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03/03/1986 | CEDH | N°11351/85

CEDH | S.G. contre l'ESPAGNE


La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 3 mars 1986 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN G. JÖRUNDSSON S. TRECHSEL B. KIERNAN A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS G. BATLINER Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (art. 25

);
Vu la requête introduite le 13 janvier 1984 par B.S.G. contr...

La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 3 mars 1986 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN G. JÖRUNDSSON S. TRECHSEL B. KIERNAN A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS G. BATLINER Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (art. 25);
Vu la requête introduite le 13 janvier 1984 par B.S.G. contre l'Espagne et enregistrée le 16 janvier 1985 sous le N° de dossier 11351/85 ;
Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante, de nationalité espagnole, est née en 1935 à Valence. Elle est domiciliée à Madrid.
Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit :
La requérante travaillait comme enseignante depuis 1979 dans un centre dépendant de l'Institut de la Jeunesse du Ministère de la Culture. Ayant été congédiée, la requérante saisit en juillet 1982 le tribunal du travail (Magistratura de Trabajo N° 3) d'Alicante d'une demande d'annulation de la décision de licenciement dont elle avait fait l'objet.
Par jugement du 14 juillet 1982, le tribunal annula le licenciement pour non-respect des formalités de la procédure. En outre, le tribunal ordonna la réintégration de la requérante et condamna l'employeur à lui payer les salaires depuis la date du licenciement. Toutefois, l'employeur, qui n'avait pas recouru contre ce jugement, ne procéda pas à la réintégration de la requérante.
La requérante demanda alors au juge l'exécution du jugement. Par décision du 19 octobre 1982, le juge (Magistrado de Trabajo N° 3) d'Alicante prononça la résiliation du contrat de travail (extinción de la relación laboral) et condamna l'employeur à verser à la requérante une indemnité d'un montant de 243.750 Pesetas, conformément à l'article 211 du code de procédure en matière des conflits du travail (Ley de Procedimiento Laboral). Un recours (recurso de reposición) formé contre cette décision fut rejeté le 9 novembre 1982.
La requérante introduisit alors un recours d'amparo devant le Tribunal Constitutionnel pour violation de l'article 24, par. 1, de la Constitution espagnole qui garantit à toute personne le droit à une protection judiciaire effective de ses droits. Par arrêt du 29 juin 1983, publié le 15 juillet 1983 dans le Bulletin Officiel de l'Etat, ce tribunal rejeta le recours.
GRIEFS
Devant la Commission, la requérante allègue tout d'abord que sa cause n'a pas été entendue équitablement par le juge (Magistrado de Trabajo N° 3) d'Alicante. Elle se plaint notamment des décisions rendues dans son affaire par ce magistrat et par le Tribunal Constitutionnel, et fait valoir qu'elle n'a pas bénéficié du droit à une protection judiciaire effective de ses droits. La requérante invoque l'article 6 de la Convention (art. 6).
La requérante se plaint en second lieu d'une violation des articles 3 et 4 de la Convention (art. 3, art. 4). A cet égard, elle fait valoir que la comparution devant le juge d'Alicante constitua une torture psychique et allègue que sa situation matérielle, sociale et morale, s'est dégradée à la suite de la procédure de licenciement.
En outre, la requérante se plaint qu'elle n'a pas bénéficié du droit à un recours effectif, et invoque l'article 13 de la Convention (art. 13).
Enfin, la requérante fait valoir que le Ministère de la Culture a violé l'article 2 du Protocole additionnel (P1-2).
EN DROIT
La Commission relève tout d'abord que l'arrêt du Tribunal Constitutionnel, qui constitue la décision interne définitive, est daté du 29 juin 1983, alors que la présente requête a été introduite le 13 janvier 1984, soit plus de six mois après la date de cette décision. La Commission relève également que ledit arrêt a été publié dans le Bulletin Officiel de l'Etat en date du 15 juillet 1983.
Toutefois, la Commission estime pouvoir se dispenser de se prononcer sur la question de savoir si la requérante satisfait, en l'espèce, à la condition relative au respect du délai de six mois prévue par l'article 26 de la Convention (art. 26), puisque la requête se heurte, quoi qu'il en soit, à d'autres motifs d'irrecevabilité.
1. La requérante allègue tout d'abord que sa cause n'a pas été entendue équitablement par le juge d'Alicante. Elle se plaint notamment des décisions rendues par ce magistrat et par le Tribunal Constitutionnel, et fait valoir qu'elle n'a pas bénéficié du droit à une protection judiciaire effective de ses droits. Elle invoque l'article 6 de la Convention (art. 6).
Toutefois, en ce qui concerne les décisions judiciaires litigieuses, la Commission rappelle qu'elle a pour seule tâche, conformément à l'article 19 de la Convention (art. 19), d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. En particulier, elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention. La Commission se réfère sur ce point à sa jurisprudence constante (p. ex. Déc. N° 1140/61, 19.12.61, Recueil 8, p. 63 ; Déc. N° 7987/77, 13.12.79, D.R. 18, p. 61). Or, il n'apparaît pas que ce soit le cas en l'espèce.
Par ailleurs, la Commission ne relève aucun indice permettant de penser que la requérante n'aurait pas bénéficié d'un procès équitable, au sens de l'article 6 de la Convention (art. 6).
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 27, par. 2, de la Convention (art. 27-2).
2. La requérante se plaint en second lieu d'une violation des articles 3 et 4 de la Convention (art. 3, art. 4). A cet égard, elle fait valoir que la comparution devant le juge d'Alicante constitua une torture psychique et allègue que sa situation matérielle, sociale et morale, s'est dégradée à la suite de la procédure de licenciement.
Toutefois, la Commission n'est pas appelée à se prononcer sur le point de savoir si les faits allégués par la requérante révèlent l'apparence d'une violation de ces dispositions. En effet, aux termes de l'article 26 de la Convention (art. 26), "la Commission ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus".
En l'espèce, il ne ressort pas du dossier que la requérante ait soulevé, ni même en substance, devant les juridictions nationales et, en particulier, devant le Tribunal Constitutionnel les griefs qu'elle formule à présent devant la Commission sous l'angle des articles 3 et 4 de la Convention (art. 3, art. 4). A cet égard, la Commission se réfère à sa jurisprudence constante (p. ex. Déc. N° 8257/78, 10.7.78, D.R. 13, p. 248 ; Déc. N° 8414/78, 4.7.79, D.R. 17, p. 231).
En conséquence, la Commission estime que la requérante n'a pas satisfait à la condition relative à l'épuisement des voies de recours internes et que cette partie de la requête doit être rejetée conformément à l'article 27, par. 3, de la Convention (art. 27-3).
3. La requérante allègue également une violation de l'article 13 de la Convention (art. 13), en ce qu'elle n'aurait pas bénéficié d'un recours effectif devant une instance nationale.
Toutefois, la Commission constate que contre les décisions du juge d'Alicante, la requérante a pu former un recours d'amparo devant le Tribunal Constitutionnel, bénéficiant ainsi d'un recours devant l'instance nationale la plus élevée.
Dès lors, le grief de la requérante doit être considéré comme manifestement mal fondé, au sens de l'article 27, par. 2, de la Convention (art. 27-2).
4. Enfin, la requérante fait valoir que le Ministère de la Culture a violé l'article 2 du Protocole additionnel (P1-2).
La Commission rappelle ici qu'à ce jour, l'Espagne n'a pas ratifié le Protocole additionnel. Dans la mesure où elle prétend se fonder sur cet instrument, la présente requête doit donc être rejetée pour incompétence ratione personae de la Commission.
Par ces motifs, la Commission
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Cour (plénière)
Numéro d'arrêt : 11351/85
Date de la décision : 03/03/1986
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Non-violation de P1-1 ; Non-violation de l'Art. 14+P1-1 ; Non-violation de l'Art. 6-1 ; Non-violation de l'Art. 13

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF, (Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL, (P1-1-1) PREVUE PAR LA LOI, (P1-1-1) PRINCIPES GENERAUX DU DROIT INTERNATIONAL, (P1-1-1) PRIVATION DE PROPRIETE, (P1-1-1) RESPECT DES BIENS


Parties
Demandeurs : S.G.
Défendeurs : l'ESPAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1986-03-03;11351.85 ?

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