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08/10/2013 | CEDH | N°001-127261

CEDH | CEDH, AFFAIRE MULOSMANI c. ALBANIE [Extraits], 2013, 001-127261


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE MULOSMANI c. ALBANIE

(Requête no 29864/03)

ARRÊT

[Extraits]

STRASBOURG

8 octobre 2013

DÉFINITIF

08/01/2014

Cet arrêt est définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Mulosmani c. Albanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Ineta Ziemele, présidente,

David Thór Björgvinsson,

George Nicolaou,

Zdravka Kalaydj

ieva,

Vincent A. de Gaetano,

Paul Mahoney, juges,

Markelian Koca, juge ad hoc,

et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

Après en avoir délibéré en cha...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE MULOSMANI c. ALBANIE

(Requête no 29864/03)

ARRÊT

[Extraits]

STRASBOURG

8 octobre 2013

DÉFINITIF

08/01/2014

Cet arrêt est définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Mulosmani c. Albanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Ineta Ziemele, présidente,

David Thór Björgvinsson,

George Nicolaou,

Zdravka Kalaydjieva,

Vincent A. de Gaetano,

Paul Mahoney, juges,

Markelian Koca, juge ad hoc,

et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 septembre 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 29864/03) dirigée contre la République d’Albanie et dont un ressortissant de cet État, M. Jaho Mulosmani (« le requérant »), a saisi la Cour le 4 juillet 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me V. Meçi, avocat à Tirana. Le gouvernement albanais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, d’abord Mme S. Mëneri, du ministère albanais des Affaires étrangères, puis Mme L. Mandia, du bureau du procureur d’État.

3. À la suite du déport de M. Ledi Bianku, juge élu au titre de l’Albanie (article 28 du règlement de la Cour – « le règlement »), le Gouvernement a désigné M. Markelian Koça pour siéger en qualité de juge ad hoc (articles 27 § 2 de la Convention et 29 § 1 du règlement, dans sa version alors en vigueur).

4. Le requérant alléguait un certain nombre de violations des articles 6 et 7 de la Convention.

5. Le 28 mars 2006, une chambre de la quatrième section, à laquelle l’affaire avait été attribuée, a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Elle a décidé également de se prononcer en même temps sur la recevabilité et sur le fond de l’affaire (article 29 § 1).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. Le requérant est né en 1977. Il purge actuellement une peine de réclusion à perpétuité. À l’époque des événements décrits ci‑après, il était responsable de l’ordre public au commissariat de police de Bajram Curri, ville du nord-est de l’Albanie.

A. L’assassinat d’un député

7. Le 12 septembre 1998, vers 21 h 15, un député, M. Azem Hajdari, et ses gardes du corps, B.C. et Z.N., firent l’objet de tirs alors qu’ils sortaient du siège du Parti démocratique à Tirana. M. Hajdari et B.C. décédèrent le jour même à l’hôpital. Le deuxième garde du corps, Z.N., fut grièvement blessé.

8. M. Hajdari était un membre éminent du Parti démocratique, l’un des deux principaux partis politiques en Albanie et, à l’époque des faits, parti d’opposition.

9. Immédiatement après l’assassinat, M. Sali Berisha, alors président de ce parti et personnalité publique bien connue, accusa à l’antenne le requérant d’avoir commis le crime. Il semble que le communiqué de presse officiel publié par le Parti démocratique, vers 23 heures le même jour, indiquait que le requérant avait été identifié comme étant le meurtrier. Ce communiqué de presse n’a pas été soumis à la Cour.

10. L’assassinat de M. Hajdari provoqua une montée rapide des tensions et, le 13 septembre 1998, des manifestants prirent d’assaut l’immeuble abritant le bureau du Premier ministre.

11. D’autres actes de violence eurent lieu à Tirana au cours des funérailles du député. Un soulèvement général s’ensuivit, pendant lequel des hommes armés investirent rapidement le siège de la télévision d’État, le Parlement et d’autres bâtiments majeurs.

12. La situation en Albanie fit l’objet de la Recommandation no 1386 (1998) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui condamnait énergiquement la violence politique survenue après le meurtre (paragraphe 109 ci-dessous).

B. L’enquête pénale sur l’assassinat

13. Le 13 septembre 1998, le requérant eut un entretien téléphonique avec le ministre de l’Intérieur d’alors au sujet de l’assassinat. Il déclara qu’il n’avait pas été impliqué dans la fusillade et qu’il se tenait à la disposition des autorités pour de plus amples informations. La conversation fut enregistrée par le radiodiffuseur public albanais (« TVSH »), mais l’enregistrement disparut au cours des jours suivants. Le même jour, le ministre donna l’ordre verbal d’arrêter le requérant, ordre qui ne fut jamais exécuté, en particulier compte tenu de la tourmente qui avait suivi l’assassinat du député (paragraphe 10 ci-dessus).

14. Des examens médicolégaux furent pratiqués sur les lieux du crime et des expertises balistiques d’une arme automatique et d’un revolver trouvés sur les lieux furent réalisées. Aucune autopsie ne fut pratiquée.

15. Dans les jours qui suivirent la fusillade, la police recueillit des informations auprès de cinq témoins. Il semblerait que l’un des témoins, Mme A.R., ait déclaré qu’elle avait bien vu le meurtrier et qu’elle serait en mesure de le reconnaître. Un autre témoin indiqua avoir vu deux hommes sortir d’une voiture de police (une Mercedes Benz 250 verte) et tirer sur le député et ses gardes du corps. En outre, ce témoin affirma qu’un autre homme assis au volant avait attendu dans la voiture qui était à l’arrêt puis en était sorti pour traîner jusque dans la voiture l’un des agresseurs, qui avait été blessé au cours de la fusillade.

16. Le procureur n’interrogea ni le requérant ni M. Berisha.

17. Le 25 septembre 1998, le procureur interrogea Z.N., le garde du corps blessé qui avait survécu à la fusillade. Celui-ci déclara qu’il avait vu un inconnu sortir, du côté passager, de l’avant d’une voiture avec une sirène de police sur le toit et tirer sans sommation avec une arme automatique. Il indiqua également que le jour du crime le temps était très nuageux et que les bars à proximité étaient fermés. Il ne mentionna ni le nom du requérant ni son implication dans le crime.

18. À une date non précisée, Z.N. quitta le pays pour la Belgique.

19. À une date non précisée en 2000, M., qui purgeait une peine d’emprisonnement à la prison Regina Celli en Italie, fut interrogé par le parquet albanais. Le 18 février 2000, le tribunal de district (le « tribunal de district ») de Tirana ordonna l’arrestation de M. dans le cadre du meurtre. Dans des déclarations très confuses, M. reconnut avoir fourni la voiture utilisée par les meurtriers.

20. Le 26 juillet 2000, au cours d’un second interrogatoire, M. accusa trois hauts responsables de la police de Bajram Curri du meurtre : F.M., le requérant et Iz.H. Ce dernier a introduit une requête séparée devant la Cour (no 34783/06).

21. Le 16 novembre 2000, à la demande du procureur albanais, un juge d’instruction de Bruges interrogea Z.N. Dans sa déposition, celui-ci indiqua qu’il avait vu un homme sortir de l’arrière d’une Mercedes noire. D’après Z.N., l’intéressé portait un gilet pare-balles sur une tenue militaire de camouflage identique à ceux que portaient les policiers et il avait un fusil d’assaut kalachnikov dans les mains, ainsi que deux douilles collées l’une à l’autre. Contrairement à ce qu’il avait déclaré après le meurtre (paragraphe 17 ci-dessus), Z.N. laissa entendre que cette personne était le requérant.

22. Le 20 janvier 2001, un délinquant récidiviste, Ç., qui purgeait une peine d’emprisonnement en Albanie, fut entendu par le procureur. Il déclara avoir observé les événements qui avaient abouti à l’assassinat du député depuis la véranda du premier étage d’un bar situé à proximité du lieu du crime. D’après Ç., le requérant et deux autres personnes, F.H. et N.C., avaient tiré sur le député.

23. Le 10 mars 2001, le procureur demanda au tribunal de district, conformément à l’article 316 § 1 b) du code de procédure pénale (le « CPP »), de recueillir en tant qu’élément de preuve la déposition de Ç., qui, bien qu’il purgeât une peine de prison en Albanie, risquait de faire l’objet d’actes de violence. L’avocat commis d’office pour représenter le requérant sollicita du temps pour préparer la défense. Le tribunal reporta donc l’audience au 11 mars 2001.

24. À cette date, le tribunal de district fit droit à la demande du procureur. L’avocat commis d’office pour représenter le requérant assista à l’audience. Le témoin Ç. déclara qu’il n’avait fait l’objet d’aucune menace et qu’aucune promesse ne lui avait été faite en échange de sa comparution au procès. Il indiqua qu’il avait d’abord livré au procureur des informations très restreintes au sujet de l’assassinat, par crainte que les personnes impliquées dans les événements fussent des policiers ayant des antécédents judiciaires. Ç. dit qu’il se trouvait dans la véranda d’un bar situé à côté du siège du Parti démocratique à la nuit tombante. Il affirma avoir vu le député se quereller violemment avec Is.H. (Is.H. a introduit devant la Cour une requête séparée, no 29861/03). Le requérant aurait également été présent. Le témoin avait ensuite entendu un tir de pistolet et des tirs d’arme automatique. Il déclara également qu’au moment du crime le requérant était assis à l’avant de sa voiture, côté passager.

25. Le 12 mars 2001, le procureur décida de disjoindre la procédure pénale dirigée contre M. de celle visant le requérant et l’autre coaccusé.

26. Le 31 mai 2002, le procureur abandonna les poursuites contre M., faute de preuves.

C. L’arrestation du requérant

27. Le 14 décembre 1999, le procureur décida d’informer le requérant des accusations portées contre lui. Selon cette décision, le requérant fut inculpé en vertu des articles 79 c), 78, 78-22, 25 et 278 § 2 du code pénal en liaison avec les événements du 12 septembre 1998. Le même jour, le procureur demanda l’arrestation du requérant. Sa demande, dans sa partie pertinente, est libellée ainsi :

« Après le meurtre, dans le cadre d’une conférence de presse télévisée, le président du Parti démocratique a désigné l’accusé Jaho Mulosmani comme étant le meurtrier. Ce point de vue a été maintenu dans le communiqué de presse publié par ce Parti [démocratique] dans les jours qui suivirent le meurtre. Ce point de vue (...) devient crédible étant donné que le meurtre a été commis à proximité du siège du [Parti démocratique] et que le quartier et les bars des environs étaient fréquentés par les membres de ce parti et ses sympathisants. »

28. Le 15 décembre 1999, le tribunal de district ordonna l’arrestation du requérant. Cette décision se lit notamment comme suit :

« Le président du Parti démocratique, M. Berisha, a dit dans une déclaration faite à la presse le jour même, immédiatement après le meurtre, que l’accusé était l’auteur du crime. Ce point de vue a été maintenu dans le communiqué de presse du Parti [démocratique], qui désignait l’accusé Jaho Mulosmani comme étant le meurtrier. »

29. Le 4 janvier 2001, après les tentatives déployées vainement en 2000 pour retrouver le requérant, le tribunal le déclara en fuite. La décision du tribunal indiquait que le requérant avait quitté le pays en décembre 1999. Le requérant se vit commettre un avocat d’office.

30. Le 6 mai 2001, le requérant fut arrêté. Bien que le procès fût en cours, il fut interrogé par le procureur, en l’absence d’un avocat. On lui indiqua néanmoins qu’il avait le droit de désigner un avocat. Le requérant déclara que le soir du meurtre il se trouvait dans un hôtel situé à proximité du siège du Parti démocratique. À ses dires, au moment de la fusillade, il dînait avec d’autres personnes dans le restaurant de l’hôtel et sa voiture était garée à proximité de l’hôtel et du siège du Parti démocratique. Le requérant nia avoir déjà eu un conflit avec le député.

31. Le 7 mai 2001, le tribunal de district confirma la régularité de l’arrestation du requérant. Celui-ci, qui était présent à l’audience, déclara qu’il souhaitait se défendre lui-même.

C. La procédure devant la juridiction du fond

32. Le 13 mars 2001, le procureur déposa un acte d’inculpation auprès du tribunal de district. Une longue liste de pièces justificatives y était annexée. Le requérant et quatre coaccusés étaient accusés sur le fondement des articles 78, 79 c) et 25 du code pénal d’avoir participé à l’assassinat du député et à la tentative de meurtre de civils ou de les avoir organisés.

33. Le 16 mars 2001, l’avocat commis d’office pour représenter le requérant prit possession du dossier d’enquête qui comprenait 324 documents et comptait 1 409 pages. Le même jour, il soumit une déclaration par laquelle il renonçait irrévocablement à représenter le requérant pour des motifs de santé et des raisons personnelles.

34. Le procès s’ouvrit le 3 avril 2001. Le tribunal fit droit à la demande d’un coaccusé qui souhaitait disposer d’un délai supplémentaire pour étudier le dossier et reporta l’audience au 13 avril.

35. Le 8 mai 2001, après son placement en détention provisoire, le requérant comparut au procès pour la première fois. Il sollicita l’autorisation de désigner un représentant. Le tribunal fit droit à la demande et ajourna la procédure afin de convoquer l’avocat du requérant.

36. Le 11 mai 2001, l’avocat du requérant déclara qu’il avait pris en partie connaissance des pièces du dossier et invita le tribunal à poursuivre la procédure.

1. Dépositions de témoins

37. Le tribunal interrogea un certain nombre de témoins, notamment les personnes suivantes, au sujet du meurtre.

a) K.G.

38. K.G était le chef du commissariat de police de Bajram Curri à l’époque du meurtre. Le 23 mai 2001, il déclara qu’après avoir été informé du meurtre le soir du 12 septembre 1998, il avait convoqué une réunion des chefs d’unités pour renforcer la sécurité. Le requérant n’y avait pas assisté. En conséquence, une équipe de policiers avait été dépêchée au domicile de l’intéressé pour vérifier où il se trouvait. Les policiers l’avaient informé que le requérant, malade, était alité.

b) M.

39. S’appuyant sur l’article 509 du CPP et sur la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (« la Convention d’entraide »), le 23 mai 2001, le procureur demanda que M. fût interrogé par vidéoconférence depuis l’Italie.

40. Le 21 septembre 2001, le tribunal fit droit à la demande du procureur tendant à l’interrogatoire de M. par vidéoconférence conformément à l’article 151 § 3 du CPP. Le tribunal accepta également que les déclarations de M. fussent versées au dossier.

41. Le 29 octobre 2001, le tribunal entendit M. par vidéoconférence. Dans une déclaration faite le même jour, deux coaccusés firent part de leur intention de ne pas participer à l’audience, étant donné que la vidéoconférence était, selon eux, dépourvue de toute base légale.

42. Dans sa déposition, M. déclara qu’il avait rencontré le requérant par hasard dans une rue de Tirana le 12 septembre 1998 au matin. Ils avaient acheté un gyrophare ensemble. Le requérant était à la recherche d’une voiture pour faciliter ses déplacements dans la ville. F.L., le propriétaire d’un bar que M. fréquentait souvent, avait accepté de « prêter » au requérant sa Mercedes noire, étant entendu que ce dernier la lui rendrait dans l’après‑midi. M. indiqua que lui-même et le requérant s’étaient séparés, convenant de se rencontrer de nouveau en début d’après-midi.

43. M. ajouta ensuite qu’en début d’après-midi, lui-même et le requérant s’étaient promenés en voiture et que, sur une proposition de ce dernier, ils avaient roulé jusqu’au lac de Tirana, où ils avaient rencontré F.H, qui portait un uniforme de police.

44. M. déclara d’abord que le requérant avait un téléphone portable dans les mains. Il ne savait pas si cet appareil appartenait au requérant. Il ne se souvenait pas si celui-ci avait reçu des appels ou en avait donné.

45. M. affirma qu’il se trouvait à deux kilomètres lorsqu’il avait entendu les coups de feu, dans la soirée du 12 septembre 1998. Il se trouvait alors dans sa voiture, en route pour le bar de F.L. Il était passé près du lieu du crime et avait vu des taxis tout autour de l’endroit, mais non la voiture de F.L. Il avait appris l’assassinat par le journal télévisé.

46. La vidéoconférence fut interrompue pendant une pause de quinze minutes. Lorsqu’elle reprit, M. déclara que d’autres personnes présentes près du lac étaient armées soit de kalachnikovs soit de pistolets TT. Le requérant avait reçu le téléphone mobile d’un autre coaccusé. Sur le chemin du retour, le requérant, F.H. et N.C. étaient montés dans la voiture de M. et ils étaient allés chercher la Mercedes noire. M. ajouta qu’un fourgon de police était garé dans le square du Soldat inconnu (Sheshi i Ushtarit të Panjohur) et un autre près du Parlement.

47. M. déclara qu’il avait entendu des tirs de kalachnikov. Lorsqu’il était arrivé sur les lieux du crime, il avait vu une Mercedes partir et trois ou quatre personnes allongées sur le sol.

48. M. indiqua que pendant qu’il avait regardé le journal télévisé dans le bar de F.L., il s’était entretenu au téléphone avec le requérant, qui lui avait dit de garder le silence et avait ajouté que F.L. serait indemnisé pour tout dommage causé au véhicule.

c) G.B.

49. G.B., qui était propriétaire d’un bar près des locaux du Parti démocratique, était un ami d’enfance du député qui avait été tué. Il déposa le 28 mai 2001. Il déclara qu’il n’était ni dans le bar ni sur les lieux du crime le jour du meurtre. D’après lui, on avait rapporté que des personnes armées, dont le requérant, avaient été vues près du siège du Parti démocratique. G.B. nia qu’il y eût des frictions entre le député et le requérant. En même temps, il relata une tentative de meurtre perpétrée sur le député à Bajram Curri. Le requérant avait dit que le député l’avait échappé belle et il avait ajouté qu’il n’échapperait pas à une autre tentative. G.B. déclara également que S.L., un garde du corps au service du député, qui était présent dans le bâtiment au moment des événements, n’avait pas vu les meurtriers.

d) A.L.

50. A.L. était chauffeur au poste de police de Bajram Curri. Le 8 mai 2001, il fit une déposition devant le procureur. Il y indiquait qu’il était parti pour une mission à Tirana tard dans la soirée du 10 septembre 1998. Il était parti à la demande du requérant, qui était responsable de l’ordre public. Il n’avait reçu aucune précision quant à l’objet de la mission. F.H. et E.H., ainsi que le requérant, l’avaient accompagné. Sur le trajet vers Tirana, A.L. avait remarqué une Fiat Tipo derrière eux, mais il n’avait pas réussi à en voir le conducteur. Lorsqu’ils s’étaient arrêtés dans un bar pour boire un verre, N.C. les avaient rejoints. À ce moment-là, A.L. avait vu passer la Fiat et il avait remarqué que l’un des coaccusés (Is.H.) était au volant. Ils avaient passé toute la journée du 12 septembre 1998 près du lac à Tirana. Dans la soirée, d’autres personnes s’étaient jointes à eux. À un moment donné, ils avaient décidé de retourner en ville et des personnes étaient montées dans sa voiture. On lui avait demandé de se garer près du siège du Parti démocratique. Après qu’il eut entendu les tirs d’une arme automatique, on lui avait demandé de se rendre à l’hôpital civil. En chemin, A.L. avait été arrêté par le requérant. F.H. et ce dernier étaient montés dans la voiture avec N.C., qui était blessé. Après avoir emmené N.C. à l’hôpital, A.L. était retourné à Bajram Curri dans la soirée du 12 septembre. Aucune autre voiture ne les avait accompagnés. Le requérant, F.H. et E.H. se trouvaient dans la voiture. La déposition fut communiquée à l’accusé et au tribunal à une date non précisée en 2001.

51. Le 25 juillet 2001, le tribunal entendit A.L. Le requérant et son avocat participèrent à l’audience et interrogèrent A.L.

52. Dans sa déposition, A.L. indiqua que dans la soirée du 10 septembre 1998 le requérant lui avait donné l’ordre de préparer un fourgon de police et de se rendre à Tirana avec E.H. et F.H. En quittant Bajram Curri, il avait vu qu’une Fiat Tipo, qui appartenait à l’un des coaccusés (Is.H.), s’était jointe au convoi de trois voitures. Sur le trajet vers Tirana, une quatrième personne, N.C., s’était jointe à eux lorsqu’ils s’étaient arrêtés dans un bar pour prendre un verre. Ils avaient passé une grande partie de la journée du 12 septembre 1998 dans un bar près du lac de Tirana. Dans la soirée, E.H., H.H. et un autre coaccusé (Iz.H.) étaient montés dans le fourgon de police et ils étaient retournés en ville. Le requérant, F.H. et N.C. se trouvaient dans une Mercedes équipée d’une sirène de police sur le toit. A.L. indiqua qu’on lui avait demandé de garer la voiture près du square du Soldat inconnu et d’attendre. Trente minutes plus tard, il avait entendu les tirs d’une arme automatique. On lui avait alors demandé de démarrer et de se diriger vers l’hôpital civil. À une intersection, il avait vu la Mercedes avec le requérant et F.H. Ceux-ci avaient transporté N.C., qui était blessé, jusque dans sa voiture et ils s’étaient rendus aux urgences de l’hôpital civil. Le requérant et F.H. avaient expliqué à A.L. que N.C. avait été blessé dans un accident. E.H. et l’autre coaccusé (Iz.H.) étaient sortis du fourgon de police. A.L., le requérant et F.H. étaient retournés à Bajram Curri le soir même. A.L. indiqua en outre dans sa déposition que le requérant était habillé en civil et armé d’un pistolet et que F.H. portait un uniforme militaire et était armé d’un fusil automatique. Il ajouta que le lendemain matin il avait entendu à la télévision que le requérant était l’auteur du meurtre.

53. L’avocat du requérant éleva des objections contre le fait que la déposition de A.L. recueillie au cours de l’enquête pénale n’avait pas été divulguée rapidement par le procureur (paragraphe 50 ci-dessus). Il demanda au tribunal de lui accorder le temps nécessaire à la préparation de la défense. Le tribunal ajourna donc l’audience pour permettre à la défense d’interroger A.L.

54. Celui-ci fut contre-interrogé le 26 juillet 2001.

e) Le requérant

55. Le requérant déposa le 27 juillet 2001. Il déclara qu’à la demande de F.H., lui-même et E.H. étaient partis pour Tirana le 10 septembre 1998 au soir dans un fourgon de police conduit par A.L. Il ignorait que F.H. avait l’intention de tuer M. Hajdari. Après avoir quitté la ville, ils avaient dépassé la voiture d’un coaccusé (Is.H.). Sur le trajet vers Tirana, N.C., qui avait des antécédents judiciaires, les avait rejoints lorsqu’ils s’étaient arrêtés pour une pause.

56. Le requérant indiqua que le 12 septembre 1998, en début d’après‑midi, il avait été amené en voiture jusqu’au lac de Tirana. D’autres personnes s’y trouvaient déjà ou les avaient rejoints plus tard. En fin d’après-midi, lui-même, F.H. et N.C. étaient montés dans la voiture de M. Tous les trois, sauf M., étaient montés plus tard dans une Mercedes noire. C’était M. qui avait obtenu les clés de cette voiture. Vers 21 heures, le requérant avait garé la voiture près du siège du Parti démocratique, car F.H. voulait s’entretenir avec le député et d’autres personnes au sujet de l’enregistrement d’une discussion au cours de laquelle M. Berisha avait déclaré qu’il souhaitait voir son frère mort. N.C. et F.H. se trouvaient à l’arrière de la voiture et ce dernier communiquait avec une autre personne par talkie-walkie.

57. Le requérant admit qu’il se trouvait à la place du conducteur lorsque F.H. et N.C. étaient sortis de la voiture et avaient ouvert le feu. N.C. avait été grièvement blessé. Le requérant indiqua qu’il était descendu de la voiture, sans arme, pour tirer N.C. à l’intérieur de la voiture et l’emmener à l’hôpital. F.H. avait communiqué par talkie-walkie avec une autre personne, et avait convenu avec elle d’un rendez-vous près de l’hôpital civil. Le requérant déclara qu’il s’était présenté au personnel de service à l’hôpital comme étant policier.

58. Les jours suivants, il avait été de service au poste de police, où il avait appris que M. Berisha l’avait désigné comme étant le meurtrier. Le même jour, il avait rencontré F.H., qui lui avait dit que M. Berisha lui avait offert 200 millions de dollars US afin qu’il n’avouât pas sa participation à l’assassinat. Dans les mois qui suivirent, le père du requérant et F.H. avaient été tués par des inconnus, et le requérant s’était enfui au Kosovo, craignant pour sa vie. Le requérant demanda au tribunal d’ordonner la comparution de M. Berisha au procès, afin que celui-ci clarifie sa position et explique sa transaction avec F.H.

59. Le requérant fut contre-interrogé le 30 juillet 2001.

60. Le 8 mars 2002, ayant demandé à faire une autre déposition, le requérant fut invité par le tribunal de district à la faire le même jour. Il sollicita un délai supplémentaire pour préparer ses déclarations. Le tribunal rejeta sa demande.

f) P.G.

61. P.G. témoigna le 20 septembre 2001. En tant que témoin oculaire des meurtres, elle déclara que le député, qui était escorté par ses gardes du corps non armés, s’était approché d’une voiture bizarre qui avait tourné dans les environs dans la soirée du 12 septembre 1998. Le député avait eu une discussion animée au sujet du Parti démocratique et de M. Berisha avec les personnes qui étaient sorties de la voiture. Le député et ses gardes du corps avaient été tués par balles par trois personnes, dont le requérant. P.G. déclara que le requérant portait un uniforme militaire (ka qenë veshur me rroba ushtarake), qu’il était sorti de l’avant de la voiture, du côté du passager, et avait tiré sur le député et son garde du corps.

62. P.G. indiqua qu’après la fusillade elle s’était rendue au siège du Parti démocratique où elle avait relaté les événements à M. Berisha.

g) S.L.

63. Il apparaît que S.L. témoigna et fut contre-interrogé le 13 novembre 2001. Toutefois, aucun procès-verbal de cette audition n’a été remis à la Cour.

h) B.Y.

64. Le 5 février 2002, le tribunal fit droit à la demande du requérant tendant à l’interrogatoire de B.Y., un expert médicolégal qui avait examiné les corps de M. Hajdari et B.C. B.Y. déclara que le décès de M. Hajdari était dû à des blessures mortelles.

i) Ç.

65. Ç. témoigna le 20 février 2002. Il déclara que, vers 21 heures le 12 septembre 1998, il se trouvait dans la véranda d’un café situé à 60 mètres du lieu du meurtre. Bien qu’il fît nuit noire et qu’il plût, il avait vu le requérant tirer sur le député avec une arme automatique. Le requérant et l’autre coaccusé mirent en doute la crédibilité du témoignage de Ç. dans la mesure où les déclarations de celui-ci mentionnaient des personnes et des voitures qui n’avaient pas été décrites par d’autres témoins qui s’étaient trouvés sur le lieu du meurtre.

66. À une date non précisée, le propriétaire du café où Ç. se trouvait le 12 septembre 1998 au soir fut interrogé. Il déclara que ce jour-là, le café avait fermé, comme d’habitude, à 19 heures. La véranda était située à quelque 200 mètres du lieu du meurtre.

j) Z.N.

67. À une date non précisée, le tribunal obtint la déclaration écrite de Z.N., qui avait été grièvement blessé le jour de l’assassinat. Le témoin déclara notamment que, pour autant qu’il se souvînt, le requérant pouvait être la personne qui avait tiré sur le député.

2. Non-comparution d’un témoin

68. Le 23 mai, le 8 juin, et les 25 et 27 juillet 2001, le tribunal convoqua en vain M. Berisha, qui était député et président du Parti démocratique (paragraphe 9 ci-dessus). Le tribunal informa le ministre de l’Ordre public d’alors, la Direction générale de la police ainsi que d’autres institutions du non-respect par M. Berisha des convocations.

69. Le 7 septembre 2001, le tribunal rejeta la demande du procureur tendant notamment à faire comparaître M. Berisha de force et renouvela la convocation de celui-ci au procès.

70. Les 14 et 26 septembre 2001, le tribunal de district ordonna, en vain, notamment, la comparution de M. Berisha.

71. Le 29 octobre 2001, il décida de saisir la Cour constitutionnelle de la question de l’ordre de comparution forcée de M. Berisha, compte tenu de la qualité de député de celui-ci. Il semblerait que la Cour constitutionnelle ne se soit pas encore prononcée sur cette question.

3. Les conclusions finales des parties

72. Le procureur présenta ses conclusions finales le 18 mars 2002, demandant la condamnation du requérant des chefs d’accusation.

73. Le requérant présenta ses conclusions finales le 10 avril 2002.

4. Le jugement du tribunal de district du 29 avril 2002

74. Le 29 avril 2002, le tribunal de district rendit son jugement. Il conclut, sur la base des expertises médicolégales, que le député et son garde du corps étaient décédés « d’un grave choc traumatique et hémorragique provoqué par de multiples blessures d’entrée de balles à la tête, [à la poitrine] et à l’abdomen » (shkaku i vdekjes është shoku i rëndë traumatiko-hemoragjik, pasojë e plagëve të shumta tejshkuese në kokë, [kraharor] dhe në bark). Certaines douilles découvertes sur les lieux du crime avaient été tirées avec un pistolet de calibre 9 mm qui, selon le témoin A.L., appartenait au requérant et avait été utilisé pour le meurtre.

75. Le tribunal conclut en outre que le requérant, avec F.H., avait planifié et commis le meurtre du député et de l’un de ses gardes du corps. Il estima que le requérant avait organisé le 10 septembre 1998 le voyage de Bajram Curri à Tirana à la demande de F.H. De plus, selon le tribunal, il avait été directement impliqué dans la procuration des moyens nécessaires à la commission du crime, ce qui était confirmé par les témoignages de S.L., P.G. et G.B. et, en particulier, par le témoignage de A.L.

(...)

76. Le tribunal déclara également que le député n’avait pas été assassiné pour des motifs politiques, mais qu’il avait été tué par vengeance (hakmarrje). Il estima que le requérant était complice de F.H. dans le meurtre car il avait voulu venger le meurtre du frère de celui-ci, dans lequel F.H. pensait que le député avait été impliqué. Par conséquent, le tribunal requalifia les chefs d’accusation visant le requérant en meurtre avec préméditation commis par vengeance, sur le fondement de l’article 78 § 2 du code pénal, qui était entré en vigueur le 24 janvier 2001.

(...)

77. En ce qui concerne les deux coaccusés, le tribunal rejeta les déclarations des témoins Ç. et M., les jugeant contradictoires et non fiables.

78. Le requérant fut finalement reconnu coupable du meurtre du député sur le fondement des articles 78 § 2 et 25 du code pénal ; du meurtre de B.C. sur le fondement des articles 78 et 25 du code pénal ; et de tentative de meurtre sur la personne de Z.N. sur le fondement des articles 78 et 25 du code pénal. Il fut condamné à la réclusion à perpétuité.

D. La procédure devant les juridictions d’appel

1. La procédure devant la cour d’appel

79. Le 9 mai 2002, le requérant interjeta appel du jugement du tribunal de district. Il reconnut qu’à la demande de F.H. il était parti avec celui-ci à Tirana le 10 septembre 1998 au soir. Selon lui, F.H. ne pouvait pas voyager de jour en raison de querelles meurtrières entre lui-même et d’autres familles dans la région. Le requérant indiqua que F.H. voulait faire le voyage pour obtenir du député des explications au sujet de son rôle dans l’assassinat de son frère. Sur le trajet vers Tirana, ils auraient rencontré la voiture de police d’un coaccusé (Is.H.). À Tirana, le requérant aurait circulé librement pour faciliter la rencontre entre F.H. et le député. Il se serait déplacé totalement au hasard, sans aucune intention d’organiser des personnes, de réunir des complices ou de se procurer d’autres moyens à des fins criminelles. Le requérant soutint que s’il avait été l’organisateur du meurtre, il aurait tenté de faire profil bas et évité de se montrer en public. Il reconnut avoir été présent sur les lieux du crime avec F.H. et N.C., mais il déclara n’avoir jamais tiré sur le député. Selon ses dires, c’était F.H. qui était sorti de l’arrière de la voiture et qui avait tiré sur le député avec un fusil automatique. Ces faits, d’après le requérant, étaient confirmés par les déclarations formulées par Z.N. le 25 septembre 1998 et le 16 novembre 2000.

80. Le requérant soutint que sa culpabilité n’avait pas été prouvée au‑delà de tout doute raisonnable, mais qu’elle était fondée sur des hypothèses, des incertitudes et des allusions. D’après lui, rien ne prouvait qu’il avait tiré ou qu’il avait jamais été en possession d’un pistolet de calibre 9 mm. Le témoin A.L. n’aurait pas été présent sur les lieux du crime, et son témoignage ne pourrait pas être invoqué à cet égard. D’autres déclarations de témoins sur lesquelles le tribunal du fond s’était appuyé étaient, selon lui, contradictoires et spéculatives. La déclaration faite par Z.N. le 16 novembre 2000 aurait été un ensemble d’hypothèses. Les corps n’auraient pas fait l’objet d’un examen médicolégal destiné à rechercher d’autres causes de décès (par exemple un empoisonnement). Le requérant soutint que le tribunal du fond s’était appuyé sur sa déclaration du 6 mai 2001 pour le condamner, alors que cette juridiction lui avait refusé le droit d’être entendu le 8 mars 2002.

81. Le requérant estima en outre que le tribunal du fond avait versé dans l’erreur en le condamnant pour meurtre avec préméditation. Selon lui, il n’existait aucune preuve au-delà de tout doute raisonnable qu’il avait prémédité la commission d’une infraction. Le tribunal aurait été partial et influencé par les médias, la politique et d’autres intérêts en jeu dès le début du procès. En outre, il n’aurait pas prouvé l’existence d’un mobile pour un meurtre prémédité : celui que le tribunal avait exposé aurait été fondé sur des probabilités et des incertitudes, notamment le fait que F.H. souhaitait exercer sa vengeance sur le député en raison des accusations portées par ce dernier contre F.H. durant une session parlementaire. Le tribunal n’aurait soumis aucun élément de preuve montrant l’existence « de liens familiaux et sociaux étroits sur la base de clans familiaux et d’intérêts criminels » entre le requérant et F.H. Il n’aurait pas non plus apporté la preuve que le requérant avait un intérêt dans le meurtre. De plus, le tribunal n’aurait pas non plus révélé l’existence d’un accord préalable entre le requérant et l’autre coaccusé concernant la commission d’un meurtre prémédité ainsi qu’il était allégué.

82. Le 9 juillet 2002, la cour d’appel confirma le jugement du tribunal de district dans son ensemble.

2. La procédure devant la Cour suprême

83. Le 31 juillet 2002, le requérant forma devant la Cour suprême un recours fondé sur les mêmes motifs que ceux qu’il avait invoqués devant la cour d’appel, ajoutant qu’en vertu des dispositions juridiques en vigueur à l’époque les juridictions inférieures n’étaient pas en droit de requalifier les chefs d’accusation dirigés contre lui, cette prérogative appartenant uniquement au procureur. Il soutenait par ailleurs que les décisions n’étaient pas motivées, qu’elles étaient dénuées de cohérence, qu’un certain nombre de témoins n’avaient pas été cités et que la déclaration du témoin M. avait été illégalement recueillie et versée au dossier.

84. Le 14 février 2003, la Cour suprême confirma les jugements des juridictions inférieures.

85. Elle estima que, bien que le dossier ne comportât aucune décision formelle de clôture de l’enquête et de divulgation au requérant et aux autres coaccusés des documents obtenus durant l’enquête pénale, le 3 avril 2001 le tribunal de district avait fait droit à la demande de l’un des coaccusés tendant à l’obtention d’un délai supplémentaire pour la préparation de sa défense, à savoir jusqu’au 13 avril 2001.

86. Quant au grief du requérant selon lequel sa déclaration du 6 mai 2001 avait été utilisée comme élément de preuve, la Cour suprême confirma que cette déclaration n’avait été ni versée au dossier ni admise comme élément de preuve par le tribunal de district.

87. La Cour suprême estima que l’obtention des déclarations et des dépositions de M. recueillies par vidéoconférence était fondée sur les articles 151 § 3 et 509 du CPP et sur la Convention d’entraide judiciaire. Elle nota que les déclarations livrées par M. durant l’enquête pénale avaient été soumises à l’examen du tribunal par voie de vidéoconférence et que le requérant avait eu le droit de contre-interroger M. en personne ou par l’intermédiaire de son représentant. Selon elle, le fait que certains coaccusés eussent quitté l’audience n’entachait pas la production de cette déclaration d’illégalité. La Cour suprême condamna la conduite de ces coaccusés à l’audience, mais elle invita le tribunal du fond à veiller à ce qu’à l’avenir des avocats fussent commis d’office pour garantir les droits de la défense.

88. La Cour suprême rejeta le grief du requérant selon lequel il n’avait pas disposé du temps nécessaire à la préparation de sa défense. Elle nota qu’au cours de la procédure par défaut le tribunal du fond avait désigné un avocat pour représenter les intérêts du requérant. Lorsque celui-ci avait comparu pour la première fois au procès, sa demande tendant à l’obtention de l’assistance d’un avocat de son choix avait été accueillie. Le 27 juillet 2001, il avait été autorisé à témoigner et il avait été soumis à un contre‑interrogatoire. Il avait participé à toutes les audiences ultérieures et avait interrogé les témoins. Le 8 mars 2002, le tribunal du fond avait invité le requérant à faire des déclarations complémentaires le même jour, ce que l’intéressé n’avait pas fait, et le tribunal du fond avait entendu les conclusions des parties.

89. La Cour suprême estima que le fait que le requérant et ses coaccusés n’avaient pas obtenu au préalable une copie de la déclaration de A.L. ne portait pas atteinte à leur droit de la défense : A.L. avait déposé au procès à la demande du requérant et celui-ci avait eu la possibilité de l’interroger.

90. Quant au grief du requérant selon lequel aucun expert médicolégal n’avait été entendu au procès, la Cour suprême rappela que, le 18 février 2002, un expert médicolégal avait déclaré que le décès du député et de son garde du corps était dû à des blessures mortelles.

91. La Cour suprême conclut en outre que la requalification des accusations portées contre le requérant par le tribunal du fond était conforme au droit, à savoir à l’article 375 du CPP qui était entré en vigueur le 13 juin 2002.

92. Enfin, elle rejeta les griefs du requérant pour le surplus au motif qu’ils portaient sur l’appréciation des éléments de preuve, qui relevait des juridictions inférieures.

3. La procédure devant la Cour constitutionnelle

93. À une date non précisée, le requérant saisit la Cour constitutionnelle, invoquant les mêmes motifs que ceux avancés devant les juridictions inférieures.

94. Le 9 juillet 2003, la Cour constitutionnelle, siégeant en formation plénière de neuf juges, déclara le recours irrecevable au motif qu’il ne révélait aucune violation du droit à un procès équitable. Elle ne motiva pas sa décision.

(...)

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 §§ 1 ET 3 DE LA CONVENTION

110. Le requérant soulève de nombreux griefs sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention. Il allègue que les juridictions internes ont admis des éléments de preuve qui auraient été recueillis illégalement, par exemple les témoignages de M. et Ç., ainsi que sa propre déclaration du 6 mai 2001. Il conteste en outre l’appréciation des éléments de preuve, par exemple celle des expertises médicolégales, et soutient que les tribunaux internes n’ont pas suffisamment motivé leurs décisions.

111. Le requérant allègue également des violations de ses droits découlant de l’article 6 § 3 a) à d). Il se plaint que son avocat commis d’office n’a pas disposé de suffisamment de temps pour étudier le dossier d’instruction et n’a pas eu accès à l’ensemble des pièces de celui-ci, en particulier à la déclaration faite par A.L. le 8 mai 2001. Il soutient en outre que les juridictions internes ont requalifié les chefs d’accusation sans l’informer de la nature des nouvelles accusations et sans lui donner la possibilité de préparer une défense appropriée. Il se serait par ailleurs vu priver de la possibilité de témoigner le 8 mars 2002. Les tribunaux internes n’auraient pas été en mesure de contraindre M. Berisha à déposer, alors que le requérant le considérait comme un témoin clé.

112. L’article 6 §§ 1 et 3 a) à d) se lit ainsi :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

(...)

3. Tout accusé a droit notamment à :

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; »

(...)

B. Sur le fond

1. Les arguments des parties

a) Le requérant

114. Le requérant soutient qu’il n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat pendant une période initiale de treize mois, le premier avocat ayant été commis d’office le 4 avril 2001, et qu’il n’a pas été représenté à l’audience lors de laquelle le tribunal confirma la régularité de son arrestation. En outre, l’avocat commis d’office s’étant selon lui retiré de l’affaire le 16 mars 2001, il n’aurait pas disposé du temps nécessaire à la préparation de sa défense.

115. Certains éléments de preuve auraient été recueillis illégalement, notamment la déclaration de A.L. le 8 mai 2001, qui ne lui aurait pas été communiquée, et le témoignage de M., qui aurait été recueilli par vidéoconférence, en violation du droit interne, ainsi que le témoignage de Ç. Les demandes du requérant tendant à l’obtention de précisions sur les rapports médicolégaux et à la citation d’autres experts auraient été rejetées. Ces mesures, ainsi que le défaut de motivation des jugements rendus par les juridictions internes, seraient révélatrices du manque d’impartialité et d’indépendance de ces juridictions.

116. Selon le requérant, témoigner est une obligation civile. L’immunité parlementaire de M. Berisha ne pourrait pas être invoquée comme un obstacle empêchant celui-ci de déposer. L’article 162 du CPP autoriserait des hauts fonctionnaires de l’État, y compris le président de la République, à témoigner. Le requérant soutient que si les tribunaux étaient préoccupés par la sécurité personnelle de M. Berisha, ils auraient pu autoriser son interrogatoire conformément à l’article 364 § 1 du CPP. Il ajoute que M. Berisha n’a pas témoigné, mais que les déclarations de celui-ci selon lesquelles il avait commis le meurtre ont constitué l’élément essentiel de sa condamnation.

b) Le Gouvernement

117. Le Gouvernement soutient que le requérant n’a pas formulé devant les juridictions internes son grief concernant le défaut de représentation par un avocat pendant une période initiale de treize mois. L’avocat commis d’office aurait été informé de l’acte d’inculpation le 16 mars 2001 et il n’aurait pas sollicité de délai supplémentaire pour étudier le dossier. Dès son extradition, le requérant aurait été rapidement informé des accusations portées contre lui. Il se serait réservé le droit de désigner un avocat de son choix. À l’audience lors de laquelle le tribunal a confirmé la régularité de son arrestation, le requérant aurait décidé de se représenter lui-même.

118. Quant à l’admission des éléments de preuve, le Gouvernement argue que les témoignages de M. et de Ç. ont été recueillis conformément au droit interne. A.L. aurait déposé au procès et aurait été contre-interrogé. La déclaration faite par le requérant le 6 mai 2001 n’aurait pas été admise en tant qu’élément de preuve. Le médecin légiste aurait déposé au procès et aurait été contre-interrogé par le requérant. Les demandes soumises par ce dernier les 18 et 20 février 2002 tendant à l’établissement d’une expertise sur la capacité mentale et psychologique de P.G. auraient été rejetées pour défaut manifeste de fondement.

119. Le Gouvernement soutient que le tribunal du fond est autorisé à requalifier les faits en vertu de l’article 375 du CPP. Par ailleurs, entre le 20 février et le 8 mars 2002, le tribunal aurait ajourné deux audiences pour donner au requérant la possibilité de soumettre sa déclaration. Le 8 mai 2002, il aurait refusé la demande de l’intéressé tendant à l’obtention d’un délai supplémentaire, la jugeant déraisonnable.

120. Le Gouvernement indique en outre que M. Berisha a été cité à comparaître à un certain nombre d’occasions, en vain. Toutefois, celui-ci n’aurait pas été un témoin déterminant, ni pour le procureur ni pour le requérant. Il aurait bénéficié de l’immunité parlementaire, dont la levée par le Parlement aurait été une condition préalable à son témoignage. S’appuyant sur l’affaire A. c. Royaume-Uni (no 35373/97, CEDH 2002‑X), le Gouvernement soutient que l’immunité parlementaire de M. Berisha n’a pas imposé une restriction disproportionnée aux droits de la défense du requérant. En outre, d’après lui, des raisons de sécurité justifiaient la non‑comparution de l’intéressé, considérant que la sécurité personnelle de celui-ci n’aurait pas pu être assurée au procès, compte tenu de la tentative de meurtre dont il aurait fait l’objet.

121. De l’avis du Gouvernement, les décisions des juridictions internes étaient motivées et fondées sur un certain nombre de dépositions de témoins.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

122. Les exigences du paragraphe 3 de l’article 6 de la Convention représentant des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1, la Cour examinera les griefs du requérant sous l’angle de ces deux textes combinés (voir, entre autres, A.S. c. Finlande, no 40156/07, § 47, 28 septembre 2010).

123. Le paragraphe 3 a) de l’article 6 montre la nécessité de mettre un soin extrême à notifier l’« accusation » à la personne poursuivie. L’acte d’accusation joue un rôle déterminant dans les poursuites pénales : à compter de sa signification, la personne mise en cause est officiellement avisée par écrit de la base juridique et factuelle des reproches formulés contre elle (Kamasinski c. Autriche, 19 décembre 1989, § 79, série A no 168). L’article 6 § 3 a) de la Convention reconnaît à l’accusé le droit d’être informé non seulement de la cause de l’« accusation », c’est-à-dire des faits matériels qui sont mis à sa charge et sur lesquels se fonde l’accusation, mais aussi de la qualification juridique donnée à ces faits, et ce d’une manière détaillée (Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 51, CEDH 1999‑II). De l’objet et du but de l’article découlent du reste la faculté, pour l’accusé, « de prendre part à l’audience » et son droit à « un examen de sa cause » par un « tribunal » siégeant en sa présence (voir, parmi d’autres, Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne, 6 décembre 1988, §§ 68 et 78, série A no 146).

124. Si l’article 6 garantit le droit à un procès équitable, il ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui relève au premier chef du droit interne (Schenk c. Suisse, 12 juillet 1988, § 45, série A no 140, Teixeira de Castro c. Portugal, 9 juin 1998, § 34, Recueil des arrêts et décisions 1998‑IV, Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, §§ 94-96, CEDH 2006‑IX, et Bykov c. Russie [GC], no 4378/02, § 88, 10 mars 2009). La Cour n’a donc pas à se prononcer, par principe, sur l’admissibilité de certaines sortes d’éléments, par exemple des éléments obtenus de manière illégale au regard du droit interne, ou encore sur la culpabilité du requérant. Elle doit examiner si la procédure, y compris la manière dont les éléments de preuve ont été recueillis, a été équitable dans son ensemble, ce qui implique l’examen de l’« illégalité » en question et, dans le cas où se trouve en cause la violation d’un autre droit protégé par la Convention, de la nature de cette violation (voir, entre autres, Khan c. Royaume-Uni, no 35394/97, § 34, CEDH 2000‑V, P.G. et J.H. c. Royaume-Uni, no 44787/98, § 76, CEDH 2001‑IX, Heglas c. République tchèque, no 5935/02, §§ 89-92, 1er mars 2007, Allan c. Royaume-Uni, no 48539/99, § 42, CEDH 2002‑IX, et Bykov, précité, § 89).

125. Pour déterminer si la procédure dans son ensemble a été équitable, il faut aussi se demander si les droits de la défense ont été respectés. Il faut rechercher notamment si le requérant s’est vu offrir la possibilité de remettre en question l’authenticité de l’élément de preuve et de s’opposer à son utilisation. Il faut prendre également en compte la qualité de l’élément de preuve, y compris le point de savoir si les circonstances dans lesquelles il a été recueilli font douter de sa fiabilité ou de son exactitude. Si un problème d’équité ne se pose pas nécessairement lorsque la preuve obtenue n’est pas corroborée par d’autres éléments, il faut noter que lorsqu’elle est très solide et ne prête à aucun doute, le besoin d’autres éléments à l’appui devient moindre (voir, mutatis mutandis, Khan, §§ 35 et 37, Allan, § 43, et Bykov, § 90, tous précités).

126. Ni la lettre ni l’esprit de l’article 6 de la Convention n’empêchent quiconque de renoncer de son plein gré, de manière expresse ou tacite, aux garanties d’un procès équitable dont le droit d’interroger ou de contre‑interroger des témoins à charge (Hermi c. Italie [GC], no 18114/02, § 73, CEDH 2006‑XII). Toutefois, une renonciation ne doit pas aller à l’encontre d’un intérêt général important, doit se trouver établie de manière non équivoque et doit s’entourer d’un minimum de garanties correspondant à sa gravité (Blake c. Royaume-Uni, no 68890/01, § 127, 26 septembre 2006).

a) Application des principes susmentionnés à la présente affaire

127. La Cour note qu’à l’audience du 7 mai 2001 concernant la légalité de son arrestation, le requérant a assuré lui-même sa défense, bien que, la veille, il eût été informé de son droit de désigner un avocat (paragraphe 30 ci-dessus). L’intéressé n’a soulevé aucune question à cet égard en appel. En outre, la désignation par lui d’un avocat de son choix a été acceptée par le tribunal du fond. À l’audience du 11 mai 2001, l’avocat du requérant a demandé la poursuite du procès.

128. En ce qui concerne l’admission d’éléments de preuve qui auraient été recueillis de manière illégale, la Cour note que les juridictions internes ont écarté les dépositions de Ç. et M., jugeant qu’elles étaient contradictoires et manquaient de crédibilité, et qu’elles ne se sont pas fondées sur ces éléments. Il semble que la déclaration faite par A.L. le 8 mai 2001 n’ait pas été communiquée à la défense à l’origine. Toutefois, le tribunal du fond a remédié à tout manque d’équité qui aurait pu en résulter en veillant à ce que A.L. témoignât. Le requérant et son avocat ont participé à l’audience et ont contre-interrogé A.L. La déclaration faite le 6 mai 2001 par le requérant n’a été ni retenue ni utilisée à l’appui de sa condamnation.

129. Le tribunal du fond a écarté le 8 mars 2002 une nouvelle demande du requérant tendant à l’obtention d’un délai supplémentaire pour la préparation d’une autre déclaration, très vraisemblablement compte tenu de la déposition détaillée que l’intéressé avait déjà faite le 27 juillet 2001. Le dossier n’indique pas la nature de l’autre « déposition » que le requérant souhaitait faire. Quoi qu’il en soit, celui-ci a eu en appel la possibilité, dont il a usé, de soumettre des observations écrites détaillées.

130. Pour ce qui est de la non-comparution de M. Berisha au procès, la Cour rappelle que les paragraphes 1 et 3 de l’article 6 commandent d’accorder à l’accusé une occasion adéquate et suffisante de contester un témoignage à charge et d’en interroger l’auteur, au moment de la déposition ou plus tard (voir, parmi d’autres, Sadak et autres c. Turquie (no 1), nos 29900/96, 29901/96, 29902/96 et 29903/96, § 64, CEDH 2001‑VIII). À cet égard, la Cour note que M. Berisha n’était pas un témoin oculaire. Il n’a jamais fait de déclaration durant l’enquête ni témoigné au procès. Sa déclaration du 12 septembre 1998 n’a pas été produite en tant que preuve au procès, et encore moins retenue contre le requérant par les tribunaux internes. Le requérant n’a pas démontré en quoi le témoignage de M. Berisha aurait été déterminant pour prouver son innocence.

131. À plusieurs reprises, le tribunal du fond a tenté, en vain, de convoquer M. Berisha. Dans ses observations à la Cour, le requérant a invoqué les articles 162 et 364 § 1 du CPP, soutenant que les autorités auraient pu avoir recours à ces dispositions pour lui permettre d’interroger M. Berisha (paragraphe 116 ci-dessus). Toutefois, il semblerait que le requérant ne se soit jamais appuyé sur les dispositions susmentionnées dans ses recours au niveau interne. En outre, la condamnation de l’intéressé était fondée notamment sur les dépositions des témoins A.L., S.L., P.G. et G.B. et corroborées par ces dépositions. La Cour ne voit rien d’arbitraire ou de déraisonnable dans l’appréciation de ces importants éléments de preuve.

132. En se livrant à l’appréciation de l’équité d’une procédure pénale dans son ensemble, la Cour a déjà admis que la requalification des faits porte pas atteinte au droit de la défense si l’accusé a une possibilité suffisante de se défendre dans le cadre d’un recours (Dallos c. Hongrie, no 29082/95, §§ 47-53, CEDH 2001‑II, et Sipavičius c. Lituanie, no 49093/99, § 30, 21 février 2002). En l’espèce, le requérant a contesté sa condamnation ainsi que la requalification de l’infraction devant la cour d’appel, qui était compétente pour connaître de cette question. Cette juridiction a écarté l’appel en motivant sa décision de façon adéquate. La Cour suprême a également examiné un autre recours concernant la requalification de l’infraction. Elle était compétente pour offrir au requérant le redressement demandé (paragraphe 91 ci-dessus) mais a rejeté les arguments de celui-ci pour des motifs raisonnables.

133. Eu égard aux éléments du dossier, en particulier aux conclusions du procureur telles qu’exposées dans le jugement du tribunal de district (paragraphe 76 ci-dessus), la Cour estime donc qu’on ne saurait dire que le requérant n’a pas pu anticiper la requalification de l’accusation portée contre lui. Elle considère qu’il a disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense concernant la nouvelle accusation et, en fait, a pu exposer sa défense à cet égard devant deux juridictions. Sur ce point, il y a lieu de distinguer la présente espèce de l’affaire Pélissier et Sassi susmentionnée, dans laquelle la Cour de cassation n’avait pas réexaminé le « pouvoir discrétionnaire » de la cour d’appel lorsqu’elle avait requalifié les faits. Le rejet, en l’espèce, des recours du requérant ne signifie pas que les procédures de recours n’étaient pas de nature à pallier les lacunes éventuelles de la procédure en première instance.

134. Enfin, la Cour note que le requérant, à tous les stades de la procédure interne, a été représenté par un avocat de son choix, qu’il a assisté à presque toutes les audiences importantes, et qu’il a eu la possibilité de soumettre des preuves et de contre-interroger de nombreux témoins.

135. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que la procédure interne dans son ensemble ne fait apparaître aucune absence d’équité procédurale. Dès lors, elle conclut à la non-violation de l’article 6 §§ 1 et 3 a) à d) de la Convention à cet égard.

(...)

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

(...)

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 a) à d) de la Convention.

Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 8 octobre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Françoise Elens-PassosIneta Ziemele
GreffièrePrésidente


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