La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/1986 | CEDH | N°10862/84

CEDH | SCHENK C. SUISSE


APPLICA.TION/REQIJÊTE N° ][086 2 /84 Pierre SCHFNK v/SWITZERLAN D Piarre SCHENK c/SUISSL' D:EC][SION of 6 March 1986 on the adntissibility of the spplication DÉCISION du 6 nrars 1986 sur la recevab~ilité de la requête
Article G, paragraph 1 of the Convention : Use in evidem-e, in a criminal trial, o f an unlanfully obtained reeorcGng o,Fa telephone conversaiion . Article 8, paragraph 1 of tihe Convention : Commamication by telephorie is included in the concepts of "private life" ami "correspnndence" of the L'onveation :1n Switzerland, laying a criminal complaint consti.Articl

e26 iantes a remedy which must be exercised by a person camp...

APPLICA.TION/REQIJÊTE N° ][086 2 /84 Pierre SCHFNK v/SWITZERLAN D Piarre SCHENK c/SUISSL' D:EC][SION of 6 March 1986 on the adntissibility of the spplication DÉCISION du 6 nrars 1986 sur la recevab~ilité de la requête
Article G, paragraph 1 of the Convention : Use in evidem-e, in a criminal trial, o f an unlanfully obtained reeorcGng o,Fa telephone conversaiion . Article 8, paragraph 1 of tihe Convention : Commamication by telephorie is included in the concepts of "private life" ami "correspnndence" of the L'onveation :1n Switzerland, laying a criminal complaint consti.Article26 iantes a remedy which must be exercised by a person camplainfng of thesecret recording of a telephone conversation 1, de la Convention : Utilisation comme moyen de p,,euve, .Articledï,pagh dans un proce?s pétal, de l'enregistrement d'une conversa9on téléphonique obtenu fllégalem.ent (Grief déclaré recevable) . ,4rticle ti, paragra~phe 1, dela Convention : Les cammunications téléphoniques ,ront comprises dans les notions de ~ vie privée » et de «correspondance» e la Convention : En Suisse, une plainte pénale constitue un recours qat i .Arde26 doQ étre exercépar celui qui se plain .tde l'enregistrement clandestin d'une con versat iontéléphonique . ' .
EN FAI'r
(English : see p . 139)
Les faits de la cause, tels qu'iL ont été exposéspat les parties, peuvent se résu. . . . . mer comme suit : . . 12.3
1 . Le requérant, ressortissant suisse, né en 1912, domicilié à Tartegnin (canton de Vaud), était détenu à l'hôpital gériatrique de Chamblon lors de l'introduction de sa requête . Il est représenté par Me Dominique Poncet, professeur, avocat au barreau de Genève . 2. En 1947 le requérant a épousé J . Pierrelouis, née en 1927 . En 1972 de graves difficultés ont surgi dans le couple . Les époux ont cessé la vie commune et en 1974 le requérant a déposé une demande en divorce, procédure qui s'est terminée, après accord entre les parties, par un jugement de divorce rendu le 10 décembre 1981 . 3 . Le 28 février 1981, le requérant s'est rendu à Annemasse dans une agence de publicité afin de faire passer, sous le faux nom de Pierre Rochat, domicilié à Lyon, une annonce dont le texte était le suivant : «Cherche ancien légionnaire ou même genre pour missions occasionnelles, offre avec numéro tél . adresse et curriculum vitae à RTZ 81 poste restante CH Bâle 2 . A A la suite de cette annonce le requérant a choisi un certain R . P . qu'il a rencontré à plusieurs reprises et à qui il a confié plusieurs missions, entre autres celle de se rendre à Haïti en mai 1981 . P . a reçu à plusieurs reprises de l'argent de la part du requérant . Au début de juin 1981 le requérant a été hospitalisé pour une opération . Arrivé en Suisse le 12 juin 1981, P . a téléphoné à Mme Schenk le 18 juin . Il l'a rencontrée le lendemain et lui a indiqué avoir été chargé par le requérant de la supprimer . Après avoir évoqué la possibilité de supprimer le requérant, ou encore que M'"e Schenk disparaisse pour permettre à P . de toucher une prime, tous deux se sont rendus chez le juge d'instruction du canton de Vaud le 20 juin 1981, qui a ouvert une enquête . 4 . Le 20 juin 1981, le juge d'instruction du canton de Vaud a procédé à l'audition de P ., puis a chargé les inspecteurs Rochat et Messerli de l'entendre de manière détaillée, ce qui fut fait le jour même . Le juge a entendu Mm' Schenk «verbalement», c'est-à-dire sans établir un procès-verbal de ses déclarations . P . et Mmr Schenk ont été réentendus par la police vaudoise le 21 juin 198 1 5 . Le 22 juin 1981, le juge a décerné une commission rogatoire en France . Il a demandé que, dans le cadre d'une enquête qu'il instruisait contre inconnu pour tentative d'assassinat, un certain nombre de recherches fussent faites et que l'inspecteur Messerli fût autorisé à assister aux opérations requises . En particulier, le juge a estimé qu '
« il serait nécessaire de connaître les activités de P . de mars à juin 1981 à Paris, de prendre des renseignements sur sa personnalité . Il serait également 124
nécessaire de savoir s'il est vrai que P . a vu le nommé Schenk, qu'il aurait rencontré au Grand Hôtel, et avcc lequel il serait ellé acheter an billet d'avioit à destination de Haïti . » Le. 23 juin 1981, l'autorité compétente de l'Etai: requis, la Brigade crininelle de la Direction de la police judiciaire de Paris, a dressé un procès-verbal d'ouverture de la commission rogatoire . Le 24 juin 1981, en exécution de la commission rogatoire, P . a été entendu pa r la police française en présence de 1'inspecteur Messerli de= la police vaudoise . Dans son audition P .a notamment déclaré ce qui suit : «M . Schenk Pierre va certainement se manifi .stér prochainement pour ine demander des déta ils an sujet de l'exécution de son épouse Josett e Scta:nk . Il devrait me faire parvenir ou m'apporter l'argent ptomis soit 40 .000 dollars . Vous m'avez convoqué dans vos locaux et je vous demande de m'ori enter au sujet de mon comportement à avoir lorsque M . Schenk me contactera . » 6 . P ., s'att endant à un imminent appel (lu requérant, a installé au domicile de sa mère àHouilles un enregis tr eur à cassett es relié par un micro à l'écouteur sec3ndaire du poste téléphonique. D'une cabine téléphoniqueà Saint-Loup, le requéram : a appelé P . le 26 juin 1981 . P . a enregistré cette communication . Il en a informé, cme demi-he,ureaprès la police française . Deux heures plus tard il a remis la casse tte à ce lle-ci après avair fait le trajet de Houilles à Pa ri s . Le 11 septembre1981, lerequérant a adressé tme ]ettre au juge d'instruction dans laquelle il a contesté'l'authenticité de l'emegishement de la conversation téléphonique . li .e juge a alors ordonné une expertise de l'enregistr ement . Cette expertise a été déliv :rée le 18 novembre 1981 . 7 . Le 1° juillet 1981, le requérant a été inculpé d'instigation à meurtre et il a été placé sous mandat d'arrêt par le juge d'iristruction . I.e 6 août 19 9 1, la police vaudoise a établi un rappon . qui a été transmis au juge d'instmetion le lendemain 1 octobre 1981, .la,1° P . a été réentendu par la police françsJse en prés-nce de l'inspecteur Messerli de la police vaudoise . Il ressort du procés-verbal que P . a déclaré, entre autres, ce qui suit : «Si j'ai mis en place cette installation le 23 juin 1981, c'est que je savais (lu e Pierre Schenk devait me coniacter pour me demander ce que j'avais fait, suite aux 'contrats' qu'il m'avait confiés, De plus je voulais amener une preuve comme quoi je devais tuer Iv[mr Josette Schenk . . . Immédiatement aprüs avoir reçu cet appel, j'ai télephoné à la Policejudieiaire à Paris,l3rigadecriminéJlle . J'ai laissé un message et l'Inspecteur Messerli m'a rappelé e : je lui ai fait entendre l'enregistrement . L'appel était arrivé vers 9 h 30 . J'ai pris le train et le métro et il ne devait pas encere étre midilorsqueje suis arrivé au 36, (Nai des Orfevres povr remettre la cassette au policier, soit l'enquéteur MesserG .»
125
Nonobstant le contenu de l'enregistrement, le juge d'instruction, considérant qu'on ne pouvait accorder une confiance totale aux déclarations de P ., a rendu une ordonnance de non-lieu le 3 février 1982 . Toutefois, le ministère public du canton de Vaud a interjeté le 23 février 1982 un recours contre cette ordonnance . Le requérant a répondu à ce recours par un mémoire du 8 mars 1982 . Le requérant a été renvoyé en jugement devant le Tribunal criminel du distric t de Rolle sous la prévention de tentative d'instigation à assassinat . 8 . Le requérant a compam libre à l'audience de jugement qui débuta le 9 août 1982 . D'entrée de cause le requérant a déposé des conclusions incidentes tendant à ce que l'euregistrement litigieux fût écarté du dossier . Le requérant a fait valoir en substance que l'euregistrement n'avait ni été autorisé ou ordonné par l'autorité compétente, ni été pratiqué par celle-ci . Le tribunal criminel de Rolle a débouté le requérant de ses conclusions incidentes, considérant notamment que l'enregistrement a a été fait par R . P ., l'homme de main mandaté par l'accusé, que cet homme de main a déclaré l'avoir fait dans les circonstances suivantes : 'J'ai rnis la cassette dans l'enregistreur que je possédais ( . . .) . J'ai relié l'appareil au moyen d'un micro d'origine sur l'écouteur secondaire du poste téléphonique situé dans l'appartement de ma mère . pour fixer le micro sur l'écouteur, j'ai utilisé du scotch d'emballage, de couleur marron ; ' que cet enregistrement n'a pas été autorisé ou ordonné par l'autorité compétente , qu'à ce titre, en emegistrant Pierre Schenk à son insu, P .pourrait avoir commis l'infraction réprimée par l'art . 179ter CP ; - considérant que ce n'est toutefois pas un motif suffisant d'ordonner le retranchement de cet enregistrement du dossier , qu'en effet, l'art . 179ter CP n'est applicable que s'il y a une plainte, que Pierre Schenk n'a pas déposée, qu'ainsi, l'homme de main ne serait de toute façon plus punissable ; considérant que de toute manière le contenu de l'enregistrement aurait pu figurer au dossier, soit parce que le juge d'instruction aurait mis sous surveillance l'appareil de P ., soit simplement parce qu'il suffirait d'entendre P . comme témoin sur le contenu de l'enregistrement, qu'entrer dans les vues de l'accusé, reviendrait à supprimer une bonne partie des preuves des dossiers pénaux . » 9 . Le requérant a été reconnu coupable, par jugement du Tribunal criminel de Rolle en date du 13 août 1982, de tentative d'instigation à assassinat . Il a été 126
condamnéà la peine_minimale légalement possible, soit 1 dix ans de réclusion . B ressort du jugement cequisuit ; Le requérant a, entre autres, confié à P . une mission consistant à obtenir des renseignements sur la persomce de Josette Schenk, son ex-@pouse . Selon le requérant P. devait lerenseigner sur les points suivacnts : - déterminer quel montant Mm' 19chenk avait touehé dans la succession de son père ; - savoir si elle sefaisait construiie une maison en Haiti et si elle y avait des ressources, notamment en raison cl'une liaison ; - savoir si elle avait eu des contacts avec les milieux des stupéfiants . Selon P . il s'agissait daller en Haïti et d'exécuter Mme Schenk moyennamt paiemerit de 40 .000 dollars, en brouillant les pistes . Il est constant que P. a reçu du requérant 8 .667 FFcomme forfait touristique pour Haïti et 4 .000 FS pour ses frais . P . est parti en avril 1981 pour Haïti O ù M- Sc :aen]c séjourne les trois-quarts de l'année . La mission de P . est restée sans succès, Mm' Scherik ayant quittéH.aïti débnt mai . Le requérant a chargé P . de venir continuer sa mission en Suisse . Le . 24 mai 1981,P . a envoyé à RTZ81 un télégramme dont la teneut est la suivante : «Besoin contacts o . A l'époque P . ignorait qui se cachait sous l'ideiitité de RTZ 81 . Le 1" juin 1981, le requ3rant a envoyé 3 .500 F'S à P . Le 12 juin . P. est venu en Suisse . Le 18 juin, il a pris contact avec Mm' Scltenk par téléphone, après avoir décidé, selon ses dires, de renoncer à ce qu'il dit avoir été sa mission, c'est-àdire de tuer Mm' Schenk . Le 19 jain, P . a rencontré M°"Schenk et lui a expliqué qu'il était chargé de la supprimer . Après quelques explications Mme Schenk a réalisé quel'ordre émanait du requérant . P . a proposé à Mme Schenk de disparaître quelque temps potir qu'il puisse toncher la prime . Il lui a suggéré, à défaut,desupprimer le requérant . Finalement ils sont allés voirla police et, le 20 jnin 1981, l'enquête a démarré . P . a été entendu le 20 juin en Suisse et le 24 juin pardapolice frauçaise . S'attendant à un coup_de téléphone du requérant, P . a installé une cassette dans l'enregistreur qu'il passédait depuis un an, appactenant à , son frère. Il a relié l'appareil au moyen d'un micro d'origine directement sur l'écouteur secondaire du poste téléptconique situé dans I'appariement de samère . Il a fixé le micro sur l'éconteur au moyen de scotch . Le 26juin 1 9 81, le requérant a appelé depuis une cabine téléphonique . La communicaiion a été enregistrée par P . A l'écoute de la bande enregistrée, on constate
127
qu'une personne inconnue répond au téléphone du requérant et lui passe P . Le requérant demande à P . ce qu'il devient et le dialogue suivant s'engage : R . P . : Voilà . Le tra . . . . P . Schenk : Je me demandais ce que vous fa. . ., ce que vous deveniez . R . P . : Oui, non, parce qu'il y a eu des petits probl8mes et je n'ai pas, je n'ai pu faire le travail que le 23 . P . Schenk : Le 23 ? R. P . :
Oui, le lundi 23 . Lun . . ., lun . . ., je crois que c'était le 23 là .
P . Schenk :
Mais où est-ce que ça c'est passé ?
R. P . :
Comment ?
P . Schenk :
Où est-ce que ça s'est passé ?
R. P . :
Ben, j'ai été chercher des amis en Italie parce que on n'arrivait pa s à faire le, parce que comme vous m'aviez dit il y avait comment, i l y avait toujours des voisins, etc . . . J'y suis allé deux fois et deux fois on m'a vu alors, j'ai attendu qu'elle parte pour aller à la clinique et on a fait un accrochage en voiture ; pour faire le constat, et après be n ben ça c'est passé comme ça . Mais enfin je ne sais pas parce qu e alors le corps, on a pris la voiture et on l'a et je l'ai porté du côt é de Montreux . Je ne sais pas si ça a encore été découvert parce qu e je ne l'ai pas vu dans la presse .
P . Schenk :
Mais qu'est-ce que vous allez faire maintenant ?
R. P . :
Comment ?
P . Schenk :
Qu'est-ce qui va se passer maintenant ?
R. P. :
Ben maintenant je fais le, celui de Paris non ?
P. Schenk :
Hein ?
R . P. :
Je fais Paris .
P . Schenk :
Non, mais j'entends au point de vue du travail ?
R. P. :
Et bien je ne sais pas moi . Enfin y . . . y . . . Le travail a été fait c'est tout .
P . Schenk : Le travail a été fait et on n'a pas été averti, c'est drôle . R . P . : Ben moi je n'ai pas vu dans les journaux non plus encore, enfin c'est quand même, comment je dis, c'est je l'ai caché je ne l'ai pas laissé comme ça . . .
P . Schenk : Bon, écoutez, c'est pas compliqué, moi je vous rappelle dans, dans 8 jours . R . P . : Dans 8 jours ? P . Schenk : Vous êtes par là dans 8 jours ? 128
R. P. :
Oui, je seraa à Paris, oui .
P . Schenk :
Oui oui je je, je vous suis hein ?
R . P. :
D'accord .
P . Schenk :
Bon . Parce que u~oi y on ne sait, ou n'a . rien appris .
Le téléphone se termine par des salutations . P . l'a reçu aux alentours de 9 heurres 30 . A 10 heures il appelait la Brigade crimir,elle de Paria et vers midi, après avoir lait le trajet de Houilles à I'aris, il apportait la cassette à l'inspecteur chargé de l'enquête . ('ette cassette a fait l'objet d'une expe rt ise, doù il ressoit que :- le ruban de la cassette n'a pas été «mo :atéb, c'est-à-dii-e édité par le moyen traditionnel de coupures et collages ; - les caractéristiques d'enregistrement correspondent exactement à l'enregistreur ; il n'y a pas snr le ruban desrestes utilisables d'autres enregistrements ; - le bruit de ford de l'enregistrement esi : très élevé, ce qui est normal, vu le genre du matériel utilisé et la technique d'enregistremeut . Mais il en résulte qu'il n'est pas possible c'affrrmer qu'il tie s'agit pas d'une copie . L'expert a précisé qu'il était imaginable que la conversation ait d'abord été enregistrée, puis le ruban ait été «monté» ., c'est-à-dire que des passages aient été éliminés ou que l'ordre des mots ait été modifié, cu que des passages provenant d'autres enregistrements aient été . ajoutés . Finalement, le rubac . ainsi obtenu aurait pu être copié stir le magnétophone examiné. L'expert a encore précisé n'avoir «trouvé aucun é63ment» qui. permette de penser qu'il s'agisse d'une telle copie ; que cela ne voulait pns dire que cela n'en soil pas une, seulement qu'un monta ;e aurait supposé un opérateur très compécent, disposant d'mt matériel perfectionné, et d'un certain teinps . A l'audience., l'expert a encore précisé sa pensée de la manière suivante : Il expose qu'il a détecté qeatre points de disaintinuité ; qu'il n'a pas .pu prouver de coupe ; qu'il est quasi-sûr qu'un montage n'a pas pu être fait, un telmontage aurait nécessité, même avec un équipement prêt à travailler, une journée de travail . L'expert précise encore qne, dans l'hypothèse la plus favorable, tant e ;t ce qui coneeine le matériel à disposition que l'endroit'o0 techniquement un passage peut être simplement éliminé la suppression d'un élément nécessiterait uné heure à une heure et demi de travail . Il précise qu'il n'a pas détecté la suppression d'un passage . Entendu au sujet de cet enregistrement, le requérant a admis que c'étail sa voix . Il a déclaré qu'il ne se souvF :nait pas qu'orL ait parlé d'un corps et qu'il avait l'impression que l'enregistrement âvait été raccoutci . Le tribunal, fondé sur les constatations de l'expert, admet que l'enregistrernent qui figure au dossier est la réplique fidèle de l'eneretien du requérant et de P . le 26 juiu 1981 . Il estime, contpte tenu de l'absence d'indices d'un qùelconquc : maquillage, et du peu de temps dont a disposé P . entre l'appel téléphonique et la reinise de la eassstte à la police, qu'un montage de labande est exclu . 129
La personnalité de R . P . n'est pas facile à cerner . Né en 1947, il a exercé différents métiers relati vement mal défi nis, il a travaillé comme cascadeur, il a eu différents ennuis avec les autorités fr ançaises et italiennes . Il est domicilé légalement en Italie, mais en fait à Houilles . Il semble avoir parfois collaboré avec la police, en pa rticulier italienne, pour des questions de d ro gue . Le tribunal, dans sa majorité, a acquis la conviction que le requér ant a donné à P . la mission de supprimer Josette Schenk . Le t ribunal s'est fondé en partie sur l'enregistrement de la conversation téléphonique . Il y a en outre tous les autres éléments qui resso rtent du dossier : le luxe incroyable de précauti ons dont le requérant s'est entomé ; le fait que durant des années le requérant a été contraint de verser une pension à son épouse, alors que les to rts de celle-ci, que le requérant connaissait sans pouvoir les prouver, auraient comm andé probablement une apprécia tion différente de la situation ; le fait qu'il est invraisemblable de vouloir envoyer un ancien soidisant légionnaire, sans formation, en Haïti, puis en Suisse pour obtenir des renseignements assez anodins et qui n'étaient pas d'une utilité évidente dans le cadre du divorce ; le fait qu'après l'échec de la mission en Haïti il n'y avait aucun mo ti f d'envoyer P . en Suisse, sans aucune relation dans ce pays ; le fait que le requérant a dépensé plus d'une dizaine de milliers de francs suisses pour obtenir, si l'on suit sa version, des renseignements bien anodins ; le fait enfin qu'à aucun moment l'accusé n'a fait mine de déposer plainte pour dénoncia ti on calomnieuse . Le requérant a émis l'hypothèse que P . aurait trafi qué l'enregis trement et l'aurait uti lisé plus ou moins avec le concours de Mme Schenk . Mais cette hypothèse ne repose sur rien de matériel dans le dossier . Il faut encore relever que le requérant, qui est dur d'oreilles (il souffr e en effet d'une diminution de l'acuité auditive de 50 %), prétend n'avoir pas compris ce que disait P . au téléphone . Cette version n'est pas compatible avec les questions et réponses concises et claires du requérant, ni avec le fait qu'il ne dit jamais n'avoir pas ou mal entendu ce que lui dit son correspond ant . C'est donc fondé sur cet ensemble d'éléments que le tribunal a acquis la convic tion que la mission confiée à P . était de tuer Mm° Schenk. 10 . Le requérant a formé un recours en cassati on en alléguant notamment que l'enregistrement liti gieux n'avait ni été ordonné ni pratiqué par l'autorité compétente et qu' il avait été l'élément principal sur lequel s'était fondé le Tribunal criminel de Roll e. Dans son préavis du 23 septembre 1982 concluant au rejet du recours, le procureur général du canton de Vaud a reconnu que «l'emegistrement litigieux a été effectué dans le cadre d'une procédure pénale et à la demande d'agents de la police judiciairea . 11 . Le 15 novembre 1982, la Cour de cassation pénale du canton de Vaud a rejeté le recours . Il ressort de l'arr@t ce qui suit : Le jugement attaqué indique expressément que le tribunal s'est fondé en partie sur l'enregistrement litigieux . Il n'est au surplus pas douteux que celui-ci était de 130
nature à exercer une influence peut-être décisive, duntoins non négligeable, sur l'issue de l'actioa pénale . On ne saurait écarter d'emblée tout inoyen de preuve dont La provenance serait illicite ou délictueuse. Cependant, la recherche de la vérité ne doifpas se faire au prix du sacrifice de valeurs parfois plus itnportantesSelan la jurisprudence, l'utilisation de inoyens de preuve obtenus de manièreillégale n'est inadmissible (lue dans les cas où de tels moyens ne pourraient être obtenusselon le droit en vigueur, mais non si seule a été violée une règle de procédure qaï n'était ni destinée ni propre à empêcher la rectterche d'une preuve . Mais la distinction faite entre l'illégalité. ou l'irrégularité est souvent délicate . Le critère posé par la jurisptvdence a été jugé peu satisfaisant par la doctrine . D'une. manière générale, on admet qu'il est ihtc :rdit aux organes de l'enquête d'utiliser la contrainte, les menaces, ou de recourir'a de fausses déclarations ou à des questlons captieuses . L'examen de èe qui précède à la lumière de l'article 6 par . 2 de la Comivention européenne des Droitsde l'Homme, ne conduit pas à des distinctions difl'éréntes . Selon a'article 8 par . 2 de la Convention, une ingérence de l'autoritë publique dans la vie privée ou la correspondance n'est admissible qûe dans certaiùes conditions . Dans l'arrêt Klass la Cour èuropéenne des Droits de l'Homme a considéré qdé l'existénce (le dispositions législativès accordant des pou,,oirs de surveiÎlance secrète de la coriespondance, des envois postaux et des télécommunications est, del~aut une situation exceptionnelle, nécessaire dans une société démocratique . Elle a posé, quant au choix des modalités du eystème de surveillance, que le législàtéur dispose d'un cortain pouvoir discrétionnaire . Ant(i rieuremënt, le Comité des Minisires, fai. sant sien l'avis exprimé par la Commission, a estimé que l'enregistrement sur bande magnétique, à l'insu des participants ou de l'un d'entre eux, d'uue conveésation privée constituait éü principe une ingérence dans la vie privée, et que l'utilisation, par le tribunal, dc l'emegistipment comme moyen de preuve ne violait pas, eu égard aux ciircortstances particulières dr. 1'espèce; le droit au procès équitable garanti à l'article 6 par . 1 dE la Cônveütion!cf. No'L645/65, Ann¢aire 14 p . 903) .~Plus récamment, la Commission a noté qué quelque regrettable qt :'il soit, le fait que, d'une manière générale, les autorités chargées de l'écoute téléphonique : n'aient pas pleïnement respe .eté les instructions qui leur avaient été données, ne constitue pas en soi une viola#ion de la Convention, notarnment de son article 8(No E290i78, déc . 1 3 .12 .79, D R . 18 p . 176) . I] n'est pas sans intérêt & noter encore qué la Commissiou a admis, d'une part, que des officiers de lrolice judiciaire recueillent des confidences de personnes ayant un intérêt légitime à garder l'anonymat, sans quoi nombre de renseignements nécessaires à la répression des infractions pénales ne seraiect jamais portés à la connaissance des autorités responsables des poursuites, d'autre . part, que soient prises en considération des déclarations d'un informate .ur, alors que l'attention des jurés avait été attirée sur la valeur d'une déclaration .non confirmée à l'audience sous la foi du serment et que l'accusé avait pu faire entendr e 131
divers témoins contestant l'existence des faits en question (No 8417/78, déc . 4 .5 .79, D .R . 16 p . 200) . Les règles susmentionnées, concernant les organes de l'enquête, ne sauraien t s'appliquer sans autre aux preuves obtenues illégalement par des personnes privées . Certains procédés inadmissibles de la part de ceux-là ne le seront pas nécessairement pour ceux-ci . La doctrine admet par exemple que la victime de menaces ou d'un chantage peut se trouver dans la nécessité, pour en avoir une preuve qui est difficile, de procéder à un enregistrement clandestin des déclarations de l'auteur . En ce qui concetne les actes d'un enquêteur privé, les avis sont partagés . La jurisprudence a laissé la question ouverte . L'enregistrement par la police d'une conversation téléphonique en Suisse aurait été illicité sans l'autorisation du juge . Mais celle-ci pouvait être octroyée, s'agissant d'une enquête instruite à raison d'un crime, étant donné l'article 179 octies CP . En lui-même, l'enregistrement contesté ne tombe pas sous le coup de l'interdiction de la preuve . Si l'on peut concéder au requérant que, même en l'absence de toute plainte, l'enregistrement privé du téléphone de P . au requérant revêt, en soi, le caractère d'une infraction, on doit en revanche constater que la norme violée, l'article 179bis CP, protège la sphère individuelle et ne tend pas à éliminer des risques d'erreur . Au surplus, si l'on veut recourir à la balance des intérêts et des droits en présence, on constate que, dans la seule mesure de la différence entre une écoute autorisée et un enregistrement qui ne l'est pas, la violation du domaine privé ne doit pas l'emporter sur l'intérêt général à la découverte du coupable d'un crime grave . Quant au moyen utilisé par P . pour obtenir les déclarations compromettantes du requérant, il est sans doute contraire aux règles de la bonne foi, du moment qu'il a consisté à présenter mensongèrement la mission du tueur comme accomplie, ce qui reveuait, de la part de P ., à tendre un piège à son interlocuteur . Cependant, si la provocation de l'autorité à commettre une infraction est condamnable, le stratagème conduisant un malfaiteur à avouer un crime ne l'est pas . Ainsi, l'emploi de la violence et même la tromperie pour escroquer une déclaration sont illicites ; en revanche, le recours à une ruse est permis . 11 est de pratique fréquente de la part des autorités lorsque la vie de personnes prises en otage est en danger par exemple . Au demeurant, un même procédé peut être licite dans un cas et immoral dans un autre . Il découle de ceci que le moyen utilisé reste en l'espèce dans les limites du tolérable qu'impose la lutte contre le crime . Le mensonge n'a du reste porté que sur un point, savoir l'accomplissement de l'acte envisagé . En définitive, selon les règles du droit suisse, le moyen de preuve contesté est utilisable, et ne viole pas les droits fondamentaux du requérant . Bien que l'enregistrement ait été effectué et recueilli par la police en France, il est superflu de se préoccuper de droits plus étendus que la législation étrangère pourrait éventuellement accorder . Au demeurant,-la France counaît également les écoutestéléphoniques et l'enregistrement des conversations téléphoniques alors même que le Code pénal français réprime lui aussi un tel enregistrement non autorisé par l'autorité compétente . 132
En outre, bien que la France ne punisse pas latentativé d'instigation, la Convention européenne d'entra•ide judiciaire en matière pénale auraitpermis à La Suisse de requérir une telle surveillance, par cotrmission rogatoire . En effet, c :ontrairémentà la Suisse, la France n'a émis aticune réserve subbrdonnantl'exécutionde toute coinmission rogatoire impliquantunemesure coercitive à a punissabilité de l'actr, inciriminé d .ms les deux paysrr,quérant et requis . La surveillance téléphoniclue est assimilée à une telle mesure . Le reqluérant fait encore valoir qu'une écoute officielle eût donné toutes garanties sur le caractère exact et complet de l'enregistrement . :Sans doute un eûre.gistrement ofliciel présente de par sa nature une force probanteplus grande que çerle d'nn enregistrement privé,étant donné les manipulations possibles dans ce sécond ca .s . Lescirconstances de l'enregistrement étair-nt toutefois connues en l'espèce, et les juges ord disposé cl'unrapport d'expertise pour les besoirie de laquelle et la cassette et l'appareil enregistreur ont été examinés . Le tribunal. connaissait également le laps de temps écoulé entre la prise dè son et la remise de la bande enregistrée à la police . Il pouvait ainsi apprécier la valeur (lu mode de preuve en regard de son autheiticité . Quant à l'usage d'une ruse ou d'un procédé captieux, il estégalementpropra à : affecter la force probante des déclarations ainsi recueillies . Les premiers juges onÎ : toutefois été à même d'apprécier l'influence de ce procédé sur la valeur des déclarations du requérarat, l'emegistremerit ayant en outre porté snr une conversationtéléphottique entière . A cet égard également, le moyén de preuve contesté est admissible . 12 . Centre cet arrêt de la Cour decassation pénale vaudoise le requérant a déposé deux recours au Tribunal fédéral, un recours de droit publiu et un pourvoi en nullité, aux contenus semblables en ce qui coneerne les griefs sur l'enregistrement téléphonique li¢igieux .13 . C' est dans le cadre du recours de droit public que furcnt examinés par le Tribunal fédéral les griefs du requérant contre l'enregistrement litigieux . Ce recours a été rejeté le 7 septembre 1983 . I;1 ressort de l'arr@t ce qui suit : On peut admettre que les élétnents constitutifs cle l'infraction prévuè à l'article 179ter CP sont réunis en ce qui concerne l'enregistrement liti .gieûx : Cependant P . a procédé à cette prise de son en vue de prouver la véracité ele ses dires, alers qu'une enqnéte pénale dirigée contre lui pour tentative d'assassinat était petidante . Si plainte avait été déposée du chef de l'article 179ter, il n'est pas certain que le jugement aurait abouti au prononcé d'ùrie peine . Mais cette 4uestion peut demeurer indécise . En effet, les dispositions du C' .ode pénal et de la Loi vaudoise d'application du code pénal (LVCP) relatives auxkcoutes télépho6iqu-s ont trait 3 la définition des écoutes licites et illicites ainsi qu'à la sanction de ces qerniéres . Elles ne contiennent 1 aucune règle au scget de leur validité comme preuve danr, un procès . , II cst vrai quù le droit suisse autorise cette atteinte aux droits de la personnalité et au secret des communicatiqns que constituent les écoutes téléphoniques seulement lorsque cette mesure a été ordonnée par l'autorité compétente, approuvée par im 133
juge . En conclure que tout indice provenant d'une écoute non autorisée ne peut en aucun cas être utilisé comme moyen de preuve, serait se montrer trop absolu et conduirait souvent à des résultats absurdes . Il convient dans un tel cas de mettre en balance d'une part l'intérêt de l'Etat à ce que le soupçon concret soit con6rmé ou infirmé, et d'autre part l'intérêt légitime de la persoune concernée à la sauvegarde de ses droits personnels ; pour ce faire, toutes les circonstances essentielles doivent être prises en considération . En République Fédérale d'Allemagne, la Cour constitutionnelle est arrivée à la même solution . Dans un cas où une personne était soupçonnée d'avoir commis une soustraction fiscale, une escroquerie et un faux dans les titres, cette autorité a refusé toute valeur probante à un enregistrement fait à titre privé ; elle a considéré cependant que la solution aurait été différente dans l'hypothèse où des intérêts supérieurs de la communauté auraient impérativement exigé que l'on renonce à garantir la protection de l'intérêt personnel de la personne concernée ; ainsi, il ne serait généralement pas contraire au droit constitutionnel, en cas de nécessité, de permettre à l'autorité d'utiliser un enregistrement opéré par un tiers et propre à identifier un criminel ou à innocenter une personne accusée à tort, ceci en présence d'infractions graves telles que les crimes contre la vie humaine et l'intégrité corporelle, les atteintes graves à l'ordre constitutionnel et aux libertés démocratiques et à des biens juridiques de même importance (Entscheidungen des BVG, 34 - 1973 - p . 238 ss ., notamment 249) . Sont à comparer ici d'une part l'intérêt à confirmer ou infirmer les soupçons concrets d'instigation à assassinat pesant sur Schenk et d'autre part l'intérêt qu'avait ce dernier à ce que sa conversation avec P . demeurât secrèm . Force est de constater que l'intérêt public à ce que la vérité soit établie au sujet d'un délit impliquant le meurtre d'une personne l'emporte face à l'intérêt de Schenk au secret d'une conversation téléphonique qui ne porte nullement atteinte à sa sphère intime mais se rapporte exclusivement à l'exécution d'une mission confiée à P. La protection du domaine secret d'une personne ne saurait impliquer qu'un tel enregistrement soit écarté du dossier pénal alors qu'existent de forts soupçons ayant pour objet un délit très grave .
En outre, il n'est pas sans intérêt de souligner que le droit suisse autorise l'écoute téléphonique d'un individu soupçonné d'être mêlé à un crime . ] .l la soumet certes à l'autorisation d'un juge, mais l'enregistrement d'une conversation n'est pas en soi un mode de preuve auquel l'Etat aurait renoncé par pribcipe et pour sauvegarder un intérêt supérieur de l'individu . Ce mode de preuve n'estpas à comparer avec le sérum de vérité, la contrainte ou la torture, moyens absolument'prohibés par l'ordre public . Dès lors, rien n'aurait empêché juridiquement que le même enregistrement, opéré en Suisse sur la ligne de la cabine téléphonique de l'hôpital où séjournait Schenk, soit réalisé conformément au droit et soit versé au dossier . D suit de là qu'une atteinte aux droits personnels dont le droit suisse admet qu'elle ne viol e 134
pas la cons:titution - lorsque certaines conditions sont réunies - peut être qvalih.ée de légère lorsqu'elle aurait pu être ordonnée confonnément à l'article179 octir .rs al . 2 CP (cf . ATF 96 I 4401 . En l'espèce, compte tenu du lait que Schenk était fortement soupçonné d'avoir participé à un criine devant entrainer la rnort d'une personne, que le juge eût pu ordonner à bon droit l'enregistrement de sa conversation du 26 juin 1981 avec P ., que c'est ce dernier qui y a procédé alors qn'une enquéte é :ait dirigée contre lui pour tentative de meurtre ou assassinat er que cette conversetion ne portsit pas sur des faits de caractère intime, le tribunal criniinel du district de Rolle pouvait refuser d'écarter la bande magnétique du dossier et l'apprécier comme preuve sans violer le droit constitutionnel suisse . En prooédanr de la sorte, cette autorité n'a pas non pltis violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme . 14 . Le pourvoi ea nullité du requérant a ér.é, lui aussi, rejeté par ,in arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribnnal fEaéral daté du 7 septembre 19'+33 . Sur le contenu de la conveisation téléphonique, enregistrée, entre I . et le requérant la Cour a fait dans son arrêt les constatations :;uivantes : «le 26 juin 1981, Schen%t a appelé P . depuis une cabine téléphoniqué situ3e dans l'h8pital . P . .ui a laissé enténdre qu'il n'avait pu faire le 'travail' què le 23 juin 1981, que le corps avait été iransporté du côté de Montreux et que le silen:ce de la presse lui donnait à penser que cela n'avait Fas encore été découvert ; Schenk a alcrs déclaré vouloir rappeler huit jonrs plus tard~ . 15 . Le requérant a demandé le 6 juillet 1983 une snspension de l'exécution de la peine eo raison de son état de sanlé . Depois le mois d'ao3t 1983 il purge s.a peine à l'hôpital gériatrique de Chamblcn. Par décision du 7 décert :bre1983 le Chef du Départetnent vaudois de IajusGce, de la police et des affaires militaires a refusr, l'interruption de l'exécution de Is : peine . Le requérant a formé cn recours de droit administratif au Tribunal fédéral . Le 21 février 1984, le Tribunal fédéral a rejeté le recours du requérant . 16 . Le 5 décembre 1984, le requérant a bénéficié d' ane inesure de grâce p€utielle, prise par le Grand Conseil (parlement) du canton de Vaud, comportant remise de la peine qni restait eucore à subir, compte tenu en parti .culier de son état de santé . Il a été remis en liberté le 8 décembre 1984 . GRIEFS Les giriefs du requérant: peuvent se résumer comme suit : 17 . Le requérant se plaint d'une violation de son droit ai respect de sa vie privée et de sa correspondance qui inclut le droit au secret des conununications téléphoniques . Il invoquel'article 8 par . 1 et 2 de la Convention . 135
Le requérant se plaint d'autre part d'une violation de son droit à un procès équitable en raison de l'admission de l'enregistrement litigieux comme moyen de preuve . Il invoque l'article 6 par . 1 et 3 de la Convention . Le requérant se plaint également que sa culpabilité n'a pas été établie « légalement » au sens de l'article 6 par . 2 de la Convention . Il allègue une violation du principe de la présomptipon d'innocence .
EN DROI T 1 . Le requérant se plaint d'une violation de son droit au respect de sa vie privée et de sa correspondance par l'enregistrement clandestin d'une conversation téléphonique. Il invoque l'article 8 qui dispose : « 1 . Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance . 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui . » Le Gouvernement soutient que l'enregistrement litigieux a été effectué par une personne privée sans aucune participation de la police de sorte que ce grief devrait être déclaré irrecevable comme étant incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention . Le Cmuvernemenfrelève en outre que le requérant n'a pas déposé de plainte pénale en vertu de l'article 179ter du Code pénal de sorte que ce grief devrait, en tout état de cause, être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes . Le requérant prétend que la police a participé à l'enregistrement de sorte que le grief n'est pas incompatible avec les dispositions de la Convention . D'autre part, le requérant estime qu'il a, sur ce point, épuisé les voies de recours internes . En effet, la plainte n'est pas une condition de punissabilité de l'acte, mais une condition de l'exercice de l'action pénale . L'infraction existe, par conséquent, même sans plainte . Par ailleurs, il n'avait aucun intérêt à déposer une plainte étant donné qu'il allait bénéficier d'une ordonnance de non-lieu . La Commission doit d'abord trancher la question de savoir si l'acte incriminé constitue une ingérence dans l'exercice du droit garanti par l'article 8 par . 1 . Elle rappelle que selon sa jurisprudence et celle de'la Cour européenne des Droits de l'Homme les communications téléphoniques se trouvent comprises dans les notions 136
de «vie privée » et de «correspondance» au sens de l'article 8 par . 1 de la Convenmtion (cf. Cour Eur . D . H ., arrét Klass et autres du 6 septembre 1978, série A n° 28, par . 4 1) . En conséquence, le requérant peut invoquer le droit garanti par cette disposition . II ne peut y avoir ingéi-ence dans l'exercice de ce dioit que si elle émane d'une autorité publique, si elle est préSue par la loi et si elle est nécessaire dans une société démocratique à la poursuite de l'un des Ibuts énumérés à l'article 8-par . 2 .Laquestiondesavoirsietdansquel emesure)apoliceapartic péàl'enregistremerit, autrement dit si l'ingérence dont se plaint le requérant @manait d'une autorité publique, est controversée enire les parties . La Commission considère que cette question peut demeurer inclécise . le grief devant être cÉclaré irrecevable pour le motif ci-après . Aux termes de l'article 26 de la Convention, «la Commission ne peut êtie saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il e ;t entendu selon les principes de droit international généralement recomius» . En l'espèce, le requéremt a omis de déposer de~ant les autorités suissea compétentesune. plaint .- pénale contre le ou les auteurs de l'enregistrement . Il n'a, par conséquent, pas épuisé les .voies de recours dont il disposait en d :roit suisse . De plus, l'examen de l'affaire n'a permis de déceler aucune eirconstance particulière qui aurait pu dispenser le requérant, selon les principes de droit intemational généralement reconnus en la matière, d'épuiser les voies de tecours internes . En particulier, l'arguinent selon lequel le requérant allait bénéficicr dun non-lieu de sorte qu'il n'avaii : aucun intérêt à déposer une plainte entra4nant une publicité de l'affaire, n'est pas une c9rconstamce qui ledispensait de déposer une plainte . II s'ensuit que le requérant na pas satisfait à la condition relative à l'épuisenrent des voies de recours intemes et qne sa requête doit être rcjetée, sur ce point,conformémentà l'artic.te 27 par . 3 de la Convention . 2 . Iz requérant se plaint .d'une violation deson droit à un procès équitable en raison de l'utilisation de l'enregistrement comme moycn de preuve . Il invoqité l'article 6 par . 1 et 3 de la Convention . I,'article 6 par . 1 dispose : «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquénient et dans un délai raisonnable, par un trlbunal indépendant et irnpartial, établi par la loi, qui décidera ., soit dea contestations sur ses droits et obligations de caractère. civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale ilirigée contre elle . . . » Le requérant se plaint également qu'en raison de l'utilisat :,on d'un enregistrement illégal comme moyen de preave, sa culpabilité n'a pas été établie «légaleme:nt» au sens de l'article 6 par. 2 de la Convention qui dispese : «Toute personne accusée d'une infractionest présumée innocente jusqu'i ce que sa culpabilité ait été légalemena; étabGe .» 137
Le Gouvernement considère que le requérant n'a pas épuisé les voies de recours intemes étant donné que le requérant n'a pas utilisé tous les moyens dont il disposait pour contester l'illégalité de l'enregistrement . Le Gouvemement soutient qu'en tout état de cause les griefs sont irrecevables pour défaut manifeste de fondement . Le juge apprécie librement les preuves . Un moyen de preuve obtenu de façon illicite n'est pas écarté d'emblée . Il peut être admis en raison des circonstances et notamment, en raison d'une pesée des intérêts en présence . D'autre part, l'utilisation de l'enregistrement ne saurait avoir porté atteinte au principe de la présomption d'innocence . Le requérant estime que l'utilisation comme moyen de preuve d'un enregistrement secret, enregistrement dont l'illégalité a été constatée en l'espèce par le Tribunal fédéral, est incompatible avec la notion de procès équitable . La Commission estime que, sur ce point, le requérant a épuisé les voies de recours internes . Le requérant a demandé sans succès au tribunil criminel que l'enregistrement fût écarté du dossier . Il a formé un recours en cassation en alléguant que l'enregistrement était illégal et qu'il a constitué l'élément principal sur lequel s'est fondé le tribunal criminel . Il a enfin formé un recours de droit public se plaignant de l'utilisation de l'enregistrement comme moyen de preuve . La Commission relève que l'article 6 par . 1 ne réglemente pas la matière des preuves en tant que telle et notamment leur admissibilité et leur force probante, questions relevant essentiellement du droit interne (cf . No 7450/76, déc . 28 .2 .77, D .R . 9 p . 108) . La Commission n'examine pas si les tribunaux ont correctement apprécié les preuves, mais elle examine si les moyens de preuve ont été présentés de manière à garantir un procès équitable (cf . No 6172/73, déc . 7 .7 .75, D .R . 3 p . 77) . II ressort du dossier que l'euregistrement n'a pas été obtenu conformément au droit . Le Tribunal fédéral a admis que l'emegistrement était constitutif d'un « enregistrement non autorisé des conversations A(article 179ter du Code pénal) . Il ressort en outre du dossier que si l'enregistrement ne constituait pas la preuve unique, il était de nature à exercer une influence décisive pour la condamnation du requérant . La Commission considère que l'utilisation d'un moyen de preuve qui n'a pas été obtenu conformément au droit, pose des problèmes délicats au regard de la notion de procès équitable . D'autre part, la Commission est d'avis que le grief que le requérant fait valoir sur le terrain de l'article 6 par . 2, relève en fait de la notion de « procès équitable» et qu'il n'y a, par conséquent, pas lieu de séparer à ce stade de la procédure des griefs qui se fondent sur le même ensemble de faits . La Commission estime que les griefs du requérant posent des problèmes suffisamment complexes et importants pour que leur solution doive relever d'un examen du bien-fondé de l'affaire et, partant, que les griefs ne sauraient être déclarés manifestement mal fondés au sens de l'article 27 par . 2 de la Convention .
138
I'ar ces motifs, la Commissio n DÉCLARE IRRECEVABLE le grief portant sur la confection de l'enregistrement litigieux , DÉCLARE LA REQUÊTE RECE'JABLE, pour !!e surplus, tous moyen de fond réservés .
(TRADIS7 .4TION, 1
THE FA C TS The facts of the case, as they have been submitted by ,he parties,may be summarised as follows : 1 . The applicamt, a Swiss national who was born in 1912 and lives in Tartegnin (Vaud Canton) vras detained in tie geriatric hospital of Chamtlon when bis application was introcluced . He is replesented by Mr . Dominique Pencet, of the Geneva Bar . 2 . In 1947 the applicant married J . Pierrelouis, ivho was born in 1927 . In 1972 serious disagreements arose between the couple . They ceased living together and in 1974 ihe applicant lodged a divorce petition . These proceedings were terminated, following an agreement hetween the parties, by a divorce decree granted on 10 September 1981 . On 28 February 1981, the applicant went to Annemasse where, under the false .3 name of Pierre Rochat, Lyons, lie instnicted an advertising agency to publish the following advertisement : "Wanted : former member of the Foreign LUegiori or similar for occasional assignments ; offer with telephone number, address and curriculum vitae to R .T .Z . 81 poste restante CH Basel 2 . " From the replies to this advertisement the applicamt selected a certain R .P . whom he met on several occasions and to whom heentimsted several assignments, including one in Haiti in May 1981 . On iieveral occasions P . received money from the applicant . At the beginning of June 1981, flie applicsnt underwent an operation in hospital . Y . arrived in Switserland on 12 June 1981 and :elephoiied Mrs . Schenk o n 139


Type d'affaire : Décision
Type de recours : Non-violation de P1-1 ; Non-violation de l'Art. 14+P1-1 ; Non-violation de l'Art. 6-1 ; Non-violation de l'Art. 13

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF, (Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL, (P1-1-1) PREVUE PAR LA LOI, (P1-1-1) PRINCIPES GENERAUX DU DROIT INTERNATIONAL, (P1-1-1) PRIVATION DE PROPRIETE, (P1-1-1) RESPECT DES BIENS


Parties
Demandeurs : SCHENK C. SUISSE

Références :

Origine de la décision
Formation : Cour (plénière)
Date de la décision : 06/03/1986
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10862/84
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1986-03-06;10862.84 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award