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13/03/1989 | CEDH | N°13155/87

CEDH | BOURSIN contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 13155/87 présentée par André BOURSIN contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 13 mars 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président S. TRECHSEL F. ERMACORA G. SPERDUTI E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS

G. BATLINER J. CAMPINOS H. VAND...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 13155/87 présentée par André BOURSIN contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 13 mars 1989 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président S. TRECHSEL F. ERMACORA G. SPERDUTI E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER J. CAMPINOS H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY M. L. LOUCAIDES M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 28 juillet 1987 par André BOURSIN contre la France et enregistrée le 24 août 1987 sous le No de dossier 13155/87 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, né en 1927 dans l'Indre, est de nationalité française. Agriculteur, il est domicilié à Reuilly. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Le 14 octobre 1977, le requérant fit une requête au tribunal administratif d'Orléans, demandant l'annulation de la décision du 3 juin 1977 de la commission départementale de l'Indre qui avait statué sur les opérations de remembrement rural de Reuilly. Par jugement en date du 14 janvier 1980, le tribunal administratif annulait la décision de la Commission départementale de remembrement en tant qu'elle concernait le requérant. Le ministère de l'agriculture fit un recours devant le Conseil d'Etat en vue de l'annulation de ce jugement. Par arrêt du 3 novembre 1982, communiqué au requérant le 9 décembre 1982, le Conseil d'Etat annula partiellement le jugement du tribunal administratif d'Orléans. Entre-temps, le 27 février 1981, le requérant avait présenté une requête au tribunal administratif de Limoges, requête tendant à l'annulation des cotisations qui lui étaient réclamées par l'association foncière de Reuilly-Diou au titre des travaux connexes de remembrement. Cette requête fut considérée irrecevable car tardive et rejetée par jugement du 1er février 1983. Le requérant fit appel de ce jugement devant le Conseil d'Etat le 30 mars 1983. Le 21 février 1986, le Secrétaire de la 7e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat communiquait au requérant les observations du ministère de l'Agriculture, attirait l'attention du requérant sur le fait que sa requête n'était pas de celles qui sont dispensées du ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et lui octroyait un délai de deux mois pour opérer la régularisation en choisissant un avocat. Il lui signalait également qu'à défaut de réponse parvenue au Conseil d'Etat dans ce délai, il s'exposait à ce que sa requête soit rejetée d'emblée pour défaut d'avocat. Le 26 mars 1986, le requérant déposait une demande au bureau d'aide judiciaire du Conseil d'Etat. Le 28 mai 1986, bien que les ressources du requérant aient été estimées à 2 818 F mensuels, moins 390 F pour charges de famille, le bureau d'aide judiciaire rejeta sa demande aux motifs que l'action apparaissait manifestement irrecevable ou dénuée de fondement. De plus, la mention "avocat obligatoire" avait été biffée sur la décision du bureau pour ne laisser, apparente, que la mention "avocat non obligatoire". Le 2 février 1987, le Conseil d'Etat rejeta la requête au motif que "la requête de M. Boursin présentée sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat n'est pas recevable".
GRIEFS Devant la Commission, le requérant se plaint tout d'abord de n'avoir pas bénéficié d'un procès équitable et invoque l'article 6 par. 1 de la Convention. Il se plaint également de n'avoir pu se défendre lui-même et de n'avoir pu être assisté gratuitement par un avocat d'office, et invoque l'article 6 par. 3 c) de la Convention. Il expose par ailleurs qu'il n'a pas bénéficié d'un recours effectif et allègue une violation de l'article 13 de la Convention. Il se plaint enfin d'une dévalorisation de sa ferme suite au remembrement et invoque l'article 1er du Protocole additionnel.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint tout d'abord de n'avoir pas bénéficié d'un procès équitable au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il expose que les décisions du Conseil d'Etat reposent sur le refus de tenir compte des articles 1, 19, 25, 26 et 56 du Code rural. Il se plaint en particulier de n'avoir pu se défendre lui-même et de n'avoir pu être assisté gratuitement par un avocat d'office et invoque l'article 6 par. 3 c) (art. 6-3-c) de la Convention. S'agissant de procédures portant sur des droits civils, la Commission examinera toutefois l'ensemble de ces griefs sous l'angle de l'article 6 par. 1 (art. 6-1). En ce qui concerne les décisions judiciaires litigieuses, la Commission rappelle qu'elle a pour seule tâche, conformément à l'article 19 (art. 19) de la Convention, d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties Contractantes. En particulier, elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention. La Commission se réfère sur ce point à sa jurisprudence constante (cf. par exemple No 458/59, déc. 29.3.60, Annuaire 3 pp. 223, 237 ; No 5258/71, déc. 8.2.73, Recueil 43 pp. 71, 77 ; No 7987/77, déc. 13.12.79, D.R. 18 pp. 31, 61). En ce qui concerne en particulier le grief portant sur les droits de la défense, la Commission constate que par courrier du 21 février 1986, le secrétaire de la septième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat avait attiré l'attention du requérant sur le fait que sa requête n'était pas de celles qui sont dispensées du ministère d'un avocat au Conseil d'Etat. Ainsi, un délai de deux mois lui était imparti pour régulariser sa situation et choisir un avocat sur une liste jointe à la lettre. De plus, il était indiqué dans ce courrier que, faute d'une réponse parvenue au Conseil d'Etat dans ce délai, le requérant s'exposait à ce que sa requête soit rejetée d'emblée pour défaut d'avocat. Le 28 mai 1986, la demande d'aide judiciaire du requérant fut rejetée car l'action apparaissait manifestement irrecevable ou dénuée de fondement. Sur la décision du bureau d'aide judiciaire toutefois la mention "avocat obligatoire" avait été biffée pour ne laisser, apparente, que la mention "avocat non obligatoire". La Commission relève d'emblée que cette dernière circonstance ne porte pas à conséquence. En effet, il ressort de l'ensemble de ces éléments que le requérant n'est pas fondé à prétendre qu'il pensait que le ministère d'un avocat n'était pas obligatoire pour présenter sa requête au Conseil d'Etat, alors qu'il avait été dûment averti par courrier lui exposant en détail le délai qui lui était imparti pour choisir un avocat et les conséquences du défaut de la constitution d'avocat. Pour ce qui est du rejet de la demande d'aide judiciaire du requérant, la Commission rappelle que l'Etat n'a nullement l'obligation de fournir une aide judiciaire gratuite dans toute contestation touchant un "droit de caractère civil" (voir arrêt Airey du 9 octobre 1979, série A vol. 32 p. 15). En l'espèce, la Commission relève que l'aide judiciaire a été refusée au requérant car son action apparaissait manifestement irrecevable ou dénuée de fondement. Or, un système d'assistance judiciaire ne peut fonctionner efficacement, vu les limites des ressources disponibles, que si un dispositif est établi qui sélectionne les affaires pouvant en bénéficier (voir requête No 8158/78, X. c/Royaume-Uni, déc. 10.07.80, D.R. 21 p. 95). Elle en conclut que le fait que l'assistance judiciaire ait été refusée par le Conseil d'Etat au requérant dont le recours devant le tribunal administratif avait été déclaré irrecevable car tardif, ne peut être considéré dans les circonstances de la présente affaire comme portant atteinte à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant expose encore qu'il n'a pas joui d'un recours effectif et allègue une violation de l'article 13 (art. 13) de la Convention. Il ajoute que des abus de pouvoir ont été commis par des ingénieurs de la direction départementale de l'agriculture qui exerçaient des fonctions officielles. Sur ce point, la Commission rappelle qu'elle a constaté que le fait que l'assistance judiciaire ait été refusée au requérant devant le Conseil d'Etat ne signifie pas qu'il n'a pas eu accès à un tribunal (voir point 2 supra). La Commission relève par ailleurs que le requérant a pu exercer son recours devant le tribunal administratif. Enfin, la Commission rappelle qu'elle a estimé à plusieurs reprises que lorsqu'un droit garanti par la Convention est de caractère civil et que la Commission a examiné le litige sous l'angle de l'article 6 par. 1 (art. 6-1), un nouvel examen sous l'angle de l'article 13, (art. 13) dont les exigences sont moins strictes, ne s'impose pas (voir notamment Nos 8588/79 et 8589/79, Bramelid, Malmström c/Suède, déc. du 12.12.83, D.R. 38 p. 18). La Commission en conclut que le grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Le requérant se plaint encore d'une dévalorisation de sa ferme suite au remembrement et invoque l'article 1er du Protocole additionnel (P1-1) qui garantit le droit au respect des biens. La Commission relève que c'est la première procédure devant les juridictions administratives qui avait pour objet l'annulation de la décision de la commission départementale de remembrement. La seconde procédure, par contre, tendait à l'annulation des cotisations réclamées au requérant par l'association foncière de Reuilly-Diou et était dès lors sans influence quant au grief précité. Or, en ce qui concerne la première procédure administrative, qui s'est achevée par un arrêt du Conseil d'Etat du 3 novembre 1982, communiqué au requérant le 9 décembre 1982, la Commission n'est pas appelée à se prononcer sur le point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent l'apparence d'une violation de cette disposition. En effet, l'article 26 (art. 26) in fine de la Convention prévoit que la Commission ne peut être saisie que "dans le délai de six mois, à partir de la date de la décision interne définitive". Dans la présente affaire, la décision du Conseil d'Etat qui constitue, quant à ce grief particulier, la décision interne définitive, a été rendue le 3 novembre 1982 et communiquée le 9 décembre 1982, alors que la requête a été soumise à la Commission le 28 juillet 1987, c'est-à-dire plus de six mois après la date de cette décision. En outre, l'examen de l'affaire ne permet de discerner aucune circonstance particulière qui ait pu interrompre ou suspendre le cours dudit délai. Il s'ensuit que la requête est tardive à cet égard et doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 13155/87
Date de la décision : 13/03/1989
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : irrecevable (partiellement) ; recevable (partiellement)

Parties
Demandeurs : BOURSIN
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1989-03-13;13155.87 ?

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