La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/1985 | CEDH | N°10444/83

CEDH | LAMY c. BELGIQUE


API'LICATIONiREQUtTE N° 10444/8 3 José LAMY v/BELGIU M José LAMY c/BELGIQIJE DECISION of 10 Deceraber 1985 on the admissibilitp of the application DÉCISION du 10 décenibre 1985 sur la recevabilité de la requéte
Article 5, paragraphs 2 and 4 of the Convention : Does the fact that the defence has no access to the investigation file in proceedings on the confirmation of an arrest wcirram by a Chamber of the court and, on appeal, by the Lna ïetmem Division violate these provisions ? (Conaplaims declar-ed admissble) . At4icie 6, paragraph 3 (b) of the Convention : Defenee

prohibited from having access to the investigation file. Does thi...

API'LICATIONiREQUtTE N° 10444/8 3 José LAMY v/BELGIU M José LAMY c/BELGIQIJE DECISION of 10 Deceraber 1985 on the admissibilitp of the application DÉCISION du 10 décenibre 1985 sur la recevabilité de la requéte
Article 5, paragraphs 2 and 4 of the Convention : Does the fact that the defence has no access to the investigation file in proceedings on the confirmation of an arrest wcirram by a Chamber of the court and, on appeal, by the Lna ïetmem Division violate these provisions ? (Conaplaims declar-ed admissble) . At4icie 6, paragraph 3 (b) of the Convention : Defenee prohibited from having access to the investigation file. Does this provision apply to the preliminary investigation stage ? (Complaint declared admissible) . Article 5, pa Tagraphes 2 et 4, de la Conventicn : Ya-t-il violation de ces dispositicns (lu fait que la défense n'a pas accès au dossier de l'insauction lors de la confirnunion du mandat d'arrêt par la chambre du consei! et, sur appel, par la chambre des mises en accusation ? (Griefs déclarés recevables) . At-ticPe 6, paragraphe 3, litt . b), de la Convention : Interdiction fàite à la défense d'avoir accès an dossier de i'instruetion . Cette disposition est-elle applicable à la phase de l'irstruction prépar atoire? (Grief déclaré recevable) .
EW
FAIT
(English : see p . 82)
Les fails de la cause, tels qu'ils ont été présentés par les parties, peuvent se résumer comme suit :
Le requérant, José Lanvt, ressortissant belge, administrateur de sociétés, est né le 19 septembre 1932 à Vaux-Chavanne . Lors de. l'introduction de sa requ@te, il était
72
(létenu à la prison de Verviers . Devant la Commission, il est représenté par INe . Raoul tQeurottL, avocat au barreau de Liège . Le 29 novembre 1982, la société de personnes à responsabüité limitée Lamy fci-dessous, S .P .R .L . Lamy) fit l'aveu de sa faillite au greffe du tribunal de cominerce de: Verviers . Le 2 4 clécembre 1982, les curateurs de la faillite de la S .P .R .L . Lamy déposèrent au g :reffe du ttibunal de commerce de Verviers une r,.quête :endant à élendre au requérant la faillite de la S .P .R .L ., dont il était le gérant . Le 30 décembre 1982, le tribunal de commerce de Verviers déclara la laillite du requérant à titre personnel . Suie à l'opposition du requérant à ce jugement, ]'affaire fut plaidée deant le Iribunal de eommerce les 10 et 24 fi~vrier 1983 . Ce dernier décida le 24 mars 1983 que l'opposition faite par le requérant était non-fondée . Contre cette décision, le irequérant in[erjeta appel le 5 avril 1983 à la cour d'appel de Liège . Entre-temps, le 18 février 198 :3, le requérant fut placé sous mandat d'arrêt par le juge d'instruction de Verviers, après avciir été interrogé par ce magistrat . Il fut inculpé du chef de banqueroutes simple et frauduleuse ainsi que d'une série d'infrao lions liées à ces deux chefs d'inculpation . Le mandat d'arrêt, au verso duquel étaient énoncées les inculpations retenues à charge du requérant, éait tnotivé par la gravité des faits, le trouble grave porté à l'ordre et à la sécurité publics, le fait que le passif de la faillite serait de plus de 5 00 millions, les nécessités de. l'instruction, la volonté délibérée et caractérisée de l'inculpé de soustraire leur gage aux créanciets, les dépenses de l'inculpé, le risqae qu iI ne tente de s'enfuir à l'étranger . Le m@me jour, le requérant reçut signif cation et copie de ce mandat d ar ê4 . I:I fut aussitbt écroué à la maison d'arrêt de Verviers . . Le 22 février 1983, le requérant, assistéde son conseil, comparut devant la chambre du conseil du tribunal de première instance . Devant cette chambre, l'avocat du requérant déposa des conclusions dans lesquelles il contestait rotamtnent l'exis[ence de circonstances graves et exoeptionnellcs qu'invoquait le raandat d'arrêt . Il déposa également un dossier relatif notamment à la proeéc" .ure de faillite du requérant . Ap :rès avoir entendu le juge d'instruction, le substitut du procureur du Roi et la défense, la chambre du conseil, acoptant les motifs di mandat d'arrêt et constatant que l'intérêt de la sécurité pubVique exigeait le maintien de la détention du requérant, confirma le mandal d'arrêt . Le 23 février 1983, le requérant interjeta appel à la ehambre des mises en accu-
sation pr8s la cour d'appel de Liège contre l'ordonnance de la chambre du conseil . Devant cette juridiction, le ministi ;re public déposa un réqvisitoire écrit et l'avocat du requérant des conclusions dans lesquelles il fit valoir que l'ordonnance étai t
73
dépourvue de toute motivation, que les circonstances relevées par la chambre du conseil n'étaient pas de nature à justifier sa détention et que le mandat d'arrêt du 18 février 1983 était illégal du fait qu'il n'était pas signé et était daté du 18 mars 1983 . Le ministère public et la défense furent entendus . Dans son arrêt du 10 mars 1983, la cour annula l'ordonnance de la chambre du conseil du fait qu'elle avait omis de rcpondre aux conclusions du requérant, mais ordoùna le maintien du mandat d'arrêt au motif que les conditions prévues par la loi pour décerner un mandat d'arrêt à charge du requérant étaient réunies, que la procédure était légale et régulière et que les motifs dudit mandat d'arrêt étaient fondés . En ce qui concerne, en particulier, l'existence d'indices suffisants de culpabilité et des circonstances graves et exceptionnelles concernant la sécurité publique, elle se référa notamment aux « aveux (du requérant) concernant les opérations irrégulières relevées au PV 317 de la PJ de Verviers et à l'interrogatoire du juge d'instruction du 18 février 1983 lesquels sont corroborés par les aveux du co-inculpé J . consignés au PV 292 de la même PJ, bien qu'il en dénie actuellement la portéea . Quant à la prétendue illégalité du mandat d'arrêt, la chambre des mises en accusation considéra tout d'abord que la copie du mandat remise au requérant était régulière du fait qu'elle portait la mention de la présence sur l'original de la signature du magistratinstructeur ainsi que l'identité de celui-ci . Elle estima ensuite que, en raison d'une erreur purement matérielle, la date du 18 mars 1983, au lieu de celle du 18 février 1983, avait été portée sur la copie remise au requérant . Elle en conclut que les deux cireonstances relevées par le requérant ne rendaient en rien l'arrestation arbitraire et qu'elles n'auraient pas pu nuire aux droits de défense du requérant qui d'ailleurs se limitait à noter cette anon-conformité» . Le 11 mars 1983, le requérant se pourvut en cassation . Il allégua trois moyens . En premier lieu, il fit valoir que le fait que la copie du mandat n'était pas signée et que l'ordre d'écrou était daté du 18 mars 1983 avaient pour conséquence qu'il aurait été détenu arbitrairement depuis le 18 février 1983 . Il se plaignit ensuite que la motivation de l'arrêt était obscure et contradictoire . Enfin, en troisième lieu, il allégua une violation de l'article 6, par . 1 et par . 3 de la Convention en ce que la chambre des mises en accusation s'était fondée pourjustifier le mandat d'arrêt, sur les procès verbaux 317 et 292 de la police judiciaire de Verviers, alors que ces pièces ne lui avaient pas été communiquées . En conséquence, il soutenait qu'il n'y avait pas eu, devant la chambre du conseil, un débat contradictoire au sens de l'article 6 de la Convention .
Le 4 mai 1983, la Cour de cassation rejeta le pourvoi . - En ce qui concerne le premier moyen, la Cour affirrna que les formes prévues par le code d'instruction criminelle pour la signification du mandat d'arrêt n'étaient ni substantielles ni prescrites à peine de nullité . Rappelant les considérations de la chambre des mises en accusation concernant le fait que le mandat n'étai t 74
pas signé et que l'ordre d'écrou, pris en exécution de ce ntandat, portait la date du 18 mars 1983, la Caur de cassation onclut que les droits de la défense n'avaient pas été méconnus et que le principe de la libetté individuelle avait éé respecté . - En ce qui concerne le deuxième moyen, la Cour déclara que les considérations de I'ar,rêt de la chambre des mises en axusation n'étaient ni obscures ni contradictoires . Par ailleurs, elle estima que l'a[rêt se fondait, pour justifier le maintien de l'arrestation, non seulemerit sur les aveux du requérant concernant les opérations irrégulières relevées dans les procès-verbaux 317 et 292, nrais encore sur l'er.trênte importance des sommes en cause, les nécessités de l'instrnetion et le risque que le requérant ne cherche à se soistraire à l'action de la justiee . La Cour conclut que l'arrêt motivait régulièremenl sa de ;cision . - En ce qui concerne le troisième moyen, la Cour affirma que l'article 6 (le la Convention européenne des Droits de l'Homme concernait ]'eKercice des droits de la dé.fense devant les jurldictions de jugement et non la procédure suivie en matière de détention préventive . Elle considéra, d'autre part, qu'il ressor :ait de l'article 4 cotnbiné avec le dernier alinéa de l'article 5 de la loi relative à la délention préventive qiue la aimmunication du dossier au requérant, à ce stade de la procédure, était exclue par la loi et que dès lors le juge n'avait pu d:duire une violation des droits de la déPense de la non-commmnication du dossier . Elle conclut que le moyen manquait en droit .
Le 18 août 1983, la détention préventive du requérant, qui a é :é confirmée mensuellement conformément à l'article 6 de la loi, prit fin . Le 24 avril 1985, la cour d'appel de Liège (3° ehambre civile), statuant sur l'appel interjeté par le requérant le ` i avril 1983, annula lejugement rendu le 24 mars 1983 par le tribunal de commerce de Verviers .
GRIEFS Le recluérant se plaint essenriellement de l'absence de débat contradictoire devant les juridictions d'instmetio:i, lors de .la première confirrnation du mandat d'arrêt décerné contre lui, du fait qu'il n'a pas pu prendre connaissance du dossier, en particulier du contenu de deux procès-verbaux sur lesquels était basé le mandat d'arrêt, pièces dont la chambre du conseil dia tribunal de Verviers et ensuite la charnbre des mises en accusation de la cour d'appel de Liège étaient en possession . Il explique que la loi du 20 avril 1874 relative à la délention préventive ne prévoit pas que, le dossier soit mis à la disposition du requérant ni de son conseil, ni lors de la première confirmation du mandat d'arrêt par la chambre du conseil du tt-ibunal, ni lors de la comparution devant la cour d'appel stanaant sur l'appel du requérant dirigé contre la confirmation clu mandat d'arrêt par la chambre du conseil . Le '75
dossier ne doit être mis à la disposition de l'avocat de l'inculpé que lors de la deuxième confirmation du mandat d'arrêt, un mois apr8s la première comparution . Il se plaint d'une violation des droits de la défense et invoque l'article 5 par . 2, 3 et 4 et l'article 6 par . 3 b) de la Convention .
ARGUMENTATION DES PARTIES (Extrait)
A . Sur la violation alléguée de l'article 5 de la Conventio n 1 . Le Gouvernement a) sur la violation alléguée de l'article 5 par . 2 de la Convention Le Gouvernement souligne en premier lieu que cette disposition de la ConSention ne vise que l'information du prévenu des accusations portées contre lui . La forme de cette information peut se faire par écrit ou oralement, selon la jurisprudence de la Commission . En l'espèce, l'information requise par l'article 5 par . 2 de la Convention a été accomplie par l'entretien verbal que le requérant a eu avec le juge d'instruction, au soir du 18 février 1983 et par la délivrance, le même jour, d'une copie du mandat d'arrêt qui précisait clairement, en 48 lignes, les faits, les lieux et dates où ils s'étaient déroulés, `ainsi que leurs qualifications légales . b) sur la violation alléguée de l'article 5 par . 3 de la Conventio n Le Gouvernement considère mal fondée l'allégation du requérant selon laquelle ses conclusions déposées devant la chambre du conseil n'avaient pas été prises en considération par cette dernière . Il souligne à cet égard que l'exigence de la réponse aux conclusions, et plus généralement de la motivation du jugement, n'est pas inscrite dans la Convention, en particulier dans son article 5 par . 3 . Par ailleurs, l'allégation du requérant s'est trouvé réparée dans l'ordre juridique belge, la chambre des mises en accusation ayant annulé l'ordonnance de la chambre du conseil, au motif que les conclusions du requérant n'avaient pas été prises en considération . c) sur la violation alléguée de l'article 5 par . 4 de la Convention Tant la chambre du conseil du tribunal de première instance que, en degré d'appel, la chambre des mises en accusation de la cour d'appel, sont des «tribunaux» au sens de l'article 5 par . 4, c'est-à-dire, comme l'énonce l'arrêt rendu le 5 novembre 1981 par la Cour européenne des Droits de l'Homme en cause X . c/RoyaumeUni, «des organes présentant non seulement des traits fondamentaux communs, au premier rang desquels se place l'indépendance par rapport à l'exécutif et aux partie s
76
(. . .), mais encore les garanties, adaptées à la nature de la privation de liberté dont il s'agit, d'une procédure judiciaire dont les modalités peuvent varier d'un demaine à l'autre » (série A n° 46, par . 53 ) Les délais de comparution sont assez brefs, pour ne pas allonger la détentio n préventive, mais néanmoins suffisants pour permettre à l'inculpé de consulter tm avocat et de préparer sa défense . Les débats ne sont pas pnblics et la décision n'est pas prononcée en public, pour ne pas nuire à la réputation de 1'inculpé, présunté innocent, mais la décision est motivée et signifiée à l'inculpé, qui en reçoit enpie et bénéficie d'un double degré de juridiction, voire d'uu rec :ours en cassation . En effet, il n'existe aucun lien de dépendance de la chambr . du conseil ni de la ehamore des mises en accusatioi envers l'exécutif ou envers les parties . D'aulre part, le Gouvernemeit souligne que le souci dominant contenu dan s l'article 5 par . 4 de la Convention est de faire contr8ler d bref aélai la légalité (je la détention préventive . Par conséquent, une complète procédure éerite ou des débats contradictoires pour l'examen des recours loortant sur la détention préventivc serait une source de retard . En outre, quant aux garanties procédurales prévues à l'article 5 par . 4 de la Convemion, le Gouvernement reconnaît que, jusqu'à la seconde comparution devant la chambre du conseil, le conseil du prévenu n'a pas accis au dossier . En effet, à ce moment le dossier, auquel s'ajoutent de nouvelles pièces recueillies par l'instruction naissante ne peut pas encore être soustrait au juge pour être immobilisé au greffe et mis à la disposition du prévenu ou de son conseil .
2 . Le requéran t a) Sur la violation alléguée de l'article 5 par . 2 de la Convention Le requérant soutientque cette disposition suppose que la personne détenue mu à tout le moins son conseil, pour pouvoir s .e défendre, putsse prendre connaissance du dossier établi contre elle . Or, en l'espèce, le requérant n'a pas eu connaissance du rapport rédigé par les curateurs de la S .P .R .L. et somnis au juge d'instruction . ., En outrr le débat qui a eu lieuen chambre du conseil clans les 5 jours de l'arrestation n'a gu8re dc sens puisqu'il ne permet pas à l'inculpé cle se défendre et de réfiiter les graves accusations portées contre tui . b) Sur la violation alléguée Le l'article 5 par . 3 de la Convention Le requérant soutient que cette disposition exige un débat contradictoire effectif impliquant notaminent que lorsque le prévenu dépose des conclusions, celles-ci soient rencontrées par le jugc . En l'espèce, le juge n'a pas rencontré les conclusions du requérant déposées à l'encontre de la première confirmation du mandat d'arrêt par la chambre du conseil, ni celles déposées devant la chambre des mises en accm ;ation à l'appui de son appel contre l'ordonnance de confirmation . 77
c) Sur la violation alléguée de l'article 5 par . 4 de la Conventio n Le requérant soutient que l'examen de la légalité de sa détention aurait dû faire l'objet d'un débat contradictoire et objectif. A cet égard, il estime qu'on ne peut appeler débat contradictoire le fait pour le juge d'instruction de compulser un épais dossier dont personne, à part lui, n'a connaissance, pour le Procureur du Roi de demander la confirmation du mandat d'arrêt et pour la défense de plaider sur les vagues griefs formulés dans le mandat d'arrêt devant le sourire du juge d'instmction . Les conclusions déposées par le conseil du requérant n'ont pas été lues . L'arrêt du 10 mai 1983 de la chambre des mises en accusation reconnaît d'ailleurs que l'ordonnance de confirmation n'était pas motivée . Ce même arrêt a confirmé le mandat d'arrêt sur base notamment des aveux du requérant et des procès verbaux 317 et 292 . Or, il n'y a pas eu d'aveux et ces deux procès verbaux ne sont pas la démonstration de la culpabilité du requérant . En réalité, la chambre des mises en accusation s'est retranchée derrière des formules, admises par la Cour de cassation, sans rencontrer les conclusions du requérant . En conclusion, le contrôle de la détention préventive est purement fomtel . Les droits de la défense sont méconnus du fait que la coinpamtion devant les juridictions d'instruction lors de la première confirmation du mandat d'arrêt constitue un « simulacre dejustice » puisque celles-ci paraissent avoir pris position dès avant les débats . Il y a eu clairement préjudice car le requérant fut maintenu en détention préventive . B . Sur la violation alléguée de l'article 6 par . 3 b) de la Convention I . Le Gouvernement Le Gouvernement, s'appuyant sur une jurisprudence constante de la Cour de cassation, estime que les dispositions de l'article 6 de la Convention concernent les droits de la défense devant la juridiction de jugement et non ceux de la personne interrogée par la police ou mise en prévention . Le principe selon lequel l'article 6 de la Convention concerne la procédure devant les juridictions de jugement s'impose si l'on tient compte du contexte des articles 5 et 6 de la Convention . L'article 5 a trait à la privation de liberté et aux problèmes qu'elle pose . Les dispositions de l'article 6, considérées dans leur ensemble, énoncent une série de règles devant être observées par un tribunal appelé à juger une personne poursuivie .
Il ressort de l'emploi du terme «accusév et du contexte général de l'article 6 que cette disposition ne concerne que les droits essentiels de celui qui est vraiment traduit en justice, qui fait l'objet d'une réelle accusation et qui se trouve ainsi dans la phase décisive du procès .
78
Le Gouvernement, posant la question de savoir si on peut parter d'un « accusé» avant qu'une juridiction de jugement soit saisie de l'affaire, remarque qu'ail stade de l'enquête de poliee ou de l'information officieuse du parquet, il est certain que personne nest accusé . Au cours de l'instruction proprement dite, une inculpation, une mise er, prévention est possible soit par lejuge d' instruction soit par le Ministère .cusée ; rien ne dit public cu la partie civile . Une persDnne ainsi inculpée n'ect pas ac qu'ainsi mise en prévention, elle clevra nécessairement comparatre et se défendre devant le juge répressif . Seule la juridiction d'instruction clira si les charges recueillies sont suffisantes pour exercer des poursuites devant un tribunal . Le Gouvernement relève encore que le droit positif belge làit une distinetion très nee :e entre l'inculpé, qui est la personne provisoirement mise en prévention en attendant la décision de la chambie du conseil, et le prévenu, qui est la personne comparaissant ou citée à eomparaître devant lajuridiction répressive pour y répondre des faits otticielleinent et définitivement mis à sa charge . Il ressort égaletnent du .fait que, dès le début de son paragraphe 1'" . . l'arlicle 6 pr :,cise qu'il s'agit de la comparution devam « un tribuna] indépendant et impartial . . . c[ui déciderit . . . du bien-fondé de toute accusation en mati8n : pénale » que cette disposition ne concerne que la proezlure dcvant lajuridiction dejcgement . Ni le juge d'instruction, ni le,s juridictions d'instruction n'ont évidemment à se prononcer sur le bien-fondé d'urie accusation ; c'est, par définition, la mission des juridictions de jugement . Il est vrai que dans l'affaire Can la Commission a considéré que l'article 6 de la Convention devait être respectépendant l'instruction préparatoire, mais seulement au vu des circonslances part4culi8res de l'affaire et parce que l'instruction préparatoire était cl'une importance cruciale dans le contexte de l'ansemble de la procédure . Or, tel n'est pas le cas de la présente affaire, le droit belge séparant clairenient les deux phases du procès pénal : d'une part, l'instruction préparatoire, où le seul déliat porte sur le maintien en détention préventive et, dautre part, le procés au fond auquel sont réservés l'administraton de la preuve et le (lébat sur la culpabilité . Sn weonclusicn, le grief du requérant déduit de la violation de l'article 6 est donc également manifestement mal fondé . 2 . Le requé,rant L'article 6 par . 3 b) de la Convention dit que [accusé doit disposer du temps et des lacitités nécessaires à la préparation de sa d€~fense . Tela'est pas le cas en l'espèce puisque l'avocat de l'incu[pé est informé 24 heures à l'avance de la eomparution du prévenu devant la chambre du conseil, sans en aucune façon pouvoir prendre cotmaissance du dossier, puisque la loi belge le lui interdit formellement .
79
Se référant au rapport de la Commission dans l'affaire Can susmentionné, où la Commission considéra que l'article 6 de la Convention devait être respecté pendant l'instruction préparatoire,le requérant souligne que sa détention préventive a duré six mois et que, pendant les premiers quarante cinq jours, il n'a été entendu que deux fois . En outre, il fait remarquer que pendant les trente premiers jours dedétention son avocat n'a pas pu prendre connaissance du dossier, conformément à la législation belge et que, ensuite, il n'a pu le faire que pendant 48 heures avant chaque comparution . Il conclut à la violation de l'article 6 par . 3 b) de la Convention . EN DROIT Le requérant se plaint que ni lui ni son avocat n'ont eu accès au dossier de l'instruction lors de la première confinnation par la chambre du conseil du tribunal de première instance de Verviers du mandat d'arrët décerné contre lui, ni lors de la procédure de recours devant la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Liège . II fait valoir en particulier que, dans le cadre de cette procédure, il n'a pas pu prendre connaissance de deux procès-verbaux dressés par la police judiciaire de Verviers contenant des déclarations sur lesquelles la chambre des mises en accusation s'est basée pour maintenir le mandat d'arrêt . Il prétend en outre, que les juridictions d'instruction n'ont pas tenu dûment compte de ses conclusions contestant la légalité du mandat d'arrêt . Il conclut que la procédure de contrôle de la légalité de ce dernier n'a pas été contradictoire et objective . Le requérant atlègue la violation de l'article 5 par . 2, 3 et 4 et de l'article 6 par . 3 lettre b) de la Convention . L'article 5 de la Convention est ainsi libellé dans ses dispositions susmentionnées :
paragraphe 2 : «Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle . v paragraphe 3 : «Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent ar[icle, doit être aussitôt traduite devant un juge ou,un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et ale droit d'être ju¢ée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure . La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience . »
80
paragraphe 4 : «Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou dBtention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libératiori si la détention est illégale . » L'article 6 par . 3 b) prévoit que «tout accusé a droit notamtnent à . . . disposer du temps et des facilités nécessaires à sa défensen . La Cotnmisaion constate en premier lieu, que le Gouvernement défendeur reconnaît que le requérant a valablement épuisé les voies de recours internes, conformémeni à l'articlc 26 de la Conve .ntion . Quant au bien-fondé de. la requête, le Gouvernement défendeur admet que la législation belge applicable rie prévoit pas que le dossier de l'instruction soit mi :; à la disposition du requérant ou de son conseil lors de la premi8re confirmation du mandat d'arrêt par la chambre du conseil, ni lors de la comparution devaut la cha:mbre des mises en accusation statuant sur l'appel contre l'ordonnance de la chambre du conseil . Toutefois, selon lr Gouvernement, cela n'aurait pas empêché le requérant . de connaître les chefs d'accusation dont il faisait l'objet, ceux-ci étant contenus dans le manclat d'arrêt décerné contre lni et le requérant ayant au denieurant ulté-sieui-ernent enten(lu le rapport du juge d'instruction lors de la première comparution devant la chare.bre du conseil . Il aurait donc eu suffisamment d'éléments pour préparer sa défense devant les juridictions d'instruction, ce qu'il a d'ailleurs fait, ayant présenté de volumineuses conclusions . Au demeurant, l'articl.e 6 par . 3 b) de la Convention ne saurait sJappliquer à la phase de l'instruction préparatoire . Le Gouvernement estime que les dispositions de la Convention invoquées par le requérant a'oni: pas étS méconnues dans le cas d'espèce . Il conclut que la requête est manife .stement mal fondée . Le requérant conteste l'argumentation présenlée par le Gouvernement . Il estime que le fait qu'il ne puisse pas connaitre certaines pièces du dossier de l'instruction, qui sont (onnues des juridictions cl'instruction et qui motivent son maintien en détention préventive, est contraire à l'airticle 5 de la Convention . Il y aurait en outre une violation du principe de l'égalité des armes et des droits de la cléfense contenus dans l'article 6 par . 3 b) de la C'onvention .
La Commisslon considère que, dans le cas d'esoèce, le problème qui se pese est celui de savoir si l'impossibilté pour le requérant et son conseil de prendre connaisaance du dossier pendant la période en question de sa détention préventive a ou non porté atteinte à son droit de préparer sa défense en vue de contester le mandat d'arrêt décerné contre lui, droit garanti par l'article 5 par . 4 de la Convention . Ainsi qtie lai Cour l'a souligné, cette disposition exige que «la procédure ait un caractère judiciaire et aonne à l'individi en cause des garanties adaptées à la nature de si
la privation de liberté dont il s'agit » (Cour Eur . D .H ., arrêt De Wilde, Ooms et Versyp du 18 juin 1971, série A n° 12, par . 76) . La Commission doit en outre trancher la question de savoir si ladite impossibilité pour le requérant et son conseil d'avoir accès au dossier pendant la période susindiquée serait conforme aux exigences de l'article 6 par . 3 b) de la Convention . A cet égard, la Commission doit se déterininer sur l'applicabilité de cette disposition de la Convention à la phase de l'instruction préparatoire, à la lumière de sa jurisprudence récente (v . en particulier, C an c/Autriche, rapport Comm . 12 .7 .84, par . 47 et ss ., Cour Eur . D .H ., série A n° 96, p . 14) . Dans l'état actuel du dossier, la Commission estime qu'elle n'est pas en mesure de déclarer la requête manifestement mal fondée car elle soulève des problèmes suffisamment complexes pour exiger un examen au fond . Par ces motifs, la Conimissio n DÉCLARE LA REQUÊTE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés .
(TRANSLATION) THE FACT S The facts as submitted by the parties may be summarised as follows : Thc applicant, ]osé Lamy, a company director of Belgian nationality, was bnrn at Vaux-Chavanne on 19 September 1932 . When the application was introduoed he was held at Verviers prison . Before the Connnission he is representei by Raoul Neuroth, member of the Liège Bar . On 29 November 1982 SPRL Lamy, a private limited company O "Société de personnes à responsabilité limitée"), declared its insolvency to the reeistry of the Ve rv iers Commerciat Court . On 24 December 1982 the liquidatorsof SPRL Lamy iodged with the registry of the Verviers Commercial Cou rt an application to have eaen,i~! to the applicant the bankruptcy proceedings against the company of which i,e wau i nanager . On 30 December 1982 the Ve rviers Commereial =-ourt dcclared the applicant's personal b mi kruptcy . 82


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 10444/83
Date de la décision : 10/12/1985
Type d'affaire : Décision
Type de recours : Radiation du rôle (règlement amiable)

Analyses

(Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-1) TRIBUNAL IMPARTIAL


Parties
Demandeurs : LAMY
Défendeurs : BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1985-12-10;10444.83 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award