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10/05/2012 | CEDH | N°001-110816

CEDH | CEDH, AFFAIRE RAHMANI ET DINEVA c. BULGARIE, 2012, 001-110816


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE RAHMANI ET DINEVA c. BULGARIE

(Requête no 20116/08)

ARRÊT

STRASBOURG

10 mai 2012

DÉFINITIF

10/08/2012

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Rahmani et Dineva c. Bulgarie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Lech Garlicki, président,
David Thór Björgvinsson,
Päivi Hirvelä,
George Nicolaou,


Ledi Bianku,
Zdravka Kalaydjieva,
Nebojša Vučinić, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE RAHMANI ET DINEVA c. BULGARIE

(Requête no 20116/08)

ARRÊT

STRASBOURG

10 mai 2012

DÉFINITIF

10/08/2012

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Rahmani et Dineva c. Bulgarie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Lech Garlicki, président,
David Thór Björgvinsson,
Päivi Hirvelä,
George Nicolaou,
Ledi Bianku,
Zdravka Kalaydjieva,
Nebojša Vučinić, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 avril 2012,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 20116/08) dirigée contre la République de Bulgarie et dont un ressortissant algérien, M. Ahmed Rahmani (« le requérant »), et une ressortissante bulgare, Mme Dimka Dineva (« la requérante »), ont saisi la Cour le 24 avril 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants sont représentés par Me D. Radoslavova, avocate à Sofia. Le gouvernement bulgare (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme S. Atanasova, du ministère de la Justice.

3. Les requérants allèguent en particulier que la mesure de reconduite à la frontière prise à l’encontre du requérant porte une atteinte injustifiée à leur vie familiale. Le requérant se plaint également du caractère injustifié de sa détention et de l’absence de voies de recours effectives pour en contrôler la légalité.

4. Le 9 juillet 2008, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Les requérants sont nés respectivement en 1964 et 1959 et résident à Stara Zagora.

A. L’établissement et le séjour du requérant en Bulgarie

6. Le requérant arriva en Bulgarie en 1994 pour y exercer une activité commerciale et obtint un permis de séjour qui expira en 1996. Le 23 juin 1999, il demanda à bénéficier du statut de réfugié et se vit octroyer un permis de séjour temporaire à ce titre. Ce permis expira le 21 octobre 2001.

7. Il rencontra la requérante en 2001. Ils se marièrent le 10 avril 2002 à Sofia. Peu après, le passeport algérien du requérant arriva à expiration et il demanda la délivrance d’un nouveau passeport à l’ambassade d’Algérie. Il obtint un tel passeport le 21 mars 2003 et sollicita alors une nouvelle autorisation de séjour.

8. Peu de temps avant cette date, le 16 janvier 2003, un fonctionnaire de la police régionale de Stara Zagora dressa un procès-verbal d’infraction administrative, constatant que le requérant demeurait irrégulièrement sur le territoire depuis l’expiration de son permis de séjour. Par une décision du chef de la police auprès de la Direction régionale des affaires intérieures (DRAI) de Stara Zagora, dont il reçut notification le 26 janvier 2004, le requérant se vit infliger une amende de 1 000 levs bulgares (BGN), soit environ 500 euros (EUR). Selon les requérants, ils n’étaient pas en mesure de payer cette amende en raison des problèmes de santé de la requérante et des difficultés financières qu’ils connaissaient à cette époque. Ils réglèrent toutefois l’amende par la suite, le 9 mars 2006.

9. Le 15 janvier 2004, le requérant se vit accorder un permis de séjour pour une durée d’un an.

10. Le requérant indique avoir sollicité la prolongation de son permis en janvier 2005 mais s’être heurté à un refus au motif qu’il n’avait pas payé l’amende imposée en 2004. Il ressort toutefois des décisions judiciaires rendues sur son recours contre la mesure de reconduite à la frontière (paragraphe 12 ci-dessous) qu’aucune demande de ce genre n’a été formulée auprès des autorités compétentes.

B. La mesure de reconduite à la frontière prise à l’encontre du requérant

11. Par un arrêté du 11 avril 2005, le directeur régional des affaires intérieures de Stara Zagora ordonna la reconduite à la frontière du requérant au motif que l’intéressé demeurait irrégulièrement sur le territoire depuis l’expiration de son permis de séjour le 15 janvier 2005. Les références du passeport algérien du requérant, valable jusqu’au 21 mars 2008, étaient mentionnées dans l’arrêté.

12. Le requérant introduisit un recours judiciaire en annulation de l’arrêté. Par un jugement du 24 novembre 2005, le tribunal régional de Stara Zagora rejeta le recours, jugeant que les conditions pour l’imposition d’une telle mesure étaient remplies étant donné que le requérant n’avait pas quitté le territoire suite à l’expiration de son autorisation de séjour le 15 janvier 2005. Le tribunal nota que l’objet de la procédure se limitait à la régularité de l’acte attaqué et ne concernait pas un refus de prolongation de l’autorisation de séjour du requérant, prolongation que l’intéressé n’avait au demeurant pas sollicitée.

13. Le requérant se pourvut en cassation. Par un arrêt du 16 mai 2006, la Cour administrative suprême confirma les termes du jugement. Elle estima que l’autorité administrative qui constatait la présence de l’une des hypothèses visées par la loi était tenue d’imposer la mesure en question ; elle considéra comme étrangères au litige les circonstances invoquées par le requérant, à savoir qu’il était marié avec une ressortissante bulgare ou que la famille connaissait des difficultés en raison des problèmes de santé de cette dernière.

C. La rétention du requérant

14. Le 5 août 2005, le requérant fut placé dans un centre de placement pour adultes à Plovdiv. Le procès-verbal dressé à cette occasion indiquait que le requérant était retenu sur la base d’une décision de placement et faisait référence à l’arrêté de reconduite à la frontière du 15 janvier 2005. Il faisait également mention d’un procès-verbal de vagabondage. Le 14 février 2006, le requérant, par l’intermédiaire de son avocate, s’adressa au directeur régional des affaires intérieures de Stara Zagora pour demander l’annulation de la mesure de placement. Par une lettre du 15 février 2006, le directeur régional répondit que ce n’était pas lui qui avait ordonné le placement du requérant et qu’il ne pouvait dès lors lever cette mesure. Suite à une nouvelle demande du requérant, dans une lettre du 10 mars 2006, le directeur régional considéra qu’il n’avait pas à se prononcer en l’absence d’éléments nouveaux.

15. Lorsque l’arrêté de reconduite à la frontière devint définitif à la suite du rejet du recours du requérant par l’arrêt du 16 mai 2006, par un arrêté du 15 juin 2006 le directeur régional des affaires intérieures de Stara Zagora constata que la reconduite ne pouvait être immédiatement exécutée dans la mesure où l’intéressé ne disposait pas de papiers d’identité, ni de ressources suffisantes et de moyens pour assurer le retour dans son pays. En conséquence, il ordonna le placement de l’intéressé dans le centre de rétention temporaire pour étrangers de Bousmantzi, dans la région de Sofia, jusqu’à ce que l’exécution de la mesure devienne possible. L’arrêté fut notifié au requérant le 22 juin 2006. Il ne contenait aucune indication quant aux voies de recours disponibles. Le même jour, le requérant fut transféré dans le centre de Bousmantzi.

16. Le 30 juin 2006, puis à plusieurs autres reprises, les requérants s’adressèrent au service de l’immigration du ministère de l’Intérieur pour solliciter la levée de la mesure de placement. La requérante présenta à l’occasion de ces demandes une déclaration de prise en charge financière de son mari et un document attestant qu’elle était propriétaire de son logement. Par des lettres datées respectivement des 24 juillet 2006, 27 novembre 2006 et 1er février 2007, il leur fut répondu que seul le directeur régional de Stara Zagora, auteur de l’arrêté de placement, était compétent pour le modifier, et que la demande serait transmise à ce service. Par une autre lettre du 29 décembre 2006, le service national de l’immigration se prononça toutefois sur le fond et considéra qu’il n’y avait pas de motif pour modifier la mesure.

17. Il ressort également des documents produits devant la Cour que le requérant a introduit, à des dates qui n’ont pas été précisées, deux recours judiciaires contre la décision de placement du 15 juin 2006, qui ont été déclarés irrecevables par le tribunal régional de Stara Zagora pour cause de tardiveté (paragraphe 21 ci-dessous).

D. Les recours ultérieurs introduits par le requérant

18. Le 13 février 2007, le requérant déposa à la DRAI de Stara Zagora deux demandes afin de solliciter l’abrogation, d’une part, de la mesure de reconduite à la frontière et, d’autre part, de l’arrêté de placement en centre de rétention, en tirant argument de la nouvelle loi sur l’entrée, le séjour et le départ des ressortissants de l’Union européenne (UE) et des membres de leurs familles. En l’absence de réponse, le 13 mars 2007, le requérant introduisit deux recours judiciaires contre le rejet implicite de ses demandes, recours qui furent enregistrés au tribunal administratif de Stara Zagora sous les numéros 54/2007 et 53/2007, respectivement.

19. Les pièces des deux dossiers furent apparemment confondues puisque par une ordonnance du 2 mai 2007, le tribunal, statuant dans la procédure 54/2007 et portant sur la demande d’abrogation de l’arrêté de reconduite à la frontière, déclara le recours irrecevable au motif qu’il ne disposait pas de la demande du requérant. Ce dernier se pourvut en cassation et le 6 juin 2007 la Cour administrative suprême annula l’ordonnance et retourna le dossier au tribunal administratif.

20. Par une nouvelle ordonnance du 16 octobre 2007, le tribunal administratif déclara le recours irrecevable, considérant que l’arrêté de reconduite à la frontière était devenu définitif suite au rejet du recours du requérant le 16 mai 2006 et que l’autorité auteur de l’acte n’avait plus compétence pour l’abroger ; son silence n’était dès lors pas constitutif d’une décision implicite de rejet. Sur pourvoi du requérant, cette décision fut confirmée par la Cour administrative suprême le 13 décembre 2007. La Cour administrative suprême nota dans sa décision que des faits nouveaux, tels que le mariage du requérant avec une ressortissante bulgare, pouvaient justifier le commencement d’une procédure en vue de la délivrance d’un nouveau permis de séjour au requérant mais non l’abrogation d’un acte administratif définitif.

21. Dans la procédure 53/2007 portant sur la demande d’abrogation de la mesure de placement en centre de rétention, le tribunal administratif rendit une ordonnance le 15 mai 2007 par laquelle il déclara le recours irrecevable. Le tribunal constata que l’arrêté de placement du 15 juin 2006 était devenu définitif en l’absence de recours de la part de l’intéressé. Il nota à cet égard que deux recours judiciaires introduits par le requérant avaient été déclarés irrecevables pour cause de tardiveté par deux ordonnances no 103/2006 et no 147/2006 de ce même tribunal. L’acte administratif étant définitif, l’autorité auteur de l’acte ne pouvait pas l’abroger et en l’absence d’obligation de se prononcer, le silence de l’administration n’était dès lors pas constitutif d’une décision implicite de rejet. Le tribunal admit que l’autorité administrative supérieure – en l’occurrence le directeur du service national de la police – était compétente pour abroger l’acte et que le directeur régional de Stara Zagora était dans l’obligation de lui transmettre la demande. Le tribunal ordonna la transmission du dossier au service national de la police afin que celui-ci se prononçât sur la demande du requérant.

22. Par une lettre du 22 juin 2007, le directeur dudit service rejeta la demande, considérant que le requérant ne pouvait se prévaloir de la loi relative aux ressortissants de l’UE, celle-ci étant applicable uniquement aux membres de la famille des ressortissants européens non bulgares, alors que l’épouse du requérant était de nationalité bulgare ; son cas relevait dès lors de la loi sur les étrangers de 1998. Le requérant introduisit un recours contre cette décision devant le tribunal administratif de Sofia, en soutenant notamment que, du fait de sa durée excessive, sa détention ne pouvait être considérée comme s’inscrivant dans le cadre de l’exécution de la mesure de reconduite à la frontière et constituait une privation de liberté contraire à l’article 5 § 1 f) de la Convention.

23. Une audience fut tenue devant le tribunal administratif de Sofia le 15 octobre 2007 et l’affaire fut mise en délibéré. Le 9 novembre 2007, le tribunal décida toutefois de rouvrir les débats au motif que des éléments de preuve, concernant notamment les faits allégués par le requérant, manquaient au dossier.

24. Par un jugement du 8 janvier 2008, le tribunal administratif de Sofia confirma le constat du directeur national de la police selon lequel la loi relative aux ressortissants de l’UE ne s’appliquait pas au cas du requérant. Il considéra toutefois que les motifs invoqués dans l’arrêté du 15 juin 2006 pour justifier le placement du requérant n’étaient pas établis, étant donné que le requérant avait un passeport algérien en cours de validité et que son épouse avait déclaré disposer de ressources suffisantes pour assurer sa prise en charge. Il estima donc qu’il n’y avait pas de motifs empêchant l’exécution de la mesure de reconduite à la frontière et que la détention de l’intéressé sur cette base était donc injustifiée. Le tribunal considéra également que le défaut d’exécution de l’arrêté de reconduite pendant plus d’un an rendait la détention irrégulière au regard de l’article 5 § 1 f) de la Convention. En conséquence, il annula le refus du directeur de la police du 22 juin 2007 et renvoya le dossier à l’administration afin que celle-ci se prononçât de nouveau sur la demande de libération du requérant. En l’absence de recours, ce jugement devint définitif le 5 février 2008.

25. Le 15 janvier 2008, puis le 8 février 2008, le requérant demanda au directeur national de la police sa remise en liberté en exécution du jugement du 8 janvier 2008. Le 21 février, l’avocate du requérant saisit le tribunal administratif de Sofia en référé en vertu de l’article 250 du code de procédure administrative et réclama que celui-ci fasse injonction à l’administration de remettre le requérant en liberté. Par une ordonnance du 22 février 2008, le tribunal administratif rejeta cette demande au motif que les circonstances de l’espèce ne révélaient pas un défaut d’exécution d’une action matérielle justifiant l’imposition d’une injonction à l’administration en vertu de l’article 250 du code ; il nota qu’il s’agissait éventuellement d’un défaut d’exécution d’un jugement, qui pouvait faire l’objet d’autres voies de recours.

26. Par un arrêté du 2 avril 2008, le directeur du service national de la police constata que pour des motifs d’ordre technique l’exécution de l’arrêté de reconduite à la frontière n’était pas possible et ordonna le sursis à l’exécution de la mesure jusqu’à ce que les causes l’empêchant disparaissent. Par cette même décision, il annula la mesure de placement en centre de rétention et imposa au requérant, à titre de contrôle administratif, l’obligation de se présenter tous les jours au commissariat de son domicile.

27. Le requérant fut remis en liberté le 4 avril 2008.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. L’entrée et le séjour des ressortissants étrangers

28. Selon l’article 23 de la loi de 1998 sur les étrangers en République de Bulgarie (закон за чужденците в Република България), les ressortissants étrangers séjournant en Bulgarie plus de 90 jours doivent disposer d’un permis de séjour continu (d’une durée maximale d’un an), de longue durée (d’une durée de cinq ans) ou permanent.

29. Les ressortissants étrangers membres de la famille d’un citoyen bulgare peuvent obtenir un permis de séjour continu si leurs logement, moyens de subsistance et couverture sociale sont assurés (article 24 alinéa 1 (18)). Ils ont droit à un permis de séjour permanent s’ils résident dans le pays depuis cinq ans (article 25 (11) ; ce délai était de deux ans avant les modifications introduites en avril 2007).

30. La délivrance d’un visa ou d’un permis de séjour peut être refusée lorsque, entre autres, l’intéressé s’est vu imposer une sanction administrative en application de cette loi et que l’amende n’a pas été payée ou encore qu’il ne dispose pas de moyens suffisants pour assurer sa subsistance pendant son séjour ou son retour (article 11 (8) et (9)).

31. En vertu de l’article 34 de la loi, les ressortissants étrangers doivent quitter le territoire avant l’expiration de leur permis de séjour. Le fait de demeurer sur le territoire après l’expiration de celui-ci constitue une infraction administrative passible d’une amende de 500 à 5 000 BGN (article 48).

32. En vertu de l’article 41 alinéa 2, l’étranger qui n’a pas quitté le territoire à l’expiration de son autorisation de séjour se voit imposer une mesure de reconduite à la frontière.

33. A la suite d’une réforme de la loi entrée en vigueur le 18 mai 2009, transposant la directive européenne 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, l’article 44 alinéa 2 dispose désormais que lors de l’application d’une mesure coercitive, et notamment d’une reconduite à la frontière, les autorités compétentes doivent tenir compte de la durée du séjour en Bulgarie de l’intéressé, de sa situation familiale et de l’existence de liens familiaux, culturels et sociaux avec le pays d’origine.

34. Les arrêtés de reconduite à la frontière sont susceptibles d’un recours administratif devant l’autorité hiérarchique et d’un recours judiciaire (article 46).

B. La rétention administrative en vertu de la loi sur les étrangers

1. L’état de la législation au moment de la détention du requérant

35. En vertu de l’article 44 alinéa 5 de la loi sur les étrangers, si l’exécution immédiate d’une mesure coercitive n’était pas possible, l’autorité compétente soumettait les personnes concernées, à titre de contrôle administratif, à l’obligation de se présenter tous les jours au commissariat de leur domicile.

36. Selon l’article 44 alinéa 6, dans sa rédaction en vigueur à l’époque pertinente, l’autorité administrative pouvait, si elle l’estimait nécessaire, ordonner le placement des intéressés en centre de rétention, jusqu’à ce que la cause de l’empêchement disparaisse. Le placement en rétention était effectué sur décision écrite et motivée quant à la nécessité de celui-ci (article 44 alinéa 10 (ancien alinéa 8)).

37. Le placement est effectué dans des centres spécialisés de rétention temporaire des étrangers (специални домове за временно настаняване на чужденци) (article 44 alinéa 7). Il apparaît qu’avant la création de tels centres, la pratique était de placer les étrangers sous le coup d’une mesure d’éloignement dans des centres de placement pour adultes (домове за временно настаняване на пълнолетни лица), destinés au placement temporaire de vagabonds ou de mendiants.

38. Concernant les voies de recours contre les mesures de placement, l’article 46 de la loi sur les étrangers disposait que les actes pris pour son application étaient susceptibles, par renvoi au régime général des actes administratifs, d’un recours administratif devant l’autorité hiérarchique et d’un recours judiciaire.

39. Sur la base de ce texte, la Cour administrative suprême examinait les recours introduits contre des mesures de placement en rétention en application de l’article 44, alinéa 6 de la loi (реш. № 2048 от 8.03.2005 по адм. д. № 7396/2004, ВАС ; реш. № 12844 от 17.12.2007 по адм. д. № 4761/2007, ВАС). La Cour administrative suprême a toutefois remis cette jurisprudence en question en 2008, en considérant que dans la mesure où les décisions de placement n’étaient pas expressément visées par l’article 46 et où elles revêtaient un caractère accessoire à la mesure de reconduite ou d’expulsion, elles ne pouvaient faire l’objet d’un contrôle séparé (реш. № 3529 от 26.03.2008 по адм. д. № 9216/2007, ВАС ; реш. № 8117 от 2.07.2008 по адм. д. № 4959/2007, ВАС).

40. Compte tenu de la divergence de jurisprudence existante, la Cour administrative suprême fut saisie d’une demande d’interprétation pour trancher cette question. Toutefois, suite aux changements législatifs intervenus en mai 2009 (voir ci-dessus), le 16 juillet 2009 la Cour estima qu’elle n’avait pas à se prononcer (опр. № 3 от 16.07.2009 по тълк. д. № 5/2008).

41. Par ailleurs, en vertu du décret no I-213 du 17 septembre 2003 (наредба № I-213 за [...] домовете за временно настаняване на пълнолетни лица), les placements en centres pour adultes étaient susceptibles d’un recours judiciaire selon le régime général des actes administratifs (article 23, alinéa 1 (7) du décret).

2. La réforme de la loi sur les étrangers adoptée en mai 2009

42. A la suite des modifications de la loi sur les étrangers adoptées le 15 mai 2009 en transposition de la directive 2008/115/CE, l’article 44, alinéa 6 prévoit désormais que le placement en rétention n’est possible que dans les cas suivants : lorsque l’identité de la personne concernée n’est pas établie, ou que celle-ci entrave l’exécution de la mesure ou risque de s’y soustraire. Selon le nouvel alinéa 8 de l’article 44, la rétention est maintenue tant que ces conditions sont réunies. La durée maximum de la rétention est fixée à six mois. Elle peut être prolongée dans certaines circonstances pour une durée allant jusqu’à douze mois.

43. Le nouvel article 46a instaure un contrôle judiciaire des arrêtés de placement en centre de rétention. Ces décisions sont susceptibles d’un recours devant le tribunal administratif dans un délai de trois jours suivant le placement. Le recours n’a pas d’effet suspensif. Le tribunal examine le recours en audience publique et doit rendre une décision dans un délai d’un mois suivant le dépôt du recours. En outre, un contrôle automatique de la nécessité de la détention est effectué tous les six mois par le tribunal administratif, qui décide de prolonger la mesure ou d’y mettre fin. Lorsque le tribunal annule un arrêté de placement ou décide de mettre fin à la mesure, la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

C. La loi sur l’entrée, le séjour et le départ des ressortissants de l’Union européenne (UE) et des membres de leurs familles (закон за влизането, пребиваването и напускането на Република България на гражданите на Европейския съюз и членовете на техните семейства)

44. Ce texte, entré en vigueur au moment de l’adhésion de la Bulgarie à l’UE le 1er janvier 2007, prévoit que les ressortissants européens et les membres de leur famille qui ne sont pas citoyens de l’UE ont le droit d’obtenir un permis de séjour en Bulgarie (article 10). Ce droit peut être limité uniquement pour des motifs liés à la sécurité nationale, au respect de l’ordre public ou à la santé publique. Par ailleurs, pour apprécier l’opportunité d’une mesure de retrait de permis de séjour, d’expulsion ou d’interdiction d’entrée sur le territoire à l’encontre d’une telle personne, l’autorité compétente doit tenir compte de la durée du séjour de l’intéressé en Bulgarie, de son âge, de son état de santé, de sa situation financière et familiale, ainsi que de son intégration sociale et culturelle et de ses liens avec son pays d’origine (article 22).

D. La responsabilité délictuelle des personnes publiques

45. L’article 1 de la loi de 1988 sur la responsabilité de l’Etat et des communes pour dommage (Закон за отговорността на държавата и общините за вреди) dispose que l’Etat et les communes sont responsables du préjudice matériel et moral causé par les actes, actions ou inactions illégaux de leurs organes ou agents à l’occasion de l’accomplissement de leurs fonctions en matière administrative. La responsabilité de l’autorité publique à raison d’un acte administratif illégal pouvait être engagée après que celui-ci ait préalablement été annulé selon les procédures applicables. Depuis l’entrée en vigueur des dispositions pertinentes du code de procédure administrative le 1er mars 2007, il est également possible d’introduire un recours en annulation et une action en responsabilité simultanément (article 204, alinéa 2 du code). Le caractère illégal de l’action ou inaction en cause doit quant à lui être constaté dans le cadre de l’action en responsabilité (article 204, alinéa 4 du code).

46. Aux termes de l’article 110 de la loi sur les obligations et les contrats (Закон за задълженията и договорите) l’action en responsabilité délictuelle se prescrit dans un délai de cinq ans.

E. Le code de procédure administrative

47. L’article 250 du code de procédure administrative prévoit la possibilité de saisir le juge administratif en référé pour faire cesser une voie de fait, c’est-à-dire une action matérielle d’un organe ou d’un agent de l’administration qui ne trouverait pas de fondement dans un acte administratif ou dans la loi. L’article 256 prévoit une telle possibilité en cas de défaut d’exécution par l’administration d’une action matérielle qu’elle est tenue d’exécuter en vertu de la loi. Le tribunal peut alors enjoindre à l’administration d’exécuter l’action en question dans un délai déterminé. D’autres dispositions du code régissent les procédures d’exécution des jugements rendus en matière administrative, avec notamment la possibilité de demander l’imposition d’une astreinte aux fonctionnaires responsables et d’introduire un recours judiciaire contre les actions ou l’inaction de l’autorité chargée de l’exécution (articles 290 et 294).

EN DROIT

I. SUR L’OBJET DU LITIGE

48. La Cour note qu’après la communication de la requête, dans leurs observations en réponse à celles du Gouvernement, les requérants ont soulevé un grief tiré de l’article 14 de la Convention combiné avec les articles 8 et 5 § 1. Ils soutiennent qu’à la suite de la transposition en droit interne de la directive 2008/115/CE, en tant que ressortissant d’un pays tiers marié à une citoyenne bulgare, le requérant se trouve dans une situation moins favorable que les membres de la famille d’un citoyen d’un autre pays de l’Union européenne résidant en Bulgarie, ce qui serait constitutif d’une discrimination au regard de l’article 14 de la Convention.

49. La Cour observe qu’un tel grief n’avait pas été soulevé dans le formulaire de requête et dans les correspondances initiales du requérant. Ce dernier avait en effet mentionné l’article 14 de la Convention dans une de ses lettres, sans toutefois apporter aucun élément précisant ou étayant un grief au regard de cette disposition. Dans ces circonstances, la Cour constate que le grief relatif à la discrimination alléguée par rapport aux membres de la famille de ressortissants de l’UE a été soulevé pour la première fois après la communication de la requête au gouvernement défendeur, lequel n’a pas été invité à soumettre ses commentaires sur ce point. La Cour considère dès lors que ce grief, pour autant qu’il soulève des questions distinctes de celles communiquées sous l’angle des articles 5 et 8 de la Convention, n’entre pas dans l’objet du présent litige, et qu’il ne convient pas de l’examiner (voir Maznyak c. Ukraine, no 27640/02, § 22, 31 janvier 2008 ; Tsonyo Tsonev c. Bulgarie, no 33726/03, § 24, 1 octobre 2009 ; Shesti Mai Engineering OOD et autres c. Bulgarie, no 17854/04, §§ 93-94, 20 septembre 2011).

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

50. Les requérants allèguent que la décision de reconduite à la frontière prise à l’encontre du premier d’entre eux porte atteinte à leur droit au respect de la vie privée et familiale, en méconnaissance de l’article 8 de la Convention, lequel est libellé comme suit :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...).

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Sur la recevabilité

1. Arguments des parties

51. Les requérants soutiennent que l’exécution de la mesure de reconduite à la frontière prise à l’encontre du requérant aurait pour effet de séparer leur famille. Ils font valoir que cela porterait une atteinte disproportionnée à leurs droits, le seul tort du requérant ayant été de ne pas verser à temps l’amende à laquelle il avait été condamné.

52. Le Gouvernement n’a pas présenté d’observations sur le grief tiré de l’article 8. Il produit une note du ministère de l’Intérieur qui précise que compte tenu de la mesure de reconduite à la frontière pendante à l’encontre du requérant et du fait que celui-ci n’a pas entrepris les démarches nécessaires en vue de sa régularisation dans les délais, il n’existe pas à l’heure actuelle de motif pour lui délivrer un nouveau permis de séjour en Bulgarie.

2. Appréciation de la Cour

53. La Cour rappelle que, d’après un principe de droit international bien établi, les Etats ont le droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, de contrôler l’entrée des non-nationaux sur leur sol (voir, parmi beaucoup d’autres, Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume‑Uni, 28 mai 1985, série A no 94, § 67 ; Boujlifa c. France, 21 octobre 1997, § 42, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VI ; Üner c. Pays-Bas [GC], no 46410/99, § 54, CEDH 2006‑XII). De surcroît, en matière d’immigration, l’article 8 de la Convention n’emporte pas une obligation générale pour un Etat de respecter le choix d’un couple marié quant à son pays de résidence ou d’autoriser le regroupement familial sur son territoire. Cela dit, dans une affaire qui concerne la vie familiale aussi bien que l’immigration, l’étendue de l’obligation pour l’Etat d’admettre sur son territoire des proches de personnes qui y résident varie en fonction de la situation particulière des personnes concernées et de l’intérêt général (Gül c. Suisse, 19 février 1996, § 38, Recueil 1996-I ; Rodrigues da Silva et Hoogkamer c. Pays-Bas, no 50435/99, § 39, CEDH 2006‑I).

54. Se tournant vers les circonstances de la présente espèce, la Cour relève que le requérant réside en Bulgarie depuis 1994 et que le 10 avril 2002 il a épousé la requérante. Depuis cette date, à l’exception de la période pendant laquelle le requérant a été détenu, le couple a cohabité. Dans ces circonstances, la Cour considère que les requérants peuvent se prévaloir de l’existence d’une « vie familiale », au sens de l’article 8, et que la mesure de reconduite à la frontière prise à l’encontre du requérant constitue une ingérence dans leur droit au respect de la vie familiale. Pareille ingérence viole l’article 8 sauf si elle est « prévue par la loi », poursuit un ou plusieurs des buts légitimes visés par le paragraphe 2, et est « nécessaire dans une société démocratique », c’est-à-dire proportionnée aux objectifs poursuivis.

55. La Cour constate que l’arrêté litigieux avait une base légale en droit interne, à savoir l’article 41 de la loi sur les étrangers. La mesure de reconduite à la frontière ayant été prise dans le cadre du contrôle de l’entrée et du séjour des étrangers sur le territoire national, la Cour admet qu’elle poursuivait des objectifs légitimes au regard du second paragraphe de l’article 8, notamment la sûreté publique et la défense de l’ordre. Ces questions n’ont d’ailleurs pas prêté à controverse entre les parties.

56. En ce qui concerne la proportionnalité de la mesure, la Cour rappelle que selon sa jurisprudence, les facteurs à prendre en considération dans pareil contexte sont la mesure dans laquelle il y a effectivement entrave à la vie familiale, l’étendue des liens que les personnes concernées ont avec l’Etat contractant en cause, la question de savoir s’il existe ou non des obstacles insurmontables à ce que la famille vive dans le pays d’origine d’une ou plusieurs des personnes concernées et celle de savoir s’il existe des éléments touchant au contrôle de l’immigration (par exemple, des précédents d’infractions aux lois sur l’immigration) ou des considérations d’ordre public pesant en faveur d’une exclusion. Un autre point important est celui de savoir si la vie familiale en cause s’est développée à une époque où les personnes concernées savaient que la situation au regard des règles d’immigration de l’une d’elles était telle qu’il était clair immédiatement que le maintien de cette vie familiale au sein de l’Etat hôte revêtirait d’emblée un caractère précaire (Rodrigues da Silva et Hoogkamer, précité, § 39 ; Darren Omoregie et autres c. Norvège, no 265/07, § 57, 31 juillet 2008 ; Nunez c. Norvège, no 55597/09, § 70, 28 juin 2011).

57. Dans la présente espèce, le requérant s’est vu imposer la mesure en cause au motif que son séjour était irrégulier, l’intéressé étant demeuré sur le territoire de l’Etat après l’expiration de son autorisation de séjour. La Cour rappelle que la possibilité pour les Etats de procéder à l’éloignement d’étrangers en situation irrégulière constitue un important moyen de dissuasion contre les violations de la législation en matière d’immigration et que la mise en œuvre d’une telle législation par le biais de mesures administratives de reconduite à la frontière ne pose pas, en soi, de problème au regard de l’article 8 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Nunez, précité, § 71). La Cour considère dès lors que l’infraction à la législation sur le séjour des étrangers est un élément important à prendre en considération dans l’appréciation de la proportionnalité de la mesure en cause. En outre, force est de constater qu’en l’espèce le requérant s’est trouvé dans cette situation en raison de son défaut de diligence, puisqu’il disposait d’un permis de séjour valable jusqu’en janvier 2005 et qu’il n’a pas entrepris les démarches nécessaires pour en demander la prolongation en temps voulu. La Cour note à cet égard que si le requérant affirme qu’il aurait demandé, en janvier 2005, la prolongation de son permis de séjour et que celle-ci aurait été refusée au motif qu’il n’avait pas payé l’amende imposée un an auparavant, ces allégations ne sont pas étayées et sont même contredites par les constatations faites par les juridictions internes (paragraphe 12 ci-dessus, in fine).

58. Concernant ensuite la question de savoir dans quelle mesure la vie familiale des intéressés se trouverait entravée par l’exécution de l’arrêté litigieux, la Cour observe que la mesure de reconduite à la frontière prise à l’encontre du requérant n’est pas assortie d’une interdiction du territoire. Dès lors, si cette mesure est exécutée, rien ne semble empêcher le requérant de demander un nouveau visa d’entrée, puis un permis de séjour sur la base de son mariage avec une ressortissante bulgare (voir le droit interne applicable, paragraphes 29-30 ci-dessus) et de s’installer en Bulgarie de manière légale. La Cour observe à cet égard que le requérant avait obtenu en janvier 2004 un permis de séjour d’un an sur la base de son mariage avec la requérante, dont il n’a toutefois pas demandé le renouvellement en temps utile (voir le paragraphe précédent). A aucun moment il ne s’est vu refuser la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de son mariage ni retirer un titre existant. Dans ces circonstances, la Cour n’est pas convaincue que l’exécution de la mesure prise à l’encontre du requérant aurait pour conséquence de rendre impossible l’exercice de la vie familiale sur le territoire de la Bulgarie ou de provoquer une séparation prolongée du couple. Elle relève en outre que ne sont pas en jeu en l’espèce des enfants mineurs dont l’intérêt primordial se trouverait affecté par la mesure litigieuse (voir, par contraste, Nunez, précité, §§ 78-85 ; Rodrigues da Silva et Hoogkamer, précité, §§ 41-44).

59. Au vu de ces observations, et sans avoir besoin de se pencher plus avant sur la question de savoir s’il existe des obstacles insurmontables à l’exercice de la vie familiale des requérants ailleurs qu’en Bulgarie, la Cour estime que l’exécution de la mesure de reconduite à la frontière prise à l’encontre du requérant ne porterait pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale des intéressés.

60. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 f) DE LA CONVENTION

61. Invoquant l’article 5 § 1 f) et l’article 8, le requérant soutient que sa détention était irrégulière et d’une durée excessive. La Cour rappelle qu’une mesure de détention entraîne par définition des restrictions à la vie privée et familiale de la personne concernée qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément sous l’angle de l’article 8 si elles ne dépassent pas les conséquences normales et inévitables inhérentes à toute détention. Elle examinera donc le grief du requérant uniquement sous l’angle de l’article 5 dont les passages pertinents disposent :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (...)

f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. »

Sur la recevabilité

1. Arguments des parties

62. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes, faute pour le requérant d’avoir introduit une demande en dédommagement en application de la loi sur la responsabilité de l’Etat. Il expose que l’article 1 de cette loi prévoit la possibilité d’engager une action en réparation du préjudice causé par des actes ou des actions illicites des autorités publiques. En l’espèce, le requérant aurait obtenu, par le jugement du 8 janvier 2008, l’annulation du refus du directeur du service national de la police de le remettre en liberté et la reconnaissance que sa détention prolongée était irrégulière au regard du droit interne et de l’article 5 § 1 f) de la Convention. Le Gouvernement en conclut que la loi sur la responsabilité de l’Etat pouvait trouver application en l’espèce et que le requérant avait de réelles chances d’obtenir une réparation s’il avait utilisé cette voie de recours. Il se réfère à la jurisprudence de la Cour qui a reconnu le caractère effectif d’une telle action pour apporter un redressement à un grief tiré de l’article 3 en ce qui concerne les mauvaises conditions de détention (Dobrev c. Bulgarie, no 55389/00, § 110, 10 août 2006).

63. Le requérant réplique qu’une action en application de la loi sur la responsabilité de l’Etat ne constitue pas un recours efficace dans un cas comme celui de l’espèce dans la mesure où l’ordre de placement en rétention du 15 juin 2006 n’a pas été annulé et où sa détention avait tout lieu d’être considérée comme légale au regard du droit interne. Il en veut pour preuve la réponse donnée par le tribunal administratif lorsqu’il demanda l’imposition d’une injonction à l’administration de le remettre en liberté suite au jugement du 8 janvier 2008, cette juridiction ayant considéré ne pas être en présence d’une action illégale de l’administration (voir paragraphe 25 ci-dessus).

2. Appréciation de la Cour

64. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention a pour finalité de donner aux Etats contractants l’occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant qu’elles ne soient soumises à la Cour. Lorsque les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention, doubler la procédure interne d’une instance devant la Commission et la Cour paraît peu compatible avec le caractère subsidiaire du mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention. Celle-ci confie d’abord à chacun des Etats contractants le soin d’assurer la jouissance des droits et libertés qu’elle consacre (voir, parmi d’autres, Akdivar et autres c. Turquie [GC], 16 septembre 1996, § 65, Recueil 1996‑IV et Gavril Yossifov c. Bulgarie, no 74012/01, § 38, 6 novembre 2008).

65. La règle de l’épuisement des voies de recours impose aux requérants de se prévaloir des recours normalement disponibles et suffisants pour leur permettre d’obtenir réparation des violations qu’ils allèguent. Ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues, et présenter des perspectives raisonnables de succès (Akdivar et autres, précité, §§ 66-68 ; Gavril Yossifov, précité, § 39).

66. En matière de privation de liberté, la Cour a considéré que lorsqu’un requérant soutient qu’il a été détenu en méconnaissance du droit interne et lorsque la détention litigieuse a pris fin, une action en réparation, capable d’aboutir à une reconnaissance de la violation alléguée et à l’attribution d’une indemnisation, est en principe un recours effectif qui doit être épuisé si son efficacité en pratique a été dûment établie (Gavril Yossifov, précité, § 42 ; Dolenec c. Croatie, no 25282/06, § 184, 26 novembre 2009 ; Kolevi c. Bulgarie (déc.), no 1108/02, 4 décembre 2007).

67. Concernant la présente espèce, la Cour relève qu’il ressort du jugement du tribunal administratif de Sofia du 8 janvier 2008 que la condition posée par la loi au placement en détention d’un étranger sous le coup d’une mesure d’éloignement, à savoir l’existence d’obstacles à l’exécution de la mesure en question, n’était pas remplie et que la détention de l’intéressé était donc injustifiée. Le tribunal a notamment constaté que les motifs avancés par l’administration dans la décision de placement en détention du 15 juin 2006 – à savoir que le requérant n’avait pas de document de voyage valide, ne disposait pas de ressources suffisantes pour assurer sa subsistance ou de moyens pour financer son retour – s’étaient révélés inexacts. Il a également considéré qu’en l’absence de diligence de la part des autorités pour exécuter la mesure de reconduite, la détention prolongée du requérant méconnaissait l’article 5 § 1 f) de la Convention.

68. De l’avis de la Cour, les constatations de ce jugement constituent une reconnaissance expresse que la détention du requérant a été effectuée en méconnaissance à la fois du droit interne et de l’article 5 § 1 f) de la Convention. La Cour relève à cet égard que le grief soulevé dans le cadre de la présente requête réside principalement dans la durée injustifiée de la détention du requérant compte tenu de l’absence de diligence des autorités pour procéder à l’exécution de la mesure de reconduite à la frontière.

69. Reste à savoir si, comme le soutient le Gouvernement, l’intéressé pouvait obtenir une indemnisation en vertu de la loi sur la responsabilité de l’Etat. La Cour relève à cet égard que l’article 1 de cette loi prévoit de manière générale la responsabilité de l’administration pour ses actes ou actions illégales. Lorsque le préjudice allégué découle d’un acte administratif, cette disposition exige que l’acte en question ait été annulé dans une procédure préalable ou que son annulation soit demandée simultanément à la demande de réparation. La Cour relève que le requérant a obtenu en l’espèce, avec le jugement du 8 janvier 2008, le constat que sa détention était irrégulière et l’annulation du refus du directeur du service de l’immigration en date du 22 juin 2007 de le remettre en liberté. Dans ces circonstances, la Cour estime que le requérant pouvait raisonnablement faire valoir, dans le cadre d’une action en responsabilité, que sa détention après cette date était basée sur un acte dont le caractère irrégulier avait été reconnu par une juridiction interne et qui avait été annulé, et demander réparation du préjudice subi du fait de sa détention. L’action en réparation apparaît donc comme un recours effectif dans les circonstances de l’espèce, présentant des perspectives raisonnables de succès.

70. Concernant les doutes du requérant quant à l’efficacité d’un tel recours, la Cour rappelle qu’en cas de doute sur les chances de succès d’un recours interne, ce recours doit être tenté (Knebl c. République tchèque, no 20157/05, § 105, 28 octobre 2010). Elle note par ailleurs que compte tenu du délai de prescription de l’action en responsabilité, qui est de cinq ans, cette voie de recours semble toujours ouverte au requérant, dont la détention a pris fin en avril 2008. Rien n’empêchera le requérant de saisir de nouveau la Cour, s’il y a lieu, après avoir fait usage de cette possibilité et la Cour pourra, le cas échéant, revenir sur sa position.

71. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de faire droit à l’exception soulevée par la Gouvernement et de rejeter le grief du requérant tiré de l’article 5 § 1 f) pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION

72. Le requérant dénonce l’absence d’un recours effectif pour contester la légalité de sa détention au regard de l’article 5 § 4, qui se lit comme suit :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

73. Le Gouvernement expose qu’il existait une pratique divergente des tribunaux sur le point de savoir si les arrêtés de placement en centre de rétention étaient soumis au contrôle judiciaire. Cette question se trouve désormais réglée par les modifications de la loi intervenues en mai 2009, l’article 46a de la loi sur les étrangers prévoyant désormais le droit à un recours contre la décision de placement en détention ainsi qu’un examen périodique de la justification de son maintien.

A. Sur la recevabilité

74. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il doit donc être déclaré recevable.

B. Sur le fond

75. La Cour rappelle que l’article 5 § 4 reconnaît à toute personne privée de sa liberté le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin de faire contrôler le respect des exigences de procédure et de fond nécessaires à la légalité, au sens de la Convention, de sa privation de liberté. Le concept de « légalité » doit avoir le même sens au paragraphe 4 de l’article 5 qu’au paragraphe 1, de sorte qu’une personne détenue a le droit de faire contrôler la régularité de sa détention sous l’angle non seulement du droit interne, mais aussi de la Convention, des principes généraux qu’elle consacre et du but des restrictions qu’autorise l’article 5 § 1 (voir, parmi d’autres, A. et autres c. Royaume-Uni [GC], no 3455/05, § 202, CEDH 2009). La juridiction chargée de ce contrôle doit statuer sur la légalité de la détention « à bref délai » et avoir compétence pour ordonner la libération en cas de détention illégale (Raza c. Bulgarie, no 31465/08, § 76, 11 février 2010).

76. Concernant la présente espèce, le Gouvernement a expliqué que la législation interne pertinente a été modifiée en mai 2009 et prévoit désormais un recours spécifique en cas de détention ordonnée en vue d’une expulsion ou d’une reconduite à la frontière ainsi qu’un contrôle périodique de la justification de la détention. La Cour observe toutefois que ces changements sont intervenus après la remise en liberté du requérant et n’ont pas affecté sa situation.

77. Au moment du placement en rétention du requérant, le droit interne ne prévoyait aucun recours spécifique pour contester la légalité de telles mesures ni de procédure générale de type habeas corpus. Les actes notifiés au requérant ne contenaient au demeurant aucune mention concernant les voies de recours qui lui étaient ouvertes. Il apparaît toutefois que les juridictions examinaient en général des recours introduits contre une mesure de placement en rétention jusqu’à ce que, dans le courant de l’année 2008, la Cour administrative suprême ne modifie sa jurisprudence à cet égard pour considérer que ces décisions ne constituaient pas des actes administratifs autonomes susceptibles de recours et que par ailleurs le placement dans un centre pour adultes était également susceptible d’un recours (paragraphes 38-41 ci-dessus). La Cour observe que dans la présente affaire le requérant a introduit deux recours judiciaires contre la mesure de placement prise le 15 juin 2006 mais que ceux-ci ont été considérés comme tardifs par le tribunal compétent (paragraphes 17 et 21 ci-dessus). L’intéressé n’a pas développé dans le cadre de la présente procédure d’arguments concernant le rejet de ces recours. Dans ces circonstances la Cour estime qu’elle n’a pas à se prononcer sur la question de savoir si le requérant avait la possibilité d’introduire un recours pour contester les décisions initiales ordonnant son placement en rétention.

78. Elle rappelle cependant que la garantie procédurale consacrée par l’article 5 § 4 vise notamment la poursuite d’une détention qui, quoique initialement ordonnée de manière régulière, a pu par la suite devenir irrégulière et perdre toute justification. En particulier, les exigences relatives à la rapidité et à un contrôle juridictionnel périodique, à des intervalles raisonnables, ont pour raison d’être qu’un détenu ne doit pas courir le risque de rester en détention longtemps après le moment où sa privation de liberté a perdu toute justification (voir Kostov c. Bulgarie, no 45980/99, § 32, 3 novembre 2005 ; Bezicheri c. Italie, 25 octobre 1989, § 20, série A no 164). Dans le cas, comme en l’espèce, d’une détention ordonnée dans l’attente de l’exécution d’une mesure d’éloignement, il est clair que les conditions à la régularité de la détention au regard de l’article 5 § 1 f), à savoir l’existence d’une procédure d’éloignement et l’action diligente des autorités en vue de l’exécution de la mesure, peuvent évoluer avec l’écoulement du temps.

79. En l’espèce, le requérant a tenté de contester la justification de son maintien en détention et a obtenu qu’un tribunal examine la légalité de celle-ci. La Cour examinera donc si le recours auquel il a eu accès satisfait les exigences de l’article 5 § 4. Elle relève qu’une fois l’acte de placement en détention devenu définitif, le requérant n’avait pas directement accès à un tribunal mais a eu l’opportunité de demander sa remise en liberté à l’autorité administrative et de saisir ensuite un tribunal pour contester le refus de cette autorité. La Cour rappelle à cet égard que si l’article 5 § 4 ne s’oppose pas à ce que l’accès à un tribunal pour contester la légalité de la détention soit soumis à l’épuisement d’un recours devant une autorité administrative, la période d’examen par cette autorité doit être prise en compte dans l’appréciation si l’exigence d’examen à « bref délai », voulue par cette disposition, a été respectée (Sanchez-Reisse c. Suisse, 21 octobre 1986, §§ 45 et 54, série A no 107).

80. Elle note que les premières demandes du requérant en vue de la modification de la mesure de placement ont été adressées au service national de l’immigration, qui ne les a pas examinées au motif que l’autorité compétente était le service régional des affaires intérieures. La demande adressée au directeur régional le 6 février 2007 n’ayant pas reçu de réponse, le requérant a introduit un recours judiciaire et il n’a obtenu une décision sur la légalité de sa détention que le 8 janvier 2008, soit onze mois plus tard (paragraphe 24 ci-dessus). Un tel délai apparaît comme inacceptable au regard de l’exigence de célérité du contrôle judiciaire voulue par l’article 5 § 4, et ce d’autant plus que la détention du requérant n’avait pas fait l’objet d’un examen par un tribunal jusqu’à ce jour.

81. La Cour observe par ailleurs que le jugement du 8 janvier 2008 n’a pas ordonné la libération immédiate du requérant mais a annulé le refus de l’administration et lui a retourné le dossier afin que celle-ci prenne une nouvelle décision sur la mesure de placement. Une telle décision n’a été prise que près de quatre mois plus tard, le 2 avril 2008, et le requérant a été effectivement remis en liberté le 4 avril 2008. Dans ces circonstances, la Cour n’est pas convaincue que le tribunal auquel le requérant a eu accès avait compétence pour ordonner sa libération après avoir constaté l’illégalité de la détention, comme l’exige l’article 5 § 4.

82. Au vu de ces observations, la Cour conclut que le recours judiciaire auquel le requérant a eu accès pour contester la légalité de sa détention ne répondait pas aux exigences de l’article 5 § 4. Le Gouvernement n’a par ailleurs indiqué aucune autre voie de recours qui aurait été ouverte à l’intéressé.

83. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

84. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

85. Le requérant réclame 190 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de sa détention en violation de l’article 5 § 1, ainsi que 80 000 EUR pour la violation de l’article 5 § 4. Les deux requérants demandent en outre 40 000 EUR chacun pour la violation de l’article 8 résultant de leur séparation prolongée durant la détention du requérant, de la mesure de reconduite à la frontière pendante à l’encontre de celui-ci et de l’absence de permis de séjour.

86. Les requérants demandent par ailleurs le remboursement de l’amende qu’ils ont dû payer à hauteur de 500 EUR et produisent le reçu correspondant. Ils réclament en outre la couverture des frais de déplacement engagés par la requérante pour rendre visite au requérant durant sa détention, évalués à 600 EUR.

87. Le Gouvernement juge les prétentions des requérants excessives et injustifiées. Il estime qu’un constat de violation suffirait à réparer le cas échéant les violations alléguées.

88. En ce qui concerne les remboursements demandés au titre du préjudice matériel, la Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre l’amende infligée au requérant et les raisons pour lesquelles elle a ci-dessus constaté une violation de la Convention. Quant aux frais de déplacement sollicités, elle relève que ceux-ci ne sont établis par aucune pièce justificative. La Cour rejette dès lors les prétentions des requérants à ce titre.

89. La Cour considère en revanche que le requérant a subi un préjudice moral du fait de la violation constatée de l’article 5 § 4 et qu’il y a lieu de lui octroyer 3 000 EUR à ce titre.

B. Frais et dépens

90. Les requérants demandent également 770 EUR au titre des frais d’avocat engagés au niveau interne et produisent plusieurs contrats avec différents avocats convenant le versement d’honoraires d’un montant total de 770 EUR. Ils demandent également 2 050 EUR au titre des frais engagés devant la Cour. Ils produisent une convention d’honoraires et un décompte du travail effectué par leur avocate pour un total de 1 980 EUR, représentant 33 heures au tarif horaire de 60 EUR, ainsi qu’une facture de frais de courrier pour un montant d’approximativement 12 EUR (23,80 BGN).

91. Le Gouvernement juge les demandes des requérants au titre des frais d’avocats dans les procédures internes excessives. Il considère également que les prétentions pour les honoraires d’avocat dans la procédure devant la Cour sont démesurées par rapport aux tarifs pratiqués en Bulgarie.

92. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime justifiée la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale d’un montant de 770 EUR et accorde cette somme au requérant. Concernant la procédure devant la Cour, elle estime raisonnable un montant forfaitaire de 1 500 EUR et l’accorde également au requérant. Le montant total à verser au titre des frais et dépens s’élève donc à 2 270 EUR.

C. Intérêts moratoires

93. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 5 § 4 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;

3. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en levs bulgares au taux applicable à la date du règlement) :

i) 3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii) 2 270 EUR (deux mille deux cents soixante-dix euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 mai 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Fatoş AracıLech Garlicki
Greffière adjointePrésident


Synthèse
Formation : Cour (quatriÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-110816
Date de la décision : 10/05/2012
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Partiellement irrecevable;Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûrete (Article 5-4 - Garanties procédurales de contrôle;Contrôle de la légalité de la détention;Contrôle à bref delai);Dommage matériel - demande rejetée;Préjudice moral - réparation

Parties
Demandeurs : RAHMANI ET DINEVA
Défendeurs : BULGARIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : RADOSLAVOVA D.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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