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17/02/2005 | CEDH | N°42589/02

CEDH | AFFAIRE OIKONOMIDIS c. GRECE


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE OIKONOMIDIS c. GRÈCE
(Requête no 42589/02)
ARRÊT
STRASBOURG
17 février 2005
DÉFINITIF
17/05/2005
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Oikonomidis c. Grèce,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,    C.L. Rozakis,   Mme F. Tulkens,   M. P. Lorenzen,   Mmes N. Vajić

,    S. Botoucharova,   M. A. Kovler, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré ...

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE OIKONOMIDIS c. GRÈCE
(Requête no 42589/02)
ARRÊT
STRASBOURG
17 février 2005
DÉFINITIF
17/05/2005
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Oikonomidis c. Grèce,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,    C.L. Rozakis,   Mme F. Tulkens,   M. P. Lorenzen,   Mmes N. Vajić,    S. Botoucharova,   M. A. Kovler, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 janvier 2005,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 42589/02) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Christoforos Oikonomidis (« le requérant »), a saisi la Cour le 25 novembre 2002 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant est représenté par Mes I. Ktistakis et D. Giannopoulos, avocats au barreau de Thiva et d’Athènes respectivement. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, MM. M. Apessos, conseiller auprès du Conseil Juridique de l’Etat et I. Bakopoulos, auditeur auprès du Conseil Juridique de l’Etat.
3.  Le 2 décembre 2003, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé qu’elle se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
4.  Le requérant est né en 1932 et réside à Athènes.
5.  Le 19 décembre 1989, le requérant saisit le tribunal administratif d’Athènes d’une demande contre la caisse de prévoyance du personnel des chemins de fer helléniques (Ταμείο Πρόνοιας Προσωπικού Οργανισμού Σιδηροδρόμων Ελλάδας), tendant à obtenir l’augmentation du montant d’une allocation forfaitaire qui lui avait été allouée.
6.  Le 19 juillet 1991, le tribunal ordonna à la caisse de payer au requérant la somme litigieuse, à savoir 1 017 638 drachmes (2 986 euros) (décision no 7841/1991).
7.  Le 10 décembre 1991, la caisse interjeta appel de cette décision. Initialement fixée au 13 avril 1994, l’audience fut reportée au 14 juin 1995.
8.  Le 18 septembre 1995, la cour administrative d’appel d’Athènes confirma la décision attaquée (arrêt no 4100/1995).
9.  Le 15 mai 1996, la caisse se pourvut en cassation. Initialement fixée au 23 novembre 1998, l’audience fut par la suite reportée à neuf reprises et eut lieu le 26 avril 2004. A ce jour, le Conseil d’Etat n’a pas encore rendu son arrêt.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
10.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
11.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse et excipe de la complexité de l’affaire. Il ajoute que la somme revendiquée par le requérant n’est pas très importante et que, dès lors, le litige ne représentait pas un intérêt majeur pour celui-ci.
12.  La période à considérer a débuté le 19 décembre 1989 et n’a pas encore pris fin. Elle a donc duré à ce jour plus de quinze ans, pour trois instances.
A.  Sur la recevabilité
13.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.
B.  Sur le fond
14.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
15.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir l’affaire Frydlender précitée).
16.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
17.  Le requérant se plaint également du fait qu’en Grèce il n’existe aucune juridiction à laquelle l’on puisse s’adresser pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Il invoque l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
A.  Sur la recevabilité
18.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
19.  Le Gouvernement affirme que l’article 6 § 1 de la Convention est une lex specialis par rapport à l’article 13 et qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer aussi sur ce grief.
20.  La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).
21.  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (Konti-Arvaniti c. Grèce, no 53401/99, §§ 29-30, 10 avril 2003). La Cour ne distingue en l’espèce aucune raison de s’écarter de cette jurisprudence, d’autant plus que le Gouvernement n’affirme pas que l’ordre juridique hellénique fût entre-temps doté d’une telle voie de recours.
22.  Dès lors, la Cour estime qu’en l’espèce il y a eu violation de l’article 13 de la Convention à raison de l’absence en droit interne d’un recours qui eût permis au requérant d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
III  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
23.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
24.  Le requérant réclame 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.
25.   Le Gouvernement estime qu’un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante.
26.  La Cour estime que le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle lui accorde 2 000 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
B.  Frais et dépens
27.  Le requérant demande également 6 000 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et la Cour. Il fournit une facture sur laquelle figure ce même montant, mais qui a été établie uniquement au titre des honoraires de son avocat pour la procédure devant la Cour.
28.  Le Gouvernement affirme que les prétentions du requérant sont exagérées et non justifiées.
29.  La Cour rappelle que l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). S’agissant des frais et dépens encourus en Grèce, la Cour a déjà jugé que la longueur d’une procédure pouvait entraîner une augmentation des frais et dépens du requérant devant les juridictions internes et qu’il convient donc d’en tenir compte (voir, entre autres, Capuano c. Italie, arrêt du 25 juin 1987, série A no 119-A, p. 15, § 37). Toutefois, dans le cas d’espèce, la Cour note que le requérant ne produit aucune facture en ce qui concerne les frais engagés devant les juridictions saisies. Il n’y a donc pas lieu d’en ordonner le remboursement. Quant aux frais et dépens relatifs à la présente procédure, la Cour juge raisonnable d’allouer au requérant 500 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
C.  Intérêts moratoires
30.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable ;
2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
4.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 2 000 EUR (deux mille euros) pour dommage moral et 500 EUR (cinq cents euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 février 2005 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren Nielsen Loukis Loucaides   Greffier Président
ARRÊT OIKONOMIDIS c. GRÈCE
ARRÊT OIKONOMIDIS c. GRÈCE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 42589/02
Date de la décision : 17/02/2005
Type d'affaire : Arret (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 13) RECOURS EFFECTIF, (Art. 6) PROCEDURE ADMINISTRATIVE


Parties
Demandeurs : OIKONOMIDIS
Défendeurs : GRECE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2005-02-17;42589.02 ?
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