no 53448/10, §§ 29-53 et 54-56, 10 janvier 2013).

EN DROIT

I. SUR LES EXCEPTIONS D’IRRECEVABILITÉ SOULEVÉES PAR LE GOUVERNEMENT

25. La Cour note que le Gouvernement soulève la même exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes que dans l’affaire Claes précitée (§§ 73 à 75). Alors que le Gouvernement fait valoir que le requérant a omis de faire usage de la voie judiciaire, seule voie de recours effective, selon lui, pour statuer sur les conditions de détention, le requérant soutient qu’il a donné, conformément aux exigences de l’article 35 § 1 de la Convention, l’opportunité aux instances internes de constater et de redresser les griefs qu’il tire de l’article 5 de la Convention (§ 76).

26. La Cour constate qu’à la différence de l’affaire Claes dans laquelle la procédure en référé n’était pas terminée, en l’espèce, le requérant n’a pas saisi le juge judiciaire et a porté son grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention uniquement devant les instances de défense sociale.

27. La Cour rappelle que l’article 35 § 1 de la Convention n’exige l’épuisement que des recours accessibles, adéquats et relatifs aux violations incriminées (Okkali c. Turquie, no 52067/99, § 57, CEDH 2006-XII, et Nada c. Suisse [GC], no 10593/08, § 140, CEDH 2012). De surcroît, un requérant qui a utilisé une voie de droit apparemment effective et suffisante ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir essayé d’en utiliser d’autres qui étaient disponibles mais ne présentaient guère plus de chances de succès (voir, par exemple, Aquilina c. Malte [GC], no 25642/94, § 39, CEDH 1999‑III, Okkali, précité, § 60, et Nada, précité, § 142).

28. Elle rappelle également avoir constaté dans l’affaire Claes précitée (§ 79) que les internés, qu’ils saisissent les instances sociales ou le juge judiciaire, poursuivent le même but qui est de dénoncer le caractère inapproprié de la détention en aile psychiatrique et de faire condamner l’État à trouver une solution adaptée. Elle avait aussi relevé que tant les instances de défense sociale que le juge judiciaire pouvaient, en principe, mettre fin à la situation que les internés dénonçaient.

29. En l’espèce, le requérant a mené à terme la procédure devant les organes compétents en vertu de la loi de défense sociale pour contrôler la légalité de l’internement et ordonner, s’il y avait lieu, la mise en liberté ou le transfèrement dans un établissement approprié. Il a introduit un recours contre la décision du 2 mars 2009 de la CDS qui confirmait pour la énième fois son maintien à l’aile psychiatrique de la prison de Merksplas. Invoquant une violation de l’article 5 § 1 de la Convention, il dénonçait le caractère inapproprié du lieu et des conditions de détention, sollicitait une visite des lieux pour en établir la réalité à son endroit et demandait d’être placé dans un établissement adapté à sa problématique sexuelle. L’instance d’appel, la CSDS, rejeta son recours par une décision du 26 mars 2009. Le pourvoi en cassation formé par le requérant contre cette décision fut rejeté le 9 juin 2009.

30. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime qu’il ne saurait être reproché au requérant de ne pas avoir, en plus, épuisé le recours devant les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire. Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’exception de non-épuisement soulevée par le Gouvernement.

31. Le Gouvernement est d’avis que la requête doit, de toute façon, être rejetée pour défaut manifeste de fondement du fait que le requérant a omis d’apporter des preuves concrètes étayant l’absence alléguée de soins et les effets sur sa situation personnelle.

32. Le requérant fait valoir qu’il se plaint précisément de l’absence de soins adaptés à sa pathologie telle qu’elle a été diagnostiquée. Il soutient avoir fait valoir de manière étayée l’absence de soins et le caractère inapproprié de ses lieux de détention devant les autorités internes et avoir demandé en vain à ce que ces carences soient constatées sur place.

33. La Cour estime que les griefs formulés par le requérant sous l’angle de l’article 5 du fait du caractère inapproprié de son lieu de détention posent des questions qui ne peuvent être tranchées qu’après un examen au fond de cette partie de la requête ; il s’ensuit qu’elle n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention.

34. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’ayant été relevé, il y a lieu en conséquence de déclarer la requête recevable.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION

35. Le requérant se plaint d’être privé de sa liberté en violation de l’article 5 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(...)

e) s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond. »

A. Thèses des parties

36. Le requérant explique être une victime, parmi d’autres, d’un problème structurel en Belgique qui consiste à maintenir en détention ad vitam dans les ailes psychiatriques de prisons ordinaires des personnes délinquantes souffrant de troubles mentaux sans leur offrir une prise en charge thérapeutique appropriée. Il expose cet argument de la même manière et s’appuie sur les mêmes données que les requérants dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts de principe précités (L.B., § 85, Claes, § 105, Dufoort, § 70, et Swennen, § 62).

37. Le Gouvernement développe un argumentaire comparable à celui qui était le sien dans ces affaires (ibidem, §§ 80-83, §§ 107 à 109, §§ 71 à 73, et §§ 64 à 66, respectivement) et qui peut se résumer comme suit. La présente affaire se distingue des affaires Aerts c. Belgique (30 juillet 1998, § 28, Recueil 1998-V) et Morsink c. Pays-Bas (no 48865/99, 11 mai 2004) du fait que la CDS n’a désigné aucun autre établissement pour la détention du requérant. Le requérant a bénéficié à la prison de Merksplas d’un encadrement psychologique et psychiatrique adéquat. Le Gouvernement est d’avis que le maintien du requérant à Merksplas est à ce stade la seule solution vu la gravité de la problématique sexuelle et des troubles de la personnalité du requérant, l’absence d’amélioration, le risque élevé de récidive, le danger qu’il représente et l’inexistence de traitements adaptés à son état.

B. Appréciation de la Cour

1. Principes généraux

38. La Cour a rappelé dans les quatre arrêts précités les principes généraux qui se dégagent de sa jurisprudence relative à l’article 5 § 1 et qui lui permettent d’évaluer la régularité de la privation de liberté et du maintien en détention d’une personne atteinte de troubles mentaux (L.B., §§ 91 à 94, Claes, §§ 112 à 115, Dufoort, §§ 76, 77 et 79, et Swennen, §§ 69 à 72 et les références qui y sont citées).

2. Application des principes en l’espèce

39. La Cour observe que l’internement du requérant a été ordonné par la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles par ordonnance du 16 juillet 2003, prise en application des articles 1er à 7 de la loi de défense sociale, pour faits de vol et de viols. Cette ordonnance fut confirmée par un arrêt du 28 octobre 2003 de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles. En l’absence de « condamnation », la Cour estime que la détention subie par l’intéressé relève de l’article 5 § 1 e) de la Convention pour autant qu’il concerne la détention des aliénés.

40. La Cour note qu’il n’est pas contesté que l’internement du requérant a été décidé « selon les voies légales » au sens de l’article 5 § 1 de la Convention.

41. Rien ne permet, par ailleurs, à la Cour de douter que les conditions énoncées dans sa jurisprudence relative à l’article 5 § 1 e) (Winterwerp c. Pays-Bas, 24 octobre 1979, § 39, série A no 33) pour qualifier le requérant d’« aliéné » et maintenir sa privation de liberté sont réunies en l’espèce. Il est attesté médicalement depuis 2003 que le requérant est un psychopathe souffrant de sévères troubles de la personnalité et qu’il présente un danger important pour la société. Plusieurs avis psychiatriques vinrent confirmer ce diagnostic et constatèrent l’absence d’évolution.

42. La Cour doit donc examiner si, conformément à sa jurisprudence, la détention du requérant au sein de l’aile psychiatrique de la prison de Merksplas de façon continue depuis 2003 l’a été dans un établissement approprié.

43. Le Gouvernement fait valoir que le requérant, à la différence notamment du requérant dans l’affaire Aerts précitée, a toujours été interné dans un lieu que la CDS a considéré comme approprié et qu’aucun autre établissement n’a été désigné.

44. La Cour observe que le profil du requérant présente des similitudes avec celui des requérants dans les affaires De Schepper c. Belgique (no 27428/07, 13 octobre 2009) et Swennen, précitée. Dans les trois affaires, les intéressés sont des délinquants sexuels souffrant de graves troubles de la personnalité et présentant un danger important pour la société. Toutefois, à la différence de la situation qui se présentait dans ces deux autres affaires, il ressort des faits de l’espèce que les autorités n’ont effectué aucune démarche en vue de trouver une autre structure. Seul le requérant a pris, en vain, contact avec des établissements spécialisés dans le traitement des délinquants sexuels.

45. La Cour ne saurait en déduire pour autant, comme le fait le Gouvernement, que le requérant est interné dans un endroit approprié. Elle constate que les professionnels qui ont suivi le requérant ont reconnu que seul le placement dans une structure psychiatrique hautement sécurisée serait la solution adéquate. La CDS, également, a motivé ses nombreuses décisions de maintien en aile psychiatrique « dans l’attente de l’attestation d’une admission dans un établissement psychiatrique hautement sécurisé ». Cela signifie, aux yeux de la Cour, que le placement à Merksplas est conçu par la CDS elle-même comme une solution « transitoire » dans l’attente de trouver une structure appropriée et adaptée à ses besoins, ce qui, implicitement, souligne l’inadéquation du maintien du requérant en milieu carcéral.

46. La circonstance qu’aucun autre établissement n’ait été désigné par la CDS résulte en réalité, ainsi qu’un rapport établi en 2011 par le service psycho-social le souligne (paragraphe 21, ci-dessus), de l’absence à ce jour d’établissement de défense sociale susceptible d’accueillir une personne au profil à haut risque comme le requérant. Il s’avère donc, comme la Cour l’a constaté dans les autres affaires précitées, que l’internement du requérant s’est prolongé en milieu carcéral à défaut pour les autorités belges d’alternative (voir, notamment, Swennen, précité, § 75).

47. La Cour accueille positivement les efforts en cours pour augmenter la capacité du circuit de psychiatrie légale en Flandre et la construction de deux centres psychiatriques hautement sécurisés (idem, § 44). Toutefois, il s’agit là de projets qui ne sont pas encore opérationnels.

48. Le Gouvernement soutient qu’au sein de l’aile psychiatrique de Merksplas, le requérant a toujours bénéficié de l’encadrement adéquat mais qu’il n’y a pas de véritable solution thérapeutique pour lui.

49. La Cour relève d’après les informations figurant dans le dossier que le requérant n’a effectivement bénéficié que d’un très petit nombre de consultations avec un psychologue et que même la pré-thérapie, qui avait été entamée, n’a apparemment pas été poursuivie.

50. Sachant, comme elle l’a relevé ci-dessus, qu’il n’existait de toute façon pas d’établissement susceptible d’accueillir le requérant, la Cour n’aperçoit pas ce qui distingue, sous l’angle de l’article 5 § 1 de la Convention, sa situation de celle des requérants dans les affaires ayant donné lieu aux quatre arrêts de principe précités. Dans ces arrêts, la Cour a, en effet, relevé qu’il y avait un problème structurel en Belgique dans la prise en charge des personnes délinquantes souffrant de troubles mentaux. Nombre d’entre elles sont maintenues dans des ailes psychiatriques de prisons ordinaires dans l’attente de trouver une place dans une structure extérieure leur offrant des soins thérapeutiques pouvant contribuer à l’amélioration de leur état de santé et à une réintégration fructueuse dans la vie sociale. Ce problème est reconnu par les autorités belges et plusieurs instances internationales ont, de manière récurrente, exprimé leur préoccupation à ce sujet (L.B., § 95, Claes, § 116, Dufoort, § 81, et Swennen, § 81).

51. La Cour rappelle que dans l’affaire L.B., elle a conclu à la violation de l’article 5 § 1 de la Convention au motif que la détention du requérant, déclaré pénalement irresponsable de ses actes, pendant sept ans dans une aile psychiatrique de prison reconnue comme étant inadaptée à ses besoins, avait eu pour effet de rompre le lien entre le but de la détention et les conditions dans lesquelles elle a eu lieu (§§ 101 et 102). La Cour est parvenue à la même conclusion dans les affaires Claes (§§ 120 et 121), Dufoort (§§ 90 et 91) et Swennen (§§ 82 et 83).

52. Aucun élément du dossier du requérant ni de l’argumentation du Gouvernement ne permet à la Cour de parvenir à une conclusion différente en l’espèce.

53. En conclusion, la Cour considère que l’internement du requérant dans un lieu inadapté à son état de santé a rompu le lien requis par l’article 5 § 1 e) entre le but de la détention et les conditions dans lesquelles elle a lieu.

54. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION

55. Le requérant dénonce une violation de l’article 6 § 1 de la Convention combiné avec l’article 13 de la Convention. Il soutient qu’il n’a pas bénéficié d’un recours effectif ni des garanties d’une procédure équitable pour faire valoir le caractère inapproprié de son lieu de détention.

56. Pour les mêmes raisons que celles exposées dans ses arrêts Claes (§ 123) et Dufoort précités (§ 92), la Cour considère que les griefs que soulève le requérant doivent être examinés sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention, ainsi formulé :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

A. Thèses des parties

57. Le requérant se plaint que, en dépit du caractère notoire du défaut de soins dans les ailes psychiatriques en général et à l’aile psychiatrique de Merksplas en particulier et des éléments qu’il a portés à ce sujet à l’attention des instances de défense sociale, l’organe de recours n’a pas considéré qu’il s’agissait d’un commencement de preuve et n’a effectué aucune démarche en vue d’établir la réalité des faits à son endroit. En refusant d’effectuer une visite de son lieu d’internement, la CSDS a privé le requérant de sa seule possibilité légale dont il disposait pour que le caractère approprié de ce lieu soit évalué in concreto et discuté contradictoirement. Le requérant se plaint en outre qu’il n’est pas possible pour les avocats des internés de prendre copie des dossiers d’internement de leurs clients, ce qui porte également atteinte à leur droit à une procédure contradictoire.

58. En particulier, le requérant fait valoir que les demandes de visite des lieux de détention formulées devant les instances de défense sociale sont systématiquement rejetées dans des termes standards, à savoir que les intéressés bénéficient des soins appropriés et que le lieu de détention est « bien connu » de la CDS. Le requérant souligne qu’à sa connaissance, une seule visite a été ordonnée qui concernait la prison de Merksplas. Il reconnaît que ces fins de non-recevoir s’inscrivent dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a précisé que la loi de défense sociale ne prévoyait la visite des lieux de détention que dans le but que la CDS se tienne informée de l’état de l’interné en vue d’une éventuelle mise en liberté. Elle ne vise pas le contrôle des conditions de détention de l’interné et n’accorde pas à l’interné ou à son conseil le droit de requérir une telle visite.

59. Le Gouvernement soutient que la voie la plus évidente permettant aux internés de se plaindre de leurs conditions de détention est la procédure devant le juge des référés que le requérant n’a pas utilisée. Cette voie peut s’avérer effective pour les internés qui peuvent obtenir du juge qu’il ordonne aux autorités d’exécuter les décisions de la CDS ou, à tout le moins, les oblige à leur donner l’accompagnement nécessaire. Un arrêt de la cour d’appel de Gand du 26 mai 2005 en atteste (Claes précité, §§ 73 et 125, et Dufoort précité, § 95). En tout état de cause, le Gouvernement estime que le requérant a eu accès au « juge » conformément à l’article 5 § 4 pour se plaindre de la légalité de sa détention et par conséquent des conditions dans lesquelles il se trouve. La régularité de sa détention a été périodiquement examinée par la CDS, seule compétente pour décider du lieu d’internement, qui aurait pu ordonner une visite des lieux si elle l’avait estimé nécessaire. Si elle n’a pas donné suite à la demande du requérant, c’est qu’elle connaissait la situation à Merksplas.

B. Appréciation de la Cour

60. La Cour rappelle que, dans les affaires Claes et Dufoort précitées, elle a résumé les principes généraux relatifs à l’article 5 § 4 de la Convention en ce qu’il s’applique en cas d’internement de personnes souffrant de troubles mentaux (§§ 126 à 129 et §§ 97 à 101, respectivement). Elle y renvoie pour les besoins de la présente affaire.

61. La Cour a ensuite examiné les voies de recours dont disposaient les requérants pour établir la réalité de leurs conditions de détention et le caractère inapproprié des ailes psychiatriques. Elle considéra que la portée limitée des compétences des instances de défense sociale avait eu pour effet de priver les requérants d’un contrôle assez ample pour s’étendre à l’une des conditions indispensables à la « légalité » de sa détention au sens de l’article 5 § 1 e), à savoir le caractère approprié du lieu de détention (Claes, §§ 133 et 134, et Dufoort, §§ 106 et 107). Dans ces affaires, la Cour examina également l’autre voie utilisée par les requérants – la saisine du juge judiciaire dans le cadre d’une demande en référé – pour évaluer s’ils avaient eu accès à un recours conforme à l’article 5 § 4. Dans la première affaire, la Cour considéra que cette voie de recours ne s’était pas avérée utile pour le requérant puisqu’il s’était vu débouter de son action pour incompétence, et elle conclut à une violation de l’article 5 § 4. Dans la deuxième, la Cour estima ne pas disposer de suffisamment d’éléments pour considérer que la procédure en référé n’était pas un recours conforme à cette disposition.

62. En l’espèce, la Cour observe qu’à la différence de ces affaires, le requérant a porté son grief tiré de la violation de l’article 5 § 1 de la Convention devant les seules instances de défense sociale et n’a pas entamé de procédure devant le juge judiciaire. La question dont est saisie la Cour dans la présente affaire concerne donc uniquement la procédure devant les instances de défense sociale en tant que mécanisme de protection contre les détentions arbitraires ou irrégulières.

63. La Cour observe que, par sa décision du 2 mars 2009, la CDS a refusé de faire suite à la demande du requérant d’effectuer une visite de son lieu de détention. Cette décision fut confirmée par la CSDS le 25 mars 2009 au motif qu’elle n’avait pas besoin d’une telle visite pour se prononcer. La CSDS a ensuite constaté que les conditions en vue d’un reclassement du requérant n’étaient pas remplies et précisa qu’elle ne pouvait ordonner le transfèrement immédiat de l’intéressé vers un établissement psychiatrique adapté sans disposer d’une attestation d’admission au sein d’une telle structure.

64. Dans son pourvoi en cassation, le requérant se plaignit que la CSDS n’avait pas ordonné son transfèrement dans un établissement approprié à sa problématique et que le refus d’effectuer une visite le mettait dans l’impossibilité d’ouvrir le débat sur les conditions de détention et de démontrer que l’aile psychiatrique était un lieu inapproprié à sa détention au sens de l’article 5 § 1 de la Convention. La Cour de cassation, par son arrêt du 9 juin 2009, rejeta le pourvoi formé par le requérant au motif que la décision relative au transfèrement d’un interné dans un établissement psychiatrique privé était une modalité d’exécution de l’internement qui n’était pas susceptible d’un pourvoi en cassation et que dans la mesure où le requérant critiquait la décision sur sa demande tendant à son transfèrement immédiat dans une telle structure, son moyen n’était pas recevable.

65. Aux yeux de la Cour, ces décisions révèlent l’impasse dans laquelle se trouvait le requérant. En effet, si, comme le rappelle la Cour de cassation, la loi de défense sociale (paragraphe 26, ci-dessus) investit les instances de défense sociale de la compétence exclusive d’ordonner le transfèrement dans un autre établissement, elle ne leur accorde en revanche pas la compétence d’imposer à des établissements extérieurs d’accepter un interné. L’exercice de ladite compétence était donc tributaire de l’admission du requérant dans un des établissements spécialisés contactés par le requérant qui avaient toutefois tous refusé sa prise en charge.

66. Comme elle l’avait déjà constaté dans les affaires Claes et Dufoort précitées (paragraphe 61, ci-dessus), il en résulte, selon la Cour, un sérieux problème en ce qui concerne l’effectivité des recours devant les instances de défense sociale. Ce dernier était en effet empêché de facto d’effectuer un contrôle assez ample pour s’étendre à l’une des conditions indispensables à la « légalité » de sa détention au sens de l’article 5 § 1 e), à savoir le caractère approprié du lieu de détention, et de jure de redresser la violation alléguée par le requérant.

67. Eu égard à ce qui précède, la Cour n’estime pas nécessaire de se prononcer sur l’impact qu’aurait eu, en l’espèce, l’impossibilité alléguée par le requérant d’obtenir copie, par l’intermédiaire de son représentant, de son dossier d’internement.

68. La Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

69. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

70. Le requérant réclame 143 100 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de sa détention dans des conditions inappropriées. Pour parvenir à ce montant, il s’inspire du montant de l’indemnité journalière pour détention inopérante rapportée à 2 862 jours de détention.

71. Le Gouvernement est d’avis que la comparaison avec la détention préventive inopérante n’est pas pertinente, le requérant ayant fait l’objet d’une détention régulière d’internement. Pour le reste, il s’en remet à la sagesse de la Cour.

72. La Cour estime que le requérant a subi un préjudice moral certain en raison de son maintien en détention dans un établissement inapproprié. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle lui octroie 15 000 EUR au titre du préjudice moral.

73. De plus, la Cour est d’avis qu’en l’espèce, le transfèrement du requérant dans un établissement approprié à ses besoins constitue la manière adéquate de redresser la violation constatée.

B. Intérêts moratoires

74. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;

4. Dit,

a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 15 000 EUR (quinze mille euros) plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 janvier 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Claudia WesterdiekMark Villiger
GreffièrePrésident


Synthèse
Formation : Cour (cinquiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-140049
Date de la décision : 09/01/2014
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-1-e - Aliéné);Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-4 - Contrôle de la légalité de la détention)

Parties
Demandeurs : GELAUDE
Défendeurs : BELGIQUE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : VERPOORTEN P.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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