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01/07/1992 | CEDH | N°15178/89

CEDH | FOLLET contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 15178/89 présentée par Roger FOLLET contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er juillet 1992 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G. H. THUNE

MM. F. MARTINEZ L. LOUCAID...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 15178/89 présentée par Roger FOLLET contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er juillet 1992 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre G. JÖRUNDSSON A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G. H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 2 octobre 1988 par Roger FOLLET contre la France et enregistrée le 28 juin 1989 sous le No de dossier 15178/89 ; Vu la décision de la Commission, en date du 1er juillet 1991, de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur et d'inviter ce dernier à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 20 novembre 1991 et la réponse du requérant le 18 mars 1992 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits de la cause, tels qu'exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit : Le requérant, de nationalité française, est né en 1924. Il est ingénieur à la retraite et réside à Issy-les-Moulineaux. Le 19 octobre 1973, le président du tribunal de commerce de Versailles ordonnait la citation du requérant devant le tribunal afin qu'il soit statué sur son éventuelle faillite personnelle. Par jugement du 8 mai 1974, le tribunal de commerce de Versailles prononça la faillite personnelle du requérant, gérant de la société commerciale F.M.O. mise en liquidation de biens. Par arrêt du 28 avril 1975, la cour d'appel de Paris confirmait le jugement entrepris. Cet arrêt fut signifié au requérant en forme exécutoire le 26 septembre 1986, soit onze ans et cinq mois après qu'il eût été rendu à la requête du syndic à la liquidation des biens de la société F.M.O.. Le 26 novembre 1986, le requérant déposait un pourvoi en cassation. Il déposait son mémoire ampliatif le 27 avril 1987, alléguant plusieurs atteintes au principe du contradictoire. Le défendeur, ès qualité de syndic à la liquidation des biens de la société F.M.O., constituait avocat le 23 juin 1987 et déposait son mémoire en défense le 16 octobre 1987. L'audience de la Cour de cassation eut lieu le 22 mars 1988 et l'arrêt de rejet fut rendu le 3 mai 1988. Entre-temps, par jugement du tribunal d'instance de Vanves (Hauts-de-Seine) du 25 février 1983, le requérant, qui en 1982 avait vu sa demande d'inscription sur les listes électorales rejetée par la commission administrative de la commune d'Issy-les-Moulineaux au motif qu'il était "privé de la capacité électorale selon les informations communiquées par les greffes des tribunaux", se vit reconnaître le droit d'être réinscrit sur la liste électorale de cette ville. Dans les motifs de cette décision, le tribunal notait en particulier qu'il résultait "d'un courrier officiel émanant de Monsieur le Procureur Général près la Cour d'appel de Paris que la condamnation à la faillite personnelle prononcée contre le [requérant] le 28 avril 1975 par la 3e chambre de la Cour d'appel de Paris n'a jamais été signifiée à l'intérsesé et n'a donc pu revêtir à son encontre un caractère définitif".
GRIEFS Le requérant se plaint que sa cause n'a pas été entendue équitablement dans la mesure où un rapport d'expert commis par le juge commissaire ne lui avait pas été communiqué. Il se plaint également que sa cause n'a pas été jugée dans un délai raisonnable et souligne que l'arrêt de la cour d'appel lui a été signifié onze ans et cinq mois après le prononcé de la déclaration de faillite. Il invoque, à l'appui de ces griefs, l'article 6 de la Convention. Le requérant allègue également que le maire de sa ville de résidence est à l'origine de sa radiation des listes électorales ainsi que de la signification de la décision de la cour d'appel de Paris dans le but de l'empêcher de se présenter aux élections municipales. Il invoque, à cet égard, la violation de l'article 14 de la Convention. Le requérant se plaint enfin d'avoir subi des tortures morales, traitements et procédés inhumains, dégradants et vexatoires de la part de la Cour de cassation qui a refusé de constater la nullité de la procédure de la cour d'appel pour débats non contradictoires et a toléré sa radiation des listes électorales. Il fait valoir également que la Cour de cassation n'a pas respecté les droits de la défense, et de ce fait a porté atteinte à sa vie privée. Il invoque les articles 3, 8 et 13 de la Convention.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 2 octobre 1988 et enregistrée le 28 juin 1989. Le 1er juillet 1991, la Commission a décidé d'inviter le Gouvernement défendeur à présenter ses observations écrites sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête quant aux griefs tirés de la durée de la procédure et du droit de se porter candidat aux élections. Les observations du Gouvernement ont été présentées le 20 novembre 1991 et celles en réponse du requérant le 18 mars 1992.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint de ne pas avoir reçu communication du rapport de l'expert commis par le juge commissaire et invoque à l'appui de ce grief les dispositions de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention garantit à toute personne "le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ... dans un délai raionnable, par un tribunal ... qui décidera ... des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ..." . Toutefois, la Commission n'est pas appelée à se prononcer sur le point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent l'apparence de cette violation de la Convention. En effet, aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention, "la Commission ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes du droit international généralement reconnus". Cette condition ne se trouve pas réalisée par le seul fait que le requérant a soumis son cas aux différents tribunaux compétents. Il faut encore que le grief formulé devant la Commission ait été soulevé, au moins en substance, pendant la procédure en question. Sur ce point, la Commission renvoie à sa jurisprudence constante (cf. par exemple N° 1103/61, déc. 12.3.62, Annuaire 5 pp. 169, 187 ; N° 5574/72, déc. 21.3.75, D.R. 3 pp. 10, 22 ; N° 10307/83, déc. 6.3.84, D.R.37 pp. 113, 127). En l'espèce, le requérant n'a soulevé ni formellement, ni même en substance au cours de la procédure devant la Cour de cassation le grief dont il se plaint devant la Commission. De plus, l'examen de l'affaire telle qu'elle a été présentée n'a permis de déceler aucune circonstance particulière qui aurait pu dispenser le requérant, selon les principes de droit international généralement reconnus en la matière, de soulever ce grief dans la procédure susmentionnée. Il s'ensuit que le requérant n'a pas satisfait à la condition relative à l'épuisement des voies de recours internes et que sa requête doit être rejetée, sur ce point, conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
2. Le requérant se plaint que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 avril 1975 ne lui ayant été signifié que le 26 septembre 1986, soit onze ans et cinq mois après le prononcé de la déclaration de faillite, l'examen de sa cause n'a pas eu lieu dans un délai raisonnable. Il invoque à cet égard également l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention qui garantit à toute personne "le droit à ce que sa cause soit entendue ... dans un délai raisonnable, par un tribunal ... qui décidera ... des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ...". Le Gouvernement défendeur fait remarquer que l'examen de la chronologie de cette procédure montre que les juridictions saisies ont toutes statué rapidement. En effet, hormis le délai de notification de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, la durée totale de la procédure depuis la citation du président du tribunal de commerce de Versailles jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation a été de trois années, délai qui peut être qualifié de raisonnable au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Ainsi, seul le délai de la signification peut être mis en cause dans cette requête. Le Gouvernement précise qu'il n'est pas en mesure d'expliquer ce délai, le ministère de la Justice ne possédant aucun renseignement permettant de connaître les motifs pour lesquels l'arrêt de la cour d'appel de Paris n'a été signifié que le 26 septembre 1986. Cependant, il tient à souligner que l'arrêt de la cour d'appel ayant été rendu publiquement et contradictoirement le requérant a dû impérativement en prendre connaissance. En effet, lors de l'audience de plaidoirie du 17 mars 1975 devant la cour d'appel, le requérant était représenté par un avoué et assisté par un avocat et l'affaire a été renvoyée pour arrêt à l'audience publique du 16 avril 1975. Lors de cette audience le Président a réouvert les débats et les avoués et avocats des parties ont été entendus à nouveau et l'affaire a été renvoyée, toujours contradictoirement, pour arrêt à l'audience du 28 avril 1975. A l'évidence, les parties connaissaient donc la date à laquelle la décision serait prononcée. Dès lors, le requérant ne pouvait pas ignorer ni l'existence ni le contenu de la décision et aurait pu, en conséquence, former un pourvoi en cassation immédiatement. Le Gouvernement explique qu'il n'est, en effet, pas nécessaire d'attendre la notification ou signification d'une décision pour exercer les voies de recours qui sont ouvertes, cette signification n'étant en réalité qu'une garantie donnée au justiciable. Le Gouvernement estime que le requérant a, en fait, cherché sciemment et délibérément à bénéficier d'un sursis à exécution de la décision, sursis dont il ne saurait se plaindre aujourd'hui. Le Gouvernement estime en conséquence que l'éventuel préjudice qu'a pu subir le requérant du fait de la notification tardive de l'arrêt de la cour d'appel de Paris lui est entièrement imputable et ne pourrait constituer une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Le requérant estime pour sa part que l'arrêt de la cour d'appel du 28 avril 1975 lui a été signifié en raison des motivations politiques du maire de la ville d'Issy-les-Moulineaux qui voulait l'écarter des joutes électorales. Quant à la possibilité de saisine de la Cour de cassation évoqué par le Gouvernement, il précise qu'il n'avait pas les moyens à l'époque de sa déclaration de faillite de régler les honoraires d'avocat à la cour qui s'élevaient à environ 15.000 F. Par ailleurs, il fait remarquer que nulle part il est dit que la Cour de cassation doive être saisie avant que la signification de l'arrêt de la cour d'appel ait été délivrée à personne. La Commission observe que la procédure litigieuse a débuté en octobre 1973 et ne s'est achevée que par l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 3 mai 1988. La Commission note cependant que la France a ratifié la Convention le 3 mai 1974. La Commission constate que près de 14 années se sont écoulées entre le jugement en première instance rendu par le tribunal de commerce de Versailles le 8 mai 1974 prononçant la faillite personnelle du requérant et l'arrêt de la Cour de cassation précité. Un tel délai pourrait paraître exorbitant, au regard du droit à un procès dans un délai raisonnable que reconnaît l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Toutefois, la Commission constate qu'en l'espèce cette durée découle pour l'essentiel du délai de notification de l'arrêt de la cour d'appel de Paris. En effet, si l'on déduit du délai total la période comprise entre avril 1975, date de l'arrêt de la cour d'appel, et septembre 1986, moment où l'arrêt fut signifié au requérant, et qui s'étend sur une durée de presque onze ans et demi, la durée totale de la procédure a dépassé légèrement les trois années, ce qui, en soi, ne saurait passer pour excessif s'agissant d'une procédure de trois instances. La Commission rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence des organes de la Convention, parmi lesquels figure en particulier le comportement des parties (cf. Cour eur. D.H., arrêt H contre France du 24 octobre 1989, série A n° 162-A, p. 21, par. 50). Selon une jurisprudence constante l'exercice du droit à ce qu'une cause soit entendue dans un délai raisonnable est subordonnée, en matière civile, à la diligence des parties. La Commission relève à cet égard que le requérant ne conteste pas avoir pris connaissance de l'arrêt de la cour d'appel au moment où il fut rendu. Elle note que, selon le droit interne applicable, le requérant aurait pu former un pourvoi en cassation à ce moment-là sans attendre la signification de l'arrêt. Or, la Commission observe que le requérant a décidé en toute liberté de ne pas se pourvoir en cassation dans les deux mois qui ont suivi le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel. La Commission estime qu'en retardant volontairement le moment de la saisine de la Cour de cassation, le requérant a sciemment contribué au prolongement de la procédure litigieuse. Il s'ensuit que le délai de plus de onze ans qui s'est écoulé entre l'arrêt de la cour d'appel et le recours en cassation lui est donc imputable entièrement (cf. Cour eur. D.H., arrêt Vernillo du 20 février 1991, série A n° 198, p. 19, par. 36). Or, selon la jurisprudence de la Cour, seules les lenteurs imputables à l'Etat peuvent amener à conclure le cas échéant à l'inobservation du délai raisonnable (cf. Cour eur. D.H., arrêt Capuano du 25 juin 1987, Série A n° 119, p. 13, par. 30). Par ailleurs, la Commission estime que le requérant - dont il n'est pas contesté qu'il avait connaissance de l'arrêt du 28 avril 1975 - aurait pu également demander au greffe de la cour d'appel de lui notifier ledit arrêt. Au demeurant la Commission ne peut que constater que l'absence de signification dont se plaint le requérant lui a en réalité profité dans la mesure où les interdictions inhérentes à la faillite personnelle n'ont pas, de ce fait, déployé leurs effets. Eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et spécialement aux responsabilités du requérant dans le retard encouru, la Commission estime que l'examen de la présente affaire ne révèle pas l'apparence d'une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. En conséquence, la Commission considère que ce grief est manifestement mal fondé et qu'il doit être rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Le requérant se plaint enfin d'un traitement discriminatoire résultant de ce que le maire de sa ville de résidence serait à l'origine de sa radiation des listes électorales, ainsi que de la signification tardive de la décision de la cour d'appel dans le but de l'empêcher de se présenter aux élections municipales. Il invoque l'article 14 (art. 14) de la Convention. Dans la mesure où ce grief peut se rapporter également au droit de se porter candidat aux élections, la Commission l'a examiné sous l'angle de l'article 3 du Protocole N° 1 combiné avec l'article 14 (P1-3+14) de la Convention. Le Gouvernement défendeur estime que le requérant n'est pas victime au sens de l'article 25 (art. 25) de la Convention. Selon lui, le délai de notification de l'arrêt de la cour d'appel de Paris n'a eu aucune influence sur le droit du requérant à se porter candidat aux élections. C'est en effet la condamnation elle-même à la faillite personnelle qui a privé le requérant de son droit et non le délai de signification de la décision. A cet égard, le Gouvernement fait observer qu'en application de l'article 107 du décret du 22 décembre 1967, pris en application de la loi du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes, ni le jugement du tribunal de commerce de Versailles, ni l'arrêt de la cour d'appel de Paris prononçant la faillite personnelle du requérant n'étaient exécutoires par provision. En conséquence, le requérant a pu disposer de son entière capacité électorale tant que la décision lui infligeant une sanction personnelle n'avait pas fait l'objet d'une signification et n'était donc pas devenue définitive. Le Gouvernement fait remarquer que c'est d'ailleurs ce qu'a jugé le tribunal d'instance de Vanves en ordonnant sa réinscription sur les listes électorales. Le requérant a donc pu jouir de tous ses droits civiques jusqu'à la signification de l'arrêt de la cour d'appel, le 26 septembre 1986. Par ailleurs, à titre subsidiaire, le Gouvernement fait observer qu'il n'apparaît pas à la lecture du dossier que le requérant ait jamais eu l'intention de se présenter à des élections nationales. En tout état de cause, il ne le prétend pas. La seule élection à laquelle le requérant a présenté sa candidature était, en l'espèce, une élection municipale. Le Gouvernement fait valoir que, selon l'interprétation que donnent la Commission et la Cour de l'article 3 du Protocole N° 1 (P1-3) à la Convention, "l'article 3 (art. 3) ne vaut que pour l'élection du 'corps législatif', ou, pour le moins de l'une de ses chambres, s'il en compte deux ou plusieurs" (Cour eur. D.H., arrêt Mathieu-Mohin et Clerfayt du 2 mars 1987, série A n° 113, p. 23, par. 53). Il ajoute que la Cour précise cependant qu'il convient d'interpréter la notion de corps législatif en fonction des structures constitutionnelles de l'Etat. Or, dans la structure constitutionnelle unitaire de l'Etat français, les assemblées locales ne participent pas à l'exercice du pouvoir législatif, et, en conséquence, une élection municipale ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 3 du Protocole N° 1 (P1-3) à la Convention. Subsidiairement, le Gouvernement estime que le grief est manifestement mal fondé. Il souligne que selon la jurisprudence de la Commission européenne des Droits de l'Homme, le législateur national peut limiter le droit de vote des condamnés, la limitation pouvant être dans certains cas perpétuelle. Il précise par ailleurs que sous le régime de la législation applicable en l'espèce, la faillite est perpétuelle et le failli ne peut être réhabilité que par l'effet d'un jugement de clôture de la procédure collective pour extinction du passif ou par l'acquittement intégral des dettes de la personne morale dont il assurait la gestion. En vertu d'une loi de 1985, le failli peut également être relevé de toutes les déchéances et interdictions s'il apporte une contribution suffisante au paiement du passif. Or, le requérant n'a présenté aucune requête en relevé de la faillite personnelle, requête qui devrait être accompagnée des pièces justifiant de sa contribution au paiement du passif. Le requérant fait observer que contrairement aux déclarations du Gouvernement, il a été, depuis 1978, cinq fois candidat à plusieurs élections dont trois fois aux élections municipales (1978, 1980 et 1983), une fois aux élections législatives (1978) et une fois aux élections européennes (1984). Se référant à sa radiation des listes électorales en 1982, il estime que celle-ci a été le fait du maire de la ville d'Issy-les-Moulineaux avec intention délibérée de lui nuire. La Commission relève que le requérant, bien qu'étant virtuellement depuis 1975 sous le coup d'une interdiction entraînant l'incapacité d'exercer une fonction élective suite à sa condamnation à la faillite personnelle, a pu néanmoins se porter candidat entre 1978 et 1984 à diverses élections tant d'ordre local que national et européen, aussi longtemps que la condamnation ne lui a pas été signifiée. La Commission note que le requérant a fait l'objet en 1982 d'une mesure de radiation des listes électorales de la ville d'Issy-les- Moulineaux alors même que la faillite personnelle n'était pas devenue exécutoire. Elle observe à cet égard que par jugement du 25 février 1983, le tribunal d'instance de Vanves a reconnu les droits électoraux du requérant et a décidé sa réinscription dans la liste électorale de sa ville de résidence. Dans ces conditions, la Commission considère qu'il ne peut prétendre être victime au sens de l'article 25 (art. 25) de la Convention jusqu'à la notification de l'arrêt de la cour d'appel en 1986. Il en découle que cette partie du grief doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. En ce qui concerne la période suivant la signification de l'arrêt de la cour d'appel prononçant la faillite personnelle du requérant, la Commission estime que le requérant peut prétendre être victime au sens de l'article 25 (art. 25) de la Convention. Elle rappelle toutefois sa jurisprudence selon laquelle la déchéance du droit de participer aux élections, frappant les personnes objet de certaines condamnations, n'entrave pas la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif (cf. N° 8701/79, déc. 3.12.79, D.R. 18 p. 250 ; N° 9914/82, déc. 4.7.83, D.R. 33 p. 242). Elle estime qu'il en va de même lorsque, comme en l'espèce, la loi prévoit que la déchéance frappe une personne dont un tribunal a établi la faillite personnelle découlant d'une faute personnelle commise dans la gestion des biens sociaux (N° 6573/74, déc. 19.12.74, D.R. 1 p. 87). Il s'ensuit que cette partie du grief doit également être rejetée comme étant manifestement mal fondée en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
4. Le requérant se plaint également d'avoir subi des tortures morales, traitements et procédés inhumains, dégradants et vexatoires de la part de la Cour de cassation qui n'a pas contesté la nullité de la procédure de la cour d'appel pour débats non contradictoires et de la part du premier magistrat d'Issy-les-Moulineaux en le radiant des listes électorales. Il invoque l'article 3 (art. 3) de la Convention. Il se plaint également que la Cour de cassation n'a pas respecté les droits de la défense, et de ce fait a porté atteinte à sa vie privée. Il invoque les articles 8 et 13 (art. 8, 13) de la Convention. La Commission a examiné les griefs du requérant. Toutefois, dans la mesure où elle est compétente pour en connaître et où les allégations ont été étayées, la Commission n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. Il s'ensuit que ces griefs doivent être rejetés conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission à la majorité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE quant aux griefs tirés de la durée de la procédure et de l'interdiction de se porter candidat aux élections, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE quant au surplus.
Le Secrétaire de la Deuxième Le Président de la Deuxième Chambre Chambre (K. ROGGE) (S. TRECHSEL)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 15178/89
Date de la décision : 01/07/1992
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : irrecevable (partiellement) ; recevable (partiellement)

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) INGERENCE, (Art. 10-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 10-2) PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : FOLLET
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-07-01;15178.89 ?

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