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21/06/1983 | CEDH | N°8130/78

CEDH | AFFAIRE ECKLE c. ALLEMAGNE (ARTICLE 50)


COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE ECKLE c. ALLEMAGNE (ARTICLE 50)
(Requête no 8130/78)
ARRÊT
STRASBOURG
21 juin 1983
En l’affaire Eckle,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement*, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM.  R. Ryssdal, président,
Thór Viljhálmsson,
W. Ganshof van der Meersch,
L. Liesch,

J. Pinheiro Farinha,
L.-E. Pettiti,
R. Bernhardt,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, ...

COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE ECKLE c. ALLEMAGNE (ARTICLE 50)
(Requête no 8130/78)
ARRÊT
STRASBOURG
21 juin 1983
En l’affaire Eckle,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement*, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM.  R. Ryssdal, président,
Thór Viljhálmsson,
W. Ganshof van der Meersch,
L. Liesch,
J. Pinheiro Farinha,
L.-E. Pettiti,
R. Bernhardt,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 mars, puis les 25 et 26 mai 1983,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date, sur l’application de l’article 50 (art. 50) de la Convention en l’espèce:
PROCEDURE ET FAITS
1.   L’affaire Eckle a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") le 18 mai 1981. A son origine se trouve une requête (no 8130/78) dirigée contre la République fédérale d’Allemagne et dont deux ressortissants allemands, M. Hans Eckle et son épouse Marianne, avaient saisi la Commission le 27 septembre 1977 en vertu de l’article 25 (art. 25) de la Convention.
2.   Par un arrêt du 15 juillet 1982, la Cour a relevé une infraction à l’article 6 § 1 (art. 6-1) de la Convention en tant que la cause des requérants n’avait pas été entendue dans un délai raisonnable (série A no 51, point 2 du dispositif et paragraphes 71-95 des motifs, pp. 32-40).
Seule reste à trancher la question de l’application de l’article 50 (art. 50) en l’espèce. Quant aux faits de la cause, la Cour se borne donc ici à fournir les indications nécessaires; elle renvoie pour le surplus aux paragraphes 9 à 60 de son arrêt précité (ibidem, pp. 8-28).
3.   Lors des audiences du 22 mars 1982, le conseil des requérants a déclaré que si la Cour constatait une violation de la Convention, ses clients réclameraient au titre de l’article 50 (art. 50) une satisfaction équitable pour le préjudice résultant de la durée excessive des procédures et, le cas échéant, pour leurs frais et dépens; il n’a cependant pas chiffré leurs demandes. Le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne ("le Gouvernement") n’a pas arrêté sa position.
Dans son arrêt du 15 juillet 1982, la Cour a réservé en entier la question. Elle a invité la Commission à lui adresser par écrit ses observations dans les deux mois et notamment à lui donner connaissance de tout règlement amiable auquel Gouvernement et requérants pourraient aboutir (point 3 du dispositif et paragraphe 96 des motifs, ibidem, p. 40).
4.   Après une prolongation du délai susmentionné par le président de la Chambre et conformément à ses ordonnances et directives, le greffe a reçu
- les 15 octobre et 19 novembre 1982 ainsi que le 17 janvier 1983, par l’intermédiaire du secrétaire de la Commission, les observations du délégué et celles des requérants;
- les 28 octobre et 14 décembre 1982 ainsi que le 14 février 1983, les commentaires du Gouvernement.
Ces documents ne révèlent la conclusion d’aucun règlement amiable.
5.   Par une lettre du 6 octobre 1982, arrivée au greffe six jours plus tard, le conseil de M. et Mme Eckle a informé le greffier qu’il ne les représentait plus; le 12 octobre, ils ont mandaté Me von Stackelberg.
6.   M. L. Liesch, juge suppléant, a remplacé M. D. Evrigenis, empêché (articles 22 § 1 et 24 § 1 du règlement).
7.   Après avoir consulté agent du Gouvernement et délégué de la Commission par l’intermédiaire du greffier adjoint, la Cour a décidé le 25 mai 1983 qu’il n’y avait pas lieu de tenir audience.
DEMANDES DES REQUERANTS
8.   Les demandes des intéressés peuvent se résumer ainsi:
a) M. Eckle
Dans ses observations d’octobre 1982, le requérant engageait la Commission à prier la Cour d’attendre, pour se prononcer, que la Cour fédérale de Justice (Bundesgerichtshof) eût statué sur une action en réparation (Amtshaftungsklage) intentée par lui contre le Land de Rhénanie-Palatinat du chef de tout dommage découlant du manquement aux exigences de l’article 6 § 1 (art. 6-1). Invitée par le président de la Chambre, le 20 octobre, à déposer les prétentions de l’intéressé sans préjudice de la décision à prendre sur ladite demande, la Commission les a communiquées au greffe le 19 novembre.
M. Eckle réclame
i. au titre de dommages matériels qu’il prétend avoir subis sur le plan professionnel, économique et financier:
- 5.049.284 DM et
- 19 % d’intérêts annuels sur la somme de 49.284 DM;
ii. pour dommage moral:
- 703.124 DM 50;
iii. pour frais et dépens:
- 241.482 DM 40, à titre provisionnel,
- une décharge de l’obligation du paiement solidaire (Befreiung aus der Mithaft) pour un montant de 17.193 DM 57 (frais de justice),
- 12 % d’intérêts annuels sur 16.000 DM.
b) Mme Eckle
La requérante revendique
i. au titre de dommages matériels qu’elle prétend avoir subis sur le plan professionnel, économique et financier:
- 844.535 DM 64;
ii. pour dommage moral:
- 421.875 DM;
iii. pour frais et dépens:
- 93.691 DM 45, à titre provisionnel,
- une décharge de l’obligation du paiement solidaire pour un montant de 17.193 DM 57 (frais de justice),
- 12 % d’intérêts annuels sur 26.007 DM 60.
CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR PAR LE GOUVERNEMENT
9.   Le Gouvernement invite la Cour
"à fixer librement, mais en tenant compte (de ses) observations (...), une indemnité pour les frais et dépens nécessaires et raisonnables que les requérants ont réellement exposés en vue de prévenir la violation constatée et, pour le surplus, à rejeter les prétentions présentées".
EN DROIT
I. SUR LA DEMANDE DE SURSIS À STATUER
10.  L’article 50 (art. 50) de la Convention se lit ainsi:
"Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."
11.  Dans ses observations initiales, M. Eckle sollicitait la suspension de la procédure le concernant jusqu’au moment où la Cour fédérale de Justice aurait statué sur une action qu’il avait introduite en 1964 devant le tribunal régional de Trèves (paragraphe 8 ci-dessus). D’après lui, la Cour européenne ne pouvait appliquer l’article 50 (art. 50) qu’après une décision définitive des juridictions internes sur la réparation.
12.  Le Gouvernement combat cette thèse, sur laquelle la Commission ne se prononce pas.
Débouté le 4 mars 1981 par la Cour d’appel (Oberlandesgericht) de Coblence, le requérant n’aurait pas essayé jusqu’à présent d’accélérer l’examen de son pourvoi en cassation (Revision); bien au contraire, il aurait plusieurs fois prié la Cour fédérale de prolonger le délai de dépôt de son mémoire ampliatif, en invoquant la nécessité d’attendre l’issue de l’instance pendante à Strasbourg. En outre, l’objet de son action en responsabilité ne coïnciderait qu’en partie avec celui de ladite instance: il concernerait les seules poursuites pénales ouvertes à Trèves. Enfin, Cour européenne et Cour fédérale agiraient sur des plans différents et indépendamment l’une de l’autre, encore qu’une indemnité allouée par celle qui tranchera la première puisse être prise en compte par la seconde.
13.  La Cour souligne que l’article 50 (art. 50) de la Convention l’habilite à accorder au requérant une satisfaction équitable si, entre autres conditions, "le droit interne" de la République fédérale d’Allemagne "ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences" de la violation constatée par l’arrêt du 15 juillet 1982. Or il en est bien ainsi: quand un procès se poursuit au-delà du "délai raisonnable" dont l’article 6 § 1 (art. 6-1) prescrit le respect, la nature intrinsèque de la lésion empêche une réparation intégrale (restitutio in integrum). L’intéressé ne peut donc demander qu’une satisfaction équitable. Même si un requérant a pu en présenter une à un tribunal de l’État défendeur, la Cour n’a pas l’obligation de rejeter celle dont elle se trouverait saisie (arrêt De Wilde, Ooms et Versyp du 10 mars 1972, série A no 14, pp. 8-9 et 10, §§ 16 et 20; arrêt König du 10 mars 1980, série A no 36, pp. 14-15, § 15).
14.  En principe, rien n’interdit pour autant à la Cour, lorsque la victime d’un manquement relevé par elle choisit de réclamer d’abord dans l’ordre juridique interne une indemnité de ce chef, de surseoir à statuer jusqu’à la décision définitive de la juridiction nationale, notamment si l’intéressé en formule le souhait. Les impératifs d’une bonne administration de la justice peuvent même recommander pareille mesure dans certains cas.
Toutefois, M. Eckle n’a donné aucune précision sur l’état de la procédure qu’il a engagée en Allemagne. De ses observations, il ressort uniquement que son action se dirige contre le Land de Rhénanie-Palatinat et qu’il l’a intentée devant le tribunal régional de Trèves le 16 avril 1964, soit près de trois ans avant le déclenchement des poursuites à Cologne - ville située en Rhénanie du Nord-Westphalie - (arrêt Eckle précité, p. 19, § 37) et plus de treize ans avant l’arrêt rendu à Strasbourg le 15 juillet 1982; elle invitait le tribunal à déclarer le Land responsable du tort que les autorités compétentes de Trèves auraient causé au requérant en exprimant, auprès de ses créanciers, le soupçon non fondé qu’il commettait des escroqueries à leur préjudice.
Selon les indications non contestées qu’a fournies le Gouvernement, M. Eckle a été débouté en appel le 4 mars 1981, s’est pourvu en cassation le 27 avril 1981 et a déposé son mémoire ampliatif le 30 septembre 1982.
On discerne mal, dans ces conditions, comment son action pourrait viser la réparation du préjudice résultant du double dépassement du "délai raisonnable" que la Cour a constaté le 15 juillet 1982. Partant, la suspension qu’il a préconisée en octobre 1982 ne contribuerait pas à une bonne administration de la justice et irait même à son encontre. Il ne l’a du reste plus sollicitée quand il a présenté, en novembre 1982 et janvier 1983, ses prétentions chiffrées ainsi que le greffe l’y avait engagé sur les instructions du président.
Dès lors, la Cour rejette la demande de sursis à statuer.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 50 (art. 50)
15.  Les requérants réclament une satisfaction équitable pour dommage matériel, préjudice moral et frais de procédure.
A. Dommage matériel
16.  M. Eckle affirme avoir subi un manque à gagner de cinq millions de marks par la vente forcée d’au moins 250 terrains: à l’époque de sa détention et des poursuites, du 18 mars 1967 au 11 janvier 1974, son entreprise n’aurait pas fonctionné ce qui l’aurait empêché de céder lesdits terrains de gré à gré.
Il revendique en outre le remboursement de 49.284 DM, plus 19 % d’intérêts par an; il lui aurait fallu emprunter cette somme pour pouvoir la verser à la Caisse fédérale de retraite des cadres et employés (Bundesversicherungsanstalt für Angestellte) afin de conserver ses droits à pension au titre des années 1956 à 1973 et de l’année 1981.
17.  De son côté, Mme Eckle allègue que si la procédure ouverte à Trèves avait été menée avec la diligence nécessaire, elle aurait pu commencer ses activités professionnelles dès 1964, au lieu du 1er décembre 1974, et réaliser ainsi dès 1967 des bénéfices analogues à ceux qu’elle aurait faits en 1980 comme agent d’assurances. Déclarant avoir vécu sans ressources à partir de la première arrestation de son mari, le 18 mars 1967, elle évalue ainsi ses pertes: 598.126 DM pour la période du 19 mars 1967 au 30 novembre 1974, plus 246.409 DM 64 pour celle qui va du 1er décembre 1974 à la fin de 1979, soit au total 844.535 DM 64.
18.  Le Gouvernement conclut au rejet de ces diverses demandes, notamment faute de lien de causalité entre le préjudice matériel prétendument souffert et la violation constatée par la Cour.
M. Eckle semblerait partir de l’idée que si les autorités nationales avaient respecté l’article 6 § 1 (art. 6-1), il aurait pu continuer les activités qu’on lui a reprochées. Or l’arrêt du 15 juillet 1982 n’aurait eu aucun effet sur sa condamnation pénale. En outre, le requérant aurait de toute manière dû payer des contributions à la Caisse fédérale de retraite.
Quant à Mme Eckle, elle n’aurait guère été empêchée d’exercer sa profession que pendant les audiences devant le tribunal régional de Trèves, puis durant l’accomplissement de la peine que lui avait infligée le tribunal régional de Sarrebruck. Il s’agirait cependant, là aussi, de mesures légales, non remises en cause par l’arrêt de la Cour et qui n’auraient créé aucun droit à indemnité.
19.  Le délégué de la Commission s’exprime dans le même sens. Il estime notamment que les intéressés n’ont pas démontré la présence d’une relation causale entre leurs demandes et la violation de l’article 6 § 1 (art. 6-1).
20.  La Cour souscrit à cette thèse.
Son arrêt du 15 juillet 1982, s’il a relevé le caractère excessif de la durée des procédures menées contre les requérants, n’a nullement jugé, et n’implique pas, que les poursuites intentées à leur charge, les condamnations prononcées contre eux et la détention subie par eux aient elles aussi enfreint la Convention. Seul entre donc en ligne de compte le préjudice qu’aurait entraîné le double dépassement du "délai raisonnable".
Or les prétendues pertes financières de M. et Mme Eckle découlent de l’existence même de ces poursuites et de leur résultat. Aucun élément du dossier n’autorise à considérer que les dommages allégués dérivent du manquement aux exigences de l’article 6 (art. 6).
En conséquence, aucune indemnité n’est due pour dommage matériel.
B. Dommage moral
21.  Affirmant que la procédure suivie à Trèves aurait pu s’achever dès la fin de 1963, les requérants concluent à une durée excessive de quatorze ans et trois semaines (1er janvier 1964 - 23 janvier 1978). Ils soulignent aussi qu’en raison du chevauchement des instances engagées à Cologne (mars 1967 - septembre 1977) et à Sarrebruck (fin 1963 - avril 1972), ils se sont trouvés exposés à des poursuites constantes dans trois procès.
Sur cette base, ils demandent pour dommage moral une indemnité forfaitaire que M. Eckle chiffre à 50.000 DM et son épouse à 30.000 DM par an. Le requérant explique cette différence par la circonstance qu’à l’époque considérée il aurait été arbitrairement privé de sa liberté pendant six ans et demi. Il réclame de ce chef 703.124 DM 50, sa femme 421.875 DM.
22.  Le Gouvernement conteste que la procédure de Trèves eût pu se terminer dès la fin de 1963. Il relève en outre que la période indiquée par les requérants comprend des phases qui, selon lui, ne sauraient en aucun cas entrer en ligne de compte: les jours d’audience devant les tribunaux régionaux de Sarrebruck et Trèves, le temps passé par M. Eckle en détention provisoire et celui pendant lequel chacun des requérants a purgé sa peine une fois condamné à Sarrebruck. Les montants exigés seraient du reste exorbitant. Au demeurant, la reconnaissance de la violation de la Convention par les juridictions internes, l’atténuation des peines prononcées à Trèves et l’arrêt des poursuites à Cologne auraient assuré aux intéressés une réparation équitable.
23.  Selon le délégué de la Commission, les poursuites pénales ont dû inspirer à M. et Mme Eckle quelque angoisse et, partant, leur causer un certain dommage moral. Les sommes qu’ils revendiquent seraient cependant disproportionnées. Compte tenu des différents éléments recueillis, le délégué préconise l’octroi d’indemnités modestes.
24.  Les requérants, il échet de le constater, n’allèguent pas que la durée excessive des procédures litigieuses ait suscité en eux des sentiments d’inquiétude ou de détresse. De surcroît, ils n’ont manifesté à l’époque aucun souci particulier de les voir se dérouler le plus rapidement possible (arrêt Eckle précité, pp. 36 et 38, §§ 82 et 90).
Le dépassement du "délai raisonnable" a dû néanmoins les exposer à des désavantages et désagréments. Il faut cependant rappeler que le tribunal régional de Trèves, d’après les motifs de ses décisions, a mitigé les peines en raison de la longueur démesurée du temps écoulé et que celui de Cologne a clôturé les poursuites (ibidem, pp. 16, 17, 18 et 27, §§ 27, 33, 35, 36 et 55); quoique la situation ainsi créée n’ait pas fait perdre à M. et Mme Eckle la qualité de "victime", au sens de l’article 25 (art. 25) , on doit en tenir compte pour évaluer l’ampleur du dommage prétendument subi (ibidem, pp. 30-32, 38, 39 et 40, §§ 66-70, 87, 88, 94 et 95). En outre, le délégué de la Commission le relève à juste titre, on ne saurait oublier qu’ils avaient à répondre d’actes graves d’escroquerie commis, notamment, au détriment de personnes démunies de grands moyens financiers, et que le tribunal de Trèves leur a infligé de lourdes peines d’emprisonnement (ibidem, pp. 15-16 et 17, §§ 27 et 33).
Appréciant ces éléments dans leur ensemble et en équité, comme le veut l’article 50 (art. 50), la Cour considère que le tort moral allégué a déjà donné lieu à une satisfaction équitable suffisante, aux fins de l’article 50, grâce au constat de violation figurant dans l’arrêt du 15 juillet 1982 (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Corigliano du 10 décembre 1982, série A no 57, p. 17, § 53).
C. Frais et dépens
1. Introduction
25.  Les requérants réclament le remboursement des frais et dépens que leur ont causés tous les recours et moyens de défense utilisés par eux depuis la fin de 1963, date à laquelle, selon eux, la procédure engagée à Trèves aurait pu s’achever.
D’après la jurisprudence constante de la Cour, pour avoir droit à l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 50 (art. 50) la partie lésée doit les avoir supportés afin d’essayer de prévenir ou faire corriger une violation dans l’ordre juridique interne, d’amener la Commission puis la Cour à la constater et d’en obtenir l’effacement (arrêt Minelli du 25 mars 1983, série A no 62, p. 20, § 45). Il faut aussi que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (ibidem).
2. Frais et dépens supportés en République fédérale d’Allemagne
26.  La Cour examinera d’abord, séparément, les prétentions de chacun des intéressés quant à leurs frais et dépens en République fédérale d’Allemagne.
a) M. Eckle
27.  Le requérant demande de ce chef, au total, 226.827 DM 40 et la décharge de l’obligation du paiement solidaire de 17.193 DM 57, ainsi que 12 % d’intérêts sur 16.000 DM. Il se réserve de chiffrer certaines autres exigences.
Le Gouvernement concède 495 DM 59; pour son compte, le délégué de la Commission estime que M. Eckle a droit au versement de 3.525 DM, ou de 4.791 DM s’il peut prouver avoir payé la différence entre ces deux montants.
28.  La Cour rejette les revendications ci-après, étrangères à la violation constatée par elle ou même aux faits pertinents de la cause:
- honoraires forfaitaires de Me von Stackelberg (consultation "dans l’affaire pénale" entre juillet 1964 et juillet 1968): 50.000 DM;
- honoraires forfaitaires de Me Bungartz (détention de l’intéressé dans les procédures engagées à Sarrebruck, Trèves et Cologne): 12.000 DM;
- honoraires forfaitaires de Me von Stackelberg (diverses interventions dans la procédure engagée à Sarrebruck): 42.000 DM;
- frais de justice (54.024 DM 84) et décharge de l’obligation de paiement solidaire (17.193 DM 57) dans la procédure engagée à Trèves;
- honoraires forfaitaires et frais de Me von Stackelberg (consultation concernant la détention préventive, tribunal régional de Trèves): 2.321 DM;
- honoraires forfaitaires et frais de Me von Stackelberg (recours contre le maintien de la détention préventive, décidé par le tribunal régional de Trèves le 1er octobre 1971): 1.266 DM;
- honoraires forfaitaires de Me von Stackelberg (recours constitutionnel contre la décision de la Cour d’appel de Coblence refusant, le 1er juillet 1971, l’installation d’un téléviseur dans la cellule du requérant): 2.500 DM;
- honoraires forfaitaires de Me von Stackelberg (recours constitutionnel contre la décision de la Cour d’appel de Coblence refusant d’accorder au requérant un congé pour participer aux procès civils): 3.000 DM;
- honoraires forfaitaires de Me Meinecke (détention préventive dans la procédure engagée à Cologne; 21 décembre 1974): 5.296 DM 10;
- honoraires et frais de Me Meinecke (saisie de dossiers; 17 avril 1970): 952 DM 86;
- honoraires forfaitaires de Me von Trützschler (mandat d’arrêt; saisie de dossiers): 3.000 DM;
- honoraires forfaitaires de Me von Stackelberg pour quatre recours constitutionnels (refus de désigner Me Becker comme défenseur d’office; détention préventive; exécution forcée pour règlement de frais judiciaires; suspension de procès civils): 9.981 DM 50;
- les prétentions suivantes, non chiffrées: frais judiciaires relatifs aux procédures engagées à Sarrebruck et Cologne; frais de l’action introduite contre le Land de Rhénanie-Palatinat; frais de la procédure de radiation d’office concernant l’entreprise Eckle.
i. Honoraires et frais d’avocat pour un recours constitutionnel contre la décision de la Cour d’appel de Coblence, du 25 novembre 1971, maintenant la détention préventive du requérant
29.  Pour Me von Stackelberg, qui a en son nom attaqué le 7 janvier 1972 devant la Cour constitutionnelle fédérale une décision de la Cour d’appel de Coblence, du 25 novembre 1971, ordonnant son maintien en détention préventive, M. Eckle réclame 1.266 DM d’honoraires forfaitaires et de frais.
Le Gouvernement conclut au rejet car il ne s’agissait pas d’un recours contre la durée de la procédure en tant que telle.
Selon le délégué de la Commission au contraire, il y a lieu de prendre en considération le montant indiqué si M. Eckle peut en prouver le paiement.
30.  La Cour ne partage pas cette dernière opinion.
Assurément, le requérant se référait entre autres à l’article 6 (art. 6) de la Convention dans son recours. Il se peut aussi, comme le présume le délégué, que les autorités compétentes eussent été incitées à accélérer la marche de la procédure si la Cour constitutionnelle avait prescrit l’élargissement de l’intéressé. On ne saurait cependant oublier que ledit recours ne visait pas à un déroulement plus rapide de l’instance: il dénonçait la durée déraisonnable de la détention préventive et avait pour seul but la mise en liberté de M. Eckle. Il aurait pu entrer en ligne de compte sur le terrain de l’article 5 § 3 (art. 5-3) - si la Commission n’avait pas déclaré la requête irrecevable à cet égard, comme le Gouvernement le rappelle à juste titre - mais non de l’article 6 § 1 (art. 6-1).
ii. Honoraires et frais d’avocat pour le pourvoi en cassation (Revision) contre le jugement du tribunal régional de Trèves, du 17 mars 1972
31.  M. Eckle réclame également 10.866 DM 50 d’honoraires forfaitaires et de frais pour Me von Stackelberg qui l’a représenté dans la procédure de cassation.
Selon le Gouvernement, l’intervention de cet avocat ne s’imposait pas car Me Becker avait été désigné comme défenseur d’office. En outre, Me von Stackelberg aurait invoqué une série de moyens et, par exemple, sollicité le 7 avril 1975 l’arrêt des poursuites pour cause de prescription, mais sans jamais s’en prendre à la lenteur de la procédure ni mentionner l’article 6 § 1 (art. 6-1).
32.  Les pièces du dossier ne révèlent pas que M. Eckle ait saisi d’un tel grief la Cour fédérale de Justice. A vrai dire, il ne prétend même pas l’avoir fait. Cependant, s’il alléguait pour l’essentiel des vices de procédure, il se plaignait aussi de la méconnaissance du droit matériel de fond (Sachrügen). En conséquence, la Cour fédérale devait contrôler d’office la conformité du jugement attaqué, et notamment de la peine infligée, avec la loi. Voilà pourquoi, dans son arrêt du 19 février 1976, elle a examiné les considérations du tribunal régional de Trèves relatives au taux de la peine prononcée; elle a constaté, entre autres, le rappel de la jurisprudence selon laquelle la durée excessive d’une procédure pénale peut constituer une circonstance atténuante spéciale (arrêt Eckle précité, p. 17, § 33; voir aussi la décision du 10 mai 1979 sur la recevabilité, annexe II au rapport de la Commission).
En second lieu, le Gouvernement l’admet, les mémoires ampliatifs (Revisionsbegründung) ont été déposés par Me von Stackelberg qui seul, d’après l’arrêt de la Cour fédérale, a comparu devant celle-ci en sa qualité de défenseur de M. Eckle.
Cependant, faute d’avoir soulevé lui-même la question du "délai raisonnable" l’intéressé ne saurait prétendre au remboursement intégral des honoraires et frais de Me von Stackelberg. Le délégué de la Commission propose de lui accorder 1.000 DM. Dans les circonstances de la cause, la Cour estime ce montant adéquat.
iii. Honoraires et frais d’avocat pour le recours constitutionnel contre le jugement du tribunal régional de Trèves, du 17 mars 1972, et l’arrêt de la Cour fédérale de Justice, du 19 février 1976; honoraires pour l’avis juridique du professeur Kloepfer
33.  M. Eckle demande de surcroît 10.866 DM 50 au titre des honoraires forfaitaires et des frais de Me von Stackelberg, qui a saisi en son nom la Cour constitutionnelle fédérale le 24 mai 1976, et 16.000 DM d’honoraires, plus 12 % d’intérêts, pour un avis juridique du professeur Kloepfer, par lui soumis à cette juridiction.
Le Gouvernement relève qu’un seul des quatre moyens du recours avait trait à la durée excessive de la procédure. Sur la base du barème fédéral des honoraires d’avocat (Bundesgebührenordnung für Rechtsanwälte), il estime que l’intéressé peut prétendre à 495 DM 59. Quant aux frais d’établissement de l’avis juridique, ils n’auraient pas été nécessaires et il n’existerait aucun lien de causalité entre eux et la violation constatée: M. Eckle n’aurait consulté le professeur Kloepfer que pour prouver qu’il y avait prescription et, partant, illégalité de la condamnation.
Le délégué de la Commission trouverait raisonnable d’accorder au requérant 1.500 DM du chef d’honoraires et frais d’avocat afférents au recours constitutionnel. En revanche, la dépense entraînée par l’expertise du professeur Kloepfer lui semble superflue.
34.  La Cour considère, avec le Gouvernement et le délégué, que l’intéressé ne peut réclamer qu’une partie des honoraires et frais d’avocat: le recours constitutionnel du 24 mai 1976 ne dénonçait pas uniquement la longue durée de la procédure, mais aussi, entre autres, la composition du tribunal régional et l’inconstitutionnalité d’une norme législative que la Cour fédérale de Justice aurait appliquée.
35.  D’après le Gouvernement, le montant revendiqué pour honoraires et frais d’avocat ne cadre pas avec le barème fédéral.
La Cour rappelle d’abord que les tarifs ou critères nationaux ne la lient pas en la matière (arrêt König précité, série A no 36, p. 18, § 23; arrêt Sunday Times du 6 novembre 1980, série A no 38, p. 17, § 41).
En outre, la loi allemande n’empêche pas de convenir, par contrat, d’honoraires forfaitaires supérieurs au niveau que fixe ledit barème. Certes, l’avocat ne saurait en exiger le paiement qu’en vertu d’une déclaration signée par son client (article 3 par. 1, 1ère phrase, du barème), mais la Cour ne croit pas devoir chercher à se procurer la preuve de l’existence d’un tel document comme le voudrait le Gouvernement: rien ne révèle un dissentiment quelconque entre Me von Stackelberg et M. Eckle sur l’obligation, pour le second, de verser la somme indiquée.
Le Gouvernement s’étonne que Me von Stackelberg ait attendu jusqu’au mois d’octobre 1982, plus de cinq ans après la décision de la Cour constitutionnelle fédérale (30 juin 1977), pour établir la note en question comme, du reste, presque toutes les autres qu’il a produites. La Cour, elle, n’aperçoit aucune raison de penser qu’il s’agisse d’une pièce artificielle rédigée pour les seuls besoins de l’instance qui demeure pendante devant elle après son arrêt du 15 juillet 1982.
En conclusion, elle estime adéquat d’allouer au requérant, ainsi que le suggère le délégué de la Commission, 1.500 DM au titre des honoraires et frais d’avocat afférents au recours du 24 mai 1976.
36.  Par contre, il échet d’écarter la demande concernant l’avis du professeur Kloepfer, lequel traitait des conséquences juridiques de la durée excessive d’une procédure pénale. Pas plus que le délégué de la Commission, la Cour n’est convaincue de la nécessité de la dépense correspondante (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Sunday Times précité, pp. 16-17, § 37).
iv. Honoraires des avocats ayant représenté le requérant dans la procédure relative à la fixation d’une peine globale
37.  M. Eckle réclame enfin 461 DM 10 et 1.025 DM d’honoraires, respectivement, pour Me von Trützschler et le professeur Vogler qui l’ont défendu dans la procédure relative à la fixation de la peine globale.
Selon le Gouvernement, il n’existe aucun lien de causalité entre ces frais et la violation constatée par la Cour. La détermination d’une peine globale devant avoir lieu d’office, la procédure prévue à cet effet ne figurerait point parmi les recours dont l’article 26 (art. 26) exige l’épuisement. En outre, les services de deux conseils n’auraient pas été nécessaires. Du reste, l’intéressé n’aurait ni produit des notes d’honoraires ni établi le paiement des sommes demandées.
Le délégué de la Commission propose de retenir le montant de 1.025 DM revendiqué du chef des honoraires du professeur Vogler.
38.  Le rôle de Me von Trützschler a consisté à attaquer devant la Cour d’appel de Coblence, au nom du requérant, la décision par laquelle le tribunal régional de Trèves avait fixé la peine globale le 24 novembre 1977 (arrêt du 15 juillet 1982 précité, p. 18, §§ 35 et 36). De son côté, le professeur Vogler a représenté M. Eckle devant la Cour constitutionnelle fédérale qu’il avait saisie après le rejet de ce recours, le 23 janvier 1978, par la Cour d’appel (ibidem).
39.  La Cour reconnaît, avec le délégué, que le requérant avait intérêt à bénéficier du concours d’un avocat dans cette procédure. D’après l’arrêt de la Cour fédérale de Justice du 19 février 1976, la fixation de la peine globale devait prendre en compte la durée excessive des poursuites, notamment pour "la période (...) écoulée entre l’audience de la juridiction de jugement et l’entrée en force de chose jugée de la sentence et qui s’écoulera[it] encore jusqu’à la décision définitive" (ibidem, p. 17, § 33). Elle revêtait ainsi une grande importance pour M. Eckle, d’autant qu’elle pouvait aboutir à corriger la violation de l’article 6 § 1 (art. 6-1) (ibidem, pp. 30-32, 38 et 39-40, §§ 66-70, 87, 88, 94 et 95).
40.  Quant aux chiffres avancés, ils paraissent plausibles et raisonnables. Dans ces conditions, la Cour ne juge pas nécessaire de se procurer les pièces justificatives souhaitées par le Gouvernement.
b) Mme Eckle
41.  Pour frais et dépens, Mme Eckle demande au total 89.036 DM 45 et la décharge de l’obligation du paiement solidaire de 17.193 DM 57, ainsi que 12 % d’intérêts sur 26.007 DM 60. Son conseil a annoncé certaines autres notes qu’il n’aurait pas encore reçues.
Le Gouvernement concède 600 DM et 4 % d’intérêts, à la rigueur 800 DM; d’après le délégué de la Commission, la requérante peut prétendre à 3.525 DM.
42.  La Cour rejette les revendications suivantes, étrangères à la violation constatée par elle ou même aux faits pertinents de la cause:
- frais de justice (47.495 DM 40) et décharge de l’obligation de paiement solidaire (17.193 DM 57) dans la procédure engagée à Trèves;
- honoraires forfaitaires et frais de Me Bungartz (défense de l’intéressée dans la procédure engagée à Trèves): 13.188 DM 45;
- honoraires forfaitaires de Me Bungartz (défense de l’intéressée dans la procédure engagée à Cologne): 7.000 DM.
i. Honoraires et frais d’avocat pour le pourvoi en cassation contre le jugement du tribunal régional de Trèves, du 17 mars 1972
43.  Pour Me von Stackelberg et le professeur Habscheid, qui l’ont représentée dans l’instance en cassation, Mme Eckle réclame respectivement 10.866 DM 50 et 6.000 DM d’honoraires forfaitaires et de frais, plus 12 % d’intérêts.
Selon le Gouvernement, elle n’avait pas besoin des services de Me von Stackelberg, car Me Teuber l’avait défendue en tant qu’avocat d’office jusqu’au 16 novembre 1974. Me von Stackelberg aurait d’ailleurs déposé son mandat au début de 1975. En revanche, le professeur Habscheid, choisi par elle le 26 janvier 1975, aurait mentionné l’article 6 § 1 (art. 6-1) dans son mémoire du 26 janvier 1976. Aussi pourrait-elle à la rigueur solliciter le versement d’un trentième de ses honoraires.
44.  D’après les indications non contestées fournies par le Gouvernement, Me Teuber et Me von Stackelberg ont présenté à la Cour fédérale de Justice, pour le compte de la requérante, le premier le mémoire ampliatif, le second des écrits supplémentaires en mars 1973 et avril 1974, mais aucun d’eux n’a dénoncé la durée excessive de la procédure. Le professeur Habscheid, lui, a bien invoqué l’article 6 § 1 (art. 6-1) en concluant à l’arrêt des poursuites pour cause de prescription.
Dès lors, et eu égard aux considérations relatives au cas de M. Eckle (paragraphe 32 ci-dessus), la Cour estime avec le délégué de la Commission qu’il y a lieu d’allouer de ce chef à l’intéressée la somme de 1.000 DM.
ii. Honoraires et frais d’avocat pour le recours constitutionnel contre le jugement du tribunal régional de Trèves, du 17 mars 1972, et l’arrêt de la Cour fédérale de Justice, du 19 février 1976
45.  Mme Eckle demande en outre 3.000 DM, plus 12 % d’intérêts, au titre des honoraires du professeur Habscheid qui a, en son nom, saisi la Cour constitutionnelle fédérale d’un recours dirigé à la fois contre le jugement du tribunal régional de Trèves, du 17 mars 1972, et contre l’arrêt de la Cour fédérale de Justice, du 19 février 1976.
Le Gouvernement souligne qu’un seul des cinq moyens dudit recours concernait la durée excessive de la procédure. A son avis, la requérante ne peut donc prétendre qu’à 600 DM.
Le délégué de la Commission estime raisonnable un montant de 1.500 DM.
46.  La Cour considère elle aussi que l’intéressée ne saurait se voir rembourser l’intégralité des sommes versées: en sus de la lenteur des poursuites, le recours constitutionnel du 18 mai 1976 dénonçait notamment la répartition des groupes de cas, la violation de l’égalité devant la loi et une atteinte aux droits de la défense.
Dans les circonstances de la cause, et à la lumière des considérations retenues pour M. Eckle quant à l’application du barème fédéral (paragraphe 35 ci-dessus), la Cour juge adéquat d’accorder de ce chef 1.500 DM à la requérante.
iii. Honoraires des avocats qui ont représenté la requérante dans la procédure relative à la fixation d’une peine globale
47.  Mme Eckle réclame enfin, au titre des honoraires de Me Schabio et du professeur Vogler qui l’ont défendue dans la procédure relative à la fixation de la peine globale, 461 DM 10 et 1.025 DM respectivement, plus 12 % d’intérêts.
Pour les motifs indiqués au paragraphe 37 ci-dessus, le Gouvernement conclut au refus; quant au délégué de la Commission, il propose l’octroi de 1.025 DM.
48.  Il appert que Me Schabio a invité le tribunal régional de Trèves, le 24 octobre 1977, à déterminer une peine globale tenant clairement compte de la durée excessive de la procédure; le 2 décembre 1977, il a attaqué devant la Cour d’appel de Coblence la décision que le tribunal régional avait rendue le 24 novembre 1977 (arrêt Eckle précité, p. 18, §§ 35-36). De son côté, le professeur Vogler a représenté la requérante devant la Cour constitutionnelle fédérale qu’il avait saisie après le rejet de ce recours, le 23 janvier 1978, par la Cour d’appel (ibidem).
49.  Dans ces conditions, la Cour estime équitable d’accorder à l’intéressée les sommes dont elle sollicite le remboursement; elle renvoie à cet égard aux considérations qu’elle a développées quant à M. Eckle (paragraphes 39 et 40 ci-dessus).
3. Frais exposés à Strasbourg
50.  Les requérants, qui n’ont pas bénéficié de l’assistance judiciaire gratuite devant les organes de la Convention, demandent chacun 4.655 DM pour couvrir les frais et honoraires du professeur Vogler qui les a représentés devant la Commission (2.525 DM) puis la Cour (2.130 DM). Mme Eckle y ajoute 12 % d’intérêts, M. Eckle 10.000 DM en tant qu’avances sur les honoraires de Me von Stackelberg au titre de la procédure relative à l’application de l’article 50 (art. 50).
Sans contester aux intéressés le droit au remboursement des frais et dépens supportés par eux à Strasbourg, le Gouvernement juge nécessaire d’opérer un abattement en raison de l’échec de leur requête quant à trois griefs que la Commission n’a pas retenus. D’autre part, l’inégalité de volume entre les prétentions de M. Eckle et celles de son épouse recommanderait une autre ventilation des honoraires: un tiers pour Mme Eckle et deux tiers pour son mari. En outre, les intéressés n’auraient ni produit des notes précises ni prouvé un paiement quelconque. Quant aux honoraires de Me von Stackelberg, il y aurait lieu de les fixer sur la base du barème fédéral et au prorata du degré de succès des revendications présentées (plus de sept millions de marks). Enfin, les montants indiqués pour le professeur Vogler seraient à la limite du raisonnable par rapport au barème fédéral et l’activité de Me von Stackelberg aurait consisté pour l’essentiel à transmettre les écrits et dossiers préparés par les requérants. Sous réserve de ces observations, le Gouvernement laisse à la Cour le soin d’arrêter le taux des frais et dépens.
Le délégué de la Commission propose d’accueillir les demandes, sauf à réduire à 1.000 DM la somme allouée à chacun des intéressés pour la phase de la procédure consacrée à l’application de l’article 50 (art. 50).
51.  La Cour ne saurait suivre le Gouvernement pour autant qu’il préconise un abattement sur les frais afférents à l’instance devant la Commission. Certes, les requérants ont soulevé en vain des griefs relatifs à la procédure engagée à Sarrebruck, à l’article 6 § 2 et à l’article 5 § 3 (art. 6-2, art. 5-3) (arrêt Eckle précité, pp. 28-29, § 61). Cependant, et contrairement à ce qui s’est passé dans l’affaire Le Compte, Van Leuven et De Meyere à laquelle renvoie le Gouvernement (arrêt du 18 octobre 1982, série A no 54, p. 10, § 21), lesdits griefs ont échoué dès le stade du contrôle de leur recevabilité. En outre, la Commission ne les a pas écartés pour défaut manifeste de fondement, donc après un examen préliminaire du fond, mais pour tardiveté (procédure de Sarrebruck et article 5-3) (art. 5-3) et non-épuisement des voies de recours internes (article 6 § 2) (art. 6-2). Ainsi qu’il ressort de la décision sur la recevabilité (annexe II au rapport de la Commission), l’étude de ces deux questions de recevabilité stricto sensu n’était pas complexe au point que son résultat puisse justifier l’abattement souhaité par le Gouvernement.
La Cour n’estime pas non plus nécessaire, dans les circonstances de la cause, de répartir les frais et dépens d’une manière différente de celle que suggèrent les requérants eux-mêmes.
Au sujet des 10.000 DM réclamés à titre d’avances sur les honoraires de Me von Stackelberg, la Cour se range à l’avis du Gouvernement et du délégué: pareille exigence lui paraît disproportionnée avec les prestations de cet avocat au cours de la phase de la procédure relative à l’article 50 (art. 50), et surtout avec les services rendus antérieurement par le professeur Vogler devant la Commission et la Cour. Comme le Gouvernement le souligne à juste titre, Me von Stackelberg s’est limité pour l’essentiel à transmettre, avec des notes de couverture, les prétentions et dossiers de ses clients. Son écrit du 13 janvier 1983 constituait à cet égard une exception: il y répondait aux commentaires du Gouvernement. Par conséquent, la Cour se rallie sur ce point à la proposition du délégué et accorde 1.000 DM à chacun des intéressés.
Quant aux sommes réclamées pour le professeur Vogler, elle les tient pour plausibles et raisonnables; partant, elle ne juge pas nécessaire de se procurer les pièces justificatives souhaitées par le Gouvernement.
4. Intérêts
52.  Dans les circonstances de la cause, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’allouer aux requérants des intérêts sur les sommes retenues au titre des frais et dépens.
5. Récapitulation
53.  Les montants acceptés par la Cour aux paragraphes 32, 35, 40, 44, 46, 49 et 51 atteignent 9.641 DM 10 pour chacun des requérants.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE
Rejetant les demandes de satisfaction équitable pour le surplus, dit que l’Etat défendeur doit verser à chacun des requérants neuf mille six cent quarante et un marks dix (9.641 DM 10) pour frais et dépens.
Rendu en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg, le vingt et un juin mil neuf cent quatre-vingt-trois.
Rolv RYSSDAL
Président
Marc-André EISSEN
Greffier
* Note du greffier: Il s'agit du règlement applicable lors de l'introduction de l'instance.  Un nouveau texte entré en vigueur le 1er janvier 1983 l'a remplacé, mais seulement pour les affaires portées devant la Cour après cette date.
AFFAIRE GOLDER c. ROYAUME-UNI
ARRÊT AIREY c. IRLANDE
ARRÊT ECKEL c. ALLEMAGNE (ARTICLE 50)
ARRÊT ECKEL c. ALLEMAGNE (ARTICLE 50)


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 8130/78
Date de la décision : 21/06/1983
Type d'affaire : Arrêt (Satisfaction équitable)
Type de recours : Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Remboursement frais et dépens - procédure nationale ; Remboursement frais et dépens - procédure de la Convention

Parties
Demandeurs : ECKLE
Défendeurs : ALLEMAGNE (ARTICLE 50)

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1983-06-21;8130.78 ?

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