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16/10/2001 | CEDH | N°71555/01

CEDH | EINHORN contre la FRANCE


TROISIÈME SECTION
DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 71555/01  présentée par Ira Samuel EINHORN  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 16 octobre 2001 en une chambre composée de
MM.  L. Loucaides, président,   J.-P. Costa,
P. Kūris,  Mme F. Tulkens,
M. K. Jungwiert,  Sir Nicolas Bratza,  M. K. Traja, juges,Note
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite et enregistrée le 12 juillet 2001,
Vu l

a mesure provisoire indiquée au gouvernement défendeur le 12 juillet 2001 en vertu de l’article 39 du règleme...

TROISIÈME SECTION
DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 71555/01  présentée par Ira Samuel EINHORN  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 16 octobre 2001 en une chambre composée de
MM.  L. Loucaides, président,   J.-P. Costa,
P. Kūris,  Mme F. Tulkens,
M. K. Jungwiert,  Sir Nicolas Bratza,  M. K. Traja, juges,Note
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite et enregistrée le 12 juillet 2001,
Vu la mesure provisoire indiquée au gouvernement défendeur le 12 juillet 2001 en vertu de l’article 39 du règlement de la Cour, puis levée le 19 juillet 2001,
Vu les observations des parties,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1.  Le requérant est un ressortissant américain né en 1940. Il est représenté devant la Cour par Me Waquet, avocat aux Conseils.
A. Les circonstances de l’espèce
2.  Le requérant résidait en Pennsylvanie, Etat des Etats-Unis d’Amérique où la peine de mort fut rétablie par une loi du 13 septembre 1978.
Il y fut arrêté le 28 mars 1979, à la suite de la découverte à son domicile du corps momifié de sa compagne, laquelle avait disparu en 1977. Il fut libéré sous caution le 3 avril 1979 et, le 17 avril 1979, une information fut ouverte contre lui. En 1981, alors que la procédure suivait son cours, le requérant quitta les Etats-Unis.
Une procédure par contumace fut ouverte et, le 29 septembre 1993, le tribunal de première instance de Philadelphie déclara le requérant coupable de meurtre avec circonstances aggravantes et le condamna à une peine de réclusion criminelle à perpétuité. L’avocat du requérant fit vainement un recours en révision contre cette condamnation. L’appel qu’il interjeta ensuite devant la cour supérieure de Pennsylvanie fut déclaré irrecevable au motif que l’intéressé ne s’était pas présenté devant cette juridiction ; le pourvoi formé contre cette décision fut rejeté au même motif par la Cour suprême de Pennsylvanie.
3.  Recherché par le biais d’Interpol, le requérant fut localisé en France où il fut arrêté en juin 1997. Le 12 juin 1997, le Gouvernement des Etats-Unis saisit le Gouvernement français d’une demande d’extradition afin que le requérant purge la peine à laquelle il avait été condamné en son absence. L’intéressé fut placé sous écrou extraditionnel.
4.  Par un arrêt du 4 décembre 1997, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Bordeaux émit un avis défavorable à l’extradition et ordonna la mise en liberté du requérant. Fondé sur l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, l’arrêt retient notamment que le requérant n’avait pas renoncé de façon non équivoque à se défendre lui-même ou à avoir un défenseur de son choix, qu’il avait été jugé et condamné en son absence sans pouvoir obtenir qu’une juridiction statue à nouveau après l’avoir entendu sur le bien-fondé de l’accusation en fait comme en droit, et que la Convention d’extradition franco-américaine ne prévoit pas l’obligation d’extrader lorsque la procédure suivie ne satisfait pas à l’ordre public français ou aux exigences de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Les autorités françaises ne procédèrent pas à l’extradition. 
5.  Par une loi entrée en vigueur le 27 janvier 1998, le Parlement de Pennsylvanie modifia la procédure de manière à permettre, dans certains cas, la purge de la contumace.
Par une « note verbale » du 2 juillet 1998, le gouvernement des Etats-Unis présenta une nouvelle demande d’extradition, stipulant que si le requérant le demandait, il bénéficierait d’un nouveau procès et que la peine de mort ne serait ni requise, ni infligée, ni mise à exécution. Le requérant fut placé sous écrou extraditionnel.
6.  Le 18 février 1999, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Bordeaux rendit un avis favorable à l’extradition, ordonna la levée de l’écrou et le placement du requérant sous contrôle judiciaire. L’avis de la chambre d’accusation est assorti des réserves suivantes : que le requérant bénéficie effectivement d’un nouveau procès équitable s’il en fait la demande à son retour en Pennsylvanie ainsi que des voies de recours reconnues par l’Etat requérant, et que la peine de mort ne soit pas requise et que si elle est prononcée, pas exécutée. Le 27 mai 1999, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé contre cet arrêt.
7.  Par un décret du 24 juillet 2000, le Premier Ministre de la France accorda l’extradition aux conditions que le requérant bénéficie, conformément à la loi du 27 janvier 1998, d’un nouveau procès équitable s’il en fait la demande à son retour en Pennsylvanie et que la peine de mort ne soit ni requise, ni prononcée, ni exécutée. Le décret précise notamment ce qui suit :
« Attendu que, selon les garanties accordées par le premier représentant du ministère public pour le comté de Philadelphie, au nom de l’Etat de Pennsylvanie, Ira Samuel Einhorn pourra être rejugé s’il en fait la demande et bénéficiera des voies de recours reconnues par l’Etat requérant ;
Attendu que la peine de mort ne pourra être ni requise ni prononcée ni exécutée à l’encontre d’Ira Samuel Einhorn ».
8.  Le requérant forma un recours gracieux qui fut rejeté le 4 octobre 2000. Le même jour, il saisit le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation de ces deux décisions.
A l’appui de sa requête, il soutenait notamment que la loi de l’Etat de Pennsylvanie du 27 janvier 1998 est contraire au principe de séparation des pouvoirs consacré par la Constitution de Pennsylvanie, et que cette inconstitutionnalité devrait être relevée d’office par le juge judiciaire ou pourrait être soulevée par les parties civiles ou tout citoyen, ce qui ferait obstacle à ce qu’il bénéficie effectivement d’un nouveau jugement dans des conditions conformes à l’article 6 de la Convention. Il plaidait par ailleurs que son extradition avait été accordée par le gouvernement français en considération d’une loi de circonstance (la loi du 27 janvier 1998), d’application rétroactive, votée dans le seul but d’influer sur le dénouement judiciaire de la procédure d’extradition engagée contre lui, violant ainsi son droit à un procès équitable. Il ajoutait qu’en tout état de cause, compte tenu de la « pression médiatique et juridique » ayant entouré cette affaire aux Etats-Unis, pression à laquelle les jurés n’auront pu échapper, il ne serait pas « rejugé » en Pennsylvanie dans des conditions conformes à l’article 6 de la Convention. Il affirmait également que son extradition serait contraire à l’article 3 de la Convention puisqu’il risquerait en tout état de cause de devoir purger une peine perpétuelle incompressible, sans possibilité effective d’aménagement ou de libération conditionnelle. En outre, il alléguait que, compte tenu du fait que le corps de la victime avait été retrouvé après le rétablissement de la peine de mort en Pennsylvanie, il n’était pas exclu qu’il encoure la peine de mort, d’autant moins qu’il n’aurait pas été démontré que cette peine ne peut pas être prononcée par une juridiction lorsqu’elle n’a pas été requise par le Ministère public ; il y aurait donc des motifs sérieux et avérés de croire qu’il courrait un risque réel de se voir condamner à une telle peine et d’être en conséquence exposé au « syndrome du couloir de la mort », de sorte que son extradition serait contraire à l’article 3 de la Convention.
9.  Par un arrêt du 12 juillet 2001, le Conseil d’Etat rejeta les demandes du requérant. Quant au premier des moyens susmentionnés, le Conseil d’Etat considéra qu’il ne lui revenait pas de se prononcer sur la conformité de textes législatifs applicables sur le territoire de l’Etat requérant à la Constitution de cet Etat ; il précisa qu’il n’en allait autrement que si cet acte avait déjà été déclaré inconstitutionnel par une décision devenue définitive dudit Etat ou si l’adoption du texte en cause avait « été entachée de vices d’une gravité telle qu’il doive être regardé comme inexistant ». Sur le deuxième moyen, la haute juridiction jugea que la loi du 27 janvier 1998 « s’applique de façon identique à toutes les personnes jugées et condamnées en leur absence et réfugiées dans un pays étranger qui refuse de les extrader parce qu’elles avaient été condamnées en leur absence » et que le requérant n’apportait aucune précision permettant d’apprécier le bien-fondé de son affirmation selon laquelle le nouveau procès dont il bénéficierait pourrait ne pas présenter un caractère équitable du fait des conditions dans lesquelles ladite loi a été adopté. S’agissant du troisième moyen, le Conseil d’Etat estima qu’en tout état de cause, « l’extradition d’une personne exposée à une peine incompressible de réclusion perpétuelle n’est contraire ni à l’ordre public français, ni aux stipulations de l’article 3 de la Convention ». Quant au quatrième moyen il fut rejeté au motif suivant :
« Considérant que la demande d’extradition (...) est fondée sur des faits commis au mois de septembre 1977, soit antérieurement à la loi de l’Etat de Pennsylvanie (...) établissant la peine de mort ; qu’il ressort des pièces du dossier que cette loi ne peut être appliquée à des faits commis avant son entrée en vigueur ;
Considérant qu’à supposer même que (...) les faits qui (...) sont reprochés [au requérant] puissent être regardés, lors d’un nouveau procès, comme ayant été commis après l’entrée en vigueur de la loi du 13 septembre 1978 compte tenu de ce que le corps de la victime n’a été découvert que le 28 mars 1979, le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique a donné l’assurance, dans la demande du 2 juillet 1998, que, si l’extradition [du requérant] était accordée, la peine de mort ne serait ni requise, ni prononcée, ni appliquée : que le procureur du comté de Philadelphie a souscrit à deux reprises l’engagement que la peine de mort ne serait pas requise contre l’intéressé ; que, par une attestation solennelle du 23 juin 1997, il a donné l’assurance formelle que, dans l’Etat de Pennsylvanie, la peine de mort ne pouvait être prononcée si elle n’était pas requise ; qu’ainsi, [le requérant] n’est pas fondé à soutenir que son extradition, en dépit des conditions posées par le décret attaqué, ne serait pas assortie de garanties suffisantes et serait, par suite, contraire à l’ordre public français. »
Le même jour, à la suite de cet arrêt, le requérant s’est entaillé le cou et le poignet gauche.
Le 17 juillet 2001, le Gouvernement a produit devant la Cour un certificat médical daté du 12 juillet 2001 établissant que l’état de santé du requérant était compatible avec son transfert vers les Etats-Unis.   
10.  Le 19 juillet 2001, la Cour a levé la mesure provisoire qu’elle avait indiquée au gouvernement défendeur le 12 juillet 2001 en vertu de l’article 39 du règlement. Le requérant a été extradé vers les Etats-Unis le même jour.
B. Extrait de la loi votée par le Parlement de Pennsylvanie, et entrée en vigueur le 27 janvier 1998
11.  La loi entrée en vigueur le 27 janvier 1998 (42 Pennsylvania Criminal Statutes (PACS), article 9543 (c)) dispose :
« Extradition : Si le demandeur a été jugé et condamné en son absence et s’est réfugié dans un pays étranger qui refuse de l’extrader en raison de l’utilisation de la procédure par contumace, l’intéressé est fondé à obtenir l’ouverture d’un nouveau procès si le pays en question consent à son extradition à cette condition et s’il en fait la demande dès son retour en Pennsylvanie (...). La présente disposition prévaut sur toute autre loi ou décision judiciaire, quelle qu’elle soit, allant en sens contraire. »
C.  Déclarations et autres documents produits par les parties
1. Déclarations sous serment de Mme la Procureur Lynne Abraham, premier représentant du Ministère public pour le comté de Philadelphie
12.  Dans une déclaration sous serment datée du 23 juin 1997, la Procureur Abraham prend l’engagement suivant (traduction de l’anglais fournie par le Gouvernement) :
« Je, soussignée Lynne Abraham, Ministère public pour la ville et le comté de Philadelphie, Commonwealth de Pennsylvanie, affirme par la présente que la peine de mort n’a été recherchée à aucun moment dans la présente affaire et qu’elle ne peut être légalement imposée en l’occurrence. Le bureau du Ministère public ne saurait requérir la peine de mort dans quelque action judiciaire future en rapport avec la présente affaire et ne peut légalement le faire. Par ailleurs, en vertu de la loi de Pennsylvanie, la Cour ne peut prononcer d’office la peine de mort dans cette affaire ».
Suite à l’entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1998, la Procureur Abraham fit, le 10 juin 1998, une nouvelle déclaration sous serment  « à l’appui d’une demande d’extradition adressée à la République Française ». Cette déclaration précise qu’elle a « force d’obligation pour l’Etat de Pennsylvanie et le ministère public [que la Procureur] représente ». Il y est indiqué que « le ministère public est maintenant en mesure de donner sa pleine assurance – et il la donne – qu’Ira Einhorn bénéficiera d’un nouveau procès, sur simple demande, à son retour en Pennsylvanie ». La Procureur précise que « le ministère public de Philadelphie reconnaîtra à Ira Einhorn le droit à un nouveau procès en vertu de cette nouvelle disposition. Conformément au droit des Etats-Unis, qui s’applique à l’Etat de Pennsylvanie, ces paroles engagent non seulement l’actuel premier représentant du ministère public, mais aussi tous ceux qui lui succéderont et tous les autres représentants du Ministère public qui pourraient être chargés de l’affaire ».
La Procureur ajoute qu’« en vertu du droit de Pennsylvanie, aucun tribunal ne peut prononcer la peine capitale pour des meurtres commis avant le 13 septembre 1978, date de l’entrée en vigueur de la loi portant imposition de la peine de mort » et que « Conformément à la loi, Ira Einhorn ne peut pas être condamné à la peine de mort puisqu’il a tué [la victime] en 1977 ». Il est également précisé ce qui suit  (traduction de l’anglais fournie par le Gouvernement) :
« L’interdiction de la promulgation de lois rétroactives qui est stipulé dans [le chapitre I, article 9] de la Constitution des Etats-Unis signifie que personne ne peut être condamné à une peine plus lourde que celle dont son crime ou son délit était puni au moment de sa perpétration. La Cour suprême des Etats-Unis a expliqué que la disposition relative aux lois rétroactives empêche toute législature de modifier rétroactivement la définition des crimes et de les punir avec une plus grande sévérité. Par conséquent, l’Etat de Pennsylvanie ne peut pas amender sa loi en vue de requérir la peine de mort pour un meurtre commis avant la promulgation de la loi portant imposition de la peine capitale. Cette loi s’applique exclusivement aux meurtres commis après sa promulgation. Dans l’affaire Commonwealth (Pennsylvanie) contre Truesdale, la Cour suprême de Pennsylvanie a décrété le 15 septembre 1983 qu’il était catégoriquement interdit d’imposer la peine de mort pour des meurtres commis avant le 13 septembre 1978, date de l’entrée en vigueur de la loi en question. Cet arrêt relatif à l’imposition de la peine de mort est juridiquement contraignant pour tous les tribunaux de Pennsylvanie, tous les premiers représentants du ministère public et tous les autres représentants du ministère public. (...)
Dans la présente affaire, l’Etat de Pennsylvanie n’a ni prononcé ni même requis la peine de mort. Le premier représentant du ministère public a déclaré sous serment que la sentence capitale ne pouvait pas être prononcée et qu’elle ne serait pas requise à une date ultérieure (...). Toute allégation selon laquelle la peine de mort ne saurait être exclue est dénuée de fondement. Conformément au droit des Etats-Unis, qui a force d’obligation pour l’Etat de Pennsylvanie, le serment du premier représentant du ministère public engage non seulement lui-même, mais aussi tous ceux qui lui succéderont à ce poste et tous les autres représentants du ministère public qui pourraient être saisis de l’affaire ».      
2. Notes verbales de l’ambassade des Etats-Unis en France
13.  Une note verbale de l’ambassade des Etats-Unis adressée au gouvernement français, datée du 2 juillet 1998, stipule que « la nouvelle loi (42 Pennsylvania Criminal Statutes (PACS), article 9543 (c), promulguée le 27 janvier 1998), garantit à Ira Einhorn le droit à un nouveau procès pour le meurtre de [la victime] ». Elle précise ce qui suit :
« Selon la nouvelle loi, l’Etat de Pennsylvanie, par l’intermédiaire du premier représentant du Ministère public du comté de Philadelphie peut et doit garantir qu’Ira Einhorn aura droit à un second procès, avec tous les droits afférents, s’il est extradé de France et s’il demande à être rejugé. Par conséquent, le Gouvernement des Etats-Unis présente ses assurances que si les autorités françaises extradent Ira Einhorn vers les Etats-Unis pour le meurtre [de la victime] en 1977, en Pennsylvanie, il aura droit à un nouveau procès avec tous les droits afférents.
De plus, le Gouvernement des Etats-Unis donne ses assurances que si le Gouvernement français extrade Ira Einhorn vers les Etats-Unis pour y être jugé pour meurtre dans l’Etat de Pennsylvanie, la peine de mort ne sera ni requise, ni infligée, ni mise à exécution contre Ira Einhorn pour ce crime. L’attestation sur l’honneur du premier représentant du Ministère public pour le comté de Philadelphie, Lynne Abraham, du 10 juin 1998, ainsi que son attestation précédente du 23 juin 1997, assure que selon la loi de Pennsylvanie, il est légalement impossible à un procureur de requérir la peine de mort ou à un tribunal de l’infliger pour les meurtres commis en Pennsylvanie avant le 13 septembre 1978. Une décision de la Cour suprême de Pennsylvanie (affaire Etat de Pennsylvanie contre Truesdale) du 15 septembre 1983 interdit formellement d’infliger la peine de mort pour des meurtres commis avant la promulgation de la loi du Pennsylvanie sur la peine de mort du 13 septembre 1978. Cette décision concernant la peine de mort s’impose à tous les tribunaux de Pennsylvanie, aux représentants du Ministère public et aux procureurs. (...) ».
Ces assurances furent réitérées dans une note verbale du 24 septembre 1999, laquelle précise en outre que la Cour Suprême a jugé que des lois promulguées après qu’un arrêt criminel a été rendu et en particulier celles pouvant bénéficier à l’accusé, « ne s’opposent pas à l’interdiction des lois ex post facto (voir affaire Collins c. Youngblood, 497 US 37-1990) », ce qui confirmerait la constitutionnalité de la loi de Pennsylvanie de 1998 garantissant au requérant un nouveau procès à son retour aux Etats-Unis.
3. Autres déclarations produites par les parties
a) Sur la possibilité de requérir la peine de mort pour des faits antérieurs à la loi du 13 septembre 1978
14.  Dans une déclaration sous serment du 22 mai 2001, Norris E. Gelman, l’avocat qui représentait le requérant dans le cadre de la procédure par contumace devant le tribunal de première instance de Philadelphie, certifie cependant qu’en 1992, dans une affaire Charles Diggs, le Procureur du comté de Philadelphie a requis la peine de mort pour des faits antérieurs à la loi du 13 septembre 1978 rétablissant cette peine en Pennsylvanie. Il précise ce qui suit :
« Alors que l’ensemble des précédents en la matière allaient à l’encontre de l’application rétroactive de la loi de 1979 rétablissant la peine capitale, le juge O’Keefe, qui présidait le tribunal chargé de juger M. Diggs, déclara que l’Etat de Pennsylvanie pouvait requérir la peine de mort, et interrogea les jurés potentiels sur leur sentiment vis-à-vis de cette question.
Le procureur ne désavoua jamais son opinion selon laquelle il était en droit de requérir la peine capitale. Le juge ne revint jamais sur sa décision (...). M. Diggs fut reconnu non coupable, ce qui mit un terme à l’affaire. La question de la peine ne fut jamais examinée, du fait de l’acquittement.
Je n’ai jamais compris, et je n’arrive toujours pas à comprendre, comment l’Etat de Pennsylvanie, représenté par le parquet de Philadelphie, avait pu faire reconnaître par le juge le droit de l’Etat à demander l’application rétroactive de la peine capitale pour M. Diggs. »
b) Sur la conformité de la loi du 27 janvier 1998 à la Constitution de la Pennsylvanie
15.  Dans une déclaration sous serment du 20 avril 1998, Leonard Sosnov, avocat aux barreaux de Pennsylvanie, du tribunal fédéral de District, de la troisième cour d’appel et de la Cour Suprême des Etats-Unis, et professeur à la faculté de droit de l’université de Widener, conclut à l’inconstitutionnalité de la loi du 27 janvier 1998. Il déclare notamment ce qui suit (traduction de l’anglais fournie par le requérant) :
« En tant que spécialiste de la question, j’estime que [la loi litigieuse] est clairement inconstitutionnelle. Concernant la séparation des pouvoirs de gouvernement selon la Constitution de Pennsylvanie, il est tout à fait établi depuis presque 150 ans en Pennsylvanie que la législature n’a aucun pouvoir pour influer sur les condamnations et les peines déterminées. Pour De Chastellux c. Pairchild, 15Pa. 18 (1850), la Cour Suprême de Pennsylvanie jugea qu’une loi prétendant accorder un nouveau procès à un plaideur était anticonstitutionnelle. De la même manière, dans Etat de Pennsylvanie c. Sutley, 378 A.2d 789 (1977), la Cour Suprême de Pennsylvanie a tenu pour anticonstitutionnelle une loi qui prétendait réduire les peines pour des accusés déjà condamnés pour possession de marijuana. (...)
Cette loi est clairement anticonstitutionnelle car elle est en contradiction avec l’article V, § 10 (c) de la Constitution de Pennsylvanie qui accorde à la Cour Suprême de Pennsylvanie des pouvoirs exclusifs pour contrôler les pratiques et procédures des tribunaux, sans accorder aucun pouvoir à la législature. (...)
Cette loi pose potentiellement d’autres problèmes constitutionnels. Par exemple, cette clause n’accorde pas un nouveau procès à tous les accusés condamnés par contumace, mais seulement à ceux dont l’extradition a été refusée, et en particulier à M. Einhorn. Les tribunaux pourraient considérer cette loi comme un acte arbitraire et capricieux qui est en contradiction avec le principe du respect de la loi ou bien ils pourraient considérer qu’elle est un décret législatif frappant un seul individu et en tant que tel illégal. Néanmoins, il ne devrait pas être nécessaire qu’un tribunal arrive à statuer sur ces questions à cause de la très évidente anticonstitutionnalité de cette loi par la raison du principe de la séparation des pouvoirs de gouvernement ainsi que l’article V, § 10 (c). »  
Il réitère cette conclusion dans des déclarations sous serment des 10 septembre et 10 novembre 1998, précisant notamment ce qui suit (extrait de la déclaration du 10 septembre 1998 ; traduction de l’anglais fournie par le requérant) : 
« (...) Le corps législatif n’a pas l’autorité pour modifier les jugements définitifs des tribunaux. (...) Selon mon avis d’expert, [l’Etat] de Pennsylvanie et le Ministère Public de Philadelphie n’ont pas autorité pour dispenser cette loi d’un contrôle juridictionnel approfondi. En effet (...), la tentative du corps législatif visant à annuler un jugement du tribunal dans une affaire pour meurtre avec une sentence d’emprisonnement à vie constitue une violation flagrante de l’article V, alinéa 10(c) et de la séparation des pouvoirs stipulée par la Constitution de Pennsylvanie, en vertu de laquelle un tribunal pourrait invalider [ladite loi] et la juger caduque. Si la France extrade M. Einhorn en Pennsylvanie, il est extrêmement probable, en dépit du nouveau droit en vigueur en Pennsylvanie, qu’il devra purger sa peine sans libération conditionnelle, conformément au jugement prononcé après son procès par contumace, sans jamais bénéficier d’un nouveau procès.
(...) même lorsque les parties impliquées dans une affaire s’entendent sur l’issue d’un procès, le contrôle et l’approbation juridictionnels sont toujours une condition préalable. (...)
Si M. Einhorn est renvoyé en Pennsylvanie et qu’aucune partie ne conteste la loi [litigieuse] censée lui accorder un nouveau procès, il est très probable que la famille de la victime, ou même n’importe quel contribuable de Pennsylvanie, puisse remettre en cause avec succès cette loi clairement inconstitutionnelle (...)
Si M. Einhorn est extradé aux Etats-Unis, il est très probable que la constitutionnalité de [ladite loi] sera contestée devant les tribunaux, qui la déclareront nulle et non avenue. La condamnation et la sentence initiales, à savoir l’emprisonnement à vie sans libération conditionnelle pour M. Einhorn, seront jugées valables et applicables en vertu du droit de Pennsylvanie ».
16.  Dans une déclaration sous serment du 24 septembre 1998, John W. Packel, avocat au barreau de Philadelphie et chef de la division des appels du Philadelphia Public Defender Office, parvient à la même conclusion. Il précise notamment ce qui suit (traduction de l’anglais fournie par le requérant) :
« (...) si M. Einhorn retourne en Pennsylvanie et fait valoir le droit qui lui est consenti – à lui seul – la Cour suprême de Pennsylvanie annulera la loi et M. Einhorn sera réincarcéré sans un nouveau procès pour purger une condamnation à vie imposée après un procès qui a eu lieu par contumace suivi d’une condamnation rendue en son absence sans qu’il lui ait été permis de faire appel ».  
Dans une déclaration sous serment du 27 novembre 1998, il exprime ce qui suit (traduction de l’anglais fournie par le requérant) :
(...) Franchement, je suis consterné, bien que guère surpris par la « garantie » donnée par le Procureur général qui se fonde sur la législation permettant l’ouverture d’un nouveau procès sans cependant faire référence à la jurisprudence [supérieure] [sic] de la Cour Suprême de Pennsylvanie établissant de manière non équivoque l’invalidité de cette loi. Je suis en outre surpris et déçu par l’adhésion aveugle du Ministère des Affaires étrangères à ce document délibérément trompeur.
Le Procureur ne cite que des références doctrinales et jurisprudentielles qui ne sont pas utiles à la discussion et ignore les antécédents jurisprudentiels qui établissent de manière claire et indiscutable que la loi dont il est à l’origine est inconstitutionnelle, inapplicable et invalide. (...)
Au vu de 150 ans de jurisprudence contraire et jamais démentie, il est impossible de comprendre comment le Procureur Général peut « garantir » que la Cour Suprême de Pennsylvanie retiendra la loi en question pour autoriser l’ouverture d’un nouveau procès. A la lumière des seuls vrais arguments examinés ci-dessus, la « garantie » du Procureur Général doit être rejetée comme étant, au minimum, trompeuse. (...) ».  
17.  Dans une déclaration sous serment du 10 novembre 1998, Richard S. Wasserbly, avocat admis à exercer le droit dans l’Etat de Pennsylvanie ainsi qu’auprès du tribunal fédéral de District, de la Cour d’appel fédérale et de la Cour Suprême des Etats-Unis, et auteur de l’ouvrage de référence intitulé Pennsylvania Criminal Practice, expose ce qui suit (traduction de l’anglais fournie par le requérant) :
« (...) Je suis parvenu aux mêmes conclusions inexorables que le Professeur Sosnov et M. Packel, à savoir : que cette législation va à l’encontre de la Constitution de Pennsylvanie, car elle constitue une violation de la séparation des pouvoirs. En outre, cette législation viole [le chapitre V, article 10 (c)] et constitue peut-être une violation du droit à un procès selon les formes légales et un acte législatif prohibé s’appliquant à des personnes de façon à les condamner sans procès, puisqu’apparemment elle vise exclusivement l’affaire d’extradition concernant M. Einhorn.
Si une extradition est accordée et si M. Einhorn est renvoyé dans l’Etat de Pennsylvanie, et si M. Einhorn demande qu’un nouveau procès lui soit accordé au titre de 42 Pa. C.S. § 9543 (c), le tribunal devra agir selon la Constitution ; il a le pouvoir de soulever sponte sua (de son propre mouvement ; sans incitation ni suggestion) la question de la constitutionnalité du texte et de le juger non constitutionnel, de refuser d’appliquer ce texte et de refuser un nouveau procès à M. Einhorn, indépendamment de toute position, motion demande ou assentiment de l’Etat. En d’autres termes, le Procureur de District de Philadelphie n’est pas en mesure d’autoriser ou de promettre qu’un nouveau procès sera accordé au titre de 42 Pa. C.S. § 9543 (c).
Mon avis est que si une extradition est accordée au titre de 42 Pa. C.S. § 9543 (c), il ne peut y avoir aucune garantie d’un nouveau procès. Bien au contraire, en vue de son caractère manifestement inconstitutionnel, 42 Pa. C.S. § 9543 (c) ne sera pas appliqué et M. Einhorn ne se verra pas accorder un nouveau procès, ce qui l’obligera à purger la condamnation déjà imposée ».
18.  Dans une déclaration sous serment du 25 novembre 1998, Theodore Simon, membre du Board of Directors of the National Association of Criminal Defense Lawyers et conseil du requérant dans le cadre de la procédure d’extradition, certifie notamment ce qui suit :
« Il devient clair et tout à fait possible que, même si le procureur tenait sa promesse et même si, ensuite, un tribunal devait commettre ou se disposer à commettre un acte dépassant ses compétences (c’est-à-dire chercher à faire bénéficier M. Einhorn d’un nouveau procès), la Cour suprême pourrait alors, de sa propre initiative, se saisir de l’affaire pour énoncer que la « loi Einhorn » est anticonstitutionnelle, et qu’une juridiction inférieure n’a pas le pouvoir, en vertu de ladite loi, de se déclarer compétente pour annuler une décision définitive. »
19.  Dans une déclaration sous serment du 21 novembre 1998, Norris E. Gelman soutient également que la loi du 27 janvier 1998 est « clairement inconstitutionnelle » et qu’en conséquence, nonobstant la promesse de la Procureur Abraham, aucun tribunal n’aurait la capacité de l’appliquer, de sorte que le requérant ne pourrait bénéficier d’un nouveau procès. Dans une autre déclaration sous serment, du 16 juillet 2001, il certifie notamment ce qui suit :
L’Etat de Pennsylvanie se fonde exclusivement sur la « loi Einhorn », adoptée le 21 janvier 1998, en vue de garantir à la France que M. Einhorn bénéficiera d’un nouveau procès devant une juridiction de Pennsylvanie. A l’instar de nombreux universitaires, je pense qu’aucun tribunal ne fera bénéficier M. Einhorn d’un nouveau procès et, en réalité, ne sera en mesure de le faire, en vertu de ce texte ou sur tout autre fondement. (...)
Le simple fait que cette loi ne soit pas une loi a posteriori ne la rend pas conforme à la Constitution. Les lacunes constitutionnelles de la loi Einhorn la rendent inapplicables. Elle est inapplicable parce qu’elle enfreint les principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs, consacrés depuis longtemps tant par la Cour suprême des Etats-Unis que par la Cour suprême de Pennsylvanie (voir les affaires Commonwealth v. Sutley, 474 Pa. 256, 378 A.2d 780 (1977) et Plaut v. Spendthrift Farm, 514 U.S. 211, 131 L.Ed.2d 328, 115 S.Ct. 1447, 1995).
Le pouvoir législatif ne peut ordonner l’ouverture d’un nouveau procès. C’est aussi simple que cela. Le pouvoir législatif ne peut altérer, infirmer, amender ou annuler la décision définitive d’une cour de justice. Le pouvoir législatif n’est pas plus habilité à accorder un nouveau procès à M. Einhorn qu’il ne peut le faire pour Timothy McVeigh ou pour les défendeurs à l’affaire du Watergate.
Si M. Einhorn est renvoyé aux Etats-Unis et que le procureur, comme promis, demande au tribunal l’ouverture d’un nouveau procès, le juge doit refuser d’accueillir la demande. Il doit déclarer qu’il n’a pas le pouvoir d’aller à l’encontre de la Constitution. (...) L’ouverture d’un nouveau procès, en vertu de cette loi ou pour toute autre raison, reviendrait à agir en violation du principe de la séparation des pouvoirs, donc de la Constitution.
(...) il est également établi que toute loi contraire à la Constitution est nulle et non avenue, et tout tribunal a non seulement le droit, mais également le devoir de la déclarer comme telle dès lors que la violation apparaît sans équivoque (voir les affaires Respublica v. Duquest, 2 Yeats (Pa.) 429, 501 (1799)... Hertz Drivurself Stations, Inc. v. Siggins, 359 Pa. 25, 33, 58 A.2d 464, 469, 1948)
Les observations qui précèdent traduisent donc fidèlement mon point de vue, qui est partagé par plusieurs des auteurs les plus respectés en Pennsylvanie dans le domaine du droit constitutionnel, dont Me Len Sosnov (professeur à la faculté de droit de l’université du Delaware), Me John Packel (chef de la division des appels de l’association de défense de Philadelphie) et Me Emmett Fitzpatrick (ancien procureur de Philadelphie). »
c) Sur les possibilités d’obtenir une réduction de peine en cas de condamnation à la prison à vie
20.  Dans une déclaration sous serment datée de 1997, Joel Rosen, Directeur du service des procès majeurs du Parquet de Philadelphie, certifie notamment qu’en cas de condamnation à la réclusion perpétuelle, le requérant aura la possibilité de solliciter une réduction de peine et sa libération. Le Gouverneur de la Pennsylvanie détient en effet le pouvoir de libérer un accusé ou de réduire sa peine (chapitre IV, article 9, de la Constitution de Pennsylvanie ;  article 299 du code administratif). Les demandes de libération ou de réduction de peine qui sont ainsi formulées sont d’abord examinées par une « Commission des Grâces » composée du Vice-Gouverneur de Pennsylvanie, du Procureur général de Pennsylvanie et de trois membres nommés par le Gouverneur sur approbation du Sénat de Pennsylvanie (dont un membre du barreau, un « pénologue » et un médecin psychiatre ou psychologue). Lorsque la Commission examine le cas d’une peine de prison à vie, elle doit entendre le requérant. Si elle recommande un allégement de la peine « et si le Gouverneur consent », la décision est sans appel. M. Rosen précise notamment qu’entre 1987 et 1994, cette procédure a permis « 302 libérations, et 26 réductions de peines pour les prisonniers à vie ». Il conclut que « ces données statistiques suggèrent que, même si à court terme Einhorn n’a pas une grande probabilité d’avoir sa peine allégée par le Gouverneur, ses perspectives à long terme sont d’une autre nature. (...) S’il demandait une libération ou une réduction de peine dans les années suivant immédiatement son retour, un allégement serait peu probable et, en fait, injustifié. Mais du point de vue historique, il apparaît que, lorsqu’Einhorn aura passé une longue période en prison, le climat changera, et un recours en grâce sera reçu dans un autre état d’esprit ».    
21.  Dans une déclaration sous serment du 7 octobre 1997, le professeur Leonard Sosnov se prononce sur les perspectives de commutation d’une peine de prison à perpétuité. Il déclare qu’il sera quasiment impossible au requérant d’obtenir un jour sa libération de prison au titre d’une condamnation à perpétuité en Pennsylvanie. Il expose à cet égard qu’il n’est possible d’obtenir une libération conditionnelle pour les condamnés à la perpétuité en Pennsylvanie que si le gouverneur de l’Etat commue d’abord cette peine en une autre, d’une durée susceptible de permettre une libération conditionnelle. Aux termes du chapitre IV, article 9 de la Constitution de Pennsylvanie, le Gouverneur ne peut envisager une telle commutation de peine que si la « Commission des Grâces » la recommande. Or la personne condamnée à la perpétuité doit d’abord obtenir de la Commission l’autorisation d’être entendu par elle ; cette décision se prend à la majorité. Si elle obtient cette autorisation, la Commission statue à la majorité sur la recommandation. A supposer même qu’une personne condamnée à la perpétuité franchisse ces obstacles et obtienne ensuite une ordonnance de commutation de peine du Gouverneur, il lui faudra purger au moins un an dans un centre de préparation à la remise en liberté avant qu’une demande de libération conditionnelle puisse être considérée. Or la décision d’admettre un détenu dans un tel centre relève des autorités pénitentiaires et est entièrement discrétionnaire. A supposer même qu’il y parvienne, la Commission d’application des peines peut ensuite refuser l’élargissement pour n’importe quel motif et sans appel. Le professeur Sosnov ajoute notamment qu’entre 1979 et 1995, « environ trois détenus par an en moyenne ont obtenu une commutation de leurs peines de prison à perpétuité », alors que 2 400 détenus purgent « actuellement » une telle peine en Pennsylvanie. Il conclut par ce qui suit (traduction de l’anglais fournie par le requérant) :
« Etant donné que M. Einhorn a été fugitif et n’a encore purgé aucune portion de la peine de prison à perpétuité à laquelle il a été condamné en Pennsylvanie, il n’y a aucun doute, compte tenu du droit en vigueur et de l’application concrète de ce droit, qu’une peine de prison à perpétuité en Pennsylvanie pour M. Einhorn voudrait dire que pour finir il terminerait ses jours en prison ».
GRIEFS
22.  Le requérant soutient que son extradition a été accordée en violation de l’article 3 de la Convention : il existerait des motifs sérieux et avérés de croire qu’il encourt un risque réel de se voir condamner à la peine de mort en Pennsylvanie et donc exposer au « syndrome du couloir de la mort », source de peine ou traitement inhumain ou dégradant.
Invoquant cette même disposition de la Convention, il soutient qu’en tout état de cause, il encourt une peine perpétuelle incompressible, sans possibilité effective d’aménagement ou de libération conditionnelle.
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention et son droit à un procès équitable, le requérant reproche à l’Etat français d’avoir accordé son extradition en considération d’une loi de circonstance, d’application rétroactive, votée par le Parlement de Pennsylvanie dans le seul but d’influer sur le dénouement judiciaire de la procédure d’extradition engagée en France contre lui.
Sur le fondement de cette même disposition ainsi que de l’article 6 § 3 c) de la Convention, le requérant soutient que son extradition a été accordée en l’absence de garanties effectives et suffisantes qu’il aura droit, en Pennsylvanie, à un nouveau procès, au cours duquel il sera entendu sur le bien-fondé de l’accusation portée contre lui.
Enfin, en admettant qu’il puisse effectivement bénéficier d’un nouveau procès en Pennsylvanie, son extradition ne serait pas moins illégale, faute pour un tel procès de satisfaire aux exigences de l’article 6 de la Convention.
EN DROIT
A. Article 3 de la Convention
23.  Le requérant soutient que son extradition a été accordée en violation de l’article 3 de la Convention, aux termes duquel :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
D’une part, il existerait des motifs sérieux et avérés de croire qu’il encourt un risque réel de se voir condamner à la peine de mort en Pennsylvanie et donc exposer au « syndrome du couloir de la mort », source de peine ou traitement inhumain ou dégradant. A cet égard, le requérant rappelle qu’il a été poursuivi et condamné en Pennsylvanie pour des faits de meurtre aggravé commis le 15 septembre 1977 ; compte tenu du fait que le corps de la victime n’a été retrouvé qu’en 1979, il pourrait être considéré par le juge, lors d’un nouveau procès, que l’homicide a été commis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 13 septembre 1978 rétablissant la peine de mort dans cet Etat. Le requérant produit des documents dont il ressort qu’en 1992, dans une affaire Charles Diggs, le Procureur du comté de Philadelphie a requis la peine de mort pour des faits commis en 1973. Il reconnaît que dans son cas, la représentante du ministère public de Philadelphie s’est engagée à ne pas requérir la peine de mort mais souligne qu’il n’a pas été démontré qu’une telle peine ne peut être légalement prononcée par une juridiction lorsqu’elle n’a pas été requise. Dans ces conditions et en tout état de cause, en l’absence de l’assurance par l’autorité titulaire du droit de grâce que la peine de mort ne serait pas exécutée si elle était prononcée, son extradition n’aurait pas dû être accordée.
D’autre part, le requérant soutient qu’en Pennsylvanie, il encourt en tout état de cause une peine perpétuelle incompressible, sans possibilité effective d’aménagement ou de libération conditionnelle, et qu’une telle peine est contraire à l’article 3. Il se réfère au « rapport général sur le traitement des détenus de longue durée du sous-comité n° XXV du Conseil de l’Europe », dont il ressortirait que tout détenu doit en principe se voir accorder une libération conditionnelle et que personne ne devrait être privé de la possibilité d’une libération. Il se réfère également à la Résolution (76) 2 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le traitement des détenus en détention de longue durée, qui recommande notamment aux Etats membres de s’assurer que tout détenu ait la possibilité de requérir sa libération conditionnelle. Il allègue que, si le Gouverneur de Pennsylvanie détient le pouvoir de libérer un « accusé » ou de réduire sa peine, toute demande doit au préalable être examinée par une commission qui se prononce à l’unanimité de ses cinq membres. S’agissant en particulier des personnes condamnées à une peine perpétuelle, elles ne pourraient obtenir leur libération conditionnelle que si le Gouverneur, sur l’avis favorable unanime de la Commission, commue d’abord cette peine en une autre, d’une durée susceptible de permettre la libération conditionnelle. En outre, lorsqu’elles parviennent à franchir ces obstacles, il leur faut avant tout élargissement, purger au moins un an dans un centre de préparation à la remise en liberté. Or l’admission dans un tel centre serait à la discrétion des autorités pénitentiaires. Le taux de libération des personnes condamnées à la perpétuité en Pennsylvanie serait ainsi inférieur à 0,1 %.
24.  Le Gouvernement réplique que le requérant n’encourt pas la peine de mort puisqu’elle n’était pas en vigueur en Pennsylvanie au moment des faits : la peine maximale susceptible d’être prononcée contre lui à l’occasion de son nouveau procès est la réclusion criminelle à perpétuité. Il ajoute qu’il a obtenu des autorités américaines l’assurance formelle qu’à l’occasion du nouveau procès dont le requérant bénéficiera à son retour en Pennsylvanie, la peine de mort ne sera ni requise, ni prononcée, ni exécutée. Il se réfère aux déclarations de la Procureur Abraham selon lesquelles le Ministère public s’abstiendra de requérir la peine de mort, ainsi qu’à la note verbale de l’ambassade des Etats-Unis du 2 juillet 1998 dont il ressortirait que cette peine ne peut être requise pour des faits antérieurs au 13 septembre 1978 et qu’en tout état de cause, elle ne serait ni prononcée ni exécutée. Il souligne également qu’une juridiction de Pennsylvanie ne peut prononcer une telle peine en l’absence de réquisitions en ce sens du Ministère publique ; il se réfère à cet égard à la déclaration sous serment de Mme Abraham du 23 juin 1997. Enfin, il expose que le décret d’extradition stipule que l’extradition du requérant est accordée aux autorités américaines à la condition notamment « que la peine de mort ne soit ni requise, ni prononcée, ni exécutée » à son encontre. Conformément aux principes généraux du droit international, les autorités américaines seraient tenues de respecter les conditions posées par la France et acceptées par elles dans les notes verbales de l’ambassade des Etats-Unis.
Le Gouvernement ajoute que si le requérant est condamné à la prison à vie, il aura la possibilité d’obtenir des mesures d’aménagement ou la libération conditionnelle. Il résulterait en effet de la Constitution de Pennsylvanie (chapitre IV, article 9) et des dispositions législatives et réglementaires pertinentes (71 Pa C.S.A., article 299), que toute condamnation à une peine de réclusion criminelle à perpétuité prononcée par une juridiction pénale de l’Etat de Pennsylvanie peut légalement faire l’objet d’un aménagement de peine ou d’une libération conditionnelle. Il ressortirait   ainsi de la déclaration sous serment de M. Joel Rosen, Directeur de la cellule des procès majeurs du Parquet de Philadelphie, qu’au cours des 25 dernières années, « 825 libérations conditionnelles ont été accordées dans toutes les catégories de crimes et 284 réductions de peines ont été accordées aux prisonniers condamnés à vie, dont 302 libérations et 26 réductions de peines entre 1987 et 1994 ».
25.  La Cour rappelle qu’un État contractant se conduirait d’une manière incompatible avec le « patrimoine commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit » auquel se réfère le Préambule de la Convention, s’il remettait consciemment une personne à un autre État où il existe des moyens sérieux de penser qu’un danger de torture ou de peines ou de traitements inhumains ou dégradants menace l’intéressé (arrêt Soering du 7 juillet 1989, série A n° 161, p. 35, § 88).
26.  S’agissant du premier grief développé par le requérant sur le fondement de l’article 3, la Cour rappelle que le fait que, consécutivement à sa condamnation à mort, un détenu se trouve exposé au « syndrome du couloir de la mort » peut, dans certains cas et eu égard notamment au temps à passer dans des conditions extrêmes, à l’angoisse omniprésente et croissante de l’exécution et à la situation personnelle de l’intéressé, être considéré comme un traitement dépassant le seuil fixé par l’article 3 de la Convention (voir, notamment, mutatis mutandis, l’arrêt Soering, précité, pp. 44-45, § 111, ainsi que la décision de la Cour [Première Section] du 14 décembre 2000 dans l’affaire Nivette c. France, requête n° 44190/98).
Il faut donc rechercher, à la lumière des principes dégagés par la jurisprudence de la Cour, si les conséquences prévisibles du renvoi du requérant aux Etats-Unis sont de nature à faire jouer l’article 3. L’examen doit porter d’abord sur le point de savoir si le requérant risque vraiment une condamnation capitale en Pennsylvanie, car la source de la peine ou du traitement inhumains ou dégradants allégués, le « syndrome du couloir de la mort », réside dans pareille sentence (voir, notamment, l’arrêt Soering précité, p. 36, § 92).
A cet égard, la Cour constate tout d’abord que le requérant n’a pas été condamné à mort lors de son jugement par contumace en Pennsylvanie. Elle relève ensuite que les faits qui lui sont reprochés ont été commis en 1977, soit avant l’adoption de loi du 13 septembre 1978 rétablissant la peine de mort en Pennsylvanie. Le principe de non-rétroactivité fait donc obstacle à ce qu’il soit condamné à une telle peine à l’issue d’un nouveau procès dans cet Etat. Cela est confirmé par la déclaration sous serment de la Procureur Lynne Abraham, premier représentant du Ministère public pour le comté de Philadelphie, du 10 juin 1998 (paragraphe 12 des faits ci-dessus), ainsi que par les notes verbales de l’ambassade des Etats-Unis des 2 juillet 1998 et 24 septembre 1999 (paragraphe 13 des faits ci-dessus), lesquelles font référence à la jurisprudence de la Cour suprême de Pennsylvanie (affaire Etat de Pennsylvanie c. Truesdale, arrêt du 15 septembre 1983) interdisant formellement d’infliger la peine de mort pour des meurtres commis avant l’entrée en vigueur de la loi du 13 septembre 1978 ; l’ambassade précise dans sa note du 2 juillet 1998 que cette jurisprudence s’impose à tous les tribunaux de Pennsylvanie, aux Représentants du Ministère public et aux procureurs. En outre, dans sa note du 24 septembre 1999, l’ambassade des Etats-Unis expose qu’aux termes du chapitre I de la Constitution des Etats-Unis, ni le Congrès ni aucun Etat fédéré ne peuvent adopter une loi ex post facto, et que la Cour Suprême des Etats-Unis a expressément déclaré qu’un Etat ne peut infliger rétroactivement une peine plus grave que celle en vigueur au moment où le crime a été commis ; elle cite, à titre d’exemple, une affaire Miller c. Etat de Floride (482 US 423 – 1987).
A supposer que, comme le soutient le requérant, compte tenu du fait que le corps de la victime n’a été retrouvé qu’en 1979, la juridiction saisie pour le « rejuger » pourrait retenir que les faits ont été commis après le rétablissement légale de la peine de mort en Pennsylvanie, la Cour constate que le Gouvernement a obtenu des garanties adéquates que la peine de mort ne serait ni requise, ni prononcée, ni exécutée. Tout d’abord, il ressort des déclarations sous serment de la Procureur Abraham des 23 juin 1997 et 10 juin 1998 (paragraphe 12 des faits ci-dessus), que le Ministère public ne requerra pas la peine de mort contre le requérant et que la juridiction saisie ne pourra pas prononcer cette peine d’office. La Procureur précise que son serment, prêté en sa qualité de premier représentant du Ministère public, l’engage elle-même ainsi que tous ceux qui lui succéderont à ce poste et tous les autres représentants du Ministère public qui pourraient être saisis de l’affaire ; cela est confirmé par les notes verbales de l’ambassade des Etats-Unis. Ensuite, la note verbale de l’ambassade des Etats-Unis du 2 juillet 1998 stipule expressément que, « si le gouvernement français extrade Ira Einhorn vers les Etats-Unis pour y être jugé pour meurtre dans l’Etat de Pennsylvanie, la peine de mort ne sera ni requise, ni infligée, ni mise à exécution contre Ira Einhorn pour ce crime ».
En conséquence, la Cour constate que les circonstances de l’espèce et les assurances obtenues par le Gouvernement sont de nature à écarter le danger d’une condamnation à mort du requérant en Pennsylvanie. Relevant par ailleurs que le décret d’extradition du 24 juillet 2000 dispose expressément que « la peine de mort ne pourra être ni requise ni prononcée ni exécutée à l’encontre d’Ira Samuel Einhorn », la Cour estime que le requérant ne se trouve pas exposé à un risque sérieux de traitement ou de peine prohibés par l’article 3 de la Convention à raison de son extradition vers les Etats-Unis.
27.  S’agissant du second grief, la Cour n’exclut pas que la condamnation d’une personne à une peine perpétuelle incompressible puisse poser une question sous l’angle de l’article 3 de la Convention. A cet égard, les documents élaborés sous l’égide du Conseil de l’Europe auxquels le requérant fait référence (le « rapport général sur le traitement des détenus en détention de longue durée » du sous-comité n° XXV du Comité européen pour les problèmes criminels (Editions du Conseil de l’Europe, 1977) et la Résolution (76) 2 « sur le traitement des détenus en détention de longue durée », adoptée par le Comité de Ministres du Conseil de l’Europe à la suite de ces travaux) ne sont pas dénués de pertinence. En conséquence, il n’est pas non plus exclu que l’extradition d’un individu vers un Etat où il risque d’être condamné à une peine d’emprisonnement à vie incompressible puisse poser une question sous l’angle de l’article 3 de la Convention (voir l’affaire Nivette précitée ; voir aussi l’arrêt Weeks c. Royaume-Uni du 2 mars 1987, Série A n° 114 et la décision de la Cour [Troisième Section] du 29 mai 2001, dans l’affaire Sawoniuk c. Royaume-Uni, requête n° 63716/00).
En l’espèce cependant, en tout état de cause, la Cour constate qu’il résulte de la Constitution de la Pennsylvanie (chapitre IV, article 9) et des dispositions législatives en vigueur dans cet Etat (loi 71 Pa. C.S.A., article 299), que le Gouverneur de Pennsylvanie peut commuer une peine de réclusion perpétuelle en une autre, d’une durée susceptible de permettre une libération conditionnelle ; il se prononce au vu d’une recommandation d’une « Commission des grâces » (Board of Pardons), prise à la majorité des cinq membres de cet organe. Si l’intéressé obtient une ordonnance de commutation de peine du Gouverneur, il lui faut purger au moins un an dans un centre de préparation à la remise en liberté – il semble que la décision d’admettre un détenu dans un tel centre est à la discrétion des autorités pénitentiaires – avant qu’une demande de libération conditionnelle puisse être considérée.
Certes, comme le relève la chambre d’accusation de la cour d’appel de Bordeaux dans son arrêt du 18 février 1999, il en résulte que l’accès d’une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité en Pennsylvanie au bénéfice de la libération conditionnelle est restreint. Il n’est cependant  pas permis d’en déduire qu’en cas de condamnation à vie à l’issue d’un nouveau procès en Pennsylvanie le requérant se trouverait dans l’impossibilité de bénéficier d’une telle mesure, et l’intéressé ne fournit aucun élément autorisant une telle conclusion ; à cet égard, la Cour relève en particulier que les conclusions de la déclaration sous serment du Professeur Sosnov produite par le requérant (paragraphe 21 des faits ci-dessus) se trouvent contredites par celles de la déclaration sous serment de Joel Rosen, Directeur de la cellule des procès majeurs du Parquet de Philadelphie, produite par le Gouvernement (paragraphe 20 des faits ci-dessus).
28.  Partant, en ce qu’elle se rapporte aux griefs tirés d’une violation de l’article 3 de la Convention, la requête est manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
B. Article 6 de la Convention
29.  Le requérant soutient par ailleurs qu’en autorisant son extradition les autorités françaises ont méconnu son droit à un procès équitable et violé l’article 6 § 1 de la Convention, aux termes duquel :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
Premièrement, les autorités françaises auraient accordé son extradition en considération d’une loi de circonstance – la loi du 27 janvier 1998 –, d’application rétroactive, votée par le Parlement de Pennsylvanie dans le seul but d’influer sur le dénouement judiciaire de la procédure d’extradition engagée en France contre lui ; les minutes des débats parlementaires seraient à cet égard particulièrement probantes.
Deuxièmement, il expose que, comme le souligne la chambre d’accusation de la cour d’appel de Bordeaux dans son arrêt du 4 décembre 1997, d’une part il n’a à aucun moment manifesté l’intention de renoncer à ses droits et, d’autre part, il a été jugé en Pennsylvanie sans avoir pu se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix. Il souligne ensuite qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que, sauf renonciation non équivoque de l’« accusé », une procédure in absentia n’est compatible avec la Convention que si l’intéressé peut obtenir ultérieurement qu’une juridiction statue à nouveau. En conséquence, en autorisant son extradition en l’absence de garanties effectives et suffisantes qu’il aura droit, en Pennsylvanie, à un nouveau procès, au cours duquel il serait entendu sur le bien-fondé de l’accusation portée contre lui, le Gouvernement aurait méconnu l’article 6 § 1 précité ainsi que l’article 6 § 3 c), aux termes duquel :
« Tout accusé a droit notamment à (...) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (...) ».
Il produit de nombreuses déclarations sous serments d’« éminents juristes américains, avocats spécialisés ou professeurs de droit », dont il ressortirait que la loi du 27 janvier 1998 est contraire au principe de séparation des pouvoirs – lequel interdirait au pouvoir législatif de mettre en cause une décision judiciaire définitive – consacré par la Constitution de l’Etat de Pennsylvanie. Ces déclarations font état d’une constante jurisprudence de la Cour Suprême de Pennsylvanie dans ce sens et le requérant souligne qu’en vertu du principe stare decisis et non quieta movere, les précédents ont un caractère impératif en common law et lient le juge. Les experts précisent que, quelle que soit la position du Ministère public, la juridiction saisie en application de cette loi pour « rejuger » le requérant serait tenue de relever d’office cette inconstitutionnalité et, en conséquence, de se déclarer incompétente ; à défaut, la famille de la victime, ou tout contribuable de Pennsylvanie, pourrait soulever un tel moyen. Dans ces circonstances, seule une déclaration sous serment du président du tribunal de première instance de Pennsylvanie certifiant de l’effectivité du droit à un nouveau procès du requérant aurait pu constituer une garantie suffisante. Le Gouvernement défendeur ne serait donc pas en mesure de se dire convaincu que l’Etat requérant a les moyens, en droit interne, de respecter ses engagements. A cet égard, le seul fait que ledit Etat engage sa responsabilité internationale en cas de manquement à ses engagements ou de non-respect du principe de spécialité ne suffirait pas à faire présumer de la possibilité juridique ou matérielle pour cet Etat de respecter ceux-ci en droit interne. Le requérant ajoute que, si les Etats-Unis ont, semble-t-il, toujours respecté leurs engagements internationaux vis-à-vis de la France en matière d’extradition, les engagements en question concernaient la non-exécution de la peine de mort ; il n’y aurait aucun précédent similaire à la présente espèce. Enfin, le Gouvernement ne contesterait pas n’avoir obtenu aucune garantie sur le sort du requérant au cas où il ne bénéficierait pas d’un nouveau procès en Pennsylvanie.
Troisièmement, à supposer que le requérant puisse effectivement bénéficier d’un nouveau procès en Pennsylvanie, son extradition ne serait pas moins illégale, faute pour un tel procès de satisfaire aux exigences de l’article 6 de la Convention. Il expose à cet égard « qu’aucun procès ne peut être équitable compte tenu de l’hystérie générale de la presse, de la passion suspecte du Ministère publique (attitude de Mme Abraham, pétition des Procureurs généraux), et même des juges (montant démesuré et grotesque des sommes allouées dans le procès civil de juillet 1999 [c.à.d.: 907 000 000 de dollars américains]) ». Le Philadelphia Daily News et une radio locale se seraient particulièrement investis dans une campagne extrêmement virulente contre le requérant, relayée de surcroît par la télévision. Il produit plusieurs coupures de presse ainsi que la retranscription d’une émission télévisée. Le cas échéant, les jurés appelés à « rejuger » le requérant ne pourraient avoir échappé à une telle pression médiatique ayant fait du requérant un « coupable définitif ».
30.  A titre liminaire, le Gouvernement soutient que la responsabilité d’un Etat Partie au regard de la Convention ne saurait, en matière d’extradition passive, comprendre une obligation générale de prévoir toutes les conséquences possibles, dans le droit interne de l’Etat requérant, de l’engagement international pris par ce dernier au profit de l’Etat requis. Il faudrait et suffirait que les garanties fournies par l’Etat requérant, par leur nombre et leur force, permettent de penser que ledit Etat a les moyens en droit interne de respecter les engagements internationaux qu’il a pris à l’égard de l’Etat requis. En l’espèce, le Gouvernement se serait assuré, dans toute la mesure du possible, que les Etats-Unis pourront garantir à M. Einhorn un nouveau procès s’il le demande. Il rappelle à cet égard que la chambre d’accusation de la cour d’appel de Bordeaux n’a donné un avis favorable à l’extradition du requérant qu’après l’adoption, en janvier 1998, par le Parlement de Pennsylvanie, d’une loi permettant effectivement à l’intéressé de solliciter un nouveau procès, et au vu des engagements officiels des autorités américaines de lui garantir une procédure équitable.
Le Gouvernement nie que cette loi ait été adoptée uniquement pour permettre l’extradition de M. Einhorn. Dans sa déclaration sous serment, M. Rosen soulignerait ainsi que cette disposition a vocation à s’appliquer à toute personne se trouvant dans la même situation que le requérant ; 21 personnes condamnées par contumace dans le comté de Philadelphie seraient ainsi susceptibles d’en invoquer le bénéfice.
Par ailleurs, à la suite de la promulgation de cette loi, les autorités américaines, tant locales que fédérales, se seraient engagées à ce que, s’il le souhaite, le requérant bénéficie d’un nouveau procès à son retour aux Etats-Unis. Le Gouvernement se réfère à cet égard à la déclaration du 10 juin 1998 de la Procureur Abraham, premier représentant du Ministère public pour le comté de Philadelphie ainsi qu’à celle de M. Rosen (précitée), corroborées par les notes verbales de l’Ambassade des Etats-Unis des 2 juillet 1998 et 24 septembre 1999. Le Gouvernement souligne une nouvelle fois que, dans sa déclaration, la Procureur Abraham indique que son engagement a force obligatoire pour l’Etat de Pennsylvanie et le Ministère public. Le requérant n’apporterait aucune preuve établissant que les autorités américaines entendent en l’espèce déroger à l’attitude qu’elles ont toujours eu à l’égard de la France, caractérisée par un respect scrupuleux des engagements pris dans le cadre de la Convention d’extradition liant les deux Etats.
S’agissant de la conformité de la loi du 27 janvier 1998 à la Constitution de Pennsylvanie, le Gouvernement plaide que, comme l’a souligné le Conseil d’Etat dans son arrêt du 12 juillet 2001, il n’appartenait pas aux autorités françaises de se prononcer sur une telle question. En tout état de cause, la note verbale de l’Ambassade des Etats-Unis du 24 septembre 1999  confirmerait expressément la constitutionnalité de ladite loi.
Le Gouvernement ajoute qu’à supposer même qu’une juridiction de Pennsylvanie conclue à l’inconstitutionnalité de cette loi, un tel constat ne pourrait mettre en cause la valeur et la portée de l’engagement pris par le Gouvernement fédéral américain à l’égard de la France. Les garanties diplomatiques fournies aux autorités françaises relèveraient en effet des « accords exclusifs de l’exécutif » prévus par les dispositions de la Constitution fédérale concernant le pouvoir exécutif. Or en vertu de l’article 2 du chapitre VI de cette Constitution, de tels accords seraient obligatoires pour le Gouvernement fédéral et les Etats fédérés, et s’imposeraient en particulier aux juridictions des Etats fédérés nonobstant toute indication contraire dans la Constitution ou la législation de ces Etats. La jurisprudence de la Cour suprême des Etats-Unis serait constante sur ce point (le Gouvernement cite les arrêts Etats-Unis c. Belmont, 301 US 324 (1937) et Etats-Unis c. Pink, 315 US 203 (1941), ainsi que l’arrêt Etats-Unis c. Rauscher, 119 US 407 (1886) dont il ressortirait singulièrement que les personnes ayant fait l’objet d’une extradition vers les Etats-Unis sont en droit de faire respecter ces règles fondamentales devant les tribunaux fédéraux ou fédérés). Les notes verbales pourraient en outre constituer, en droit international public, un engagement international unilatéral imposant aux Etats-Unis de respecter les obligations ainsi souscrites, sous peine d’engager leur responsabilité internationale ; cela ressortirait de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, notamment de son arrêt dit Essais Nucléaires du 20 décembre 1974 (CIJ, Nouvelle-Zélande c. France, Rec. 1974, §§ 45-63).  Le Gouvernement en déduit que, « dans la mesure où le respect de l’obligation visant à permettre à M. Einhorn de bénéficier d’un nouveau procès équitable constitue une condition sine qua non de son extradition, les autorités françaises ne sauraient solliciter des garanties supplémentaires pour le cas où une telle obligation ne pourrait être satisfaite ».
Si, par extraordinaire, M. Einhorn ne pouvait bénéficier d’un nouveau procès en Pennsylvanie, le Gouvernement « estime qu’il devrait en principe être remis en liberté par les autorités américaines ». La règle de la spécialité de l’extradition, consacrée par le droit international coutumier – selon laquelle les autorités de l’Etat requérant se trouvent dans l’obligation de respecter l’acte ayant accordé l’extradition et s’interdisent toute contrainte à l’égard de l’extradé autre que celle permise par cet acte – s’opposerait en effet à ce que l’intéressé demeure incarcéré aux fins d’exécuter la peine de prison à laquelle il a été condamné in absentia en 1993. 
31.  Sur le premier grief tiré de l’article 6, la Cour constate qu’à la suite d’une demande d’extradition présentée par les autorités américaines le 12 juin 1997, les autorités françaises saisirent la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bordeaux, laquelle, par un arrêt du 4 décembre 1997, émit un premier avis défavorable à l’extradition en raison notamment de l’impossibilité pour le requérant d’obtenir la purge de la contumace en Pennsylvanie ; en conséquence, les autorités françaises ne procédèrent pas à l’extradition du requérant. Par la suite, le Parlement de Pennsylvanie adopta une loi, promulguée le 27 janvier 1998, permettant une telle purge dans certaines conditions. Sur le fondement de cette évolution législative, les autorités américaines adressèrent, le 2 juillet 1998, une nouvelle demande d’extradition aux autorités françaises ; saisie une seconde fois, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bordeaux rendit un avis favorable à l’extradition sous certaines réserves (arrêt du 18 février 1999) (paragraphes 4-6 des faits ci-dessus). 
Il est peu douteux que la loi du 27 janvier 1998 est une loi que l’on peut qualifier « de circonstance ». Tout indique en effet qu’elle a été adoptée par le Parlement de Pennsylvanie à la suite du premier avis de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bordeaux. Elle n’en reste pas moins rédigée en termes généraux et, comme le relèvent à juste titre la chambre d’accusation de Cour d’appel de Bordeaux dans son arrêt du 18 février 1999 et le Conseil d’Etat dans son arrêt du 12 juillet 2001, a vocation à s’appliquer de façon identique à toutes les personnes jugées et condamnées en leur absence et réfugiées dans un pays étranger qui refuse de les extrader au motif qu’elles ont été condamnées in absentia.
La Cour constate en outre que la chambre d’accusation de la cour d’appel de Bordeaux a considéré, sans que son interprétation du droit interne pertinent puisse être mise en cause devant la Cour, que cette loi du 27 janvier 1998 constituait un élément nouveau de nature à justifier légalement qu’elle soit saisie une seconde fois à la suite d’une nouvelle demande d’extradition. La procédure engagée au vu de cette modification du droit de la Pennsylvanie et de la demande d’extradition du 2 juillet 1998 par les autorités françaises est donc clairement distincte de la première. Il ne saurait en conséquence être soutenu ni que la prise en considération de la loi du 27 janvier 1998 a influencé l’issue d’une procédure en cours, ni qu’en se prononçant une seconde fois sur l’extradition du requérant, la chambre d’accusation a méconnu le principe de l’autorité de la chose jugée.
32.  S’agissant des deuxième et troisième griefs, la Cour rappelle qu’il n’est pas exclu qu’une décision d’extradition puisse exceptionnellement soulever un problème sur le terrain de l’article 6 de la Convention au cas où le fugitif aurait subi ou risquerait de subir un déni de justice flagrant dans l’Etat requérant (voir, l’arrêt Soering précité, p. 45, § 113 ; voir aussi, mutatis mutandis, l’arrêt Drozd et Janousek c. France et Espagne du 26 juin 1992, série A n° 240, p. 34, § 110).
33.  Quant au deuxième grief en particulier, au vu de la jurisprudence de la Cour (spécialement l’arrêt Poitrimol c. France du 23 novembre 1993, série A n° 277-A, pp. 13-14, § 31), il n’est pas douteux qu’un déni de justice est constitué lorsqu’un individu condamné in absentia ne peut obtenir ultérieurement qu’une juridiction statue à nouveau, après l’avoir entendu, sur le bien-fondé de l’accusation en fait comme en droit, alors qu’il n’est pas établi de manière non équivoque qu’il a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre. L’extradition du requérant vers les Etats-Unis serait donc susceptible de soulever un problème sous l’angle de l’article 6 de la Convention s’il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu’il ne pourrait obtenir la purge de la contumace dans cet Etat et qu’il y serait détenu en exécution de la peine prononcée en son absence.
En l’espèce, le requérant ne conteste pas que le texte de la loi du 27 janvier 1998 lui permet en principe d’être jugé une nouvelle fois en Pennsylvanie pour les faits pour lesquels il a été condamné par contumace en 1993. Il soutient que cette loi n’est pas conforme au principe de la séparation des pouvoirs tel que consacré par la Constitution de cet Etat et qu’en conséquence, la juridiction saisie en son application ne pourrait pas statuer. Il produit devant la Cour, comme devant les juridictions internes, de nombreuses déclarations sous serment émanant de praticiens du droit pennsylvanien et d’universitaires qui, indubitablement, parviennent à cette conclusion (paragraphes 15-19 des faits ci-dessus).
Selon la Cour, si ces documents confirment que des questions sérieuses se posent quant à la conformité de la loi du 27 janvier 1998 à la Constitution de Pennsylvanie, à défaut d’un constat émanant des juridictions pennsylvaniennes compétentes, ils ne démontrent pas l’inconstitutionnalité de ladite loi. On ne peut, sans entrer au fond du débat sur la constitutionnalité de cette loi, en déduire l’existence de « motifs sérieux et avérés de croire » que le requérant ne pourra obtenir la purge de la contumace en Pennsylvanie ou que le déni de justice qu’il redoute est « flagrant ». Or, à l’évidence, il n’appartenait pas à l’Etat défendeur de trancher une telle question avant d’autoriser l’extradition et il ne peut être soutenu qu’une obligation de cette nature découlait de ses obligations conventionnelles.
Dans de telles circonstances, il doit être considéré que l’Etat défendeur a rempli ses obligations au regard de l’article 6 dès lors qu’il a pu, en toute bonne foi, déduire des engagements des autorités américaines compétentes que le requérant ne sera pas amené à purger en Pennsylvanie la peine prononcée en son absence. A cet égard, la note verbale adressée le 24 septembre 1999 par l’ambassade des Etats-Unis au Gouvernement (paragraphe 13 des faits ci-dessus) conclut à la constitutionnalité de la loi dont il est question, comme ne mettant pas en cause le principe de non-rétroactivité. Si le requérant souligne avec justesse que cette note ne répond pas à la question de la compatibilité de cette loi avec le principe de la séparation des pouvoirs tel que consacré par la Constitution de Pennsylvanie, elle affirme cependant sans nuance qu’il pourra bénéficier d’un nouveau procès en Pennsylvanie en vertu de la loi en cause. La note verbale du 10 juin 1998 et la déclaration sous serment de la Procureur Abraham contiennent la même affirmation (paragraphes 12 et 13 des faits ci-dessus). En outre et surtout, le gouvernement a accordé l’extradition à la condition (notamment) que le requérant bénéficie d’un nouveau procès s’il en fait la demande à son retour en Pennsylvanie. Il pouvait légitimement en déduire que, si la juridiction pennsylvanienne ainsi saisie devait se déclarer incompétente au motif de l’inconstitutionnalité de la loi du 27 janvier 1998, le principe de spécialité de l’extradition s’opposerait à ce que le requérant demeure incarcéré aux Etats-Unis en exécution de la peine à laquelle il avait été condamné par contumace. La bonne foi du Gouvernement ne peut être mise en cause en l’espèce, s’agissant du respect du droit international par les Etats-Unis d’Amérique, dont on ne saurait soutenir qu’ils ne constituent pas un Etat de droit.
34.  Quant au troisième grief, le requérant produit plusieurs coupures de presse ainsi que la retranscription d’une émission télévisée dont il ressort clairement que son cas fait l’objet, en Pennsylvanie, d’un battage médiatique extrêmement virulent. Selon lui, les jurés appelés à le « rejuger » ne pourront avoir échappé à une telle influence, de sorte que son procès ne se déroulerait pas dans des conditions conformes à l’article 6 de la Convention.
La Cour n’exclut pas que le fait d’être jugé dans de telles circonstances puisse être susceptible de poser une question sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention. Elle rappelle cependant que, s’agissant d’une extradition, le requérant est tenu de démontrer le caractère « flagrant » du déni de justice auquel il redoute d’être exposé. En l’occurrence, il n’apporte aucun élément dont il ressortirait que, au vu des règles de procédure américaines pertinentes, il existe des « motifs sérieux et avérés de croire » que son procès se déroulerait dans des conditions contraires aux prescriptions de l’article 6.
35.  Partant, en ce qu’elle se rapporte aux griefs tirés d’une violation de l’article 6 de la Convention, la requête est manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
S. Dollé L. Loucaides   Greffière Président
Les noms des juges doivent être suivis par UNE VIRGULE et un RETOUR DE LIGNE (Shift+Retour). Lors de l’insertion des noms via Alt+S veuillez enlever, le cas échéant, le nom du suppléant ainsi que le retour de paragraphe (Retour). (Il n’y a pas d’espace entre les noms des juges et celui du greffier.)
DÉCISION EINHORN c. FRANCE
DÉCISION EINHORN c. FRANCE 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 71555/01
Date de la décision : 16/10/2001
Type d'affaire : Decision (Finale)
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6-3-d) INTERROGATION DES TEMOINS


Parties
Demandeurs : EINHORN
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2001-10-16;71555.01 ?
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