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10/02/1993 | CEDH | N°11491/85

CEDH | AFFAIRE ZANGHÌ c. ITALIE (ARTICLE 50)


COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE ZANGHÌ c. ITALIE (ARTICLE 50)
(Requête no11491/85)
ARRÊT
STRASBOURG
10 février 1993
En l’affaire Zanghì c. Italie*,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention")** et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM.  J. Cremona, président,
Thór Vilhjálmsson,
Mme  D. Bindschedler-Robert,
M

.  F. Gölcüklü,
Sir  Vincent Evans,
MM.  C. Russo,
N. Valticos,
S.K. Martens,
J.M. Morenilla,
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COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE ZANGHÌ c. ITALIE (ARTICLE 50)
(Requête no11491/85)
ARRÊT
STRASBOURG
10 février 1993
En l’affaire Zanghì c. Italie*,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention")** et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM.  J. Cremona, président,
Thór Vilhjálmsson,
Mme  D. Bindschedler-Robert,
M.  F. Gölcüklü,
Sir  Vincent Evans,
MM.  C. Russo,
N. Valticos,
S.K. Martens,
J.M. Morenilla,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 23 septembre 1992 et 1er février 1993,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCEDURE ET FAITS
1. L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") le 16 février 1990. A son origine se trouve une requête (no 11491/85) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Claudio Zanghì, avait saisi la Commission le 16 avril 1985.
2. Pour les faits de la cause, il échet de se reporter aux paragraphes 9 à 14 de l’arrêt rendu le 19 février 1991 (série A no 194-C, p. 45). La Cour y a relevé une violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention car une procédure civile, engagée le 3 avril 1982, demeurait pendante nonobstant son défaut de complexité (ibidem, pp. 46-47, paras. 18-21 des motifs et point 1 du dispositif). Elle n’a pas jugé nécessaire d’examiner de surcroît le grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1) (ibidem, p. 47, paras. 22-23 des motifs et point 2 du dispositif).
3. M. Zanghì n’avait formulé aucune revendication pécuniaire du chef de l’infraction à l’article 6 par. 1 (art. 6-1), ni réclamé le remboursement des frais et honoraires supportés devant la Commission puis la Cour. Il avait en revanche sollicité une indemnité de 7 950 000 lires italiennes pour le préjudice matériel résultant du manquement allégué aux exigences de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1).
La Cour a rejeté cette prétention en l’état: les juridictions nationales gardaient la possibilité d’effacer les conséquences patrimoniales du dépassement du délai raisonnable (ibidem, pp. 47-48, paras. 24-26 des motifs et point 3 du dispositif).
4. Par un arrêt du 31 mai 1990, déposé à son greffe le 25 juin 1990 et devenu définitif le 26 septembre 1991, la cour d’appel de Catane a débouté Mme D. et accordé à l’intimé, M. Zanghì, une indemnité de 298 000 lires, correspondant à la valeur d’une parcelle de terrain abusivement occupée par son adversaire.
Le requérant a informé de cette décision le greffe de la Cour européenne le 24 mai 1991; il lui en a fourni le texte le 27 janvier 1992.
5. Ainsi que le président l’y avait autorisé, l’intéressé a communiqué ses demandes de satisfaction équitable le 18 septembre 1991.
  Les 11 et 23 mars 1992, le Gouvernement puis la Commission ont fait parvenir leurs observations; le requérant y a répondu le 21 avril.
6. Le 23 septembre 1992, la Cour a réinscrit l’affaire au rôle et décidé de ne pas tenir audience.
7. M. R. Ryssdal se trouvant empêché de participer à la délibération du 1er février 1993, M. J. Cremona l’a remplacé à la tête de la chambre (article 21 par. 5, second alinéa, du règlement) et Sir Vincent Evans, suppléant, en qualité de membre de celle-ci (articles 22 par. 1 et 24 par. 1).
EN DROIT
8. Aux termes de l’article 50 (art. 50),
"Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."
9. M. Zanghì soutient que le rejet par la Cour, "en l’état", de ses précédentes prétentions s’expliquait par l’absence de décision interne définitive et par la possibilité, pour les autorités compétentes, d’effacer le préjudice patrimonial résultant du dépassement du délai raisonnable. La situation ayant changé entre-temps (paragraphe 4 ci-dessus), il prie la Cour de lui allouer 13 057 862 lires - somme à réévaluer et à majorer des intérêts légaux jusqu’à la date du paiement - en réparation du "dommage immobilier subi pendant la période correspondant à la durée excessive de la procédure" (lettre du 18 septembre 1991, par. 11).
10. Le Gouvernement conclut au débouté, car la nouvelle demande coïnciderait avec la première. En ordre subsidiaire, il plaide la forclusion, le requérant ayant déclaré, dans son mémoire du 16 juillet 1990, renoncer à toute indemnité liée à la violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
11. Quant à la Commission, elle note d’emblée qu’il ne lui appartient pas d’interpréter l’arrêt du 19 février 1991. Elle s’étonne que M. Zanghì ait négligé de signaler à la Cour, pendant l’audience du 3 octobre 1990, que la cour d’appel de Catane avait statué quatre mois auparavant: il ne s’agirait pas d’une question de simple courtoisie mais de l’obligation, pour les parties, d’informer la Cour de tout fait pertinent pour l’examen d’une cause. Elle exprime enfin l’opinion que le passage en force de chose jugée d’un arrêt, immédiatement exécutoire de surcroît, ne saurait justifier une nouvelle décision sur le terrain de l’article 50 (art. 50).
12. N’ayant pas estimé nécessaire de statuer sur le grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1), la Cour note que les conséquences patrimoniales d’une atteinte au droit du requérant au respect de ses biens ne sauraient entrer ici en ligne de compte. Quant à celles qui découlent de la violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, constatée par elle le 19 février 1991, elle a relevé à l’époque, nonobstant l’absence de demande de satisfaction équitable y relative, que les juridictions italiennes gardaient la possibilité de les effacer. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Catane le 31 mai 1990, et dont le requérant ne lui a communiqué le texte que le 27 janvier 1992, n’est pas de nature à exiger un réexamen de la décision prononcée le 19 février 1991.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
Rejette, par huit voix contre une, les demandes de satisfaction équitable du requérant.
Fait en français et en anglais, puis communiqué par écrit le 10 février 1993 en application de l’article 55 par. 2, second alinéa, du règlement.
John CREMONA
Président
Marc-André EISSEN
Greffier
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51 par. 2 (art. 51-2) de la Convention et 53 par. 2 du règlement, l’exposé de l’opinion dissidente de Mme Bindschedler-Robert.
J. C.
M.-A. E.
OPINION DISSIDENTE DE MME LE JUGE BINDSCHEDLER-ROBERT
Je me joins à la Cour
- lorsqu’elle admet - implicitement - que le rejet de la demande de réparation équitable, prononcé "en l’état" dans son arrêt du 19 février 1991, n’était que provisoire;
- lorsqu’elle considère - toujours implicitement - que la question à trancher par elle est celle des dommages résultant pour le requérant de la violation de l’article 6 (art. 6), reconnaissant ainsi qu’il n’y a pas lieu de déclarer celui-ci forclos parce qu’il aurait invoqué à l’époque, à l’appui de sa demande, l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1) et non l’article 6 (art. 6) de la Convention, et tenant donc compte de ce qu’elle-même a dit, dans son arrêt du 19 février 1991, ne pas juger nécessaire d’examiner le grief tiré du second de ces textes, vu les circonstances de la cause et le constat d’une violation du premier pour dépassement du "délai raisonnable";
- lorsqu’elle s’abstient de tirer des conséquences défavorables pour le requérant de ce qu’il ne lui a pas communiqué, avant le prononcé de l’arrêt du 19 février 1991, le texte de celui de la cour d’appel de Catane, tenant compte ainsi du fait que ce dernier n’est entré en force de chose jugée que le 26 septembre 1991, soit après le prononcé de son propre arrêt.
A mon grand regret, je me vois pourtant amenée à me séparer de la majorité lorsqu’elle déclare que l’arrêt de la cour d’appel de Catane "n’est pas de nature à exiger un réexamen de la décision prononcée le 19 février 1991" et qu’elle rejette donc les demandes de satisfaction équitable du requérant, cette fois d’une manière définitive.
Il est vrai que la cour d’appel de Catane, confirmant le jugement du tribunal civil de Catane, a condamné la défenderesse, Mme D., à payer au requérant une indemnité de 298 000 lires. Cependant, l’analyse de l’arrêt montre que cette indemnité portait sur les dommages matériels causés par l’érection du mur de clôture - lesquels n’entrent pas en ligne de compte sous l’angle de l’article 6 (art. 6). La cour d’appel confirme bien l’existence d’un "droit de vue" constituant une servitude au profit du requérant, mais elle ne recherche pas si des dommages auraient découlé de la privation temporaire de ce droit, en quoi ils auraient consisté ni quel en serait le montant. Du reste, même si l’indemnité accordée l’avait été au titre de tels dommages, la question se poserait de savoir dans quelle mesure elle correspond aux exigences de l’article 50 (art. 50). A mon avis, elle est si minime que la réponse à cette question ne peut être que négative.
En conclusion, je suis principalement de l’avis que la Cour aurait dû examiner la portée de l’arrêt de la cour d’appel de Catane par rapport à l’article 50 (art. 50). J’estime en outre que l’indemnité confirmée par ledit arrêt ne se rapportant pas au dommage subi du fait de la privation prolongée du droit de vue, et l’indemnité accordée étant au demeurant trop minime pour satisfaire aux exigences de l’article 50 (art. 50), il appartenait à la Cour de condamner l’Etat italien à verser une certaine indemnité à titre de réparation équitable.
* L'affaire porte le n° 3/1990/194/254.  Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
** Tel que l'a modifié l'article 11 du Protocole n° 8 (P8-11), entré en vigueur le 1er janvier 1990.
MALONE v. THE UNITED KINGDOM JUGDMENT
ARRÊT ZANGHÌ c. ITALIE (ARTICLE 50)
ARRÊT ZANGHÌ c. ITALIE (ARTICLE 50)
ARRÊT ZANGHÌ c. ITALIE (ARTICLE 50)
OPINION DISSIDENTE DE MME LE JUGE BINDSCHEDLER-ROBERT
ARRÊT ZANGHÌ c. ITALIE (ARTICLE 50)
OPINION DISSIDENTE DE MME LE JUGE BINDSCHEDLER-ROBERT


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 11491/85
Date de la décision : 10/02/1993
Type d'affaire : Arrêt (Satisfaction équitable)
Type de recours : Dommage matériel - demande rejetée

Analyses

(Art. 14) FORTUNE, (Art. 41) SATISFACTION EQUITABLE-{GENERAL}


Parties
Demandeurs : ZANGHÌ
Défendeurs : ITALIE (ARTICLE 50)

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1993-02-10;11491.85 ?
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