EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
Le requérant, ressortissant allemand, est journaliste; il a habité de 1957 à 1966 à Berlin-Ouest et est actuellement domicilié à Düsseldorf. De race juive, il fut persécuté par le régime nazi et fut contraint à fermer son magasin d'antiquités en 1933; il émigra à l'étranger en 1939 et revint à Berlin en 1945.
En 1961, le requérant entreprit de faire reconnaître ses droits à réparation du préjudice subi du fait des persécutions nazies, sur la base de la Loi fédérale d'indemnisation des victimes du nazisme du 29 juin 1956 (Bundesentschädigungsgesetz).
Il fit valoir ses prétentions par la procédure administrative devant l'Office des Réparations (Entschädigungsamt) de Berlin. Sa demande fut rejetée le 15 juin 1961 comme tombant sous le coup du paragraphe 6 alinéa I No 2 BEG (Loi fédérale sur les Réparations). Cet article dénie le droit à réparation à tous ceux qui, par leurs activités, ont combattu l'ordre fondamental des libertés démocratiques (freiheitliche demokratische Grundordnung). Pour motiver son refus, l'Office des Réparations prenait en considération le fait que le requérant avait adhéré en 1945, lors de son retour à Berlin, au parti socialiste de l'unité (S.E.D.) et qu'habitant à Berlin-Est jusqu'en 1957, date à laquelle il s'est réfugié à Berlin-Ouest, il avait par ses opinions et activités, en sa qualité de directeur d'un service d'éditions, prêté son concours au régime totalitaire de la zone d'occupation soviétique.
Le requérant agit alors par voie judiciaire. Le Tribunal régional (Landgericht) de Berlin rejeta sa demande le 27 avril 1964 pour des motifs semblables à ceux de l'Office des Réparations et le 21 décembre 1964 à la Cour d'Appel (Kammergericht) de Berlin confirma cette décision. La Cour spécifiait que son arrêt ne serrait pas susceptible de recours en révision. Le requérant forma alors devant la Cour Fédérale de Justice (Bundesgerichtshof) un pourvoi tendant à faire admettre le principe de la révision ("Nichtzulassungsbeschwerde"). Ce pourvoi fut rejeté le 28 mai 1965 comme non fondé en droit.
Le requérant expose qu'à cette époque il était de jurisprudence constante que la Cour Constitutionnelle Fédérale ne pouvait apprécier la constitutionnalité des actes des autorités de Berlin-Ouest et qu'elle devait refuser de rendre une décision pouvant comporter une influence sur l'exercice des pouvoirs gouvernementaux berlinois.
Le requérant estimait que son affaire, étant une "affaire berlinoise", tombait sous cette réserve jurisprudentielle et qu'un recours constitutionnel n'aurait pas eu de chances d'aboutir.
En 1966, cependant, cette jurisprudence fut renversée:
Le 20 janvier 1966 la Cour Constitutionnelle Fédérale déclara recevable un recours formé dans une "affaire berlinoise" d'indemnisation d'une victime du nazisme [(B Verf. G.E 19,377 ff) affaire Niekisch (cf. aussi décision Niekisch contre RFA de la Commission, du 15 juillet 1966 - requête No 1470/62)].
Après avoir pris connaissance de cet arrêt, le requérant forma immédiatement un recours constitutionnel (Verfassungsbeschwerde) le 21 mars 1966. La Cour Constitutionnelle Fédérale rejeta ce recours le 5 octobre 1966 au motif que le délai de recours était échu (Article 93, Loi sur la Cour Constitutionnelle).
La Cour n'avait pas accordé la restitution in integrum (Wiedereinsetzung in den vorigen Stand).
Le requérant fait état de ce qu'il lui avait paru extrêmement déraisonnable de former un tel recours avant le revirement de jurisprudence du 20 janvier 1966 et il estime qu'il est abusif de considérer son recours comme tardif.
Le requérant se plaint de ne pas avoir eu un procès équitable et invoque l'article 6 alinéa 1 de la Convention.
Il estime que le rejet de son recours constitutionnel, ajouté aux autre difficultés de procédure l'empêchant de faire valoir ses droits, constitue en soi une violation des droits de l'homme.
D'autre part, le requérant soutient que la disposition du paragraphe 6 alinéa I No 2 BEG (Loi Fédérale sur les Réparations du 29 juin 1956) est incompatible avec la Convention des Droits de l'Homme et que l'interprétation de ces textes, ainsi que la qualification de son passé politique par l'Office des Réparations de Berlin et le Tribunal régional de Berlin, constituent une violation des Articles 8, 9, 10 et 14 de la Convention. Il fait remarquer que la position de la Cour Constitutionnelle Fédérale dans cette matière [cf. arrêt du 27 juin 1961, B Verf. G. 13,46] est bien plus libérale mais que, dans son cas, il n'a pu en bénéficier.
Le requérant demande qu'il soit enjoint à la République Fédérale d'Allemagne de mettre en accord avec la Convention les lois de fond et de procédure régissant sa situation, afin de lui permettre de faire valoir ses droits à indemnisation dans des conditions justes et équitables.
Par lettre du 23 janvier 1968, le représentant du requérant, Me von Bismarck (agissant en lieu et place de Me von Schlabrendorff, nommé juge à la Cour Constitutionnelle Fédérale) fait part à la Commission de l'intention de son client de retirer la requête.
Le requérant a, par sa lettre du 16 janvier 1968, donné des instructions en ce sens à son avocat en lui indiquant qu'il avait conclu une transaction (Vergleich) avec le Land Berlin fin décembre 1967.
Aux termes de cet arrangement, LEWY se voit accorder une allocation unique d'aliments de 32.000 DM au titre de l'indemnité compensatrice prévue à l'article 171 de la Loi Fédérale sur les Réparations et de la Loi Finale Additionnelle à cette loi, ainsi qu'aux droits résultant éventuellement de la Loi Prussienne d'Organisation Administrative (Preussisches Verwaltungsgesetz) de Berlin.
EN DROIT
Considérant que l'avocat du requérant a informé la Commission par lettre du 23 janvier 1968 que le Land de Berlin et le requérant avaient conclu une transaction mettant fin à leur litige et que son client entendait retirer sa requête devant la Commission européenne des Droits de l'Homme;
Considérant qu'aucun motif d'ordre général touchant au respect de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ne s'oppose en l'espèce à la demande de radiation formulée par le requérant;
Par ces motifs, DECIDE DE RAYER LA REQUETE DU ROLE.