La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2013 | CEDH | N°001-126547

CEDH | CEDH, AFFAIRE GIAVI c. GRÈCE, 2013, 001-126547


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE GIAVI c. GRÈCE

(Requête no 25816/09)

ARRÊT

STRASBOURG

3 octobre 2013

DÉFINITIF

03/01/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Giavi c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia La

ffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE GIAVI c. GRÈCE

(Requête no 25816/09)

ARRÊT

STRASBOURG

3 octobre 2013

DÉFINITIF

03/01/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Giavi c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 septembre 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 25816/09) dirigée contre la République hellénique et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Aggeliki Giavi (« la requérante »), a saisi la Cour le 15 avril 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La requérante est représentée par Me L. Panousis, avocat à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les déléguées de son agent, Mme G. Papadaki, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, et Mme Z. Hadjipavlou, auditrice auprès du Conseil juridique de l’Etat.

3. La requérante allègue une violation de l’article 6 § 1 (délai raisonnable) de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1, pris isolément et/ou combiné avec l’article 14 de la Convention.

4. Le 24 mars 2010, la vice-présidente de la première section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. La requérante est née en 1931 et réside à Glyka Nera.

6. Le 18 juin 1997, la requérante, femme de ménage à l’hôpital général de la préfecture de l’Attique de l’Ouest, saisit le tribunal de première instance d’Athènes d’une action contre l’hôpital, par laquelle elle réclamait une somme de 27 413 254 drachmes (80 449,75 euros), correspondant à des compléments de salaires et indemnités qui ne lui auraient pas été versés entre le 1er juin 1994 et le 21 mars 1997, date de son départ à la retraite. Elle demandait aussi des intérêts sur cette somme à compter de la notification de l’action à la partie adverse et jusqu’au versement. L’action fut notifiée à la partie adverse le 24 juin 1997.

7. L’audience eut lieu le 16 décembre 1997.

8. Par un jugement du 28 avril 1998, le tribunal rejeta l’action au motif qu’à compter du 1er juillet 1988, le régime des salaires du personnel des hôpitaux publics ne s’appliquait plus à la situation contractuelle de la requérante, qui avait été modifiée. Le jugement fut mis au net et certifié conforme le 22 septembre 1998.

9. Le 24 mars 2000, la requérante interjeta appel contre ce jugement devant la cour d’appel d’Athènes et le 5 avril 2000 elle invita celle-ci à fixer la date de l’audience. Les débats eurent lieu le 30 mai 2000.

10. Le 5 juillet 2001, la cour d’appel infirma partiellement le jugement et accorda à la requérante la somme de 22 244 224 drachmes. Elle refusa de lui accorder des intérêts sur la somme accordée (à compter de la notification de l’action, le 24 juin 1997, et jusqu’au versement) au motif que la requérante avait renoncé à percevoir des intérêts car elle avait transformé son action en recouvrement (katapsifistiki agogi) en action déclaratoire (anagnoristiki agogi). Elle jugea, en outre, que les prétentions de la requérante pour la période du 1er juin au 31 décembre 1994 étaient éteintes par la prescription biennale prévue à l’article 48 § 3 du décret 496/1974, relatif à la comptabilité des personnes morales de droit public, aux contrats et aux prescriptions, qu’elle prit en compte d’office en application de l’article 52, 3e phrase, du même décret.

11. L’arrêt fut mis au net et certifié conforme le 24 août 2001.

12. Le 10 septembre 2001, la requérante se pourvut en cassation. Elle se fondait, entre autres, sur les articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1. Elle soutenait qu’aucun motif valable ne pouvait justifier l’application d’un délai de prescription de deux ans aux prétentions des employés de personnes morales publiques à l’encontre de celles-ci, alors que le délai de droit commun était de cinq ans (article 250 du code civil), que celui applicable aux autres créanciers des mêmes personnes morales était également de cinq ans (article 48 § 1 du décret) et que celui applicable aux créances des mêmes personnes morales envers les tiers était de cinq ans également (article 44 du décret). Elle soulignait que les intérêts de trésorerie des personnes morales publiques ne sauraient leur valoir un traitement de faveur au détriment de leurs employés.

13. L’audience, initialement fixée au 2 avril 2002, fut ajournée, à la demande de la requérante, au 21 janvier 2003. A cette date, elle fut encore ajournée à la demande de celle-ci. Le 11 janvier 2007, la requérante demanda la fixation d’une nouvelle date d’audience. Celle-ci fut fixée au 16 octobre 2007 mais elle fut reportée, de nouveau à la demande de la requérante, au 23 septembre 2008, date à laquelle elle eut lieu.

14. La requérante admet que son avocat sollicita l’ajournement des audiences des 2 avril 2002 et 21 janvier 2003 car le rapport rédigé par le juge rapporteur était défavorable aux thèses de celle-ci et il estimait opportun d’attendre des arrêts du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes qui seraient favorables à ses intérêts.

15. Par un arrêt du 4 novembre 2008 (mis au net et certifié conforme le 15 décembre 2008), la Cour de cassation rejeta le pourvoi.

16. Elle affirma que la prescription établie par les articles 48 § 3 et 49 du décret, plus courte que celle établie par l’article 44 pour les créances des personnes morales de droit public à l’égard de tiers, ne méconnaissait pas l’article 4 § 1 de la Constitution (égalité devant la loi) car elle était justifiée par le besoin de liquidation rapide des obligations des personnes morales de droit public. Elle ajouta que l’établissement de délais de prescription différents suivant le type de prétentions, de débiteurs et de créanciers ne violait pas l’article 6 § 1 de la Convention ni l’article 1 du Protocole no 1, qui n’empêchent pas le législateur d’établir des règles fixant un délai de prescription différent selon les cas. Par conséquent, la cour d’appel, considérant que les prétentions de la requérante établies jusqu’au 31 décembre 1994 étaient éteintes par prescription à la date de l’introduction de son action, deux ans après la fin de l’année durant laquelle elles étaient nées, n’avait pas violé les articles 6 de la Convention et 1 du Protocole no 1.

17. Enfin, la Cour de cassation souligna que l’examen d’office par les tribunaux du jeu de la prescription au profit de l’Etat et des personnes morales de droit public, prévue à l’article 52, 3e phrase du décret et instituée pour des motifs d’intérêt public, n’était pas contraire aux articles 4 § 1 de la Constitution, 6 § 1 de la Convention (car les parties adverses des personnes morales n’étaient pas privées de leur droit de soulever des objections pour réfuter le jeu de la prescription) et 1 du Protocole no 1 (car cet article n’empêchait pas le législateur d’établir des règles concernant la prescription des prétentions et la prise en compte d’office de celle-ci par les tribunaux).

18. La somme accordée à la requérante par la cour d’appel lui fut versée le 9 juillet 2002.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. La prescription

19. L’article 250 du code civil prévoit :

« Se prescrivent par cinq ans les prétentions [qui concernent] : (...) 17o les salaires et appointements de toute espèce, les revenus arriérés, les pensions de retraite, les pensions alimentaires, ainsi que toute autre prestation périodiquement renouvelable (...) »

20. Le décret législatif no 496/1974 du 19 juillet 1974, relatif à la comptabilité des personnes morales de droit public aux contrats et aux délais de prescription, dispose ce qui suit :

Article 44 § 1

« Toute dette envers une personne morale de droit public est éteinte par prescription (...) après l’écoulement de cinq ans à compter de la fin de l’année économique dans laquelle elle a été constatée. »

Article 48

« 1. Le délai de prescription des prétentions pécuniaires contre les personnes morales de droit public est de cinq ans, sauf s’il est précisé autrement dans le présent décret.

(...)

3. Le délai de prescription pour les prétentions des employés des personnes morales de droit public contre celles-ci, que ces employés leur soient liés par des contrats de droit public ou de droit privé, pour cause de retard dans le versement de salaires, d’autres allocations ou des indemnités (...) est de deux ans. »

Article 49

« Le délai de prescription commence à courir à compter de la fin de l’année économique pendant laquelle la prétention est née et son recouvrement par voie judiciaire est possible. »

Article 52

« (...) La prescription est prise en compte d’office par les tribunaux. »

21. L’article 90 § 3 de la loi no 2362/1995 sur la comptabilité publique dispose :

« Les prétentions des fonctionnaires ayant une relation contractuelle de droit public ou de droit privé (...) contre l’Etat, qui concernent leur rémunération ou toute autre sorte d’indemnité (...) sont prescrites dans un délai de deux ans à compter de leur naissance. »

22. Par un arrêt no 9/2009 du 4 mai 2009, la Cour spéciale suprême, chargée de statuer entre autres sur les conflits de jurisprudence entre les juridictions, a levé une divergence qui était née d’arrêts contradictoires du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation au sujet de la constitutionnalité de l’article 48 § 3 du décret législatif no 496/1974. La Cour spéciale suprême a jugé que la prescription biennale prévue à cet article avait été établie pour des raisons d’intérêt général et notamment le besoin d’une liquidation rapide des créances découlant des allocations mensuelles accordées par les personnes morales de droit public. Une liquidation rapide était nécessaire à la protection du patrimoine et de la situation financière de ces personnes morales auxquels contribuaient les citoyens par le paiement des impôts. Par conséquent, la disposition de l’article 48 § 3, qui imposait une prescription biennale pour les créances des fonctionnaires des personnes morales de droit public, ne méconnaissait pas le principe d’égalité garanti par l’article 4 de la Constitution.

23. En statuant ainsi, la Cour spéciale suprême a suivi la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière.

24. En outre, tant la Cour de cassation (arrêts 31/2007 et 272/2009) que le Conseil d’Etat (arrêt 3546/2004) ont jugé que la prescription biennale ne créait pas une discrimination entre, d’une part, les fonctionnaires des personnes morales de droit public et, d’autre part, les employés des entreprises privées ou les entrepreneurs dans leurs relations avec ces personnes morales, qui eux bénéficiaient d’une prescription de cinq ans, car cette différenciation se justifiait non seulement par la nécessité de protéger le patrimoine des personnes morales de droit public mais aussi en raison du statut spécial des fonctionnaires et du régime juridique différent qui s’appliquait aux rapports des fonctionnaires et des employés des entreprises privées avec leurs employeurs.

25. Statuant récemment sur la compatibilité de l’article 90 § 3 de la loi no 2362/1995 sur la comptabilité publique avec la Constitution, la Cour spéciale suprême a jugé que cet article n’était pas contraire à l’article 4 § 1 (égalité devant la loi) de la Constitution (arrêt no 1/2012 du 4 avril 2012). Elle considéra que la prescription biennale avait été instituée par cet article pour des motifs d’intérêt général et notamment le besoin de liquider rapidement les prétentions qui résultent des paiements périodiques et des obligations de l’Etat et qui était nécessaire pour la protection du patrimoine et de la situation financière de celui-ci. Elle était nécessaire aussi afin d’éviter toute modification des données économiques sur le fondement desquels l’Etat prévoyait le fonctionnement de l’administration, les dépenses et la préparation du budget, et toute conséquence néfaste que pouvait avoir sur l’exécution du budget la satisfaction des prétentions qui pourraient être accumulées au fil des années par de nombreuses actions de fonctionnaires portées contre l’Etat. L’intérêt de celui-ci de prévoir ses recettes et ses dépenses sans qu’il soit entravé par des dettes non réglées justifiait l’établissement des délais pour l’introduction des actions judiciaires. La différenciation que comportait l’article 90 § 3 par rapport aux prescriptions prévues aux articles 90 § 1 et 86 §§ 2 et 3 de la même loi, se justifiait aussi par les différences existantes entre fonctionnaires publics et employés de droit privé ainsi que par le statut juridique différent qui régissait les relations de ces deux catégories de professionnels avec leurs employeurs.

B. Le code de procédure civile

26. L’article 672A du code de procédure civile prévoit :

« Les décisions judiciaires sur les litiges relatifs aux salaires versés tardivement doivent être rendues obligatoirement, en première instance, dans un délai de quinze jours à compter de l’audience et, en appel, dans un délai d’un mois à compter de celle-ci. »

C. La Constitution

27. L’article 103 § 4 de la Constitution dispose :

« Les fonctionnaires qui occupent un poste statutaire sont inamovibles, tant que ce poste existe. (...) »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1, COMBINé AVEC L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION

28. La requérante se plaint que la fixation de délais de prescription plus courts pour les créances des employés de personnes publiques à l’encontre de celles-ci par rapport à ceux s’appliquant à l’Etat en tant que créancier ou à ceux relevant du droit commun, et qui sont pris en compte d’office par les tribunaux, l’a privée d’une partie de ses compléments de salaires et indemnités impayés, sans que cela soit justifié par aucun but d’intérêt public. Elle invoque l’article 1 du Protocole no 1, combiné avec l’article 14 de la Convention. Ces articles sont ainsi libellés :

Article 1 du Protocole no 1

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

Article 14 de la Convention

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

29. En premier lieu, le Gouvernement soutient que la requérante n’est pas titulaire d’un « bien » au sens de la Convention et qui serait reconnu par le droit interne. Les prétentions de celle-ci à l’encontre de l’hôpital pour la période du 1er juin au 31 décembre 1994 ont été rejetées comme prescrites par les juridictions internes. Ces prétentions ne peuvent être fondées ni sur le droit interne ni sur la jurisprudence, notamment après l’adoption de l’arrêt de la Cour spéciale suprême qui est contraignant pour toutes les juridictions.

30. En deuxième lieu, le Gouvernement prétend que le choix du législateur de prévoir pour les prétentions des employés des personnes morales de droit public un délai de prescription plus court que celui applicable aux employés du secteur privé ou aux créances des personnes morales elles-mêmes ne constitue pas une atteinte au droit au respect des biens. L’article 48 § 3 du décret 496/1974 ne prive pas le fonctionnaire de son bien, mais fixe d’avance un délai suffisant dans lequel l’intéressé doit tenter le recouvrement de ses créances par voie judiciaire ou extrajudiciaire. En l’espèce, cet article existait avant la naissance des prétentions de la requérante et celle-ci devait le connaître.

31. Selon le Gouvernement, l’établissement d’une prescription biennale poursuit un but légitime d’intérêt public : la liquidation rapide, judiciaire ou extrajudiciaire, des prétentions découlant des allocations accordées par les personnes morales de droit public, est nécessaire pour la protection du patrimoine et de la situation financière de celles-ci. Une telle liquidation rapide est justifiée tant par le montant élevé des prétentions cumulées d’un grand nombre de fonctionnaires, qui sont souvent introduites collectivement, que par les conséquences néfastes que l’introduction intempestive de ces prétentions pourrait avoir sur le budget des personnes morales. L’article 48 § 3 s’applique à l’ensemble des fonctionnaires, en activité ou à la retraite, et à la majorité écrasante des prétentions de ceux-ci ; il s’agit donc non pas d’une exception introduite par le législateur au droit civil ou au droit du travail, mais d’une réglementation concernant une grande catégorie de prétentions. Devoir réserver des deniers publics pour couvrir des obligations pouvant se concrétiser de manière imprévisible plusieurs années après les faits générateurs des prétentions y afférentes serait source d’importants dysfonctionnements pour les personnes morales de droit public et introduirait des aléas dans leur gestion financière.

32. Enfin, le Gouvernement affirme qu’il est compatible avec le droit communautaire de prévoir dans le droit interne des règles moins favorables pour l’introduction des voies de recours contre l’Etat par rapport à celles qui concernent les particuliers (arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, Aprile (C-228/1996, § 19), Dillexport (C-343/1996, § 26) et Marks et Spencer (C-62/2000), §§ 35, 41-42)).

33. Sous l’angle de l’article 14 de la Convention, le Gouvernement réitère pour l’essentiel les mêmes arguments.

34. La requérante soutient que son droit à percevoir la différence des salaires pour la période du 1er juin au 31 décembre 1994 a été reconnu par l’arrêt de la cour d’appel du 5 juillet 2001 et que si elle a été privée de cette somme, c’est parce que cette même cour a appliqué dans son cas l’article 48 § 3.

35. Elle se prévaut, en outre, de l’arrêt Zouboulidis c. Grèce (no 2) (no 36963/06, 25 juin 2009), dans lequel la Cour a jugé que l’application par les juridictions internes de dispositions spéciales accordant à l’Etat des privilèges avait porté atteinte au droit du requérant au respect de ses biens et rompu le juste équilibre à ménager entre la protection de la propriété et les exigences de l’intérêt général. Elle souligne que l’arrêt de la Cour suprême spéciale qui a été rendu avant l’arrêt Zouboulidis précité n’est pas dirimant car il n’a pas pris en compte l’article 1 du Protocole no 1.

36. Selon la jurisprudence de la Cour, l’article 1 du Protocole nº 1 contient trois normes distinctes : la première, qui s’exprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la propriété ; la deuxième, figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions ; quant à la troisième, consignée dans le second alinéa, elle reconnaît aux Etats le pouvoir, entre autres, de réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général. Il ne s’agit pas pour autant de règles dépourvues de rapports entre elles. La deuxième et la troisième ont trait à des exemples particuliers d’atteintes au droit de propriété ; dès lors, elles doivent s’interpréter à la lumière du principe consacré par la première (voir, par exemple, Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 78, CEDH 2006‑V, et Kozacıoğlu c. Turquie [GC], no 2334/03, § 48, 19 février 2009).

37. La Cour rappelle que la notion de « bien », évoquée à la première partie de l’article 1 du Protocole nº 1, a une portée autonome qui ne se limite pas à la propriété de biens corporels. Dans chaque affaire, il importe d’examiner si les circonstances, considérées dans leur ensemble, ont rendu le requérant titulaire d’un intérêt substantiel protégé par l’article 1 du Protocole nº 1 (Iatridis c. Grèce [GC], nº 31107/96, § 54, CEDH 1999-II, Beyeler c. Italie, [GC], nº 33202/96, § 100, CEDH 2000-I, et Broniowski c. Pologne [GC], nº 31443/96, § 129, CEDH 2004-V).

38. De plus, une distinction est discriminatoire au sens de l’article 14, si elle « manque de justification objective et raisonnable », c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un « but légitime » ou s’il n’y a pas de « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ». Par ailleurs, les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre situations analogues à d’autres égards justifient des distinctions de traitement (Zeïbek c. Grèce, no 46368/06, § 46, 9 juillet 2009).

39. Dans la présente affaire, la Cour note que par son arrêt du 5 juillet 2001, la cour d’appel a accordé à la requérante une somme de 22 244 224 drachmes qui correspondait à des compléments de salaires et indemnités non versés. Elle a refusé de lui accorder des intérêts moratoires sur la somme accordée au motif que l’action avait un caractère déclaratoire et a jugé que les prétentions de la requérante pour la période du 1er juin au 31 décembre 1994 étaient éteintes par prescription.

40. Il en résulte que les prétentions de la requérante entrent dans le champ d’application de l’article 1 du Protocole no 1 et du droit au respect des biens qu’il garantit, ce qui suffit à rendre l’article 14 de la Convention applicable (Fabris c. France [GC], no 16574/08, §§ 48-55, 7 février 2013).

41. La Cour constate que cet aspect de la requête n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

42. La Cour rappelle que le seul fait que les prétentions de la requérante étaient soumises à un délai de prescription ne pose aucun problème à l’égard de la Convention. L’institution de délais de prescription est un trait commun aux systèmes juridiques des Etats contractants, visant à garantir la sécurité́ juridique en fixant un terme aux actions et à empêcher l’injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur des événements survenus loin dans le passé (J.A. Pye (Oxford) Ltd et J.A. Pye (Oxford) Land Ltd c. Royaume-Uni [GC], no 44302/02, § 68, Stubbings et autres c. Royaume-Uni, 22 octobre 1996, § 51, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV).

43. En général, la Cour rappelle qu’une ample latitude est d’ordinaire laissée à l’Etat pour prendre des mesures d’ordre général en matière économique ou sociale (voir par exemple, James et autres c. Royaume-Uni, 21 février 1986, § 46, série A no 98 ; National & Provincial Building Society, Leeds Permanent Building Society et Yorkshire Building Society c. Royaume-Uni, 23 octobre 1997, § 80, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VII). De plus, la Cour jouit d’une compétence limitée pour vérifier le respect du droit interne (Håkansson et Sturesson c. Suède, 21 février 1990, § 47, série A no 171‑A) et elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C’est au premier chef aux autorités nationales, notamment aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne (Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], no 26083/94, § 54, CEDH 1999-I).

44. Néanmoins, le rôle de la Cour est de rechercher si les résultats auxquels sont parvenues les juridictions nationales sont compatibles avec les droits garantis par la Convention et ses Protocoles. La Cour relève que, nonobstant le silence de l’article 1 du Protocole no 1 en matière d’exigences procédurales, une procédure judiciaire afférente au droit au respect des biens doit aussi offrir à la personne concernée une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes afin de contester effectivement les mesures portant atteinte aux droits garantis par cette disposition. Pour s’assurer du respect de cette condition, il y a lieu de considérer les procédures applicables d’un point de vue général (voir Capital Bank AD c. Bulgarie, no 49429/99, § 134, CEDH 2005‑XII (extraits) ; Zafranas c. Grèce, no 4056/08, § 36, 4 octobre 2011).

45. La Cour note que le Gouvernement réitère et développe ses arguments de l’affaire Zouboulidis selon lesquels c’est dans un but d’intérêt général que les personnes morales de droit public bénéficient de délais de prescription plus courts, en l’occurrence deux ans, afin de pouvoir rapidement apurer leurs comptes. Pour répondre au reproche que la Cour lui avait adressé dans l’arrêt précité et selon lequel il ne fournissait pas d’éléments concrets sur l’impact sur la situation financière de l’Etat qu’aurait une décision favorable aux prétentions de personnes dans la même situation que le requérant (ibid. § 35), le Gouvernement apporte des éléments pour démontrer dans la présente affaire que les sommes revendiquées par les fonctionnaires des personnes morales de droit public atteignent des montants très importants, ce qui compromettrait sérieusement la réalisation des buts de service public de ces personnes morales si le délai de prescription était de cinq ans, tenant compte de la situation économique et financière actuelle.

46. Ainsi le Gouvernement indique que sont actuellement pendants devant le Conseil d’Etat les pourvois de 257 employés du même hôpital que celui où travaille la requérante et dont les prétentions s’élèvent à 2 570 000 euros. Il indique aussi qu’en exécution de décisions judiciaires, l’Etat a versé aux employés de 34 hôpitaux de l’Attique une somme globale de 38 247 297,50 euros, intérêts inclus. Les sommes accordées aux fonctionnaires de l’Etat pour la période 2003-2009 à titre de salaires et allocations, en vertu de décisions judiciaires, s’élèvent à 224 418 473,77 euros dont 101 280 045,93 euros pour le seul ministère de la Santé et de la Solidarité sociale. Le Gouvernement soutient que si les fonctionnaires bénéficiaient d’un délai de prescription de cinq ans, le montant de ces sommes serait de plus du double.

47. La Cour note que la présente affaire se distingue de l’affaire Zouboulidis par au moins deux aspects. D’une part, à l’époque des circonstances de fait de l’arrêt Zouboulidis, il existait une divergence de jurisprudence entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation qui n’avait pas encore été levée par la Cour suprême spéciale (paragraphe 22 ci-dessus). D’autre part, les arguments invoqués par le Gouvernement à l’appui de sa thèse dans cette affaire, étaient de nature générale et abstraite (§§ 35-36 de l’arrêt précité). Or, la situation n’est plus la même dans le cadre de la présente affaire, étant donné les précisions apportées par le Gouvernement et résumées au paragraphe précédent.

48. La Cour ne met pas en doute le droit des Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général (voir, parmi beaucoup d’autres, Meïdanis c. Grèce, no 33977/06, § 26, 22 mai 2008) ni le droit des juridictions nationales d’interpréter les dispositions du droit interne, droits soulignés par le Gouvernement en l’espèce. Or, les prétentions des salariés des personnes morales de droit public peuvent justifier une réglementation dans le sens de l’intérêt de la trésorerie, de la gestion efficace des deniers publics et de la continuité du service public. La Cour constate à cet égard que le délai de prescription de deux ans a été institué par le décret législatif no 496/1974 du 19 juillet 1974, relatif à la comptabilité des personnes morales de droit public, aux contrats et aux délais de prescription. Selon les hautes juridictions nationales (Cour de cassation, Conseil d’Etat et Cour spéciale suprême), l’intérêt public visé par le délai spécial de deux ans est, notamment, le besoin d’un prompt règlement des créances découlant des allocations mensuelles accordées par les personnes morales de droit public, une liquidation rapide étant nécessaire à la protection du patrimoine et de la situation financière de ces personnes morales auxquels contribuaient les citoyens par le paiement des impôts. Cet intérêt est à rapprocher de celui mis en exergue par la Cour spéciale suprême, dans son arrêt 1/2012 visant la prescription des prétentions des fonctionnaires contre l’Etat, d’éviter toute modification des données économiques sur le fondement desquels l’Etat prévoyait le fonctionnement de l’administration, les dépenses, la préparation et l’exécution correcte du budget. L’intérêt de prévoir les recettes et les dépenses sans qu’il soit entravé par des dettes non réglées justifiait l’établissement d’un délai de prescription de deux ans pour l’introduction des actions judiciaires, afin d’éviter les conséquences néfastes que pourraient avoir sur l’exécution du budget la satisfaction des prétentions accumulées au fil des années par de nombreuses actions de fonctionnaires portées contre l’Etat (paragraphe 25 ci-dessus). Il en va de même pour le budget des personnes morales, selon le Gouvernement, qui relève le montant élevé des prétentions cumulées, souvent introduites collectivement, d’un grand nombre de fonctionnaires contre celles-ci.

49. Les données fournies par le Gouvernement (paragraphe 46 ci-dessus) illustrent le caractère imprévisible que pourraient avoir, pour des personnes morales, des prétentions introduites plusieurs années après les faits générateurs y afférent, les obligeant à réserver des deniers publics pour couvrir des obligations pouvant se concrétiser de manière imprévisible, ainsi que les conséquences néfastes de pareilles prétentions sur leur budget. Il est, en outre, indubitable que la détermination du bien-fondé de ces actions relèverait des tribunaux et risquerait d’encombrer davantage leur rôle.

50. Le Gouvernement explique encore que l’article 48 § 3 s’applique à l’ensemble des fonctionnaires, en activité ou à la retraite, et à la majorité écrasante des prétentions de ceux-ci ; il s’agit donc non pas d’une exception introduite par le législateur au droit civil ou au droit du travail, mais d’une réglementation concernant une grande catégorie de prétentions à l’échelle de la fonction publique tout entière. La Cour relève sur ce point que, pour la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, la différenciation entre fonctionnaires des personnes morales et employés des entreprises privées se justifie non seulement par la nécessité de protéger le patrimoine des personnes morales, mais aussi du fait du statut spécial des fonctionnaires et du régime juridique différent qui s’appliquait aux rapports des fonctionnaires publics et des employés privés avec leurs employeurs respectifs. Un raisonnement analogue a été fait dans l’arrêt 1/2012 précité de la Cour suprême spéciale en ce qui concerne les prétentions des fonctionnaires contre l’Etat. La Cour suprême spéciale a considéré notamment que la différenciation que comportait l’article 90 § 3 par rapport aux prescriptions prévues aux articles 90 § 1 et 86 §§ 2 et 3 de la même loi, se justifiait aussi par les différences existantes entre fonctionnaires publics et employés de droit privé ainsi que par le statut juridique différent qui régissait les relations de ces deux catégories de professionnels avec leurs employeurs (paragraphe 25 ci-dessus).

51. Il appartient à l’ordre juridique interne de l’Etat concerné de régler les modalités procédurales des recours en justice de manière à assurer la sauvegarde des droits des fonctionnaires pour autant que ces modalités ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique interne. Un délai de prescription de deux ans ne limite pas excessivement, de l’avis de la Cour, la possibilité pour les fonctionnaires de revendiquer en justice des salaires et des allocations qui leur sont dus par l’administration. En l’occurrence, la requérante n’a pas invoqué d’éléments concrets qui l’auraient empêchée ou dissuadée d’une manière quelconque d’exercer son recours dans les deux ans depuis que sa prétention a pris naissance.

52. Enfin, la Cour relève que contrairement à l’arrêt Zouboulidis précité, en l’espèce, la requérante focalise son grief plutôt sur la différence de traitement qui existerait entre les fonctionnaires publics, d’une part, et les salariés du secteur privé ou les créanciers de l’Etat autres que ses propres fonctionnaires d’autre part. La Cour considère qu’il s’agit là des situations qui ne sont pas comparables : il n’y a aucune analogie entre fonctionnaires publics et salariés du secteur privé et quant aux autres créanciers, il s’agit pour la plupart des fournisseurs de l’Etat qui ont une relation ponctuelle avec celui-ci, à l’occasion de l’exécution d’un contrat, et non une relation salariale qui est constante, comme c’est le cas des fonctionnaires. Du reste, la Cour note, en l’occurrence, que la Cour spéciale suprême a mis en évidence le statut juridique différent qui régissait les relations de ces deux catégories de professionnels avec leurs employeurs (paragraphes 24-25 ci-dessus). Il en va ainsi tout particulièrement du fait que les fonctionnaires publics sont inamovibles en vertu de la Constitution (paragraphe 27 ci-dessus). Ces différences de statut pourraient justifier des périodes plus longues en faveur des salariés du secteur privé pour qu’ils puissent porter en justice leurs différends salariaux.

53. A la lumière de ce qui précède, la Cour constate que l’application par les juridictions internes des dispositions spéciales qui prévoient un délai de prescription de deux ans pour les prétentions des employés des personnes morales de droit public contre celles-ci n’a pas rompu le juste équilibre à ménager entre la protection de la propriété et les exigences de l’intérêt général.

54. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 en combinaison avec l’article 14 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE

55. La requérante se plaint du dépassement d’un « délai raisonnable » pour la procédure. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont la partie pertinente dispose :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

56. La période à prendre en considération a débuté le 18 juin 1997, avec la saisine du tribunal de grande instance par la requérante, et s’est terminée le 15 décembre 2008, avec la mise au net de l’arrêt de la Cour de cassation. Elle s’est donc étalée sur onze ans et cinq mois environ pour trois degrés de juridiction, dont sept ans et trois mois devant la Cour de cassation.

57. Le Gouvernement soutient qu’un retard d’un an six mois et treize jours devant le tribunal de grande instance (de la mise au net du jugement du tribunal de première instance à la demande de fixation de la date d’audience devant la cour d’appel) et un retard de six ans, cinq mois et vingt-et-un jours devant la Cour de cassation (en raison de la demande d’ajournement de l’audience et de la demande tardive pour la fixation d’une nouvelle date) sont imputables à la seule requérante, qui n’a pas pris l’initiative de faire avancer la procédure.

58. La requérante soutient qu’aucun retard ne lui est imputable.

59. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

60. La Cour note que le litige de la requérante portait sur des compléments de salaires et indemnités qu’elle estimait lui être dus sur une certaine période et qui ne lui avaient pas été versés. Dans des litiges de ce type, l’article 672A du code de procédure civile prévoit que les décisions judiciaires doivent être rendues rapidement tant en première instance qu’en appel (paragraphe 26 ci-dessus).

61. En l’espèce, la Cour relève que l’audience devant le tribunal de première instance a eu lieu le 16 décembre 1997 et que le jugement a été rendu le 28 avril 1998 et mis au net le 22 septembre 1998. L’audience devant la cour d’appel a eu lieu le 30 mai 2000 et l’arrêt a été rendu le 5 juillet 2001 et mis au net le 24 août 2001. De tels délais ne sont pas compatibles avec ceux indiqués dans l’article 672A précité. La Cour note, en outre, que la procédure en première instance a duré un an et trois mois et celle en appel un an et cinq mois, ce qui selon ses standards n’est pas excessif.

62. Toutefois, la Cour ne saurait faire abstraction du fait que l’audience devant la Cour de cassation a été ajournée à trois reprises à la demande de la requérante, soit du 2 avril 2002 au 21 janvier 2003, puis jusqu’au 16 octobre 2007 et au 23 septembre 2008. Si la période d’inactivité après le deuxième ajournement a été si longue, c’est parce que la requérante n’a invité la Cour de cassation à fixer une nouvelle audience que le 11 janvier 2007. Comme elle l’admet elle-même, son avocat a demandé l’ajournement des audiences des 2 avril 2002 et 21 janvier 2003 car le rapport rédigé par le juge rapporteur était défavorable à ses thèses et il a estimé opportun d’attendre des arrêts du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes qui seraient favorables à ses intérêts.

63. Il ressort de la chronologie de la procédure que celle devant la Cour de cassation aurait été également raisonnable si l’audience initialement fixée au 2 avril 2002 n’avait pas été ajournée à la demande de la requérante. Du reste, l’arrêt de la Cour de cassation a été rendu le 4 novembre 2008, soit un mois et onze jours après l’audience du 23 septembre 2008.

64. Dans les circonstances de la cause, la Cour considère que les délais susmentionnés ne sont pas incompatibles avec l’exigence d’un délai raisonnable de la procédure posée par l’article 6 § 1 de la Convention.

65. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

66. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint d’une violation de son droit à un procès équitable en ce que les motifs de l’arrêt de la Cour de cassation seraient arbitraires, erronés et empreints de partialité.

67. La Cour note qu’en l’occurrence, la requérante a pu présenter sans entraves tous les arguments qu’elle jugeait pertinents pour la défense de ses intérêts. Ses droits procéduraux ont été respectés au même titre que ceux de la partie adverse et elle ne s’est vue refuser aucun avantage de procédure dont aurait joui ce dernier. En effet, les allégations de la requérante portent exclusivement sur le fond du litige et la Cour ne peut donc pas les examiner.

68. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1, combiné avec l’article 14 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 1 du Protocole no 1, combiné avec l’article 14 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 octobre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenIsabelle Berro-Lefèvre
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-126547
Date de la décision : 03/10/2013
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Partiellement irrecevable;Non-violation de l'article 14+P1-1 - Interdiction de la discrimination (Article 14 - Discrimination) (article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété;article 1 al. 1 du Protocole n° 1 - Respect des biens)

Parties
Demandeurs : GIAVI
Défendeurs : GRÈCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : PANOUSIS L.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award