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01/10/2013 | CEDH | N°001-126562

CEDH | CEDH, AFFAIRE MATUSIK c. POLOGNE, 2013, 001-126562


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE MATUSIK c. POLOGNE

(Requête no 3826/10)

ARRÊT

STRASBOURG

1er octobre 2013

DÉFINITIF

01/01/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Matusik c. Pologne,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Ineta Ziemele, présidente,
David Thór Björgvinsson,
Päivi Hirvelä,
George Nicolaou,
Zdravka Kalay

djieva,
Vincent A. De Gaetano,
Krzysztof Wojtyczek, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du ...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE MATUSIK c. POLOGNE

(Requête no 3826/10)

ARRÊT

STRASBOURG

1er octobre 2013

DÉFINITIF

01/01/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Matusik c. Pologne,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Ineta Ziemele, présidente,
David Thór Björgvinsson,
Päivi Hirvelä,
George Nicolaou,
Zdravka Kalaydjieva,
Vincent A. De Gaetano,
Krzysztof Wojtyczek, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 septembre 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 3826/10) dirigée contre la République de Pologne et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Edyta Matusik (« la requérante »), a saisi la Cour le 12 janvier 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La requérante a été représentée par Me W. Waszczak, avocat à Nowy Sącz. Le gouvernement polonais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. J. Wołąsiewicz, succédé par Mme J. Chrzanowska, du ministère des Affaires étrangères.

3. La requérante se plaint en particulier d’une violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de la durée de la procédure relative à la demande de ses beaux-parents de les désigner en tant que famille d’accueil pour son fils âgé de 4 ans à l’époque des faits.

4. Le 4 juin 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la Cour se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

5. Conformément au Protocole no 14, l’affaire a été attribuée à un Comité.

6. Le Gouvernement s’oppose à l’examen de la requête par un Comité. Après avoir examiné l’objection du Gouvernement, la Cour décide de l’accueillir.

EN FAIT

LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

7. La requérante, née en 1975, réside à Bielsko-Biała.

8. Le 6 février 2006, les beaux-parents de la requérante formulèrent une demande tendant à leur désignation en tant que famille d’accueil pour leur petit-fils, fils unique de la requérante, âgé de 4 ans.

9. Le 23 février 2006, le tribunal de district de Bielsko-Biała adopta une mesure conservatoire ordonnant l’hébergement de l’enfant chez ses grands-parents pendant la durée de la procédure. Il demanda en outre aux services sociaux de présenter un rapport sur l’aptitude des demandeurs à être famille d’accueil pour l’enfant.

10. Les 16 mars et 1er juin 2006, le tribunal tint audience. Entretemps, le 21 avril 2006, le rapport des services sociaux fut versé au dossier.

11. A l’audience du 4 juillet 2006, le tribunal adopta une mesure conservatoire relative au droit de visite de la requérante auprès de son fils, en ce sens qu’il autorisa les entrevues entre les intéressés une fois par semaine et pendant deux weekends par mois. Le tribunal demanda en outre à l’expert psychiatre et aux services sociaux de présenter les rapports sur la situation familiale des personnes impliquées dans la procédure. Il demanda également qu’une enquête soit effectuée par les services compétents au domicile de la requérante.

12. Les 21 juillet et 4 septembre 2006, les conclusions d’expertise furent versées au dossier, suite à quoi une audience se tint le 19 octobre 2006.

13. Compte tenu d’un recours formé par les demandeurs contre l’ordonnance du 4 juillet, le 15 septembre 2006, le dossier fut transféré au tribunal régional. Le 19 octobre 2006, le tribunal régional tint audience et rejeta le recours cinq jours plus tard.

14. L’audience du 8 février 2007 fut reportée au 27 mars 2007 pour cause de non-comparution des avocats des parties.

15. Les audiences des 17 avril, 24 mai, 26 juin et 31 juillet 2007 furent consacrées aux auditions des parties, des témoins et des experts. A cette époque l’enquête fut réalisée par les services sociaux au domicile de la requérante et l’expertise psychiatrique complémentaire fut versée au dossier. A l’audience du 31 juillet 2007, le tribunal adopta une mesure conservatoire pour autoriser les entrevues supplémentaires entre la requérante et son fils. Le 4 septembre 2007, un recours des demandeurs contre cette décision fut rejeté par le tribunal régional.

16. A l’audience du 14 septembre 2007, le tribunal entendit le père de l’enfant et un témoin et examina les preuves documentaires. Il prit une nouvelle mesure conservatoire autorisant les entrevues supplémentaires entre la requérante et son fils. Le tribunal demanda à l’Institut d’expertises judiciaires de Cracovie de présenter un rapport concernant, entre autres, la question de savoir quelle partie à la procédure était la plus apte à s’occuper de l’enfant.

17. Le 10 octobre 2007, la requérante se plaignit de la durée de la procédure, suite à quoi le dossier fut transféré au tribunal régional de Bielsko-Biała.

18. Le 14 novembre 2007, le tribunal régional rejeta la plainte, considérant que le délai raisonnable avait été observé et que la durée de la procédure était imputable essentiellement à l’activité procédurale des parties. Le tribunal nota que la juridiction instruisant l’affaire avait effectué plusieurs actes en vue de la solution du litige dans l’intérêt de l’enfant. Tout en ayant observé que certains actions de la juridiction concernée avaient occasionné des retards, le tribunal régional refusa de les examiner, au motif que la requérante ne les avait pas explicités dans sa plainte.

19. Suite au rejet à l’audience du 12 décembre 2007 d’un recours des parties contre l’ordonnance du 14 septembre 2007, le dossier fut transféré à l’Institut d’expertises judiciaires de Cracovie.

20. En février 2008, l’Institut informa le tribunal que ses conclusions seraient présentées au plus tôt en octobre 2008. Le 14 mars 2008, le tribunal demanda aux experts de se prononcer dans les meilleurs délais.

21. Le 18 avril 2008, le tribunal rejeta la demande de la requérante de récuser le juge instruisant l’affaire.

22. Les 25 avril, 25 juin et 15 septembre 2008, le tribunal adopta une série de mesures conservatoires régissant les entrevues de l’enfant avec la requérante et son époux.

23. Le 20 février 2009, les conclusions de l’Institut d’expertises judiciaires de Cracovie furent versées au dossier.

24. Par une ordonnance prononcée à l’audience du 16 avril 2009, le tribunal statua sur le fond de l’affaire, en ce sens qu’il rejeta la demande des beaux-parents de la requérante de les désigner en tant que famille d’accueil pour le fils de cette dernière. Il jugea que, malgré les tensions existant entre les parties, les parents de l’enfant étaient aptes à exercer leur autorité parentale dans l’intérêt du mineur. Le tribunal maintint l’application des mesures conservatoires prises au cours de la procédure dans l’attente de l’issue de la procédure de divorce entre la requérante et son époux qui était en cours. Il nota que, hormis quelques difficultés initialement rencontrées par la requérante dans l’application de son droit de visite auprès de son fils, les mesures prises en la matière par les autorités étaient dans l’ensemble respectées par les intéressés.

25. Le 23 juillet 2009, le tribunal régional rejeta l’appel des demandeurs interjeté à l’encontre de l’ordonnance du 16 avril.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

26. La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable », tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

27. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

28. La période à considérer a débuté le 6 février 2006 et s’est terminée le 23 juillet 2009. Elle a donc duré trois ans et cinq mois, pour deux instances juridictionnelles.

A. Sur la recevabilité

29. La Cour constate que le grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Les arguments des parties

30. Le Gouvernement soutient que la durée de la procédure ne saurait passer pour excessive, compte tenu notamment du caractère complexe des questions sur lesquelles elle avait porté. Il fait valoir la diligence requise et l’absence de l’inaction des juridictions ayant instruit l’affaire et souligne que la première audience devant le tribunal de district a été tenue sans délai.

31. Le Gouvernement estime que la requérante a contribué à la durée de la procédure et fait valoir sa non-comparution à la première audience du 23 février 2006, ses nombreuses demandes formulées auprès des juridictions et son refus intervenu à deux reprises de recevoir les services sociaux à son domicile.

32. La requérante rejette les dires du Gouvernement. Elle soutient que la durée de la procédure est imputable au comportement de la partie adverse et des tribunaux. Le fait pour elle de s’être servi des moyens procéduraux à sa disposition en droit interne pour défendre ses intérêts légitimes ne saurait être retenu en sa défaveur.

33. La requérante estime que la complexité de l’affaire ne peut justifier le délai comme celui en l’espèce. Selon elle, la procédure aurait pu être terminée plus tôt, soit après la présentation des premières expertises. La requérante dénonce l’instruction inefficace de l’affaire, en particulier le délai d’attente pour la présentation de l’expertise supérieur à un an. Elle fait observer que le tribunal ayant statué sur sa plainte dénonçant la durée de la procédure a noté les irrégularités par lesquelles la juridiction mise en cause avait contribué aux retards.

34. La requérante souligne que le délai qui s’est écoulé depuis l’ouverture de la procédure a provoqué une détérioration des liens affectifs entre son fils et elle-même.

2. L’appréciation de la Cour

35. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII). Les affaires de garde de l’enfant doivent être traitées avec une célérité particulière ( Nuutinen c. Finlande, no 32842/96, § 110, CEDH 2000-VIII, Glaser c. Royaume-Uni, no 32346/96, § 93 , 19 septembre 2000).

36. En l’espèce, la Cour relève que l’affaire revêtait une certaine complexité, compte tenu notamment du caractère sensible des questions que les tribunaux ont été amenés à résoudre ainsi que des rapports conflictuels entre les intéressés. Ainsi, pour établir les faits, le tribunal a mandaté la présentation des expertises et a recouru à l’assistance des services sociaux.

37. La Cour note qu’au cours de la procédure, tant la requérante que ses adversaires ont exercé des recours et ont formulé des nombreuses demandes. Si l’on ne peut reprocher à la requérante d’avoir tiré parti des voies de recours que lui ouvrait le droit interne, l’allongement de la procédure en résultant ne saurait pas pour autant être imputé aux autorités nationales (Sürmeli c. Allemagne [GC], no 75529/01, § 131, CEDH 2006‑VII, et Čermochová c. République tchèque (déc.), no 35476/03, 22 mars 2005).

38. Quant au comportement des autorités, la Cour note que le délai susceptible de poser problème au regard de l’article 6 de la Convention s’est produit en rapport avec l’attente pour la présentation de l’expertise par l’Institut d’expertises judiciaires de Cracovie. Tout en reconnaissant que le délai incriminé a été important, la Cour note que les conclusions de l’Institut fournissaient des éléments importants pour la solution de l’affaire. Elle rappelle qu’une partie de la procédure peut être plus longue sans porter atteinte à l’article 6 § 1 de la Convention dans la mesure où la procédure dans son ensemble revêt un caractère raisonnable (Nuutinen précité, § 110, Skugor c. Allemagne, no 76680/01, § 76, 24 septembre 2007). A cet égard la Cour observe que la procédure litigeuse a été dans son ensemble instruite promptement. Le tribunal de district, devant lequel l’affaire est restée pendante durant environ trois ans, a tenu ses audiences à des intervalles rapprochés et a effectué de nombreux actes en vue de l’adoption d’une décision sur le fond de l’affaire. Ce tribunal réagissait promptement aux demandes formulées par les parties en rapport avec leur droit de visite auprès de l’enfant. Il a en outre adressé un rappel aux experts de l’Institut de Cracovie et a adopté sans délai une décision sur le fond de l’affaire dès la présentation des conclusions par les experts.

39. La Cour relève également que, si d’après la jurisprudence de la Cour, les affaires de visite et de garde d’enfants commandent une célérité particulière, on ne saurait affirmer que toute procédure commande la même célérité du seul fait qu’elle concerne la relation entre parent et enfant (Skugor c. Allemagne, no 76680/01, § 77, 24 septembre 2007). En l’espèce, les rapports entre la requérante et son fils ont été régis par les mesures conservatoires adoptées par le tribunal de district. La requérante, qui s’est vue accorder le droit de visite auprès de l’enfant, l’a exercé de manière quasi ininterrompue tout au long de la procédure. Par ailleurs, le nombre des entrevues autorisées entre les intéressés a été progressivement augmenté en fonction de l’évolution de l’affaire. La Cour note également que l’application de la mesure conservatoire relative à l’hébergement de l’enfant chez ses grands-parents a été maintenue pour la période postérieure à la clôture de la procédure.

40. Dès lors, compte tenu de l’ensemble des circonstances de la cause, et plus particulièrement au vu du fait que, hormis le retard occasionné par la présentation de l’expertise, la procédure litigeuse s’est déroulée promptement, la Cour estime que sa durée globale n’a pas dépassé ce qui pouvait être tenu pour raisonnable dans les circonstances particulières de l’affaire.

41. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

42. La requérante dénonce une violation de son droit au respect de sa vie familiale qui résulterait de la durée de la procédure litigieuse. Elle invoque l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

43. Le Gouvernement conteste cette thèse.

A. Sur la recevabilité

44. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes, au motif que la requérante n’a pas usé des moyens prévus par le code de procédure civile pour contraindre ses adversaires à respecter son droit de visite auprès de son fils.

45. La Cour estime que l’exception du Gouvernement est liée à la substance du grief. Dès lors, elle la joint au fond. Elle relève en outre que le grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.

B. Sur le fond

46. La Cour estime, eu égard au constat relatif à l’article 6 § 1 (paragraphe 40 ci-dessus) et au libellé du grief déduit de la violation de l’article 8, qu’en l’espèce, il n’y a pas lieu d’examiner en outre s’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention (voir, entre autres, Laino c. Italie [GC], no 33158/96, § 25, CEDH 1999-I).

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

1. Joint au fond, l’exception du Gouvernement tirée du défaut d’épuisement des voies de recours internes et la rejette à l’unanimité ;

2. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable ;

3. Dit, par six voix contre une, qu’il n’y pas a eu de violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

4. Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 8 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 1eroctobre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Françoise Elens-PassosIneta Ziemele
GreffièrePrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge V.A. De Gaetano.

I.Z.
F.E.P.

OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DU JUGE DE GAETANO

(Traduction)

1. Je regrette de ne pas pouvoir partager l’opinion de la majorité concluant en l’espèce à l’absence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention. J’ai voté avec la majorité sur la question de la violation alléguée de l’article 8 (à savoir qu’il n’est pas nécessaire d’examiner cette question sur le terrain de cette disposition) uniquement car la question essentielle dans cette affaire – la célérité d’une procédure judiciaire concernant la garde d’un enfant – pouvait très bien être examinée sur le terrain de l’article 6. Cette question a effectivement été examinée sur ce terrain-là mais j’estime que la Cour est parvenue à la mauvaise conclusion.

2. Dans les affaires de garde d’enfant, le temps presse (voir les opinions séparées dans les affaires Serghides c. Pologne, no 31515/04, 2 novembre 2010 ; Płaza c. Pologne, no 18830/07, 25 janvier 2011, et Kijowski c. Pologne, no 33829/07, 5 avril 2011). En l’espèce, un garçon a subi, dès l’âge de quatre ans, trois ans et demi d’incertitude, cependant que la question de savoir où et avec qui il résiderait faisait l’objet d’un débat argumenté devant les tribunaux. Quiconque a siégé, que ce soit au sein d’un tribunal de première instance ou d’une juridiction supérieure, pour statuer sur un différend relatif à la garde d’un enfant sait que ces affaires ne sont jamais simples ni faciles : elles sont toujours, par leur nature même, complexes. C’est précisément pour cette raison qu’il est essentiel que les tribunaux saisis d’affaires de ce type aient le contrôle total de la procédure, ne permettant ni aux parties ni aux experts (désignés pour examiner tel ou tel élément du problème) de retarder ladite procédure ou de s’écarter des délais stricts. Donc, dans ces affaires, le triple critère classique décisif de la complexité de l’affaire, du comportement des parties et du comportement des autorités en question est, au mieux, artificiel et détaché de l’importance de l’enjeu, à savoir la nécessité de stabiliser la vie d’un enfant. Au pire, il peut conduire à un raisonnement alambiqué, comme celui qu’on peut lire au paragraphe 77 de l’arrêt Skugor c. Allemagne (no 76680/01, 10 mai 2007). Hélas, la majorité dans la présente affaire a décidé de s’appuyer précisément sur ce dernier paragraphe pour justifier la durée de la procédure conduite ici.

3. Rien dans le texte de la décision de la majorité ne permet de dire qu’il s’agisse d’une affaire de garde d’enfant extraordinairement complexe, qui justifierait trois ans et cinq mois de procédure pour deux degrés de juridiction. Ce qui est extraordinaire, c’est que l’expertise ordonnée le 14 septembre 2007 n’a été soumise au tribunal que le 20 février 2009,

celui-ci s’étant contenté dans l’intervalle de demander aux experts de « se dépêcher » (§ 20 de la décision de la majorité). Rien n’indique pourquoi cette seconde expertise était si importante pour trancher la question ou si complexe par nature qu’il a fallu 16 mois pour la produire.

4. Même si un certain nombre de recours ont certes été formés contre des décisions avant dire droit, la raison principale pour laquelle cette affaire s’est éternisée pendant trois ans et cinq mois est que la juridiction de première instance n’apparaît pas avoir fait usage de ses pouvoirs de manière à conduire le procès dans un délai à la mesure des enjeux. Dans cette affaire, la diligence et la célérité qui s’imposaient particulièrement ont brillé par leur absence.


Synthèse
Formation : Cour (quatriÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-126562
Date de la décision : 01/10/2013
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Non-violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure civile;Article 6-1 - Délai raisonnable)

Parties
Demandeurs : MATUSIK
Défendeurs : POLOGNE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : WASZCZAK W.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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