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19/12/2013 | CEDH | N°001-139486

CEDH | CEDH, AFFAIRE GALANOPOULOS c. GRÈCE, 2013, 001-139486


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE GALANOPOULOS c. GRÈCE

(Requête no 11949/09)

ARRÊT

STRASBOURG

19 décembre 2013

DÉFINITIF

19/03/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Galanopoulos c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandr

e Sicilianos,
Erik Møse,
Ksenija Turković,
Dmitry Dedov, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du ...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE GALANOPOULOS c. GRÈCE

(Requête no 11949/09)

ARRÊT

STRASBOURG

19 décembre 2013

DÉFINITIF

19/03/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Galanopoulos c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse,
Ksenija Turković,
Dmitry Dedov, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 décembre 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 11949/09) dirigée contre la République hellénique par un ressortissant de cet Etat, M. Nikolaos Galanopoulos (« le requérant ») qui a saisi la Cour le 5 mai 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me I. Ktistakis, avocat au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les déléguées de son agent, Mmes K. Paraskevopoulou, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, et Z. Hatzipavlou, auditrice auprès du Conseil juridique de l’Etat.

3. Le requérant se plaignait en particulier de l’inexécution de certains arrêts de justice rendus par le Conseil d’Etat.

4. Le 2 juillet 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

A. Les procédures judiciaires afférentes à la non-inclusion du requérant sur la liste des agents promus au grade de Ministre plénipotentiaire

5. Le requérant, né en 1946, était agent diplomatique depuis 1979. En 1993, il fut promu au grade de Conseiller des affaires étrangères, échelon A. En 1999 et 2001, suite à l’examen de son dossier, il n’a pas été promu, malgré son ancienneté, au grade de Ministre plénipotentiaire, échelon B.

1. La première procédure devant le Conseil d’Etat

6. Le 14 janvier 2002, le requérant saisit le Conseil d’Etat d’un recours en annulation contre les actes administratifs de 2001 sur la base desquels sa promotion au grade de Ministre plénipotentiaire n’avait pas été entérinée par l’administration. Le 14 juillet 2003, le Conseil d’Etat annula les actes administratifs attaqués. La haute juridiction administrative admit, notamment, que les fiches d’évaluation sur lesquelles l’opinion de l’administration s’était fondée étaient obsolètes et que la référence à d’autres fiches d’évaluation était vague. De plus, le Conseil d’Etat jugea que les promotions précédentes de l’intéressé aux grades de Conseiller des affaires étrangères, échelons A et B sur la base de l’ancienneté, sans existence d’autres éléments négatifs, ne constituaient pas de fondement suffisant pour ne pas l’inclure dans la liste des agents promus. Ledit tribunal renvoya l’affaire à l’administration pour un nouvel examen (arrêt no 2023/2003). La procédure subséquente est détaillée ci-après (voir paragraphes 12 et s. ci-dessous).

2. La deuxième procédure devant le Conseil d’Etat

7. En 2003, l’administration n’a pas inclus le requérant dans la liste des agents diplomatiques promus au grade de Ministre plénipotentiaire. Le 29 mai 2003, le requérant saisit le Conseil d’Etat d’un recours en annulation contre les actes administratifs sur la base desquels sa promotion au grade de Ministre plénipotentiaire n’avait pas été entérinée par l’administration. Le 13 janvier 2005, le Conseil d’Etat annula les actes administratifs y afférents. En particulier, la haute juridiction administrative admit que les fiches d’évaluation sur lesquelles l’opinion de l’administration s’était fondée étaient obsolètes et que la référence à d’autres fiches d’évaluation était vague. De plus, le Conseil d’Etat jugea que les promotions précédentes de l’intéressé aux grades de Conseiller des affaires étrangères, échelons A et B sur la base de l’ancienneté, sans existence d’autres éléments négatifs, ne constituaient pas de fondement suffisant pour ne pas l’inclure dans la liste des agents promus. Ledit tribunal renvoya l’affaire à l’administration pour un nouvel examen (arrêt no 73/2005).

3. La troisième procédure devant le Conseil d’Etat

8. En 2004, l’administration n’avait toujours pas inclus le requérant dans la liste des agents diplomatiques promus au grade de Ministre plénipotentiaire. Le 24 novembre 2004, le requérant saisit le Conseil d’Etat d’un nouveau recours en annulation contre les actes administratifs sur la base desquels sa promotion au grade de Ministre plénipotentiaire n’avait pas été entérinée par l’administration. Le 30 novembre 2006, le Conseil d’Etat annula les actes administratifs en cause. Il jugea que les fiches d’évaluation sur lesquelles l’opinion de l’administration s’était fondée étaient obsolètes et que la référence à d’autres fiches d’évaluation était vague. De plus, le Conseil d’Etat jugea que les promotions précédentes de l’intéressé aux grades de Conseiller des affaires étrangères, échelons A et B sur la base de l’ancienneté, sans existence d’autres éléments négatifs, ne constituaient pas de fondement suffisant, comme l’avait estimé l’administration, pour ne pas l’inclure dans la liste des agents promus. Ledit tribunal renvoya l’affaire à l’administration pour un nouvel examen (arrêt no 3554/2006).

4. La quatrième procédure devant le Conseil d’Etat

9. En 2005, le requérant, une fois de plus, n’a pas été inclus dans la liste des agents diplomatiques promus au grade de Ministre plénipotentiaire. Le 20 mars 2006, il saisit le Conseil d’Etat d’un recours en annulation contre les actes administratifs sur la base desquels sa promotion au grade de Ministre plénipotentiaire n’avait pas été entérinée par l’administration. Le 30 novembre 2006, le Conseil d’Etat annula les actes administratifs en cause. Il jugea que les fiches d’évaluation sur lesquelles l’opinion de l’administration s’était fondée étaient obsolètes et que la référence à d’autres fiches d’évaluation était vague. De plus, le Conseil d’Etat jugea que certains éléments retenus par l’administration ainsi que les promotions précédentes de l’intéressé aux grades de Conseiller des affaires étrangères, échelons A et B sur la base de l’ancienneté, sans existence d’autres éléments négatifs, ne constituaient pas de fondement suffisant pour ne pas l’inclure dans la liste des agents promus. Ledit tribunal renvoya l’affaire à l’administration pour un nouvel examen (arrêt no 3555/2006).

5. La cinquième procédure devant le Conseil d’Etat

10. En 2006, le requérant, une nouvelle fois, n’a pas été inclus dans la liste des agents diplomatiques promus au grade de Ministre plénipotentiaire. Le 13 novembre 2006, il saisit le Conseil d’Etat d’un recours en annulation contre les actes administratifs sur la base desquels sa promotion au grade de Ministre plénipotentiaire n’avait pas été entérinée par l’administration. Le 11 août 2008, le Conseil d’Etat annula les actes administratifs en cause. Il jugea que les fiches d’évaluation sur lesquelles l’opinion de l’administration s’était fondée étaient obsolètes et que certaines références aux aptitudes professionnelles du requérant contenues dans d’autres fiches d’évaluations ne suffisaient pas à elles seules à justifier son exclusion de la promotion en cause. De plus, le Conseil d’Etat jugea que le fait que les promotions précédentes de l’intéressé aux grades de Conseiller des affaires étrangères, échelons A et B avaient eu lieu sur la base de l’ancienneté ne constituait pas de fondement suffisant, comme le soutenait l’administration, pour le refus de l’inclure dans la liste des agents promus. Ledit tribunal renvoya l’affaire à l’administration pour un nouvel examen (arrêt no 2307/2008).

6. La sixième procédure devant le Conseil d’Etat

11. En 2007, le requérant n’a pas été inclus dans la liste des agents diplomatiques promus au grade de Ministre plénipotentiaire. A une date non précisée, il saisit la juridiction compétente d’un recours en annulation contre les actes administratifs sur la base desquels sa promotion au grade de Ministre plénipotentiaire n’avait pas été entérinée par l’administration. Il ressort du dossier que ce recours est toujours pendant.

B. Procédures judiciaires afférentes à l’exécution des arrêts précités du Conseil d’Etat

1. La procédure d’exécution de l’arrêt no 2023/2003

12. En l’absence de toute mesure d’exécution de l’arrêt no 2023/2003, le requérant saisit, le 26 février 2006, le conseil de trois membres constitué au sein du Conseil d’Etat, chargé de contrôler la bonne exécution de ses arrêts. Il affirma que l’administration ne s’était pas conformée à l’arrêt no 2023/2003 du Conseil d’Etat.

13. Le 7 septembre 2006, l’administration se prononça, suite à l’arrêt no 2023/2003 du Conseil d’Etat, contre la promotion du requérant au grade sollicité. Le 29 décembre 2006, le conseil de trois membres constitué au sein du Conseil d’Etat, estima que l’administration s’était conformée à l’arrêt no 2023/2003, puisque le Conseil des Ministres n’avait certes pas promu le requérant mais avait, néanmoins, retenu des motifs différents de ceux dans les décisions administratives adoptées en 1999 et 2001.

14. Le 13 novembre 2007, le requérant saisit de nouveau le Conseil d’Etat d’un recours en annulation contre le refus de l’administration du 7 septembre 2006 de le promouvoir au grade sollicité. Le 11 août 2008, le Conseil d’Etat fit droit à son recours. Il considéra que la décision datée du 7 septembre 2006 du Conseil des Ministres n’était pas suffisamment motivée. En effet, le Conseil d’Etat admit que les fiches d’évaluation sur lesquelles l’opinion de l’administration s’était fondée étaient obsolètes et qu’une déclaration du requérant contenue dans l’une de ces fiches d’évaluation ne suffisait pas à elle seule à justifier son exclusion de la promotion en cause. De plus, le Conseil d’Etat jugea que le fait que les promotions précédentes de l’intéressé aux grades de Conseiller des affaires étrangères, échelons B et A avaient eu lieu sur la base de l’ancienneté ne constituait pas un fondement suffisant, comme le soutenait l’administration, pour refuser de l’inclure dans la liste des agents promus. Ledit tribunal renvoya l’affaire à l’administration pour un nouvel examen (arrêt no 2308/2008).

15. Le 13 avril 2009, l’administration se prononça, suite à l’arrêt no 2308/2008, contre la promotion du requérant au grade sollicité. Le 16 juillet 2009, le requérant se pourvut contre cette décision. Le 17 mars 2011, le Conseil d’Etat fit droit à son recours. Il releva que l’administration s’était fondée sur des fiches d’évaluation déjà considérées par l’arrêt no 2308/2008 comme insuffisantes pour évaluer les aptitudes professionnelles du requérant. De plus, le Conseil d’Etat considéra que les autres éléments sur lesquels l’administration s’était fondée pour rejeter la demande du requérant soit ne constituaient pas des qualifications négatives, soit n’étaient pas pertinents pour son appréciation. Le Conseil d’Etat rappela que, selon sa jurisprudence, lorsque l’administration se trouve dans l’impossibilité de motiver suffisamment ses décisions relatives à l’appréciation professionnelle de l’intéressé et au refus conséquent de le promouvoir, elle dépasse les limites de son pouvoir d’appréciation. Dans ce cas, la haute juridiction administrative se reconnaît la possibilité non seulement d’annuler une nouvelle fois l’acte contesté, mais aussi d’ordonner à l’administration de promouvoir l’intéressé au poste sollicité.

16. Sur la base de cette constatation, le Conseil d’Etat rappela que, s’agissant de la procédure afférente à la promotion du requérant ayant commencé en 2001, il s’était déjà prononcé par ses arrêts nos 2023/2003 et 2308/2008 en considérant que l’administration n’avait pas suffisamment motivé ses décisions de ne pas le promouvoir. Il releva qu’en se trouvant dans l’impossibilité pour la troisième fois de motiver de manière suffisante ses décisions, l’administration avait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. La haute juridiction administrative annula la décision attaquée et renvoya l’affaire à l’autorité compétente pour promouvoir rétroactivement le requérant au poste sollicité (arrêt no 858/2011).

17. En vertu du décret présidentiel daté du 20 mai 2011, le requérant fut promu rétroactivement au grade de Ministre plénipotentiaire, échelon B, à compter du 24 septembre 2001. En vertu du décret présidentiel daté du 5 mars 2012, le requérant fut considéré comme en service du 31 mars 2007 au 27 juillet 2011, date à laquelle il fut considéré en retraite. Le 29 janvier 2013, la Comptabilité générale de l’Etat informa le Conseil juridique de l’Etat qu’elle avait pris en compte le changement de statut professionnel du requérant et qu’elle avait l’intention de lui verser sa retraite ajustée à partir du 28 février 2013 (document no 323/29.1.2013). Il ressort du dossier que la retraite ajustée fut en effet versée au requérant à partir de mars 2013.

2. La procédure d’exécution de l’arrêt no 73/2005

18. En l’absence de toute mesure d’exécution de l’arrêt no 73/2005, le 21 décembre 2006, le requérant saisit le conseil de trois membres constitué au sein du Conseil d’Etat chargé de contrôler la bonne exécution de ses arrêts, pour se plaindre du refus de l’administration de réexaminer la question de sa promotion suite à l’arrêt no 73/2005, qui avait renvoyé l’affaire à l’administration. Ledit conseil ajourna à quatre reprises l’examen de sa demande afin d’accorder à l’administration la possibilité de se prononcer sur son cas.

19. Le 12 janvier 2009, l’administration se prononça de nouveau, suite à l’arrêt no 73/2005 du Conseil d’Etat, contre la promotion du requérant au grade sollicité. Le 4 mai 2009, le requérant se pourvut contre la nouvelle décision de l’administration de ne pas le promouvoir. Le 26 mai 2011, l’audience prévue devant le Conseil d’Etat fut ajournée. La suite de l’affaire ne ressort pas du dossier.

3. Les procédures d’exécution des arrêts nos 3554, 3555/2006 et 2307/2008 du Conseil d’Etat

20. Le 13 avril 2009, l’administration refusa, dans le cadre de procédures relatives à l’exécution des arrêts nos 3554-3555/2006 et 2307/2008 du Conseil d’Etat, de se prononcer en faveur de la promotion du requérant. Le 16 juillet 2009, le requérant saisit la haute juridiction administrative de trois recours en annulation. Le 17 mars 2011, par trois arrêts distincts, le Conseil d’Etat annula les actes attaqués. La haute juridiction administrative rappela que par son arrêt no 858/2011 elle avait déjà ordonné à l’administration de promouvoir rétroactivement le requérant au poste pourvu. Elle ajouta que cet arrêt concernait la procédure d’appréciation des aptitudes professionnelles du requérant ayant eu lieu pour la première fois en 2001. Le Conseil d’Etat considéra que, vu sa conclusion dans l’arrêt no 858/2011, toutes les décisions administratives postérieures à 2001 et ayant eu des répercussions négatives sur la question de la promotion du requérant manquaient de base légale. Sur ce fondement, le Conseil d’Etat fit droit aux recours en annulation en cause (arrêts nos 859, 860, 861/2011).

4. L’action en dommages-intérêts engagée par le requérant devant le tribunal administratif d’Athènes

21. Entre-temps, le 21 juillet 2006, le requérant avait saisi le tribunal administratif d’Athènes d’une action en dommages-intérêts contre l’administration pour le dommage matériel et moral subi en raison du refus de l’administration de le promouvoir rétroactivement suite aux arrêts nos 2023/2003 et 73/2005 du Conseil d’Etat.

22. Le 25 février 2009, le tribunal administratif d’Athènes fit partiellement droit à l’action du requérant. Elle considéra que, suite aux arrêts nos 2023/2003 et 73/2005 du Conseil d’Etat, l’administration n’avait pas nécessairement l’obligation de promouvoir le requérant ; toutefois l’administration se trouvait dans l’obligation d’adopter une nouvelle décision au sujet de sa promotion qui devait être suffisamment motivée. D’une part, le tribunal administratif constata que l’administration avait, courant la période litigieuse, adopté plusieurs décisions portant sur la question de la promotion du requérant, qui avaient été par la suite annulées par le Conseil d’Etat. De plus, le tribunal administratif nota que le Conseil d’Etat avait relevé des motifs presque identiques, portant sur ses capacités professionnelles, retenus par l’administration à chaque fois qu’elle émettait un avis négatif à la promotion du requérant. D’autre part, le tribunal administratif constata que depuis 2003, lorsque le Conseil d’Etat avait adopté son arrêt no 2023/2003, jusqu’au 21 juillet 2006, date d’introduction de son action en dommages-intérêts, l’administration n’avait entrepris aucune initiative pour se conformer à l’arrêt précité de la haute juridiction administrative. Le tribunal administratif conclut que cette situation avait lourdement porté atteinte au statut du requérant tant au niveau personnel que professionnel, puisque pendant une longue période il apparaissait dans son milieu professionnel comme n’ayant pas les qualités professionnelles requises. Le tribunal administratif alloua au requérant, sur fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, 60 000 euros au titre du dommage moral subi (décision no 2304/2009).

23. Les 28 décembre 2009 et 15 janvier 2010, tant l’Etat que le requérant interjetèrent respectivement appel. Le 22 décembre 2011, la cour administrative d’appel d’Athènes fit partiellement droit aux appels. Elle considéra que le requérant avait subi un dommage matériel du fait que l’Etat ne l’avait pas promu en temps utile au grade de Ministre plénipotentiaire, échelon B. Après avoir pris en considération que l’administration l’avait finalement promu rétroactivement à ce grade à partir du 24 septembre 2001, la cour administrative d’appel alloua au requérant 19 914,24 euros et 57 476,67 dollars américains à titre de différence de salaires impayés. En outre, en réitérant les considérations du tribunal administratif, la cour administrative d’appel considéra qu’en raison des actes et omissions illégales de l’administration, constatés par l’arrêt no 858/2011 du Conseil d’Etat, le requérant avait subi une grave atteinte à son statut personnel et professionnel. Elle lui alloua 30 000 euros au titre du dommage moral subi (arrêt no 4005/2011).

24. Le 21 septembre 2012, l’organe compétent du Conseil juridique de l’Etat décida de ne pas se pourvoir en cassation contre l’arrêt no 4005/2011 qui devint définitif et exécutoire le 19 octobre 2012. Le 17 décembre 2012, par le biais d’une injonction à payer, le requérant engagea une procédure d’exécution forcée contre l’Etat en vue du paiement des sommes allouées par l’arrêt no 4005/2011, intérêts inclus. Le 21 décembre 2012, le Conseil juridique de l’Etat ordonna, avec notification au représentant du requérant, au service compétent de l’Etat de procéder à l’exécution de l’arrêt no 4005/2011 et de lui verser les sommes dues. Le même jour, l’Etat exerça une opposition contre la procédure d’exécution forcée initiée par le requérant. Il contestait notamment son obligation de payer des intérêts sur les sommes allouées par l’arrêt no 4005/2011. Le 23 décembre 2012, le requérant se désista de l’injonction à payer. Il ressort du dossier que le 9 avril 2013, l’autorité compétente délivra un ordre de paiement au requérant de 103 796,90 euros en exécution de l’arrêt no 4005/2011. Cette somme résulta de l’addition des montants alloués par l’arrêt précité, après reconversion du montant de 57 476,67 dollars en euros et le calcul de 6 % de taux moratoires sur la somme allouée à titre de dommage moral. Le 15 mai 2013, après réduction de la taxe légale, la somme de 91 267,51 fut versée sur le compte bancaire du requérant en exécution de l’arrêt no 4005/2011.

II. LES DROIT ET PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

25. Selon l’article 95 § 5 de la Constitution hellénique, telle que modifiée en avril 2001, « l’administration est obligée de se conformer aux arrêts de justice ».

26. Le 14 novembre 2002, la loi no 3068/2002 sur l’exécution des arrêts de justice par l’administration entra en vigueur (Journal officiel no 274/2002). Cette loi prévoit entre autres que l’administration a l’obligation de se conformer sans retard aux arrêts de justice et de prendre toutes les mesures nécessaires pour exécuter lesdits arrêts (article 1). La loi prévoit la création de conseils de trois membres constitués au sein des hautes juridictions helléniques (Cour Suprême Spéciale, Cour de Cassation, Conseil d’Etat et Cour des comptes), qui sont chargés de contrôler la bonne exécution des arrêts de leurs juridictions respectives par l’administration dans un délai qui ne peut pas dépasser trois mois (à titre exceptionnel, ce délai peut être prorogé une seule fois). Les conseils peuvent notamment désigner un magistrat pour assister l’administration en lui proposant entre autres les mesures appropriées pour se conformer à un arrêt. Si l’administration n’exécute pas un arrêt dans le délai fixé par le conseil, des pénalités lui sont imposées, pénalités qui peuvent être renouvelées tant qu’elle ne s’y conforme pas (article 3). Des mesures disciplinaires peuvent également être prises contre les agents de l’administration à l’origine du défaut d’exécution (article 5). Les dispositions de la loi no 3068/2002 s’appliquent aux arrêts rendus après son entrée en vigueur (article 6).

27. L’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil se lit comme suit :

« L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par les actions ou omissions illégales de ses organes dans l’exercice de la puissance publique, sauf dans le cas où l’action ou l’omission en cause a méconnu une disposition existante dans le but de servir l’intérêt public. La personne fautive est solidairement responsable avec l’Etat, sous réserve des dispositions spéciales sur la responsabilité des ministres. »

28. L’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil établit le concept d’acte dommageable spécial de droit public, créant une responsabilité extracontractuelle de l’Etat. Cette responsabilité résulte d’actes ou omissions illégaux. Les actes concernés peuvent être, non seulement des actes juridiques, mais également des actes matériels de l’administration, y compris des actes non exécutoires en principe. La recevabilité de l’action en réparation est soumise à une condition : la nature illégale de l’acte ou de l’omission. Selon la jurisprudence des tribunaux administratifs, le dépassement des limites du pouvoir discrétionnaire de l’administration ou la méconnaissance des principes généraux de la bonne administration sont susceptibles d’engager sa responsabilité extracontractuelle. La responsabilité extracontractuelle de l’administration est également engagée dans le cas où une charge pesant légalement sur une propriété consiste en un blocage substantiel de celle-ci.

EN DROIT

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 § 1, 8 ET 13 DE LA CONVENTION

29. Le requérant allègue que l’administration ne s’est pas conformée à plusieurs arrêts du Conseil d’Etat ayant annulé des actes administratifs sur la base desquels il n’avait pas été promu au grade sollicité. Il affirme aussi que l’ordre interne grec n’est pas doté d’un recours lui permettant de contraindre l’administration à se conformer aux arrêts du Conseil d’Etat ayant fait droit à ses recours. Il invoque les articles 6 § 1, 8 et 13 de la Convention. La Cour considère que les seules dispositions appropriées en l’espèce sont les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées:

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

A. Sur la recevabilité

30. Le Gouvernement allègue qu’à travers sa jurisprudence le Conseil d’Etat s’est reconnu la possibilité de se substituer à l’administration et d’ordonner la promotion de l’intéressé, lorsqu’elle ne parvient pas à trois reprises à adopter des décisions suffisamment motivées dans une procédure de promotion. En l’occurrence, en vertu de son arrêt no 858/2011, la haute juridiction administrative a renvoyé l’affaire à l’autorité compétente pour promouvoir rétroactivement le requérant au poste sollicité, ce qui s’est produit par le décret présidentiel daté du 20 mai 2011. De surcroît, le Gouvernement relève que le requérant a saisi, en 2006, les juridictions administratives d’une action en dommages-intérêts et que l’arrêt no 4005/2011 de la cour administrative d’appel, après avoir pris en considération que l’administration l’avait finalement promu rétroactivement au grade de Ministre plénipotentiaire, échelon B, lui a alloué 19 914,24 euros et 57 476,67 dollars américains à titre de différence de salaires impayés. Selon le Gouvernement, le requérant n’avait pas dans un premier temps épuisé les voies de recours internes, dans la mesure où les procédures judiciaires en cause étaient pendantes lorsque l’affaire a été communiquée aux parties. En tout état de cause, le Gouvernement soutient que la promotion rétroactive du requérant au grade pourvu suite à l’arrêt no 858/2011 du Conseil d’Etat ainsi que les sommes allouées en vertu de l’arrêt no 4005/2011 de la cour administrative d’appel l’ont pleinement compensé pour le dommage matériel et moral éventuellement subi. Par conséquent, le Gouvernement soutient qu’en l’état actuel des choses, la qualité de « victime » au sens de l’article 34 de la Convention fait défaut au requérant.

31. En outre, le Gouvernement relève qu’en vertu de la loi no 3068/2002, le requérant aurait pu saisir le comité compétent du Conseil d’Etat pour se plaindre de tous les refus de l’administration de se conformer aux arrêts rendus par la haute juridiction administrative et relatifs à sa promotion.

32. Le requérant réfute les thèses du Gouvernement. Il rétorque notamment qu’aucun des recours énoncés ne saurait être considéré comme effectif, puisqu’il n’aurait pas pu aboutir à l’exécution des arrêts précités du Conseil d’Etat exigeant l’adoption par les autorités administratives compétentes de décisions suffisamment motivées dans son cas. En outre, il soutient que les sommes allouées par la cour administrative d’appel ne pouvaient pas compenser tout le dommage moral et matériel subi en raison du refus obstiné de l’administration de se conformer aux arrêts rendus au cas d’espèce par le Conseil d’Etat.

33. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée dans l’article 35 § 1 de la Convention veut qu’avant de saisir un tribunal international, le requérant doit avoir donné à l’Etat responsable la faculté de remédier aux violations alléguées par des moyens internes, en utilisant les ressources judiciaires offertes par la législation nationale pourvu qu’elles se révèlent efficaces et suffisantes (voir, entre autres, Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999–I). En effet, l’article 35 § 1 de la Convention ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues ; il incombe à l’Etat défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (voir, parmi beaucoup d’autres, Rahimi c. Grèce, no 8687/08, § 74, 5 avril 2011). Enfin, celui qui a exercé un recours de nature à remédier directement – et non de façon détournée – à la situation litigieuse n’est pas tenu d’en épuiser d’autres éventuellement ouverts mais à l’efficacité improbable (Manoussakis et autres c. Grèce, 26 septembre 1996, § 33, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV ; Anakomba Yula c. Belgique, no 45413/07, § 22, 10 mars 2009).

34. En ce qui concerne la troisième saisine en série du Conseil d’Etat visant l’absence de promotion en 2001 ainsi que l’action en dommages-intérêts auprès des juridictions administratives et fondée sur l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, la Cour relève que les procédures y afférentes se sont terminées définitivement avec les arrêts nos 858/2011 et 4005/2011 du Conseil d’Etat et de la cour administrative d’appel d’Athènes respectivement. Par conséquent, comme le Gouvernement l’allègue en l’espèce, il y a lieu d’examiner si, au vu de l’issue de ces procédures, le requérant dispose toujours de la qualité de victime au sens de l’article 34 de la Convention. La Cour considère que cette exception du Gouvernement est étroitement liée à la substance du grief énoncé sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention dans la mesure où elle porte précisément sur la question de savoir si les autorités nationales ont satisfait leur obligation d’exécuter dûment les arrêts d’annulation du Conseil d’Etat. Elle décide donc de la joindre au fond.

35. Quant à l’objection tirée du non-épuisement des voies de recours internes faute au requérant d’avoir saisi le conseil de trois membres constitué au sein du Conseil d’Etat et prévu par la loi no 3068/2002, la Cour note que le requérant l’avait en effet saisi à deux reprises avant que les arrêts nos 858/2011 et 4005/2011, précités, ne soient rendus. Vu le résultat des procédures précitées, la Cour considère qu’il aurait été excessif d’exiger du requérant une nouvelle saisine dudit conseil de trois membres. En effet, comme il a été relevé ci-dessus, il revient à la Cour en l’état actuel des choses d’examiner si le requérant dispose toujours la qualité de « victime » au vu des arrêts nos 858/2011 et 4005/2011. Il convient donc de rejeter cette objection du Gouvernement.

36. La Cour constate par ailleurs que les griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève aussi qu’ils ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

37. Le Gouvernement allègue que l’administration n’a fait rien d’autre en l’espèce que d’adopter des actes d’appréciation renouvelés des qualités professionnelles du requérant, à chaque fois que le Conseil d’Etat se prononçait sur ce sujet. Le Gouvernement ajoute que l’administration revenait à chaque fois avec des actes comportant une motivation différente de celle employée par l’acte administratif déjà annulé. Selon le Gouvernement, le fait que cette nouvelle motivation n’a pas été par la suite considérée par la haute juridiction administrative comme suffisante ne saurait en soi mener la Cour à constater une violation de l’article 6 § 1 de la Convention en l’espèce. En outre, le Gouvernement se réfère au cadre législatif en Grèce permettant la bonne exécution par l’administration des arrêts de justice ainsi que l’indemnisation de l’intéressé par les juridictions administratives pour le dommage éventuel subi en raison des retards pour se mettre en conformité avec lesdits arrêts.

38. Le requérant rétorque que l’administration n’a aucunement démontré son intention, sur une très longue période, de se conformer aux différents arrêts du Conseil d’Etat portant sur sa promotion. Il allègue qu’à travers l’adoption de décisions aux motivations insuffisantes, l’administration a, de fait, essayé de contourner la question de sa promotion. En lui imposant de s’adresser à la haute juridiction administrative à répétition et de l’impliquer dans des procédures judiciaires traînant en longueur, l’administration aurait de fait l’intention de l’épuiser d’un point de vue psychologique et matériel pour le forcer à abandonner sa revendication de promotion professionnelle.

2. Appréciation de la Cour

a) Sur le grief tiré de l’article 6 § 1

39. La Cour rappelle que le droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 § 1 de la Convention serait illusoire si l’ordre juridique interne d’un Etat contractant permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d’une partie (Buyan et autres c. Grèce, no 28644/08, § 33, 3 juillet 2012). L’exécution d’un jugement, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l’article 6. La Cour a déjà reconnu que la protection effective du justiciable et le rétablissement de la légalité impliquent l’obligation pour l’administration de se plier à un jugement ou arrêt prononcé par la plus haute juridiction administrative de l’Etat en la matière (voir notamment Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, § 40, Recueil 1997‑II). De surcroît, la Cour souligne l’importance particulière que revêt l’exécution des arrêts de justice dans le contexte du contentieux administratif (voir Iera Moni Profitou Iliou Thiras c. Grèce, no 32259/02, § 34, 22 décembre 2005). En outre, la Cour a considéré à plusieurs reprises que les retards injustifiés dans l’exécution de décisions de justice ayant condamné l’Etat au versement aux intéressés de sommes monétaires peut aussi emporter violation de l’article 6 § 1 (voir parmi d’autres, Chmalko c. Ukraine, no 60750/00, §§ 45-46, 20 juillet 2004 ; Georgoulis et autres c. Grèce, no 38752/04, § 24, 21 juin 2007 ; Sousline c. Russie, no 34938/04, §§ 23-24, 23 octobre 2008 ; Buyan et autres, ibidem).

40. Enfin, la Cour rappelle qu’une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit pas en principe à le priver de la qualité de « victime » aux fins de l’article 34 de la Convention, sauf si les autorités nationales reconnaissent, explicitement ou en substance, puis réparent la violation de la Convention (voir, par exemple, Eckle c. Allemagne, 15 juillet 1982, §§ 69 et suiv., série A no 51 ; Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 44, CEDH 1999‑VI, et Gäfgen c. Allemagne [GC], no 22978/05, § 115, CEDH 2010). En ce qui concerne la réparation « adéquate » et « suffisante » pour remédier au niveau interne à la violation d’un droit garanti par la Convention, la Cour considère généralement qu’elle dépend de l’ensemble des circonstances de la cause, eu égard en particulier à la nature de la violation de la Convention qui se trouve en jeu (voir, par exemple, Gäfgen, précité, § 116).

41. En l’occurrence, la Cour relève que par une longue série d’arrêts le Conseil d’Etat a constaté que diverses procédures administratives, toutes relatives à la promotion du requérant, étaient entachées de défauts. En particulier, par ses arrêts nos 2023/2003, 73/2005, 3554 et 3555/2006, 2307 et 2308/2008, ainsi que 859, 860 et 861/2011, en ce qui concerne la procédure d’exécution des arrêts précités, la haute juridiction administrative a considéré que l’administration n’était pas parvenue, dans le cadre de procédures distinctes d’appréciation, à suffisamment motiver ses décisions pour étayer le manque d’aptitudes professionnelles nécessaires du requérant pour être promu au poste sollicité. En effet, chaque fois que le requérant obtenait gain de cause devant le Conseil d’Etat, l’organe compétent se réunissait à nouveau sans pour autant parvenir à adopter un acte suffisamment motivé et ce malgré les indications incluses par la haute juridiction administrative dans ses arrêts précédents (voir, en ce sens, Mavroudis c. Grèce, no 72081/01, § 29, 22 septembre 2005).

42. Sur ce point, la Cour doit se pencher sur l’argument soulevé par le Gouvernement, à savoir qu’en vertu des arrêts nos 858/2011 et 4005/2011 du Conseil d’Etat et de la cour administrative d’appel d’Athènes respectivement, le requérant a été suffisamment compensé pour le dommage subi en raison de l’omission de l’administration de se conformer aux arrêts en cause du Conseil d’Etat. En particulier, la Cour examinera dans quelle mesure l’arrêt no 858/2011 a constitué une réparation suffisante pour les répercussions négatives sur la carrière professionnelle du requérant et l’arrêt no 4005/2011 pour le dommage matériel et moral subi en raison de la situation litigieuse.

i. En ce qui concerne l’arrêt no 858/2011 du Conseil d’Etat

43. La Cour note que, par son arrêt no 858/2011, le Conseil d’Etat a admis que l’administration avait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation en l’espèce. De ce fait, faisant usage de la possibilité reconnue d’ordonner à l’administration de prendre des mesures déterminées, le Conseil d’Etat a renvoyé l’affaire à l’autorité compétente pour promouvoir rétroactivement le requérant au poste sollicité, ce qui s’est produit en vertu du décret présidentiel daté du 20 mai 2011. En particulier, sur la base de ce décret, le requérant a été rétroactivement promu au grade de Ministre plénipotentiaire, échelon B, à compter du 24 septembre 2001.

44. De plus, en vertu du décret présidentiel daté du 5 mars 2012, il a été considéré comme en service du 31 mars 2007 au 27 juillet 2011, date à laquelle il a été considéré en retraite. Par ailleurs, la Cour note que, dans ses arrêts nos 859, 860, 861/2011, la haute juridiction administrative a relevé que, vu sa conclusion dans l’arrêt no 858/2011, toutes les décisions administratives postérieures à 2001 et ayant eu des répercussions négatives sur la situation professionnelle du requérant manquaient de base légale. Par conséquent, la question de la promotion du requérant a définitivement été résolue par les arrêts précités du Conseil d’Etat et les décisions prises par l’administration par la suite afin de s’y conformer.

45. Partant, la Cour considère que l’arrêt no 858/2011 et la promotion rétroactive du requérant au grade de Ministre plénipotentiaire, échelon B, constituent une réparation suffisante des répercussions négatives causées à son évolution professionnelle en raison de la situation litigieuse.

ii. En ce qui concerne l’arrêt no 4005/2011 de la cour administrative d’appel d’Athènes

46. La Cour note qu’en 2006 le requérant a agi en vue de sa réparation pour le dommage matériel et moral subi en raison du refus de l’administration de le promouvoir rétroactivement. En vertu de son arrêt no 4005/2011, la cour administrative d’appel, après avoir pris en considération que l’administration l’avait finalement promu rétroactivement à ce grade à compter du 24 septembre 2001, a alloué au requérant diverses sommes importantes, à titre de dommage matériel et moral. De surcroît, en réitérant les considérations du tribunal administratif, la cour administrative d’appel a considéré qu’en raison des actes et omissions illégales de l’administration, constatés aussi par l’arrêt no 858/2011 du Conseil d’Etat, le requérant avait subi une grave atteinte à son statut personnel et professionnel. La Cour relève que, comme il ressort du dossier, les sommes allouées par l’arrêt no 4005/2011 de la cour administrative d’appel ont déjà été payées au requérant, réduction faite des taxes légales. En particulier, le montant de 91 267,51 euros a été versé, le 15 mai 2013, sur le compte bancaire du requérant. La Cour constate que l’arrêt susmentionné de la cour administrative d’appel est devenu définitif et exécutoire le 19 octobre 2012. Les autorités compétentes ont donc mis sept mois environ pour se conformer à l’arrêt no 4005/2011, délai qui ne peut pas être considéré comme déraisonnable en l’espèce (voir, a contrario, Georgoulis et autres § 24, et Buyan et autres, § 33, précités).

47. Par conséquent, la Cour estime que l’arrêt no 4005/2011 de la cour administrative d’appel, exécuté sans retard excessif par les autorités internes, constitue une réparation suffisante du dommage matériel et moral subi par le requérant en raison de la situation dont il se plaint en l’espèce.

iii. Conclusion

48. Au vu de ce qui précède, la Cour considère que par le biais des arrêts nos 858 et 4005/2011 du Conseil d’Etat et de la cour administrative d’appel d’Athènes respectivement, les autorités nationales ont reconnu et réparé la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Il convient donc d’accueillir l’objection du Gouvernement quant au manque de la qualité de « victime » du requérant et de conclure à l’absence de violation de l’article 6 § 1 à cet égard.

b) Sur le grief tiré de l’article 13

49. La Cour rappelle que cette disposition a été interprétée comme n’exigeant un recours en droit interne que s’agissant de griefs pouvant passer pour « défendables » selon la Convention (voir, entre autres, Boyle et Rice c. Royaume-Uni, 21 juin 1988, § 52, série A no 131). Compte tenu de ses conclusions ci-dessus pour le grief tiré de l’article 6 § 1, la Cour estime que le requérant n’a aucun grief défendable. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 13 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Joint au fond l’exception du Gouvernement tirée de la qualité de « victime » du requérant ;

2. Déclare la requête recevable ;

3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

4. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 décembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenIsabelle Berro-Lefèvre
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-139486
Date de la décision : 19/12/2013
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Non-violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure administrative;Article 6-1 - Accès à un tribunal);Non-violation de l'article 13 - Droit à un recours effectif (Article 13 - Recours effectif)

Parties
Demandeurs : GALANOPOULOS
Défendeurs : GRÈCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : KTISTAKIS I.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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