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18/12/1963 | CEDH | N°1488/62

CEDH | X. contre la BELGIQUE


EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
Le requérant, ressortissant belge né en ..., occupe un poste de chef-garde de la S.N.C.F.B. dans la région de A. Le ... 1954, X avait épousé Y qui lui donna en 1956 un fils, prénommé Z, et dont il adopta la fille V, issue d'un premier mariage dissous par le divorce. Le ... 1957, Y aurait quitté le domicile conjugal; elle ne l'aurait pas réintégré malgré deux sommations. Le ... 1957, elle aurait intenté une action en divorce contre le requérant. Au cours de la procédure, celui-ci aurait obtenu la reco

nnaissance de son droit de visite à l'égard de son fils, quoique selon...

EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
Le requérant, ressortissant belge né en ..., occupe un poste de chef-garde de la S.N.C.F.B. dans la région de A. Le ... 1954, X avait épousé Y qui lui donna en 1956 un fils, prénommé Z, et dont il adopta la fille V, issue d'un premier mariage dissous par le divorce. Le ... 1957, Y aurait quitté le domicile conjugal; elle ne l'aurait pas réintégré malgré deux sommations. Le ... 1957, elle aurait intenté une action en divorce contre le requérant. Au cours de la procédure, celui-ci aurait obtenu la reconnaissance de son droit de visite à l'égard de son fils, quoique selon des modalités exagérément restrictives. Las de la lenteur avec laquelle se déroulait l'instance, il aurait enlevé le petit Z le ... 1959, ce qui lui aurait valu d'être arrêté le ..., puis condamné, le ... 1960, à une peine "mitigée". De son côté, X aurait porté plainte contre sa femme pour vol et recel de biens communs, mais le Parquet aurait classé l'affaire sans suite (1959). Le ... 1960, le Tribunal de A a prononcé le divorce aux torts exclusifs du requérant pour cause d'injures graves (article 231 du Code civil); il a confié la garde des deux enfants à leur mère, tout en précisant que le droit de visite du père à l'égard de son fils s'exercerait "le premier et le troisième dimanches du mois, soit le matin de 9 h. 30 à 12 h. 30, soit l'après-midi de 14 h. à 17 h., suivant les possibilités du service du défendeur". Sur appel de X, la Cour de B a estimé que les injures graves retenues par le Tribunal de A, demeuraient établies; elle a donc confirmé, sur ce point, le jugement a quo. Elle a accueilli en revanche, dans une certaine mesure, une demande subsidiaire du requérant: elle a décidé que "l'appelant (recevrait) la visite de son enfant Z les premier et deuxième week-ends de chaque mois, du samedi à 12 h. au dimanche à 18 h., à charge pour lui d'aller chercher l'enfant chez sa mère et de l'y ramener", cette visite pouvant être "reportée au week-end suivant à condition que l'appelant en ait averti au moins quatre jours à l'avance". Daté du ... 1961, l'arrêt a été signifié au requérant le ... 1961. X aurait envisagé de se pourvoir en cassation mais ses avocats l'en auraient dissuadé, ce recours leur paraissant voué l'échec. En ... 1961, il a vainement sollicité l'intervention de la Ligue belge des Droits de l'Homme. Il a également réclamé, sans succès, la révision de son procès auprès du Ministère de la Justice (... 1961) et du Président du Tribunal de A (... 1961). Avant de saisir la Commission, il a consulté Me T, "avocat attaché à la Cour européenne des Droits de l'Homme" (... 1962), puis s'est rendu à Strasbourg où le Secrétariat lui a fourni les renseignements habituels (... 1962). Plus récemment (... 1962), le requérant aurait songé à revendiquer en justice l'octroi d'un droit de visite à l'égard de sa fille adoptive et d'un droit de visite plus large à l'égard de son fils; toutefois, son avocat aurait refusé d'agir en ce sens, pour le motif que trop peu de temps s'était écoulé depuis l'arrêt du ... 1961. X aurait protesté auprès du Président du Tribunal de A, qui lui aurait répondu qu'il n'avait pas qualité pour s'immiscer dans de telles "divergences de vues".
Considérant que les griefs du requérant peuvent se résumer ainsi:
Le requérant allègue la violation des articles 3, 6, 7 et 8 de la Convention ainsi que des articles 1 et 2 du premier Protocole additionnel.
Il s'en prend tout d'abord à sa condamnation pénale du ... 1960: il souligne que le divorce n'avait pas encore été prononcé à l'époque de l'"enlèvement" litigieux.
X s'élève, en second lieu, contre le jugement du ... 1960 et l'arrêt du ... 1961; le Tribunal et la Cour auraient statué à l'issue d'une procédure lente, superficielle et incomplète, et sur la base de témoignages douteux et sans valeur réelle.
Le requérant accuse enfin son ancienne femme de n'épargner aucun effort pour le séparer de leur fils, et reproche aux autorités belges de ne pas y mettre bon ordre. Alors qu'il a déjà beaucoup de mal, de par ses fonctions, à se libérer le week-end, recourrait à une série de prétextes pour l'empêcher d'user de son droit de visite; elle prétendrait fréquemment, par exemple, que l'enfant souffre de telle ou telle maladie; de même, elle retournerait à X les lettres qu'il adresse à Z et à V à l'occasion de leur anniversaire ou du Nouvel-An. En outre, elle aurait non seulement négligé de le consulter avant de faire subir une opération chirurgicale au jeune garçon, mais passé outre à son opposition catégorique. X ayant porté plainte à ce sujet le ... 1962, le Parquet lui aurait répliqué qu'il n'avait pas voix au chapitre. D'autres plaintes, relatives aux obstacles qu'il rencontrerait dans l'exercice de son droit de visite, n'auraient produit aucun résultat à l'exception d'un simple avertissement à Y au début de 1960 (pendant l'instance en divorce). Du reste, le fils du requérant serait élevé en réalité par sa grand-mère maternelle; l'école où il étudie ne correspondrait pas aux convictions religieuses et philosophiques de X.
Considérant que le requérant réclame: la révision de son procès en divorce, la suspension de la procédure de liquidation de la communauté, l'octroi de la garde de son fils et d'un droit de visite à l'égard de sa fille adoptive, sa réhabilitation, et la réparation du préjudice subi;
EN DROIT
Considérant tout d'abord, quant aux décisions judiciaires litigieuses, que la Commission, aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, "ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus et dans le délai de six mois, à partir de la date de la décision interne définitive";
Que le requérant n'établit pas qu'il ait attaqué la condamnation pénale prononcée contre lui le ... 1960, alors pourtant qu'il en avait la faculté;
Qu'il n'a pas non plus introduit de pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de B le ... 1961; qu'il soutient, il est vrai, que ses griefs visent la législation belge en matière de divorce, de sorte que nul recours ne s'offrirait à lui; que même s'il en était ainsi, cependant, rien n'eût empêché X de contester devant la Cour de Cassation la compatibilité de cette législation avec la Convention, puisque celle-ci forme partie intégrante du droit interne belge; que, plus généralement, il aurait pu et dû invoquer auprès de ladite Cour, comme il le fait devant la Commission, ceux des articles de la Convention et du premier Protocole additionnel (P1) qu'il estime avoir été violés à son détriment le ... 1961;
Qu'à supposer du reste, quod non, que les décisions litigieuses puissent passer pour "définitives" au sens de l'article 26 in fine (art. 26) de la Convention, la Commission relève qu'elles remontent toutes deux à des dates antérieures de plus de six mois à l'introduction de la requête (... 1962);
Que la Commission n'aperçoit, au surplus, en l'état actuel du dossier, aucune circonstance particulière qui ait pu soit dispenser le requérant d'exercer le ou les recours susmentionnés, soit interrompre ou suspendre le délai de six mois; que le requérant allègue en vain, à ce propos, que ses avocats l'ont convaincu de l'inutilité d'un pourvoi en cassation, qu'il ignorait l'existence du délai prévu à l'article 26 (art. 26) et que les démarches qu'il a multipliées en Belgique après le ... 1961, excusent ou justifient son retard involontaire; que ces divers éléments ne sont point de nature à écarter ou modifier, en l'espèce, le jeu des deux règles de l'article 26 (art. 26); que la Commission se réfère, à cet égard, à sa jurisprudence constante (cf., par exemple, les décisions sur la recevabilité des requêtes n° 289/57, Annuaire I page 149, n° 512/59, Recueil I, dernière page, n° 1053/61, Recueil VIII, pages 7-8, n° 1159/61, Recueil VIII, page 129, n° 1203/61 et n° 1360/62);
Qu'il y a donc lieu de rejeter la requête, sur les deux points dont il s'agit, pour non-épuisement des voies de recours internes ou, à tout le moins, pour cause de tardiveté (article 27 paragraphe 3 (art. 27-3) de la Convention);
Considérant d'autre part, pour autant que X se plaint de son ancienne épouse, que la Commission, selon l'article 19 (art. 19) de la Convention, a pour seule tâche d'assurer le respect des engagements résultant de celle-ci pour les Hautes Parties Contractantes, c'est-à-dire pour les Etats membres du Conseil de l'Europe qui ont signé la Convention et déposé leur instrument de ratification; que l'article 25 paragraphe 1 (art. 25-1) stipule, de son côté, que la Commission ne peut être valablement saisie par une personne physique, une organisation non gouvernementale ou un groupe de particuliers que si le requérant se prétend victime d'une violation, par l'un des Etats contractants, des droits reconnus dans la Convention et que cet Etat ait accepté la compétence de la Commission en la matière; qu'il ressort clairement de ces prescriptions que la Commission n'a pas compétence, ratione personae, pour connaître des violations de la Convention imputées aux simples particuliers; qu'au demeurant, l'examen du dossier ne permet pas en l'état de déterminer, même d'office, en quoi les agissements reprochés à Y auraient pu, exceptionnellement, entraîner la responsabilité internationale de la Belgique sur le terrain de la Convention; que la requête est donc, sous ce rapport, incompatible avec les dispositions de la Convention (article 27 paragraphe 2 (art. 27-2));
Considérant, par ailleurs, pour autant que le requérant revendique le droit à l'ouverture de poursuite contre son ex-femme et le droit à la garde de son fils, que la Convention garantit uniquement "les droits et libertés définis (en son) Titre I" (article 1er (art. 1)); que tout grief formulé par une personne physique, une organisation non gouvernementale ou un groupe de particuliers doit avoir trait, selon l'article 25 paragraphe 1 (art. 25-1), à une atteinte alléguée à ces droits et libertés, faute de quoi la Commission n'a pas compétence, ratione materiae, pour en connaître;
Que le droit à l'ouverture de poursuites pénales contre un tiers ne figure pas, en tant que tel, parmi lesdits droits et libertés, ainsi du reste que la Commission l'a constaté à maintes reprises (cf. entre autres, les décisions sur la recevabilité des requêtes n° 1204/61 et n° 1599/62);
Que la Convention, y compris l'article 8 (art. 8), ne consacre pas non plus le droit à ce qu'un parent déterminé, par exemple le père, se voie confier la garde de ses enfants en cas de divorce de préférence à son ex-conjoint (cf. les décisions sur la recevabilité des requêtes n° 172/56, Annuaire I pages 216 - 217, et n° 785/60);
Qu'à cet égard, par conséquent, la requête se révèle incompatible avec les dispositions de la Convention (article 27 paragraphe 2 (art. 27-2));
Considérant enfin, quant au surplus, c'est-à-dire pour autant que X reproche aux autorités belges de ne pas avoir veillé au respect de son droit de visite, qu'il s'agit là d'un droit qui, lui, est garanti en principe par l'article 8 (art. 8) de la Convention, (cf. les décisions sur la recevabilité des requêtes n° 172/56 et n° 785/60);
Que la Commission relève, néanmoins, que l'épuisement des voies de recours internes ne se trouve pas non plus réalisé sur le point en question; qu'en effet, le requérant aurait pu assortir d'une constitution de partie civile, la plainte qu'il a déposée contre son ancienne femme ce qui eût provoqué l'ouverture d'une instruction pénale; qu'il lui était ou est également loisible, semble-t-il, d'assigner Y au pénal par voie de "citation directe"; qu'en outre et surtout, il avait et paraît encore avoir la faculté d'intenter contre elle une action civile qui lui eût permis ou lui permettrait d'invoquer son droit de visite devant les tribunaux et d'obtenir, le cas échéant, un jugement dont la force publique eût assuré ou assurerait l'exécution en tant que de besoin;
Que la Commission ne discerne aucune circonstance particulière qui puisse ou ait pu dispenser Y, selon les principes de droit international généralement reconnus, d'utiliser les divers recours susmentionnés ou, à tout le moins, le dernier d'entre eux;
Qu'il échet, dès lors, de rejeter le restant de la requête par application de l'article 27 paragraphe 3 (art. 27-3);
Par ces motifs, déclare la requête IRRECEVABLE.


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 1488/62
Date de la décision : 18/12/1963
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Questions de procédure rejetées ; Non-violation de l'Art. 7

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION


Parties
Demandeurs : X.
Défendeurs : la BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1963-12-18;1488.62 ?

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