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08/05/1987 | CEDH | N°12476/86

CEDH | B. contre l'Espagne


SUR LA RECEVABILITE de la requête N° 12476/86 présentée par L. B. contre l'Espagne _________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 8 mai 1987 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président G. SPERDUTI F. ERMACORA G. JÖRUNDSSON G. TENEKIDES S. TRECHSEL B. KIERNAN A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER

H.G. SCHERMERS G. BATLINER H. VANDE...

SUR LA RECEVABILITE de la requête N° 12476/86 présentée par L. B. contre l'Espagne _________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 8 mai 1987 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président G. SPERDUTI F. ERMACORA G. JÖRUNDSSON G. TENEKIDES S. TRECHSEL B. KIERNAN A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS G. BATLINER H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL M. F. MARTINEZ M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 13 octobre 1986 par L. B. contre l'Espagne et enregistrée le 16 octobre 1986 sous le N° de dossier 12476/86 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est un ressortissant espagnol né en 1964 à O. Il purge actuellement une peine d'emprisonnement à l'établissement pénitentiaire à L. Pour la procédure devant la Commission, il est représenté par Me. Eugenio Gay Montalvo, avocat au barreau de Barcelone. Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit : Le 24 octobre 1982 à l'aube, Monsieur F., employé chargé du service de nuit dans une station d'essence aux environs de Vic (Barcelone), fut trouvé mort à son lieu de travail en raison des blessures qu'on lui avait faites après avoir été victime d'un vol. L'enquête policière qui s'ensuivit aboutit à l'arrestation du requérant. Pendant la garde à vue, le requérant se déclara coupable de ces faits. Cette déclaration fut ultérieurement confirmée par lui-même assisté d'un avocat. Toutefois, lorsque le requérant fut traduit devant le juge d'instruction, il rétracta les aveux faits devant les agents de police. Le requérant fut placé en détention provisoire puis mis en liberté sous caution de 50 000 Pesetas. L'affaire fut renvoyée pour jugement devant la chambre criminelle de la cour (Audiencia Provincial) de Barcelone. Par ordonnance (Auto) du 14 mars 1984, la chambre, considérant que le requérant encourait une lourde peine privative de liberté en raison des préventions portées à sa charge, annula la décision par laquelle il avait été mis en liberté sous caution et ordonna la détention préventive de ce dernier. Par arrêt du 10 avril 1984, la cour de Barcelone condamna le requérant à une peine de vingt-quatre ans de réclusion criminelle pour vol et homicide (robo con homicidio), ainsi qu'à payer une indemnité à la partie civile. Dans les considérants, la cour estimait que le requérant aurait enjoint à Monsieur F., sous la menace d'un couteau, de lui remettre l'argent qu'il y avait dans la caisse de la station d'essence. La victime ayant essayé de se défendre à l'aide d'un bâton, le requérant l'aurait alors attaqué avec le couteau et lui aurait fait plusieurs blessures. Le requérant se serait ensuite emparé d'une somme de 31 784 Pesetas. La cour relevait que la culpabilité du requérant avait été établie sur la base de divers éléments de preuve. Le requérant se pourvut en cassation. Il a allégué notamment qu'il avait été condamné sans preuves suffisantes permettant d'établir sa culpabilité et que le principe de la présomption d'innocence avait été méconnu à son égard. Par arrêt du 13 mars 1985, le Tribunal Suprême rejeta le recours. En particulier, l'arrêt faisait état des éléments de preuve suffisants à écarter la présomption d'innocence. Ces éléments consistaient dans les aveux que le requérant, assisté d'un avocat, avait faits devant les agents de police et à la production de diverses pièces à conviction, notamment l'arme qui avait servi à commettre le crime et des échantillons de sang trouvés sur le lieu du crime et sur les chaussures que le requérant portait au moment des faits. Le requérant saisit alors le Tribunal Constitutionnel d'un recours d'amparo pour violation, entre autres, de l'article 24 par. 2 de la Constitution espagnole (droit à un procès équitable et à la présomption d'innocence). Par arrêt du 21 avril 1986, cette juridiction rejeta le recours. Le tribunal, tout en soulignant que les déclarations faites devant les agents de police n'auraient pas suffit à elles-mêmes à écarter la présomption d'innocence, relevait que les preuves produites avaient permis à la cour de fonder sa conviction sur la culpabilité de l'accusé.
GRIEFS
1. Devant la Commission, le requérant se plaint tout d'abord qu'il n'a pas bénéficié du droit à un procès équitable et que le principe de la présomption d'innocence a été méconnu à son égard, en violation de l'article 6 par. 1 et par. 2 de la Convention. A cet égard, le requérant fait valoir qu'aucune des pièces produites n'a permis d'établir sa culpabilité et qu'il a été condamné sans autre preuve que ses aveux faits devant les agents de police. En outre, il allègue que les faits figurant comme prouvés dans les arrêts rendus par les juridictions espagnoles sont inexacts. Par ailleurs, le requérant soutient que la décision par laquelle la cour de Barcelone ordonna sa détention préventive après avoir été mis en liberté, constitue également une méconnaissance du principe de la présomption d'innocence.
2. Le requérant fait valoir ensuite qu'il n'a pas bénéficié d'un recours effectif permettant de se plaindre que le principe de la présomption d'innocence a été méconnu à son égard, et invoque l'article 13 de la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint tout d'abord qu'il n'a pas bénéficié du droit à un procès équitable et que le principe de la présomption d'innocence a été méconnu à son égard. A cet égard, il allègue notamment que les faits figurant comme prouvés dans les arrêts rendus par les tribunaux espagnols sont inexacts et qu'il a été condamné sans autre preuve que ses aveux faits devant les agents de police, aveux rétractés par la suite. En outre, il fait valoir que la décision par laquelle la cour de Barcelone ordonna sa détention préventive constitue une méconnaissance dudit principe. Le requérant invoque l'article 6 par. 1 et par. 2 (art. 6-1, 6-2) de la Convention. a) La Commission a examiné tout d'abord la question relative au caractère équitable de la procédure. Toutefois, en ce qui concerne les décisions judiciaires litigieuses, la Commission rappelle qu'elle a pour seule tâche, conformément à l'article 19 (art. 19) de la Convention, d'assumer le respect des engagements résultant de la Convention pour les parties contractantes. En particulier, elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention. La Commission se réfère sur ce point à sa jurisprudence constante (cf. No 1140/61, déc. 19.12.61, Recueil 8, p. 63 ; No 5258/71, déc. 8.2.73, Recueil 43, pp. 71, 77 ; No 7987/77, déc. 13.12.79, D.R. 18 pp. 31, 61). Quant à la question de l'appréciation des preuves, la Commission a déjà estimé que c'est là un point qui relève du pouvoir d'appréciation de tribunaux indépendants et impartiaux. S'il est vrai que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention garantit à toute personne le droit à un procès équitable, cette disposition ne réglemente toutefois pas l'admissibilité et l'appréciation des preuves, questions relevant essentiellement du droit interne. La Commission renvoie ici à sa jurisprudence (cf. par exemple, No 7450/76, déc. 28.2.77, D.R. 9 pp. 108, 109 ; No 8876/80, déc. 16.10.80, D.R. 23, pp. 233, 234). En l'espèce, la Commission constate que les juridictions espagnoles ont souligné que la culpabilité du requérant avait été suffisamment établie. En particulier, elle note que l'arrêt rendu par le Tribunal Suprême fait état d'éléments de preuves, tels que les aveux que le requérant a fait alors qu'il était assisté d'un avocat, et la production de diverses pièces à conviction. Les aveux du requérant n'auraient donc été qu'un élément parmi d'autres et au demeurant, comme le relève le Tribunal Constitutionnel, n'auraient pas été un élément déterminant. Par ailleurs, la Commission ne relève aucun indice permettant de penser que le requérant aurait été empêché de présenter convenablement sa cause ou qu'il n'aurait pas bénéficié d'un procès équitable, au sens de l'article 6 (art. 6) de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. b) La Commission a examiné ensuite le grief tiré de l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention. A cet égard, le requérant fait valoir que, dans la mesure où il aurait été condamné sans autre preuve que ses aveux faits devant les agents de police, le principe de la présomption d'innocence a été méconnu à son égard. En outre, il soutient que la décision de la cour de Barcelone ordonnant sa détention préventive constitue également une méconnaissance de ce principe. L'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention dispose en effet que toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Comme la Commission l'a déjà rappelé, ce texte exige en premier lieu que les membres du tribunal, en remplissant leur fonction, ne partent pas de la conviction ou de la supposition que le prévenu a commis l'acte incriminé. Puis, au moment de prendre leur décision, ils ne doivent arriver à une condamnation que sur la base de preuves directes ou indirectes mais suffisamment fortes, aux yeux de la loi, pour établir la culpabilité de l'intéressé. La Commission renvoie ici à sa jurisprudence (cf. Barberá, Messegué et Jabardo c/Espagne, rapport Comm. 16.10.86, par. 104)). En l'espèce, ce grief, tel qu'il a été soulevé, présente une connexité manifeste avec ceux que la Commission vient d'examiner. A cet égard, elle a constaté que le dossier révèle quelles ont été les preuves autres que les aveux du requérant sur lesquelles le tribunal s'est fondé pour établir la culpabilité de ce dernier. Quant à la décision de la cour de Barcelone ordonnant la détention préventive du requérant après qu'il avait été mis en liberté sous caution, la Commission rappelle tout d'abord sa jurisprudence selon laquelle un des buts de la détention préventive est d'assurer la présence du prévenu à l'audience et, par là même, d'assurer l'exécution de la peine qui pourrait être prononcée, la gravité de la peine à encourir étant dès lors un des éléments qui peut justifier une telle détention (cf. Ventura c/Italie, rapport Comm. 15.12.80, par. 185, D.R. 23 pp. 39-40). Or, en l'espèce, un tel élément a existé, comme le prouve la condamnation du requérant. Dans la présente affaire, la Commission relève que la décision en question fait état de ce que la cour, au vu de la gravité de la peine qui pourrait être infligée au requérant en raison des préventions portées contre lui, a décidé d'annuler la décision par laquelle il avait été mis en liberté sous caution et a ordonné la détention préventive du requérant, sans qu'aucune appréciation sur les faits et la culpabilité de ce dernier n'ait été faite. L'examen de ce grief n'a permis de déceler aucun indice permettant de penser que les autorités judiciaires espagnoles auraient méconnu le principe de la présomption d'innocence à l'égard du requérant. Il n'y a donc pas, en l'espèce, apparence de violation de l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention, de sorte que ce grief est manifestement mal fondé, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant se plaint également que contrairement aux exigences de l'article 13 (art. 13) de la Convention, il n'a pas bénéficié du droit à un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre que le principe de la présomption d'innocence a été méconnu à son égard. La Commission vient d'examiner le grief relatif au principe de la présomption d'innocence. Elle a ainsi conclu qu'il n'y a pas, en l'espèce, apparence de violation de l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention. La Commission est d'avis qu'il ne se pose pas de question séparée à ce sujet en application de l'article 13 (art. 13) de la Convention. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 12476/86
Date de la décision : 08/05/1987
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : recevable (partiellement) ; irrecevable (partiellement)

Analyses

(Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 5-5) REPARATION, (Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL, (Art. 6-1) PROCES PUBLIC, (Art. 6-1) TRIBUNAL IMPARTIAL, (Art. 6-1) TRIBUNAL INDEPENDANT, (P1-1-1) BIENS, (P1-1-1) INGERENCE


Parties
Demandeurs : B.
Défendeurs : l'Espagne

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1987-05-08;12476.86 ?

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