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11/05/1988 | CEDH | N°10889/84

CEDH | C. contre l'Italie


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 10889/84 présentée par C. contre l'Italie __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 11 mai 1988 en présence de MM. J.A. FROWEIN, Président en exercice, S. TRECHSEL G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER

H. DANELIUS G. BATLINE...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 10889/84 présentée par C. contre l'Italie __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 11 mai 1988 en présence de MM. J.A. FROWEIN, Président en exercice, S. TRECHSEL G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H. DANELIUS G. BATLINER H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS M. J. RAYMOND, Secrétaire adjoint de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 13 décembre 1983 par C. contre l'Italie et enregistrée le 3 avril 1984 sous le No de dossier 10889/84 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu les observations du Gouvernement italien du 15 mars 1986 ; Vu les observations en réponse du requérant du 5 mai 1986 ; Vu les conclusions des parties développées à l'audience du 11 mai 1988 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante : EN FAIT Le requérant C., est un ressortissant suisse, né le 14 octobre 1929 à B. Il exerce la profession d'avocat et de notaire. Il réside à C. (Suisse). Pour la procédure devant la Commission, il est représenté par Maître Luigi Campana, avocat à L. Le requérant a été poursuivi en Italie pour complicité d'escroquerie aux dépens de l'Etat italien. Il lui était reproché d'avoir constitué, avec la complicité de R. et de F., deux sociétés par actions fictives - la SPA Cementi Valtellina et la Spa Gruppo Ceramiche "La President" - et d'avoir établi des faux pour constituer les dossiers déposés à l'appui des demandes de financement formées par ces deux sociétés en vue de construire deux entreprises pouvant bénéficier des dispositions de la loi du 9 novembre 1963, No 1457. Cette loi, adoptée en vue du réaménagement du territoire dévasté par la catastrophe du barrage du Vajont, prévoyait notamment, en vue de la reconstruction des entreprises sinistrées, le versement par l'Etat, à fonds perdu, d'une somme correspondant à 30% du financement total de l'entreprise. Cette loi fut complétée par une loi du 31 mai 1964 No 357 qui disposait que les droits que pouvaient faire valoir les entreprises sinistrées pouvaient être cédés à des tiers après avis favorable d'une commission constituée à cet effet. Par le jeu combiné de ces deux lois, les sociétés précitées avaient obtenu entre le 20 janvier 1970 et le 18 janvier 1971, un acompte de 622 millions de Lires et 400 millions de Lires, respectivement, pour le financement des travaux de reconstruction des entreprises. Ces fonds ne furent cependant jamais utilisés à cette fin. Le 9 octobre 1972, le parquet d'U. transmit à celui de P. un dossier contenant les résultats d'une enquête de la police fiscale sur l'octroi des financements prévus par les lois précitées dans le but d'établir si les irrégularités relevées par cette dernière étaient susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales. Une instruction fut ouverte à une date qui n'a pas été précisée et des poursuites furent engagées à l'encontre de deux ressortissants italiens. Au cours de l'instruction, le juge d'instruction estima nécessaire d'obtenir des informations sur des opérations financières effectuées en Suisse dans le cadre de cette affaire et adressa à cette fin, le 24 octobre 1978, une commission rogatoire au juge d'instruction de L., commission rogatoire complétée par note du 13 novembre 1978. Sur la base des informations reçues il estima devoir engager des poursuites contre le requérant. Par lettre recommandée avec accusé de réception, expédiée le 27 décembre 1978, le juge d'instruction communiqua au requérant, en application de l'article 304 du C.P.P., à son adresse en Suisse, qu'une information était ouverte contre lui. Cette même lettre l'invitait à nommer un défenseur. Cette communication resta sans réponse, bien que l'accusé de réception signé le 2 janvier 1979 par une personne autre que le requérant ait été dûment retourné à l'expéditeur (1). Le juge d'instruction déclara donc le requérant introuvable et procéda aux diverses notifications comme le prescrit l'article 170 du C.P.P. (2). Le requérant a affirmé que la lettre recommandée - dont l'accusé de réception ne porte pas sa signature - ne lui aurait jamais été remise et que le juge d'instruction l'aurait à tort déclaré introuvable sans effectuer de recherches complémentaires.
________________ (1) L'article 177bis du C.P.P. (Notifications au prévenu se trouvant à l'étranger) dispose que : "S'il ressort des actes de procédure une information précise sur le lieu où le prévenu demeure à l'étranger, le Ministère public ou le "Pretore" lui transmet, par lettre recommandée, l'avis qu'une procédure est en cours contre lui et l'invitation à déclarer ou à élire domicile, pour les notifications des actes, dans les lieux où se déroule la procédure. Au cas où l'on ne connaît pas la demeure du prévenu à l'étranger ou si ce dernier n'effectue pas la déclaration ou l'élection de domicile, ou bien si ces dernières sont insuffisantes ou inefficaces, le juge ou le Ministère public émettent le décret prévu à l'article 177 du C.P.P." (2) Article 170 du C.P.P. (Notification à l'inculpé introuvable) "S'il n'est pas possible d'effectuer les notifications selon les modalités énoncées à l'article précédent, l'huissier en rend compte au juge saisi de l'affaire ou au ministère public lorsque la notification a été demandée par lui. Le juge ou le ministère public, après avoir ordonné de nouvelles recherches notamment au lieu de naissance ou au lieu du dernier domicile du prévenu, prend un décret par lequel, après avoir désigné un défenseur au prévenu qui n'en a pas encore dans le lieu où se déroule la procédure, ordonne que les notifications qui n'ont pu être faites et celles qui devraient être faites par la suite pendant toute la durée de la procédure soient exécutées par dépôt au greffe et au secrétariat du tribunal devant lequel se déroule la procédure. Le défenseur doit être immédiatement avisé de tout dépôt. Les notifications ainsi exécutées sont valables à toutes fins ; mais, si la loi n'en dispose pas autrement, elles ne confèrent pas au défenseur le droit de se substituer au prévenu dans les actes que celui-ci doit accomplir personnellement ou par l'intermédiaire d'un mandataire spécial. Pour tout autre acte, le défenseur représente le prévenu. Le décret constatant l'impossibilité de retrouver le prévenu rendu pendant l'instruction (article 295 et ss., 389 et ss.) n'est pas applicable aux fins de la procédure de première instance et celui rendu au cours de cette dernière n'est pas applicable aux fins de la procédure d'appel ou de renvoi." Le requérant fut renvoyé en jugement devant le tribunal de P. par décision du 5 décembre 1979 qui lui fut notifiée à la prison de B. où il se trouvait en détention provisoire, ayant été arrêté à une date qui n'a pas été précisée sous d'autres chefs d'accusation. Le 14 février 1980, il fut cité à comparaître à l'audience du 15 avril 1980, date fixée par le tribunal de P. pour l'ouverture du procès. En même temps, le tribunal désigna d'office Maître R. pour la défense de l'accusé. Le 5 mars 1980, le requérant désigna ses défenseurs. Il confirma dans ses fonctions Maître R., qui avait été nommé d'office pour assurer sa défense, et désigna Maître C. Le 26 mars il désigna un troisième défenseur, Maître V. Par déclaration inscrite au registre de la prison le 4 avril 1980, il fit savoir au tribunal de P. qu'il renonçait à comparaître - il estimait en effet que sa position dans le procès était irrémediablement compromise du fait qu'il n'avait pu participer à l'instruction - et donnait mandat à ses avocats de le représenter à toutes fins et le défendre au cours du procès. A l'ouverture du procès ses défenseurs munis d'un mandat spécial à cet effet, demandèrent au tribunal de renvoyer le procès de quelques jours jusqu'à ce que le requérant, détenu à B. selon eux de façon illégale, soit remis en liberté et puisse ainsi préparer sa défense en rassemblant les témoignages et documents pertinents. Cette demande fut rejetée par le tribunal de P. qui, après avoir remarqué que le requérant n'avait pas révoqué sa déclaration de renoncer à comparaître et n'avait pas demandé à assister aux débats, ajouta : "(1) Il apparaît que l'accusé est détenu à la prison de B. et qu'il a été mis en mesure d'assister aux débats. L'allégation concernant l'illégalité de sa détention, sur laquelle se fonde la demande de renvoi, échappe à la compétence de ce tribunal. La demande de renvoi ne peut donc être accueillie ; (2) l'accusé a fait parvenir une déclaration par laquelle il renonçait à être présent aux débats ; ainsi que l'a relevé le ministère public, il ne ressort pas de cette déclaration que l'accusé ait demandé ou accepté que les débats aient lieu en son absence. C'est pourquoi, étant donné que l'absence de l'accusé ne paraît pas justifiée ..., il doit être déclaré contumax, aux termes de l'article 498 du C.P.P.". Cette ordonnance ne pouvait faire l'objet d'un recours incident, celui-ci étant exclu aux termes de l'article 200 du Code de procédure pénale italien pour les ordonnances rendues in limine litis ou au cours des débats. Ces ordonnances ne peuvent être attaquées que conjointement au jugement. Le procès comprit huit audiences qui s'étalèrent du 15 avril au 17 mai 1980. Le requérant ne demanda pas à comparaître. La défense du requérant allégua la nullité de l'instruction, résultant de l'absence de notification au requérant qu'une instruction était ouverte contre lui. Elle soutint à cet égard que la notification de l'ouverture d'une instruction faite au requérant à l'étranger, par lettre recommandée avec accusé de réception, était contraire aux règles résultant de la Convention européenne d'assistance judiciaire et que le requérant aurait à tort été déclaré introuvable. (1) A l'issue du procès de première instance le requérant fut condamné à trois ans d'emprisonnement et à 500.000 Lires d'amende, ainsi qu'à l'interdiction pour cinq ans des charges publiques. Le jugement daté du 17 mai 1980 fut déposé au greffe du tribunal le 18 octobre 1980. Le ministère public et le requérant interjetèrent appel les 19 et 20 mai 1980 respectivement. Le requérant attaqua en même temps l'ordonnance par laquelle il avait été déclaré contumax. Entretemps le requérant fit l'objet d'une relaxe quant aux inculpations qui avaient motivé sa détention provisoire à B. et regagna son pays. Au moment où le procès d'appel fut ouvert à T. il se trouvait toujours en Suisse. Il fut dûment avisé de l'ouverture du procès fixée au 15 octobre 1981, par citation notifiée en l'étude de son avocat le 22 juillet 1981. Il ne se présenta pas à l'ouverture des débats. Il affirme que n'ayant pas reçu de sauf- conduit, il craignait d'être arrêté. Ses défenseurs présentèrent à cet égard une exception d'illégalité à la cour d'appel et présentèrent à nouveau les exceptions d'illégalité de la procédure antérieure. La cour d'appel répondit que la citation à comparaître avait par elle-même la nature d'un sauf-conduit et ouvrit les débats. La discussion fut remise à une date ultérieure. A cette date le requérant se présenta à la cour qui, ayant clos l'instruction définitive, refusa donc de l'entendre. La cour d'appel de T., par arrêt du 30 octobre 1981 déposé au greffe de la cour le 13 mars 1982, confirma pour l'essentiel le jugement du tribunal de P., mais reconnut que c'était à tort que le requérant avait été déclaré contumax, alors qu'il aurait dû être simplement considéré comme absent (2).
_______________________ (1) Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation italienne, la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 ne déroge pas aux règles prévues par le C.P.P. à l'article 177 bis en ce qu'elle reconnaîtrait aux prévenus ressortissants de l'Etat requis le droit de recevoir la notification des actes de procédure à travers les organes officiels de leur pays. (2) L'absence n'est qualifiée de contumace que lorsque l'accusé, non détenu, ne se présente pas au début des débats de premier degré ou d'appel et qu'il n'est pas établi que l'absence est causée par un empêchement légitime, sauf si l'accusé a demandé ou consenti à ce que les débats se déroulent en son absence. Le requérant se pourvut en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel. Il se plaignait notamment que les diverses décisions rendues par les juges du fond l'avaient privé du droit d'être entendu personnellement. Son pourvoi fut rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 23 mars 1983, déposé au greffe de la Cour le 15 juin 1983. La Cour de cassation rejeta l'exception d'illégalité de la notification de l'avis de poursuites. En réponse au moyen tiré de la violation de l'article 7 par. 2 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 29 octobre 1959, qui dispose que "la preuve de la remise se fera au moyen d'un récépissé daté et signé par le destinataire", elle estima que cette disposition vise le cas où, dans le cadre de l'entraide judiciaire, la remise d'un acte de procédure est effectuée sur le territoire de la partie requise par cette dernière à la demande de la partie requérante. Selon la Cour cette disposition ne s'applique pas lorsque, comme en l'espèce, l'acte de procédure est transmis directement par les autorités judiciaires à l'accusé. En ce qui concerne l'absence du requérant devant le tribunal de P., la Cour de cassation constata que les dispositions nécessaires avaient été prises dès le 14 février 1980 pour conduire l'accusé à l'audience mais que le 15 avril 1980 ce dernier avait déclaré "renoncer à être présent dans la salle pour l'audience prévue et laisser le soin à ses défenseurs de le représenter à toutes fins". Elle a constaté également "que l'accusé, s'il l'avait voulu, aurait pu à tout moment révoquer sa déclaration et demander à être conduit devant le tribunal qui tint huit audiences échelonnées entre le 15 avril et le 17 mai 1980. Or il ne l'a pas fait et aucune demande dans ce sens n'a d'ailleurs jamais été avancée par ses défenseurs au cours de la procédure de première instance". La Cour de cassation déclara donc mal fondés les griefs tirés par le requérant de ce que le procès aurait eu lieu en son absence. Par ailleurs, la Cour de cassation ne s'est pas prononcée sur le refus de la cour d'appel de rouvrir les débats pour entendre l'accusé puisque ce grief n'avait pas été formellement soulevé devant elle.
GRIEFS Le requérant allègue n'avoir pas eu un procès équitable. Il se plaint qu'il n'aurait pas été informé en temps voulu de l'ouverture d'une instruction. Il fait grief aux autorités judiciaires italiennes de ne l'avoir jamais entendu personnellement sur les faits qui lui étaient reprochés. Il se plaint notamment d'avoir été déclaré à tort contumax lors du procès de première instance et de n'avoir pas été entendu par la cour d'appel. Il invoque les dispositions de l'article 6 de la Convention et notamment de son paragraphe 3 lettres (a) et (c).
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 13 décembre 1983 et enregistrée le 3 avril 1984. Le 2 décembre 1985 la Commission a décidé conformément à l'article 42 (b) de son Règlement intérieur de porter la requête à la connaissance du Gouvernement italien et d'inviter celui-ci à présenter ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. Les observations du Gouvernement italien, datées du 15 mars 1986, sont parvenues à la Commission le 19 mars 1986. Les observations en réponse du requérant, datées du 5 mai 1986, sont parvenues à la Commission le 6 mai 1986. Le 9 décembre 1987, la Commission a repris l'examen de l'affaire et décidé de tenir une audience sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. L'audience a eu lieu le 11 mai 1988. Les parties étaient représentées comme suit :
Pour le Gouvernement
Monsieur Luigi FERRARI BRAVO, chef du Service du contentieux diplomatique au ministère des Affaires étrangères, Agent
Monsieur Giovanni GRASSO, avocat, professeur de droit pénal à l'Université de Catane, Conseil
Pour le requérant
Monsieur Luigi CAMPANA, avocat et notaire à Lugano
ARGUMENTATION DES PARTIES 1. Le Gouvernement a) Quant au respect du délai de six mois Avant d'examiner les questions spécifiques soulevées par la Commission sur le bien-fondé de la requête, le Gouvernement italien estime devoir formuler une exception d'irrecevabilité d'ordre général, fondée sur le caractère tardif de celle-ci. En effet aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention, la Commission ne saurait être saisie si plus de 6 mois se sont écoulés entre la date de la décision interne définitive et celle de l'introduction de la requête. La décision interne définitive à prendre en considération dans le cas d'espèce, est l'arrêt de la cour d'appel de Trieste qui est devenu irrévocable lorsque la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du requérant par un arrêt dont le dispositif a été lu en audience publique le 23 mars 1983. La circonstance que les motifs de l'arrêt furent déposés au greffe de la cour le 15 juin suivant ne saurait entrer en ligne de compte aux fins du calcul du délai prévu par la Convention à l'article 26 (art. 26). En effet la décision est définitive dès la lecture du dispositif (art. 576 du C.P.P.) et l'on doit considérer que le délai de six mois court à partir de la date de la publication de l'arrêt qui se fait par la lecture du dispositif en audience. D'ailleurs la connaissance des motifs n'était pas déterminante en vue de l'introduction d'une requête auprès de la Commission, puisque celle-ci n'a pas la nature d'un appel à l'égard de l'arrêt de la Cour de cassation. b) Bien-fondé Par ailleurs le Gouvernement estime devoir contester, en ligne générale, le bien-fondé des griefs du requérant relatifs à une prétendue violation du droit à un procès équitable et notamment des droits de la défense. Pour le requérant lesdites violations découleraient du fait qu'il n'aurait pas été mis en mesure de participer directement à son procès dès la phase d'instruction et jusqu'au jugement d'appel. Le Gouvernement italien est d'un avis opposé. Il relève en effet que le manque de participation du requérant aux différentes phases du procès n'est certainement pas imputable aux autorités judiciaires italiennes qui ont agi dans le plein respect des normes de procédure en vigueur et ont mis le requérant en mesure de pouvoir participer personnellement à sa défense. Il est au contraire exclusivement imputable à la volonté de l'intéressé, et reflète une décision librement réfléchie. A l'appui de ce qui précède et en réponse aux questions soulevées par la Commission, le Gouvernement observe ce qui suit. Quant à l'information du requérant Le requérant a été dûment informé que des poursuites judiciaires allaient être entamées contre lui, au moyen d'une lettre recommandée du juge d'instruction, expédiée de Pordenone le 27 décembre 1978, reçue le 2 janvier 1979, comme le prouve l'accusé de réception retourné à l'expéditeur, dont le Gouvernement verse copie au dossier. Il est utile de souligner à cet égard que le code de procédure pénale italien prévoit que toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction est informée au moyen d'un avis - communication judiciaire - qu'il fait l'objet de poursuites. L'envoi d'un avis de poursuites se fait par la poste (art. 178 du code de procédure pénale), par lettre recommandée avec accusé de réception. L'envoi par la poste est également prévu par l'article 177 bis du même code lorsqu'il s'agit d'un inculpé demeurant à l'étranger. L'accusé de réception fait foi de la réception par l'intéressé de l'avis de poursuites. La jurisprudence dominante de la Cour de cassation a constamment exclu qu'il y ait nullité de la notification lorsque la signature portée sur l'accusé de réception n'est pas suivie de l'indication de la qualification du rapport de cohabitation du signataire avec la personne concernée. En effet l'article 7 du décret royal du 21 octobre 1923, n° 2393, applicable en l'espèce, prévoyait expressément le cas où une lettre recommandée ne pouvait être délivrée en mains propres au destinataire, et disposait qu'elle pouvait alors être remise à quelqu'un de la famille ou de l'entourage immédiat de ce dernier. Par ailleurs, une loi du 20 novembre 1982, n° 890, a par la suite exclu expressément que dans ce cas mention soit faite de la qualité de la personne à laquelle le pli a été remis. En l'espèce, il importait donc peu de vérifier si c'était ou non le requérant qui avait signé l'accusé de réception. Le requérant aurait dû établir par contre, ce qu'il n'a même pas essayé de faire, que ni lui-même ni aucune personne de son entourage n'avait reçu cette communication. Le requérant soutient, à tort, par ailleurs, que la communication judiciaire aurait dû lui être envoyée selon les modalités prévues par l'article 7 de la Convention européenne d'assistance judiciaire. Il faut savoir en effet que la communication judiciaire constitue un avis, une simple information donnée par l'autorité judiciaire à l'intéressé. Ce n'est pas une "intimation" dans la mesure où elle n'est pas l'expression du "iure imperii" ou de la souveraineté de l'Etat. L'envoi de la communication judiciaire peut donc se faire par la poste, l'administration judiciaire se prévalant dans ce cas, au même titre qu'un particulier, d'un service public. Un tel avis ne fait donc pas l'objet d'une notification par voie postale (dans une notification par voie postale le préposé atteste la remise à une personne précise, d'un acte déterminé). En tous cas, ne s'agissant pas d'une notification, la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale ne trouve pas à s'appliquer à l'envoi de l'avis de poursuites comme l'a indiqué la Cour Constitutionnelle italienne dans un arrêt n° 178 de 1980. Dans l'arrêt prononcé dans la présente affaire, la Cour de cassation a rappelé à cet égard que les dispositions de la Convention européenne d'assistance judiciaire et des autres Conventions bilatérales éventuellement en vigueur ne pouvaient être interprétées dans le sens qu'elles impliquent une obligation pour les autorités italiennes de se prévaloir de certaines formes déterminées de collaboration judiciaire internationale par dérogation aux dispositions de l'article 177 bis du C.P.P. Quant au droit d'être entendu au cours de l'instruction Par la suite le requérant ayant omis d'élire domicile en Italie, les autorités italiennes firent application de l'art. 177 bis, 2ème alinéa, du C.P.P. et il fut déclaré introuvable. Le mandat de comparution lui fut donc notifié par dépôt au greffe du tribunal compétent. Dès le début de l'instruction et tout au long de celle-ci, la défense de l'intéressé fut assurée par un défenseur d'office désigné le 8 mars 1979. Le requérant n'a pu être entendu après son arrestation en Italie car l'instruction était close et la réouverture de l'instruction n'est prévue en droit italien que dans les cas où, à la suite d'un non-lieu, apparaissent des éléments de preuves nouveaux contre ou en faveur de l'inculpé. Dans le cas d'espèce, le requérant aurait pu, avant la clôture de l'instruction, demander à tout moment d'être entendu par le juge d'instruction ou se présenter spontanément pour rendre sa déposition, comme cela est prévu par l'art. 250 du C.P.P. Dans la mesure où l'absence du requérant lors de l'instruction n'est pas imputable aux autorités dont relevaient les poursuites, il ne semble plus possible de soutenir que cette absence ait pu par la suite avoir eu des conséquences sur l'équité du procès. Pendant le procès de première instance Même sans tenir compte de la circonstance, déjà relevée, que la défense du requérant a été de toute façon assurée également dans la phase d'instruction du procès, grâce à la désignation d'office d'un défenseur auquel, il faut le souligner, reviennent des pouvoirs analogues à ceux du défenseur choisi par l'intéressé, il importe de relever que la phase décisive du procès, dans le système pénal italien, est constituée par la procédure de première instance, à laquelle, sans aucun doute, le requérant avait été mis en condition de participer. La procédure de première instance est en effet réservée à l'établissement définitif de la preuve qui, recueillie pendant l'instruction, doit être établie contradictoirement entre les parties à l'audience. Les parties peuvent, à cette occasion, solliciter l'acquisition de preuves nouvelles pouvant être utiles à la manifestation de la vérité. Or le requérant a volontairement renoncé à participer directement à la procédure et donc à se défendre, estimant - à tort - que sa position était compromise par le fait qu'il n'avait pas pris part personnellement à l'instruction. Le fait que le requérant ait renoncé spontanément à comparaître devant le tribunal de Pordenone, ressort clairement du document du bureau d'immatriculation de la "Casa circondariale" de Bergame - où le requérant était détenu pour d'autres motifs - qui atteste que le requérant renonçait à comparaître devant le tribunal à l'audience du 15 avril 1980 et donnait mandat à ses avocats de le représenter à toutes fins lors du procès. L'ajournement de l'audience demandé par les défenseurs choisis par le requérant le jour même de l'audience, se heurtait à des obstacles juridiques. Le système italien repose en effet sur le principe général - établi afin de sauvegarder les intérêts supérieurs de la justice - de la continuité des débats qui, jusqu'à leur aboutissement naturel dans le jugement, ne doivent pas subir d'interruptions qui ne seraient pas strictement nécessaires. L'ajournement des débats n'est pas considéré avec faveur par le législateur (le code de procédure pénale) qui ne l'admet que pour des hypothèses expressément prévues et dans des cas de nécessité absolue (voir art. 432 du C.P.P.). L'absence de l'inculpé à l'audience, par exemple, ne comporte pour le juge l'obligation de suspendre ou de renvoyer les débats que dans l'hypothèse, prouvée, où l'absence est due à une impossibilité absolue de comparaître (voir art. 497 du C.P.P.). Dans le cas d'espèce, le requérant, détenu à la prison de Bergame (et dont le transfert avait été ordonné afin de lui permettre d'assister aux débats) a fait parvenir au tribunal une simple renonciation à comparaître, sans invoquer quelque empêchement que ce fût. De même, la demande d'ajournement présentée par les défenseurs du requérant ne faisait état de l'existence d'aucun empêchement légitime du requérant à comparaître et se fondait uniquement sur une prétendue illégalité de la détention subie à ce moment-là par le requérant du fait d'un autre procès à sa charge. Or cette circonstance était absolument insignifiante aux fins d'une appréciation des juges, telle qu'elle est expressément prévue par l'article 497, 3ème alinéa, précité du C.P.P. La situation aurait été différente si le requérant avait révoqué sa déclaration de renoncer à comparaître et s'il avait demandé à assister aux débats. Dans un tel cas, en effet, le juge aurait dû ordonner le transfert du détenu après avoir au préalable, le cas échéant, remis l'audience. Le requérant, s'il l'avait seulement voulu, aurait donc pu demander à être amené devant le tribunal de Pordenone où se déroulait le procès, qui s'est prolongé pendant huit audiences (du 15 avril au 17 mai 1980). Il a préféré renoncer volontairement à se prévaloir de cette possibilité. Pendant la procédure d'appel De même alors qu'il avait été convoqué devant elle plusieurs mois avant le procès, le requérant se présenta devant la cour d'appel après la fin des débats et demanda à être interrogé si la cour l'estimait opportun. A ce moment là, la cour d'appel, faisant application de l'article 501 alinéa 4 du C.P.P., refusa de l'entendre sans d'ailleurs que les défenseurs du requérant présents à l'audience soulèvent une exception à cet égard. En conclusion, il apparaît que le système pénal italien protège de la façon la plus étendue possible les droits de la défense, et notamment le droit de l'accusé à être présent à l'audience. Il paraît toutefois évident que cette protection ne saurait aller au-delà de l'obligation pour les autorités de garantir les conditions pour l'exercice effectif de ce droit et c'est au titulaire desdits droits qu'il appartient de les mettre en oeuvre selon les modalités et les délais qu'il aura librement évalués. Les différences avec l'affaire Colozza Quant à la question de savoir si les considérations développées par les juges italiens en n'accordant pas le renvoi du procès, étaient conformes aux principes établis par la Cour européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire Colozza, force est d'observer que, d'après le Gouvernement italien, la présente requête se distingue en l'espèce de l'affaire précitée. Dans l'affaire Colozza, en effet, les faits étaient ceux d'un inculpé déclaré tout d'abord introuvable puis en fuite ("irreperibile", ensuite "latitante") qui se plaignait de ne pas avoir eu connaissance des poursuites judiciaires contre lui et ce jusqu'à la conclusion du procès. Dans son arrêt, la Cour a fixé le principe que les dispositions qui prévoient que le déroulement du procès puisse avoir lieu même en l'absence de l'inculpé, doivent néanmoins garantir à ce dernier le droit d'obtenir, au moment où il apprend qu'un procès a eu lieu contre lui, qu'un juge décide une nouvelle fois, après l'avoir écouté, sur le bien-fondé de l'accusation. Dans le cas d'espèce il s'agit, en revanche, de vérifier si le requérant, qui avait sûrement connaissance qu'un procès était pendant contre lui, avait l'obligation d'y prendre part. La réponse ne saurait être que positive : on peut rappeler à ce propos ce que la Cour a affirmé dans son arrêt Colozza (paragraphes 26 et 28), quand elle a observé que la "faculté" de l'accusé d'être présent à l'audience n'est pas expressément sanctionnée par l'article 6 par. 1 (art. 6-1) et qu'on ne saurait admettre à ce droit une renonciation qui ne se trouve pas établie de manière "non équivoque". D'autant plus que, dans l'affaire Colozza précitée, la question était de savoir si les intérêts supérieurs de la justice pouvaient justifier la perte totale du droit à participer au procès. Dans le cas actuellement à l'étude de la Commission, la question est au contraire de savoir si le refus opposé par les juges à la demande de renvoi présentée par les défenseurs du requérant pour autoriser sa présence aux débats (présence à laquelle, rappelle-t-on, il avait expressément renoncé quelques jours auparavant) pouvait constituer une violation des principes visés à l'article 6 (art. 6) de la Convention. Cela est à exclure de la manière la plus catégorique au vu des observations sus-visées, et des affirmations de la Cour européenne des Droits de l'Homme elle-même. En conclusion le Gouvernement italien relève que les Etats sont libres dans le choix des moyens aptes à garantir que leur système judiciaire soit conforme aux obligations sanctionnées par la Convention et que la tâche de la Cour, en tant qu'organe de garantie du respect de la Convention, est d'établir, sans cependant indiquer ni censurer les moyens précités, si grâce à eux l'objectif voulu a été atteint (arrêt Colozza précité, par. 30). 2. Le requérant
a) Quant au respect du délai de six mois Dans ses observations le Gouvernement italien a fait valoir tout d'abord que la requête aurait été présentée après le délai de six mois prévu par l'article 26 (art. 26) de la Convention puisque l'arrêt de la Cour de cassation a été rendu public le 23 mars 1983. Le requérant remarque qu'à cette date la Cour de cassation a rendu public le dispositif de l'arrêt mais que les motifs de l'arrêt n'ont été déposés au greffe que le 15 juin 1983. Le délai de six mois doit commencer à courir depuis cette dernière date, puisque ce sont les motifs de l'arrêt qui donnent la possibilité d'examiner si et dans quelle mesure la Convention a été violée. D'autre part, le Gouvernement italien invoque les dispositions de l'art. 576 du C.P.P. qui concerne le caractère exécutoire de l'arrêt de la Cour de cassation, mais ne dit rien au sujet de l'art. 537 alinéa 2 qui indique quant à lui que l'arrêt est publié à l'audience immédiatement après délibération au moyen de la lecture du dispositif qui en est faite par le président ou un conseiller qu'il a délégué à cet effet (1). L'art. 148 du C.P.P. à son alinéa 3 indique ce qui suit : "les jugements et les ordonnances doivent être motivées (art. 111 const.) sous peine de nullité (385, 475)...." (2). Le législateur est très rigoureux sur la motivation puisqu'il prévoit une nullité absolue lorsqu'elle fait défaut. C'est-à-dire que les motifs sont essentiels et font partie du jugement. Sans la motivation il n'y a pas de jugement valable.
b) Quant au bien-fondé Pour ce qui concerne la notification de l'ouverture d'une enquête judiciaire par le juge d'instruction de Pordenone, il faut remarquer que cette notification en Suisse était nulle (ainsi qu'il ressort des deux avis de l'Office fédéral de Police qui ont été joints au dossier) puisque contraire à la Convention européenne sur l'entraide judiciaire.
__________________ (1) Art. 537 al. 2 "La sentenza (...) è pubblicata in udienza subito dopo la deliberazione, mediante lettura del dispositivo fatta dal presidente o da un consigliere da lui delegato." (2) Art. 148 al. 3 "Le sentenze e le ordinanze devono essere motivate (art. 111 cost) a pena di nullità (385, 475)...." Quoi qu'il en soit, le requérant n'a jamais reçu cette communication et la signature qui figure sur l'accusé de réception n'est pas la sienne ni celle d'une autre personne de son entourage. Le Gouvernement italien n'a donc pas rapporté la preuve qui lui incombait, que la notification avait bien eu lieu. Il a soutenu par contre qu'il eût appartenu au requérant de prouver qu'il n'avait pas reçu la communication : or une telle preuve négative est impossible. Par ailleurs le juge d'instruction n'aurait jamais dû déclarer le requérant introuvable, puisqu'il connaissait son adresse en Suisse. Le requérant n'a pas non plus été informé de la nomination d'un défenseur d'office au cours de l'instruction. Ce qui est choquant est le fait que le juge d'instruction de Pordenone n'a pas voulu interroger l'accusé, ce qu'il aurait pu faire par commission rogatoire en Suisse en assistant lui-même à cet interrogatoire, ou bien en le convoquant à Pordenone. Il y a donc eu volonté d'ignorer la personne la plus importante du procès, c'est-à-dire, l'accusé : en ignorant l'accusé, le juge a donc ouvertement violé les droits de la défense. La demande de renvoi du procès en première instance a été formulée par les défenseurs du requérant. Du moment que les autres accusés étaient libres, le tribunal aurait dû renvoyer le procès. En effet, l'art. 432 du C.P.P. (1) (invoqué par le Gouvernement italien) dit ce qui suit : "Lorsque la loi le prévoit expressément ou cela paraît absolument nécessaire la cour, le tribunal ou le "pretore" peuvent, par ordonnance (...) décider le renvoi des débats". Or, étant détenu à Bergame, le requérant ne pouvait préparer correctement sa défense et recueillir les documents et témoignages nécessaires. Pour cette raison il avait demandé au tribunal d'ajourner le procès jusqu'à sa remise en liberté (sa libération a d'ailleurs eu lieu quelques mois plus tard). D'autre part, le tribunal de Pordenone avait la faculté d'ordonner la comparution du requérant par la police (art. 429 C.P.P.) puisqu'il se trouvait en Italie. Mais ce qui est encore plus grave est le fait que le requérant s'est présenté devant la cour d'appel de Trieste pour y être interrogé : le président s'est refusé de l'entendre alors qu'aux termes de l'art. 501 du C.P.P. la cour était tenue d'interroger le requérant. Comme on l'a expliqué dans le recours et dans les observations successives, la justice italienne a condamné le requérant sans jamais l'avoir entendu, bien qu'elle en ait eu la possibilité. --------------------- (1) Art. 432 C.P.P. : " Quando la legge lo autorizza espressamente o se ne verifica l'assoluta necessità, la corte, il tribunale o il pretore puo' disporre con ordinanze (...) che il dibattimento sia rinviato (...)". Saisi d'un problème voisin de celui de la présente affaire, le Tribunal fédéral suisse a déclaré ce qui suit : (100 I A, par. 411 - nr. 3, lettre b) ".......d'autre part, cette disposition n'interdit certainement pas les condamnations par défaut ou par contumace, pour autant du moins que le justiciable puisse, en se présentant au juge, obtenir que sa cause soit reprise ab ovo dans une procédure contradictoire, comme c'est le cas en France..." En Italie cette faculté n'est pas donnée.
EN DROIT Le requérant allègue n'avoir pas eu un procès équitable. Il se plaint qu'il n'aurait pas été informé en temps voulu de l'ouverture d'une instruction. Il fait grief aux autorités judiciaires italiennes de ne l'avoir jamais entendu personnellement sur les faits qui lui étaient reprochés, en particulier de l'avoir déclaré à tort contumax lors du procès de première instance et de ne l'avoir pas entendu en appel. Il invoque les dispositions de l'article 6 (art. 6-1-3-a-c) de la Convention et notamment de ses paragraphes 1 et 3 lettres (a) et (c).
1. Quant aux différents griefs énoncés par le requérant à l'encontre de la procédure litigieuse, le Gouvernement italien a soulevé une exception d'irrecevabilité tenant à ce que la requête n'aurait pas été introduite dans le délai de six mois prévu par l'article 26 (art. 26) de la Convention. Aux termes de cet article "la Commission ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus et dans le délai de six mois, à partir de la date de la décision interne définitive." Le Gouvernement a fait valoir que la date à prendre en considération pour le calcul du délai précité est le 23 mars 1983, date à laquelle la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du requérant et a donné lecture du dispositif de l'arrêt en audience publique. Le requérant soutient que le délai n'a commencé à courir qu'à partir du 15 juin 1983, date du dépôt de l'arrêt motivé au greffe de la Cour de cassation. La Commission a déjà examiné pareille question dans de précédentes affaires. Dans sa décision N° 5759/72 du 20.5.1976 contre l'Autriche, elle a estimé que s'agissant d'un arrêt prononcé en audience publique, en présence de l'avocat du requérant, le délai de six mois commençait à courir à partir du prononcé de l'arrêt si celui-ci permettait au requérant de constater qu'il n'avait pas été remédié à la situation contestée (D.R. 6 p. 15). Dans une décision ultérieure, N° 9299/81 du 13.3.1984 contre la Suisse, elle a estimé, en se basant sur la nature des griefs soulevés devant le Tribunal fédéral suisse, que le délai de six mois devait être compté à partir de la notification du texte complet de l'arrêt (D.R. 36 p.20). La Commission remarque ici que le délai prévu par l'article 26 (art. 26) de la Convention répond, outre sa finalité première de servir la sécurité juridique (N° 9587/81, déc. 13.12.82, D.R. 29, p. 228), au besoin de fournir à l'intéressé un délai de réflexion suffisant pour lui permettre d'apprécier l'opportunité d'introduire une requête à la Commission et de décider du contenu de cette dernière. Un tel besoin ne saurait être satisfait qu'à partir du moment où le requérant a pu prendre connaissance non seulement de la décision qui a été rendue par les autorités judiciaires nationales mais également des motifs de fait et de droit qui l'étayent. Faisant application de ce principe en l'espèce, la Commission considère que le délai de six mois n'a commencé à courir qu'à partir du moment où le requérant a pu prendre connaissance des motifs de l'arrêt de la Cour de cassation, publiés par dépôt du texte de l'arrêt au greffe de la Cour de cassation, le 15 juin 1983. La Commission constate que la requête a été introduite le 13 décembre 1983, soit moins de six mois après cette date. Elle considère donc que l'exception du Gouvernement italien ne saurait être retenue.
2. Le requérant se plaint de n'avoir pas été informé de l'ouverture des poursuites conformément aux dispositions de l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention. Aux termes de cette disposition tout accusé a droit notamment à "être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; ....." La Commission rappelle que la disposition invoquée par le requérant vise aussi à garantir à tout accusé les moyens de préparer sa défense grâce à une information sur les faits matériels qui lui sont reprochés ainsi que sur leur qualification juridique (No. 7628/76, déc. 9.5.1977, D.R. 9, p. 169). a) Le Gouvernement a plaidé que la communication judiciaire envoyée au requérant le 27 décembre 1978 en Suisse constituait une information suffisante au sens de l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention. S'appuyant sur une lettre de l'Office fédéral suisse de la Police, le requérant soutient que la procédure suivie par les autorités italiennes - envoi à son domicile en Suisse d'une lettre recommandée avec accusé de réception - était contraire aux dispositions de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale en vigueur entre la Suisse et l'Italie et est cause d'une violation à son égard de l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention. Il ajoute qu'il n'a jamais reçu la communication en cause. La Commission note que la procédure suivie par les autorités judiciaires italiennes pour informer le requérant des poursuites dont il faisait l'objet n'est pas considérée par les autorités suisses comme étant régulière au regard du droit international en vigueur entre la Suisse et l'Italie en matière d'entraide judiciaire internationale en matière pénale. La Commission n'estime pas nécessaire cependant de se prononcer sur la question de savoir si une communication judiciaire transmise à l'étranger selon une procédure qui n'est pas considérée comme étant régulière par les autorités de ce pays étranger, serait ou non conforme à l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention. Elle relève en effet que le Gouvernement italien n'a pas démontré que la "communication judiciaire" litigieuse qui, en droit italien, doit être envoyée à l'intéressé aussitôt qu'apparaît la nécessité d'ouvrir une information contre lui, a été effectivement reçue par le requérant. Une simple présomption résultant de l'application du droit italien n'étant pas pertinente au regard de l'application de la Convention. b) La Commission remarque que, d'après les déclarations du requérant, la première information concernant les poursuites dont il faisait l'objet lui parvint alors que, détenu à B. pour d'autres causes, il reçut au mois de décembre 1979, la notification de l'ordonnance de renvoi en jugement adoptée à son égard le 5 décembre 1979 par le juge d'instruction de P. La Commission a examiné la question de savoir si, par cette information, les autorités italiennes avaient satisfait en l'espèce aux prescriptions de l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention. La Commission constate tout d'abord que l'ordonnance de renvoi en jugement contenait aussi bien l'exposé des faits matériels reprochés au requérant que leur qualification juridique et l'indication détaillée des motifs de l'accusation. Elle considère donc qu'en lui-même le texte de l'ordonnance de renvoi en jugement satisfaisait par son contenu aux exigences d'information de l'accusé, telles que définies à l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention. Il convient ensuite d'examiner si en l'espèce, le requérant peut être considéré comme ayant été "informé, dans le plus court délai", de "l'accusation" dont il faisait l'objet. La Commission relève en premier lieu que l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention vise une personne "accusée" d'une infraction. Certes, il n'existe pas en droit italien un moment spécifique au cours de l'instruction à partir duquel une personne impliquée dans une procédure pénale se voit formellement "accusée". Toutefois dans le contexte de la Convention les mots "accusé" et "accusation" correspondent à une notion autonome et doivent être interprétés par référence à une situation matérielle et non formelle. S'agissant, par exemple, de déterminer quelle était la durée d'une procédure pénale, la Cour a estimé que constitue une accusation non seulement la notification officielle du reproche d'avoir accompli une infraction mais aussi toute mesure comportant des répercussions importantes sur la situation du suspect (cf. Cour Eur. D.H. arrêt Deweer du 27 février 1980, série A n° 35, p. 24, par. 46 ; arrêt Eckle du 15 juillet 1982, série A n° 51, p. 33, par. 73). En l'espèce, la Commission constate que jusqu'à la notification de l'ordonnance de renvoi en jugement, la situation du requérant n'a pas été affectée par l'existence des poursuites. C'est donc au plus tard à partir de cette notification que le requérant doit être considéré comme ayant été "accusé" au sens de la Convention. La Commission a admis dans une précédente affaire, il est vrai, que la communication judiciaire prévue par le droit italien peut constituer une information au sens de l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) (Brozicek c/Italie, rapport Comm. 2.3.88, par. 72). Dans la présente affaire, cette communication n'a pas été reçue par le requérant au début des poursuites, contrairement à ce que prévoient les dispositions du C.P.P. italien. Cependant, la Commission ne considère pas qu'il y a eu pour autant violation de l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention. Elle relève en effet que l'information d'un ressortissant étranger qui vit à l'étranger, sur l'existence de poursuites à son encontre, exige toujours des formalités spécifiques. On ne peut nécessairement s'attendre à ce qu'une communication formelle par la procédure d'entraide judiciaire se fasse tout au début d'une instruction pénale alors qu'on ne peut prévoir si un renvoi en jugement aura lieu. En revanche, au moins dès qu'une personne a été renvoyée en jugement elle est sans aucun doute "accusée" au sens de l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention et doit être "informée dans le plus court délai" de l'accusation dont elle fait l'objet. En l'espèce la Commission constate que le requérant a reçu l'information concernant son renvoi en jugement à la prison de B., où il était détenu pour d'autres causes, peu après l'adoption de cette décision, soit dans le "plus court délai, prévu à l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention". Par ailleurs, la Commission note que l'ordonnance de renvoi en jugement a été notifiée au requérant quatre mois avant le début de son procès, délai garantissant à l'accusé le temps et les moyens de préparer sa défense, puisque le requérant a pu nommer trois défenseurs de son choix y inclus le défenseur d'office qui avait déjà agi pendant l'instruction. L'information reçue par le requérant à la prison de B. a donc été effectuée en temps utile pour la préparation de sa défense, ce qui est le but principal sous-jacent à l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention. Bien qu'une information à un stade antérieur eut pu comporter quelques avantages pour le requérant, la Commission ne peut pas conclure qu'il y a apparence d'une violation de l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention. Il s'ensuit que le grief tiré de l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) est manifestement mal fondé et doit être rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Le requérant se plaint également de n'avoir jamais été entendu personnellement sur les faits qui lui étaient reprochés et allègue que sa cause n'aurait donc pas été entendue de manière équitable. La Commission a examiné les griefs du requérant à la lumière des dispositions de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, qui dispose notamment que toute personne a droit "à ce que sa cause soit entendue équitablement". La Commission rappelle qu'il découle de l'objet et du but de l'ensemble de l'article 6 (art. 6) de la Convention et de la notion de procès équitable, que l'accusé doit avoir la faculté de prendre part à l'audience (cf. Cour Eur. D.H. arrêt Colozza du 13 février 1985, série A n° 89, p. 14, par. 27). La question qui se pose en l'espèce est celle de savoir si cette disposition peut se trouver violée dans le cas où un accusé, qui avait été mis en mesure d'assister aux débats, a refusé de le faire, au motif qu'il n'avait pu participer à l'instruction. La Commission constate que par une déclaration reproduite sur les registres de la prison de B. où il était détenu, le requérant a déclaré ne pas vouloir comparaître au procès de première instance. Il a mandaté ses défenseurs pour le représenter à toutes fins. En particulier, le requérant était assisté de trois défenseurs, dont l'avocat qui avait été désigné d'office lors de l'instruction et qu'il confirma dans ses fonctions comme défenseur de confiance. Le requérant s'est fait représenter par eux au cours de la procédure, marquant ainsi clairement son choix de ne pas participer à l'audience. Tout au long du procès, qui s'est prolongé pendant plus d'un mois et a compris huit audiences, le requérant n'a de plus jamais demandé à comparaître. La Commission considère qu'en l'espèce le requérant a omis de faire usage du droit de comparaître à l'audience qui lui était reconnu et garanti par le droit italien et d'utiliser les moyens de défense qui lui étaient ouverts. La Commission note enfin que dans le système italien de procédure pénale l'instruction a un caractère purement préparatoire et que l'administration définitive des preuves se fait contradictoirement au cours du procès. A cette occasion le requérant aurait pu être interrogé par les juges, faire citer des témoins, les faire interroger, produire tous documents qu'il estimait pertinents et faire toutes déclarations utiles à sa défense. Dans la mesure où le requérant soutient que sa non-participation à l'instruction préparatoire l'a entravé dans sa défense de manière irréparable, la Commission estime qu'il ne peut se prévaloir de cette circonstance puisqu'il n'a pas fait usage des moyens dont il disposait dans la procédure subséquente. De même, lors du procès d'appel, le requérant régulièrement cité à comparaître ne se présenta pas à l'audience en temps utile pour être interrogé. Dans les circonstances de l'espèce, la Commission considère que la crainte d'une arrestation dont il a fait état pour expliquer son absence et qui s'est révélée dépourvue de fondement n'est pas de nature à justifier sa non-comparution. La Commission note, enfin, que tout au long de la procédure les défenseurs du requérant ont activement participé à sa défense et que le requérant lui-même a fait connaître sa position personnelle par des écrits qu'il a envoyés à ses juges. En conséquence, la Commission considère que les griefs du requérant relatifs à l'absence de procès équitable sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE Le Secrétaire adjoint Le Président en exercice de la Commission de la Commission (J. RAYMOND) (J.A. FROWEIN)


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 10889/84
Date de la décision : 11/05/1988
Type d'affaire : Décision
Type de recours : Violation de l'Art. 5-3 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Remboursement frais et dépens - procédure nationale ; Remboursement frais et dépens - procédure de la Convention

Parties
Demandeurs : C.
Défendeurs : l'Italie

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1988-05-11;10889.84 ?

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