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18/06/2013 | CEDH | N°001-120962

CEDH | CEDH, AFFAIRE R.M.S. c. ESPAGNE, 2013, 001-120962


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE R.M.S. c. ESPAGNE

(Requête no 28775/12)

ARRÊT

STRASBOURG

18 juin 2013

DÉFINITIF

18/09/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l'affaire R.M.S. c. Espagne,

La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Corneliu Bîrsan,
Luis López Guerra,
Nona Tsotsoria,
Johann

es Silvis,
Valeriu Griţco, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 mai 2013,

Rend...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE R.M.S. c. ESPAGNE

(Requête no 28775/12)

ARRÊT

STRASBOURG

18 juin 2013

DÉFINITIF

18/09/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l'affaire R.M.S. c. Espagne,

La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Corneliu Bîrsan,
Luis López Guerra,
Nona Tsotsoria,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 mai 2013,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 28775/12) dirigée contre le Royaume d'Espagne et dont une ressortissante de cet État, Mme R.M.S. (« la requérante »), a saisi la Cour le 2 mai 2012 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). Le président de la section a décidé d'office la non-divulgation de l'identité de la requérante (article 47 § 3 du règlement).

2. La requérante est représentée par Me M.J. López Góngora, avocate à Grenade. Le gouvernement espagnol (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, F. de A. Sanz Gandasegui, avocat de l'État, chef du service juridique des droits de l'homme au ministère de la Justice.

3. La requérante allègue la violation des articles 8 et 14 de la Convention, se plaignant d'avoir été privée de tout contact avec sa fille et séparée d'elle injustement.

4. Le 9 juillet 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5. La requérante est née en 1979 et réside à La Porrosa (Chiclana de Segura, Jaén).

A. Genèse de l'affaire et placement de l'enfant G. dans un centre d'accueil

6. De père guinéen et de mère espagnole, la requérante vivait, au moment de la naissance de sa fille G. le 3 octobre 2001, au sein d'une cellule familiale élargie composée de plusieurs membres de sa famille qui s'entraidaient, à savoir sa grand-mère, son grand-oncle (le frère de sa grand-mère), avocat de son état, et ses deux autres enfants. Vécurent aussi temporairement dans le logement familial (deux maisons accolées) un prêtre guinéen et le parrain de deux des enfants de la requérante. Le logement est situé dans la ferme d'une oliveraie propriété de la grand-mère de la requérante et cultivée par cette dernière. La requérante est aussi régulièrement embauchée par le gouvernement autonome d'Andalousie en tant qu'ouvrière agricole, activité qu'elle combine avec d'autres travaux agricoles, notamment les vendanges en France.

7. Afin de ne pas avoir à faire suivre ses deux fils aînés en France, la requérante donna procuration à son grand-oncle pour qu'il s'en occupe jusqu'à son retour. Ces deux enfants sont formellement sous la tutelle de la Délégation provinciale de Jaén et placés en accueil familial élargi auprès du grand-oncle de leur mère. La requérante ne s'est pas opposée à cette situation, ses enfants vivant de fait avec elle et le restant de la famille élargie à la ferme.

8. Le 23 août 2005, la requérante et son compagnon, accompagnés de leur fille mineure G., se présentèrent auprès des services sociaux de la municipalité de Motril (Grenade) pour demander « du travail, des aliments et un logement ». Le même jour, à la demande de l'assistante sociale A.L.N., du service de protection des mineurs de la Délégation provinciale à l'égalité et au bien-être social de Grenade (ci-après « la Délégation provinciale »), qui avait appelé la police en raison de l'état d'excitation de la requérante, la petite G., âgée alors de trois ans et dix mois, fut séparée de sa mère et placée dans le centre d'accueil Nuestra Señora del Pilar à Grenade. La mère fut transférée dans un hôpital à cause de son état nerveux en raison de cette séparation d'avec sa fille.

9. Le 25 août 2005, la Délégation provinciale entama une procédure administrative afin de considérer G. comme étant en situation légale d'abandon, et la déclara provisoirement abandonnée. La décision se référait à l'absence de ressources de la requérante, en état d'indigence extrême, à la situation de la mineure et à son manque d'hygiène, à ses vêtements inadéquats pour la période estivale, à sa peau desséchée, présentant des cicatrices et des égratignures et à son anxiété envers la nourriture, entre autres. La Délégation provinciale assuma alors la tutelle de la mineure, ordonna son placement au centre d'accueil précité et informa la requérante de la possibilité de demander d'être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite si elle souhaitait faire opposition devant le juge de première instance à la présente décision.

10. Le 26 août 2005, la requérante réclama sa fille auprès des services sociaux de Motril. Elle s'y présenta aussi le lendemain, ainsi que le 30 août suivant. Le service de protection des mineurs l'informa que les visites n'étaient pas conseillées tant qu'elle n'aurait pas commencé un traitement psychiatrique. La requérante affirme que les assistantes sociales lui offrirent de l'argent (paragraphe 16 ci-dessous).

11. Un rapport du 29 août 2005 du centre d'accueil Nuestra Señora del Pilar fit mention d'un « état général acceptable » de l'enfant, notant seulement que sa peau était sèche, avec de petites cicatrices et des lésions dues au grattage. Selon un rapport postérieur du 1er septembre 2006 élaboré au sein du centre d'accueil San Ramón et San Fernando de Loja (Grenade), (voir ci-dessous) l'enfant avait une dermatite séborrhéique atopique.

12. Le 30 août 2005, la requérante fut informée de la prise en charge par la Délégation provinciale de la tutelle de G., du placement de cette dernière au centre d'accueil Nuestra Señora del Pilar à Grenade, ainsi que de la possibilité de faire opposition à cette mesure devant le juge de première instance. Elle fut également informée que tant qu'elle n'aurait pas entamé un traitement psychiatrique, toute visite à sa fille était déconseillée. L'équipe de santé mentale lui signala le 5 septembre 2005 qu'elle n'était pas en mesure de s'occuper de sa fille, mais que la possibilité de visites surveillées lui était garantie.

13. Selon le rapport « d'observation et de réception initiales » du centre San Ramón et San Fernando de Loja daté du 30 octobre 2005, le 14 septembre 2005, G. fut transférée dans ce centre. La requérante n'en fut pas informée et n'y consentît pas. D'après certains témoins, elle y aurait déjà été transférée le 13 septembre 2005.

14. Le 23 septembre 2005, la requérante sollicita auprès de la Délégation provinciale le transfert de l'enfant vers le centre d'accueil de Linares (Jaén), plus près de son domicile.

15. Le 27 septembre 2005 eut lieu la dernière des trois rencontres supervisées entre la requérante et sa fille depuis le placement de cette dernière. Ces rencontres eurent lieu à l'extérieur de centre d'accueil et furent supervisées par des éducateurs et par la police. D'après la requérante, les deux autres rencontres eurent lieu les 6 et 20 septembre 2005. La requérante affirme que sa fille lui aurait dit lors d'une de ces rencontres qu'elle avait été conduite dans une maison avec piscine. Depuis ce jour, la requérante n'a plus revu sa fille.

16. Dans son rapport du 4 octobre 2005, l'assistante sociale A.L.N. fit état de l'attitude incorrecte – irrespectueuse, « violente » et agressive – de la requérante, qui avait tenté de se blesser et avait dû être conduite à l'hôpital lorsqu'elle fut séparée de sa fille. A.L.N. précisait que la requérante avait été informée des mesures susceptibles d'être prises pour le bien-être de sa fille en raison de son état d'indigence. A.L.N. indiqua que l'accueil temporaire des deux frères de G. par le grand-oncle de la requérante devait cesser au motif, non circonstancié, que le grand-oncle de la requérante n'offrait pas les qualités requises. Elle nota dans son rapport que la requérante se rendait tous les jours aux alentours du centre d'accueil Nuestra Sra. del Pilar, où le service de protection des mineurs avait établi pour sa fille un régime provisoire de trois visites surveillées par les éducatrices et la police, à l'extérieur du centre d'accueil, « en prévision d'une possible attitude violente » de la requérante. L'assistante sociale exposa dans son rapport que la requérante s'était vu remettre une somme d'argent, sans en préciser le montant, pour se rendre à Majorque et à Madrid, argent qu'elle avait initialement demandé, mais qu'elle aurait par la suite refusé, le jetant par terre. Elle aurait ensuite de nouveau demandé de l'argent pour aller à Grenade, avant de le rendre par orgueil trois heures plus tard. D'après le rapport, lors des trois visites surveillées, la requérante encourageait G. à continuer à pleurer ou à crier pour obtenir ce qu'elle souhaitait, accusait constamment les professionnels de ce que sa fille n'était pas correctement assistée, parlait à sa fille de manière compulsive et incohérente, n'acceptait pas les horaires de visites et criait lorsque l'heure de fin des visites approchait, en menaçant par ailleurs de prendre des photos pour dénoncer la situation dans un programme de télévision. Qualifiant de « violents » les comportements de la requérante pendant ces visites au centre d'accueil Nuestra Sra. del Pilar et estimant qu'ils perturbaient la stabilité et l'évolution de la mineure, A.L.N. proposa la suspension des visites et le transfert de G. vers un autre centre d'accueil, dont il conviendrait de ne pas communiquer à la requérante l'adresse.

17. Le 5 octobre 2005, la Délégation provinciale décida : de maintenir à G. le statut légal provisoire de mineur abandonné, de placer l'enfant au centre d'accueil San Ramón et San Fernando à Loja et de l'y transférer (paragraphe 13 ci-dessus) ; de demander judiciairement la suspension des visites ; de suspendre provisoirement, en attendant la décision judiciaire, toute communication entre la requérante et sa fille, dans l'intérêt de cette dernière ; et de refuser à la requérante toute information sur la localisation de G. La décision informa la requérante de la possibilité de demander d'être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite si elle souhaitait faire opposition devant le juge de première instance à la présente décision.

18. La requérante sollicita de nouveau auprès de la Délégation provinciale, le 4 octobre et le 22 novembre 2005, le transfert de sa fille au centre d'accueil de Linares, et réclama un droit de visite.

19. Entre le 22 novembre 2005 et le 31 janvier 2006 la requérante demanda au moins à dix-sept reprises auprès de la Délégation provinciale à voir sa fille. Elle se plaignait de l'absence d'information sur cette dernière, en particulier du refus du juriste représentant la Délégation provinciale de lui expliquer les motifs de la déclaration d'abandon. Aucune visite de la requérante à sa fille ne fut autorisée et elle n'a reçu aucune information sur l'enfant depuis lors.

B. La procédure administrative de déclaration d'abandon et de placement en famille d'accueil

20. Le 27 octobre 2005, le gouvernement autonome d'Andalousie demanda la suspension des visites (déjà décidée à titre provisoire) devant le juge de première instance no 3 de Grenade.

21. Le 2 novembre 2005 la procédure administrative fut suspendue à la demande du barreau de Grenade afin qu'un avocat d'office fût désigné pour représenter la requérante, ce qui fut fait le 20 janvier 2006. Ce dernier présenta ses allégations au nom de la requérante le 23 janvier 2006.

22. Par une décision du 1er février 2006, la Délégation provinciale reconnut officiellement la situation d'abandon de la mineure compte tenu « du pronostic négatif quant à une éventuelle récupération [des capacités familiales] et, partant, d'un regroupement avec sa mère », et décida de mettre en œuvre une procédure d'accueil familial préadoptif. La décision soulignait, sans toutefois indiquer de rapports à l'appui, l'absence des qualités requises chez le grand-oncle de la requérante pour l'accueil de G. et reprenait les mêmes considérations que les rapports précédents. Elle se référait également, sans plus de précisions, à la « santé mentale de la mère » et à son « état maniaque modéré », et considérait comme significatif que la requérante, lors de ses multiples comparutions, « n'avait montré aucun intérêt quant à l'état de la mineure, ni verbalement ni par écrit ». L'interdiction des visites fut maintenue. La requérante fut informée de la possibilité de demander d'être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite si elle souhaitait faire opposition à la présente décision.

23. Les 2, 6 et 15 février 2006, la requérante sollicita de nouveau auprès de la Délégation provinciale la possibilité de rendre visite à sa fille et fit part de son opposition à tout accueil préadoptif, en maintenant que les motifs invoqués pour l'éloigner de sa fille ne correspondaient pas à la réalité. A la dernière de ces dates, elle fit part de la situation au Défenseur du peuple.

24. Les 16 février et 2 mars 2006, la requérante renouvela ses demandes auprès de la Délégation provinciale de visites et d'information à propos de sa fille.

25. Le 10 janvier 2007, la commission des mesures de protection de la Délégation provinciale confirma la déclaration d'abandon provisoire de G.

26. Le 22 janvier 2007, l'assistante sociale A.L.N. adressa un courrier électronique à la Croix-Rouge lui priant de localiser la requérante et de vérifier la situation du quatrième enfant de cette dernière, un nouveau-né. A.L.N. fit valoir que les deux enfants aînés de la requérante étaient placés en accueil familial auprès d'un grand-oncle de la requérante et que G. avait « été adoptée » par une famille également prête à adopter le nourrisson de la requérante, dont elle estimait l'âge à 9 mois environ en notant que la requérante « était enceinte il y a plus d'un an ». Elle précisait que la requérante avait « des problèmes de santé mentale, non diagnostiqués » et qu'elle était susceptible de « se trouver en France, avec le bébé et son compagnon actuel, de nationalité française ».

C. La procédure judiciaire d'opposition à la déclaration d'abandon et à la suspension du régime de visites (no 1278/05)

27. Le 31 janvier 2006, le juge de première instance no 3 de Grenade décida de joindre la procédure d'opposition aux mesures de protection de la mineure et la procédure pour la suspension du régime des visites.

28. Le 28 novembre 2006, la requérante, représentée par une avocate, contesta la déclaration légale d'abandon adoptée par la Délégation provinciale, alléguant qu'elle résidait en France avec son compagnon et qu'elle percevait une prestation mensuelle de 836,87 euros.

29. Le 3 mai 2007 eut lieu l'audience devant le juge de première instance no 3 de Grenade concernant la déclaration d'abandon. Le procureur chargé des enfants sollicita la confirmation de la déclaration d'abandon de G.

30. Par un jugement du 18 mai 2007, reprenant les arguments de la décision du 25 août 2005 de la Délégation provinciale relative à la situation d'abandon de G., prononcée deux ans auparavant, le juge de première instance no 3 de Grenade rejeta l'opposition à la déclaration d'abandon et estima que la mineure pourrait réintégrer le domicile familial en cas d'amélioration de la situation de la famille. Il maintint la tutelle et le placement de l'enfant en accueil résidentiel. Le juge s'exprima comme suit :

« (...) DEUXIÈMEMENT.- Compte tenu des arguments exposés, lorsque l'administration est intervenue, les motifs pour déclarer la situation d'abandon de la mineure G. étaient plus que suffisants ; ainsi, de la simple lecture du dossier administratif, il apparaît de manière incontestable que, soit par ignorance, soit par empêchement, par manque d'aptitudes sociales ou pour toute autre raison, y compris une éventuelle maladie mentale, et sans que l'on puisse considérer que la mère ait provoqué ou recherché cette situation volontairement, ce qui est certain c'est que la mineure se trouvait dans une situation d'abandon matériel et moral total. Son aspect était très sale, elle portait des vêtements inappropriés pour la période estivale, elle avait la peau desséchée et présentait des cicatrices et des égratignures ; elle disait vivre dans les roseaux (en las cañas) dont elle parlait comme de sa maison, elle montrait de l'anxiété vis-à-vis de la nourriture et était réceptive à toute marque d'affection, ce qui justifie amplement le placement automatique sous tutelle et la déclaration d'abandon. La situation dans laquelle se trouve la mineure n'est pas nouvelle puisque ses deux frères aînés sont en accueil familial avec un grand-oncle en raison du risque de danger dans lequel ils vivaient. Le dossier ne comporte aucun élément objectif susceptible de justifier que l'opposition [à la déclaration d'abandon] soit acceptée, a fortiori si l'on considère que l'éventualité d'une erreur serait préjudiciable à la mineure, alors que celle-ci mérite toute la protection possible, et que ce souci doit prévaloir sur tout autre intérêt. »

Le juge refusa d'établir le régime de visites sollicitée par la requérante en raison de « l'indifférence affective de la mineure à l'égard de sa mère et [du fait que] le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabilité et l'évolution de la mineure ».

31. Par un arrêt du 27 juin 2008 rendu sur appel de la requérante, l'Audiencia provincial de Grenade confirma le jugement attaqué. Elle rappela, d'une part, que l'objet de la procédure était de confirmer ou d'infirmer la décision portant sur la déclaration d'abandon de G. adoptée par l'administration. D'autre part, le placement de la mineure pourrait être reconsidéré moyennant la procédure administrative ou judiciaire pertinente qu'il appartiendrait à la requérante d'entamer en cas de changement de situation. L'arrêt maintint l'interdiction des visites de la requérante à sa fille mineure et l'accueil résidentiel.

D. Les procédures judiciaires de placement de G. en accueil familial préadoptif (no 74/07) et d'opposition au placement en accueil familial préadoptif (no 2188/07)

32. Le 1er février 2006, fut présenté le rapport de la Délégation provinciale exposant les motifs de la proposition d'accueil familial préadoptif. Le même jour, la procédure fut suspendue en attente d'assignation d'un avocat à la requérante.

33. Un couple fut sélectionné le 2 avril 2006 en tant que parents d'accueil préadoptif de la mineure. Le 9 juin 2006, la commission des mesures de protection de la Délégation provinciale entama la procédure administrative de placement de G. en accueil familial.

34. Le 14 février 2007, la Délégation provinciale décida le placement provisoire de G. en accueil familial préadoptif sur la base des motifs suivants :

« Le 25 août 2005 ont été décidés la déclaration provisoire de l'abandon de la mineure et son placement en accueil résidentiel pour les motifs exposés précédemment.

Étant donné la gravité des faits reprochés à la mère, le fait qu'on ignore où vit le père, l'attitude provocatrice et agressive de la mère et l'incohérence de ses propos lorsqu'elle s'est présentée auprès de nos services, un rapport sur sa santé a été demandé afin d'évaluer la possibilité d'établir un régime de visites. Le 5 septembre 2005, il a été établi que cette dernière n'est pas en mesure de s'occuper de sa fille, mais qu'elle peut la rencontrer sous surveillance.

Trois visites ont eu lieu en dehors du centre où est hébergée la mineure, sous la surveillance d'éducateurs et d'agents de police. Les incidents survenus au cours de ces visites, le fait que la mère fréquente les abords du centre, son comportement, l'évaluation des rapports mère-fille ainsi que l'évolution générale de cette affaire ont conduit à la décision du 4 octobre 2005 prononçant la suspension provisoire des visites et le transfert de la mineure vers un autre centre.

Il ressort des documents versés au dossier que la mère de la mineure a deux autres enfants en situation d'abandon et sous tutelle de la Délégation provinciale de Jaén, qu'aucun membre de la famille élargie (jusqu'au troisième degré) ne peut prendre en charge la mineure et que le grand-oncle qui s'est vu confier la garde des deux autres enfants, d'abord de façon provisoire et ensuite en accueil familial, est surchargé. Les éléments du dossier nous permettent de conclure à un pronostic négatif quant à une éventuelle récupération familiale et à un regroupement de la mineure avec sa mère.

La mère se plaint régulièrement auprès de nos services de toutes sortes d'irrégularités de la part des professionnels intervenant ou étant intervenus dans cette affaire (services de santé, justice, forces de sécurité, services sociaux municipaux, service de protection, centres d'accueil, ...), mais elle refuse de signer les récépissés des notifications, de présenter les documents qui lui sont demandés ou de prouver ou de demander qu'il soit prouvé que les informations figurant dans le dossier sont inexactes. Par ailleurs, elle nie toutes ces informations, les carences, les risques encourus par la mineure, de même que sa propre instabilité. Elle ne se rend pas aux consultations du centre de santé mentale. Il est significatif que lors de ses multiples visites, elle n'a jamais cherché à savoir, ni directement ni par écrit, comment allait sa fille.

Nous sommes donc en présence d'une mineure dont le père est introuvable, qui ne peut être prise en charge par la personne qui a déjà accueilli ses deux frères, et dont la mère, qui aurait un autre enfant sous la tutelle des autorités françaises, est à nouveau enceinte. Le pronostic d'un rétablissement de la famille naturelle dans un délai raisonnable est négatif. Tout ce qui précède, en plus de la nécessité pour l'enfant de bénéficier d'un environnement familial adéquat et d'éviter un placement prolongé en institution, justifie la poursuite de la procédure et la constitution d'un accueil familial préadoptif permanent (...) ».

35. La requérante ayant refusé le placement de G., le 23 mars 2007 le service de protection des mineurs proposa la constitution de l'accueil par voie judiciaire, avec un accueil familial provisoire entre-temps.

36. Le 2 octobre 2007, la requérante, représentée par une avocate, s'opposa, par voie judiciaire, à la décision de constitution d'un accueil familial préadoptif prise le 23 mars 2007.

37. Après de nombreuses vicissitudes procédurales, le 28 juillet 2009 eut lieu l'audience devant le juge de première instance no 16 de Grenade. La requérante s'opposa à toute forme d'accueil familial préadoptif de sa fille et sollicita subsidiairement que l'accueil familial permanent se fasse auprès de son grand-oncle, avec droit de visite de sa part. La requérante contesta également la déclaration d'abandon de G. avalisée par le juge de première instance no 3.

38. Le procureur chargé des mineurs appuya la demande d'opposition au placement de G. en accueil préadoptif formulée par la requérante.

39. Par un jugement du 4 septembre 2009, le juge de première instance no 16 de Grenade confirma la constitution d'accueil familial préadoptif selon la proposition du service des mineurs présentée le 23 mars 2007. Il n'accepta pas le grand-oncle de la requérante en tant que témoin ni la proposition subsidiaire d'un accueil par ce dernier, considérant qu'il ne réunissait pas les conditions requises pour accueillir des mineurs. Concernant la situation d'abandon de G. déclarée par le juge de première instance no 3 de Grenade et confirmée en appel, le juge no 16 ne l'examina pas et rappela la force de chose jugée de la décision du juge no 3, et la nécessité d'entamer une procédure à cet égard en cas de changement des circonstances. Le jugement nota toutefois, pour ce qui était du changement allégué des circonstances par rapport au moment de la déclaration d'abandon de G., que la requérante avait indiqué « [qu'elle] a des olives, qu'elle travaille la terre et que pendant une partie de l'année elle va travailler en France, qu'elle est une bonne mère et qu'elle pourrait vivre avec ses enfants, qu'elle en est capable et que sa famille est très proche ». Le juge estima, se référant à des « rapports techniques » qu'il ne cita pas, que « ces témoignages, versées par des membres de la famille ou des voisins [de la requérante] n'accrédit[ai]ent pas, à eux seuls, la récupération de [ses] compétences éducatives ». Le juge notait ce qui suit :

« la mineure, [âgée] de presque 8 ans, n'a pas eu de contacts avec sa mère depuis plusieurs années, les visites ayant même été suspendues par décision judiciaire. Tout cela détermine que dans l'intérêt de la mineure la mesure de tutelle la plus adéquate est celle déjà adoptée, consistant en un accueil familial préadoptif, et cela bien que le procureur chargé des mineurs ait soutenu les arguments de la requérante et demandé la prise en considération de [son] opposition ».

40. La requérante, représentée par son avocate, fit appel du jugement du 4 septembre 2009.

41. Le procureur chargé des mineurs appuya l'appel de la requérante.

42. La requérante fournit un rapport d'expertise psychologique le 18 décembre 2009 faisant état de sa capacité à s'occuper de sa fille.

43. Par un arrêt du 18 juin 2010, l'Audiencia provincial de Grenade confirma le jugement de première instance. Elle rappela que l'objet de l'opposition à l'accueil n'était pas de contester la déclaration d'abandon, mais de démontrer que les causes l'ayant motivée avaient disparu et qu'un changement radical s'était produit dans le comportement, les habitudes et le mode de vie des parents naturels, justifiant la récupération du plein exercice de l'autorité parentale, tout en fournissant la preuve irréfutable que le retour de la mineure dans la famille lui serait clairement bénéfique. L'arrêt se référa à l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance no 16 et nota, entre autres : que le rapport d'expertise psychologique présenté par la requérante le 18 décembre 2009 ne réunissait que des informations fournies par elle-même, telles que sa capacité à s'occuper de ses enfants, sans expliquer les raisons pour lesquelles deux autres de ses enfants étaient placés en accueil familial chez son grand-oncle ; que tout en indiquant que la requérante n'avait pas de maladie ou de handicap psychique, ce rapport constatait son caractère impulsif et irascible ; ou que nonobstant l'affirmation que celle-ci maîtrisait trois langues, la requérante ne cherchait pas à exploiter de telles capacités, vivant dans une situation d'isolement social et professionnel qui l'obligeait à émigrer à l'étranger pour trouver du travail ou à s'y rendre de manière itinérante. En tout état de cause, l'Audiencia provincial estima dans son arrêt qu'il n'y avait pas « de preuve convaincante dans le rapport que les risques de retomber dans la situation de manque d'attention envers sa fille mineure ayant conduit à la déclaration d'abandon aient été effacés », jugeant que les témoins cités par la requérante pour attester sa capacité à avoir ses enfants avec elle « n'apportaient aucune donnée quant à sa stabilité sociale et professionnelle et à l'absence de risques pour la mineure, et établissaient encore moins l'effet bénéfique qu'entraînerait pour celle-ci le retour dans sa famille d'origine ».

44. La requérante se pourvut en cassation. Le pourvoi fut déclaré irrecevable par une décision de l'Audiencia provincial de Grenade du 27 juillet 2010.

45. Invoquant les articles 15 (droit à l'intégrité physique et morale de sa fille) et 24 (droit à un procès équitable) de la Constitution ainsi que les articles 8 et 14 de la Convention, la requérante saisit le Tribunal constitutionnel d'un recours d'amparo. Par une décision du 27 octobre 2011, notifiée le 3 novembre 2011, la haute juridiction déclara le recours irrecevable comme étant dépourvu de l'importance constitutionnelle spéciale requise par l'article 50 § 1 b) de la loi organique sur le Tribunal constitutionnel.

46. Entre-temps, par des décisions du 18 octobre et 1er décembre 2010, le juge de première instance no 16 de Grenade confirma la condition de famille d'accueil préadoptif de la famille d'accueil de G.

47. Un rapport de suivi de l'accueil familial préadoptif daté du 29 mars 2011 fit état de la pleine intégration de la mineure G. au sein de sa famille d'accueil, avec laquelle elle habitait depuis le 16 février 2007, ainsi qu'avec la famille d'accueil élargie. Le rapport notait que G. avait atteint le niveau d'évolution physique et moteur correspondant à son âge et avait amélioré ses niveaux de maturité et d'adaptation, ainsi que ses capacités de concentration et d'attention, sans diminution de son rendement scolaire, et cela dans un environnement normalisé et sécurisant au sein de sa famille d'accueil, qui subvenait à tous ses besoins matériels et affectifs.

E. Les procédures d'adoption (no 599/2011) et d'opposition aux mesures de protection de mineur (no 156/2010)

48. Le 11 avril 2011, le service de protection des mineurs de Grenade présenta la proposition d'adoption de G. par sa famille d'accueil devant le juge de première instance no 16 de Grenade.

49. Le 14 avril 2011, le juge de première instance no 16 déclara ouverte la procédure d'adoption.

50. Le 14 juin 2011, la procédure fut suspendue à la demande de la requérante. Par une décision du même juge du 13 mars 2012, l'audience dans la procédure no156/2010 fut fixée au 24 avril 2012.

51. Dans un rapport du 28 septembre 2012 rédigé à l'attention du Gouvernement après la communication de la présente affaire, le service de protection des mineurs de Grenade résumait l'historique de la séparation et du placement de G. dans des centres d'accueils et ensuite dans une famille d'accueil préadoptif, répétant les arguments exposés dans le rapport original du 4 octobre 2005 (paragraphe 16 ci-dessus) et faisant état, entre autres, « de l'attitude défiante et provocatrice de la requérante lors de ses nombreuses comparutions au sein du service de protection des mineurs, de ses griefs persistants contre les fonctionnaires des services de santé, des forces de sécurité, des services sociaux, des centres de protection..., refusant de présenter les documents exigés par nos services et ne montrant aucun intérêt concernant l'état de la mineure ». Il se référait aussi au rapport du 25 mars 2011 et estimait que « les liens affectifs et familiaux créés et qui continuent à se développer doivent avoir une continuité et une consolidation dans sa situation légale, de sorte que l'adoption serait la mesure la plus adéquate aux besoins et aux intérêts de la mineure ».

52. Les suites de la procédure d'adoption n'ont pas été communiquées à la Cour. D'après les informations fournies par le Gouvernement le 5 février 2013, l'enfant n'avait pas été adopté à cette date.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

53. L'article 17 de la loi organique 1/1996 du 15 janvier 1996 portant sur la protection juridique des mineurs dispose comme suit :

« Devant toute situation à risque, quelle qu'elle soit, portant préjudice au développement personnel ou social du mineur et n'exigeant pas sa mise sous tutelle en vertu de la loi, l'action des pouvoirs publics doit, dans tous les cas, garantir les droits du mineur et tendre à la réduction des facteurs de risques et des difficultés sociales qui ont une incidence sur sa situation personnelle et sociale, ainsi que promouvoir les facteurs de protection du mineur et de sa famille.

Une fois la situation de risque appréciée, l'administration compétente en matière de protection de mineurs mettra en œuvre les actions pertinentes pour l'atténuer et procédera au suivi de l'évolution du mineur dans sa famille ».

54. Les dispositions pertinentes du code civil se lisent comme suit :

Article 172

« Lorsque l'institution publique responsable de la protection des mineurs [dans son ressort territorial] constate qu'un mineur se trouve dans une situation d'abandon, elle en assume de plein droit la tutelle et doit mettre en œuvre les mesures nécessaires pour garantir sa protection et sa garde (...) [Les parents et tuteurs] seront autant que possible informés personnellement et de manière claire et compréhensible des motifs ayant donné lieu à l'intervention de l'administration et des effets possibles de la décision adoptée.

Un mineur est considéré comme étant en situation d'abandon lorsque, de fait, il se trouve dans une situation découlant, soit d'un manquement aux devoirs de protection établis par les textes de loi portant sur la garde des mineurs, soit de l'impossibilité d'exercer ces devoirs ou de les exercer correctement, et qu'il est privé de l'assistance morale ou matérielle qui lui est nécessaire »..

L'exercice de la tutelle par l'administration implique la suspension de l'autorité parentale ou de la tutelle ordinaire.

(...)

4. L'intérêt du mineur est toujours recherché. A moins que l'intérêt du mineur ne s'y oppose, [l'administration s'efforce] de le réintégrer dans sa propre famille et de confier la garde des frères et sœurs à la même institution ou personne.

(...)

7. Les parents dont l'autorité parentale est suspendue en vertu du paragraphe 1 du présent article peuvent solliciter la cessation de la suspension et la révocation de la déclaration d'abandon, pendant un délai de deux ans à compter de la notification administrative de la déclaration d'abandon, s'ils estiment qu'ils peuvent de nouveau exercer l'autorité parentale en raison d'un changement des circonstances l'ayant motivée.

Ils peuvent aussi contester, pendant ce même délai, les décisions prises en rapport avec la protection du mineur.

(...)

8. L'administration, d'office ou à la demande du ministère public ou de toute personne ou institution intéressées, peut à tout moment révoquer la déclaration d'abandon et décider du retour du mineur avec sa famille s'il n'est pas intégré de manière stable dans une autre famille ou si elle estime que c'est la mesure la plus adéquate pour l'intérêt du mineur. La décision sera notifiée au ministère public ».

Article 173

« 1. Le placement en famille d'accueil implique la pleine participation du mineur à la vie du foyer familial et l'obligation, pour la famille d'accueil, de veiller sur lui, de s'occuper de lui, de le nourrir, de l'éduquer et de lui offrir une instruction complète.

(...)

3. Si les parents (...) s'opposent [au placement du mineur en famille d'accueil], ce placement doit faire l'objet d'une décision judiciaire, dans l'intérêt du mineur (...).

Toutefois, l'administration peut décider, dans l'intérêt du mineur, de le placer provisoirement en famille d'accueil jusqu'à ce que la décision judiciaire soit rendue.

(...) ».

Article 173 bis

« L'accueil familial peut revêtir l'une des modalités suivantes, selon sa finalité :

1º l'accueil familial simple, qui revêt un caractère provisoire, soit parce que la situation du mineur permet de prévoir sa réinsertion dans sa propre famille, soit parce qu'une autre mesure de protection plus durable est en voie d'être adoptée.

2º l'accueil familial permanent, lorsque, en raison de l'âge ou d'autres circonstances concernant le mineur ou sa famille, [ce mode] semble préférable et est ainsi recommandé par les services de protection des mineurs. (...).

3º l'accueil familial préadoptif, formalisé par l'administration lorsqu'elle présente à l'autorité judiciaire une proposition d'adoption du mineur, [laquelle doit être] visée par les services de protection des mineurs, et suppose que les parents d'accueil remplissent les conditions requises pour l'adoption, aient été sélectionnés et aient donné leur assentiment à l'administration et que le mineur se trouve dans une situation juridique le rendant apte à être adopté.

L'administration peut aussi mettre en place un accueil familial préadoptif lorsqu'elle considère, avant la présentation de la proposition d'adoption, qu'il est nécessaire d'établir une période d'adaptation du mineur dans la famille. Cette période est la plus brève possible, et ne peut dépasser un an ».

Article 222

« Sont placés sous tutelle :

(...)

4o Les mineurs en situation d'abandon. ».

55. Les dispositions pertinentes du décret 282/2002 du 12 novembre 2002 de la communauté autonome d'Andalousie sur l'accueil familial et l'adoption se lisent comme suit :

Article 35

« Conformément à la législation civile, l'accueil familial préadoptif et l'adoption sont proposés lorsque la réinsertion du mineur dans sa famille biologique est impossible et que la pleine intégration du mineur dans une autre famille, moyennant la création de liens de filiation, apparaît nécessaire compte tenu de sa situation et des circonstances qui lui sont propres. »

Article 36

« Toute proposition de mise en place d'accueil familial préadoptif et d'adoption doit, conformément à l'article 31 de la loi 1/1998 du 20 avril 1998, prendre en compte les impératifs suivants :

a) la primauté de l'intérêt du mineur sur celui de toute autre personne, y compris ses parents ou les autres membres de sa famille, ses tuteurs ou les futurs adoptants.

b) la vérification, au moyen d'une évaluation et d'une intervention auprès de la famille d'origine du mineur, (...) qu'il existe un nombre suffisant d'éléments pour considérer qu'aucune modification des circonstances familiales susceptible de permettre la réintégration de l'enfant au sein de sa famille n'est prévisible. A cet effet, même lorsqu'un retour du mineur dans sa famille biologique serait envisageable, mais que le temps requis pour que ce retour puisse avoir lieu implique pour le mineur un frein à son développement et une plus grande détérioration psychosociale, il sera entendu que sa réintégration au sein de sa famille n'est pas possible.

c) la préférence à accorder aux demandes d'accueil familial émanant de la famille du mineur par rapport à celles de placement préadoptif ou d'adoption émanant de tiers étrangers à la famille du mineur ou sans liens avec cette dernière.

d) la bonne intégration du mineur au sein de la future famille adoptive avant l'engagement de la procédure d'adoption. A cette fin, le mineur doit vivre au sein de cette famille pendant plus de quatre mois dans le cadre d'un accueil familial.

(...)

f) la notification aux parents ou tuteurs de la décision de proposer l'accueil préadoptif ou l'adoption, pour qu'ils manifestent leur assentiment ou leur dissentiment. »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

56. La requérante se plaint d'avoir été privée de tout contact avec sa fille et séparée d'elle injustement. Elle fait valoir que l'administration avait décidé de placer sa fille en accueil préadoptif avant même que les juridictions internes ne statuent sur sa situation d'abandon. Elle invoque l'article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

A. Sur la recevabilité

57. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il fait valoir que la requérante n'a pas formé de recours d'amparo devant le Tribunal constitutionnel après l'arrêt du 27 juin 2008 rendu en appel par l'Audiencia provincial de Grenade et qui confirmait la déclaration d'abandon de l'enfant (voir ci-dessus paragraphe 31 dans le cadre de la procédure (no 1278/05).

58. Dans ses observations en réponse à celles du Gouvernement, la requérante explique qu'elle n'a pas saisi le Tribunal constitutionnel d'un recours d'amparo dans le cadre de cette procédure parce que le juge de première instance no 3 de Grenade avait indiqué dans son jugement du 18 mai 2007 que l'enfant pourrait réintégrer le domicile familial en cas d'amélioration des circonstances familiales et qu'elle était en situation d'accueil résidentiel seulement, sa tutelle étant assumée par l'administration. La requérante ne savait alors pas que sa fille, ainsi que ses futurs frères et sœurs, allaient être donnés par l'administration « en adoption » (sic) à un couple dont elle ignore par ailleurs l'identité.

59. La Cour relève que la requérante n'a formé de recours d'amparo que dans le cadre de la procédure no 2188/07 d'opposition au placement familial préadoptif, dans laquelle elle s'opposait à toute forme d'accueil familial préadoptif de sa fille et sollicitait subsidiairement que l'accueil familial permanent soit confié à son grand-oncle, avec un droit de visite pour sa part (paragraphe 37 ci-dessus). Elle n'a pas formé de recours d'amparo dans le cadre de la procédure d'opposition à la déclaration d'abandon. La Cour note toutefois que, lorsque cette dernière procédure se termina, le 27 juin 2008 (paragraphe 31 ci-dessus), les procédures portant sur le placement de G. en accueil familial préadoptif et l'opposition à ce placement étaient toujours pendantes et basées sur les mêmes documents et rapports que ceux qui sous-tendaient la déclaration d'abandon.

60. La Cour rappelle que la règle de l'épuisement des voies de recours internes énoncée à l'article 35 de la Convention impose à tout requérant l'obligation d'utiliser au préalable les recours normalement disponibles et suffisants dans l'ordre juridique interne pour lui permettre d'obtenir réparation des violations qu'il allègue, avant que ces allégations ne soient soumises aux organes de la Convention (voir, parmi d'autres, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999‑V).

61. En l'espèce, le désaccord de la requérante avec la déclaration d'abandon et le maintien de celle-ci s'est exprimé dans deux procédures partiellement simultanées : d'une part, la procédure d'opposition à la déclaration d'abandon (paragraphes 27 et ss. ci-dessus) ; et, d'autre part, la procédure d'opposition au placement de G. en accueil familial préadoptif (paragraphes 32 et ss. ci-dessus). La Cour observe que dans le cadre de la première procédure, le juge de première instance no 3 de Grenade avait, tout en donnant son aval à la déclaration d'abandon de G., noté que la situation de séparation pourrait être reconsidérée en cas d'amélioration des circonstances familiales au moyen de l'action judiciaire appropriée (paragraphe 30 ci-dessus). La requérante a par la suite exposé l'existence d'un tel changement des circonstances et contesté de nouveau la déclaration d'abandon devant le juge de première instance no 16 de Grenade, lequel s'est prononcé expressément sur les causes de la déclaration d'abandon et de son maintien (paragraphe 39 ci-dessus). La Cour estime qu'au vu de ces constats, la requérante peut être considérée comme ayant raisonnablement utilisé les voies de recours dont elle disposait pour faire valoir ses droits relatifs à une question non définitivement tranchée, sans qu'il puisse lui être reproché ne pas avoir formé de recours d'amparo lorsque la question de fond, à savoir, la séparation avec sa fille, était encore pendante devant les juridictions ordinaires.

62. Par conséquent, l'exception du Gouvernement ne saurait être retenue.

63. Concernant le restant des procédures, la Cour constate que cette partie de la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'elle ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

a) La requérante

64. La requérante conteste les motifs donnés par l'administration pour la séparer de son enfant : elle fait valoir qu'elle a toujours travaillé et qu'avec son compagnon, ils ont assez de revenus pour subvenir aux besoins de leur fille.

Concernant l'état de santé de sa fille, la requérante expose que depuis septembre 2006 au moins, il était connu de l'administration que G. avait une dermatite atopique et séborrhéique (paragraphe 11 ci-dessus), et qu'elle-même et ses deux autres enfants avaient aussi la peau très sèche, malgré un traitement avec différentes crèmes. C'est donc par complaisance, selon elle, que l'administration a admis cet argument pour consentir au placement de G. dans une famille d'accueil. La requérante fournit aussi le certificat de vaccination de G. démontrant qu'elle était à jour dans ses vaccins.

Concernant ses deux fils, la requérante se réfère aux éléments exposés au paragraphe 7 ci-dessus, niant les avoir abandonnés.

Pour ce qui est de sa conduite lors de ses visites au centre d'accueil de Grenade, décrite dans la décision du 5 octobre 2005, la requérante note que même si cette description était vraie, ce qu'elle conteste, elle ne serait d'aucune pertinence, l'enfant se trouvant de toute façon depuis le 13 septembre 2005 au centre d'accueil de Loja (à 58 km de Grenade). Elle affirme enfin que la maladie mentale non diagnostiquée qu'on lui prête est inexistante et se réfère à cet égard au rapport du 18 décembre 2009 qu'elle avait versé dans la procédure interne (paragraphe 40 ci-dessus). Au vu de ce qui précède, la requérante estime qu'il existait un parti-pris de la part de certains professionnels de l'administration pour la séparer de sa fille et lui enlever même son enfant à naître, ce qui rend compréhensible son désespoir, son impuissance et son angoisse. Si tant est que des problèmes eussent été observés dans la façon dont elle élevait son enfant, la requérante estime que l'administration aurait plutôt dû lui prêter assistance pour les surmonter.

65. La requérante estime que l'administration l'a injustement privée de tout contact avec sa fille, essayant de rompre les liens existant entre elles. Elle se plaint d'autre part que les juridictions internes ont refusé d'examiner les irrégularités commises dans la procédure administrative et expose que le procureur en charge des mineurs a appuyé ses recours.

b) Le Gouvernement

66. Le Gouvernement concède que le droit des parents à ne pas être séparés de leurs enfants, sauf s'il existe des raisons pour justifier cette séparation dans l'intérêt du mineur, fait partie du droit au respect de la vie privée et familiale. Il cite à cet égard les paragraphes 95 et 96 de l'arrêt K.A.B. c. Espagne (no 59819/08, 10 avril 2012). Il rappelle ensuite que la Cour n'a pas pour tâche de se substituer aux autorités internes, mais d'examiner sous l'angle de la Convention les décisions que ces autorités ont rendues dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire et se réfère à la jurisprudence reproduite au paragraphe 71 ci-dessous.

67. Le Gouvernement note qu'après avoir pris connaissance de la situation de la mineure, l'administration a demandé aux autorités judiciaires de la déclarer en situation d'abandon. Se référant au jugement du 18 mai 2007 rendu par le juge de première instance, dont les parties pertinentes sont reproduites au paragraphe 30 ci-dessus, il estime que l'administration n'a pas pris cette décision de manière arbitraire ou sans fondement. Le Gouvernement rappelle qu'il était ressorti des enquêtes administratives que la mère ne réunissait pas les conditions lui permettant de s'occuper de G. Le placement en accueil au sein de la famille élargie, qui avait d'abord été envisagé, a ensuite été écarté parce que le grand-oncle de la requérante était déjà surchargé. En l'absence de toute autre option, l'administration a pris la décision de placer la mineure en famille d'accueil, décision qui a été validée par l'autorité judiciaire. La mère a été représentée par un avocat tout au long de la procédure judiciaire et ses témoignages ont été pris en compte, ainsi que les preuves produites. Les faits ont été examinés par les juridictions internes sans le moindre arbitraire et toutes les décisions ont été dûment motivées. Pour le Gouvernement, la situation d'abandon de la mineure était réelle et justifiait l'intervention de l'administration, comme l'ont ensuite reconnu les juridictions internes. Cette situation était inchangée lorsque l'opposition de la requérante au placement de sa fille fut examinée.

2. Appréciation de la Cour

68. La Cour rappelle que, pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale (Buscemi c. Italie, no 29569/95, § 53, CEDH 1999‑VI et Saleck Bardi c. Espagne, no 66167/09, § 50, 24 mai 2011, § 49).

a) Principes généraux sur les obligations positives qui incombent à l'État défendeur en vertu de l'article 8 de la Convention

69. Comme la Cour l'a indiqué à plusieurs reprises, l'article 8 a essentiellement pour objet de prémunir l'individu contre les ingérences arbitraires des autorités publiques ; il ne se contente toutefois pas de commander à l'État de s'abstenir de pareilles ingérences. En effet, si les décisions prises par l'autorité responsable aboutissant au placement d'un enfant dans un centre d'accueil s'analysent en des ingérences dans le droit d'un parent au respect de sa vie familiale (W. c. Royaume-Uni, 8 juillet 1987, § 59, série A no 121), les obligations positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée ou familiale peuvent impliquer l'adoption de mesures visant au respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c. Pays-Bas, 26 mars 1985, § 23, série A no 91, et Mincheva c. Bulgarie, no 21558/03, § 81, 2 septembre 2010). Dans un cas comme dans l'autre, il faut avoir égard au juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents de l'individu et de la société dans son ensemble ; de même, dans les deux hypothèses, l'État jouit d'une certaine marge d'appréciation (Saleck Bardi, précité, § 50 et K.A.B. c. Espagne, précité § 95).

70. La Cour réaffirme le principe bien établi dans sa jurisprudence selon lequel le but de la Convention consiste à protéger des droits concrets et effectifs (voir, mutatis mutandis, Artico c. Italie, arrêt du 13 mai 1980, § 33, série A no 37). Elle rappelle qu'elle n'a pas pour tâche de se substituer aux autorités internes, mais d'examiner sous l'angle de la Convention les décisions que ces autorités ont rendues dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire.

71. La Cour tient compte du fait que l'éclatement d'une famille constitue une mesure très grave qui doit reposer sur des considérations inspirées par l'intérêt de l'enfant et avoir assez de poids et de solidité (Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 148, CEDH 2000‑VIII). Elle a affirmé à maintes reprises que l'article 8 implique le droit d'un parent à des mesures propres à le réunir avec son enfant et l'obligation pour les autorités nationales de les prendre (voir, par exemple, Eriksson c. Suède, 22 juin 1989, § 71, série A no 156, Olsson c. Suède (no 2), 27 novembre 1992, § 90, série A no 250). La décision de prise en charge d'un enfant doit en principe être considérée comme une mesure temporaire, à suspendre dès que les circonstances s'y prêtent, et tout acte d'exécution doit concorder avec un but ultime : unir à nouveau le parent par le sang et l'enfant (K. et T. c. Finlande [GC], no 25702/94, § 178, CEDH 2001‑VII). L'obligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la réunion de la famille dès que cela sera vraiment possible s'impose aux autorités compétentes dès le début de la période de prise en charge et avec de plus en plus de force, mais doit toujours être mise en balance avec le devoir de considérer l'intérêt supérieur de l'enfant. Par ailleurs, les obligations positives ne se limitent à veiller à ce que l'enfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui, mais elles englobent également l'ensemble des mesures préparatoires permettant de parvenir à ce résultat (voir, mutatis mutandis, Kosmopoulou c. Grèce, no 60457/00, § 45, 5 février 2004, Amanalachioai c. Roumanie, no 4023/04, § 95, 26 mai 2009).

Il revient à la Cour d'apprécier si les autorités espagnoles ont agi en méconnaissance de leurs obligations positives découlant de l'article 8 de la Convention (Hokkanen c. Finlande, 23 septembre 1994, § 55, série A no 299‑A ; Mikulić c. Croatie, no 53176/99, § 59, CEDH 2002‑I ; P., C. et S. c. Royaume-Uni, no 56547/00, § 122, CEDH 2002-VI ; Evans c. Royaume-Uni [GC], no 6339/05, § 76, CEDH 2007‑IV, K.A.B. c. Espagne, précité, § 98).

72. Il appartient à chaque État contractant de se doter d'un arsenal juridique adéquat et suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de l'article 8 de la Convention et à la Cour de rechercher si, dans l'application et l'interprétation des dispositions légales applicables, les autorités internes ont respecté les garanties de l'article 8 de la Convention, en tenant notamment compte de l'intérêt supérieur de l'enfant (voir, mutatis mutandis, Neulinger et Shuruk c. Suisse [GC], no 41615/07, § 141, CEDH 2010, K.A.B. c. Espagne, précité, § 115).

b) Application en l'espèce des principes susmentionnés

73. La Cour relève que le 23 août 2005, la petite G., fille de la requérante âgée à l'époque de 3 ans et dix mois, fut séparée de cette dernière, qui s'était rendue dans les locaux des services sociaux de Motril avec son compagnon et leur fille pour solliciter une aide en raison de sa situation de détresse. Deux jours plus tard, le 25 août 2005, la Délégation provinciale considéra à titre provisoire la mineure en situation d'abandon. Le 30 août 2005, la requérante fut informée de la prise en charge par la Délégation de la tutelle de sa fille, et du placement de cette dernière au centre d'accueil Nuestra Señora del Pilar à Grenade. La Cour observe que la mineure fut transférée dans un centre d'accueil à Loja (paragraphe 13 ci-dessus) sans que la requérante en fût informée ni qu'il fût donné aucune suite à ses demandes pour que sa fille fût transférée dans un centre d'accueil plus proche de son domicile. Elle note que la requérante a vu sa fille pour la dernière fois le 27 septembre 2005.

1. 74. Dans une affaire comme celle de l'espèce, le juge se trouve en présence d'intérêts souvent difficilement conciliables, à savoir ceux de l'enfant et ceux de sa mère. Dans la recherche de l'équilibre entre ces différents intérêts, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (Moretti et Benedetti c. Italie, no 16318/07, § 67, 27 avril 2010).

75. En l'espèce, la Cour observe que les autorités administratives ont motivé leurs décisions concluant à l'existence d'une situation d'abandon de l'enfant en se référant à l'absence de ressources de la requérante, en situation d'indigence extrême (paragraphe 9 ci-dessus). Sur la base de ces considérations, le 25 août 2005, la Délégation provinciale mit en œuvre une procédure administrative à l'issue de laquelle G. fut déclarée à titre provisoire en situation légale d'abandon, mise sous la tutelle de l'administration et placée dans un centre d'accueil. D'après les informations dont dispose la Cour, tant le placement de l'enfant en centre d'accueil que, par la suite, la suspension totale et permanente du régime de visites de la requérante vis-à-vis de sa fille, ainsi que le transfert de cette dernière dans un autre centre d'accueil, ont été décidés sur la base du rapport de l'assistante sociale A.L.N. du 4 octobre 2005 (paragraphe 16 ci-dessus). Le rapport faisait état de l'attitude inappropriée et irrespectueuse de la requérante, qui avait été conduite à l'hôpital lorsqu'elle fut informée que sa fille devait lui être enlevée en raison de son état d'indigence absolue. A.L.N. indiquait dans son rapport que la requérante se rendait tous les jours aux abords du centre d'accueil où se trouvait sa fille. Quant au régime provisoire de visites surveillées qui avait été mis en œuvre, l'assistante sociale proposa sa suspension, ce qui fut fait. La requérante ne fut pas informée de cette mesure ni du centre d'accueil où sa fille avait été transférée. A.L.N. ajouta que la mère aurait reçu une somme d'argent.

76. La Cour observe que la décision du 1er février 2006 (paragraphe 22 ci-dessus) adoptée par la Délégation provinciale entérinant la situation d'abandon de l'enfant était littéralement fondée sur les mêmes arguments déjà développés dans sa décision précédente du 25 août 2005 et dans le rapport de l'assistante sociale A.L.N. du 4 octobre 2005. La décision affirmait à cet égard que la mère n'aurait « montré aucun intérêt pour l'état de la mineure, ni verbalement ni par écrit ». La Cour constate toutefois qu'il n'est pas contesté que la requérante s'était rendue au moins à 17 reprises au centre d'accueil de Grenade, alors même que l'institution se trouvait relativement éloignée de son domicile, et rappelle qu'elle n'avait même pas été informée que sa fille ne s'y trouvait plus depuis le 13 ou le 14 septembre 2005 (paragraphe 13 ci-dessus).

77. La procédure administrative tendant au placement de la mineure en accueil familial a commencé le 9 juin 2006, les parents d'accueil ayant été sélectionnés le 2 avril 2006. La Cour observe toutefois que la requérante a indiqué que sa fille lui avait raconté qu'elle avait été amenée dans une maison ayant une piscine, ce qui laisserait entendre que les parents d'accueil étaient entrés en contact avec la mineure bien avant la date mentionnée, à savoir quelques jours après la séparation d'avec sa mère, et en tout cas avant le 27 septembre 2005, date à laquelle la requérante et sa fille se sont vues pour la dernière fois. La requérante affirme aussi que les assistantes sociales lui ont offert de l'argent, ce qui a été aussi indiqué dans le rapport d'A.L.N. du 4 octobre 2005 (paragraphe 16 ci-dessus). La Cour trouve étrange que le rapport d'A.L.N. se référât à cet argent, ce qui confirme les affirmations de la requérante, et ne précise pas à quel titre cet argent lui avait été proposé.

78. Pour autant que la requérante se plaint que les juridictions internes n'ont pas examiné les irrégularités commises dans la procédure administrative, la Cour observe que la question de savoir si le processus décisionnel a suffisamment protégé les intérêts d'un parent dépend des circonstances propres à chaque affaire. Elle relève à cet égard qu'au cours de la procédure devant les juges de première instance et l'Audiencia Provincial, la requérante a eu la possibilité de présenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des procédures judiciaires où elle était représentée par un avocat au moins à partir du 1er février 2006 (paragraphe 32 ci-dessus ; voir aussi 21 ci-dessus pour ce qui est de la procédure administrative). La Cour ne décèle en conséquence aucun manquement imputable aux juridictions internes à cet égard.

79. La Cour rappelle que, dans les affaires touchant la vie familiale, la rupture du contact avec un enfant très jeune peut conduire à une altération croissante de sa relation avec son parent (voir, entre autres, Pini et autres c. Roumanie, nos 78028/01 et 78030/01, § 175, CEDH 2004‑V (extraits) et K.A.B. c. Espagne, précité, § 103). Il en va ainsi dans la présente affaire.

80. Au vu de ces considérations, tout en rappelant qu'il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle des autorités nationales compétentes quant aux mesures qui auraient dû être prises, car ces autorités sont en principe mieux placées pour procéder à une telle évaluation, la Cour constate l'existence de manques de diligence graves dans la procédure menée par les autorités responsables de la tutelle, du placement de l'enfant et de son éventuelle adoption (K.A.B. c. Espagne, précité, § 104).

81. À cet égard et s'agissant de l'obligation pour l'État d'arrêter des mesures positives, la Cour n'a cessé de dire que l'article 8 implique le droit pour un parent à des mesures propres à le réunir avec son enfant et l'obligation pour les autorités nationales de les prendre (voir, par exemple, Eriksson, précité, § 71, série A no 156, et Margareta et Roger Andersson c. Suède, 25 février 1992, § 91, série A no 226-A). Dans ce genre d'affaire, le caractère adéquat d'une mesure se juge à la rapidité de sa mise en œuvre (Maumousseau et Washington c. France, no 39388/05, § 83, 6 décembre 2007, Mincheva, précité, § 86).

82. Le point décisif en l'espèce consiste donc à savoir si les autorités nationales ont pris toutes les mesures nécessaires et adéquates que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elles pour que l'enfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer dans une famille d'accueil puis adoptive.

83. Dans les circonstances de l'espèce, certes on peut comprendre que l'assistante sociale A.L.N., au vu de la situation de G., ait pu décider de prendre en charge l'enfant et de le placer dans un centre d'accueil. Il s'agit là d'une mesure extrêmement grave et non sans conséquences aussi bien pour l'enfant que pour sa mère. En même temps, l'urgence de la situation et l'intérêt supérieur de l'enfant peuvent commander une telle décision. Cela étant, cette décision aurait dû s'accompagner dans les meilleurs délais de mesures les plus appropriées permettant d'évaluer en profondeur la situation de l'enfant et ses rapports avec ses parents, le tout dans le respect du cadre légal en vigueur. L'enfant a été séparé de sa mère contre le gré de cette dernière et immédiatement transférée dans un centre d'accueil per décision de l'assistante sociale A.L.N. Cette situation était particulièrement grave compte tenu de l'âge de l'enfant qui n'avait pas encore quatre ans. La Cour n'est guère convaincue par les raisons que l'administration et les juridictions internes ont estimés suffisantes pour justifier « amplement le placement automatique sous tutelle et la déclaration d'abandon », en particulier la gravité prétendue de l'état de la mineure, son « indifférence affective » à l'égard de sa mère ou encore l'indication selon laquelle « le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabilité et l'évolution de la mineure » (paragraphe 30 ci-dessus). La Cour observe qu'à aucun moment de la procédure administrative n'a été pris en compte le très jeune âge de l'enfant au moment de la séparation ou la relation affective préalable existant entre elle et sa mère, ni le délai écoulé depuis leur séparation, ainsi que les conséquences qui en découlaient pour elles.

84. À la différence d'autres affaires que la Cour a eu l'occasion d'examiner, l'enfant de la requérante en l'espèce n'avait pas été exposée à une situation de violence ou de maltraitance physique ou psychique (voir, a contrario, Dewinne c. Belgique (déc.), no 56024/00, 10 mars 2005 ; Zakharova c. France (déc.), no 57306/00, 13 décembre 2005), ni à des abus sexuels (voir, a contrario, Covezzi et Morselli c. Italie, no 52763/99, § 104, 9 mai 2003). Les tribunaux n'ont pas constaté de déficits affectifs (voir, a contrario, Kutzner c. Allemagne, no 46544/99, § 68, CEDH 2002‑I), d'état de santé inquiétant de l'enfant ou de déséquilibre psychique des parents (voir, a contrario, Bertrand c. France (déc.), no 57376/00, 19 février 2002 ; Couillard Maugery c. France, no 64796/01, § 261, 1er juillet 2004). S'il est vrai que dans certaines affaires déclarées irrecevables par la Cour, le placement des enfants avait pu être motivé par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations matérielles, cela n'avait toutefois jamais constitué le seul motif servant de base à la décision des tribunaux nationaux, en ce que d'autres éléments tels que l'état psychique des parents ou leur incapacité affective, éducative et pédagogique s'y ajoutaient (Rampogna et Murgia c. Italie (déc.), no 40753/98, 11 mai 1999 ; M.G. et M.T.A. c. Italie (déc.), no 17421/02, 28 juin 2005 ; Wallová et Walla c. République tchèque, no 23848/04, §§ 72–74, 26 octobre 2006).

85. Dans la présente affaire, les capacités éducatives et affectives de la requérante par rapport à sa fille mineure G. n'ont pas été formellement mises en cause, bien que ses deux enfants ainés soient placés en accueil familial élargi auprès du grand-oncle de leur mère (paragraphe 7 ci-dessus). La prise en charge de l'enfant de la requérante a été ordonnée en raison de la situation d'indigence de la mère de G. au moment de cette décision, sans qu'il soit tenu compte de son évolution postérieure. De l'avis de la Cour, il ne s'agissait de la part de la requérante que d'une carence matérielle que les autorités nationales auraient pu compenser à l'aide de moyens autres que la séparation totale de la famille, mesure ultime ne pouvant s'appliquer qu'aux cas les plus graves.

86. La Cour estime que les autorités administratives espagnoles auraient dû envisager d'autres mesures moins radicales que la prise en charge de l'enfant. La Cour considère que le rôle des autorités de protection sociale est précisément d'aider les personnes en difficulté qui n'ont pas la connaissance nécessaire du système, de les guider dans leurs démarches et de les conseiller, entre autres, quant aux différents types d'allocations sociales disponibles, aux possibilités d'obtenir un logement social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficultés, comme la requérante avait initialement cherché à le faire (paragraphe 8 ci-dessus). Elle observe par ailleurs que tant le juge de première instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que l'Audiencia provincial de Grenade dans son arrêt du 27 juin 2008 ont refusé de prendre en compte le changement de situation financière que la requérante entendait faire valoir pour s'opposer à la déclaration d'abandon de sa fille (paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limités à confirmer la déclaration adoptée par l'administration

87. La Cour note par ailleurs que le constat initial de la situation d'abandon de G. a été mécaniquement reproduit tout au long des procédures ultérieures, dans lesquelles la volonté de l'administration de placer l'enfant ailleurs a été clairement affichée. La Cour trouve pour le moins surprenant que l'assistante sociale ayant déclenché la procédure ait demandé à la Croix-Rouge de localiser la requérante en affirmant que la famille qui avait « adopté » G. était également « prête à adopter [son] nourrisson », dont elle estimait l'âge à 9 mois environ en notant que l'intéressée « [avait été] enceinte il y a plus d'un an » (paragraphe 26 ci-dessus). Elle observe que la décision du 14 février 2007 par laquelle la Délégation provinciale de Grenade plaça G. en accueil préadoptif (paragraphe 34 ci-dessus) prit en compte la situation d'accueil familial de deux enfants ainés de la requérante auprès de son grand-oncle ainsi que la « possible » tutelle des autorités françaises sur le nouveau-né de la requérante signalée par l'assistante sociale. La Cour estime que les autorités administratives n'ont fait que reproduire successivement les décisions sans aucunement procéder à de nouvelles constatations ni apprécier sur la base d'éléments tangibles l'évolution des circonstances.

88. Concernant le placement de l'enfant, la Cour relève que la requérante n'a pas cessé de s'y opposer, soutenue à cet égard par le procureur chargé des mineurs (paragraphes 38 et 41 ci-dessus), et que sa proposition alternative tendant à ce que l'accueil familial soit confié à son grand-oncle a été rejetée par le jugement du 4 septembre 2009 du juge de première instance de Grenade (paragraphe 39 ci-dessus). La Cour note que le juge a écarté cette proposition subsidiaire en considérant que son grand-oncle ne réunissait pas les conditions requises pour accueillir des mineurs sans aucunement motiver cette affirmation, se limitant à dire que cela constituerait une « surcharge » compte tenu qu'il s'était déjà vu confier la garde des deux autres enfants de la requérante (paragraphe 34 ci-dessus). N'ayant pas été autorisé à prendre part à la procédure, le grand-oncle de la requérante n'a toutefois pas pu s'exprimer à cet égard.

89. La Cour rappelle sa jurisprudence citée au paragraphe 81 ci-dessus, selon laquelle l'article 8 implique le droit d'un parent à des mesures propres à le réunir avec son enfant et l'obligation pour les autorités nationales de les prendre. Elle observe que, malgré le soutien du procureur chargé des mineurs aux arguments de la requérante contre l'option d'un accueil familial préadoptif, cette option a été retenue au seul motif de l'absence de contacts entre la mineure et sa mère depuis plusieurs années, alors que les rencontres entre elles avaient précisément été suspendues par des décisions administratives et judiciaires. La Cour note que pour retenir, dans son arrêt du 18 juin 2010, que le rapport d'expertise psychologique présenté par la requérante ne suffisait pas à démontrer sa capacité à s'occuper de ses enfants, ou estimer qu'il n'y avait pas de preuve convaincante que le risque de retomber dans la situation de manque d'attention initialement constaté envers l'enfant ait disparu, le tribunal d'appel n'a pas jugé nécessaire de recueillir d'autres rapports ni expertises au sujet de l'état psychique de la requérante ou de ses capacités éducatives. La Cour estime qu'il faut normalement considérer la prise en charge d'un enfant comme une mesure temporaire à suspendre dès que la situation s'y prête et que tout acte d'exécution doit concorder avec un but ultime : unir à nouveau le parent naturel et l'enfant (Johansen c. Norvège, 7 août 1996, § 78, Recueil 1996‑III). Elle relève toutefois que la requérante a été contrainte de prouver qu'elle était une bonne mère pour son enfant et que, lorsqu'elle a présenté les éléments dont elle disposait pour entreprendre de le démontrer, les juridictions compétentes ont estimé, sans aucun argument à l'appui, que ces éléments n'étaient pas suffisants pour contrecarrer l'avis de l'administration confirmé judiciairement entre-temps.

90. La Cour estime que la prise en considération de la vulnérabilité de la requérante au moment où sa fille a été placée en accueil institutionnel aurait pu jouer un rôle important pour comprendre la situation dans laquelle se trouvaient l'enfant et sa mère. De même, l'évolution ultérieure de la situation financière de la requérante ne semble pas avoir retenu l'attention du juge. Celui-ci s'est limité à faire état dans son jugement du 4 septembre 2009 des « rapports techniques », sans plus de précisions sur leur contenu, et à considérer que la « récupération des compétences éducatives » n'avait pas été prouvée, alors même qu'aucun mauvais traitement de la mère envers sa fille n'avait jamais été en cause.

91. Elle note en outre que le rapport de suivi du 29 mars 2011 du service de protection des mineurs a démontré qu'après presque six ans d'avoir été séparée de la requérante, l'enfant était bien intégrée dans sa famille d'accueil, qui subvenait à tous ses besoins matériels et affectifs et avec laquelle elle habitait depuis le 16 février 2007. La Cour observe à cet égard que le passage du temps a eu pour effet de rendre très difficilement réversible une situation qui aurait pu être redressée avec des moyens autres que la séparation et la déclaration de l'enfant comme étant en situation d'abandon.

92. Ainsi, le temps écoulé, conséquence de l'inertie de l'administration, et la propre inertie des juridictions internes, qui n'ont pas estimé déraisonnables les motifs donnés par l'administration pour priver une mère de sa fille sur la seule base de motifs économiques – la santé mentale de la requérante, initialement invoquée, n'ayant fait l'objet d'aucune expertise –, ont contribué de façon décisive à l'absence de toute possibilité de regroupement familial entre la requérante et sa fille. La requérante et sa fille se sont vues pour la dernière fois le 27 septembre 2005 et, depuis lors, la requérante n'a pas cessé de la réclamer, tant devant les organes compétents de l'administration que devant les juridictions internes.

93. Eu égard à ces considérations et nonobstant la marge d'appréciation de l'État défendeur en la matière, la Cour conclut que les autorités espagnoles n'ont pas déployé des efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit de la requérante à vivre avec son enfant, méconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8.

94. Partant, il y a eu violation de l'article 8.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 14 COMBINÉ AVEC L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

95. La requérante dénonce une discrimination à raison de sa race, de son origine guinéenne, de sa couleur, de son apparence externe, de sa culture et de son mode de vie, du fait que sa structure familiale élargie n'a pas été comprise par les juridictions espagnoles. Elle invoque l'article 14 de la Convention.

96. Le Gouvernement conteste cette thèse.

97. La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.

98. Compte tenu de l'argumentation de la requérante en l'espèce et des motifs pour lesquels la violation de l'article 8 a été constatée (paragraphe 94 ci-dessus), la Cour estime qu'aucune question distincte ne se pose sous l'angle de l'article 14, combiné avec l'article 8 de la Convention. Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant ce grief (B.S. c. Espagne, no 47159/08, § 76, 24 juillet 2012).

III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

99. Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

100. La Cour rappelle sa jurisprudence bien établie selon laquelle un arrêt constatant une violation entraîne pour l'État défendeur l'obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci. Les États contractants parties à une affaire sont en principe libres de choisir les moyens dont ils useront pour se conformer à un arrêt constatant une violation.

101. Dans la présente affaire, la Cour rappelle qu'elle a conclu que les autorités espagnoles n'ont pas déployé des efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit de la requérante à vivre avec son enfant, en violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8. Dès lors, les autorités nationales compétentes doivent prendre les mesures appropriées dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

102. La requérante réclame 176 000 euros (EUR) au titre du préjudice qu'elle aurait subi, dont 88 000 EUR pour la violation de l'article 8 et 88 000 EUR pour la violation de l'article 14.

103. Le Gouvernement estime ces sommes excessives.

104. Statuant en équité, la Cour considère qu'il y a lieu d'octroyer à la requérante 30 000 EUR pour préjudice moral.

B. Frais et dépens

105. La requérante demande également 5 754,57 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et 4 235 EUR pour ceux engagés devant la Cour. Elle soumet une facture de 188,57 EUR pour frais et dépens correspondants à l'avoué devant le Tribunal constitutionnel.

106. Le Gouvernement estime que les frais exposés n'ont pas été suffisamment étayés et sollicite le rejet de la demande.

107. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. De plus, l'article 60 § 2 du règlement prévoit que toute prétention présentée au titre de l'article 41 de la Convention doit être chiffrée, ventilée par rubrique et accompagnée des justificatifs nécessaires, faute de quoi la Cour peut rejeter la demande, en tout ou en partie (Buscarini et autres c. San Marino [GC], no 24645/94, § 48, ECHR 1999‑I et Gómez de Liaño y Botella c. Espagne, no. 21369/04, § 86, 22 juillet 2008). En l'espèce, la requérante n'a soumis des notes de frais à la Cour que pour les frais correspondants à l'avoué devant le Tribunal constitutionnel. La Cour estime la somme de 188 EUR raisonnable et l'accorde à la requérante à ce titre.

C. Intérêts moratoires

108. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention ;

3. Dit qu'aucune question distincte ne se pose sous l'angle de l'article 14 combiné avec l'article 8 de la Convention ;

4. Dit à l'unanimité,

a) que l'État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i) 30 000 EUR (trente mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ;

ii) 188 EUR (cent quatre-vingt-huit euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par la requérante, pour frais et dépens ;

b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 juin 2013, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Santiago QuesadaJosep Casadevall
GreffierPrésident


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-120962
Date de la décision : 18/06/2013
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale (Article 8 - Obligations positives;Article 8-1 - Respect de la vie familiale;Respect de la vie privée);Préjudice moral - réparation

Parties
Demandeurs : R.M.S.
Défendeurs : ESPAGNE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : LOPEZ GONGORA M.J.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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