PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE MARCHI c. ITALIE
(Requête n° 44443/98)
ARRÊT
STRASBOURG
27 février 2001
DÉFINITIF
27/05/2001
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive.
En l’affaire Marchi c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Mme E. Palm, présidente, MM. B. Conforti, L. Ferrari Bravo, Gaukur Jörundsson, R. Türmen, B. Zupančič, T. Panţîru, juges, et de M. M. O’Boyle, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 février 2001,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant italien, M. Armando Marchi (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme le 8 juillet 1997 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 13 novembre 1998 sous le numéro de dossier 44443/98. Le requérant est représenté par Me V. Claut, avocat à Pordenone. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et par son coagent, M. V. Esposito.
2. La Cour a déclaré la requête recevable le 4 juillet 2000.
EN FAIT
3. Le 23 mars 1992, le requérant assigna la mairie de B. devant le tribunal de Pordenone afin d’obtenir réparation des dommages subis suite à un accident de la circulation, qui avait eu lieu selon lui, à cause du mauvais entretien de la route.
4. La mise en état de l’affaire commença le 8 mai 1992. L’audience fixée au 10 février 1993 fut reportée d’office au 4 mai 1994. L’audience du 16 novembre 1994 fut renvoyée au 5 juillet 1995 à la demande du requérant, puis au 3 juillet 1996 à celle de la défenderesse. Le jour venu, le juge de la mise en état ordonna l’audition du requérant et de témoins et fixa une audience à cette fin au 12 mai 1998.
5. A cette date, eurent lieu les auditions précédemment décidées, et le juge nomma un expert. Celui-ci prêta serment le 8 juillet 1998. L’audience suivante fut fixée au 9 décembre 1998.
6. A une date non précisée, l'affaire fut attribuée au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Le 3 mars 1999, le juge fixa l’audience pour la mise en délibéré de l’affaire au 10 novembre 1999. Toutefois cette dernière fut avancée au 27 octobre 1999.
7. Par un jugement du 14 février 2000, dont le texte fut déposé au greffe le 14 avril 2000, le tribunal fit droit à la demande du requérant et lui accorda 9 139 000 lires italiennes plus les intérêts.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
8. Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
9. La période à considérer a débuté le 23 mars 1992 et s’est terminée le 14 avril 2000.
10. Elle a donc duré plus de huit ans pour une instance.
11. La Cour rappelle avoir constaté dans de nombreux arrêts (voir, par exemple, Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V) l’existence en Italie d’une pratique contraire à la Convention résultant d’une accumulation de manquements à l’exigence du « délai raisonnable ». Dans la mesure où la Cour constate un tel manquement, cette accumulation constitue une circonstance aggravante de la violation de l’article 6 § 1.
12. Ayant examiné les faits de la cause à la lumière des arguments des parties et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » et qu’il y a là encore une manifestation de la pratique précitée.
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II. Sur l’application de l’article 41 DE LA Convention
13. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
14. Le requérant réclame 30 000 000 lires italiennes (ITL) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.
15. La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 12 000 000 ITL au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
16. Le requérant demande également 6 828 196 ITL pour les frais et dépens encourus devant la Cour.
17. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, l’arrêt Bottazzi précité, § 30). En l’espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 4 000 000 ITL pour la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
18. Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d’intérêt légal applicable en Italie à la date d’adoption du présent arrêt était de 3,5 % l’an.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
2. Dit,
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt est devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 12 000 000 (douze millions) lires italiennes pour dommage moral et 4 000 000 (quatre millions) lires italiennes pour frais et dépens ;
b) que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple de 3,5 % l’an à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au versement ;
3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 février 2001, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Michael O’Boyle Elisabeth Palm Greffier Présidente
ARRÊT MARCHI c. ITALIE
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ARRÊT «NAMEAPPLICANT» c. ITALIE
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