La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2012 | CEDH | N°001-109911

CEDH | CEDH, AFFAIRE SOCIEDADE AGRICOLA VALE DE OURO S.A. c. PORTUGAL, 2012, 001-109911


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE SOCIEDADE AGRICOLA VALE DE OURO S.A.
c. PORTUGAL

(Requête no 44051/07)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

27 mars 2012

DÉFINITIF

27/06/2012

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Sociedade Agrícola Vale de Ouro S.A. c. Portugal,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant une chambre composée de :

Françoise Tulkens, président

e,
Danutė Jočienė,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Işıl Karakaş,
Guido Raimondi,
Paulo Pinto de Albuquerque, juges,
et de Françoise Elens-...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE SOCIEDADE AGRICOLA VALE DE OURO S.A.
c. PORTUGAL

(Requête no 44051/07)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

27 mars 2012

DÉFINITIF

27/06/2012

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Sociedade Agrícola Vale de Ouro S.A. c. Portugal,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant une chambre composée de :

Françoise Tulkens, présidente,
Danutė Jočienė,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Işıl Karakaş,
Guido Raimondi,
Paulo Pinto de Albuquerque, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 mars 2012,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 44051/07) dirigée contre la République portugaise et dont une société de cet Etat, Sociedade Agrícola Vale de Ouro S.A. (« la requérante »), a saisi la Cour le 2 octobre 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Par un arrêt du 11 janvier 2011 (« l’arrêt au principal »), la Cour a déclaré la requête recevable et a jugé qu’il y avait eu violation de l’article 1 du Protocole nº 1 à la Convention en raison du retard dans le paiement de l’indemnisation définitive consécutive à l’expropriation des terrains de la requérante, dans le cadre de la réforme agraire au Portugal (Sociedade Agrícola Vale de Ouro S.A. c. Portugal, no 44051/07, § 14 et § 17, 11 janvier 2011).

3. En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, la requérante réclamait une satisfaction équitable de 119 355 euros (EUR) pour le dommage matériel subi.

4. La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et la requérante à lui soumettre par écrit, dans les six mois, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, point 4 du dispositif).

5. Tant la requérante que le Gouvernement ont déposé des observations.

6. Les 1er février et 1er novembre 2011, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la deuxième section ainsi remaniée (article 52 § 1 du règlement).

EN FAIT

7. La question de la satisfaction équitable ayant été réservée en raison des divergences portant sur les montants qui avaient effectivement été versés à la requérante dans le cadre de la procédure d’indemnisation interne (voir § 21 de l’arrêt au principal), il convient d’apporter les clarifications respectives à cet égard, lesquelles sont étayées par une déclaration de l’Institut du Crédit Public, Instituto de Gestão da Tesouraria e do Crédito Público, datant du 8 novembre 2011.

8. Tel qu’indiqué au § 9 de l’arrêt au principal, par des arrêtés ministériels conjoints du ministre de l’Agriculture et du secrétaire d’Etat au Trésor en date du 2 février 2007 et du 8 mars 2007, respectivement, portés à la connaissance de la requérante le 16 avril 2007, l’indemnisation définitive fut fixée à 30 317 489 escudos portugais (PTE), soit 151 223 euros (EUR).

9. De cette somme devaient néanmoins être déduits 8 421 200 PTE (42 004,77 EUR) qui avaient été octroyés à la requérante au titre de subvention.

10. Le 20 juin 1986, la requérante avait également reçu 20 349 232 PTE (101 501,54 EUR) à titre d’indemnisation provisoire, majorée de 12 082 860 PTE (60 269, 05 EUR) d’intérêts.

11. Le 21 mai 2007, la part restante de l’indemnisation définitive majorée de 1 468 036 PTE (7 322,53 EUR) fut versée à la requérante.

EN DROIT

12. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

13. La requérante réclame la somme de 119 335 EUR au titre du dommage matériel subi.

14. Le Gouvernement conteste cette prétention, la jugeant excessive compte tenu des sommes qui lui ont déjà été versées au niveau interne à titre de subvention, indemnisation provisoire et intérêts.

15. La Cour rappelle sa jurisprudence constante en cette matière selon laquelle il y a en l’espèce un préjudice matériel, correspondant à la différence entre les intérêts reçus par les intéressés aux termes de la législation pertinente et la dépréciation monétaire au Portugal pendant la période concernée, qui a débutée le 9 novembre 1978, date de l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard du Portugal, et s’est terminée le 21 mai 2007, lorsque la totalité des sommes en cause furent versées à la société requérante. En effet, les sommes que cette dernière devait recevoir n’ont pas été mises à sa disposition dans les délais prévus par la législation interne pertinente et le taux d’intérêt moratoire a été trop bas par rapport à la dépréciation de la monnaie pendant la période en cause (voir Almeida Garrett, Mascarenhas Falcão et autres c. Portugal (satisfaction équitable), nos 29813/96 et 30229/96, §§ 22 et 23, 10 avril 2001).

16. La Cour juge raisonnable de dédommager le préjudice matériel de la requérante moyennant l’application d’un taux d’intérêt compensatoire annuel de 6%, pour la période entre le 9 novembre 1978 et la date de paiement de l’indemnisation interne sur le montant au principal de l’indemnisation payée au niveau interne, telle que fixée par l’arrêté ministériel conjoint rendu dans le cadre de la présente affaire. À la somme ainsi obtenue devront être ensuite déduits les montants déjà versés à la requérante à titre de subvention, d’indemnisation provisoire et d’intérêts, tels que calculés aux termes de la législation interne pertinente par les services compétents de l’administration (voir §§ 8-10 ci-dessus).

17. La Cour accorde ainsi à la requérante la somme de 47 670 EUR.

B. Frais et dépens

18. La requérante réclame 2 000 EUR au titre des frais et dépens, complémentairement à ceux déjà octroyés dans le cadre de l’arrêt au principal.

19. Le Gouvernement ne s’est pas prononcé à cet égard.

20. Statuant en équité et, au vu de la pratique de la Cour dans ce type d’affaire, la Cour juge raisonnable d’octroyer la somme de 1 000 EUR au titre des frais et dépens.

C. Intérêts moratoires

21. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Dit,

a) que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois [à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention], les sommes suivantes :

i. 47 670 EUR (quarante-sept mille six cent soixante-dix euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;

ii. 1 000 EUR (mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la requérante, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

2. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 mars 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Françoise Elens-PassosFrançoise Tulkens
Greffière adjointePrésidente


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-109911
Date de la décision : 27/03/2012
Type d'affaire : satisfaction équitable
Type de recours : Dommage matériel - réparation (Article 41 - Dommage matériel)

Parties
Demandeurs : SOCIEDADE AGRICOLA VALE DE OURO S.A.
Défendeurs : PORTUGAL

Composition du Tribunal
Avocat(s) : FERNANDES DE BARROS J.A.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award