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30/01/2001 | CEDH | N°19276/92

CEDH | AFFAIRE CIPLAK ET AUTRES c. TURQUIE


PREMIÈRE
SECTION AFFAIRE ÇIPLAK ET
AUTRES c. TURQUIE (Requête n° 19276/92) ARRÊT STRASBOURG 30
janvier 2001 DÉFINITIF 30/04/2001 Cet arrêt deviendra définitif
dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention.
Il peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version
définitive.   En l’affaire Çiplak et autres c. Turquie, La Cour européenne des Droits de l’Homme (première
section), siégeant en une chambre composée de : Mme E. Palm, présidente,   MM. L. Ferrari Bravo,    Gaukur Jörundsson, 

  B. Zupančič,    T. Panţîru,    R. Maruste, juges,    F. Gölcüklü, juge ad hoc, 
et de M. M. O’Bo...

PREMIÈRE
SECTION AFFAIRE ÇIPLAK ET
AUTRES c. TURQUIE (Requête n° 19276/92) ARRÊT STRASBOURG 30
janvier 2001 DÉFINITIF 30/04/2001 Cet arrêt deviendra définitif
dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention.
Il peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version
définitive.   En l’affaire Çiplak et autres c. Turquie, La Cour européenne des Droits de l’Homme (première
section), siégeant en une chambre composée de : Mme E. Palm, présidente,   MM. L. Ferrari Bravo,    Gaukur Jörundsson,    B. Zupančič,    T. Panţîru,    R. Maruste, juges,    F. Gölcüklü, juge ad hoc, 
et de M. M. O’Boyle, greffier de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil
le 28 novembre 2000 et le 9 janvier 2001, Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date : PROCÉDURE 1.  A l’origine de l’affaire se trouve une
requête (n° 19276/92) dirigée contre la République de Turquie et
dont trois ressortissants de cet Etat, Kerime Çıplak, Hilmi Çıplak,
Emin Çıplak (« les requérants »), avaient saisi la Commission européenne
des Droits de l’Homme (« la Commission »)] le 26 août 1991, en vertu
de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). 2.  Les requérants sont représentés par Me
Kazım Berzeg, avocat au barreau d'Ankara. Le gouvernement turc (« le
Gouvernement ») est représenté par son agent. 3.  La requête a pour objet d'obtenir une décision
sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement
de l'Etat défendeur aux exigences de l'article 1er
du Protocole n° 1 à la Convention. 4.  La requête a été transmise à la Cour le
1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole
n° 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole n° 11). 5.  La requête a été attribuée à la première
section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci,
la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention)
a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.
A la suite du déport de M. Rıza Türmen, juge élu au titre de la Turquie (article 28), le Gouvernement a désigné M. Feyyaz Gölcüklü pour
siéger en qualité de juge ad hoc (articles 27 § 2 de la Convention et 29 § 1 du règlement). 6. Par une décision du 11 janvier 2000, la chambre
a déclaré la requête recevable. 7.  Tant les requérants que le Gouvernement ont
déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1
du règlement). 8.  Le représentant des requérants a demandé
à la Cour de joindre les différentes requêtes introduites par les
mêmes requérants. La Cour, compte tenu de ce que chaque requête pose
des problèmes juridiques de nature différent, rejette cette demande. EN FAIT I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE 9.  Les requérants, ressortissants turcs, résidaient,
à l’époque des faits, dans le village de Saraycık (à Vezirköprü,
Samsun). Ils sont agriculteurs. 10.  En mai 1987, l’Administration nationale
des eaux (« la DSİ », Devlet Su İşleri), organisme d’Etat chargé de la construction
des barrages, procéda à l’expropriation des terrains des requérants
pour construire le barrage hydro-électrique d’Altınkaya dans la
vallée de Kızılırmak. Ces terrains étaient cultivés pour la production
de riz. Ils sont aujourd’hui submergés par les eaux du lac de barrage. 11.  Des indemnités
d’expropriation fixées par une commission d’experts de la DSİ
furent versées aux requérants à la date d’expropriation. 12.  Les requérants,
en désaccord avec les montants payés par la DSİ, introduisirent,
toujours en mai 1987, des recours en augmentation de l’indemnité
d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Vezirköprü.
Ledit tribunal leur accorda des indemnités complémentaires d’expropriation
qui étaient assorties d’intérêts moratoires simples au taux légal
de 30 % l’an à calculer à partir de la date de cession des terrains
à ladite Administration. 13.  Ces jugements furent
confirmés par la Cour de cassation. 14.  La DSİ versa aux
requérants ces indemnités complémentaires dans des délais s’élevant
à dix-huit ou dix-neuf mois environ après les décisions judiciaires
définitives. Le taux d’inflation annuel en Turquie, à cette époque,
s’élevait à 70 %. 15.  Les montants des
indemnités complémentaires, les dates des arrêts de la Cour de cassation,
les montants payés aux requérants ainsi que les dates desdits paiements
sont indiqués dans le tableau ci-dessous (en prenant en considération
de la totalité des montants pour les procédures nationales qui ont
la même date de décision définitive ainsi que la même date du paiement
effectif). Montants des indemnités complémentaires (LT) (les intérêts et les frais d’avocat ne sont pas inclus) Dates des arrêts de la Cour de Cassation fixant définitivement les montants en cause Montants des indemnités complémentaires assorties d’intérêts moratoires 30 % l’an Dates des paiements 7 409 979 2 285 122 22.06.1990 18.09.1990 17 783 949 5 598 548 30.01.1992 15.03.1992 II.  LE
DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS A.  La Constitution 16.  Dans sa partie pertinente, l’article 46
de la Constitution, relatif aux expropriations, dispose: « (...) L’indemnité d’expropriation sera
versée au comptant et en espèces. (...) Au cas où la loi autoriserait
des paiements à terme (...) la fraction n’ayant pas été payée
au comptant sera assortie d’intérêts moratoires au taux maximum
prévu pour les dettes de l’Etat (...) » 17.  A l’époque des faits, le taux des intérêts
moratoires applicable aux créances de l’Etat était de 7 % par mois,
soit 84 % par an (article 51 de la loi n° 6183 portant recouvrement
des créances de l’Etat et arrêté n° 89/14915 du Conseil des ministres). B.  La loi n° 3095 du 4 décembre 1984 18.  En vertu de la loi n° 3095, le taux des intérêts
moratoires dus pour le retard dans le règlement des dettes de l’Etat
était de 30 % l’an à l’époque des faits. C.  Le code des obligations 19.  L’article 105 du code des obligations prévoit : « Quand les préjudices subis par le créancier
dépassent les intérêts moratoires des jours de retard et que le débiteur
ne peut pas démontrer que le créancier a commis une faute, la réparation
du préjudice est à la charge du débiteur. Si le préjudice supplémentaire peut être estimé
de façon immédiate, le juge peut en fixer le montant au moment de
rendre sa décision sur le fond. » D.  La jurisprudence de la Cour de cassation 20.  Le 3 juin 1991, la cinquième chambre civile
de la Cour de cassation, compétente en matière d’indemnité d’expropriation,
s’est prononcée en ces termes : « Ce qui compense le retard dans le règlement
des créances, ce sont les intérêts moratoires. Etant donné que la
voie d’exécution forcée permet au créancier de demander ce qui
lui est dû, majoré des intérêts, ce dernier n’est pas en droit
d’exiger une autre compensation à titre indemnitaire; partant, la
décision faisant droit à la demande du créancier, au motif que le
taux de l’inflation était élevé, s’avère mal fondée (...) » 21.  Le 23 février 1994 (arrêt E: 1993/5-600,
K: 1994/80), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a statué
ainsi : « La loi n° 3095 a été approuvée et est entrée
en vigueur alors que l’inflation dans le pays était forte, avec un
taux qui dépassait largement 30 %. Malgré cela, le législateur a
voulu que le taux des intérêts moratoires soit de 30 %. Pour ce motif,
dans l’affaire examinée, il n’est pas conforme au droit, en invoquant
les intérêts attachés aux dépôts bancaires, de dépasser l’intérêt
composé de 30 % par une voie détournée. » 22.  Le 19 juin 1996, l’assemblée plénière
de la Cour de cassation tranchant la question de l’applicabilité
de l’article 105 du Code des obligations s’est prononcée en ces
termes : « (…) le taux d’intérêt prévu par la loi
n° 3095 (…) est une indemnité forfaitaire couvrant les dommages
sans qu’il y ait besoin de les démontrer (…). Dès lors que le
taux des intérêts moratoires (le préjudice dû au retard dans le
paiement) est fixé par la loi, en tenant compte des problèmes économiques (inflation, baisse de la valeur monétaire (…)) dans lesquels le pays
se trouve, il est impossible de faire valoir les mêmes éléments (inflation,
baisse de la valeur monétaire (…)) en tant que preuves évidentes
du préjudice excédentaire évoqué à l’article 105 du code des
obligations, ni d’affirmer que les désavantages qui en résultent
constituent le préjudice réel subi. Sinon, le constat du législateur
que la contrepartie desdits désavantages serait de 30 %, n’aurait
plus aucun sens. Lorsque le législateur, en considérant l’ensemble
des problèmes économiques, a fixé, en vertu du pouvoir législatif
que lui confère la Constitution, le taux de la réparation du dommage
issu desdits problèmes, on ne saurait accepter que le dommage à réparer
ne s’élève pas à 30 %, mais à 60 ou 70 %, au motif implicite que
ladite appréciation [du législateur] s’avérerait mal fondée. (…)
Il est évident que l’inflation qui se fait considérablement sentir
dans la conjoncture économique actuelle de notre pays, excède [le
taux de] 30 % prévu par (…) la loi n° 3095, et que [par conséquent]
le préjudice subi par le créancier du fait d’un règlement tardif
demeure non couvert. Toutefois, ce préjudice excédant le taux de 30 %
fixé par le législateur n’est pas celui dont il est question à
l’article 105 du code des obligations (…). Lorsque le législateur,
en vertu de son pouvoir législatif, a considéré que ledit dommage
s’élèverait à 30 %, l’augmentation de celui-ci à des taux plus
élevés par une décision judiciaire, au motif que l’inflation dépasse
les 30 %, constituerait un empiétement de compétence (…) » E.  Données économiques 23.  Le taux d’inflation annuel en Turquie, à
l’époque des faits, s’élevait à 70 %. Les effets de l’inflation
en Turquie sont indiqués sur les indices des prix de détail publiés
par l’Institut des statistiques de l’Etat. D’après la liste pertinente,
en prenant le chiffre «100» comme indice de base pour les périodes
où les dettes de l’Administration ont été définitivement fixées
par la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus), l’indice de l’inflation
aux périodes de versement de ces dettes atteint les chiffres «229,4»
et «239,4» (paragraphe 14 ci-dessus). EN DROIT I.   SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1er
DU PROTOCOLE N° 1 24.  Les requérants se plaignent d’une atteinte
à leur droit au respect de leurs biens en raison du retard de l’administration
dans le paiement des indemnités complémentaires, assorties d’intérêts
moratoires insuffisants par rapport au taux d’inflation très élevé
en Turquie. Ils invoquent à cet égard l’article 1er
du Protocole n° 1, ainsi libellé : « Toute personne physique ou morale a droit au
respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que
pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par
la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas
atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les
lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens
conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement
des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. » 25.  Les requérants font observer que les montants
des indemnités complémentaires assorties d’un intérêt moratoire
de 30 % l’an leur furent versés les 30 janvier et 15 mars 1992, à
savoir dix-huit et dix-neuf mois après les décisions de la Cour de
cassation. Ils soutiennent avoir subi une perte due à la forte dépréciation
monétaire pendant ces périodes. Enfin, ils déplorent l’absence
en droit turc de dispositions permettant l’exécution forcée pour
des dettes de l’Etat envers des particuliers. 26.  Le Gouvernement marque
son désaccord. Il rappelle que l’Etat a versé aux requérants leurs
indemnités avant de prendre possession des terrains, ainsi que leurs
indemnités complémentaires majorées de 30 % d’intérêts, après
les décisions de la Cour de cassation (paragraphe 15 ci-dessus). A
supposer même que ces montants ne tiennent pas compte de l’inflation,
ils se fondent sur la jurisprudence de la Cour : si les indemnités
sont raisonnablement proportionnelles à la valeur des propriétés
saisies, les conditions énoncées à l’article 1 du Protocole n°
1 se trouvent remplies. Il en est particulièrement ainsi lorsqu’il
s’agit de projet de grande envergure profitant à des milliers de
personnes; reconnaître à la charge de l’Etat une obligation d’indemnisation
intégrale gênerait celui-ci dans la réalisation de tels projets.
De plus, les requérants ne sauraient prétendre, en l’espèce, qu’ils
ont supporté une « charge spéciale et exorbitante » car ils n’ont
pas, à leurs risques et périls, usé de la possibilité que leur offrait
l’article 105 du code des obligations. 27.  Enfin, le Gouvernement
se prévaut de sa grande marge d’appréciation dans la fixation et
l’application des taux d’intérêt qui feraient partie intégrante
de sa politique en matière de création et de bonne gestion des services
publics. Or le taux d’intérêt élevé perçu sur les créances de
l’Etat vise à assurer que le fonctionnement des services publics
ne soit pas interrompu et constitue aussi une sorte d’imposition indirecte,
fixée délibérément par le législateur dans l’exercice de ses
compétences. 28.  La Cour observe que
les requérants, expropriés de leurs terrains, se sont vus reconnaître
des indemnités qui leur furent versées à la date de l’expropriation,
et que le tribunal de grande instance leur accorda ensuite des indemnités
complémentaires assorties d’intérêts moratoires au taux de 30 %
l’an à compter de cette date (paragraphe 15 ci-dessus). 29.  La Cour note tout d’abord
que le litige porte exclusivement sur les préjudices prétendument
subis par les requérants en raison du retard de l’administration
à leur verser les indemnités dues, mais non pas sur les montants des
indemnités d’expropriation versés par la DSİ ni sur les indemnités
complémentaires fixées par les juridictions internes. 30.  A cet égard, la Cour
a déjà jugé que le caractère adéquat d’un dédommagement diminuerait
si le paiement de celui-ci faisait abstraction d’éléments susceptibles
d’en réduire la valeur, tel l’écoulement d’un laps de temps
que l’on ne saurait qualifier de raisonnable (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Raffineries grecques Stran et
Stratis Andreadis c. Grèce du 9 décembre 1994, série A n° 301-B,
p. 90, § 82). Un retard anormalement long dans le paiement d’une
indemnité dans le domaine de l’expropriation a pour conséquence
d’aggraver la perte financière de la personne expropriée et de la
placer dans une situation d’incertitude, surtout si l’on tient compte
de la dépréciation monétaire dans certains Etats (voir l’arrêt
Akkuş c. Turquie du 9 juillet 1997, Recueil 1997-IV, pp. 1309-1310, § 29). 31.  Considérant la cause
dans son ensemble, la Cour observe que la situation dont se plaignent
les requérants relève de leur « droit au respect de leurs biens»,
eu égard à sa jurisprudence déjà établie en la matière (voir notamment
l’arrêt Akkuş précité, pp. 1303 et suiv., et également l’arrêt
Aka c. Turquie du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VI, pp. 2680 et suiv.), elle doit chercher si
un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l’intérêt
général et les impératifs des droits fondamentaux de l’individu.
A ce titre, il y a lieu de prendre en considération les modalités
d’indemnisation prévues par la législation nationale et la manière
dont elles ont été appliquées dans le cas des requérants (arrêt
Lithgow et autres c. Royaume-Uni du 8 juillet 1986, série A n° 102,
p. 50, § 120). 32.  En l’espèce, la
Cour constate que les montants des indemnités complémentaires assorties
d’un intérêt moratoire de 30 % l’an ont été versés aux intéressés
les 30 janvier et 15 mars 1992, c’est-à-dire dix-huit et dix-neuf
mois après les décisions de la Cour de cassation et alors que l’inflation
en Turquie à cette époque atteignait en moyenne 70 % l’an et que
le taux des intérêts moratoires applicable aux créances de l’Etat
était de 84 % par an pour la même période. La Cour estime que le
décalage entre la valeur des créances des requérants lors de sa détermination
par la Cour de cassation et la valeur lors des paiements effectifs –
décalage attribuable aux seuls manquements de l’administration expropriante – a fait subir aux requérants un préjudice distinct s’ajoutant
à l’expropriation de leurs terrains (voir, l’arrêt Akkuş précité,
p. 1310, §§ 30-31). 33.  En différant de dix-huit
à dix-neuf mois les paiements des indemnités complémentaires, les
autorités nationales ont rompu, au détriment des requérants, l’équilibre
devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences
de l’intérêt général. 34.  En conclusion, il y
a eu violation de l’article 1er du Protocole n° 1 à la
Convention. II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE
41 DE LA CONVENTION 35.  Aux termes de l’article
41 de la Convention, « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation
de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la
Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement
les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée,
s’il y a lieu, une satisfaction équitable. » A.  Dommage matériel et moral 36.  Les requérants affirment avoir subi une perte
pécuniaire en raison du paiement tardif des indemnités complémentaires
et ils demandent à la Cour de leur reconnaître un préjudice matériel
calculé en dollars, en tenant compte d’une inflation cumulative de
70 % l’an. 37.  Le Gouvernement ne se prononce pas. 38.  La Cour note que le tribunal de grande instance
accorda aux requérants des indemnités complémentaires assorties d’intérêts
moratoires simples au taux de 30 % l’an à calculer à partir de la
date de cession desdits terrains à la DSİ. Ces jugements furent confirmés
par la Cour de cassation les 22 juin et 18 septembre 1990. 39.  Selon la méthode déjà adoptée dans l’arrêt
Akkuş (voir, l’arrêt Akkuş précité, p. 1311, § 35) la Cour considère
que, pour apprécier les préjudices matériels subis par les requérants,
il faut prendre en considération la différence entre les montants
effectivement versés aux requérants et ceux qu’ils auraient reçus
si leur créance avait été ajustée pour tenir compte de l’érosion
monétaire pendant la période tardive (paragraphe 14 ci-dessus), à
raison d’un taux d’inflation de l’ordre de 70 % l’an. 40.  Ayant procédé à son propre calcul à la
lumière des données économiques pertinentes dont elle dispose (paragraphe
23 ci-dessus), la Cour convient d’octroyer aux requérants une indemnité
totale de 2 774 USD, à convertir en livres turques au taux applicable
à la date du règlement. 41.  La Cour, comme elle s’est déjà prononcée
dans les arrêts Akkuş et Aka (arrêt Akkuş déjà précité et arrêt
Aka c. Turquie du 23 septembre 1998), considère que les requérants ont
subi un préjudice moral en raison d’avoir été privés de leurs
terrains, lesquels étaient leur seul moyen de subsistance et de refuge.
Statuant en équité, elle leur accorde en conséquence 1 000 USD à
chacun au titre de dommage moral, quel que soit le nombre de procédures
nationales concernant leurs biens expropriés dans le cadre de la construction
du barrage d’Altınkaya. B.  Frais et dépens 42.  Les requérants sollicitent 8 000 USD à titre
de frais et dépens relatifs  aux procédures nationales et à
celles de la Convention. Cependant cette demande
n'a pas été appuyée par des justificatifs. 43.  Le Gouvernement ne se prononce pas.  44.  A la lumière des critères posés par la
jurisprudence, la Cour juge en équité qu’il y a lieu d’accorder
aux requérants une somme totale de 300 USD. C.  Intérêts moratoires 45.  La Cour estime approprié de fixer à 6 %
le taux annuel des intérêts moratoires sur les sommes octroyées en
dollars américains.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ, 1.  Dit, qu’il y a eu violation de l’article 1er
du Protocole n° 1 à la Convention ; 2.  Dit, a) que l’Etat
défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter
du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2
de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en livres turques
au taux applicable à la date du règlement : i.  2 774 (deux mille sept cent soixante
quatorze) dollars américains en réparation du préjudice matériel ; ii.  pour chaque requérant 1 000 (mille)
dollars américains pour dommage moral, soit au total 3 000 (trois mille)
dollars américains ; iii.  300 (trois cents) dollars américains
pour frais et dépens ; b) que ces montants seront à majorer d’un
intérêt simple de 6 % l’an
à compter de l’expiration
dudit délai et jusqu’au versement ; 3. Rejette, la demande de satisfaction équitable pour le surplus. Fait en français, puis communiqué
par écrit le 30 janvier 2001 en application de l’article 77 §§
2 et 3 du règlement de la Cour.  Michael O’Boyle Elisabeth Palm   Greffier Présidente ARRÊT ÇIPLAK
c. TURQUIE ARRÊT ÇIPLAK
c. TURQUIE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 19276/92
Date de la décision : 30/01/2001
Type d'affaire : Arrêt (Au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de P1-1 ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens

Parties
Demandeurs : CIPLAK ET AUTRES
Défendeurs : TURQUIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2001-01-30;19276.92 ?
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