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24/10/2013 | CEDH | N°001-127231

CEDH | CEDH, AFFAIRE HOUSEIN c. GRÈCE, 2013, 001-127231


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE HOUSEIN c. GRÈCE

(Requête no 71825/11)

ARRÊT

STRASBOURG

24 octobre 2013

DÉFINITIF

24/01/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Housein c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Jul

ia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE HOUSEIN c. GRÈCE

(Requête no 71825/11)

ARRÊT

STRASBOURG

24 octobre 2013

DÉFINITIF

24/01/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Housein c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er octobre 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 71825/11) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant afghan, M. Ali Housein (« le requérant »), a saisi la Cour le 27 octobre 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par l’association « Union hellénique pour les droits de l’homme et du citoyen », agissant par l’intermédiaire de Me K. Tsitselikis, avocat à Thessalonique. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les déléguées de son agent, Mme F. Dedousi, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, et Mme M. Yermani, auditrice auprès du Conseil juridique de l’Etat.

3. Le requérant allègue une violation des articles 3, 5 § 1, 5 § 4 et 9 de la Convention.

4. Le 13 avril 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1994 et était mineur au moment des faits.

A. La procédure relative à l’expulsion et la détention du requérant

6. Le requérant fut arrêté le 30 mai 2011 pour avoir pénétré illégalement en Grèce par la Turquie et la rivière Evros et placé au centre de rétention de Filakio d’Orestiada.

7. Par une décision du 2 juin 2011, le chef de la police d’Orestiada ordonna l’expulsion du requérant sur le fondement des articles 76 §§ 1 b) et 3 de la loi no 3386/2005, ainsi que sa détention à cette fin pour une période ne pouvant dépasser six mois, au motif qu’il risquait de fuir. La décision indiquait que l’intéressé avait le droit d’introduire un recours devant le Directeur général de la police de la région de Macédoine-Orientale-et-Thrace et de formuler des objections contre sa détention devant le tribunal administratif d’Alexandroupoli.

8. Le 24 juin 2011, l’avocat du requérant, membre de l’association « Union hellénique pour les droits de l’homme et du citoyen », adressa une lettre au chef du centre de rétention l’invitant à mettre fin à sa détention et de faire en sorte que les conditions de détention (surpopulation, manque d’activité physique et d’hygiène, nourriture insuffisante) soient améliorées. Le même jour, il adressa une lettre au procureur près le tribunal correctionnel d’Orestiada pour l’inviter à assumer le rôle qui lui était dévolu par la loi de tuteur du requérant et le faire placer dans un centre spécial pour mineurs non accompagnés.

9. Le 27 juin 2011, le procureur susmentionné s’adressa au service compétent du ministère de la Santé et de la Solidarité sociale afin de trouver un hébergement approprié pour le requérant et un autre mineur non accompagné. Le même jour, le procureur demanda au directeur de la Direction de police d’Orestiada de transporter le requérant dans un hôpital public afin de procéder à des examens en vue de son placement dans un établissement pour mineurs.

10. Le 4 juillet 2011, le requérant, formula des objections contre sa détention devant le tribunal administratif d’Alexandroupoli en vertu de l’article 76 § 3 de la loi no 3386/2005. Il invoquait une violation des articles 3 et 5 de la Convention. Il soulignait qu’il était mineur non accompagné et qu’aucune démarche n’avait été entreprise pour le placer dans un lieu approprié pour les mineurs. Il se plaignait qu’il était détenu avec des adultes dans des conditions inadmissibles.

11. Par une décision du 7 juillet 2011, le tribunal administratif d’Alexandroupoli rejeta les objections. Il releva que le requérant était dangereux pour l’ordre public car, étant entré illégalement en Grèce et n’ayant pas de titre de séjour, il ne pouvait assurer sa subsistance qu’en violant la loi. Se référant à l’arrêt A.A. c. Grèce (no 12186/08, 22 juillet 2010) de la Cour, le tribunal considéra que les allégations concernant les conditions de détention étaient irrecevables et qu’ayant un avocat, il pourrait saisir les autorités compétentes et obtenir immédiatement un hébergement dans des conditions appropriées. Le tribunal ordonna dès lors le maintien en détention.

12. Le 12 juillet 2011, le ministère de la Santé informa le procureur que le requérant pourrait être hébergé dans une auberge de jeunesse en Crète. Le même jour, le procureur ordonna le transfert du requérant (et de sept autres mineurs non accompagnés) vers, dans un premier temps, l’auberge de jeunesse « ARSIS » à Oraiokastro de Thessalonique, d’où il devait transiter pour l’auberge de jeunesse en Crète.

13. Le 28 juillet 2011, le directeur de la Direction de police d’Orestiada annula sa décision du 2 juin 2011 par laquelle il avait ordonné l’expulsion et la détention du requérant. Il motivait cette décision par le fait que les raisons ayant justifié la décision d’expulsion et de détention du requérant avaient disparu à la suite de son placement dans l’auberge de jeunesse.

14. Le 28 juillet 2011, le requérant, qui avait déjà été transféré à l’auberge de jeunesse « ARSIS », quitta l’auberge malgré la recommandation des responsables de celle-ci d’y rester. Il leur déclara qu’il devait se rendre à Athènes pour rencontrer des membres de sa famille et des amis.

B. Les conditions de détention du requérant

1. La version du requérant

15. Le requérant soutient que le manque de propreté, d’aération et de chauffage au centre de rétention de Filakio rendait le séjour insupportable même pour un seul jour. Toutes les cellules étaient surpeuplées, ce qui aggravait les conditions de vie. Il n’y avait ni chaises ni tables et les autorités ne distribuaient pas d’articles d’hygiène personnelle ni de draps et de couvertures et ceux qui s’y trouvaient n’avaient jamais été nettoyés. Il n’y avait pas d’eau chaude. La fumée des cigarettes rendait l’atmosphère étouffante. Les toilettes étaient sales, bouchées en permanence et constituaient une source d’infection pour les détenus.

16. Les rations de nourriture quotidienne par détenu étaient totalement insuffisantes car elles correspondaient à une valeur de 5,87 euros par jour et étaient préparées par des fournisseurs du centre de rétention.

17. Les promenades dans la cour se faisaient par rotation entre les dortoirs, ce qui avait comme résultat que les détenus ne sortaient qu’une ou deux fois par semaine, voire pas du tout.

18. Il existait un téléphone qui fonctionnait avec des cartes téléphoniques mais le centre n’avait ni radio ni télévision. Les détenus ne bénéficiaient d’aucune activité récréative.

19. En tant que musulman, le requérant affirme qu’à plusieurs reprises le seul plat qui lui était servi était de la viande de porc. Il devait le manger ou jeûner. Ses protestations à ce sujet restèrent vaines, car les policiers lui répondaient toujours que les repas étaient fournis par une taverne ayant conclu un contrat avec le centre de rétention. Le requérant exprima à plusieurs reprises ses doléances à ce propos au représentant du Haut-Commissariat pour les Réfugiés, qui visitait régulièrement le centre.

2. La version du Gouvernement

20. Le centre de rétention de Filakio dispose de sept dortoirs et peut accueillir au total 374 détenus (348 hommes et 26 femmes). Le dortoir no 1 peut accueillir 72 personnes ; le dortoir no 2, 48 personnes ; le dortoir no 3, 52 personnes ; le dortoir no 4, 50 personnes ; le dortoir no 5, 70 personnes ; le dortoir no 6, 56 personnes ; le dortoir no 7, réservée aux femmes, 26 personnes. Enfin, l’infirmerie a une capacité de 4 patients et dispose d’une toilette et d’une salle de bain. Le dortoir no 1 dispose de 4 toilettes et 3 salles de bain ; les dortoirs no 2, 3 et 4 disposent chacun de 3 toilettes et 2 salles de bain ; les dortoirs no 5 et 6, de 4 toilettes et 3 salles de bain chacun ; le dortoir no 7 de 2 toilettes et 2 salles de bain. Le nettoyage des locaux est confié par contrat à une société privée. Pour des raisons de sécurité, la sortie des détenus dans la cour est effectuée par dortoir et dure une heure.

21. Le Gouvernement soutient que les mineurs non accompagnés sont placés dans des dortoirs séparés et ne sont jamais mélangés avec les adultes.

22. Du 8 mars au 25 mai 2012, le centre suspendit son fonctionnement pour que des travaux de rénovation y soient effectués. Dans le cadre de ces travaux, un réseau d’évacuation des eaux, des bouches d’aération et de nouvelles toilettes et salles de bain furent construits. La hauteur de la clôture extérieure du centre fut augmentée, ce qui permit la prolongation de la durée de sortie des détenus dans la cour. La peinture de tous les locaux du centre fut rafraîchie.

23. Le centre dispose d’un système de chauffage et de l’eau chaude est disponible en permanence. Le système d’aération subit quelques dommages par les détenus eux-mêmes, mais l’aération est renforcée par les portes des locaux.

24. Tout au long de l’année 2011, l’organisation non gouvernementale « Médecins sans frontières » équipa les détenus de sacs de couchage individuels et de produits d’hygiène personnelle.

25. Le centre emploie à temps plein un médecin et deux infirmières. Pendant la période février-juillet 2011, une équipe du Centre de contrôle et de prévention des infections, composée de deux médecins, une psychologue, une assistante sociale et trois interprètes, prodiguait quotidiennement des soins et un soutien psychologique aux détenus. Cinq autres psychologues, cinq assistantes sociales et cinq interprètes étaient aussi présents d’avril à juin 2011.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

26. L’article 5 § 2 de la décision ministérielle no 400/2009 relative à l’exécution des décisions administratives d’expulsion d’étrangers dispose :

« 2. Les étrangers à l’encontre desquels a été prise une décision d’expulsion administrative sont détenus dans des lieux spéciaux de séjour des étrangers (article 81 de la loi no 3386/2005) ou, à titre provisoire en cas de manque de tels lieux, dans les commissariats de police. Les étrangers mineurs et les femmes sont gardés dans des lieux séparés, sauf si des motifs de protection des mineurs ou les besoins de préservation de l’unité familiale [s’y opposent]. (...) »

27. L’article 13 § 6 b) du décret présidentiel no 114/2010 (intitulé « Statut de réfugié : procédure unique applicable aux étrangers et apatrides »), qui transpose dans l’ordre juridique grec la directive du Conseil no 2005/85/CE du 1er décembre 2005 (sur les normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres), dispose :

« 6. Si des demandeurs sont en détention, les autorités (...) s’engagent à :

b) éviter la détention de mineurs. Les mineurs qui ont été séparés de leur famille ou qui ne sont pas accompagnés ne sont détenus que pour le temps nécessaire à leur transfert sécurisé dans des structures appropriées pour l’hébergement de mineurs ; »

28. L’article 97 (protection des mineurs) du décret no 141/1991 relatif à la compétence des organes du ministère de l’Ordre public prévoit :

« 1. La police hellénique (...) :

9) Veille à ce que les mineurs arrêtés soient enfermés dans des centres spéciaux et ne soient pas menottés lors de leur transfert, sauf s’ils sont dangereux ou s’ils risquent de fuir.

(...)

12) Doit, lors de tout contact avec des mineurs, se comporter avec douceur et civilité et éviter tout acte pouvant les humilier ou leur créer un vécu traumatique (...) »

29. Les articles 76, 77 et 78 de la loi no 3386/2005 ont été modifiés par la loi no 3900/2010 (entrée en vigueur le 1er janvier 2011) et sont désormais ainsi libellés :

Article 76

« 1. L’expulsion administrative d’un étranger est permise :

a) lorsqu’il est condamné de manière définitive à une peine privative de liberté d’au moins un an pour avoir (...) prêté assistance à des clandestins pour pénétrer à l’intérieur du pays, facilité le transport et la pénétration de clandestins ou fourni le gîte à des clandestins pour qu’ils se cachent (...) ;

b) lorsqu’il a violé les dispositions de la présente loi ;

c) lorsque sa présence sur le territoire grec est dangereuse pour l’ordre public ou la sécurité du pays ;

(...)

2. L’expulsion est ordonnée par décision du directeur de la police et (...) après que l’étranger ait bénéficié d’un délai d’au moins quarante-huit heures pour déposer ses objections.

3. Lorsque l’étranger est considéré, en raison des circonstances, comme susceptible de fuir ou dangereux pour l’ordre public, qu’il évite ou empêche la préparation de son départ ou la procédure pour son éloignement, les organes mentionnés au paragraphe précédent ordonnent sa détention provisoire jusqu’à l’adoption, dans un délai de trois jours, de la décision d’expulsion. Lorsque la décision d’expulsion est adoptée, la détention se poursuit jusqu’à l’exécution de l’expulsion, sans pouvoir en aucun cas dépasser six mois. Au cas où l’expulsion est retardée parce que l’étranger refuse de collaborer ou que la réception des documents nécessaires à son expulsion devant parvenir du pays d’origine ou du pays de transit traîne en longueur, la détention peut être prolongée pour une durée limitée, ne pouvant dépasser douze mois. L’étranger doit être informé, dans une langue qu’il comprend, des raisons de sa détention et sa communication avec son avocat doit être facilitée. L’étranger détenu peut (...) former des objections à l’encontre de la décision ordonnant la détention ou la prolongation de celle-ci devant le président (...) du tribunal administratif (...) de la région dans laquelle il est détenu.

4. Les objections doivent contenir des motifs concrets. Elles peuvent aussi être présentées oralement ; dans ce cas, le greffier rédige un rapport y relatif.

Pour l’examen de celles-ci les dispositions de l’article 27 § 2 c) et de l’article 204 § 1 du code de procédure administrative s’appliquent. Si l’étranger formule la demande d’être entendu, le juge est obligé de l’entendre (...). Dans tous les cas le juge peut aussi ordonner de sa propre initiative la comparution de l’étranger,.

Les allégations présentées lors de cette procédure doivent être prouvées séance tenante.

Le juge compétent, selon le paragraphe 3, pour connaître de la légalité de la détention ou de sa prolongation, rend séance tenante sa décision sur les objections, qu’il formule de manière sommaire au procès-verbal. Copie du procès-verbal est délivrée immédiatement aux autorités de police. Si la procédure a lieu un jour férié, la présence d’un greffier n’est pas nécessaire et le procès-verbal précité ainsi que le rapport mentionné au sous-paragraphe 1 sont rédigés par le juge lui-même.

Cette décision n’est sujette à aucune voie de recours.

5. Au cas où l’étranger détenu dans l’attente de son expulsion n’est pas considéré comme dangereux pour l’ordre public ou susceptible de fuir, ou si le président du tribunal administratif s’oppose à sa détention, il lui est fixé, à moins qu’il n’existe des motifs empêchant son expulsion, un délai pour quitter le territoire, qui ne peut dépasser trente jours.

6. La décision mentionnée aux paragraphes 3 et 4 de cet article peut être annulée à la requête des parties, si la demande est fondée sur des faits nouveaux (...). »

Article 77

« L’étranger a le droit d’exercer un recours contre la décision d’expulsion, dans un délai de cinq jours à compter de sa notification, auprès du ministre de l’Ordre public (...). La décision est rendue dans un délai de trois jours ouvrables à compter de l’introduction du recours. L’exercice du recours entraîne la suspension de l’exécution de la décision. Dans le cas où la détention est ordonnée en même temps que la décision d’expulsion, la suspension concerne seulement l’expulsion. »

Article 78

« Si l’expulsion immédiate de l’étranger est impossible pour des motifs de force majeure, le ministre de l’Ordre public (...) peut décider de suspendre l’exécution de la décision d’expulsion. Par une décision séparée, il impose à l’étranger des mesures restrictives. »

30. L’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil se lit comme suit :

Article 105

« L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par les actes illégaux ou omissions de ses organes dans l’exercice de la puissance publique, excepté si l’acte ou l’omission a eu lieu en méconnaissance d’une disposition existante mais afin de servir l’intérêt public. La personne fautive est solidairement responsable avec l’Etat, sous réserve des dispositions spéciales sur la responsabilité des ministres. »

31. Par deux arrêts no 2893/2008 et 1215/2010, le Conseil d’Etat a admis qu’une personne détenue pour dette envers un tiers placée, en violation de l’article 1050 § 2 du code de procédure civile, dans la même cellule que des personnes déjà condamnées pour des infractions pénales, avait subi un dommage moral et avait à ce titre, en application des articles 105 de la loi d’accompagnement du code civil et 57 du code civil, droit à une indemnité. La déclaration de la nullité de la détention et la mise en liberté de l’intéressé ne constituait pas une cause de disparition du dommage moral que celui-ci avait déjà subi pendant sa détention. Le manque de lieux de détention propices à la détention des personnes condamnées pour dettes envers des tiers ne suffisait pas pour justifier l’effacement ou la limitation de la responsabilité de l’Etat. Pour déterminer le montant de l’indemnité, il fallait tenir compte des conditions de détention. Toutefois, l’appréciation des conditions de détention ne pouvait pas conduire à exclure tout préjudice moral, car celui-ci naissait de la seule privation illégale de la liberté de l’intéressé, indépendamment de toute question de conditions de détention. Dans ces arrêts, le Conseil d’Etat a admis que les intéressés dans ces affaires étaient, du fait de leur détention avec des personnes condamnées pour des infractions pénales, exposés à des invectives, insultes, atteintes à leur intégrité physique et autres violences qui, dans de tels lieux de détention, sont dirigées surtout contre ceux qui ne sont pas des criminels.

III. LES TEXTES INTERNATIONAUX ET LES RAPPORTS DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES ET NATIONALES

A. La Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies adoptée le 20 novembre 1989 et ratifiée par la Grèce le 11 mai 1993

32. L’article 37 de ladite convention se lit ainsi

« Les Etats parties veillent à ce que : (...)

b) Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, aussi brève que possible ;

c) Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d’une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l’on estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant et il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par les visites, sauf circonstances exceptionnelles ;

(...) »

B. La Recommandation Rec(2006)2 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les Règles pénitentiaires européennes (adoptée par le Comité des Ministres le 11 janvier 2006 lors de la 952e réunion des Délégués des Ministres)

33. Les dispositions pertinentes de ladite recommandation prévoient :

« (...)

Régime alimentaire

22.1 Les détenus doivent bénéficier d’un régime alimentaire tenant compte de leur âge, de leur état de santé, de leur état physique, de leur religion, de leur culture et de la nature de leur travail.

22.2 Le droit interne doit déterminer les critères de qualité du régime alimentaire en précisant notamment son contenu énergétique et protéinique minimal.

22.3 La nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques.

22.4 Trois repas doivent être servis tous les jours à des intervalles raisonnables.

22.5 Les détenus doivent avoir accès à tout moment à l’eau potable.

22.6 Le médecin ou un(e) infirmier(ère) qualifié(e) doit prescrire la modification du régime alimentaire d’un détenu si cette mesure apparaît nécessaire pour des raisons médicales. »

C. Les constats du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT)

34. Lors de sa visite du 20 au 27 janvier 2011, le CPT s’est rendu au centre de rétention de Filakio.

35. Le bâtiment comprend six dortoirs munis de barreaux du sol au plafond. Chaque dortoir est doté de lits superposés et d’une installation sanitaire. Lors de la visite le centre accueillait 488 détenus alors que sa capacité officielle était de 374. Parmi les détenus, il y avait 110 jeunes (la plupart étant des mineurs non accompagnés), dont 33 enfants âgés de 12 à 14 ans, détenus depuis plus de deux mois.

36. Les conditions de détention dans le dortoir des jeunes étaient déplorables : 83 garçons étaient entassés dans un espace de 100 m² environ. Cinq garçons partageaient deux lits et plusieurs dormaient à même le sol. L’accès à la lumière naturelle était limité, la lumière artificielle et la ventilation insuffisantes et les murs du dortoir étaient exposés aux basses températures extérieures. Le dortoir était sale et les jeunes n’avaient pas de produits de nettoyage. Plusieurs portaient les mêmes vêtements que ceux qu’ils avaient lors de leur admission au centre et certains n’avaient même pas de chaussures. Les trois toilettes étaient bouchées et les sanitaires inondés par les eaux usées débordant dans l’espace de couchage.

37. Les jeunes n’avaient aucune activité physique extérieure et la délégation a été informée que leur dernière sortie datait d’une semaine avant la visite et avait duré vingt minutes seulement.

38. L’état des autres dortoirs était tout aussi déplorable et celui accueillant les familles, les enfants et les nourrissons particulièrement épouvantable : les toilettes étaient remplies d’excréments car le système d’évacuation était hors service. Le sol était inondé par les eaux sales. La porte de la douche était à moitié cassée exposant ainsi les mères et leurs enfants à la vue de tous. Le dortoir des femmes, qui accueillait 27 femmes dans un espace de 40 m², était aussi délabré avec des murs rongés par l’humidité et des douches inondées.

39. La délégation était frappée par le fait qu’aucune mesure n’était prise pour améliorer les conditions de vie des nourrissons, des enfants et des adolescents. Ceux-ci ne recevaient ni lait, ni alimentation supplémentaire et ne pouvaient exercer aucune activité. Le rapport mentionnait que « tous étaient traités comme des animaux en cage ».

D. Les constats du Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

40. Le 12 octobre 2010, le rapporteur spécial des Nations unies a visité le centre de rétention de Filakio. Dans son rapport, il relevait que ce centre avait été construit pour la détention des clandestins qui traversaient la frontière gréco-turque. D’une capacité de 379 détenus, il en accueillait 486 à la date de la visite. Toutefois, selon ses informations, ce chiffre s’élevait souvent à 550 détenus, en particulier lors des six derniers mois, pendant lesquels jusqu’à 200 personnes arrivaient quotidiennement dans le centre. Les conditions de détention y étaient très mauvaises. Il n’y avait pas assez de lits, ce qui obligeait les détenus à les partager ou à dormir à même le sol. Les lits, les couvertures et les oreillers étaient très sales. Les installations sanitaires étaient dans un état délabré avec des murs sales et de l’eau débordant des douches et des toilettes. Les dortoirs étaient humides et les sols crasseux. Plusieurs plafonniers étaient cassés et il n’y avait presque pas de lumière naturelle. Il y avait très peu d’espace entre les lits superposés, ce qui empêchait les détenus de circuler. Ceux-ci n’avaient d’accès ni à la cour ni à des activités physiques.

41. L’état du dortoir semi-ouvert pour les nouveaux arrivants était encore pire. La salle de bain n’avait pas été nettoyée depuis longtemps. Les toilettes étaient bouchées, de sorte que les eaux usées et les excréments se répandaient sur le sol. Les détenus déféquaient dans le couloir de la salle de bain et les eaux usées débordaient dans l’espace de couchage causant une puanteur insupportable. Plusieurs nouveaux arrivants préféraient dormir à l’extérieur du bâtiment. Le centre manquait de personnel et un seul médecin était présent pendant les jours ouvrables.

E. Les constats de « l’Union grecque pour les droits de l’homme »

42. L’organisation non gouvernementale « Union grecque pour les droits de l’homme » a visité à deux reprises le centre de rétention de Filakio : en novembre 2009 et en décembre 2010.

43. Dans son rapport de 2009, elle constatait qu’un groupe de 30 à 40 mineurs était confiné dans un dortoir. Certains étaient là depuis 102 jours, d’autres depuis 8 ou 70 jours. Ils se plaignaient que certains mineurs étaient libérés au bout de 75 jours et se demandaient selon quels critères. Ils pensaient aussi être libérés mais n’avaient aucune information sur les centres de rétention pour mineurs vers lesquels ils seraient transférés. La promenade quotidienne des mineurs ne durait que quelques minutes et ils entraient dans les bouches d’aération pour jouer. Ils étaient nourris deux fois par jour et les produis d’hygiène personnelle étaient limités. Un petit groupe affirmait que la seule solution pour eux serait de faire une grève de la faim ou d’avaler des bris de glace, afin d’être « pris au sérieux ». Ils déclaraient qu’ils n’avaient pas traversé tant d’épreuves pour venir d’Afghanistan et « se retrouver derrière les barreaux ».

44. Il était aussi rapporté que les détenus subissaient de mauvais traitements de la part des policiers. Ils déclaraient : « on nous traite comme des animaux, ils ne nous adressent pas la parole et lorsqu’on demande à voir un médecin on nous répond que c’est une excuse pour sortir ». Certains détenus n’avaient pas de vêtements ou de chaussures et souffraient du froid lors de leur promenade. Personne ne connaissait les procédures et ne savait s’ils allaient être libérés, expulsés ou maintenus en détention et pour quelle durée.

45. Dans son rapport de 2010, l’ONG notait que les conditions de vie avaient empiré par rapport à celles constatées en 2009. Elle affirmait que la détention de personnes dans des conditions si misérables pour une si longue durée ne pouvait se justifier par aucune nécessité ou circonstance extraordinaire. L’incertitude totale quant à la durée de la détention, la longue détention des demandeurs d’asile, la détention des mineurs dans des conditions même pas dignes pour des animaux constituaient des violations des droits fondamentaux.

46. Elle indiquait aussi que selon le directeur de la police, il n’était pas possible de laisser en liberté les mineurs non accompagnés, quelque surpeuplé que fût le centre de Filakio. Leur placement dans des centres spécialisés n’était pas possible faute de places disponibles.

F. Remarque générale

47. Il convient de noter que les constats et rapports mentionnés aux points C., D. et E. ci-dessus ont été dressés avant les travaux de rénovation du centre qui ont eu lieu du 8 mars au 25 mai 2012 (paragraphe 22 ci-dessus).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

48. Le requérant se plaint des conditions de sa détention au centre de rétention de Filakio. Il allègue une violation de l’article 3 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

49. Le Gouvernement excipe à titre préliminaire du non-épuisement des voies de recours internes. Selon lui, le requérant avait la possibilité d’introduire contre la décision d’expulsion du 2 juin 2011 un recours hiérarchique et, en cas de rejet de celui, un recours en annulation devant le tribunal administratif ainsi qu’un recours en sursis à exécution de la mesure d’expulsion ou une demande d’ordre provisoire tendant à éviter son renvoi immédiat. Au lieu de cela, il s’est contenté de formuler des objections contre sa détention en mentionnant de manière vague ses « conditions de détention inadmissibles » et en expliquant que le caractère inadmissible consistait dans le fait qu’il était mineur et qu’aucun effort n’avait été déployé pour qu’il soit accueilli dans des établissements spéciaux pour mineurs. De plus, dans lesdites objections, le requérant n’a pas soulevé ses griefs avec la même précision que maintenant devant la Cour.

50. En deuxième, lieu, le Gouvernement se prévaut du fait que le requérant a omis d’exercer une action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, alors que la jurisprudence des tribunaux grecs, notamment du Conseil d’Etat (arrêts no 2893/2008 et no 1215/2010), donne une issue favorable à ce type de recours.

51. Le requérant rétorque qu’il s’est plaint des conditions de sa détention tant devant les autorités de Filakio que devant le tribunal administratif d’Alexandroupoli. Les autorités étaient donc au courant de la situation existant dans le centre. Toutefois, le tribunal administratif n’a pas répondu à ses allégations. Le requérant soutient aussi qu’il ne pouvait pas exercer les recours indiqués par le Gouvernement car, en tant que mineur non accompagné, il n’avait accès à aucune assistance juridique ou aide judiciaire (en sachant que les frais de ces recours s’élèvent à 1 000 euros environ) durant les deux premières semaines de son arrestation. De plus, les autorités ne font pas preuve de diligence pour désigner, comme le prévoit la législation interne, un tuteur légal aux mineurs non accompagnés. Enfin, le recours prévu par l’article 105 susmentionné ne pouvait ni remédier aux conditions de détention lamentables ni effacer les effets de la privation de liberté.

52. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes vise à ménager aux Etats contractants l’occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne lui soient soumises (voir, parmi beaucoup d’autres, Remli c. France, 23 avril 1996, § 33, Recueil 1996-II, et Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999-V). Cette règle se fonde sur l’hypothèse, objet de l’article 13 de la Convention – avec lequel elle présente d’étroites affinités –, que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 152, CEDH 2000-XI).

53. L’article 35 § 1 de la Convention prévoit une répartition de la charge de la preuve. Pour ce qui concerne le gouvernement défendeur, lorsque celui-ci excipe du non-épuisement des recours internes, il doit convaincre la Cour que le recours dont il invoque l’existence était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qu’il était accessible, était susceptible d’offrir au requérant le redressement de ses griefs et présentait des perspectives raisonnables de succès (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 68, Recueil 1996‑IV ; et Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 46, CEDH 2006-II).

54. La Cour a déjà considéré dans l’arrêt Ananyev et autres c. Russie (nos 42525/07 et 60800/08, § 98, 10 janvier 2012) que pour qu’un système de protection des droits des détenus garantis par l’article 3 de la Convention soit effectif, les recours préventifs et les recours indemnitaires doivent coexister de façon complémentaire. L’importance particulière de cet article impose que les Etats établissent, au-delà d’un simple recours indemnitaire, un mécanisme effectif permettant de mettre rapidement un terme à tout traitement contraire à l’article 3. A défaut d’un tel mécanisme, la perspective d’une indemnisation future risquerait de légitimer des souffrances incompatibles avec cet article et d’affaiblir sérieusement l’obligation des Etats de mettre ses normes en matière de détention en accord avec les exigences de la Convention (ibid. § 98).

55. La Cour considère cependant que, du point de vue de l’épuisement des voies de recours internes, la situation peut être différente entre une personne qui a été détenue dans des conditions prétendument contraires à l’article 3 et qui saisit la Cour alors qu’elle est en liberté et un individu qui la saisit alors qu’il est toujours détenu dans les conditions qu’il dénonce.

56. En l’espèce, le requérant a été mis en liberté en juillet 2011. En saisissant la Cour le 27 octobre 2011, il ne visait, bien évidemment, pas à empêcher la continuation de sa détention dans des conditions inhumaines ou dégradantes, mais à obtenir un constat postérieur de violation de l’article 3 par la Cour et, le cas échéant, une indemnité pour le dommage moral allégué.

57. La Cour relève que l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil est une disposition transversale du droit grec qui s’applique à une multitude de situations. Dans le cadre d’une action fondée sur cet article, les tribunaux examinent de manière incidente s’il y a eu de la part des autorités un acte illégal et, dans l’affirmative, ils accordent au demandeur une indemnité pour dommage moral.

58. La Cour note que les arrêts no 2893/2008 et no 1215/2010 du Conseil d’Etat (paragraphe 31 ci-dessus), fournis par le Gouvernement à l’appui de ses observations, concernaient des personnes qui avaient été arrêtées et condamnées par des tribunaux administratifs pour des dettes envers des particuliers et qui, en méconnaissance de l’article 1050 § 2 du code de procédure civile (qui pose le principe que les personnes condamnées par des tribunaux civils doivent être détenues séparément de celles qui sont en détention provisoire ou condamnées au pénal par une décision de justice), purgeaient leurs peines dans les mêmes cellules que des personnes condamnées pour des infractions pénales.

59. La Cour considère que les conclusions des arrêts susmentionnés du Conseil d’Etat ne sont pas automatiquement transposables à n’importe quelle situation et en particulier à celle de la détention d’étrangers faisant l’objet d’une expulsion.

60. La Cour estime qu’il convient d’examiner si les dispositions d’un texte législatif ou réglementaire qui pourraient être pertinentes aux fins d’une action en application de l’article 105 précité sont rédigées en termes suffisamment précis et garantissent des droits « justiciables » comme le fait l’article 1050 du code de procédure civile.

61. Or, la Cour note que plusieurs dispositions du droit grec portent sur les mineurs non accompagnés en voie d’expulsion administrative. Ainsi l’article 5 § 2 de la décision ministérielle no 400/2009 relative à l’exécution des décisions administratives d’expulsion d’étrangers dispose que les étrangers mineurs sont gardés dans des lieux séparés. L’article 13 § 6 b) du décret présidentiel no 114/2010 relatif aux réfugiés prévoit que si des demandeurs d’asile doivent être mis en détention, les autorités s’engagent à éviter la détention de mineurs et que les mineurs qui ne sont pas accompagnés ne sont détenus que pour le temps nécessaire à leur transfert sécurisé dans des structures appropriées pour l’hébergement de mineurs. L’article 97 du décret no 141/1991 relatif à la compétence des organes du ministère de l’Ordre public et applicable aux centres de rétention d’étrangers dispose que la police hellénique veille à ce que les mineurs arrêtés soient retenus dans des centres spéciaux.

62. Il ressort clairement que ces dispositions consacrent un droit pour les mineurs en voie d’expulsion à ne pas, dans la mesure du possible, être détenus, ou, autrement, à être placés dans des centres spéciaux afin qu’ils soient séparés des adultes dans la même situation qu’eux. A l’instar de l’article 1050 du code de procédure civile, ces dispositions garantissent un droit dont la « justiciabilité » n’est pas douteuse et constituent un fondement juridique solide sur lequel une action en vertu de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil aurait pu être tentée.

63. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes en ce qui concerne le grief tiré de l’article 3 de la Convention et accueille l’exception du Gouvernement à ce sujet.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 §§ 1 ET 4 DE LA CONVENTION

64. Le requérant se plaint que son arrestation et sa mise en détention ont complètement méconnu, pour l’application des règles en matière de séjour illégal dans le pays d’accueil, son statut de mineur non accompagné. Il allègue une violation de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention aux termes duquel :

Article 5 § 1

« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. »

Article 5 § 4

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

A. Sur la recevabilité

65. Le Gouvernement soutient que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes : en particulier, il n’a pas introduit de recours contre la décision d’expulsion pour faire valoir, par exemple, que son départ de son propre gré était le cas échéant impossible dans le délai fixé, ou qu’il ne disposait pas de documents de voyage ou qu’il encourrait un risque pour sa vie en cas de retour dans son pays. C’est la décision d’expulsion qui a constitué le fondement légal de la détention du requérant et c’est contre elle que le requérant aurait dû se tourner en premier lieu. Lorsque la détention d’une personne a été ordonnée afin d’assurer l’exécution d’une décision d’expulsion et que cette personne ne conteste pas cette décision, les exigences de l’article 35 § 1 ne se trouvent pas remplies.

66. Le requérant réitère pour l’essentiel ses arguments exposés sous l’angle de l’article 3.

67. La Cour rappelle que le requérant doit avoir fait un usage normal des recours internes vraisemblablement efficaces et suffisants. Lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (Günaydin c. Turquie (déc.), no 27526/95, 25 avril 2002 et Moreira Barbosa c. Portugal (déc.), no 65681/01, 29 avril 2004).

68. La Cour estime, eu égard aux circonstances de la cause, qu’il serait excessif de demander au requérant d’intenter les actions mentionnées par le Gouvernement, alors qu’il a formulé des objections devant le tribunal administratif d’Alexandroupoli, invoquant, entre autres, l’article 5 de la Convention, ce qui doit être considéré comme une voie de recours adéquate et suffisante, conformément à la jurisprudence de la Cour (Quiles Gonzalez c. Espagne (déc.), no 71752/01, 7 octobre 2003).

69. La Cour rejette ainsi l’exception du Gouvernement.

70. La Cour constate que les présents griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’ils ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Article 5 § 1

71. Le Gouvernement soutient que la détention du requérant était légale et la durée de celle-ci raisonnable. Aucun élément du dossier ne permet de douter de la nécessité des actions des autorités relatives à la détention de celui-ci. Dans ses objections devant le tribunal administratif, le requérant demandait sa mise en liberté afin qu’il puisse quitter la Grèce ; il a ainsi admis, indirectement mais clairement, que rien ne l’avait forcé à entrer illégalement en Grèce et que rien n’entravait son retour dans son pays d’origine. Quant à la durée de la détention, elle était considérablement inférieure à la limite de six mois fixée par l’article 76 § 3 de la loi no 3386/2005.

72. Le requérant rétorque qu’il a été détenu pendant deux mois alors que son expulsion n’était pas possible faute de disposer de documents de voyage. Il reproche aussi aux autorités de ne pas avoir pris en considération sa qualité de mineur non accompagné, qui aurait justifié qu’on lui applique un traitement spécial selon le droit interne et international et non une longue détention dans des conditions déplorables ; il invoque à cet égard la jurisprudence de la Cour dans les arrêts Tabesh c. Grèce (no 8256/07, § 55, 26 novembre 2009) et Rahimi c. Grèce (no 8687/08, § 108, 5 avril 2011).

73. Il est bien établi dans la jurisprudence de la Cour relative aux alinéas de l’article 5 § 1 que toute privation de liberté doit non seulement relever de l’une des exceptions prévues aux alinéas a) à f), mais aussi être « régulière ». En matière de « régularité » d’une détention, y compris l’observation des « voies légales », la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale et consacre l’obligation d’en observer les normes de fond comme de procédure. Toutefois, le respect du droit national n’est pas suffisant : l’article 5 § 1 exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but consistant à protéger l’individu contre l’arbitraire. Nulle détention arbitraire ne peut être compatible avec l’article 5 § 1, la notion d’« arbitraire » dans ce contexte allant au-delà du défaut de conformité avec le droit national. En conséquence, une privation de liberté peut être régulière selon la législation interne tout en étant arbitraire et donc contraire à la Convention (Rahimi, précité, § 104).

74. La Cour rappelle qu’il ressort de la jurisprudence relative à l’article 5 § 1 f) que pour ne pas être taxée d’arbitraire, la mise en œuvre d’une mesure de détention doit se faire de bonne foi ; elle doit aussi être étroitement liée au but consistant à empêcher une personne de pénétrer irrégulièrement sur le territoire ; en outre, les lieux et conditions de détention doivent être appropriés ; enfin, la durée de la détention ne doit pas excéder le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi (Mahmundi et autres c. Grèce, no 14902/10, § 94, 31 juillet 2012).

75. En l’espèce, la Cour note que le requérant, mineur non accompagné, a été arrêté le 2 juin 2011 et placé en détention dans le centre de rétention de Filakio, où il est resté jusqu’au 28 juillet 2011. La privation de liberté du requérant était fondée sur l’article 76 de la loi no 3386/2005 et visait à garantir la possibilité de procéder à son expulsion. La Cour rappelle sur ce point que l’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne contre laquelle une procédure d’expulsion est en cours soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour empêcher l’intéressé de commettre une infraction ou s’enfuir (voir Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, § 112, Recueil 1996-V).

76. Il n’en reste pas moins qu’en l’espèce, tout comme dans l’affaire Rahimi précitée, la décision de mise en détention du requérant apparaît comme le résultat de l’application automatique de l’article 76 de la loi no 3386/2005, sans que sa situation particulière de mineur non accompagné ait été examinée ou prise en compte, du moins de manière immédiate par les autorités. A cet égard, la Cour note que le 24 juin 2011, alors que le requérant avait été pris en charge par l’association « Union hellénique pour les droits de l’homme et du citoyen », l’avocat membre de cette association a adressé une lettre au procureur près le tribunal correctionnel d’Orestiada pour l’inviter à assumer son rôle (attribué par la loi) de tuteur du requérant et le faire placer dans un centre spécial pour mineurs non accompagnés. Si le procureur a entrepris des démarches à cette fin (paragraphe 9 ci-dessus), le tribunal administratif a, en revanche, déclaré irrecevables les allégations du requérant quant à ses conditions de détention et a ordonné son maintien en détention, le 7 juillet 2011 (paragraphe 11 ci-dessus).

77. La Cour relève que jusqu’à fin juin 2011, en dépit de nombreuses dispositions du droit grec, aucune démarche n’avait été entreprise pour placer le requérant dans un centre spécial. Or, l’article 5 § 2 de la décision ministérielle no 400/2009 relative à l’exécution des décisions administratives d’expulsion d’étrangers dispose que les étrangers mineurs sont gardés dans des lieux séparés. L’article 13 § 6 b) du décret présidentiel no 114/2010 relatif aux réfugiés prévoit que si des demandeurs d’asile sont mis en détention, les autorités s’engagent à éviter la détention de mineurs et que les mineurs qui ne sont pas accompagnés ne sont détenus que le temps nécessaire à leur transfert sécurisé dans des structures appropriées pour l’hébergement de mineurs. L’article 97 du décret no 141/1991 relatif à la compétence des organes du ministère de l’Ordre public et applicable aux centres de rétention d’étrangers dispose que la police hellénique veille à ce que les mineurs arrêtés soient enfermés dans des centres spéciaux. De surcroît, l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant prévoit que la mise en détention d’un enfant ne doit être qu’une mesure de dernier ressort.

78. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que la détention du requérant n’était pas « régulière » au sens de l’article 5 § 1 f) de la Convention et qu’il y a eu violation de cette disposition.

2. Article 5 § 4

79. Le Gouvernement soutient que le fait que les objections du requérant ont été rejetées par le tribunal administratif ne signifie pas que le recours offert par la législation grecque n’est pas effectif. L’interprétation et l’application du droit national relèvent de la compétence des juges nationaux. Les objections du requérant ont été examinées dans un délai de trois jours à compter de la date de leur dépôt devant le tribunal. Hormis une mention générale du caractère inadmissible des conditions de détention, les objections ne contenaient pas de griefs similaires à ceux qu’il a présentés à la Cour. Les vagues allégations du requérant ont ainsi été rejetées sans motivation spécifique par le tribunal administratif.

80. Le requérant se prévaut de l’arrêt Tabesh précité pour souligner que le système grec de contrôle juridictionnel de la mise en détention d’un étranger en vue de son expulsion ne se concilie pas avec les exigences de l’article 5 § 4. Il souligne qu’il a été privé de sa liberté en raison d’une crainte supposée qu’il fût dangereux pour l’ordre public. Il réitère aussi ses arguments développés pour contrecarrer l’exception de non-épuisement des voies de recours internes relatives à l’article 3.

81. La Cour rappelle que le concept de « lawfulness » (« régularité », « légalité ») doit avoir le même sens au paragraphe 4 de l’article 5 de la Convention qu’au paragraphe 1, de sorte qu’une personne détenue a le droit de faire contrôler sa détention sous l’angle non seulement du droit interne, mais aussi de la Convention, des principes généraux qu’elle consacre et du but des restrictions qu’autorise le paragraphe 1. L’article 5 § 4 ne garantit pas le droit à un contrôle juridictionnel d’une ampleur telle qu’il habiliterait le tribunal à substituer sur l’ensemble des aspects de la cause, y compris des considérations de pure opportunité, sa propre appréciation à celle de l’autorité dont émane la décision. Il n’en veut pas moins un contrôle assez ample pour s’étendre à chacune des conditions indispensables à la régularité de la détention d’un individu au regard du paragraphe 1 (Chahal, précité, § 127).

82. La Cour note d’abord que la loi no 3900/2010, invoquée par le Gouvernement, est entrée en vigueur le 1er janvier 2011. Son article 55 modifiait le paragraphe 4 de l’article 76 de la loi no 3386/2005 afin de rendre, à la suite des arrêts S.D. c. Grèce (no 53541/07, 11 juin 2009) et Tabesh précité, le système de contrôle juridictionnel instauré par cet article conforme aux exigences de l’article 5 § 4. La version amendée de l’article 76 § 4, qui s’appliquait au requérant à l’époque des faits, prévoit que le juge administratif est chargé de contrôler aussi la légalité de la détention. La Cour note aussi que le Gouvernement fournit plusieurs exemples de décisions judiciaires dans lesquelles les tribunaux administratifs ont examiné la légalité de la détention et ont ordonné pour différents motifs la levée de celle-ci.

83. Toutefois, en l’espèce, le tribunal administratif d’Alexandroupoli, dont le requérant avait spécifiquement attiré l’attention sur sa condition de mineur non accompagné a jugé, en se référant à l’arrêt A.A. c. Grèce précité, que ses allégations étaient « irrecevables » et que le requérant, étant représenté par un avocat, pouvait saisir les autorités compétentes et obtenir un hébergement plus approprié (paragraphe 11 ci-dessus). De l’avis de la Cour, un tel raisonnement méconnaît tant la version amendée de l’article 76 § 4 que la jurisprudence citée par le Gouvernement. De plus, la Cour n’aperçoit pas en quoi la référence à l’arrêt A.A. c. Grèce (dans lequel elle avait conclu que l’article 76 § 4 – dans sa version antérieure – permettait un contrôle limité de la détention d’un étranger) était de nature à relever le juge de son obligation d’examiner dûment la légalité de la détention du requérant.

84. Il y a donc eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

85. Invoquant l’article 9 de la Convention, le requérant se plaint d’une violation de sa liberté de religion car, étant musulman, il n’avait souvent le choix qu’entre manger de la viande de porc ou jeûner, faute pour les autorités de fournir des repas de substitution.

86. Le Gouvernement soutient que jamais de viande de porc n’a été donnée aux immigrés clandestins détenus, qui dans leur grande majorité sont musulmans. Le Gouvernement produit le programme d’alimentation des détenus pour la période du 16 mai au 10 juillet 2011, où il est expressément mentionné que le menu ne doit contenir de viande de porc ni de graisse animale (d’origine porcine). Il souligne que cette consigne est donnée même aux autorités lors des transferts de détenus du centre de Filakio vers d’autres locaux : ainsi à l’occasion du transfert du requérant à l’auberge de jeunesse ARSIS, l’ordre du chef de la Direction de police d’Orestiada précisait : « B) Veuillez fournir aux intéressés une restauration rapide : 3 sandwichs sans porc, des croissants et 4 bouteilles d’eau ».

87. Le requérant rétorque que le programme d’alimentation fourni par le Gouvernement ne donne aucune indication quant au type de la viande utilisée. Il prétend que les sandwichs distribués contenaient du jambon ou du salami et que de la viande de porc était servie en moyenne trois fois par semaine en dépit des protestations des détenus à ce sujet.

88. En l’espèce, il ne ressort pas du dossier que le requérant se soit plaint aux autorités grecques d’une atteinte à ses convictions religieuses à raison du fait que les repas qui lui étaient servis comprenaient de la viande de porc. En outre, dans ses objections devant le tribunal administratif aucune mention n’a été faite d’une telle doléance. Par ailleurs, rien dans le dossier ne permet à la Cour de douter de la véracité des affirmations du Gouvernement qui, documents à l’appui, soutient que l’allégation du requérant selon laquelle la nourriture qui lui était offerte comprenait du porc est infondée.

89. Il s’ensuit que cette partie de la requête, à supposer même qu’il ait été satisfait aux conditions de l’article 35 § 1 de la Convention, doit être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

90. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

91. Le requérant réclame 15 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi, en raison de sa privation de liberté, en tant que mineur non accompagné, et de ses conditions de détention.

92. Le Gouvernement estime que le montant réclamé est exorbitant et injustifié. Il considère que le constat éventuel d’une violation constituerait une satisfaction équitable suffisante.

93. La Cour rappelle qu’elle a constaté une violation de l’article 5 §§ 1 et 4. Elle considère que le requérant a subi un préjudice moral certain et qu’il y a lieu de lui octroyer 12 000 EUR à ce titre.

B. Frais et dépens

94. La Cour note que le requérant ne présente aucune demande de remboursement des frais et dépens. Elle ne lui accorde donc aucune somme à ce titre.

C. Intérêts moratoires

95. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 5 § 1 et 5 § 4 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;

4. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 12 000 EUR (douze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 octobre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenIsabelle Berro-Lefèvre
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-127231
Date de la décision : 24/10/2013
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-1-f - Expulsion);Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-4 - Contrôle de la légalité de la détention)

Parties
Demandeurs : HOUSEIN
Défendeurs : GRÈCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : TSITSELIKIS K.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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