La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2000 | CEDH | N°40111/98

CEDH | AFFAIRE GERGOUIL c. FRANCE


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE GERGOUIL c. FRANCE
(Requête n° 40111/98)
ARRÊT
STRASBOURG
21 mars 2000
DÉFINITIF
21/06/2000
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le recueil officiel contenant un choix d’arrêts et de décisions de la Cour.
En l’affaire Christian Gergouil c. la France,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre c

omposée de :
Sir Nicolas Bratza, président,   M. J.-P. Costa,   Mme F. Tulkens,   M. W. Fuhrma...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE GERGOUIL c. FRANCE
(Requête n° 40111/98)
ARRÊT
STRASBOURG
21 mars 2000
DÉFINITIF
21/06/2000
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le recueil officiel contenant un choix d’arrêts et de décisions de la Cour.
En l’affaire Christian Gergouil c. la France,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Sir Nicolas Bratza, président,   M. J.-P. Costa,   Mme F. Tulkens,   M. W. Fuhrmann,   M. K. Jungwiert,   M. K. Traja,   M. M. Ugrekhelidze, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 21 septembre 1999 et le 7 mars 2000,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République française et dont un ressortissant français, M. Christian Gergouil (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 15 décembre 1997, en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 4 mars 1998 sous le numéro de dossier 40111/98. Le gouvernement français (« le Gouvernement » ) a été représenté par son agent, M. Yves Charpentier, sous-directeur des droits de l’homme au ministère des Affaires étrangères, auquel a succédé Mme Michèle Dubrocard.
2.  Sous l’angle des articles 6 § 1, 8 et 13 de la Convention, le requérant se plaignait de la durée d’une procédure prud’homale.
3.  Par une décision du 21 octobre 1998, la Commission (deuxième chambre) a décidé de porter le grief tiré de la durée de la procédure à la connaissance du gouvernement, en l’invitant à présenter par écrit des observations sur sa recevabilité et son bien-fondé. Elle a déclaré la requête irrecevable pour le surplus. Le Gouvernement a présenté ses observations le 23 février 1999 et le requérant a présenté les siennes le 7 avril 1999.
4.  A la suite de l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 le 1er novembre 1998, et conformément à l’article 5 § 2 de celui-ci, l’affaire est examinée par la Cour.
5.  Conformément à l’article 52 § 1 du règlement de la Cour (« le règlement »), le président de la Cour, M. L. Wildhaber, a attribué l’affaire à la troisième section.
6.  Le 21 septembre 1999, la chambre a déclaré le restant de la requête recevable.
EN FAIT
7.  Le 1er novembre 1990, le requérant fut embauché par la société « GOLF ET COUNTRY CLUB DE LA MAISON BLANCHE » en qualité d’assistant mécanicien. Il fut licencié le 26 août 1993, pour « incompatibilité de relations humaines et professionnelles avec [son] responsable hiérarchique (...) entraînant une dégradation du travail de l’ensemble du personnel (...) ».
8.  Contestant son licenciement et revendiquant le statut de cadre, le requérant saisit le conseil des prud’hommes d’Oyonnax le 14 octobre 1993.
9.  Le 4 novembre 1993, le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, constatant l’absence de conciliation des parties, renvoya l’affaire devant le bureau de jugement.
10.  Le 10 mars 1994, le conseil des prud’hommes condamna la société à verser au requérant une somme correspondant à la rémunération d’heures supplémentaires travaillés par celui-ci, et débouta le requérant de ses autres demandes. Le 30 mars 1994, le requérant interjeta appel de cette décision. Il déposa ses conclusions le 31 mai 1995, et son adversaire y répondit le 22 juin 1995.
11.  Par arrêt du 7 septembre 1995, la cour d'appel de Lyon confirma la décision attaquée en toutes ses dispositions.
12.  Le 6 novembre 1995 le requérant se pourvut en cassation. Il déposa son mémoire ampliatif le 23 janvier 1996, et son adversaire y répondit le 22 mars 1996. Le conseiller rapporteur, désigné le 2 mai 1997, déposa son rapport le 5 juin 1997. L’audience eut lieu le 12 novembre 1997.
13.  Le 7 janvier 1998, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant.
EN DROIT
i. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
14.  Le requérant dénonce la durée de la procédure devant les juridictions civiles et allègue une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
15.  Le Gouvernement affirme que l’affaire présentait une certaine complexité, les juges du fond ayant dû procéder à une interprétation délicate du Code du travail et de la Convention collective des entreprises paysagistes. Le Gouvernement note en outre que le requérant a contribué à ralentir la procédure, en mettant notamment du retard pour déposer ses conclusions devant la cour d’appel. Quant au comportement des autorités judiciaires saisies, le Gouvernement affirme que seule la procédure devant la Cour de cassation connut un ralentissement, notamment en raison de la désignation tardive du conseiller rapporteur, lequel déposa néanmoins son rapport un mois après sa désignation. Le Gouvernement considère qu’une évaluation globale de la durée de la procédure permet de conclure à son caractère raisonnable, nonobstant le ralentissement observé au stade de la Cour de cassation.
1. Période à prendre en considération
16.  La période à considérer a débuté le 14 octobre 1993 et a pris fin le 7 janvier 1998. Elle a donc duré quatre ans, deux mois et vingt-quatre jours.
2. Caractère raisonnable de la durée de la procédure
17.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, les arrêts Richard c. France du 22 avril 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 824, § 57, et Doustaly c. France du 23 avril 1998, Recueil 1998-II, p. 857, § 39).
18.  La Cour estime que l’affaire ne présentait pas de complexité particulière. Quant au comportement des parties, elle note que le requérant a mis plus d’un an et deux mois pour déposer ses conclusions devant la cour d’appel et que le dépôt des conclusions des parties devant la Cour de cassation s’est étalé sur une période de plus de quatre mois. Le Gouvernement ne saurait être tenu responsable pour ces délais.
19.  La Cour rappelle à cet égard que seules les lenteurs imputables à l’État peuvent amener à conclure à l’inobservation du « délai raisonnable » (voir, entre autres, l’arrêt Proszak c. Pologne du 16 décembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VIII, p. 2774, § 40).
20.  Elle note que l’instance devant la Cour de cassation s’est étalée sur deux ans, deux mois et un jour ; il s’agit assurément d’une période assez longue. Toutefois, à l’exception de ce manquement à la célérité de la procédure, la Cour ne voit aucune période importante d’inactivité imputable aux autorités internes. En effet, elle considère que la durée de la procédure devant le conseil des prud’hommes (quatre mois et vingt-sept jours) et la cour d’appel (un an, cinq mois et huit jours) ne prête pas à critique. Eu égard à la durée globale de la procédure, la Cour estime que les autorités ont fait preuve de toute la diligence requise dans la conduite de l’affaire du requérant.
21.  Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
par ces motifs, la cour
Dit, par 5 voix contre 2, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 mars 2000 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
S. Dollé N. Bratza   Greffière Président
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement de la Cour, l’exposé de l’opinion dissidente commune suivante : de Sir Nicolas Bratza et de Mme F. Tulkens.
N. B.  S. D.
OPINION DISSIDENTE
COMMUNE AUX JUGES BRATZA ET TULKENS
A la lumière des critères dégagés par la jurisprudence de la Cour en matière de délai raisonnable, nous ne partageons pas l’avis de la majorité selon lequel il n’y a pas eu, en l’espèce, violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
1. Dans cette affaire, le requérant contestait son licenciement. Or, lorsqu’il s’agit d’un contentieux lié au travail, l’enjeu du litige requiert une diligence particulière.
2. La procédure litigieuse a débuté le 14 octobre 1993 et s’est terminée le 7 janvier 1998, soit un peu plus de quatre ans après. Ni la complexité de l’affaire, ni le comportement des parties ne nous paraissent justifier un tel délai. En outre nous constatons un ralentissement important de la procédure devant la Cour de cassation, qui à elle seule a duré plus de deux ans, en raison de la désignation tardive du conseiller rapporteur.
ARRÊT Gergouil du 21 mars 2000 
ARRÊT Gergouil 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 40111/98
Date de la décision : 21/03/2000
Type d'affaire : Arrêt (Au principal)
Type de recours : Non-violation de l'Art. 6-1

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE CIVILE


Parties
Demandeurs : GERGOUIL
Défendeurs : FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2000-03-21;40111.98 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award