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11/03/1987 | CEDH | N°10964/84

CEDH | BROZICEK contre l'Italie


SUR LA RECEVABILITE de la requête N° 10964/84 présentée par Georg BROZICEK contre l'Italie _________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 11 mars 1987 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président G. SPERDUTI J.A. FROWEIN M. TRIANTAFYLLIDES E. BUSUTTIL B. KIERNAN A.S. GÖZÜ

BÜYÜK A. WEITZEL ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête N° 10964/84 présentée par Georg BROZICEK contre l'Italie _________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 11 mars 1987 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président G. SPERDUTI J.A. FROWEIN M. TRIANTAFYLLIDES E. BUSUTTIL B. KIERNAN A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER H. VANDENBERGHE Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL M. F. MARTINEZ M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 7 mai 1984 par Georg BROZICEK contre l'Italie et enregistrée le 10 mai 1984 sous le N° de dossier 10964/84 ; Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu la décision de la Commission du 9 juillet 1985 de porter la requête à la connaissance du Gouvernement italien ; Vu les observations du Gouvernement italien, datées du 23 octobre 1985 ; Vu les observations en réponse du requérant, datées du 19 décembre 1985 ; Vu les observations complémentaires du Gouvernement italien, datées du 19 février 1986 ; Vu les observations en réponse du requérant, datées des 15 mars et 22 avril 1986 ; Vu les conclusions des parties, développées à l'audience du 11 mars 1987 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits peuvent se résumer comme suit : Le requérant, de nationalité allemande, est né en 1926. Il est professeur et a son domicile à Steinalben. Les faits tels qu'ils ressortent des décisions judiciaires litigieuses sont les suivants : le 13 août 1975 le requérant fut interpellé par les représentants des forces de l'ordre, alors qu'il troublait une manifestation populaire du parti communiste qui se déroulait à Pietra Ligure, dans la province de Savona. A cette occasion il aurait injurié les policiers et frappé l'un d'entre eux. Sur la base d'un rapport rédigé par les policiers (mais vivement contesté par le requérant dans une plainte rédigé en français, qu'il adressa le 14 août 1975 au parquet de Savona) des poursuites furent entamées contre le requérant. Le 23 février 1976, le requérant reçut à Nuremberg, par lettre recommandée rédigée en italien, une communication du parquet de Savona du 19 février 1976, l'informant qu'il était poursuivi du chef de résistance aux forces de l'ordre et coups et blessures (articles 337 et 582 du code pénal italien, C.P.I.) pour les faits s'étant déroulés le 13 août 1975 à Pietra Ligure. Il était également invité à nommer un défenseur. Le requérant retourna immédiatement cet avis au parquet de Savona, le considérant comme incompréhensible et demanda qu'on lui écrivit soit en allemand, soit en anglais ou français, seules langues qu'il comprenait. Le parquet de Savona lui adressa la même communication 2 ans et demi plus tard, soit le 17 novembre 1978, dans les mêmes conditions. La lettre était assortie de l'invitation à élire un domicile en Italie dans un délai de 30 jours à compter de la réception de l'avis. Le requérant a affirmé qu'ayant déménagé il ne reçut pas cet avis qui fut retourné à l'expéditeur. Le Gouvernement soutient quant à lui que le requérant a bien reçu cette seconde communication. Il a produit à l'audience l'accusé de réception de la lettre recommandée envoyée au requérant, portant une signature que le Gouvernement affirme être celle du requérant. La lettre aurait été retournée à l'expéditeur. Il ressort des documents versés au dossier et notamment du jugement du tribunal de Savona, que cette nouvelle communication tenait lieu d'avis ex art. 177 bis du code de procédure pénale italien (C.P.P.) (1). ---------- (1) Art. 177 bis du code de procédure pénale (Notifications au prévenu se trouvant à l'étranger) S'il ressort des actes de la procédure une information précise sur le lieu où le prévenu demeure à l'étranger, le ministère public ou le "pretore" lui transmet, par lettre recommandée, l'avis qu'une procédure est en cours contre lui et l'invitation à déclarer ou à élire domicile pour les notifications des actes dans les lieux où se déroule la procédure. Au cas où l'on ne connaît pas la demeure du prévenu à l'étranger ou si ce dernier n'effectue pas la déclaration ou l'élection de domicile, ou bien si ces dernières sont insuffisantes ou inefficaces le juge ou le ministère public émettent le décret prévu à l'article 170 du C.P.P. Le requérant n'ayant pas répondu aux invitations qui lui avaient été faites, le ministère public le déclara introuvable aux termes de l'article 170 du C.P.P. (1) par "décret" du 13 décembre 1978 et lui nomma un défenseur d'office. A partir de cette date, toutes les notifications relatives à l'instruction furent effectuées par dépôt au secrétariat du parquet. (article 170 du C.P.P.) Le 21 décembre, le ministère public émit à l'encontre du requérant un mandat de comparution pour résistance aux forces de l'ordre et lésions personnelles, notifié conformément aux dispositions de l'article 170 du C.P.P. Le 30 décembre 1978, le ministère public transmit les actes au tribunal, avec demande de citer le requérant à comparaître pour les préventions retenues. ------------------ (1) Article 170 du code de procédure pénale (Notification à l'inculpé introuvable) S'il n'est pas possible d'effectuer les notifications selon les modalités énoncées à l'article précédent, l'huissier en rend compte au juge saisi de l'affaire ou au ministère public lorsque la notification a été demandée par lui. Le juge ou le ministère public, après avoir ordonné de nouvelles recherches, notamment au lieu de naissance ou au lieu du dernier domicile de l'inculpé, prend un décret par lequel, après avoir désigné un défenseur à l'inculpé qui n'en a pas encore dans le lieu où se déroule la procédure, ordonne que les notifications relatives à la procédure qui n'ont pu être faites, soient exécutées par dépôt au greffe et au secrétariat du tribunal devant lequel se déroule la procédure. Le défenseur doit être immédiatement avisé de tout dépôt. Les notifications ainsi exécutées sont valables à tous les effets ; mais, si la loi n'en dispose pas autrement, elles ne confèrent pas au défenseur le droit de se substituer à l'inculpé dans les actes que celui-ci doit accomplir personnellement ou par l'intermédiaire d'un mandataire spécial. Pour tout autre acte, le défenseur représente l'inculpé. Le décret constatant l'impossibilité de retrouver l'inculpé rendu pendant l'instruction (article 295 et ss., 389 et ss.) n'est pas applicable aux fins de la procédure (giudizio) de première instance et celui rendu au cours de cette dernière n'est pas applicable aux fins de la procédure d'appel ou de renvoi." Le 11 mars 1981, le président du tribunal émit un nouveau "décret" déclarant le requérant introuvable et le cita à comparaître à l'audience du 1er juillet 1981. La citation fut notifiée par dépôt au greffe du tribunal conformément à l'art. 170 du C.P.P. Le procès se déroula par contumace et le requérant fut condamné à cinq mois d'emprisonnement avec sursis et non mention de la condamnation dans les certificats du casier judiciaire délivrés à la demande de particuliers. Le jugement rendu le 1er juillet 1981 par le tribunal de Savona fut notifié, par extrait, par acte du 2 juillet 1981, au moyen du dépôt au greffe du tribunal et après que le président du tribunal eut émis un nouveau "décret" déclarant le requérant introuvable. En date du 5 mai 1984, le requérant prit connaissance par lettre du 30 avril 1984 émanant du Procureur général près la Cour fédérale de justice - Registre fédéral central - (République Fédérale d'Allemagne) de la condamnation dont il avait fait l'objet en Italie, par le tribunal de Savona, le 1er juillet 1981, qui avait acquis force de chose jugée le 7 juillet 1981. Il était condamné, du chef de coups et blessures, à une peine de 5 mois de prison avec mise à l'épreuve et non mention de la condamnation dans les certificats du casier judiciaire délivrés à la demande de particuliers. Le jugement avait été rendu par défaut. L'inscription au casier judiciaire allemand avait été faite conformément à l'article 52 de la loi sur le casier judiciaire (Bundeszentralregistergesetz - BZRG) Le 7 mai 1984 le requérant adressa au ministère italien de la justice une lettre, en allemand, dans laquelle il faisait valoir qu'il n'avait jamais reçu dans sa langue la moindre information concernant le procès, qu'il n'avait eu aucune possibilité de se défendre puisque ni l'acte d'accusation, ni le jugement ne lui avaient été notifiés. Le requérant demandait également aux autorités de lui indiquer, en allemand ou bien en français ou en anglais, quelles voies de recours lui étaient encore ouvertes contre ce jugement. Par lettre du 5 octobre 1984, rédigée en italien, le Ministère l'informa qu'il pouvait à la fois faire appel, en dehors des délais normaux, contre le jugement rendu à son encontre, dans la mesure où la notification qui lui en avait été faite n'aurait pas été régulière et demander l'annulation du jugement au sens de l'article 553 du C.P.P. (révision du procès).
GRIEFS DU REQUERANT Les griefs du requérant peuvent se résumer comme suit : Le requérant allègue la violation de l'article 6 par. 1 et 3 de la Convention. Le requérant fait valoir que toute l'instruction et la procédure pénale ont été conduites à son insu. Il n'a de ce fait pas été en mesure de se défendre. Il se plaint notamment de n'avoir pas été informé dans une langue qu'il comprenait de l'accusation dont il faisait l'objet.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 7 mai 1984. Par décision du 9 juillet 1985, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement italien et de l'inviter à présenter ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête, conformément à l'article 42 par. 2 (b) de son Règlement intérieur. Le Gouvernement défendeur a été invité à se prononcer en particulier sur la question de savoir si, en l'espèce, le requérant a été informé de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, conformément aux prescriptions de l'article 6 par. 3 (a) et s'il a eu un procès équitable au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention. Les observations du Gouvernement italien ont été transmises à la Commission par lettre du 23 octobre 1985. Le requérant a fait parvenir ses observations en réponse le 19 décembre 1985. Par lettre du 19 février 1986, le Gouvernement italien a transmis à la Commission des observations complémentaires sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. Le requérant a soumis ses observations en réponse par lettres du 15 mars et 22 avril 1986. Le 13 octobre 1986, la Commission a repris l'examen de la requête et décidé de tenir une audience sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. L'audience a eu lieu le 11 mars 1987. Les parties étaient représentées comme suit :
Pour le Gouvernement
Monsieur Luigi FERRARI BRAVO, agent du Gouvernement
Maître Daniele STRIANI, avocat auprès de la Cour de cassation, conseil
Monsieur Giovanni GRASSO, professeur de droit pénal des affaires à Catane, conseil
Madame Luisa BIANCHI, magistrat détaché auprès du ministère de la Justice, conseil
Pour le requérant
Le requérant a présenté lui-même sa défense. ARGUMENTATION DES PARTIES A. Le Gouvernement Le requérant, ressortissant allemand, se plaint de la violation, de la part des autorités judiciaires italiennes, de l'article 6 par. 1 et 3 (a) de la Convention. Les faits à l'origine de la requête sont les suivants : Le 13 août 1975, à Pietra Ligure (province de Savona), le requérant eut une discussion avec deux agents de police qui dégénéra au point que les Carabiniers de l'endroit rédigèrent un rapport sur la base duquel furent entamées des poursuites à l'encontre du requérant. Le 23 février 1976, le requérant reçut à son adresse de Nuremberg (République Fédérale d'Allemagne) une communication du parquet de Savona - datée du 19 février 1975 - l'informant qu'une procédure pénale avait été ouverte contre lui pour résistance aux forces de l'ordre et coups et blessures volontaires (articles 337 et 582 du code pénal) et l'invitant à nommer un défenseur (article 304 du code de procédure pénale). Le requérant renvoya la communication judiciaire à l'expéditeur, affirmant qu'il n'était pas à même d'en comprendre le contenu et demanda que d'ultérieures communications lui soient adressées en allemand, ou dans les langues française ou anglaise qu'il déclarait connaître. Une deuxième communication fut envoyée au requérant par le parquet, le 17 novembre 1978, conformément à l'article 177 bis, C.P.P., l'invitant à élire un domicile en Italie. Cette communication fut retournée à l'expéditeur avec la mention que le requérant n'habitait plus à cette adresse. Toutefois l'avis de réception de la lettre fut retourné au parquet avec une signature qui pour le Gouvernement est celle du requérant. Le 13 décembre 1978, le procureur de la République de Savona déclara l'inculpé introuvable (article 170 C.P.P.) et lui nomma un défenseur d'office. Le 21 décembre 1978, un mandat de comparution fut émis contre le requérant pour les délits mentionnés ci-dessus. Il fut notifié selon les "modalités des introuvables" par dépôt au greffe et envoi d'un avis au défenseur (nommé d'office). Le 30 décembre 1978, le procureur de la République transmit les actes au tribunal, avec une demande d'assignation en jugement (article 396 C.P.P.). Le 11 mars 1981, le requérant fut cité à comparaître en jugement pour l'audience du 1er juillet suivant. Cette citation fut déposée au greffe. Le 1er juillet 1981, le requérant fut condamné par contumace à cinq mois de prison avec mise à l'épreuve et non-mention de la condamnation dans le certificat du casier judiciaire, délivré à la demande de tiers. Le verdict fut notifié par extrait le 2 juillet 1981 et déposé au greffe. Le requérant fut informé de sa condamnation par le procureur général près la Cour Fédérale de Justice de son pays (Registre Fédéral Central). Le 7 mai 1984, il a présenté sa requête à la Commission.
1. Le requérant affirme qu'il y a eu violation de l'article 6 par. 3 (a) de la Convention en ce qu'il n'aurait pas été informé dans une langue qui lui était compréhensible, de la nature et des motifs de l'accusation. a) Quant à la langue utilisée. Le Gouvernement fait tout d'abord valoir que le requérant n'aurait pas épuisé les voies de recours internes quant à ce grief. En effet le droit italien prévoit à peine de nullité, que l'accusé soit mis en mesure de comprendre le contenu de l'accusation dont il fait l'objet, ce qui implique que la notification lui soit faite dans une langue qu'il connaît. La jurisprudence italienne souligne à cet égard qu'en ce qui concerne un étranger qui ne réside pas en Italie, "la compréhension de l'italien ne peut être présumée, mais doit être vérifiée au prélable ou établie de manière adéquate par le juge (III section pénale, Cour de cassation, 8.6.83, Strobl, mass. uff. 160773, G.P. 1984 parte III, colonna 78). Devant les autorités judiciaires italiennes, le requérant aurait donc pu tirer exception de la nullité de la communication judiciaire et de tous les actes d'instruction accomplis par la suite (article 185 du C.P.P.). Selon le Gouvernement italien le grief du requérant ne paraît pas non plus fondé : il y a lieu de croire que le requérant connaissait bien l'italien. C'est ainsi que le rapport de police du 14 août 1975, rédigé par les gendarmes, indique que l'on pouvait aisément comprendre que l'inconnu qui avait refusé de montrer ses papiers aux gendarmes était allemand "même s'il parle très bien la langue italienne", que le jugement constate qu'à un certain moment le requérant avait refusé de répondre dans une autre langue que l'allemand, bien qu'ayant une assez bonne connaissance de l'italien, qu'au cours de la discussion avec les agents de police de Pietra Ligure, l'inculpé avait répondu "ton sur ton" aux gendarmes. Dans sa plainte adressée le 14 août 1975 à la préfecture de Savone, le requérant reconnaît lui-même qu'il connaissait l'italien : n'affirme-t-il pas, en effet, que suite à une question posée à son fils en italien, il a répondu "aussi d'ailleurs en italien : c'était moi. L'agent nous demandait les documents, j'ai répondu ne pas les avoir sur moi, mais à la maison et lui ai clairement donné mon nom et adresse exacte en ajoutant que je suis volontiers disposé à donner toute explication à ce sujet à la gendarmerie". Enfin, à la manière dont le requérant relate les faits dans les deux exposés en langue française, envoyés aux autorités italiennes, il est aisé de comprendre qu'il connaissait non seulement la langue parlée, mais aussi la langue écrite (références explicites aux inscriptions sur les murs de la petite ville). Le Gouvernement italien se demande si, dans le cas présent, le requérant, qui était à même de comprendre le contenu et la signification de ce qui lui avait été communiqué par l'autorité judiciaire et aurait pu, avec un minimum d'effort se renseigner sur les implications de cette communication, est en droit de se poser en victime d'une violation de la Convention alors qu'il a délibérément retourné sous un faux prétexte la lettre contenant tous les éléments utiles à son information, lettre qui lui avait été notifiée conformément à la loi. Le Gouvernement estime que même en matière pénale une personne n'est pas dégagée de l'obligation de faire preuve d'un minimum de diligence pour protéger ses intérêts sauf à faire obstacle à l'administration de la justice, déformant ainsi les garanties contenues dans la Convention. Il est significatif que M. BROZICEK, qui a une culture supérieure à la moyenne (comme cela est prouvé par ses qualifications professionnelles d'ingénieur et de professeur), qui connaît bien la langue française, et était de toute façon capable de soutenir une discussion animée avec les agents de police de Pietra Ligure, où il séjournait, se déclare par la suite incapable de comprendre un acte judiciaire, dont le contenu était par ailleurs assez simple. En réalité le requérant a délibérément refusé la juridiction italienne et omis d'exercer les droits que le C.P.P. reconnaît à tout accusé. Enfin il faut relever que l'article 6 par. 3 (a) de la Convention ne garantit pas le droit de l'accusé d'être informé dans sa langue maternelle, mais dans une langue qu'il comprend, ladite mesure visant à assurer la jouissance effective des droits garantis par la Convention. Sur la base de ces considérations, il y a lieu de conclure que le requérant fut correctement informé de l'accusation portée contre lui, et qu'il n'y a eu en l'espèce aucune apparence de violation de la disposition de la Convention invoquée par le requérant. b) Quant au contenu de la communication du 19 février 1976. Le requérant affirme que de toute manière la communication qui lui fut envoyée ne répondait pas aux conditions requises à la lettre b) du paragraphe 3 de l'article 6 car elle ne contenait aucune information détaillée sur la nature et la cause de l'accusation. Le Gouvernement observe à cet égard qu'il est certain que M. BROZICEK était conscient de la tournure qu'avait pris son différend avec les gendarmes, même si par la suite, en réponse aux gendarmes qui dressaient le procès verbal, il avait nié avoir frappé l'un d'entre eux. Par ailleurs, quelque temps auparavant, une contravention avait été dressée au requérant par les gendarmes pour stationnement interdit : il avait renvoyé l'avis de contravention à la police de Pietra Ligure accompagné d'une longue lettre de protestation, datée du 9 août 1975. Dans la lettre de protestation précitée, le requérant se plaignait de l'attitude des autorités locales à l'égard des étrangers et de toutes les insuffisances de l'administration municipale, si bien que l'épisode du 13 août suivant peut être défini comme une conséquence du ressentiment qu'il éprouvait déjà. Il s'ensuit que la communication qui fut envoyée au requérant et qui mentionnait expressément la nature des délits dont il était prévenu et leur qualification juridique - "lésions personnelles volontaires" selon l'article 582 du C.P. et "résistance à un officier public", selon l'article 337 du C.P. -, le lieu et la date auxquels ils se référaient - Pietra Ligure, le 13 août 1975 - ainsi que l'avocat d'office qui avait été désigné et le nom de la partie lésée, peut être considérée comme fournissant à l'intéressé les informations nécessaires sur la nature et les motifs de l'accusation en vue du respect des droits de la défense. D'autant plus que, dans le système juridique italien, la communication visée à l'article 390 du code de procédure pénale, telle que celle envoyée par le procureur de la République au requérant, doit être adressée au suspect dès le premier acte de l'instruction préliminaire. Elle est donc envoyée quand on ne peut encore prévoir si l'action pénale aura des suites et lesquelles, l'affaire pouvant encore être classée. Donc, stricto jure, la communication reçue par M. Brozicek (qu'il a retournée à l'expéditeur) ne contenait à ce moment-là aucune accusation spécifique et ne pouvait être plus détaillée dans la mesure où il n'y avait pas encore d'inculpation mais simplement une information au sens de l'article 390 du C.P.P. Le Gouvernement considère que si le requérant avait fait preuve d'un minimum de diligence pour participer au procès cette première information se serait enrichie des autres éléments contenus dans le dossier.
2. Quant au grief relatif à l'absence de procès équitable (article 6 par. 1), en raison du fait que le requérant a été jugé par contumace, le Gouvernement italien estime que le requérant n'a pas épuisé les voies de recours internes et subsidiairement que le grief est manifestement mal fondé. a) Quant à l'épuisement des voies de recours internes. Le requérant a en effet été informé le 5 mai 1984 de l'inscription de sa condamnation au casier judiciaire par les autorités allemandes. Il a introduit son recours à la Commission deux jours plus tard, le 7 mai 1984. Or, il aurait pu et dû faire valoir ses griefs d'abord devant les autorités judiciaires italiennes. Il disposait à cet égard d'un "appel" apparemment tardif à l'encontre du jugement du tribunal de Savona (articles 500, 513 et 199 du C.P.P.) et pouvait soulever un incident d'exécution, visant à contester l'existence même du titre exécutif que constituait la condamnation par contumace devenue définitive (article 628 et suivants du C.P.P.). aa) Appel. On sait (voir Cour Eur. D.H., arrêt Colozza du 12 février 1985, série A n° 89, par. 23 et 31) que le droit italien prévoit la possibilité pour l'accusé jugé par contumace d'attaquer le jugement, même après l'échéance (apparente) des délais "normaux" d'appel, lorsque subsistent des vices dans la notification de ce même jugement (voir par ex. C. cass. italienne 19 octobre 1958, Monico ; C. cass. italienne 15 avril 1969, Squillero ; C. cass. italienne 3 avril 1973) ou lorsqu'une nullité absolue frappe l'existence même du titre exécutif (voir C. cass. 7 octobre 1958, Trezzi ; C. cass. italienne 30 juin 1959, Timpano; C. cass. italienne 2 avril 1977, Russo et autres). En réalité ce recours doit s'analyser comme une demande de "restitutio in terminis" qui ouvre au requérant la possibilité d'exercer un appel. En l'occurrence, relevons que M. Brozicek qui allègue l'illégalité du décret le déclarant introuvable, émis par le procureur du tribunal de Savona alors que le pli recommandé envoyé conformément à l'article 177 bis du C.P.P. ne lui avait pas été remis (point 2 de son mémoire du 25 juin 1985) ; qui se plaint de l'illégalité de la procédure de notification prévue par l'article 177 bis du C.P.P. pour les personnes résidant à l'étranger (point 3 du mémoire du 25 juin 1985), de l'illégalité du décret le déclarant introuvable rendu par le procureur de la République de Savona du fait que les recherches prescrites par l'article 170 du C.P.P. n'auraient pas été effectuées (paragraphe 19 de la requête adressée à la Commission le 3 novembre 1984) ; de l'illégalité de l'utilisation d'une procédure prévue pour les personnes introuvables alors que les décrets y relatifs n'avaient pas été renouvelés au cours de la procédure contrairement au prescrit de l'article 177 du C.P.P. (point 4 du mémoire du 25 juin 1985), enfin que de nouvelles recherches n'auraient pas été effectuées (paragraphe 19 de la requête du 30 novembre 1984) et de l'irrégularité de la notification de l'extrait de la condamnation, aurait pu soulever ces griefs devant les autorités judiciaires italiennes au moyen d'un appel. L'appel tardif aurait justement permis au requérant de faire valoir l'ensemble de ces irrégularités notamment l'irrégularité de la notification faite conformément à l'article 500 du C.P.P., et de faire obstacle au passage en force de chose jugée de l'arrêt de condamnation. L'appel une fois admis, le requérant pouvait exercer en appel tous les droits relatifs à la défense que prévoit le C.P.P. pour ce recours, recours ordinaire s'il en est. Comme le reconnaît le requérant dans son mémoire du 25 juin 1985, le délai visé à l'article 199 C.P.P. pour interjeter appel, court à partir de la date de la notification regulière et légale de l'extrait de condamnation par contumace. Faute d'une notification regulière le jugement ne peut être considéré irrévocable. Il s'agit là d'un aspect dont M. Brozicek semble bien s'être rendu compte puisque dans sa requête n°11338/85 c/RFA il fait grief aux autorités judiciaires allemandes d'avoir inscrit au casier judiciaire un jugement n'ayant pas encore force de chose jugée (voir son mémoire du 25 juin 1985). Le délai prévu pour la présentation de l'appel est lui aussi le délai ordinaire prévu par le code. Faute d'une notification régulière de l'extrait de la condamnation par contumace il court à partir du moment où l'inculpé a acquis une connaissance suffisante de la condamnation, équivalente à celle que lui garantit l'extrait de condamnation, qui contient tous les éléments essentiels contenus dans ce dernier (Cass. Chambre V, 19 octobre 1983 - Serafin). Tel n'était pas le cas de la communication envoyée au requérant par le parquet général près la Cour fédérale de justice ; par contre, on peut considérer que ces éléments étaient réunis par la notification de l'arrêt effectuée par le Consul de la République Fédérale d'Allemagne à Gênes. Il y a lieu de remarquer par ailleurs que le délai de 3 jours ne concerne que le délai de recours, les moyens invoqués devant être présentés dans un délai de 20 jours. Du reste, la Commission s'est récemment prononcée dans un cas tout à fait analogue (n° 11269/84 Guardascione contre l'Italie), et a déclaré irrecevable la requête après avoir relevé le défaut d'introduction d'un appel apparemment tardif qui aurait eu des possibilités de succès pour des raisons semblables à celles de la présente affaire. En résumé, le requérant aurait donc pu plaider la nullité du jugement, aussi bien quant à la notification du décret de citation en jugement, qu'à celle de l'extrait du jugement. Ne l'ayant pas fait, son grief est irrecevable par application de l'article 26 de la Convention. Il y a lieu d'ajouter que la lettre que le requérant a adressée le 7 mai 1984 au ministère de la Justice (et qui est contemporaine de la requête introduite auprès de la Commission) ne constituait pas un recours et que la réponse - d'après lui - tardive, du ministère précité, ne saurait l'avoir relevé de l'obligation d'exercer les recours indiqués. L'affirmation du requérant selon laquelle il aurait reçu ladite réponse alors que tous les délais pour l'introduction du recours étaient déjà échus, est inexacte. Il est vrai que le jugement rendu par contumace et notifié par extrait doit être attaqué dans les trois jours de ladite notification. Mais la notification du jugement avait eu lieu selon la procédure des introuvables, soit suivant des modalités dont le requérant contestait la régularité. Le requérant pouvait donc introduire un appel apparemment tardif, moyen de recours qui sauvegarde le droit des accusés dans les cas où des circonstances défavorables à l'intéressé ont entraîné une application erronée des normes et déterminé la nullité de la procédure. Le recours qui n'est qualifié d'extraordinaire que parce qu'il est introduit contre un jugement apparemment irrévocable, mais constitue une voie normale de recours. bb) L'incident d'exécution. Grâce à la présentation d'un incident d'exécution tel que prévu par les articles 628 et suivants du C.P.P., le requérant aurait pu faire obstacle provisoirement à l'exécution du jugement. cc) Exception d'inconstitutionnalité. La Commission a déjà admis que l'exception d'inconstitutionnalité est une voie de recours à épuiser pour satisfaire à la condition posée par l'article 26 de la Convention (Déc. N° 9621/80 du 13 octobre 1983). Le requérant aurait pu soulever une exception d'inconstitutionnalité des articles 170 et 177 bis du C.P.P., qui à son avis n'étaient pas de nature à garantir une participation effective au procès de l'accusé residant à l'étranger, dans le cadre du recours éventuellement exercé devant le tribunal de Savona. b) Quant au bien-fondé de ce grief. Dans son rapport du 5 mai 1983 (Colozza et Rubinat c/Italie, rapport Comm., 5.5.1983) la Commission a précisé qu'un procés équitable suppose à la fois l'information de l'accusé, sa présence et sa défense. Elle a notamment indiqué au paragraphe 112 de son rapport que "la personne objet des poursuites doit en connaître l'existence, elle doit en conséquence être mise en mesure, si elle le désire, de prendre part à l'audience, ainsi que de se défendre dans la procédure au cours de laquelle il sera statué sur le bien-fondé des accusations portées contre elle". En l'espèce le requérant a été informé de l'existence de poursuites à deux reprises, mais a délibérément renoncé à participer à la procédure et d'exercer les droits reconnus à la défense par le système italien. Le requérant dans la présente affaire savait certainement qu'il faisait l'objet de poursuites et ne peut donc se plaindre de la violation de son droit à un procès équitable. B. Le requérant a) Quant aux griefs relatifs à l'article 6 par. 3 (a) de la Convention. Le requérant affirme n'avoir pas été "informé" au sens de l'article 6 par. 3 (a) de la Convention, des poursuites dirigées contre lui. Se référant à la communication judiciaire qui lui fut envoyée le 23 février 1976 il affirme ne pas avoir pu en saisir le contenu en raison de sa méconnaissance de l'italien. Cette circonstance était connue des autorités italiennes auxquelles, avant même les incidents qui forment l'objet de la procédure incriminée, il avait eu l'occasion d'adresser différentes lettres en allemand et en français. Le requérant affirme par ailleurs que le "formulaire" utilisé par les autorités italiennes pour lui communiquer, conformément à l'article 304 du C.P.P., l'ouverture de poursuites pénales contre lui, ne pouvait en aucun cas constituer "une information détaillée sur la nature et la cause de l'accusation". Pour lui, la lettre reçue à Nuremberg n'était pas claire. Il en ressortait qu'on donnait suite aux plaintes qu'il avait formulées par écrit à l'occasion des faits litigieux. Aucune autre information ne lui fut délivrée personnellement, comme le prescrit, selon le requérant, l'article 6 par. 1 de la Convention. En conséquence, il n'a pas été informé dans une langue qu'il comprenait et de manière détaillée de la nature et de la cause des accusations portées contre lui. Par ailleurs et contrairement à ce qu'a pu affirmer le Gouvernement italien, jamais il n'a reçu la seconde communication judiciaire du 17 novembre 1978, il n'a donc pas pu signer l'accusé de réception exhibé par le Gouvernement. Pour le requérant, le Gouvernement essaie de dissimuler la réalité. Ainsi, il aurait faussement affirmé tout d'abord que les faits concernaient une altercation qu'il aurait eue avec deux agents de police à la suite d'une contravention routière alors qu'il s'agissait d'une attaque armée perpétrée contre lui-même et son fils lors de la "Festa dell'Unità" par un important groupe de militants communistes, et ce pour la seule raison que lui-même et son fils étaient des témoins indésirables des "atrocités communistes tchécoslovaques". b) Quant aux griefs relatifs à l'article 6 par. 1. Quant à l'ensemble de la procédure, le requérant souligne que le Gouvernement lui-même a admis qu'elle était entachée de graves irrégularités puisqu'il reconnaît que "selon les informations du parquet compétent, le décret déclarant l'inculpé introuvable n'avait pas été précédé des recherches obligatoires et celles-ci n'avaient pas été renouvelées à l'occasion de la notification du jugement rendu par contumace". Il s'ensuit que la procédure est viciée d'une nullité absolue qui méconnaît à la fois les dispositions légales italiennes et celles de la Convention. Le requérant affirme, par ailleurs, que les vices dont sont entachés la procédure et le jugement sont irrémédiables. C'est en vain que le Gouvernement essaie de mettre en cause la recevabilité de la requête en arguant de l'existence de voies de recours que le requérant n'aurait pas épuisées. En effet, les voies de recours qui ont été énumérées par le Gouvernement italien sont des voies de recours "extraordinaires", assimilables à la révision. Or, le Secrétariat de la Commission dans la "Notice à l'intention des personnes qui désirent s'adresser à la Commission" indique clairement que les requérants ne sont pas tenus d'essayer d'obtenir la révision d'un procès, une fois qu'ils ont été condamnés par un tribunal. Par ailleurs, toutes les autorités interpellées sur le jugement rendu par le tribunal de Savona ont déclaré que le jugement était définitif. De toute manière le requérant affirme qu'il n'avait aucune possibilité d'exercer un recours, notamment l'appel tardif. En effet il apprit l'existence de sa condamnation par l'extrait du casier judiciaire allemand, envoyé par lettre du 30 avril 1984 reçue le 5 mai 1984. Or cette communication mentionnait que la condamnation était passée en force de chose jugée depuis le 7 juillet 1981 "Rechtskräftig seit 7.7.81" et ceci était décisif car d'après les lois allemandes ne peuvent être inscrites au casier judiciaire des condamnations qui n'ont pas force de chose jugée. Le requérant souligne également que la lettre du casier judiciaire allemand, lui parvint un samedi 5 mai. Le Gouvernement a indiqué que le délai éventuel pour former un appel était de trois jours et celui relatif à la présentation des motifs était de 20 jours. Il était donc matériellement impossible au requérant de respecter de tels délais alors qu'il ne connaissait absolument rien du dossier et n'avait aucune possibilité d'obtenir copie du jugement. Ce n'est que le 31 décembre 1984 que le Consulat Général de la République Fédérale d'Allemagne envoya au requérant une copie de l'arrêt c'est-à-dire un texte manuscrit illisible et incomplet, auquel n'était attachée aucune traduction. Le requérant a également reçu de ce même consulat une liste d'avocats italiens, qui interrogés par le requérant, lui confirmèrent tous sans exception qu'il n'existait pas de recours possible contre ce jugement, tout en lui indiquant que l'inscription au casier judiciaire n'était pas correcte dans la mesure où la notification du jugement n'était pas régulière. Le Gouvernement ne fait aucune mention de la lettre qu'il a adressée au ministère de la Justice à Rome et à laquelle il ne reçut de réponse qu'une fois écoulés tous les délais qui lui étaient ouverts pour agir. En conclusion, le requérant estime qu'en soutenant l'irrecevabilité de la requête, les autorités italiennes essaient de "sceller à jamais une injustice suprême", alors qu'elles ont méconnu en l'espèce de nombreuses dispositions conventionnelles pour tenir un procès dont elles reconnaissent la nullité. Ces mêmes autorités ont sciemment et illégalement empêché que le jugement lui soit notifié et ont rendu impossible la présentation en temps voulu d'un recours extraordinaire (voir la réponse du ministère italien de la Justice).
EN DROIT
1. Le requérant se plaint tout d'abord en invoquant l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention, de ne pas avoir été informé dans une langue qu'il comprend et de manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui. Le par. 3 lettre (a) de l'article 6 (art. 6-3-a) se lit comme suit : "Tout accusé a droit notamment : (a) à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; ..." Le requérant a fait valoir que la seule information qu'il ait jamais reçue des autorités italiennes concernant les poursuites dont il faisait l'objet est une communication judiciaire qui lui fut envoyée à Nuremberg par lettre recommandée du parquet de Savona du 29 février 1976. Selon lui, cette communication ne satisfaisait pas au prescrit de la disposition de la Convention dans la mesure où elle était rédigée en italien, langue qu'il ne comprenait pas et ne contenait pas des informations suffisantes pour constituer une information détaillée de la nature et de la cause de l'accusation dont il faisait l'objet. Le Gouvernement a tout d'abord excipé du non-épuisement des voies de recours internes : selon la jurisprudence italienne, en effet, la compréhension de l'italien chez un étranger qui ne réside pas en Italie ne peut être présumée mais doit être établie par le juge. A défaut, la communication judiciaire est nulle. La Commission relève toutefois qu'une telle nullité ne pouvait être soulevée que dans le cadre d'un recours contre le jugement de condamnation. En l'espèce, la Commission constate (voir ci-dessous par. 2) qu'un tel recours n'était pas accessible au requérant. Elle estime en conséquence que l'objection du Gouvernement italien n'est, en l'espèce, pas fondée. Quant au bien-fondé du grief le Gouvernement souligne qu'il ressort aussi bien de l'ensemble des circonstances de l'affaire que de l'aveu même fait par le requérant dans la plainte adressée en français au préfet de Savona le 14 août 1975, qu'il connaissait suffisamment bien l'italien pour être en mesure de comprendre le contenu et la portée de l'information reçue par lettre du 19 février 1976 du Parquet de Savona. Par ailleurs la communication du 19 février 1978 qui avait pour but d'informer le requérant de l'ouverture d'une instruction et le mettre en mesure de prendre toutes les dispositions utiles à la sauvegarde de ses intérêts, contenait à ce stade de la procédure des informations suffisantes au regard de l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention. Dans ces circonstances le Gouvernement estime que le requérant a bien été informé conformément aux dispositions de l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention, dans une langue qu'il comprenait, de la nature et de la cause des accusations portées contre lui. La Commission rappelle que l'information visée à l'article 6 par. 3(a) (art. 6-3-a) de la Convention, doit porter sur les faits matériels mis à la charge de l'accusé et sur leur qualification juridique. Elle doit permettre à l'accusé de préparer sa défense (Déc. N° 7628/76 du 9.5.77, D.R. 9, p. 169). En l'occurrence la question de savoir si la communication que le requérant a reçue le 23 février 1975 par lettre recommandée du parquet de Savona à son adresse en Allemagne satisfaisait quant à sa forme, à son contenu et à la langue dans laquelle elle était rédigée au but visé par l'article 6 par. 3 (a) (art. 6-3-a) de la Convention, soulève des problèmes complexes de fait et de droit qui nécessitent un examen de l'affaire au fond.
2. Le requérant se plaint d'avoir été condamné à l'issue d'une procédure par contumace conduite (entièrement) à son insu, qui ne saurait être considérée équitable au sens de l'art. 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Cet article dispose que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ... par un tribunal ... qui décidera ... du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle". La Commission constate qu'en l'espèce le requérant fut déclaré introuvable aux termes de l'article 170 du C.P.P. italien, le 13 décembre 1978, après qu'une seconde communication judiciaire qui lui avait été envoyée le 17 novembre 1978 soit restée sans réponse. Le requérant fut condamné par contumace le 1er juillet 1981 par le tribunal de Savona, statuant à l'issue d'une procédure réputée contradictoire, au cours de laquelle il fut représenté par un avocat d'office. Le jugement passa en force de chose jugée et fut, comme tel, inscrit au casier judiciaire allemand (article 52 de la loi sur le casier judiciaire fédéral). Le Gouvernement a fait valoir que le requérant n'a pas épuisé les voies de recours internes car il aurait omis d'interjeter appel du jugement, par la voie d'un recours apparemment tardif, n'aurait pas présenté un incident d'exécution du jugement ou soulevé une exception d'inconstitutionnalité des dispositions pertinentes du droit italien. Le requérant considère qu'aucun de ces recours n'était efficace en l'espèce. Il fait valoir notamment que la brièveté des délais prévus pour l'exercice de l'appel - apparemment tardif - rendait ce recours illusoire dans les circonstances de l'espèce. D'ailleurs, les avis pris par le requérant lui auraient confirmé qu'il n'existait aucun recours ordinaire contre le jugement. La Commission relève tout d'abord que ni la présentation d'un incident d'exécution ni celle d'une exception d'inconstitutionnalité n'étaient en l'espèce des recours effectifs au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention. La Commission note à cet égard que l'incident d'exécution qui a pour seul objet de faire obstacle provisoirement à l'exécution du jugement n'était pas de nature à remédier à la situation dont se plaint le requérant ; quant à l'exception d'inconstitutionnalité elle n'aurait pu être soulevée qu'au cours d'une procédure, par exemple dans le cadre d'un appel apparemment tardif du requérant. En l'espèce la Commission reconnaît que par la voie d'un appel - apparemment tardif - le requérant aurait pu exciper des nullités dont à son avis était entachée la procédure et faire réexaminer le bien-fondé de sa condamnation (cf décision N° 11269/84 du 1.7.1985). La Commission estime cependant que la brièveté des délais impartis par le droit italien pour présenter l'appel - 3 jours à compter de la notification du jugement ou de la date à partir de laquelle l'intéressé a acquis une connaissance suffisante de la condamnation - rendait purement théorique en l'espèce l'exercice d'un tel recours. La Commission a eu notamment égard à la circonstance que le requérant ignorait tout de la procédure, conduite en son absence. Ressortissant étranger résidant en dehors du territoire italien, on ne pouvait s'attendre à ce que dans un délai si bref, il puisse agir en connaissance de cause pour la sauvegarde de ses intérêts. Dans ces conditions la Commission estime qu'en l'occurrence, le requérant était relevé de l'obligation d'épuiser la voie de recours de l'appel apparemment tardif car dans les circonstances de la cause il n'a pas eu un accès effectif à celle-ci. En ce qui concerne le bien-fondé du grief le Gouvernement soutient également que le requérant qui a délibérément omis de donner une suite appropriée aux communications qui lui furent envoyées par les autorités judiciaires italiennes sur la base de l'article 177 bis ne saurait aujourd'hui invoquer les dispositions de la Convention pour se protéger des conséquences de son comportement. La Commission souligne à cet égard qu'un tel argument repose sur des faits controversés entre les parties. Elle rappelle que le requérant, déclaré introuvable, a été condamné à la suite d'une procédure par contumace. Par le jeu de la procédure prévue aux articles 170 et 177 bis du C.P.P. italien il a subi "une perte totale et irréparable du droit de participer à l'audience" faculté qui découle de l'objet et du but de l'article 6 (art. 6) de la Convention (cf. Cour Eur. D.H., affaire Colozza, arrêt du 12 février 1985, série A n° 89, par. 27 et 29). La question de savoir si, dans les circonstances de l'espèce, les conséquences qu'a entraîné cette procédure ont constitué une atteinte au principe du droit à un procès équitable soulève des problèmes complexes qui nécessitent un examen quant au fond. Par ces motifs, la Commission DECLARE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond étant réservés. Le Secrétaire de la Le Président de la Commission Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Cour (plénière)
Numéro d'arrêt : 10964/84
Date de la décision : 11/03/1987
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Violation de l'Art. 5-4 ; Non-violation de l'art. 5-1 ; Satisfaction équitable réservée

Analyses

(Art. 5-1) ARRESTATION OU DETENTION REGULIERE, (Art. 5-1) LIBERTE PHYSIQUE, (Art. 5-1) SURETE, (Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 5-4) INTRODUIRE UN RECOURS


Parties
Demandeurs : BROZICEK
Défendeurs : l'Italie

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1987-03-11;10964.84 ?

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