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16/12/1964 | CEDH | N°1731/62

CEDH | X. contre l'AUTRICHE


EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
X., ressortissant autrichien, né en 1919, se trouvait détenu au pénitencier de Stein à l'époque de l'introduction de sa requête; il y purgeait une peine de sept ans et demi de réclusion rigoureuse (cf. la première requête de X, No 1098/61, déclarée irrecevable par la Commission du 19 décembre 1961 et reproduite au Recueil VIII, pages 50-56). Elargi à la fin de 1963, il réside actuellement à Linz. X est ingénieur-électricien.
Le ... 1962, le requérant a été frappé par la direction du péniten

cier d'une sanction disciplinaire de deux jours d'emprisonnement individuel(Einz...

EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
X., ressortissant autrichien, né en 1919, se trouvait détenu au pénitencier de Stein à l'époque de l'introduction de sa requête; il y purgeait une peine de sept ans et demi de réclusion rigoureuse (cf. la première requête de X, No 1098/61, déclarée irrecevable par la Commission du 19 décembre 1961 et reproduite au Recueil VIII, pages 50-56). Elargi à la fin de 1963, il réside actuellement à Linz. X est ingénieur-électricien.
Le ... 1962, le requérant a été frappé par la direction du pénitencier d'une sanction disciplinaire de deux jours d'emprisonnement individuel(Einzelhaft) avec un lit dur (hartes Lager) parce qu'on l'avait trouvé en possession de dessins et vers pornographiques. Pour ces raisons, on lui a retiré le .. juillet 1962 la permission d'étudier et d'écrire (Lern- und Schreiberlaubnis) en ce qui concerne ses études d'électronique et de construction de machines, ainsi que la permission de peindre et de dessiner (Mal- und Zeichenbewilligung). Comme le requérant a fait la grève de la faim, les autorités l'ont privé d'eau du .. au .. 1962.
Le requérant s'est plaint auprès du Hauskommissär, membre du Parquet de Krems, qui a cependant repoussé la demande le .. août 1962. X a interjeté alors un recours auprès du Ministère de la Justice qui y a fait droit le .. octobre 1962 dans ce sens que l'autorisation de peindre et de dessiner lui a été à nouveau accordée. Cet arrêté a été attaqué par le requérant auprès de la Cour administrative.
Il ressort du dossier que le requérant a fait une deuxième grève de la faim du ... au ... 1962, période pendant laquelle il a été également privé d'eau. Une plainte du requérant a été repoussée par le Hauskommissär le ... 1963. Ensuite, le Ministère de la Justice, par arrêté (Erlass) du ..mars 1963, a annulé les sanctions disciplinaires infligées au requérant, ainsi que la décision du .. août 1962 et l'arrêté du .. octobre 1962. Le Ministère a ainsi rétabli la situation telle qu'elle existait avant le mois de juillet 1962. En conséquence, la Cour administrative a considéré la situation litigieuse comme redressée (Klaglosstellung) et a rayé l'affaire du rôle le ... 1963.
Le ... 1962, par ailleurs, le Tribunal régional (Kreisgericht) de Krems a repoussé une demande de libération conditionnelle dont l'avait saisi le requérant. Trois demandes similaires avaient subi le même sort antérieurement (Kreisgericht, ... 1961, ... 1961 et ... 1962; Oberlandesgericht de Vienne, ... 1961 et ... 1962).
Le ... 1963, la Cour d'Appel (Oberlandesgericht) de Vienne, statuant à huis clos après consultation du Ministère public (in nichtöffentlicher Sitzung nach Anhörung der Oberstaatsanwaltschaft), a rejeté le recours de X contre la décision du Kreisgericht: la Cour d'Appel n'a pas cru pouvoir présumer que le requérant se conduirait bien durant le délai d'épreuve, vu son passé pénal et sa propension à la récidive; elle s'est ralliée en outre aux "considérations de prévention générale" (general präventive Bedenken) retenues par le Kreisgericht. La décision de l'Oberlandesgericht se fondait sur les articles 12 et suivants de la loi relative aux condamnations conditionnelles (bedingte Verurteilung), dans sa version de 1960.
Le ... 1963, le Ministère de la Justice a ordonné le transfert du requérant au pénitencier de Graz pour le motif que X avait troublé l'ordre et la discipline au pénitencier de Stein. Le ... 1963, le requérant a été provisoirement transféré au pénitencier de St. PÖlten non loin de Krems, où, d'une part, des enquêtes étaient en cours contre des fonctionnaires à la suite de plaintes pénales formées par le requérant et où, d'autre part, une procédure pénale était en instance contre le requérant. Les plaintes du requérant ont été classées par le Parquet.
En ... 1963, le Président du Tribunal de St. Pölten a rapporté que le requérant devenait de plus en plus arrogant (anmassend) de jour en jour et il craignait que des difficultés graves surgissent pendant la période de son absence en congé. Cette raison a amené le Ministère de la Justice à ordonner le transfert immédiat du requérant au pénitencier de Graz.
X accuse la direction des pénitenciers de Stein et de St. Pölten d'avoir intercepté des lettres.
Une lettre du ... 1962 adressée à Me Y a été retenue conformément à l'article 20 alinéa 7 du Règlement des pénitenciers pour hommes (Hausordnung für Männerstrafanstalten). Aux termes de cette disposition "des lettres dont le contenu est offensant ou autrement punissable, contraire aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à l'ordre ou à la sécurité, ou encore propre à faciliter des évasions, ne sont ni délivrées ni mises à la poste; elles seront rendues au prisonnier après son élargissement pourvu qu'il n'y ait pas d'objection justifiée". Le requérant a attaqué cette mesure. Le Hauskommissär a rejeté le ... 1962 la plainte du requérant.
De même, plusieurs autres lettres adressées à d'autres personnes, ont été interceptées pour les mêmes motifs. Les recours du requérant ont été rejetés les ... et ... 1963 respectivement.
Dans la lettre du .. août 1963 à la Commission, le requérant prétend que la direction du pénitencier de St. Pölten a intercepté une lettre adressée en avril 1963 à la Commission et dans laquelle il s'est plaint du Ministère de la Justice. Toutefois, cette lettre écrite le .. avril 1963 est bien arrivée au Secrétariat le .. avril 1963.
Il ressort du dossier qu'en ce qui concerne trois lettres - celles que le requérant avait écrites le ... 1962 à Me Y, le ... 1963 au député Z et le ... 1963 à sa mère - le Ministère de la Justice a, sur recours du requérant, abrogé les décisions des autorités pénitentiaires par lesquelles ces lettres avaient été retenues.
Considérant que le requérant allègue la violation des dispositions suivantes de la Convention: - article 3 en raison des sanctions disciplinaires qu'on lui a infligées en 1962 et par son transfert aux pénitenciers de St. Pölten et de Graz.
X prétend qu'à son arrivée au pénitencier de St. Pölten, il serait resté environ trois mois au secret (in strengster Absonderungshaft) et on ne lui aurait point accordé les autorisations qui lui avaient été retirées en 1962. Dans ses observations écrites sur la recevabilité de la requête, le Gouvernement défendeur a fait valoir que "le requérant lui-même a exprimé devant le directeur du pénitencier le désir de rester seul dans une cellule. Là, il était tout à fait en mesure de s'occuper des problèmes d'électronique avec l'aide de publications mises à sa disposition et portant sur cette matière".
D'autre part, le requérant allègue que l'avocat d'office, désigné par la Cour administrative, aurait été influencé par "la Justice", de n'aviser le requérant qu'après plusieurs mois qu'il fallait se prononcer dans les deux semaines sur l'arrêté du ministère de la Justice en date du .. mars 1963. Cette allégation est selon le Gouvernement défendeur "manifestement fausse et a été faite probablement pour faire impression".
En raison du transfèrement au pénitencier de Graz, la mère du requérant, âgée de 79 ans, malade et sans ressources, aurait été empêchée de lui rendre visite. Aux yeux du Gouvernement, "la responsabilité en incombe au requérant lui-même, à cause de sa conduite indisciplinée". - article 7 par le refus du Tribunal régional de Krems et la Cour d'Appel de Vienne d'accueillir la demande du requérant tendant à sa libération conditionnelle.
X, dont la condamnation remonte à 1956, estime que la Cour d'Appel aurait dû lui appliquer l'ancien texte (1949) de la loi relative aux condamnations conditionnelles, moins rigoureux que le nouveau, car les "general präventive Bedenken" n'y entraient pas en ligne de compte. D'après lui, tout condamné a droit au bénéfice d'une mesure de libération conditionnelle pour peu qu'il réponde aux exigences du législateur en la matière. Il en infère que la Cour a "aggravé" sa peine en donnant un effet rétroactif à la loi de 1960. - article 10 du fait que la direction des pénitenciers de Stein et de St. PÖlten ont intercepté certaines lettres du requérant. - article 13 ainsi que "d'autres articles éventuellement pertinents" (und eventuell noch andere da für zutreffende Artikel).
Considérant que X réclame la réparation du préjudice prétendument subi.
EN DROIT
Pour autant que le requérant se plaint du Tribunal régional de Krems et de la Cour d'Appel de Vienne d'avoir rejeté sa demande de libération conditionnelle.
Considérant tout d'abord, qu'aux termes de son article 1er (art. 1), la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales garantit uniquement "les droits et libertés définis (en son) Titre I"; que tout grief formulé par une personne physique; une organisation non gouvernementale ou un groupe de particuliers doit avoir trait, selon l'article 25 paragraphe 1 (art. 25-1), à une atteinte alléguée à ces droits et libertés, faute de quoi son examen échappe à la compétence ratione materiae de la Commission; que le droit au bénéfice d'une mesure de libération conditionnelle ne figure pas, en tant que tel, parmi lesdits droits et libertés, ainsi d'ailleurs que la Commission l'a constaté dans de nombreuses décisions antérieures (cf., par exemple, la décision du 16 janvier 1963 sur la recevabilité de la requête No 1599/62, Annuaire VI, pages 355 et 357);
Considérant ensuite, pour autant que le requérant s'en prendrait à la procédure suivie par la Cour d'Appel, au sujet de sa demande de libération conditionnelle, que cette procédure (indépendamment de ce qui précède: droit à la libération conditionnelle non garanti, compétence ratione materiae), dans laquelle le requérant avait la qualité de condamné et non d'"accusé", ne concernait ni "une accusation en matière pénale", dirigée contre le requérant, ni une contestation "sur ses droits et obligations de caractère civil", au sens de l'article 6 (art. 6) de la Convention; que la Commission estime devoir souligner, spécialement, que la libération conditionnelle ne s'analyse point en un "droit civil", mais bien en une mesure de faveur dont l'octroi relève des autorités nationales compétentes (cf. la décision sur la recevabilité de la requête No 369/58, Annuaire II, page 382; cf. aussi, mutatis mutandis, les décisions relatives aux requêtes No 1140/61, Recueil 8, pages 61 - 62, et No 1789/63, Recueil 11, page 28; cf. enfin la décision du 22 juillet 1963 sur la recevabilité de la requête No 1336/62); que l'article 6 (art. 6) de la Convention n'entre donc point en ligne de compte sur le point considéré;
Considérant enfin, à supposer que la Cour d'Appel ait appliqué rétroactivement la loi du 13 juillet 1960 sur la libération conditionnelle (au lieu de celle prétendument moins sévère de 1949), que ladite Cour n'a pas enfreint pour autant l'article 7 (art. 7) de la Convention, car cet article concerne la condamnation d'un accusé et non l'exécution d'une peine déjà prononcée (cf. les décisions des 22 et 24 juillet 1963 sur la recevabilité des requêtes No 1336/62, 1382/63 et 1603/62);
Considérant que la requête est donc, sous ces rapports, incompatible avec les dispositions de la Convention, au sens de l'article 27 paragraphe 2 (art. 27-2);
Pour autant que le requérant se plaint d'avoir été privé d'eau à deux reprises
Considérant que la Commission, aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention, "ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus"; que le requérant a omis de saisir la Cour constitutionnelle alors qu'il en avait la faculté; qu'il n'a par conséquent pas épuisé les voies de recours dont il disposait en droit autrichien; qu'au surplus, l'examen du dossier ne permet de discerner, en l'état, aucune circonstance particulière qui ait pu dispenser le requérant, selon les principes de droit international généralement reconnus en la matière, d'épuiser les voies de recours internes; qu'il appert, dès lors, que le requérant n'a pas valablement épuisé les voies de recours internes (article 27, paragraphe 3 (art. 27-3) de la Convention);
Quant au restant de la requête
Considérant que l'examen du dossier ne permet de dégager aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention, et notamment par les articles 3, 10 et 13 (art. 3, 10, 13);
Considérant d'abord, pour autant que le requérant se plaint de s'être vu retirer, en juillet 1962, certains privilèges dont il jouissait auparavant (autorisation de s'adonner à l'étude, à la rédaction d'ouvrages scientifiques ou techniques à la peinture et au dessin), que selon le Gouvernement défendeur la mesure litigieuse s'explique par le fait que l'on avait trouvé le requérant en possession de dessins et de poèmes pornographiques; que le requérant a fait valoir que les dessins et poèmes en question étaient réalisés par des codétenus à la demande de gardiens qui les vendaient - l'extérieur du pénitencier;
Que dans ses observations écrites le Gouvernement défendeur ne conteste pas, au moins expressément, l'exactitude de l'allégation du requérant; que la Commission estime cependant que le ministère de la Justice a annulé les sanctions en question et que, d'autre part, le requérant n'apporte point la preuve qu'il n'a pas bénéficié de la décision du ministère de la Justice en raison de son transfèrement à St. PÖlten et à Graz;
Qu'aux yeux de la Commission, du reste, "les limites apportées au droit visé par l'article 10 (art. 10) de la Convention découlent, pour un détenu, de la situation particulière où il se trouve", car, "le but même de l'exécution d'une peine privative de liberté implique une limitation de certains droits et libertés" (cf. la décision du 15 décembre 1965 sur la recevabilité de la requête No 1860/63, X c/République Fédérale d'Allemagne; Recueil 18, page 47); que la Commission n'éprouve, dès lors, aucun doute pour estimer qu'en l'occurrence les restrictions dont il s'agit ne dépassaient pas le cadre tracé par l'article 10, paragraphe 2 (art. 10-2) de la Convention;
Considérant enfin, quant aux restrictions que le requérant aurait subies dans sa correspondance avec sa famille, son avocat et un député, qu'il ressort du dossier qu'en ce qui concerne trois lettres - notamment celles que le requérant avait écrites le ... 1962 à Me Y, le ... 1963 au député Z et le ... 1963 à sa mère - le Ministre de la Justice a abrogé les décisions des autorités pénitentiaires par lesquelles ces lettres avaient été retenues; qu'en conséquence, la Commission n'aperçoit aucune apparence de violation de l'article 8 (art. 8) de la Convention;
Considérant qu'il y a lieu, par conséquent, de rejeter le restant de la requête pour défaut manifeste de fondement (article 27 paragraphe 2 (art. 27-2));
Par ces motifs, déclare la requête irrecevable.


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 1731/62
Date de la décision : 16/12/1964
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Décision analogue à celles rendues sur la recevabilité des requêtes no. 1474/62 et no. 1769/63, Recueil 11, pp. 55-57 et 65-67

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION


Parties
Demandeurs : X.
Défendeurs : l'AUTRICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1964-12-16;1731.62 ?

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