La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2004 | CEDH | N°77658/01

CEDH | ZISIS contre la GRECE


PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 77658/01  présentée par Konstantinos ZISIS  contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 17 juin 2004 en une chambre composée de
MM. P. Lorenzen, président,    C.L. Rozakis,    G. Bonello,   Mmes F. Tulkens,    N. Vajić,    E. Steiner,   MM. K. Hajiyev, juges,  et de M. S. Quesada, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 12 novembre 2001,
Vu les observations soumises par

le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, r...

PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 77658/01  présentée par Konstantinos ZISIS  contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 17 juin 2004 en une chambre composée de
MM. P. Lorenzen, président,    C.L. Rozakis,    G. Bonello,   Mmes F. Tulkens,    N. Vajić,    E. Steiner,   MM. K. Hajiyev, juges,  et de M. S. Quesada, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 12 novembre 2001,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Konstantinos Zisis, est un ressortissant grec, né en 1964 et résidant à Thessalonique. Il est représenté devant la Cour par Me I. Horomidis, avocat à Thessalonique. Le gouvernement défendeur est représenté par Mme G. Skiani, assesseur auprès du Conseil Juridique de l’Etat et Mme  S. Trekli, auditrice auprès du Conseil Juridique de l’Etat.
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Par une décision du 26 août 1991 de la direction de la poste du Quartier général de l’armée, le requérant fut nommé gestionnaire de chèques au Bureau militaire postal de Thessalonique.
Selon la législation pertinente (loi no 1810/1988), les gestionnaires des services publics avaient le droit de percevoir une allocation pour erreur de gestion, à condition que ceux-ci « gèrent exclusivement et principalement de l’argent ». Cette loi s’appliqua immédiatement à tous les gestionnaires des fonds publics, militaires ou civils, mais pas à la petite équipe des gestionnaires de chèques des Bureaux militaires postaux (15 à 20 personnes dans toute la Grèce).
Le 31 décembre 1993, le requérant saisit le tribunal administratif de Thessalonique. Il sollicitait le versement de 792,37 euros, somme qui correspondait au total des allocations pour erreur de gestion que l’Etat ne lui avait pas versé pendant la période de septembre 1991 à décembre 1993.
L’audience fut fixée au 27 septembre 1996, mais à cette date elle fut ajournée au 18 décembre 1996.
Le 31 mars 1997, le tribunal administratif de Thessalonique accueillit partiellement l’action du requérant. Il décida que l’Etat devait lui verser une somme de 658,55 euros, augmentée d’intérêts à compter du jour du dépôt de l’action. Toutefois, le tribunal administratif rejeta la demande tendant à ce que l’Etat soit condamné aux dépens. Il jugea que les dépens devaient être supportés par les deux parties car il y avait un doute raisonnable quant à l’issue de la procédure, conformément à l’article 82 § 3 du décret 341/1978 (décision no 1215/1997).
Le 14 août 1997, l’Etat interjeta appel contre le jugement du tribunal administratif. L’audience fut fixée par le greffe de la cour d’appel administrative au 8 mars 2001.
Le 19 juin 2001, la cour d’appel rejeta l’appel de l’Etat. Elle rejeta aussi la demande du requérant tendant à faire supporter ses dépens par la partie perdante, c’est-à-dire l’Etat ; elle estima que « compte tenu des circonstances de la cause, ils ne doivent pas être supportés par l’Etat, en application de l’article 275 § 1, al. 5 du code de procédure administrative » (décision no 980/2001).
B.  Le droit interne pertinent
L’article 82 du décret 341/1978 dispose :
« 1. La partie perdante est condamnée aux dépens. Les dépens peuvent être mis à la charge de celui qui a eu gain de cause dans les cas prévus à l’article 185 du code de procédure civile.
2. Si l’action de chaque partie est partiellement accueillie, il y a compensation des dépens ou ceux-ci sont ventilés au prorata de l’étendue de la victoire ou de la défaite (...).
3. Les dépens peuvent être compensés entièrement ou partiellement, au cas où il y avait un doute raisonnable quant à l’issue de la procédure. »
L’article 275 § 1 du code de procédure administrative dispose :
« Les dépens sont à la charge de la partie déboutée. S’il y a plusieurs parties déboutées, la répartition est équitable (...). En cas de victoire ou de défaite partielle, les dépens sont compensés entre les parties (...). Le tribunal peut, dans tous les cas, en fonction des circonstances de la cause, décharger intégralement ou en partie la partie déboutée du paiement des dépens ».
GRIEFS
1.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure
2.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint du fait que les juridictions administratives n’ont pas motivé leurs décisions de faire supporter les dépens par les deux parties alors que l’Etat était la partie perdante.
EN DROIT
1.  Le requérant dénonce la durée de la procédure suivie dans son affaire. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Le Gouvernement soutient à titre principal que l’article 6 ne s’applique pas en l’espèce. En se fondant sur l’arrêt Pellegrin c. France [GC], no 28541/958, 8 décembre 1999, Recueil des arrêts et décisions 1999-VIII, il allègue que le requérant, en sa qualité de sous-officier d’active affecté au Service Postal de l’armée, participait à l’exercice de la puissance publique même s’il accomplissait des tâches purement administratives, à savoir la gestion des chèques postaux de l’Armée. Le Gouvernement avance que la création d’un service postal au sein de l’armée, distinct des services postaux civils, obéit à un besoin spécifique : le traitement et la remise du courrier militaire aux services de l’armée. Partant, la distribution du courrier à caractère confidentiel ou même concernant des questions de sécurité nationale, ne pouvait être confiée qu’à des officiers de l’armée, soumis à des devoirs et des obligations disciplinaires plus stricts que les fonctionnaires civils. Le Gouvernement ajoute que, selon le statut général du service postal de l’armée, les gestionnaires de chèques peuvent aussi exercer les compétences du directeur des services postaux de l’armée. Quant au fond, le Gouvernement affirme que la durée de la procédure litigieuse n’a pas été excessive.
Le requérant répond qu’il était chargé uniquement de la gestion de chèques postaux, ce qui ne relève en aucun cas de l’exercice du pouvoir public. Il allègue que les juridictions internes elles mêmes ont reconnu qu’il exerçait « principalement et exclusivement » des fonctions de gestion. C’est pourquoi elles lui ont reconnu le droit de percevoir l’allocation pour erreur de gestion. En tout état de cause, le requérant avance qu’en ce qui concerne l’acheminement du courrier, le service postal de l’armée est chargé uniquement de sa distribution inter-services et non de la correspondance avec les services civils. En ce qui concerne la correspondance entre les services de l’armée, les arguments du Gouvernement liés aux intérêts de sauvegarde de la sécurité nationale ne sont pas pertinents à partir du moment où cette situation existe uniquement dans des circonstances exceptionnelles, tel qu’en cas de guerre. En dernier lieu, le requérant soulève que la correspondance confidentielle interne relève d’un service distinct, celui des transmissions de l’armée.
La Cour est d’avis que l’exception, soulevée par le Gouvernement défendeur, tirée de l’inapplicabilité de l’article 6 de la Convention pose une sérieuse question de droit qui ne peut être résolue à ce stade de l’examen de la requête et doit être jointe au fond. En outre, quant à la durée de la procédure, la Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.
2.  Invoquant l’article 6 § 1, le requérant se plaint en outre de l’équité de la procédure devant les juridictions internes. Il allègue que celles-ci ont fait supporter les dépens des procès par les deux parties alors que l’Etat était toujours la partie perdante. Il relève, en particulier, que tant le tribunal administratif d’Athènes que la cour administrative d’appel d’Athènes se bornèrent à répéter les dispositions pertinentes sur la compensation des frais et dépens et à conclure qu’elles s’appliquaient en l’espèce, sans offrir aucune motivation supplémentaire. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention.
La Cour rappelle que le devoir des tribunaux de motiver leurs décisions peut varier notamment en fonction de la nature de la décision. La question de savoir si un tribunal a manqué à son obligation de motiver découlant de l’article 6 de la Convention ne peut s’analyser qu’à la lumière des circonstances de l’espèce (Ruiz Torija c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 303- A, p. 12, § 29 ; Sakkopoulos c. Grèce, no 61828/00, §§ 50-51, 15 janvier 2004). Dans la présente affaire, la Cour note que la législation interne pertinente permet aux tribunaux de décharger du paiement des dépens totalement ou partiellement, une partie déboutée, en particulier lorsque il y a doute quant à l’issue de la procédure. En effet, le tribunal administratif de Thessalonique accueillit partiellement l’action du requérant et compensa aussi les dépens en faisant explicitement référence à la disposition législative pertinente. De surcroît, la cour d’appel rejeta l’appel interjeté par l’Etat, ce qui confirma la position du tribunal administratif. Il en résulte que les juridictions compétentes répartirent en l’espèce les dépens en tenant compte de l’issue de la procédure quant au fond. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare recevable, tous moyens de fond réservés, le grief du requérant tiré de la durée de la procédure ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Santiago Quesada Peer Lorenzen   Greffier adjoint Président
DÉCISION ZISIS c. GRÈCE
DÉCISION ZISIS c. GRÈCE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 77658/01
Date de la décision : 17/06/2004
Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE FAMILIALE, (Art. 8-2) INGERENCE, (Art. 8-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 8-2) PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : ZISIS
Défendeurs : la GRECE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2004-06-17;77658.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award