En FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
Le requérant, ressortissant allemand né en 1910, se trouve actuellement détenu à Berlin. Il est représenté devant la Commission par un certain M. K.
X aurait été arrêté en 1947 sous l'inculpation d'avoir assassiné sa maîtresse (article 211 du Code pénal allemand), et aurait été condamné, par le Tribunal d'Echevins (Schwurgericht) de Berlin, le ... juin 1949, pour lésions corporelles suivies de mort (article 226 du Code pénal) à douze ans de réclusion. A la suite de l'appel interjeté à la fois par X et le Parquet, la Cour d'Appel (Kammergericht) de Berlin aurait renvoyé l'affaire, le .. janvier 1950, à la 1ère instance et, après une nouvelle audience, le requérant aurait été condamné,le .. juin 1950, à la réclusion perpétuelle. Un nouvel appel contre cette condamnation aurait été rejeté par la Cour d'Appel le .. décembre 1950; et la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht) se serait déclarée incompétente pour statuer sur un recours constitutionnel, introduit par le requérant, pour le motif que celui-ci attaquait des décisions rendues par les juridictions de Berlin, et non de la République Fédérale d'Allemagne.
Le Tribunal régional (Landgericht) de Berlin aurait rejeté, le .. février 1955, la première demande de révision (Wiederaufnahmeantrag) du requérant. X aurait interjeté appel contre cette décision, mais,le .. mai 1955, la Cour d'Appel de Berlin l'aurait rejeté. Quant à sa seconde demande de révision, le requérant aurait été débouté, respectivement le .. février 1958 par le Tribunal régional et le.. novembre 1958 par la Cour d'Appel. Bien que le Tribunal régional eût aussi rejeté, le .. janvier 1961, la troisième demande de révision formulée par X, celle-ci, après appel, aurait, par contre, été accueillie le .. mai 1961, par la Cour d'Appel.
Par conséquent, le .. février 1962, le Tribunal régional de Berlin aurait ordonné la réouverture de la procédure (Wiederaufnahme) de l'affaire X. Il semble qu'à cette fin, le Tribunal régional de Berlin ait décidé, le .. mars 1962, que X soit libéré du pénitencier de Tegel où il purgeait, à l'époque, sa peine, et soit placé dans l'Etablissement de détention préventive (Untersuchungshaftanstalt) de Moabit pour y attendre une nouvelle audience.
Le requérant aurait interjeté appel contre cette décision de le maintenir en détention préventive, mais il aurait été débouté, à ce sujet, par la Cour d'Appel le .. avril 1962. Une seconde plainte (Haftbeschwerde, Antrag auf Aufhebung des Haftbefehls), relative au même sujet, aurait été rejetée respectivement le .. juillet 1962 par le Tribunal régional et le .. septembre 1962 par la Cour d'Appel. La seule pièce justificative annexée au dossier est la photographie de la décision du .. mars 1963 par laquelle le Tribunal régional de Berlin a rejeté la troisième requête de X contre son maintien en détention préventive. Ledit Tribunal qui a indiqué qu'il statuerait de nouveau le .. juin 1963 (Haftprüfungstermin), a estimé qu'il existait un très grand danger de fuite (ausserordentlichhoher Fluchtverdacht) et a motivé, comme suit, le maintien de X en détention préventive: "L'allégation de la défense de l'accusé selon laquelle l'exécution continue de la détention préventive était illégale (unzulässig) parce qu'à cause de la situation politique malheureuse de l'Allemagne, la suite de la procédure pénale serait freinée (gehemmt) pour un temps indéterminé et, ainsi, la durée de la détention ne serait pas prévisible (unabsehbar), - cette allégation - n'est pas pertinente (trifft nicht zu). L'audition (kommissarische Vernehmung) des témoins vivant en zone d'occupation soviétique est actuellement en cours et sera terminée prochainement (in absehbarer Zeit)."
X qui proteste de son innocence se plaint en premier lieu de la durée de la détention préventive qu'il a dû subir après la décision du Tribunal régional en date du .. février 1962. Il estime que la préparation par les autorités judiciaires berlinoises de l'audience de révision a duré trop longtemps. A cet égard, il se considère comme une victime innocente de la situation politique, car le retard résultait surtout de la nécessité d'entendre, par l'intermédiaire des organes judiciaires de la zone d'occupation soviétique, certains témoins résidant dans cette zone. Dans ces circonstances, il aurait dû être libéré pendant la procédure.
Il allègue la violation de l'article 5 paragraphe 3 de la Convention.
Considérant que la Commission a décidé, le 7 mars 1964, de surseoir à statuer sur la recevabilité de la requête, en attendant les développements ultérieurs du procès à Berlin;
Considérant que, par la suite, le requérant a fourni certaines nouvelles informations en ce qui concerne la procédure devant les juridictions allemandes et qu'il a également présenté certains nouveaux griefs relatifs à cette procédure;
Considérant que ces nouveaux faits et griefs peuvent se résumer ainsi:
X a informé la Commission que les nouveaux débats ont eu lieu devant le Tribunal d'Echevins du .. au .. novembre 1963, date à laquelle il a été condamné pour assassinat conjointement avec vol.
Il s'est pourvu en cassation (Revision), mais son pourvoi a été rejeté le .. juin 1964 par la Cour Fédérale de Justice (Bundesgerichtshof).
Bien que la Cour constitutionnelle fédérale se soit déclarée incompétente pour statuer sur le recours constitutionnel contre l'arrêt du .. décembre 1950 (voir supra), X a introduit un nouveau recours constitutionnel contre l'arrêt du .. juin 1964. La Cour constitutionnelle a rejeté ce recours pour cause de tardiveté à une date qui ne ressort pas du dossier.
En ce qui concerne la procédure devant le Tribunal d'Echevins et la Cour Fédérale de Justice, X semble vouloir ajouter les griefs suivants:
a) Le Tribunal d'Echevins qui avait demandé l'audition de certains témoins par les organes judiciaires de la zone d'occupation soviétique n'aurait pas envoyé à ces organes les documents nécessaires à une audition équitable. Le résultat en aurait été que ces témoins avaient simplement maintenu leurs dépositions originales, tandis qu'on aurait dû leur poser des questions précises pour clarifier certains points importants.
b) En ce qui concerne l'existence ou non de poison dans la tasse de thé de la victime, la Cour Fédérale de Justice n'aurait pas basé ses conclusions sur une expertise toxicologique suffisante. En outre, sur ce point, la Cour aurait fait une nouvelle constatation de fait sans donner au requérant l'occasion de se prononcer et sans solliciter l'avis d'un expert. Ceci serait particulièrement grave, puisque le requérant, alors en détention préventive, n'aurait pas pu assister à l'audience devant la Cour. En outre, un des juges participant à la décision de la Cour se serait occupé de son affaire en tant que juge d'instruction et ne saurait donc être considéré comme étant impartial.
X en déduit qu'il n'a pas eu de procès équitable (rechtliches Gehör) devant le Tribunal d'Echevins et la Cour Fédérale de Justice et que le principe de l'égalité des armes n'a pas été respecté dans la procédure devant la Cour.
En ce qui concerne ces nouveaux griefs, le requérant a informé la Commission, par lettre du 1er février 1965, que son avocat ferait parvenir à la Commission copie des décisions litigieuses. Par la suite, le Secrétaire de la Commission lui a demandé, le 3 décembre 1965, de produire ces documents. Cependant, les textes des décisions en question ne sont pas parvenus à la Commission.
EN DROIT
I. Quant à la durée de la détention préventive
Considérant que l'article 5 paragraphe 3 (art. 5-3) de la Convention prévoit: "Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article (art. 5-1-c), ... a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure."
Considérant, d'autre part, que l'article 5 paragraphe 1 c) (art. 5-1-c) de la Convention contient les dispositions suivantes: "1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: ... c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci;"
Considérant que, dans le cas d'espèce, le requérant a été condamné en 1950 par un jugement coulé en force de chose jugée, que la procédure a été réouverte le .. février 1962 et que, peu après, X a été placé en détention préventive pendant cette dernière procédure; considérant, enfin, que X a été de nouveau condamné le .. novembre 1963 et que cette condamnation est devenue définitive le .. juin 1964, date à laquelle la Cour Fédérale de Justice a rejeté le pourvoi en cassation introduit par le requérant;
Considérant que la question de principe s'est posée de savoir si les garanties prévues par l'article 5 paragraphe 3 (art. 5-3) s'appliquent à celui qui, condamné par jugement coulé en force de chose jugée, a obtenu la révision de son procès et qui pendant la nouvelle procédure reste en détention;
Considérant, d'autre part, que la Commission ne s'estime pas appelée, dans la présente affaire, à examiner en détail cette question de principe, car même si l'article 5 paragraphe 3 (art. 5-3) était applicable, le délai raisonnable au sens de cette disposition ne serait pas dépassé en l'espèce; que la Commission relève, à ce sujet, que la question de savoir si le délai raisonnable avait été dépassé devrait être apprécié notamment en considération de la condamnation antérieure, ce qui mènerait à la conclusion que, dans les circonstances particulières de la présente affaire, le délai raisonnable n'avait pas été dépassé;
Considérant que, pour arriver à cette conclusion, la Commission n'a pas jugé nécessaire de déterminer où se situe la fin de la période à prendre en considération selon l'article 5 paragraphe 3 (art. 5-3), car même si la fin de cette période ne se situait qu'au .. juin 1964, date de l'arrêt définitif de la Cour Fédérale de Justice, la Commission ne saurait admettre que l'article 5 paragraphe 3 (art. 5-3) avait été violé dans la présente affaire;
Considérant que la requête est donc, à cet égard, manifestement mal fondée au sens de l'article 27 paragraphe 2 (art. 27-2) de la Convention.
II. Quant aux nouveaux griefs relatifs à la procédure de révision
Considérant que le requérant a indiqué qu'il avait introduit un recours constitutionnel contre l'arrêt de la Cour Fédérale de Justice daté du .. juin 1964 et que ce recours avait été rejeté pour cause de tardiveté;
Considérant néanmoins que la Commission ne saurait rejeter, dès maintenant, cette partie de la requête pour non-épuisement des voies de recours internes, car il s'agit en l'espèce d'une affaire berlinoise et la question de savoir si la Cour constitutionnelle aurait eu compétence pour en connaître mériterait un examen plus approfondi;
Considérant, d'autre part, que le requérant n'a pas fourni de précisions suffisantes à l'égard de ces griefs et qu'il y a lieu de relever, notamment, qu'il n'a pas produit le texte des décisions litigieuses, malgré la demande de la Commission et l'offre faite par X lui-même de produire ces décisions;
Considérant, par conséquent, qu'en l'état actuel du dossier, il n'y a pas de trace de violation de la Convention et que cette partie de la requête est donc également manifestement mal fondée au sens de l'article 27 paragraphe 2 (art. 27-2);
Par ces motifs, déclare la requête irrecevable.