"... (cf. l'Annuaire de la Convention européenne des Droits de l'Homme, tome VI, pp. 455 et 457)... ----------------------------- "Ces considérations sont manifestement, et sans restriction aucune, applicables aux griefs formulés par les requérants concernant l'emploi des langues en matière administrative. Il est clair que ce n'est pas sans détourner les textes de leur sens normal que l'on peut transformer le droit d'exprimer librement sa pensée dans la langue de son choix en un droit d'accomplir et de voir accomplir toutes les formalités administratives dans la langue de son choix. "La thèse des requérant ne serait acceptable que dans la mesure où elle pourrait se fonder sur des textes analogues aux articles 5, par. 2 et 6, par. 3 a) de la Convention. Admettre que cette thèse puisse se fonder sur les articles 9 et 10 de la Convention reviendrait à donner à ces deux articles une portée d'une étendue telle que les garanties précises prévues aux articles 5 et 6 devraient être considérées comme inutiles. "Il s'ensuivrait que la Convention européenne n'aurait plus comme objet d'imposer aux Hautes Parties Contractantes des obligations précises, mais des obligations vagues aux conséquences imprévisibles. Sans doute de nombreux Etats ont-ils, sans hésitation, souscrit des déclarations de principe à caractère général mais dénuées de toute sanction effective. Ce qui fait l'honneur des Pays signataires de la Convention européenne, c'est d'avoir accepté une sanction internationale effective. Mais aucun pays ne pourrait accepter de se soumettre à pareille sanction, si les obligations qu'il assume n'ont pas été définies d'une mesure précise."
Le 8 avril 1965, le Secrétaire de la Commission a prié Me Laloux de présenter sa duplique dans le délai de quatre semaines (ordonnance présidentielle du 8 avril, article 46, par. 1 et 2 du Règlement intérieur).
Datée du 23 avril 1965, la duplique de Me Laloux est ainsi conçue (extraits): "INTRODUCTION "Leeuw-Saint-Pierre est une des communes de la périphérie bruxelloise qui a bénéficié de l'exode des habitants de la capitale vers la banlieue plus aérée; suivant le recensement de 1947, sa population francophone se situait déjà aux environs de 20%; elle est beaucoup plus importante actuellement. "Les lois de 1961, 1962 et 1963 l'ont classée artificiellement 'terre flamande'. "Le Gouvernement belge a donc supprimé les écoles 'françaises' et a contraint tous les habitants à utiliser le flamand dans leurs rapports avec les autorités administratives. "Les requérants se plaignent donc de la législation linguistique belge en matière scolaire. "Comme la Commission possède déjà une connaissance parfaite de ces problèmes, pour les avoir examinés à l'occasion des requêtes linguistiques précédentes, les requérants pensent que - sauf souhaits contraires de sa part - ils ne doivent plus l'encombrer de leurs arguments de fait et de droit. "Il est bien acquis en effet que:
a) le Gouvernement ne conteste pas que Leeuw-Saint-Pierre est, en fait, une commune touchant l'agglomération bruxelloise; b) Qu'elle a cependant été intégrée dans la région unilingue flamande; c) Que les classes 'françaises' ont été supprimées. "Ils reprochent donc au Gouvernement belge d'avoir violé l'article 2 du Protocole additionnel et les articles 8 et 14 de la Convention. "Les requérants se plaignent en plus d'être légalement contraints d'utiliser la langue flamande dans leurs rapports avec les autorités administratives et judiciaires, celles-ci persistant à ne leur adresser que des formulaires ou des questionnaires en cette langue et refusant de traiter avec eux en français. "Ils estiment que ces faits sont constitutifs des violations des articles 9 et 10 de la Convention ainsi que de l'article 14. "Ce second aspect de la requête mérite un examen plus approfondi qui fera l'objet du présent mémoire. "I. Les articles 9 et 10 "... (citation partielle de ces deux articles) ... "II. Contenu "Certes, la liberté linguistique n'est pas garantie en tant que telle par la Convention. Mais la liberté de pensée de l'article 9 implique nécessairement la liberté d'exprimer cette pensée soit par la parole, soit par les écrits. "Les termes 'liberté de pensée' n'auraient en effet aucun sens s'ils signifiaient simplement que l'homme peut penser tout ce qu'il veut dans son for intérieur et que nul ne peut l'en empêcher car la pensée, comprise dans ce sens, comme la conscience ne constituent que des insaisissables que personne ne peut jamais forcer. "Pour éviter toute difficulté d'interprétation les rédacteurs de la Convention ont d'ailleurs eux-mêmes précisé que ce droit impliquait la liberté de changer ... et celle de manifester ... "La liberté de pensée implique donc déjà la liberté d'expression mais l'article 10 vient encore extérioriser cette notion en prévoyant explicitement la liberté d'expression, ce qui ne peut s'appliquer qu'aux formes verbale ou écrite. "Lorsque l'article 9 ajoute que le droit à la liberté de pensée implique la liberté de changer de conviction ou de la manifester, sans exprimer qu'il s'agit exclusivement de la liberté philosophique, il n'est pas douteux qu'il comprend la liberté culturelle ou liberté linguistique car comment extérioriser sa pensée en paroles ou en écrits et posséder la liberté de le faire sans avoir du même coup la liberté linguistique. "De même, quand l'article 10 parle de la liberté d'expression, on ne voit pas pourquoi il limiterait celle-ci à l'expression philosophique et non pas culturelle. "Les requérants ont donc le droit de voir leur personnalité se développer complètement par la forme de leur culture. "III. Jurisprudence "Dans son mémoire parvenu à la Commission le 13 janvier 1965, le Gouvernement invoque la décision du 26 juillet 1963 de la Commission sur la recevabilité des premières requêtes linguistiques, décision qui rejetait les Articles 9 et 10 et qui s'exprimait ainsi: "... (cf. l'Annuaire de la Convention européenne des Droits de l'Homme, tome VI, pp. 455 et 457)... "Il importe de circonscrire le sens de cette motivation: "(1) Elle se contente de révéler que ni la Convention ni son premier Protocole additionnel ne consacrent les libertés linguistiques en tant que telles, mais n'énonce pas cependant que la liberté linguistique n'est pas garantie par la Convention. "(2) Elle affirme que, dans les cas d'espèce qui lui sont soumis - requêtes linguistiques relatives à l'enseignement - il n'y a pas violation des articles 9 et 10, ce qui n'exclut évidemment pas la possibilité de violation dans d'autres cas. "Dans un autre attendu, la Commission fait observer aussi "que, par la force des choses, la manière dont se forme et "s'exprime la pensée humaine se trouve conditionnée par une "série d'éléments contingents sur lesquels l'individu n'a "guère de prise (données de temps et de lieu, milieu social, "événements et influences diverses, etc...), sans qu'il en résulte "ipso facto une atteinte aux libertés de pensée et d'expression "comme telles." "VI. Historique "Pour situer le litige dans son cadre historique, rappelons schématiquement que la Belgique de 1831 était un Etat unitaire unilingue français qui a évolué peu à peu vers le bilinguisme des régions flamandes pour promouvoir l'individu flamand par la réhabilitation de sa culture. "Plusieurs lois ont jalonné cette évolution indépendamment de celles de 1961 à 1963 que les requérants critiquent et qui ne sont pas loin de consacrer l'existence d'un Etat flamand presque souverain, les plus importantes furent votées en 1932 et 1935. "V. Violations "A. Articles 9 et 10
L'article 3, par. 1er, de la loi du 28 juin 1932 relative à l'emploi des langues en matière administrative laissait la faculté aux communes "dont la majorité des habitants parlent le "plus fréquemment, d'après le dernier recensement décennal, une "langue différente de celle du groupe linguistique auquel "l'article 1er les rattache, d'adopter pour le service intérieur "et pour la correspondance la langue de cette majorité." "La loi du 24 juillet 1961 concernant le recensement décide en son article 3 que: "Par dérogation aux dispositions "de la loi du 28 juin 1932 sur l'emploi des langues en matière "administrative, le recensement général de la population de 1961 "ne comporte aucune question relative à l'emploi des langues; "les effets du recensement linguistique effectué le 31 décembre 1947 "sont prorogés jusqu'à ce qu'une loi y mette fin." "En supprimant le volet linguistique du recensement général, la loi du 24 juillet 1961 a donc eu pour effet de figer la situation linguistique de communes qui, sans cela, auraient pu adapter leur régime linguistique conformément aux langues parlées par leurs habitants. "Or, comme les communes constituent des entités juridiques formées chacune d'individus, leurs habitants, la contrainte de la loi du 24 juillet 1961 s'exerce donc sur eux. En effet, par le fait même que le statut linguistique d'une commune se trouve figé arbitrairement, sans référendum préalable, ses habitants sont condamnés à le subir indéfiniment même s'il est en opposition complète avec la situation linguistique réelle. "Cette 'fixation' prive donc les individus de leur liberté de pensée et d'expression; il importe peu ou 'ils en soient privés par contrainte directe sur leur personne ou par contrainte indirecte exercée par le canal d'une entité administrative, le résultat étant absolument identique dans l'une et l'autre hypothèse. "Cette évolution n'est pas historique ni naturelle, mais constitue le résultat d'une volonté délibérée de contrainte imposée par des majorités qui se réfugient derrière la raison d'Etat. "La loi du 24 juillet 1961 viole non seulement le droit mais aussi ce qu'il implique, c'est-à-dire les individus - de modifier le régime linguistique, en d'autres termes, de charger de conviction, puisqu'elles n'ont plus le droit d'exprimer que tel régime linguistique nouveau leur conviendrait mieux que le précédent. "En disposant que le recensement général ne comporte plus aucune question relative à l'emploi des langues, la loi prive l'individu de la possibilité de manifester individuellement sa conviction concernant la langue qu'il utilise; cette interdiction est d'autant plus choquante, que le recensement général est d'une extrême précision et même d'une indiscrétion totale en ce qui concerne les autres domaines de l'activité individuelle. "L'article 20 de l'Arrêté royal du 3 novembre 1961, pris en exécution de la loi du 24 juillet 1961, a même été jusqu'à interdire aux communes de procéder au classement et au comptage des bulletins de recensement suivant la langue utilisée; cette disposition viole l'article 9 de la Convention qui protège la liberté de manifester son opinion non seulement individuellement mais collectivement. "L'Etat qui prétend imposer à ses habitants l'usage de telle ou telle langue selon leur lieu de résidence après avoir créé arbitrairement une frontière, sans les avoir interrogés préalablement sur leurs convenances, après avoir au contraire supprimé ce qui aurait pu constituer un embryon de recensement ou de référendum, viole la liberté d'expression en soi mais aussi en ce qu'elle comprend "la liberté de recevoir ou de communiquer "des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence "d'autorité publique et sans considération de frontière." "B. Article 14 "Lorsqu'il a supprimé le volet linguistique du recensement général, le législateur ne s'est pas gêné pour dire qu'il voulait étouffer le pouvoir d'attraction de la culture française et la constatation de cette évidence; il a ainsi établi une discrimination dans l'exercice des droits garantis par les articles 9 et 10. Cette discrimination est particulièrement sensible dans les communes de la frontière linguistique et dans celles de la périphérie bruxelloise. "Le législateur a établi en outre une discrimination fondée sur l'appartenance à une minorité nationale puisque les francophones sont minoritaires en Belgique. "C. D'après le Gouvernement, "le droit d'exprimer "librement sa pensée dans la langue de son choix" est distinct "du droit d'accomplir et de voir accomplir toutes les formalités "administratives dans la langue de son choix." "Réfutation: Assimiler les rapports administration-individu à l'accomplissement de simples formalités constitue une sérieuse déformation de la réalité; le particulier qui doit remplir sa déclaration d'impôts ou discuter avec le contrôleur des contributions n'évolue pas seulement dans la sphère des formalités, l'administration qui fournit des directives aux habitants en matière de milice, d'urbanisme, de circulation, etc..., parle réellement à son administré. "A la vérité, individus et administration échangent entre eux un véritable dialogue, comme de simples particuliers. "L'individu qui doit s'adresser à l'administration dans la langue fixée par celle-ci, selon les conditions arbitraires déjà décrites, ne dispose plus de droit d'exprimer librement sa pensée dans la langue de son choix. "Subsidiairement, s'il fallait admettre avec le Gouvernement que les requérants revendiquent un droit non garanti par la Convention - celui à l'accomplissement des formalités dans la langue de leur choix - encore pourraient-ils soutenir que "les atteintes à des droits et libertés non reconnus peuvent "constituer des violations de la Convention, si elles affectent "la jouissance et l'exercice des droits et libertés garantis". (Annuaire des décisions, vol. II, pp. 353 et 373 - voyez aussi Roger Pinto "Les organisations européennes"). "La requête est donc recevable."
Le 30 avril 1965, la Commission a chargé son Secrétaire d'inviter les parties à lui indiquer, dans le délai de quatre semaines, si elle désirent présenter, au sujet de la recevabilité de la requête, des explications orales s'ajoutant à leurs observations écrites.
Le Secrétaire de la Commission s'est conformé à ces instructions le 3 mai 1965.
Me Leloux (24 mai 1965) et le Ministre de la Justice de Belgique (26 mai 1965) ont répondu que la tenue d'une audience contradictoire ne leur paraissait pas indispensable. Le 15 juillet 1965, la Commission a rendu, sur la recevabilité de la requête, une décision partielle, dont il échet de reproduire ci-après les considérants "en droit" et le dispositif: "EN DROIT "Considérant tout d'abord, pour autant que les requérants s'en prennent au régime linguistique de l'enseignement à Leeuw-Saint-Pierre, que la Cour européenne des Droits de l'Homme se trouve saisie de problème analogues dans six autres causes que la Commission a portées devant elle le 25 juin 1965 (requêtes No 1474/62, 1677/62, 1691/62, 1769/63, 1994/63 et 2126/64) que la Commission estime indiqué, dès lors, de surseoir à statuer sur la recevabilité de cette partie de la requête; "Considérant que le restant de la requête vise les disposition légales fixant l'emploi des langues en matière administrative, et plus précisément celles d'entre elles qui s'appliquent à la Commune de Leeuw-Saint-Pierre; que les requérants invoquent, à ce sujet, les articles 9, 10 et 14 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales; "Qu'aux termes de l'article 9, par. 1 de la Convention, "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience "et de religion", droit qui "implique la liberté de changer "de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester "sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, "en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les "pratiques et l'accomplissement des rites"; "Que l'article 10, par. 1 stipule, de son côté, que "toute "personne a droit à la liberté d'expression", y compris "la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer "des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence "d'autorités publiques et sans considération de frontière ..."; "Qu'en dernière analyse, les requérants revendiquent le droit de pouvoir se servir de la langue de leur choix, ou de leur langue maternelle ou usuelle, dans leurs rapports avec l'administration; "Qu'il appert, toutefois, que la garantie de ce droit sert du cadre de la Convention, et notamment des articles 9 et 10; "Qu'en effet, aucun article de la Convention ni du premier Protocole additionnel ne consacre expressément la 'liberté linguistique' en tant que telle (cf., p. ex., les décisions du 26 juillet 1963 sur la recevabilité des requêtes No 1474/62 et 1769/63, Annuaire VI, pp. 341-343 et 455); "Que les seules clauses de la Convention qui traitent de l'emploi des langues à savoir l'article 5, par. 2 et l'article 6, par. 2 a) et c), ont une portée restreinte et sont étrangères au cas d'espèce (cf., p. ex., les deux décisions susmentionnées, loc. cit.); que leur existence ne se concevrait pas si la Convention avait entendu protéger, sur une échelle beaucoup plus large, le droit dont les requérants allèguent la violation; "Qu'il échet de rappeler, enfin, que l'article 14 n'interdit la discrimination que dans 'la jouissance des droits et libertés reconnus' par la Convention (cf. la jurisprudence constante de la Commission, et p. ex. la décision du 16 décembre 1953 sur la recevabilité de la Requête No 86/55, Annuaire I, p. 199); qu'il ressort de ce qui précède que la 'discrimination' litigieuse n'affecte point l'un de ces droits; "Que l'examen des griefs dont il s'agit échappe dès lors, compte tenu des articles 1 et 25, par. 1 de la Convention, à la compétence ratione materiae de la Commission; que lesdits griefs sont donc incompatibles avec les dispositions de la Convention, au sens de l'article 27, par.2; "Par ces motifs, " 1. SURSOIT A STATUER SUR LA RECEVABILITE DES GRIEFS CONCERNANT LE REGIME LINGUISTIQUE DE L'ENSEIGNEMENT A LEEUW-SAINT-PIERRE; "2. DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE QUANT AU SURPLUS."
La Cour européenne des Droits de l'Homme ayant statué le 23 juillet 1968 sur le fond de l'"Affaire relative à certains aspects du régime linguistique de l'enseignement en Belgique", c'est-à-dire sur les griefs contenus dans les Requêtes No 1474/62, 1677/62, 1691/62, 1769/63, 1994/63 et 2126/64, dans la mesure où ils avaient été déclarés recevables par la Commission, celle-ci a repris l'examen de la recevabilité de la présente requête lors de sa 79ème Session (du 13 au 17 décembre 1968);
EN DROIT
Considérant qu'aux termes de la loi du 14 juillet 1932 concernant le régime linguistique de l'enseignement primaire et de l'enseignement moyen en Belgique, la langue de l'enseignement, dans les parties unilingues du pays, était en principe celle de
la région, cette règle s'appliquant aux écoles gardiennes et aux écoles primaires communales, adoptées ou adoptables (article 1er de la loi), aux établissements régis par la loi organique de l'enseignement moyen (article 8 de la loi), ainsi qu'aux classes primaires ou sections préparatoires annexées aux écoles moyennes (article 14 de la loi); qu'à ce principe la loi apportait toutefois certains tempéraments: au degré primaire, les enfants dont la langue maternelle et usuelle n'était pas la langue régionale, avaient le droit de suivre un enseignement dans leur langue maternelle, cet enseignement étant cependant conçu de telle façon que les élèves pussent suivre avec fruit, dès la fin de la troisième année, l'enseignement donné dans la langue de la région; pour les écoles communales, la création de classes spécialement prévues à cet effet (classes dites de transmutation) dépendait de la commune, pour les écoles adoptées ou adoptables, de la direction de l'établissement (articles 2 et 4 de la loi); pour les classes primaires ou sections préparatoires annexées aux écoles moyenne, la création de semblables classes spéciales dépendait du ministre compétent (articles 15 et 17 de la loi); quant à l'enseignement moyen, l'article 9 de la loi disposait que, dans les athénées et écoles moyennes, les sections linguistiques spéciales existante à l'époque seraient maintenues sous certaines conditions;
Considérant que le régime linguistique de l'enseignement en Belgique, tel qu'il résultait de la loi du 14 juillet 1932 précitée, a été modifié par la loi du 30 juillet 1963 concernant la régime linguistique de l'enseignement, qu'à teneur de l'article 4 de cette loi, la langue de l'enseignement est exclusivement celle de la région dans les parties unilingues du pays, à l'exception de la partie unilingue allemande; qu'il en est résulté la suppression des classes de transmutation et des classes spéciales en région unilingue néerlandaise et en région unilingue française;
Considérant que les requérants, qui déclarent être d'expression française, se plaignent de la suppression, par l'effet de la loi du 30 juillet 1963, des classes en langue française dans la commune de Leeuw-Saint-Pierre, laquelle se trouve placée en région unilingue néerlandaise aux termes de l'article 3 de la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative; qu'ils se plaignent d'être placés, en fait, devant l'alternative consistant ou à envoyer leurs enfants suivre un enseignement en français dans l'arrondissement de Bruxelles-Capitale (avec les dangers d'accidents que comportent les trajets quotidiens) ou à devoir se résoudre à les faire instruire en néerlandais soit à Leeuw-Saint-Pierre, soit dans les communes voisines appartenant à la périphérie bruxelloise; qu'il convient de relever que les requérants n'ont pas allégué qu'ils auraient désiré envoyer leurs enfants dans les classes en langue française existant ou pouvant être créées dans les communes dites "à la facilité" de la périphérie bruxelloise en vertu de l'article 7, par. 1 et 3, de la loi du 2 août 1963, mais que l'accès auxdites classes leur aurait été refusé en application de prescriptions légales, de sorte que la Commission n'est pas appelée à se prononcer sur une situation de ce genre, qu'au surplus, les requérants semblent même prétendre que certains enfants dont les parents sont domiciliés à Leeuw-Saint-Pierre suivent en fait un enseignement en français dans la périphérie bruxelloise; qu'une minorité francophone importante, selon eux, parmi les habitants de Leeuw-Saint-Pierre, réclament uniquement la réouverture de classes en langue française dans la commune;
Considérant que, lors de l'examen des Requêtes No 1474/62 (Habitants d'Alsemberg et de Beersel), 1691/62 (Habitants d'Anvers et des environs), 1769/63 (Habitants de Gand et des environs) et 2126/64 (Habitants de Vilvorde), la Commission a déjà été appelée à se prononcer sur la question de savoir si le régime linguistique de l'enseignement prescrit, quant aux régions unilingues, par la loi du 30 juillet 1963, était conforme aux exigences de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et de son Protocole additionnel No 1 (P1)
Considérant, en particulier, que dans ses décisions du 26 juillet 1953 sur la recevabilité des Requêtes No 1474/62, 1691/62 et 1769/62 (Annuaire de la Convention européenne des Droits de l'Homme, vol. VI, pp. 332 et 444), décisions auxquelles elle se réfère ici, la Commission a rejeté pour défaut manifeste de fondement les griefs tirés des articles 9 et 10 (art. 9, 10) de la Convention et dirigés contre le régime linguistique de l'enseignement en Belgique; que le raisonnement adopté par la Commission dans les décisions rappelées ci-avant s'applique également en l'espèce; que la Commission ne discerne donc, en l'état, dans les faits exposés par les requérants aucune apparence de violation des articles 9 et 10 (art. 9, 10) de la Convention, de sorte qu'il y a lieu de rejeter la requête à cet égard, en vertu de l'article 27, par. 2 (art. 27-2), pour défaut manifeste de fondement;
Considérant, d'autre part, que les requérants soutiennent que le régime linguistique de l'enseignement applicable à la partie unilingue de la Belgique, et notamment à la commune de Leeuw-Saint-Pierre, est incompatible avec les articles 8 et 14 (art. 8, 14) de la Convention et avec l'article 2 du Protocole additionnel No 1 (P1-2); que ce même régime linguistique, tel qu'il a été institué par les lois du 30 juillet et du 2 août 1963, a fait l'objet d'un examen approfondi par la Commission dans son Rapport du 24 juin 1965 relatif aux Requêtes No 1474/62, 1677/62, 1691/62, 1769/63, 1994/63 et 2126/64 ("Affaires linguistiques"); que dans ledit rapport (par. 427 à 430), la majorité de la Commission a exprimé l'opinion que le régime général des régions unilingues n'était pas incompatible avec les trois dispositions précitées de la Convention et du Protocole additionnel No 1 (P1); que, dans son Arrêt du 23 juillet 1968 sur l'Affaire "relative à certains aspects du régime linguistique de l'enseignement en Belgique" (Fond), partie "En droit", chiffre II, par. 7, la Cour européenne des Droits de l'Homme a confirmé sur ce point l'opinion exprimée par la majorité de la Commission;
Considérant, il est vrai, que dans le Rapport précité, la majorité de la Commission a estimé incompatible avec l'article 2, première phrase, du Protocole additionnel No 1, combiné avec l'article 14 (art. 14, P1-2)) de la Convention, d'une part les dispositions des lois de 1963 qui ont pour effet le retrait des subventions pour l'établissement entier aux écoles provinciales, communales ou privées qui entretiendraient, à titre de classes non subsidiées et à côté de l'enseignement donné dans la langue prescrite par les lois linguistiques, un enseignement complet ou partiel en une autre langue (par. 431 du Rapport), d'autre par les dispositions des mêmes lois qui ont pour effet le refus de l'homologation des certificats d'études secondaires au seul motif que les études secondaires sanctionnées par ces certificats n'ont pas été faites conformément aux prescriptions linguistiques en matière d'enseignement (par. 442 à 451 du Rapport); que cependant, dans la présente requête, ni l'une ni l'autre de ces questions n'a été soulevée par les requérants; que, dans l'hypothèse d'un examen d'office, il y aurait alors lieu de rappeler que, dans son Arrêt du 23 juillet 1968 précité, la Cour européenne des Droits de l'Homme a jugé, contrairement à l'opinion exprimé par la Commission, que les dispositions légales susvisées n'étaient pas incompatibles avec les articles 2 du Protocole additionnel No 1 et 3 (P1-2, P1-3) de la Convention, combinés avec l'article 14 (art. 14) de la Convention (Partie "En droit", chiffre II, par. 13 et 42); que, dans la présente espèce, la Commission estime devoir se référer sur se point et en tant que de besoin, à l'avis de la Cour;
Considérant, pour terminer, que la Commission ne saurait désormais discerner, en l'état dans les faits allégués par les requérants aucune apparence de violation des articles 8 et 14 (art. 8, 14) de la Convention, ni de l'article 2 du Protocole additionnel No 1 (P1-2);
qu'il échet par conséquent de rejeter le restant de la requête, en vertu de l'article 27, par. 2 (art. 27-2), pour défaut manifeste de fondement;
Par ces motifs, DECLARE IRRECEVABLE LE RESTANT DE LA REQUETE.