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23/07/2025 | CJUE | N°T-84/22

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, UBS Group AG, venant aux droits de Credit Suisse Group AG e.a. contre Commission européenne., 23/07/2025, T-84/22


 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

23 juillet 2025 ( *1 )

« Concurrence – Ententes – Secteur des opérations de change (Forex) au comptant portant sur les devises G10 – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Échanges d’informations – Accords ou pratiques concertées portant sur les activités d’échanges de devises G10 – Restriction de concurrence par objet – Infraction unique et continue – Principe de bonne administration – Droits de la défense – Amendes – Mont

ant de base – Valeur de remplacement de la
valeur des ventes – Article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 1/...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

23 juillet 2025 ( *1 )

« Concurrence – Ententes – Secteur des opérations de change (Forex) au comptant portant sur les devises G10 – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Échanges d’informations – Accords ou pratiques concertées portant sur les activités d’échanges de devises G10 – Restriction de concurrence par objet – Infraction unique et continue – Principe de bonne administration – Droits de la défense – Amendes – Montant de base – Valeur de remplacement de la
valeur des ventes – Article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 1/2003 – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑84/22,

UBS Group AG, venant aux droits de Credit Suisse Group AG, établie à Zurich (Suisse),

UBS AG, venant aux droits de Credit Suisse AG, établie à Zurich,

Credit Suisse Securities (Europe) Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

représentées par Mes R. Wesseling et F. Brouwer, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes A. Boitos, C. Zois et M. T. Franchoo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. E. Buttigieg (rapporteur) et Mme B. Ricziová, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 mars 2024,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, UBS Group AG, venant aux droits de Credit Suisse Group AG, UBS AG (ci-après « UBS »), venant aux droits de Credit Suisse AG, et Credit Suisse Securities (Europe) Ltd, demandent, d’une part, l’annulation de la décision C(2021) 8612 final de la Commission, du 2 décembre 2021, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE [affaire AT.40135 – FOREX (Sterling Lads)] (ci-après la « décision
attaquée ») et, d’autre part, la réduction du montant de l’amende qui, dans cette décision, a été infligée solidairement à Credit Suisse Group, Credit Suisse et Credit Suisse Securities (Europe) (ci-après, prises ensemble, « Credit Suisse »).

I. Antécédents du litige

A. Sur la procédure ayant donné lieu à la décision attaquée

2 La procédure a été ouverte à la suite d’une demande d’octroi d’un marqueur au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération »), introduite le 27 septembre 2013 par UBS. Dans cette demande, UBS a informé la Commission européenne de l’existence d’une infraction présumée dans le secteur des opérations de change au comptant portant sur
les devises G10.

3 À la suite de cette demande, UBS a effectué des déclarations orales et a produit des preuves documentaires. Le 2 juillet 2014, la Commission a octroyé une immunité conditionnelle d’amende à UBS conformément au point 8, sous a), de la communication sur la coopération.

4 Le 11 octobre 2013, le 14 octobre 2013 et le 17 juillet 2015, Barclays plc, Barclays Execution Services Limited et Barclays Bank PLC (ci-après, prises ensemble, « Barclays »), HSBC Holdings plc et HSBC Bank plc (ci-après, prises ensemble, « HSBC ») et NatWest Group plc et NatWest Markets Plc (ci-après, prises ensemble, « RBS ») ont respectivement présenté des demandes de réduction des amendes au titre de la communication sur la coopération. À la suite de ces demandes, elles ont effectué des
déclarations orales et ont produit des preuves documentaires.

5 Les 25 juillet 2014, 1er mars et 29 avril 2016, la Commission a adressé à Credit Suisse et à toutes les entreprises mentionnées aux points 3 et 4 ci-dessus des demandes de renseignements.

6 Le 27 octobre 2016, en application de l’article 11, paragraphe 6, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), la Commission a ouvert une procédure d’infraction à l’encontre de Credit Suisse et de toutes les entreprises mentionnées aux points 3 et 4 ci-dessus en les invitant à manifester leur intérêt à participer à une procédure de transaction en application de
l’article 10 bis de son règlement (CE) no 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), tel que modifié.

7 Credit Suisse et toutes les entreprises mentionnées aux points 3 et 4 ci-dessus ont décidé de participer à une procédure de transaction et à des réunions avec la Commission en date des 9 novembre 2016 et 7 février 2018. Le 19 février 2018, Credit Suisse a informé la Commission qu’elle mettait un terme à sa participation à ladite procédure. La Commission est donc revenue à la procédure ordinaire à l’égard de cette dernière en application du point 19 de sa communication relative aux procédures de
transaction engagées en vue de l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement no 1/2003 dans les affaires d’entente (JO 2008, C 167, p. 1).

8 Le 24 juillet 2018, la Commission a adressé à Credit Suisse une communication des griefs dans la procédure ordinaire. Après avoir obtenu l’accès au dossier, Credit Suisse a présenté ses observations écrites en réponse à la communication des griefs et s’est exprimée lors de l’audition qui s’est déroulée le 7 décembre 2018.

9 Le 18 mars 2021, la Commission a adressé à Credit Suisse une communication des griefs supplémentaire.

10 Après avoir eu accès au dossier, Credit Suisse a présenté dans les délais impartis ses observations écrites en réponse à la communication des griefs supplémentaire. La seconde audition a eu lieu le 8 juin 2021.

11 Le 25 juin 2021, Credit Suisse a répondu à la demande de renseignements présentée lors de la seconde audition.

12 Le 2 décembre 2021, la Commission a adopté la décision attaquée, laquelle était adressée uniquement à Credit Suisse.

13 Le même jour, la Commission a adopté la décision C(2021) 8613 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE [affaire AT.40135 – FOREX (Sterling Lads)] (ci-après la « décision de transaction »), dont les destinataires étaient les parties qui avaient accepté de participer à la procédure de transaction et avaient présenté une proposition de transaction, à savoir Barclays, HSBC, RBS et UBS.

B. Décision attaquée

1.   Produits en cause et secteur concerné

14 Les comportements visés par la décision attaquée concernent le secteur des opérations de change au comptant portant sur les devises G10, à savoir l’euro (EUR), le dollar australien (AUD), le dollar canadien (CAD), le franc suisse (CHF), la couronne danoise (DKK), la livre sterling (GBP), le yen (JPY), la couronne norvégienne (NOK), le dollar néo-zélandais (NZD), la couronne suédoise (SEK) et le dollar des États-Unis (USD).

15 L’activité de négociation pour le type d’opérations mentionné au point 14 ci-dessus a été définie dans la décision attaquée comme un accord entre deux parties d’échanger deux devises, à savoir d’acheter un certain montant (le « montant notionnel ») d’une devise contre son équivalent dans une autre devise à la valeur au moment de l’accord (« taux de change »). Le taux de change d’une devise est coté par rapport au montant d’une autre devise contre laquelle elle peut être échangée. Ainsi, les
devises se négocient toujours par paires et ont donc chacune une valeur relative. Les taux de change varient en fonction de l’information quant à leur valeur fondamentale. À court terme, ils sont principalement déterminés par les flux d’ordres des traders tandis que les fondamentaux du marché déterminent les taux de change à plus long terme.

16 L’activité de commerce électronique (au sens des transactions qui sont automatiquement réservées ou exécutées soit par les plateformes de négociation électroniques pour le compte propre de la banque concernée, soit par des algorithmes informatiques) étant exclue du champ d’analyse, en l’espèce, seule l’activité du « trading vocal » est concernée par la décision attaquée.

17 Les opérations de change au comptant sont conclues sur le marché de gré à gré, de sorte qu’elles restent décentralisées avec un niveau élevé de liquidité et des échanges constants. Ces opérations sont généralement déclenchées lorsqu’un établissement financier est contacté par un client final, à savoir, notamment, des établissements financiers, considérés comme des clients informés dès lors que, compte tenu de l’ampleur de leurs opérations, ils sont fortement incités à acquérir des informations
susceptibles d’influencer l’évolution des taux de change. Ces établissements financiers établissent des bureaux de vente spécifiques pouvant servir d’interface entre les clients finaux et les traders employés par les courtiers pour négocier des devises. Les clients finaux peuvent aussi contacter directement les traders.

18 Les banques, dont les traders étaient impliqués dans les échanges concernés en l’espèce, agissent en tant que teneurs de marché sur le marché des changes au comptant et se tiennent prêtes à conclure des transactions avec leurs clients à tout moment pour assurer la liquidité du marché.

19 Les types d’opérations déclenchées par les clients concernent notamment :

– les ordres immédiats (permettant d’entrer immédiatement dans le commerce pour un certain montant de devise sur la base du taux en vigueur du marché dont le règlement a généralement lieu dans les deux jours qui suivent la conclusion de la transaction) ;

– les ordres conditionnels (dont le règlement n’intervient que si certaines conditions de marché sont remplies, par exemple si la valeur d’une devise atteint un certain niveau) ;

– les ordres à exécuter au « fixing » qui, en l’espèce, ne concernaient que les taux de référence WM/Reuters Closing Spot Rates et les taux de référence de la Banque centrale européenne (BCE) (dont le règlement intervient à un certain taux de référence).

20 Les traders proposent généralement des prix bidirectionnels (un prix d’achat ou prix acheteur, et un prix de vente ou prix vendeur), en fonction de l’ampleur de l’opération et des devises négociées. Les recettes générées par les opérations de change dépendent de l’importance du volume de devises échangées ainsi que de la différence entre le prix acheteur et le prix vendeur d’une même devise (ci-après l’« écart de cotation »). L’écart de cotation est la compensation que reçoit le trader pour
l’immédiateté du service fourni ainsi que pour le risque qu’il supporte par la suite en ayant un montant notionnel d’une devise donnée dans son portefeuille.

21 En effet, après une opération d’achat d’une devise contre une autre, un trader se retrouve dans une « position longue », en ce sens qu’il détient un montant notionnel positif d’une devise dans son portefeuille, jusqu’à ce qu’il « clôture » cette position, c’est-à-dire qu’il revende cette devise. Après une opération de vente d’une devise contre une autre, le trader se retrouve dans une « position courte », en ce sens qu’il détient un montant notionnel négatif d’une devise dans son portefeuille,
jusqu’à ce qu’il « clôture » cette position, c’est-à-dire achète cette devise. Ainsi, une« position de risque » reste ouverte jusqu’à ce qu’un échange opposé ait lieu. Or, ces positions, du fait des fluctuations rapides des taux de change sur le marché, présentent des risques pour les traders, de sorte que, sur ce marché, les traders se confrontent sur la gestion experte des risques liée à ces positions.

22 Les traders déterminent leur stratégie et, notamment, la fixation des écarts de cotation, voire des prix, en fonction, notamment, de leur portefeuille et des informations dont ils disposent. D’une part, il résulte des éléments du dossier que les teneurs de marché doivent adapter activement les prix par rapport aux portefeuilles en modifiant les prix et non simplement les écarts de cotation, dans l’objectif de réaliser un chiffre d’affaires rapide du portefeuille et de ne pas accumuler des
positions significatives sur un aspect du marché. D’autre part, l’accès aux informations sur le marché a une importance sur la prise de décision des traders. En effet, le mouvement des taux de change est influencé, à long terme, par les variables macroéconomiques et, à court terme, par les flux d’ordres des clients ou, autrement dit, par des variables microéconomiques. En ce qui concerne ces dernières variables, les parties s’accordent également sur le fait que les ordres provenant des clients
informés, à savoir d’autres institutions financières, indiquent aux traders la direction dans laquelle le marché est susceptible d’évoluer en incitant ainsi les traders en possession de cette information à négocier dans le même sens que le client informé. Les informations relatives aux flux d’ordres des clients sont, en principe, confidentielles.

23 Par ailleurs, les traders peuvent également être disposés à créer, conserver ou augmenter leurs positions (de risque ouvertes) dans leur portefeuille de négociation pour le compte propre. La négociation pour compte propre se produit lorsque les traders s’engagent principalement dans des activités de négociation sur l’argent propre des banques plutôt que pour le compte de leurs clients, et cherchent à exploiter un avantage concurrentiel sur le marché en construisant des positions de risque
ouvertes qui leur permettraient d’obtenir des rendements excédentaires.

24 Enfin, lorsque les traders ne reçoivent pas d’ordres entrants des clients finaux dans le cadre de leur capacité de teneurs de marché, ils négocient généralement entre eux sur le marché dit « interdealer », à savoir une structure du marché des changes au comptant réservée exclusivement aux établissements financiers (« dealers »), aux fins d’ajuster leurs propres positions de portefeuille ou de prendre une position aux fins de leurs activités de trading pour compte propre. Dans ce cas, les traders
sont les contreparties les uns des autres. Ils peuvent communiquer directement (bilatéralement) généralement via un système électronique. Les prix sont indiqués sur la base d’une offre finale laissant une option entre une simple acceptation ou un refus de l’offre. Ils peuvent également communiquer par un système de courtiers qui annoncent les meilleurs écarts de cotation sur des écrans et rendent l’information disponible sur leurs plateformes.

2.   Comportements reprochés à Credit Suisse

25 Dans la décision attaquée, la Commission a fait état de trois comportements qui ont eu lieu sur un forum de discussion privé et multilatéral sur Internet, à savoir Sterling Lads (ci-après le « forum de discussion en cause »), entre cinq entreprises actives dans le secteur bancaire et financier, à savoir Barclays, Credit Suisse, HSBC, RBS et UBS. Ces comportements concernaient, selon les termes employés dans la décision attaquée, premièrement, un accord sous-jacent, deuxièmement, des échanges
d’informations et, troisièmement, des cas occasionnels de coordination. Selon la décision attaquée, les discussions sur ce forum afférentes à ces comportements ont eu lieu du 25 mai 2011 au 12 juillet 2012 et Credit Suisse a participé aux discussions sur ledit forum du 7 février au 12 juillet 2012 (ci-après la « période pertinente »).

26 En premier lieu, s’agissant de l’accord sous-jacent, la Commission a considéré que la participation au forum de discussion en cause impliquait de se comporter dans un cercle de confiance, d’attentes et d’avantages mutuels et donc de respecter une série de règles tacites pouvant être résumées, en substance, comme suit : i) les traders se réunissaient sur le forum de discussion en cause pour échanger des informations tout au long de la journée ; ii) les informations échangées sur ledit forum
n’étaient pas divulguées par les destinataires à d’autres traders concurrents ; iii) les informations échangées pouvaient être utilisées au profit des traders participants, et iv) ces informations ne devaient pas être utilisées à l’encontre des personnes qui les avaient partagées. Elle a estimé que ce comportement constituait un accord, qu’elle a qualifié de « restriction par objet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE au motif, en substance, que ce dernier impliquait des attentes
rationnelles ex ante visant à supprimer les incertitudes inhérentes au marché en cause pour l’avantage commun des traders et présentait, dès lors, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence.

27 En deuxième lieu, en ce qui concerne les échanges d’informations, la Commission a fait état de nombreux contacts entre les traders des banques concernées. Selon la Commission, ces contacts impliquaient, de manière récurrente et extensive, des échanges d’informations commercialement sensibles, actuelles ou prospectives concernant leurs activités de négociation qui permettaient aux banques concernées d’être informées, lors de leur prise de décisions sur le marché, des positions, des intentions et
des contraintes de leurs concurrents, ce qui les aidait dans leurs décisions ultérieures.

28 Dans ce contexte, la Commission a considéré que l’objectif général des échanges d’informations était d’influer sur deux paramètres essentiels de la concurrence dans le domaine des activités de négociation au comptant sur le marché en cause, à savoir le prix et la gestion experte des risques, en supprimant ainsi les incertitudes inhérentes audit marché. Or, ce faisant, les traders participants auraient sciemment substitué une coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence autonome
sur ces paramètres, au détriment des autres acteurs du marché, présentant ainsi un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence. Dès lors, elle a qualifié ces échanges d’informations d’accords et/ou de pratiques concertées restrictifs de la concurrence « par objet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

29 En troisième lieu, s’agissant des cas occasionnels de coordination, la Commission a estimé que les échanges d’informations commercialement sensibles ont permis aux traders participants au forum de discussion en cause d’identifier des situations dans lesquelles ils risquaient d’interférer avec les intérêts des autres, facilitant ainsi la possibilité pour eux de coordonner occasionnellement leurs actions sous une forme de « standing down ». Ce comportement aurait réduit le risque que les traders
n’obtiennent pas le résultat souhaité et évitent de négocier simultanément dans des directions opposées. Elle a estimé que ce même comportement constituait un accord et/ou une pratique concertée, qu’elle a qualifié de « restriction par objet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE au motif, en substance, que ce dernier permettait de réduire les incertitudes normales inhérentes au marché en cause, en ce que les entreprises impliquées dans les faits pouvaient repérer des situations où l’une
de celles-ci pouvait tirer un profit lorsque les autres se retenaient de négocier aux fins de ne pas interférer avec sa stratégie de trading et, dès lors, présentait un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence.

30 En quatrième lieu, la Commission a également retenu que les trois restrictions de concurrence susmentionnées relevaient ensemble d’une infraction unique et continue au motif qu’elles poursuivaient un objectif commun consistant à atténuer les incertitudes normales inhérentes au marché des opérations de change au comptant afin de réduire le risque et de conforter les entreprises participant au forum de discussion en cause (ci-après les « entreprises participantes ») dans leurs décisions de fixation
des prix et de gestion des risques, et ce afin de ne pas se concurrencer de manière autonome. Elle a estimé que les différents comportements précités relevaient d’un « plan global » dès lors qu’ils étaient mis en œuvre selon le même modus operandi via le forum de discussion en cause, impliquant la continuité de ses participants.

31 D’une part, la Commission a considéré que Credit Suisse avait fait preuve d’une intention de contribuer à l’objectif commun poursuivi consistant à restreindre la concurrence sur le marché des opérations de change au comptant portant sur les devises G10. D’autre part, elle a considéré que Credit Suisse avait eu connaissance de l’accord sous-jacent et des échanges d’informations, à l’exception des cas occasionnels de coordination qui ont eu lieu avant la période pertinente. La Commission a ensuite
conclu que Credit Suisse était responsable des échanges d’informations faisant partie de l’infraction unique et continue mais a écarté sa responsabilité, d’une part, pour l’accord sous-jacent et, d’autre part, pour les cas occasionnels de coordination.

32 Ainsi, la Commission a conclu à l’article 1er de la décision attaquée que Credit Suisse avait enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE en prenant part, pendant la période pertinente, à des échanges d’informations « actuelles ou prospectives et commercialement sensibles constituant des accords et/ou des pratiques concertées (s’inscrivant dans le cadre d’une infraction unique et continue) ayant pour objet de restreindre et/ou de fausser le jeu de la concurrence dans le secteur des opérations de
change au comptant portant sur les devises G10 qui s’étendait sur l’ensemble de l’EEE ».

3.   Amende

33 La Commission a indiqué avoir déterminé le montant de l’amende infligée à Credit Suisse conformément aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes »).

a)   Montant de base de l’amende

34 En ce qui concerne la détermination du montant de base de l’amende, compte tenu des particularités du secteur des changes au comptant et, en particulier, du fait que les activités de change au comptant des devises G10 ne génèrent pas de ventes au sens habituel du terme, la Commission a calculé la valeur des ventes des entreprises ayant participé à l’infraction en cause par le biais d’une « valeur de remplacement de la valeur des ventes » (ci-après la « valeur de remplacement »).

35 Ensuite, la Commission a pris en compte un facteur de gravité de 16 % dans la mesure où l’infraction comptait par sa nature même parmi les restrictions les plus graves et la durée de cette même infraction via un coefficient multiplicateur de 0,42 année.

36 Enfin, après avoir ajouté un montant additionnel de 16 % de la valeur des ventes, à des fins de dissuasion de participation à de telles pratiques, indépendamment de la durée de l’infraction, la Commission a fixé le montant de base de l’amende à 86765000 euros.

b)   Montant final de l’amende

37 En ce qui concerne la fixation du montant final de l’amende, la Commission a retenu que Credit Suisse était tenue pour responsable des seuls échanges d’informations faisant partie de l’infraction unique et continue et a déduit 4 % du total du montant de base de l’amende au titre des circonstances atténuantes pour l’absence de sa responsabilité, d’une part, pour l’accord sous-jacent et, d’autre part, pour les cas occasionnels de coordination, à raison de 2 % pour chacune de ces circonstances.

38 Ainsi, elle a infligé à Credit Suisse, à l’article 2, sous a), de la décision attaquée, une amende de 83294000 euros.

II. Conclusions des parties

39 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– à titre subsidiaire, annuler partiellement l’article 1er de la décision attaquée et réduire l’amende infligée à l’article 2 ;

– en tout état de cause, réduire le montant de l’amende infligée à l’article 2 de la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens ou, à titre subsidiaire, à une partie appropriée de leurs dépens.

40 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours dans son intégralité ;

– condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

41 À l’appui de leur recours, les requérantes soulèvent cinq moyens. Les trois premiers moyens, tirés de la violation de l’article 101 TFUE ainsi que de la violation de l’obligation de motivation, et le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense, visent, en substance, à contester la constatation de la Commission figurant à l’article 1er de la décision attaquée selon laquelle Credit Suisse a violé l’article 101 TFUE. Le quatrième moyen, tiré
de la violation de l’article 23 du règlement no 1/2003, des lignes directrices pour le calcul des amendes, des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation, vise à contester l’amende infligée par la Commission à Credit Suisse à l’article 2 de la décision attaquée.

A. Sur l’article 1er de la décision attaquée

1.   Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 101 TFUE et de l’insuffisance de motivation quant à la qualification des échanges d’informations en ligne d’accords et/ou de pratiques concertées anticoncurrentiels

42 Par leur premier moyen, les requérantes font valoir, en substance, que les échanges d’informations qui se sont déroulés entre les traders sur le forum de discussion en cause ne constituent pas des accords et/ou des pratiques concertées anticoncurrentiels, et ce qu’ils soient considérés isolément ou conjointement avec l’accord sous-jacent. Ce premier moyen est articulé en deux branches.

43 Dans le cadre de la première branche de leur premier moyen, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas prouvé l’existence d’un accord sous-jacent et que par conséquent les échanges d’informations en ligne constituent un accord anticoncurrentiel et/ou une pratique concertée.

44 Dans le cadre de la seconde branche de leur premier moyen, elles font valoir que la Commission n’a pas apporté les preuves requises pour établir que les échanges d’informations en ligne constituent des accords autonomes et/ou des pratiques concertées.

a)   Observations liminaires

45 Il convient de rappeler que les critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du TFUE relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché intérieur (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 119 et jurisprudence citée).

46 Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou attendu de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il a décidé de tenir sur ce marché ou qu’il a envisagé d’adopter sur celui-ci,
lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 120 et jurisprudence citée).

47 La Cour a ainsi jugé que l’échange d’informations entre concurrents était susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténuait ou supprimait le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 121 et jurisprudence citée).

b)   Sur la première branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission n’a pas prouvé l’existence d’un accord sous-jacent et par conséquent que les échanges d’informations en ligne constituent un accord anticoncurrentiel et/ou une pratique concertée

48 Les requérantes invoquent trois griefs. Par un premier grief, elles font valoir que la décision attaquée repose sur la prémisse selon laquelle l’accord sous-jacent constitue une condition préalable à la qualification des échanges d’informations d’accords et/ou de pratiques concertées anticoncurrentiels au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Par un deuxième grief, elles soutiennent que la Commission n’a pas prouvé que des informations ont été échangées sur le forum de discussion en cause en
vertu de cet accord. À l’appui de ce grief, elles contestent l’interprétation effectuée par la Commission des preuves contemporaines, à savoir des discussions en ligne entre les traders, et font valoir que ni ces discussions, ni les propositions de transaction ni les indices concomitants ne prouvent l’existence dudit accord. Par un troisième grief, elles font valoir que la Commission ne peut soustraire l’accord sous-jacent au contrôle juridictionnel au motif que Credit Suisse n’a pas été tenue
responsable de cet accord étant donné qu’il s’agirait d’un élément essentiel de la thèse de la Commission contre Credit Suisse.

49 S’agissant du premier grief invoqué par les requérantes, il convient de relever qu’il ressort de la lecture globale de la décision attaquée et, notamment, de ses considérants 337 à 341, 344, 345, 347 à 349, lus conjointement avec les considérants 394 à 405 et 411 à 417, que la Commission a procédé à des qualifications juridiques distinctes, d’une part, de l’accord sous-jacent en tant qu’accord restrictif de la concurrence et, d’autre part, des échanges d’informations en tant qu’accords et/ou
pratiques concertées restrictifs de la concurrence. Aux considérants 487, 489 et 491 à 499 de cette décision, elle a également qualifié ces deux comportements d’éléments constitutifs distincts de l’infraction unique et continue (voir points 26 à 31 ci-dessus). Il convient de rappeler ensuite que Credit Suisse n’a été tenue responsable que de l’infraction constituée du comportement relatif aux échanges d’informations.

50 Il convient également de relever que si les échanges d’informations visant Credit Suisse se sont déroulés sur un forum de discussion en ligne, ce lien avec cet aspect de l’accord sous-jacent ne saurait être assimilé à l’existence d’une condition préalable, dont se prévalent les requérantes, de nature à influencer les qualifications juridiques distinctes de l’accord sous-jacent et des échanges d’informations.

51 Plus particulièrement, ainsi qu’il ressort des considérants 337 à 341 de la décision attaquée, la qualification juridique des échanges d’informations d’accords et/ou de pratiques concertées anticoncurrentiels, effectuée par la Commission dans cette décision, ne prend appui ni sur les règles de l’accord sous-jacent, ni sur l’acceptation tacite de telles règles par les traders participant à ces échanges d’informations (ci-après les « traders en cause »). Contrairement à ce que font valoir les
requérantes, la décision attaquée ne saurait donc être interprétée comme érigeant l’accord sous-jacent en tant que condition préalable à la qualification d’échanges d’informations.

52 Cette conclusion ne saurait être infirmée par le contenu des considérants 346 et 369 à 371 de la décision attaquée, cités par les requérantes à l’appui de leur argumentation.

53 À cet égard, premièrement, s’agissant du considérant 346 de la décision attaquée, qui a trait à la qualification d’accord de l’accord sous-jacent, il convient de constater que cet accord, certes, énonce, en substance, que les échanges d’informations permettaient aux traders participant au forum de discussion en cause de contrôler les éventuelles déviations de règles. Toutefois, il ne fait aucune référence à la qualification juridique retenue dans ladite décision en ce qui concerne les échanges
d’informations.

54 Deuxièmement, il résulte des considérants 369 à 371 de la décision attaquée, qui ont seulement pour objet de répondre aux arguments de Credit Suisse avancés pendant la procédure administrative, que la Commission a fondé l’existence dudit accord sur des preuves indirectes, à savoir les échanges d’informations, dans la mesure où l’accord sous-jacent constitue une « prémisse logique » desdits échanges. Ainsi, la référence à la « prémisse logique » doit être comprise simplement comme étant employée à
cette même fin de démonstration de son existence en l’espèce. Dès lors, le fait que l’existence de l’accord sous-jacent puisse être déduite des échanges d’informations doit également être compris comme visant la preuve de son existence, sans préjudice des qualifications juridiques distinctes des échanges d’informations, d’une part, et de l’accord sous-jacent, d’autre part.

55 Par ailleurs, contrairement aux arguments des requérantes, la Commission n’était pas tenue d’expliquer dans la décision attaquée les raisons pour lesquelles Credit Suisse aurait échangé des informations de manière différente des autres banques impliquées dans les faits reprochés, par rapport aux considérations figurant dans la décision de transaction.

56 À cet égard, il convient de rappeler que la procédure de transaction et la procédure administrative ordinaire sont distinctes. Ainsi, lors de l’adoption de la décision à l’égard de Credit Suisse à la suite de la procédure administrative ordinaire, d’une part, la Commission était tenue uniquement par la communication des griefs et, d’autre part, elle était obligée, dans le respect du principe du contradictoire, de prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris l’ensemble
des informations et arguments qui étaient mis en avant par Credit Suisse à l’occasion de l’exercice de son droit d’être entendue, de sorte qu’elle était obligée de réexaminer le dossier au regard de ces éléments (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T‑456/10, EU:T:2015:296, points 90, 96 et 107).

57 En ce qui concerne l’adoption de la décision attaquée à l’égard de Credit Suisse à la suite de la procédure administrative ordinaire, il convient de noter qu’il ressort de la communication des griefs, complétée par la communication des griefs supplémentaire, que la Commission a qualifié l’accord sous-jacent et les échanges d’informations d’accords et/ou de pratiques concertées anticoncurrentiels de manière distincte et que Credit Suisse n’a pas soulevé de critiques à ce titre durant la procédure
administrative. Dès lors, la Commission n’était pas tenue de réexaminer le dossier en ce qui concerne ces qualifications juridiques.

58 Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des qualifications juridiques distinctes des échanges d’informations, d’une part, et de l’accord sous-jacent, d’autre part, pour lequel Credit Suisse n’a pas été tenue pour responsable (voir point 32 ci-dessus), il n’y a pas lieu d’examiner les deuxième et troisième griefs de la première branche du premier moyen qui reposent sur la prémisse erronée selon laquelle l’accord sous-jacent est, dans la décision attaquée, une condition préalable à la
qualification des échanges d’informations d’accords et/ou de pratiques concertées anticoncurrentiels au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

59 Partant, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.

60 Cela étant, dans la mesure où, dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, les requérantes se prévalent de l’absence de caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations, lesquels seraient autonomes par rapport à l’accord sous-jacent, dont l’analyse implique l’examen du contenu et de l’interprétation desdits échanges, le fait que les critiques des requérantes concernant la portée et l’interprétation des preuves contemporaines soient avancées dans le cadre de leur argumentation
fondée sur l’accord sous-jacent, avancée à l’appui de la première branche du premier moyen, ne saurait préjuger de leur analyse par le Tribunal, dans le cadre de la seconde branche de ce moyen, pour déterminer le bien-fondé de leurs contestations de la qualification d’accords ou de pratiques concertées autonomes des échanges d’informations.

c)   Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de l’absence de preuves établissant que les échanges d’informations en ligne constituaient des accords et/ou des pratiques concertées autonomes

61 Cette seconde branche est divisée, en substance, en trois griefs. Par un premier grief, les requérantes critiquent l’interprétation effectuée par la Commission de certaines preuves contemporaines, à savoir certaines discussions en ligne, sur lesquelles celle-ci s’est appuyée pour conclure que les échanges d’informations en ligne constituaient des accords et/ou des pratiques concertées, en soutenant, notamment, que ces discussions n’ont pas de caractère commercialement sensible. Par un deuxième
grief, les requérantes soutiennent que les échanges d’informations en ligne ne peuvent être qualifiés d’accords et/ou de pratiques concertées anticoncurrentiels en soutenant, en substance, que le prétendu caractère commercialement sensible de ces informations et la réduction de l’incertitude parmi les concurrents qui pourrait en résulter ne sont pas suffisants aux fins d’une telle qualification. Par un troisième grief, elles soutiennent que la Commission a commis une erreur de droit en concluant
que l’explication légitime des échanges d’informations en cause fournie par Credit Suisse était sans pertinence.

62 Dans la décision attaquée, la Commission a présenté et interprété le contenu de plus de cent discussions. Ainsi, les échanges d’informations analysés dans cette décision ont été répartis en quatre catégories en fonction des sujets discutés, à savoir (i) les écarts de cotation (considérants 245 à 251), (ii) les ordres des clients (considérants 183 à 228), (iii) les positions de risque ouvertes (considérants 234 à 238) et (iv) les activités de négociation actuelles ou planifiées (considérants 258
à 285). La Commission a considéré, en substance, que tous ces échanges portaient sur des informations commercialement sensibles, actuelles ou prospectives concernant les activités de négociation des traders impliqués qui permettaient aux banques concernées d’être informées des positions, des intentions et des contraintes de leurs concurrents, ce qui les aidait dans leurs décisions ultérieures. Sur le fondement de cette analyse, la Commission a conclu, aux considérants 337 à 341 de la décision
attaquée, que ces échanges d’informations relevaient d’une pratique concertée anticoncurrentielle au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

63 Il y a lieu d’examiner les deux premiers griefs ensemble.

1) Sur le premier grief, tiré de l’interprétation erronée de certaines preuves contemporaines par la Commission et le deuxième grief, tiré de ce que les échanges d’informations en ligne ne constituent pas des accords et/ou des pratiques concertées anticoncurrentiels

i) Sur la recevabilité de certains arguments et éléments de preuve des requérantes

64 La Commission conteste la recevabilité, d’une part, de l’argumentation des requérantes relative à l’interprétation erronée de certains échanges d’informations et de l’annexe A.8 de la requête sur laquelle elle se fonde et, d’autre part, de l’argumentation afférente à l’absence de caractère infractionnel des échanges d’informations, de l’annexe A.9 de la requête et des annexes C.2 et C.3 de la réplique, sur lesquelles se fonde ladite argumentation.

65 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence bien établie, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours (arrêt du 7 mars 2017,
United Parcel Service/Commission, T‑194/13, EU:T:2017:144, point 191).

66 Il faut également rappeler qu’il est notamment nécessaire, pour qu’un recours devant le Tribunal soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels la partie requérante se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. S’il est vrai que le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un
renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées au point 65 ci-dessus, doivent figurer dans la requête (voir arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission, T‑194/13, EU:T:2017:144, point 192 et jurisprudence citée).

67 Ainsi, les annexes ne peuvent être prises en considération que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou des arguments expressément invoqués par la partie requérante dans le corps de ses écritures et où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments (voir arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T‑84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 33 et jurisprudence citée). En
outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94 et jurisprudence citée).

68 En premier lieu, s’agissant de la recevabilité, contestée, en substance, par la Commission, de l’argumentation des requérantes relative à l’interprétation erronée de certains échanges d’informations analysés dans la décision attaquée, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort de la requête, à l’appui de leur argument selon lequel « [la Commission] continue à mal comprendre le jargon des transactions et le fonctionnement du marché des changes au comptant », les requérantes se réfèrent à
l’annexe A.8 jointe à la requête, qui est un rapport d’expertise d’un ancien président de la division interbancaire du Global FX Committee, et citent trois exemples de ce rapport pour illustrer leur argument.

69 Au stade de la réplique, en réponse aux arguments de la Commission sur l’irrecevabilité, les requérantes réitèrent l’argument susmentionné et ajoutent par la suite que l’annexe A.8 démontre également, d’une part, que « l’existence d’un plan global anticoncurrentiel ou d’un objectif de restriction de la concurrence ne peut pas être déduite facilement ou directement des preuves documentaires » et, d’autre part, que la Commission avait déduit, sur la base de ses seules interprétations, « l’existence
d’un accord sous-jacent ». Elles affirment, toujours au stade de la réplique, que le fait pour la Commission de ne pas être en mesure de distinguer les ordres passés ou les ordres futurs « constitue un facteur qui doit être pris en compte car il jette le doute sur la diligence et [la] robustesse de son enquête ». Enfin, les requérantes se prévalent de l’importance et de la spécificité de leur argumentation en renvoyant aux points 18, 69 et 78 de la requête. Ceux-ci ont trait au prétendu caractère
proconcurrentiel des échanges d’informations, tel qu’il aurait été reconnu dans les demandes de clémence (point 18), à la mauvaise interprétation ou compréhension par la Commission du jargon des transactions et du fonctionnement du marché des changes au comptant (point 69) et, en substance, aux quatre règles de l’accord sous-jacent (point 78).

70 Lors de l’audience, en réponse à la question posée par le Tribunal, les requérantes ont maintenu leur position selon laquelle leur argumentation est présentée clairement et spécifiquement dans leurs écritures.

71 À cet égard, il convient de constater que les requérantes présentent une argumentation, telle qu’exposée aux points 68 et 69 ci-dessus, qui se limite à des affirmations générales et non circonstanciées souvent formulées en une ou deux phrases et qui font même uniquement l’objet d’un renvoi général à l’annexe A.8, sans indiquer d’une façon cohérente et compréhensible l’incidence que cette argumentation, et encore moins le rapport d’expertise sur lequel celle-ci est fondée, aurait sur le bien-fondé
des conclusions de la Commission figurant dans la décision attaquée. Dans ces circonstances, il convient de constater que cette argumentation ne satisfait pas aux exigences citées aux points 65 à 67 ci-dessus.

72 Par conséquent, il y a lieu d’écarter comme irrecevable l’argumentation des requérantes relative, en substance, à l’interprétation erronée de certains échanges d’informations analysés dans la décision attaquée dans laquelle ces dernières se réfèrent à l’annexe A.8 et, compte tenu du renvoi général à cette annexe, de ne pas tenir compte de ladite annexe.

73 En second lieu, s’agissant de la recevabilité de l’argumentation afférente à l’absence de caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations, laquelle se fonde sur un renvoi à l’annexe A.9 de la requête et aux annexes C.2 et C.3 de la réplique, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, ladite argumentation doit être considérée comme étant suffisamment claire et précise. En effet, il résulte clairement de leurs écritures devant le Tribunal, ne serait-ce que
d’une manière sommaire, que, par le biais de la catégorisation des échanges d’informations qu’elles ont répartis entre (i) les discussions générales qui ne peuvent pas être considérées comme « commercialement sensibles » sur le marché des changes au comptant, (ii) les discussions (plus) précises ou prospectives qui traiteraient de volumes d’échanges relativement faibles et n’auraient pas pu fournir des informations pertinentes sur l’évolution attendue des taux de change alléguée et (iii) les
discussions qui porteraient sur des volumes d’échanges plus importants mais qui auraient pu avoir une seule fin anticoncurrentielle hypothétique laquelle consisterait pour un trader qui les a reçues à les utiliser pour essayer de réaliser un profit avant le trader qui a partagé cette information, les requérantes entendent contester la conclusion de la Commission relative au caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations en ligne compte tenu de leur contenu, de leur objet ou de leur
capacité à« fausser » la concurrence. Ainsi, il convient de considérer que cette argumentation des requérantes est conforme aux exigences jurisprudentielles citées aux points 65 et 66 ci-dessus et qu’elle est donc recevable.

74 En outre, eu égard à la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, ce n’est que dans la mesure où les annexes A.9, C.2 et C.3 étayent ou complètent l’argumentation expressément invoquée par les requérantes dans leurs mémoires qu’elles seront prises en compte.

ii) Sur le caractère anticoncurrentiel des discussions spécifiquement contestées par les requérantes

75 Les requérantes contestent spécifiquement l’interprétation effectuée par la Commission des discussions qu’elles ont classées dans la première catégorie (voir point 73ci-dessus), à savoir les discussions des 14 juin, 5 août et 4 octobre 2011, des 7 février et 1er juin 2012, du 14 mai 2012, du 11 avril 2012, du 13 avril 2012, du 9 mai 2012, du 5 juin 2012, du 25 avril 2012, du 10 février 2012 ainsi que des 25 avril, 19 juin, 3 et 4 juillet 2012, au motif que les informations échangées lors de ces
discussions sont des « renseignements sur le marché » et non des informations commercialement sensibles et qu’elles n’ont pas de caractère anticoncurrentiel.

76 Afin de déterminer si la Commission a considéré à juste titre que les traders ont échangé des informations commercialement sensibles, dotées d’un caractère anticoncurrentiel, il y a lieu d’apprécier la nature desdits échanges. Plus particulièrement, il convient d’analyser si ces échanges portaient sur des informations non publiques dont les traders ne pouvaient pas avoir connaissance, le cas échéant agrégées ainsi qu’anonymisées, et d’examiner, notamment, la précision et l’objectif de l’échange
de celles-ci.

– Sur les discussions des 14 juin, 5 août et 4 octobre 2011 et des 7 février et 1er juin 2012

77 Les discussions des 14 juin, 5 août et 4 octobre 2011 et des 7 février et 1er juin 2012 figurant aux considérants 107, 111, 122, 139, 150 et 504 de la décision attaquée, dont l’interprétation faite par la Commission est contestée par les requérantes, n’ont pas été considérées par la Commission comme étant de nature commercialement sensible.

78 En effet, s’agissant, en premier lieu, des discussions des 14 juin, 5 août et 4 octobre 2011 et des 7 février et 1er juin 2012 figurant aux considérants 107, 111, 122, 139 et 150 de la décision attaquée, il convient de constater que la Commission a estimé que celles-ci démontraient, en substance, que l’accès au forum de discussion en cause était fondé sur la confiance mutuelle entre les traders participants et que ces mêmes traders agissaient dans un cercle fermé destiné à favoriser leurs propres
intérêts. Selon la Commission, les échanges figurant aux considérants 139 et 150 de ladite décision démontraient également que le trader de Credit Suisse qui participait au forum de discussion en cause avant d’être employé par Credit Suisse avait rejoint ce forum en tant qu’employé en ayant une parfaite connaissance de son fonctionnement et de ce que sa participation impliquait.

79 S’agissant, en second lieu, de la discussion du 5 août 2011 figurant au considérant 504 de la décision attaquée, la Commission a estimé que celle-ci démontrait que le trader de Credit Suisse, sans activement participer aux échanges, était au courant de ceux-ci.

80 Dès lors, l’argument des requérantes tiré de la qualification erronée des discussions mentionnées au point 77 ci-dessus, considérées comme étant commercialement sensibles, manque en fait et doit donc être écarté.

– Sur la discussion du 14 mai 2012

81 S’agissant de la discussion du 14 mai 2012 reproduite au considérant 209 de la décision attaquée, lu conjointement avec les considérants 196 à 202 et 337 à 341, la Commission a considéré que, lors de celle-ci, les traders ont partagé des informations relatives à leurs positions, en dehors du cadre des transactions potentielles entre eux, ainsi qu’aux spéculations sur le prix d’une paire de devises GBP/USD. Elle en a conclu que de telles informations, qui concernaient les ordres des clients,
étaient commercialement sensibles et de nature à contribuer au caractère anticoncurrentiel de l’ensemble des échanges d’informations qui avaient eu lieu sur le forum de discussion en cause.

82 Les requérantes contestent l’interprétation de cette discussion par la Commission en faisant valoir que celle-ci porte sur des informations générales, ne contient pas d’informations relatives aux ordres prospectifs ou aux positions des traders et correspond ainsi à la communication des « renseignements sur le marché ». Elles ajoutent que les références à « rhs light » et « LHS samlls cable » ne portent pas sur les montants, prix ou clients et sont donc anonymisées. Elles concluent que cette
discussion ne permet pas d’établir que les informations échangées sur le forum de discussion en cause sont anticoncurrentielles.

83 La Commission conteste l’interprétation de la discussion en cause, telle qu’avancée par les requérantes.

84 Il convient de constater que, ainsi qu’il résulte de l’extrait de la discussion en cause, le trader de Credit Suisse était présent sur le forum de discussion en cause ce jour et que, à 14 h 50 min 48 s, celui-ci a indiqué aux autres participants qu’il avait des ordres de vente d’une petite quantité d’une paire de devises indéterminée à exécuter au « fixing » (« rhs lights »). À 14 h 52 min 57 s, un trader lui a posé une question afin de savoir s’il s’agissait d’une paire de devises GBP/USD
(« [c]able ?? ») et, à 14 h 55 min 51 s, a partagé les informations relatives aux ordres des clients qu’il détenait, à savoir les ordres de vente d’une petite quantité pour une paire de devises GBP/USD à exécuter au « fixing » (« LHS samlls cable »). Lors de la même conversation, un autre trader a exprimé son point de vue sur l’augmentation de la valeur de la paire de devises GBP/USD (« feels like its just being put higher wsith sof eur/gbp and eur/usd running into some bids... »), en précisant
qu’il n’avait pas d’ordres pour cette paire de devises.

85 Ainsi qu’il ressort de la transcription de la discussion en cause, les traders ont échangé des informations qui n’étaient pas publiques et portaient sur des ordres spécifiques qu’ils avaient, en précisant leur type (ordre de vente à exécuter au « fixing »), la paire de devises concernée (GBP/USD) et leur quantité. Cette discussion reflète donc des commentaires en temps réel des activités des traders qui ont donné lieu à un échange d’informations commercialement sensibles.

86 À supposer même que les informations échangées soient, comme le soutiennent les requérantes, anonymisées, cette circonstance ne fait pas obstacle à leur qualification d’informations commercialement sensibles dans la mesure où ces informations, par leur objet et leur degré de précision et le fait qu’elles ne sont pas accessibles aux concurrents non présents sur le forum de discussion en cause, confèrent un avantage commercial à leurs destinataires.

87 Or, de telles informations sont susceptibles, pour des traders spécialisés dans le domaine, de les renseigner sur les mouvements du marché concernant la paire de devises GBP/USD précédant le « fixing », compte tenu du fait que les ordres de vente de taille moins importante à exécuter au « fixing » sont moins à même d’influencer les mouvements du taux de change d’une manière significative. Ainsi, la communication de telles informations permet aux traders d’adapter leurs stratégies de trading en
conséquence et d’atténuer les incertitudes inhérentes au marché des changes au comptant.

88 Partant, c’est à juste titre que la Commission a considéré que la discussion du 14 mai 2012 portait sur des informations commercialement sensibles de nature à contribuer au caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations qui avaient eu lieu sur le forum de discussion en cause.

– Sur la discussion du 11 avril 2012

89 S’agissant de la discussion du 11 avril 2012 reproduite au considérant 223 de la décision attaquée, lu conjointement avec les considérants 214 à 221 et 337 à 341, la Commission a considéré que celle-ci portait sur un ordre immédiat d’un client spécifique et que la divulgation de cette information commercialement sensible supprimait certaines incertitudes inhérentes au marché des changes au comptant, permettant ainsi aux traders participant au forum de discussion en cause de mieux anticiper les
mouvements du marché et d’adapter leurs stratégies afin de profiter des informations divulguées et de l’accroissement de la transparence du marché qui en résulte et, partant, était à même de contribuer au caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations en cause.

90 Les requérantes font valoir que la discussion du 11 avril 2012 concerne des informations générales qui ne comportent pas d’ordres prospectifs ou de positions des traders. Elles ajoutent que le commentaire « lost some X » contenu dans cette discussion n’indique pas de montants ou de prix et que plusieurs clients faisaient des tours sur le marché, ce qui ne permettait pas d’en déduire une information spécifique sur un client. Elles concluent que cette même discussion concerne des renseignements sur
le marché dépourvus de portée anticoncurrentielle.

91 La Commission conteste l’interprétation de la discussion en cause proposée par les requérantes.

92 À cet égard, il convient de constater que l’extrait de la discussion du 11 avril 2012, figurant au considérant 223 de la décision attaquée, confirme que, à 6 h 50 min 23 s, un trader d’UBS a informé les traders participant au forum de discussion en cause qu’il venait de conclure une transaction en vendant des euros contre des livres sterling (« lost some X », à savoir une paire de devises EUR/GBP), en précisant, à 6 h 50 min 23 s, que cette dernière concernait une contrepartie qui généralement
passait d’un trader à l’autre (« usual geezer who does the rounds »). Quelques participants dudit forum de discussion, dont notamment le trader de Credit Suisse, ont dit merci pour cette information (« ta »).

93 Il convient de considérer que cette discussion révèle un échange d’informations précises, actuelles et confidentielles, en ce qu’elles divulguaient aux autres traders participant au forum de discussion en cause le type d’ordre concerné (immédiat), le moment (actuel) de sa réalisation, la paire de devises concernée (EUR/GBP) et une référence à un type de client à la transaction qui venait d’être conclue.

94 En ce qui concerne cette dernière référence à un type de client, les requérantes ne sauraient être suivies lorsqu’elles affirment que celle-ci ne permettait pas de déduire une information spécifique sur un client. En effet, la référence du trader d’UBS à une contrepartie qui « passait d’un trader à l’autre » doit être comprise, dans le contexte dudit échange, comme suffisamment spécifique aux fins de son identification par ces mêmes traders, professionnels du domaine, leur permettant ainsi de
prendre en compte la nature du client concerné, notamment informé ou non. Une telle conclusion s’impose eu égard, d’une part, à la précision qu’il s’agissait d’une contrepartie habituelle (« usual geezer ») et, d’autre part, au fait qu’aucun des traders l’ayant remercié pour cette information n’a demandé de précisions concernant la référence à ce client. Or, ainsi que l’a considéré la Commission au considérant 40, sous b), de la décision attaquée, lu conjointement avec la note en bas de page
no 381, sans que cela soit contesté par les requérantes, la mise à la disposition à d’autres traders de l’information sur la nature du client concerné, informé ou non, doit être considérée comme susceptible de permettre aux destinataires de cette information d’anticiper un éventuel mouvement du marché.

95 Dans ces circonstances, les informations partagées lors de la discussion en cause ne sauraient être considérées comme générales au seul motif qu’elles ne précisaient pas de montants échangés, de niveaux du taux de change ou ne portaient pas sur des ordres prospectifs. À cet égard, il suffit de relever que les « renseignements sur le marché » consistent, en substance, en des observations sur l’état de marché de nature générale et anonymisée, dont les informations telles qu’elles ont été
communiquées lors de la discussion en cause s’écartaient manifestement.

96 Dès lors, il convient de considérer que les informations échangées en cause étaient de nature commercialement sensible, actuelles et précises, susceptibles de supprimer certaines incertitudes inhérentes au marché des changes au comptant. Elles permettaient donc aux traders participant au forum de discussion en cause de mieux anticiper les mouvements du marché pour la paire de devises EUR/GBP et d’adapter leurs stratégies afin de profiter des informations divulguées et, partant, étaient à même de
contribuer au caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations en cause.

97 Partant, c’est à juste titre que la Commission a considéré que la discussion du 11 avril 2012 portait sur des informations commercialement sensibles de nature à contribuer au caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations qui avaient eu lieu sur le forum de discussion en cause.

– Sur la discussion du 13 avril 2012

98 En ce qui concerne la discussion du 13 avril 2012 indiquée au considérant 224 de la décision attaquée, lu conjointement avec les considérants 214 à 221 et 337 à 341, la Commission a considéré que celle-ci concernait des informations actuelles ou prospectives commercialement sensibles liées aux ordres immédiats des clients, en communiquant sur le forum de discussion en cause le volume ou la direction d’un ordre spécifique et non agrégé ou le type de client, en supprimant ainsi certaines
incertitudes inhérentes à la négociation sur le marché des changes au comptant et en accroissant le degré de transparence de l’évolution du taux de change de la paire de devises concernée. Elle en a conclu que cette discussion était de nature à contribuer au caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations en cause.

99 Les requérantes font valoir que l’échange d’informations qui a eu lieu lors de la discussion du 13 avril 2012 concerne des « renseignements sur le marché », étant donné qu’elle ne porte pas sur des ordres prospectifs ou des positions des traders. Ainsi, l’expression « lose more cable » utilisée par le trader de Credit Suisse serait anonymisée et porterait sur des montants approximatifs, sans indication de prix, ni d’informations concernant les clients. Selon les requérantes, le terme « corp » est
un terme générique pour désigner une entreprise, ne permettant ainsi pas d’identifier un client.

100 La Commission conteste l’interprétation de la discussion en cause telle qu’avancée par les requérantes.

101 À cet égard, il convient de constater que l’extrait de la discussion du 13 avril 2012, reproduit au considérant 224 de la décision attaquée, confirme que, à 9 h 56 min 42 s, le trader de Credit Suisse a communiqué à un autre trader présent sur le forum de discussion en cause l’information relative à sa transaction actuelle de vente de 40 millions dans une paire de devises GBP/USD avec une grande entreprise (« lose more cable 40 odd corp »), ce pourquoi cet autre trader l’a remercié (« tks
ratty »).

102 Ainsi, la discussion en cause révèle clairement un échange d’informations précises, actuelles et exclues du domaine public, connues des seules parties à la transaction, à savoir le trader et son client. En effet, l’information sur la transaction communiquée par le trader de Credit Suisse indiquait le montant spécifique (40 millions), la paire de devises concernée (GBP/USD), la direction de cette transaction (vente) et une référence à un type de client (grande entreprise).

103 À cet égard, ne saurait prospérer l’argument des requérantes selon lequel le terme « corp », auquel a fait référence le trader de Credit Suisse lors de la discussion en cause, ne permet pas de conclure à l’identité spécifique d’un client concerné. En effet, celui-ci indique néanmoins le type de client, à savoir, notamment, qu’il s’agit d’une grande entreprise. Or, il convient de relever que les informations relatives aux flux d’ordres de certaines grandes entreprises et entreprises
internationales peuvent être considérées comme informatives, car elles permettent aux traders disposant de ces informations d’anticiper le mouvement du taux de change pour une paire de devises concernée, en supprimant ainsi certaines incertitudes inhérentes au marché des changes au comptant et en accroissant la transparence sur ledit marché au profit des seuls destinataires de cette information.

104 Par ailleurs, l’utilité de l’indication relative à un type de client, en l’occurrence « corp », est corroborée par d’autres échanges cités dans la décision attaquée (voir, notamment, les considérants 278 à 280 de ladite décision) dont il résulte que cette indication a été appréciée par les traders participant au forum de discussion en cause.

105 Dans ces circonstances, il convient de considérer que les informations partagées par les traders lors de la discussion du 13 avril 2012 ne sauraient être considérées comme constitutives de « renseignements sur le marché » du seul fait qu’elles ne portent pas sur des ordres prospectifs.

106 Partant, c’est à juste titre que la Commission a considéré que la discussion du 13 avril 2012 portait sur des informations commercialement sensibles de nature à contribuer au caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations qui avaient eu lieu sur le forum de discussion en cause.

– Sur la discussion du 9 mai 2012

107 S’agissant de la discussion du 9 mai 2012 indiquée au considérant 276 de la décision attaquée, lu conjointement avec les considérants 252 à 257 et 337 à 341, la Commission a considéré que, lors de celle-ci, le trader de Barclays a interrogé le trader de Credit Suisse sur (l’achèvement de) sa stratégie de trading, ce à quoi le trader de Credit Suisse a répondu par l’affirmative en fournissant des détails supplémentaires sur les niveaux négociés. Selon la Commission, dans les conditions normales
du marché, le trader de Barclays n’aurait eu aucune raison ni aucun moyen d’être en possession de l’information relative à ce que le trader de Credit Suisse avait récemment « résolu ses offres » (« cleared his bids »). Or, l’échange de ces informations commercialement sensibles aurait conféré un avantage concurrentiel au trader de Barclays, dans la mesure où il aurait pu avoir une incidence sur son comportement ultérieur en matière de prix, lui permettant d’adapter ses offres (« bids ») à un
niveau moins compétitif, sachant que le trader de Credit Suisse avait pu exécuter toutes ses offres.

108 Les requérantes font valoir que la discussion du 9 mai 2012 porte sur des considérations générales, compte tenu du fait que les références aux ordres ne comportent pas les montants, les prix ou des informations sur les clients concernés et sont dès lors anonymisées. Cette discussion ne porterait pas non plus sur les ordres prospectifs ou les positions des traders.

109 Par ailleurs, en réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, les requérantes ont avancé que la discussion en cause aurait pu avoir pour but d’explorer la possibilité de conclure une transaction entre les traders participant à cette discussion, en affirmant toutefois qu’elles ne sont pas en mesure de confirmer définitivement cette interprétation. Elles ont réitéré, à titre subsidiaire, leur position selon laquelle la discussion en cause
avait pour objectif de partager des « renseignements sur le marché » afin de faciliter la compréhension du marché par ces mêmes traders. En tout état de cause, les informations échangées, à supposer qu’elles soient commercialement sensibles, seraient générales, anonymes, historiques et non spécifiques et ne permettraient pas de donner lieu à un comportement anticoncurrentiel.

110 La Commission estime que les informations partagées lors de la discussion en cause constituent des informations commercialement sensibles qui dépassent le cadre des « renseignements sur le marché », dans la mesure où celles-ci concernent, en substance, les niveaux spécifiques et actuels de trading.

111 En réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a réitéré sa position selon laquelle la discussion en cause concernait l’échange d’informations non publiques et concrètes, permettant au destinataire de celles-ci d’adapter le prix qu’il offrait à ses propres clients, en essayant même de l’augmenter, sachant qu’il est peu probable que, après avoir achevé sa stratégie de trading, son concurrent continue à négocier la paire de
devises en question. Elle a ajouté que l’indication, par le trader de Credit Suisse, de la baisse d’un niveau du taux de change n’aurait pas eu de sens si le trader de Barclays ne savait pas dans quelle paire de devises les offres du trader de Credit Suisse venaient d’être exécutées.

112 À cet égard, il convient d’observer que, lors de la discussion en cause, le trader de Credit Suisse a communiqué, certes, l’information relative à ses activités de trading, en précisant les niveaux de négociation, qui revêt, par sa nature même, un caractère commercialement sensible (« yeh all filled » ; « feels like its dropped 200 pips its only 40 »). Toutefois, l’extrait précité de la discussion ne permet pas, contrairement à ce que fait valoir la Commission, de conclure que l’échange de ces
informations commercialement sensibles aurait conféré un avantage concurrentiel au trader de Barclays, dans la mesure où il aurait pu avoir une incidence sur son comportement ultérieur en matière de prix en lui permettant d’adapter ses offres.

113 D’une part, l’affirmation de la Commission, selon laquelle l’indication relative aux niveaux du taux de change « n’aurait pas de sens si les deux [traders] avaient discuté de l’exécution de leurs offres en général, sans faire référence à une paire de devises donnée », est, eu égard au contenu de ladite discussion, de nature spéculative. En effet, aucune donnée dans la discussion, ni dans aucune autre discussion citée dans la décision attaquée, ne permet de conclure que les traders discutaient de
l’accomplissement des offres à des niveaux mentionnés par le trader de Credit Suisse pour une paire de devises spécifique.

114 D’autre part, aucune donnée de la discussion en cause ne permet de corroborer l’affirmation de la Commission selon laquelle le trader ayant reçu les informations partagées par le trader de Credit Suisse aurait pu savoir qu’il était peu probable que son concurrent continue à négocier la paire de devises en question. Cette affirmation est dès lors également de nature spéculative.

115 Or, de telles spéculations ne satisfont pas aux exigences en matière de preuve qui incombent à la Commission pour démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (voir arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 71 et jurisprudence citée).

116 Ainsi, en l’absence d’informations plus précises, il ne saurait être conclu que cette discussion a atténué ou supprimé l’incertitude sur le marché de nature à conférer un avantage concurrentiel au destinataire de celles-ci.

117 Dans ces circonstances, il convient de considérer que la Commission n’a pas démontré, à suffisance de droit, que la discussion du 9 mai 2012 était de nature à contribuer au caractère anticoncurrentiel du comportement reproché à Credit Suisse. C’est donc à bon droit que les requérantes soutiennent que la Commission ne pouvait pas la retenir à l’encontre de Credit Suisse.

– Sur la discussion du 5 juin 2012

118 En ce qui concerne la discussion du 5 juin 2012 figurant au considérant 281 de la décision attaquée, lu conjointement avec les considérants 252 à 257 et 337 à 341, la Commission a considéré que celle-ci concernait des informations commercialement sensibles, étant donné qu’un trader d’UBS a échangé des informations relatives à un ordre récemment exécuté, en communiquant des détails spécifiques sur la paire de devises, le taux de change et le type de client que, sans cette discussion, le trader de
Credit Suisse n’aurait eu aucune raison ou aucun moyen de connaître. Or, la connaissance de telles informations aurait placé le trader de Credit Suisse dans une situation d’avantage concurrentiel, si le même type de client lui demandait une transaction dans la même paire de devises, sachant que le client avait accepté de négocier au taux de change proposé antérieurement par le trader d’UBS. Ainsi, l’échange d’informations lors de cette discussion aurait été de nature à contribuer au caractère
anticoncurrentiel des échanges d’informations en cause.

119 Les requérantes soutiennent, en substance, que les informations échangées lors de cette discussion concernent des « renseignements sur le marché » compte tenu du fait que les références aux ordres des clients étaient anonymisées, n’indiquaient pas de montants ou d’informations sur les clients, mais seulement des niveaux du taux de change approximatifs. Elles ajoutent qu’il n’est pas clair que la référence aux « rooskies » concerne un client spécifique.

120 La Commission conteste l’interprétation de la discussion en cause telle qu’elle est avancée par les requérantes.

121 À cet égard, il convient de constater que l’extrait de la discussion en cause confirme que, à 8 h 38 min 40 s, un trader d’UBS a demandé au trader de Credit Suisse s’il avait reçu des ordres de vente (« are you seeing much eurusd selling Ratty »), en précisant, à 8 h 44 min 28 s, qu’un type de client venait d’acheter des livres sterling contre des dollars des États-Unis au taux de change spécifique (« rooskies buying cable at 2530 »). En réponse, à 9 h 06 min 14 s, le trader de Credit Suisse a
indiqué qu’il n’en avait pas reçu (« sry mate no ») en précisant, à 9 h 06 min 24 s, qu’il avait observé une baisse d’un niveau du taux de change de cette paire de devises (« nothing just seen it melt 100 pips »). À 9 h 06 min 44 s, le trader d’UBS l’a remercié pour cette information (« tks bro »).

122 S’agissant de l’interprétation du contenu de la discussion en cause, force est de constater que, ainsi qu’il ressort du point 121 ci-dessus, les informations échangées portaient sur des informations précises, actuelles et confidentielles, connues des seules parties à la transaction, à savoir le trader et son client, dans la mesure où elles concernaient le type d’ordres, leur quantité, la paire de devises concernée, le niveau du taux de change de la paire de devises concernée et un type de client
à la transaction.

123 Aucun des arguments des requérantes ne peut infirmer la conclusion susmentionnée.

124 D’une part, en ce qui concerne la référence aux « rooskies » pour laquelle il ne serait pas certain qu’elle concernerait un client spécifique, il convient de considérer que ladite référence, indiquée lors de la discussion en cause, doit être comprise comme identifiant un type spécifique de client eu égard, d’une part, au remerciement du trader d’UBS pour cette information et, d’autre part, au fait qu’elle n’a pas suscité de questions supplémentaires de la part des autres traders. En outre, cette
conclusion est corroborée par le contexte global des échanges cités dans la décision attaquée, dont il résulte que la référence à ce type de clients (« rooskies » ou « roosky ») (voir considérants 263 et 272 de la décision attaquée) a toujours été appréciée par d’autres traders, laissant ainsi présumer que, dans leur esprit, cette référence a été facilement identifiable comme indiquant un type concret de client concerné, à savoir informé ou non, de nature à permettre aux traders, professionnels
du domaine, d’anticiper un éventuel mouvement du marché et d’être confortés quant à leurs décisions stratégiques.

125 D’autre part, s’agissant des niveaux du taux de change qui, selon les requérantes, étaient indiqués dans la discussion en cause de manière approximative, il convient de constater que la lecture de ladite discussion et plus particulièrement de sa partie relative à la paire de devises GBP/USD, exposée au point 121 ci-dessus, s’oppose manifestement à l’interprétation suggérée par les requérantes puisque le chiffre évoqué est très précis.

126 Dans ces circonstances, les informations échangées lors de la discussion en cause ne sauraient être considérées comme étant générales ou portant sur les « renseignements sur le marché », du seul fait qu’elles ne concernaient pas des ordres prospectifs. Partant, c’est à juste titre que la Commission a considéré que la discussion du 5 juin 2012 portait sur des informations commercialement sensibles de nature à contribuer au caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations qui avaient eu
lieu sur le forum de discussion en cause.

– Sur la discussion du 25 avril 2012

127 S’agissant de la discussion du 25 avril 2012 évoquée au considérant 195 de la décision attaquée, lu conjointement avec les considérants 176 à 182 et 337 à 341, la Commission a considéré que, lors de cette dernière, le trader de Credit Suisse n’a communiqué aucune information. Toutefois, il aurait été présent sur le forum de discussion en cause au moment où cette discussion sur des informations commercialement sensibles a eu lieu, ou aurait eu accès à ladite discussion lors d’une connexion
ultérieure. Or, les informations commercialement sensibles sur les ordres conditionnels échangées ce jour sur le forum de discussion en cause auraient été susceptibles d’accroître le degré de confiance du trader de Credit Suisse sur une évolution potentielle du prix de marché pour une paire de devises GBP/AUD, en lui permettant ainsi de prendre des décisions plus informées quant à sa stratégie commerciale et en profitant ainsi de ce niveau d’informations privilégiées et, dès lors,
anticoncurrentielles.

128 Les requérantes font valoir que la discussion en cause porte sur des « renseignements sur le marché », compte tenu du fait qu’elle ne contient pas d’informations relatives aux ordres prospectifs ou aux positions des traders. En effet, la majorité des informations partagées contiendraient des spéculations sur des mouvements futurs. Elles ajoutent que la référence, d’une part, à « hypo » ne vise pas un client, mais une contrepartie rencontrée sur des plateformes électroniques qui traiterait avec
plusieurs contreparties sur le marché et, d’autre part, à « russia selling eur » peut se rapporter à une activité publiquement connue de la Banque centrale de la Fédération de Russie.

129 Les requérantes font également valoir dans leur requête puis dans leur réplique, en substance, que la Commission n’a pas fourni de raisons suffisantes pour lesquelles cette discussion ainsi que d’autres qui sont analysées aux points 137 à 162 ci-après permettraient de prouver ses allégations sur leur nature commercialement sensible et leur caractère anticoncurrentiel et qu’il ne leur appartient pas et qu’il n’appartient pas non plus au Tribunal d’identifier sur quelle partie d’un extrait de
discussion la Commission s’appuie en l’absence d’un horodatage précis.

130 La Commission conteste l’interprétation de la discussion en cause telle qu’avancée par les requérantes.

131 À cet égard, dans la mesure où l’allégation des requérantes résumée au point 129 ci-dessus peut être comprise comme reprochant à la Commission une insuffisance de motivation de la décision attaquée, il y a lieu de constater que le considérant 195 de ladite décision, présenté, certes, de manière succincte, fait apparaître clairement et non équivoquement le raisonnement de la Commission en ce qui concerne la nature commercialement sensible et le caractère anticoncurrentiel de la discussion du
25 avril 2012, dont un extrait est reproduit au considérant 191 de la décision attaquée. En effet, il ressort du considérant 195 de cette décision que cette discussion a été retenue à l’encontre de Credit Suisse au motif que celle-ci a permis à son trader d’accroître son niveau de confiance quant à l’évolution potentielle du prix du marché pour les paires de devises GBP/AUD et GBP/NZD, en lui permettant ainsi de prendre des décisions mieux informées sur sa stratégie de trading.

132 En outre, il convient de relever que la lecture de la transcription d’un autre extrait de la discussion du 25 avril 2012 soumise par les requérantes devant le Tribunal confirme que les traders ont échangé des informations relatives à leurs « ordres en attente d’achat » en cours, en précisant les paires de devises concernées avec les niveaux de déclenchement de leur exécution, ainsi qu’il ressort de la question d’un trader d’UBS (à 8 h 42 min 19 s : « what’s the trigger point for all these
gbp/aud and gbp/nzd longs to puke ») et des réponses des traders d’HSBC et de RBS (respectivement, à 8 h 42 min 36 s : « looking at 1.6040 as a bit of a lvi » et à 8 h 42 min 56 s : « 1.5500 gpaud … »).

133 Les informations partagées lors de la discussion en cause ne sauraient, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, être considérées comme relevant des « renseignements sur le marché », dans la mesure où de telles informations dépassent manifestement les observations sur son état général.

134 En effet, la discussion en cause révèle clairement un échange d’informations très précises, actuelles et confidentielles, dans la mesure où les informations partagées concernent les types d’ordres des clients, leur direction, leurs niveaux de déclenchement et les paires de devises concernées, connues des seules parties à la transaction, à savoir le trader et son client. Ainsi, cette discussion reflète des commentaires en temps réel des activités des traders qui ont donné lieu à un échange
d’informations commercialement sensibles, de nature à accroître la transparence entre les traders et à réduire l’incertitude sur le marché à leur seul avantage.

135 Cette conclusion n’est pas infirmée par la simple affirmation des requérantes selon laquelle certaines informations communiquées lors de la discussion en cause concernent des spéculations sur l’évolution de mouvements futurs. En effet, outre le caractère général de cet argument, la circonstance selon laquelle certaines informations partagées ne sont pas considérées comme commercialement sensibles ne confère pas une nature générale à cette même discussion dans sa globalité. De surcroît, il y a
lieu de relever que le fait de ne pas savoir ce à quoi renvoient précisément les références « hypo » ou « russia selling eur » n’est pas non plus de nature à conférer une nature générale audit échange, dès lors qu’il suffit qu’une telle référence permette de spécifier la nature, informé ou non (voir point 94 ci-dessus), d’un client visé, ce que les requérantes ne contestent pas.

136 Partant, c’est à juste titre que la Commission a considéré que la discussion du 25 avril 2012 portait sur des informations commercialement sensibles de nature à contribuer au caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations qui avaient eu lieu sur le forum de discussion en cause.

– Sur la discussion du 10 février 2012

137 S’agissant de la discussion du 10 février 2012 évoquée au considérant 228 de la décision attaquée, lu conjointement avec les considérants 214 à 221 et 337 à 341, la Commission a considéré que, lors de cette dernière, le trader de Credit Suisse n’a communiqué aucune information. Toutefois, il aurait été présent sur le forum de discussion en cause au moment où cette discussion a eu lieu, ou aurait eu accès à ladite discussion postérieurement. Selon elle, les informations commercialement sensibles
sur les ordres immédiats, échangées ce jour sur le forum de discussion en cause, auraient été susceptibles d’accroître le degré de confiance du trader de Credit Suisse sur une évolution potentielle du prix de marché, en lui permettant ainsi de prendre des décisions plus informées concernant sa stratégie commerciale.

138 Les requérantes font valoir que l’échange d’informations en cause porte sur des « renseignements sur le marché », compte tenu du fait qu’il ne contient pas d’informations relatives aux ordres prospectifs ou aux positions des traders. Selon elles, lors de cet échange, les traders ont spéculé quant à la future négociation d’une contrepartie spécifique (« JP »), sans avoir une quelconque certitude. Elles ajoutent que la référence, notamment, à « corp » désignerait un terme générique et anonymisé
d’une corporation, sans pour autant qu’il puisse en être conclu qu’il fait référence à un client spécifique.

139 La Commission conteste l’interprétation du contenu de l’échange en cause telle que proposée par les requérantes.

140 À cet égard, à titre liminaire, il est noté que le considérant 228 de la décision attaquée ne comporte pas de transcription de la discussion en cause. Audit considérant, la Commission a précisé qu’il concernait un échange d’informations relatif à une contrepartie qui cherchait à obtenir une transaction spécifique et essayait de conclure un ordre de vente (« exchange of information regarding JPMorgan (‘JP’) getting a specific trade and still trying to sell »). Cette discussion a été retenue à
l’encontre de Credit Suisse au motif que celle-ci a permis à son trader d’accroître son niveau de confiance quant à l’évolution potentielle du prix du marché, lui permettant ainsi de prendre des décisions mieux informées sur sa stratégie de trading.

141 Cela étant précisé, il convient de constater que la lecture de l’extrait de l’échange du 10 février 2012, produit par les requérantes, confirme que, à 10 h 12 min 14 s, un trader d’UBS a indiqué qu’une contrepartie spécifique venait d’obtenir une transaction (« JP had the trade »). À 10 h 12 min 46 s, un trader d’HSBC l’a remercié pour cette information et a sollicité des informations supplémentaires aux fins de savoir s’il était avantageux de vendre une paire de devises GBP/USD (« thx »,
« cable worth a sell ? »), ce à quoi, entre 10 h 13 min 35 s et 10 h 14 min 08 s, un trader d’UBS a répondu par l’affirmative, en précisant, en outre, que cette contrepartie spécifique avait un ordre immédiat pour une paire de devises EUR/GBP et son niveau du taux de change (« yep », « eurgbp held here at 57-60 pops draghi », « but i thik that plmub in JP is still rying to sell X »). Enfin, à 10 h 15 min 32 s, un trader de Barclays a renseigné les autres traders présents sur le forum de
discussion en cause qu’il venait de vendre 100 millions d’euros à une grande entreprise (« sold ton eur for a corp »).

142 Ainsi, la discussion intervenue le 10 février 2012 révèle un échange d’informations précises, actuelles et confidentielles, en ce qu’il divulguait aux concurrents présents sur le forum de discussion en cause les ordres des clients qu’avaient conclus ou que venaient de conclure les autres participants, précisant les paires de devises concernées, leurs niveaux du taux de change et une contrepartie spécifique auxdits ordres. Cette discussion, qui reflète donc des commentaires en temps réel des
activités et positions des traders, a donné lieu à un échange d’informations commercialement sensibles.

143 De plus, ainsi qu’il ressort clairement de l’extrait de la discussion précitée, les traders ont échangé leurs points de vue sur l’opportunité de vendre des livres sterling contre des dollars des États-Unis. Or, un tel échange d’informations, intrinsèquement lié à la détermination de la stratégie du trading, s’oppose par sa nature même à l’autonomie dont un opérateur économique doit, selon la jurisprudence citée au point 45 ci-dessus, faire preuve sur le marché lorsqu’il détermine la politique
qu’il entend suivre sur ce dernier.

144 À cet égard, les requérantes ne sauraient être suivies lorsqu’elles affirment que la référence à une « corp », prétendument anonymisée et générique, ne serait pas spécifique à un client. En effet, indépendamment de la désignation, par cette référence, d’un client spécifique, il suffit de rappeler, comme indiqué au point 94 ci-dessus, qu’un type de client, à savoir informé ou non, comme en l’occurrence une grande entreprise, est suffisant aux fins de permettre aux traders, professionnels du
domaine, d’anticiper un éventuel mouvement du marché et d’être confortés quant à leurs décisions stratégiques.

145 Partant, c’est à juste titre que la Commission a considéré que la discussion du 10 février 2012 portait sur des informations commercialement sensibles de nature à contribuer au caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations qui avaient eu lieu sur le forum de discussion en cause.

– Sur les discussions des 25 avril, 19 juin, 3 et 4 juillet 2012

146 En ce qui concerne les échanges des 25 avril, 19 juin, 3 et 4 juillet 2012 évoqués au considérant 285 de la décision attaquée, lu conjointement avec les considérants 337 à 341, la Commission a estimé que le trader de Credit Suisse, qui n’a pas communiqué d’informations lors de ces échanges, était présent sur le forum de discussion en cause et avait, dès lors, accès à ces derniers. Elle a considéré, en substance, que le cumul d’échanges d’informations commercialement sensibles a accru le niveau
de confiance de ce trader quant à la direction potentielle du prix du marché des paires de devises discutées, lui permettant ainsi de prendre des décisions plus éclairées sur sa stratégie de trading. Plus particulièrement, les traders auraient partagé des informations relatives aux activités de trading pour des devises, notamment EUR/JPY et USD/JPY (échange du 25 avril 2012), GBP/USD (échange du 19 juin 2012), EUR, USD/JPY et GBP/USD (échange du 3 juillet 2012), EUR et GBP/USD (échange du
4 juillet 2012).

147 Les requérantes font valoir que les échanges précités concernent des informations générales sur le marché. Elles seraient anonymisées et ne concerneraient pas des ordres prospectifs, des positions de traders et de clients. En ce qui concerne les échanges des 19 juin, 3 et 4 juillet 2012, ils ne porteraient pas sur des volumes échangés ou leur prix. Elles ajoutent que les termes employés dans ces échanges tels que « lev » (échanges des 25 avril et 19 juin 2012) ou « models » (échange du 4 juillet
2012) sont eux aussi anonymisés et génériques. Elles estiment qu’il n’est pas clair que les termes « m/e », « rm », « rusky », « Russia », « roosides » (échange du 19 juin 2012), « rusky » (échange du 3 juillet 2012), « models », « range guy » et « desert » (échange du 4 juillet 2012) font référence à des clients spécifiques. Enfin, l’expression « 51.3 is the nod » (échange du 4 juillet 2012) serait une référence à des données économiques plutôt qu’à un prix sur le marché.

148 La Commission conteste l’interprétation des échanges en cause telle qu’avancée par les requérantes.

149 Premièrement, s’agissant de la discussion du 25 avril 2012, il convient de constater qu’il résulte de l’extrait de cette dernière, produit par les requérantes, que les traders ont échangé des informations précises et actuelles concernant leurs activités récentes de trading et, notamment, les montants échangés et leurs niveaux du taux de change (un trader de RBS à 9 h 56 min 44 s : « i lost a coupel of ton around 40 earlier » et un trader de Barclays à 10 h 05 min 44 s : « lost ton »), les
clients et une paire de devises concernée (un trader d’UBS à 10 h 03 min 25 s : « lev buys usdjpy – gt track record » et un trader d’HSBC à 10 h 04 min 54 s : « anyone get paid there in euro »). De plus, quelques traders ont discuté des stratégies à adopter sur le marché, en suggérant, notamment, de ne pas procéder à des transactions d’achat d’une devise contre une autre (le trader de RBS à 9 h 57 min 11 s : « but def not right time to be long yet », le trader de Barclays à 9 h 57 min 24
à 26 s : « nope » et « agree ») ou bien d’acheter une devise en particulier (un trader de Barclays à 10 h 13 min 50 s : « get eur now »).

150 Or, de telles informations sont, contrairement à ce que font valoir les requérantes, commercialement sensibles, de nature à accroître la transparence sur le marché au profit des seuls traders participant au forum de discussion en cause et de les conforter quant à leurs décisions stratégiques. Ainsi, l’échange de ces mêmes informations s’oppose, par sa nature même, à l’exigence d’autonomie dont un opérateur économique doit, selon la jurisprudence citée au point 45 ci-dessus, faire preuve sur le
marché lorsqu’il détermine la politique qu’il entend suivre sur ce dernier.

151 À cet égard, ne saurait prospérer l’argument des requérantes selon lequel le terme « lev » ne permettrait pas de conclure à l’identité spécifique d’un client. En effet, quand bien même tel serait le cas, ce même terme indique son type, informé ou non, à savoir, notamment, qu’il s’agit d’un fonds d’investissement alternatif (fonds recourant au levier), permettant ainsi aux traders disposant de cette information d’anticiper le mouvement du taux de change pour une paire de devises concernée (voir
point 94 ci-dessus). Par ailleurs, l’utilité de l’indication relative à un type de client, en l’occurrence « lev », est corroborée par d’autres échanges cités aux considérants 264 et 268 de la décision attaquée dont il résulte que cette indication a été appréciée par les traders participant au forum de discussion en cause.

152 Partant, il convient d’approuver la conclusion de la Commission relative à la portée anticoncurrentielle des informations échangées entre les traders le 25 avril 2012.

153 Deuxièmement, en ce qui concerne la discussion du 19 juin 2012, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de son extrait produit par les requérantes, les traders ont échangé des informations concernant leurs activités de trading dont, notamment, celles sur les types de clients et les niveaux de change pour des paires de devises spécifiques (un trader d’UBS à 6 h 42 min 12 s : « m/e sniffing in eurusd », à 6 h 42 min 20 s : « passes here on teh 15th price », un autre trader d’UBS
à 7 h 14 min 24 s : « got cable fromrm high 80s, lively last time he dealt », un trader d’HSBC à 7 h 15 min 02 s : « Russia gave me a fex clips off highs too », et un trader de Barclays à 8 h 09 min 53 s : « lev guys selling eur »).

154 Ainsi, les informations communiquées lors de la discussion en cause portent sur des transactions actuelles et prospectives et indiquent précisément des paires de devises et des types de clients concernés par celles-ci. Or, de telles informations, connues en principe du seul trader et de son client, sont de nature commercialement sensible.

155 Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, le fait que les références aux clients qui résultent de la discussion en cause ne permettent pas de désigner des clients spécifiques n’est pas de nature à remettre en cause la nature commercialement sensible de cette discussion. En effet, un type de client s’avère suffisamment pertinent aux fins de déterminer si la transaction conclue avec ce dernier est informative quant au mouvement du marché, permettant ainsi d’accorder un avantage aux traders
disposant de ces informations par rapport à leurs concurrents ne participant pas au forum de discussion en cause. De plus, la pertinence de la communication du type de client en cause est corroborée par le remerciement du trader de Credit Suisse à la suite de la réception de cette information (à 6 h 42 min 25 s : « ta »).

156 Dès lors, il convient de considérer que les informations communiquées lors de la discussion du 19 juin 2012, au vu de leur nature commercialement sensible, de leur précision et de leur actualité, ne sauraient être considérées comme de simples informations générales sur le marché.

157 Troisièmement, il ressort de l’extrait de la discussion du 3 juillet 2012 que les traders se sont communiqué des informations sur les flux d’ordres de clients en ce qui concerne des paires de devises et un type de clients concernés (« rusky sells euros », « seeing few usdjpy sellers », « rusky sold cable »). Certes, les informations échangées ne renseignent pas les montants échangés ou des niveaux de change spécifiques. Toutefois, cette seule circonstance ne saurait conférer au reste des
informations échangées un caractère général. Or, la divulgation des informations relatives aux ordres, en l’occurrence de vente et d’achat, à une paire de devises concernée et au type de client doit être considérée comme étant de nature commercialement sensible. Par ailleurs, les requérantes n’avancent aucune explication de nature à infirmer l’utilité du partage de telles informations confidentielles sur le forum de discussion en cause autre que celle, retenue par la Commission dans la décision
attaquée, liée à l’avantage qu’auraient pu tirer les traders destinataires de celles-ci sur leurs stratégies de trading.

158 Dans ces circonstances, il convient d’approuver la conclusion de la Commission relative au caractère anticoncurrentiel de la discussion intervenue entre les traders le 3 juillet 2012.

159 Quatrièmement, il ressort de l’extrait de l’échange du 4 juillet 2012 que, à 8 h 46 min 30 s, un trader de Barclays a communiqué aux autres participants du forum de discussion en cause une information relative à ce qu’un type de client achetait des euros (« range guy buys eur ») et que, à 8 h 46 min 44 s, un trader d’UBS, quant à lui, a indiqué une information afférente à un achat de GBP/USD par un autre type de client (« desert buys cable »). Le trader de Credit Suisse les a remerciés pour
cette information dans les minutes qui ont suivi (« ta »). À 10 h 12 min 00 s, le trader de Barclays a demandé aux autres traders présents sur le forum de discussion en cause s’ils étaient au courant des ventes d’euros (« anyone seeing this eur selling »). À 10 h 25 min 39 s, ce même trader a indiqué qu’il était au courant d’un type de client qui vendait encore des euros. À 13 h 08 min 19 à 21 s, un trader d’UBS a communiqué une information sur un type de client qui vendait des livres sterling
contre des dollars des États-Unis (« models in selling on the toy here », « betty »), ce à quoi le trader de Barclays a répondu en indiquant qu’il confirmait avoir fait le même constat (« same »).

160 À cet égard, il convient de constater que, certes, les informations partagées ne portent pas sur les volumes ou encore sur les niveaux de change applicables à ces transactions. Toutefois, il n’en demeure pas moins que les informations de cette nature confidentielle ne sauraient, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, être considérées comme générales et anonymisées. En effet, elles renseignent les traders participant au forum de discussion en cause sur les activités de trading des
devises spécifiques engagées auprès de ces traders par des types de clients eux aussi spécifiques quant à leur nature informés ou non, et qui sont, en principe, connus des seuls traders impliqués dans de telles transactions.

161 Par ailleurs, la question posée par le trader de Barclays témoigne de l’utilité du partage de ces informations entre les traders participant au forum de discussion en cause aux fins de les avantager par rapport aux autres acteurs du marché qui n’ont pas eu accès à ces informations. Or, dans ces circonstances, comme l’a considéré la Commission, la mise à la disposition de ces informations aux traders pouvait donc permettre à ces derniers, professionnels du domaine, d’accroître leur niveau de
confiance quant à la direction potentielle du prix du marché des paires de devises discutées, leur permettant ainsi de prendre des décisions plus éclairées sur leurs stratégies de trading.

162 Partant, c’est à juste titre que la Commission a considéré que les discussions des 25 avril, 19 juin, 3 et 4 juillet 2012 portaient sur des informations commercialement sensibles de nature à contribuer au caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations qui avaient eu lieu sur le forum de discussion en cause.

– Conclusions sur les discussions spécifiquement contestées par les requérantes

163 Il résulte de tout ce qui précède que les arguments des requérantes relatifs à l’absence de caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations et à l’insuffisance des preuves contemporaines pour prouver ce caractère dans la mesure où ceux-ci ont été dirigés contre les discussions spécifiques visées par la première catégorie mentionnée au point 73 ci-dessus doivent être rejetés, à l’exception de ceux concernant l’échange d’informations du 9 mai 2012, dans la mesure où celui-ci, contrairement
à ce qu’a retenu la Commission dans la décision attaquée, ne peut pas corroborer le caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations reprochés à Credit Suisse. En ce qui concerne ce dernier échange, il conviendra ci-après de déterminer si cette erreur de la Commission est de nature à avoir une incidence sur le bien-fondé des conclusions caractérisant l’infraction reprochée à Credit Suisse et de l’amende infligée en conséquence.

iii) Sur le caractère anticoncurrentiel des discussions non spécifiquement contestées

164 Les requérantes contestent de façon générale le caractère anticoncurrentiel des discussions qu’elles ont classées dans les deuxième et troisième catégories mentionnées au point 73 ci-dessus. D’une part, elles font valoir que les discussions analysées aux considérants 126 à 129, 142, 147, 183, 185 à 195, 208, 210, 225 à 228, 234 à 238, 245 à 250, 258 à 275, 277 à 280, 282 à 285, 291 à 295 et 473 de la décision attaquée n’auraient pas permis de fournir des informations sur l’évolution attendue des
taux de change eu égard aux volumes concernés relativement faibles. D’autre part, les discussions analysées aux considérants 113 à 121, 184, 195, 204 à 207, 211 à 213 et 228 de la décision attaquée n’auraient pu avoir qu’une seule fin anticoncurrentielle, à savoir « devancer » le trader qui a divulgué l’information.

165 Tout d’abord, s’agissant des discussions figurant aux considérants 126 à 129, 142, 147 et 291 à 295 de la décision attaquée, relevant de la deuxième catégorie mentionnée au point 73 ci-dessus, et des discussions figurant aux considérants 113 à 121 de la décision attaquée, relevant de la troisième catégorie mentionnée au point 73 ci-dessus, elles ne relèvent pas des comportements anticoncurrentiels retenus par la Commission aux considérants 337 à 341 de ladite décision.

166 En effet, premièrement, la Commission a estimé, en substance, que les discussions figurant aux considérants 126 à 129 de la décision attaquée démontraient que les traders participant au forum de discussion en cause comprenaient et s’attendaient à ce que les informations qu’ils échangeaient seraient utilisées dans leur intérêt commun et non contre leurs intérêts respectifs. Deuxièmement, s’agissant de la discussion figurant au considérant 142 de la décision attaquée, la Commission a indiqué au
considérant 144 qu’elle montrait que les traders s’excusaient lorsqu’ils n’agissaient pas de la manière attendue. Troisièmement, selon la Commission, la discussion figurant au considérant 147 de la décision attaquée montrait que les informations étaient échangées par les traders sur le forum de discussion en cause pour guider leurs concurrents. Quatrièmement, les discussions figurant aux considérants 291 à 295 de la décision attaquée témoigneraient de cas occasionnels de coordination et non des
comportements anticoncurrentiels retenus par la Commission à l’encontre de Credit Suisse. Cinquièmement, selon la Commission, les discussions figurant aux considérants 113 à 121 de la décision attaquée démontraient, en substance, que les membres du forum de discussion en cause faisaient partie d’un cercle de confiance fermé.

167 Ensuite, s’agissant des discussions relevant de la deuxième catégorie mentionnée au point 73 ci-dessus et analysées aux considérants 183, 185 à 195, 208, 210, 225 à 228, 234 à 238, 245 à 250, 258 à 275, 277 à 280, 283 à 285 et 473 de la décision attaquée, dont le contenu n’est pas contesté par les requérantes, il en ressort que les traders participant au forum de discussion en cause ont échangé, de manière extensive et récurrente, des informations relatives aux opérations actuelles, y compris
récemment exécutées, ou prospectives, telles que les paires de devises spécifiques, les volumes, les directions, les conditions de trading et les types de clients concernés par ces opérations. À certaines reprises, ils ont sollicité des avis d’autres traders sur la façon de négocier ainsi que sur une devise ou une paire de devises en particulier, ont indiqué qu’une certaine opération de l’un des autres traders participants avait fait évoluer la valeur d’une devise spécifique déclenchant leurs
ordres « stop », ont partagé leurs avis sur la façon de négocier et ont communiqué le niveau auquel l’opération avait été exécutée.

168 De plus, les traders ont échangé les informations relatives aux positions de risque ouvertes « courtes » ou « longues », aux devises spécifiques concernées par ces positions et, à certaines reprises, à leurs intentions, voire leurs stratégies, à savoir qu’ils préféraient ne pas vendre une devise spécifique détenue en position « longue » et la détenir dans leur portefeuille, qu’ils n’allaient pas clôturer leurs positions « courtes » parce qu’ils s’attendaient à ce que la valeur d’une devise
spécifique se déprécie davantage et qu’ils n’allaient pas acheter une devise spécifique contre une autre jusqu’à la baisse d’un taux de change à un niveau spécifique.

169 S’agissant des discussions relevant de la troisième catégorie mentionnée au point 73 ci-dessus et figurant aux considérants 184, 195, 204 à 207, 211 à 213 et 228 de la décision attaquée, dont le contenu n’est pas contesté par les requérantes, il en ressort que les traders ont échangé, de manière extensive et récurrente, des informations commercialement sensibles, actuelles ou prospectives, relatives aux divers types d’ordres reçus de la part de leurs clients pour des paires de devises et des
taux de change spécifiques, aux volumes et au type de clients concernés.

170 Or, le contenu des discussions qui ont eu lieu entre les traders participant au forum de discussion en cause, dont inter alia celles citées aux points 167 et 169 ci-dessus, montre que ces derniers ont divulgué, spontanément ou sur demande, des informations commercialement sensibles qui pouvaient être utilisées par les autres traders pour mener leurs activités de trading ou définir leur stratégie de trading, en anticipant l’évolution des taux de change. Ainsi, les échanges de telles informations
ont accru la transparence entre les seuls participants à l’infraction litigieuse.

171 Il en résulte que, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, les échanges d’informations, notamment ceux relevant de la troisième catégorie mentionnée au point 73 ci-dessus, n’ont pas une unique fin anticoncurrentielle hypothétique qui consisterait à devancer le trader ayant partagé l’information en faisant évoluer le marché contre l’intérêt de ce dernier, mais réduisent l’incertitude qui existait sur le marché au profit des traders participants, au détriment de leurs clients et des
autres concurrents.

172 De plus, les requérantes ne sauraient être suivies lorsqu’elles affirment que le volume prétendument faible des opérations discutées dans le cadre de certains échanges n’aurait pas pu fournir d’informations sur l’évolution attendue des taux de change. Cet argument des requérantes s’oppose au constat effectué dans la décision attaquée, au demeurant non contesté par ces dernières, selon lequel les échanges d’informations retenus à l’encontre de Credit Suisse portaient sur des transactions dont les
volumes étaient importants.

173 En tout état de cause, retenir la pertinence du seul critère lié au volume des opérations discutées dans les échanges d’informations examinés dans la décision attaquée aux fins de l’appréciation du caractère anticoncurrentiel desdits échanges aurait pour conséquence d’omettre d’examiner les échanges de manière globale et d’exclure de manière injustifiée du champ de la violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE un grand nombre de ces échanges qui, compte tenu de leur nature, en substance,
confidentielle et stratégique, ne devraient pas avoir lieu.

174 Partant, le caractère anticoncurrentiel des discussions, dont l’interprétation est définitive et établie, sera pris en considération aux fins de l’examen des deuxième et troisième moyens, invoqués par les requérantes, liés à l’existence d’une « restriction par objet » et d’une infraction unique et continue, qui seront examinés ci-après.

175 Il convient de conclure que, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, par leurs contacts directs, approfondis et récurrents au moyen d’échanges fréquents sur le forum de discussion en cause qui portaient sur des informations commercialement sensibles, actuelles ou prospectives, telles que celles examinées aux points 81 à 106, 118 à 162 et 167 à 169 ci-dessus, les traders participants faisaient part de leur intention commune de coopérer sur le marché des opérations de change au comptant,
en substituant ainsi sciemment une coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence, de nature à influencer leur comportement sur le marché et à dévoiler le comportement que leurs concurrents, présents sur le forum de discussion en cause, envisageaient d’adopter. Au vu de la jurisprudence citée aux points 45 à 47 ci-dessus, la Commission a donc considéré, à juste titre, que ces échanges pouvaient être qualifiés d’accords et/ou de pratiques concertées anticoncurrentiels au sens de
l’article 101 TFUE.

176 Il convient par ailleurs de relever que la conclusion de la Commission selon laquelle les échanges d’informations pouvaient être qualifiés d’accords et/ou de pratiques concertées anticoncurrentiels au sens de l’article 101 TFUE demeure justifiée même en l’absence de prise en compte de la discussion du 9 mai 2012, analysée au considérant 276 de la décision attaquée et examinée aux points 107 à 117 ci-dessus. L’erreur d’appréciation commise par la Commission s’agissant de la nature des
informations échangées lors de cette discussion est donc sans incidence sur la décision attaquée.

177 Aucun des arguments des requérantes n’est de nature à infirmer la conclusion énoncée au point 175 ci-dessus.

178 À cet égard, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel l’absence de cas de coordination pendant la période de participation de Credit Suisse aux échanges d’informations sur le forum de discussion en cause écarterait la qualification de ces échanges d’accords et/ou de pratiques concertées au regard de la jurisprudence rappelée aux points 45 à 47 ci-dessus.

179 En ce qui concerne l’argument selon lequel les traders n’auraient pas agi dans un « cerclé fermé », les requérantes se fondent sur les « éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission ». Toutefois, à l’appui de cet argument, d’une part, les requérantes se réfèrent à une section inexistante de leur requête et, d’autre part, elles se bornent à un renvoi général auxdits éléments du dossier de la Commission. Or, à supposer même que ces éléments de preuve fassent partie du dossier
soumis au Tribunal, un tel renvoi général ne saurait pallier l’absence de preuves à l’appui de l’argumentation des requérantes, dans la mesure où il n’appartient pas au Tribunal d’aller rechercher dans l’ensemble des éléments du dossier ceux qui seraient de nature à corroborer cette même argumentation (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, EU:T:2006:267, point 209).

180 En outre, dans la mesure où les requérantes se limitent, au stade de la réplique, à indiquer que les exemples d’informations qui ont été partagées en dehors du forum de discussion en cause figurent dans l’annexe A.8, il convient de rappeler que leur renvoi général à ladite annexe ne permet pas, au sens de la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, d’indiquer avec précision les éléments de cette annexe qui étayent ou complètent leurs arguments. Dès lors, elle ne saurait être prise en compte au
soutien de l’argument avancé par les requérantes.

181 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Commission a considéré à juste titre que les échanges d’informations qu’elle avait analysés dans la décision attaquée permettaient de conclure à l’existence d’accords et/ou de pratiques concertées présentant un caractère anticoncurrentiel au sens de l’article 101 TFUE.

182 Dès lors, il y a lieu de rejeter les premier et deuxième griefs de la seconde branche du premier moyen.

2) Sur le troisième grief, tiré de l’erreur de droit commise par la Commission en concluant que l’explication légitime des échanges d’informations en cause fournie par Credit Suisse était sans pertinence

183 Dans le cadre de leur troisième grief, les requérantes font valoir, en substance, qu’elles ont donné des explications légitimes pour chacune des discussions citées dans la décision attaquée. Elles renvoient à cet égard aux points de la requête relatifs à la catégorisation des discussions en cause présentée au point 73 ci-dessus et soutiennent que les informations échangées sur le forum de discussion en cause étaient des « renseignements sur le marché ». Elles relèvent également que la grande
majorité des informations relatives aux ordres du trader de Credit Suisse n’ont pas été partagées sur le forum de discussion en cause, ce qui remettrait en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels la Commission s’appuie. La Commission n’aurait pas valablement examiné les explications légitimes fournies par les requérantes. En conséquence de cette erreur, la Commission aurait estimé à tort, au point 141 de la décision attaquée, que ce trader aurait dû se distancer de ce forum
de discussion.

184 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

185 Premièrement, l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’aurait pas examiné leurs explications légitimes pour chacun des échanges et aurait par conséquent estimé à tort que le trader de Credit Suisse aurait dû se distancer ne saurait prospérer. En effet, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a examiné, en particulier aux considérants 455 à 480, si les informations échangées lors des discussions en cause étaient des « renseignements sur le marché »,
c’est-à-dire des renseignements qui pouvaient légitiment être communiqués, comme le prétendaient les requérantes, et a estimé que tel n’était pas le cas.

186 En outre, il convient de rappeler que les arguments des requérantes tirés de sa catégorisation des discussions en cause et de ce que les informations échangées lors de certaines discussions en cause ne seraient que des « renseignements sur le marché » ont été examinés dans le cadre des premier et deuxième griefs aux points 75 à 182 ci-dessus et rejetés.

187 Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la grande majorité des informations relatives aux ordres du trader de Credit Suisse n’ont pas été partagées sur le forum de discussion en cause, il convient de relever, à l’instar de la Commission, qu’à partir du moment où des informations commercialement sensibles étaient régulièrement partagées sur ce forum est sans pertinence le fait que la plupart des informations relatives aux ordres de ce trader n’y ont pas été partagées.

188 Il résulte de tout ce qui précède que le troisième grief de la seconde branche du premier moyen doit être rejeté.

189 À titre supplémentaire, pour autant que les requérantes évoquent dans l’intitulé du présent moyen une insuffisance de motivation quant à la qualification des échanges d’informations en ligne d’accords et/ou de pratiques concertées anticoncurrentiels et à supposer même qu’une telle évocation, non étayée, puisse constituer un argument recevable au sens de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, il convient de constater que la Commission n’a commis aucune violation de l’obligation de
motivation au titre de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. En effet, il ressort de l’examen du présent moyen que les explications fournies dans la décision attaquée ont permis aux requérantes de comprendre le raisonnement de la Commission relatif à cette qualification et au Tribunal d’exercer son contrôle à cet égard, satisfaisant aux exigences de ladite disposition (voir, à cet égard, arrêt du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C‑210/21 P, EU:C:2023:908, point 105 et jurisprudence citée).

190 Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

2.   Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 101 TFUE et de l’insuffisance de motivation quant à la qualification des échanges d’informations en ligne de « restriction par objet »

191 Par leur deuxième moyen, les requérantes contestent la qualification des échanges d’informations de « restriction par objet ». Ce moyen est divisé en deux branches. La première branche est tirée de ce que la Commission ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait en vertu de l’article 101 TFUE de prouver que les échanges d’informations en ligne restreignaient la concurrence par objet. La seconde branche est tirée de ce que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que
l’explication légitime d’un comportement et les effets proconcurrentiels étaient sans pertinence en vertu de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

a)   Observations liminaires

192 Il y a lieu de considérer comme ayant un objet anticoncurrentiel un échange d’informations susceptible d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 122 et jurisprudence citée).

193 Il ressort ainsi de la jurisprudence que la fourniture d’informations commerciales sensibles, telles que les informations sur les prix, sur l’offre et la demande, y compris sur les prix futurs ou sur l’offre et la demande futures, permet de réduire l’incertitude quant au comportement des concurrents sur le marché, d’aboutir à des conditions de concurrence ne correspondant pas aux conditions normales du marché et, par conséquent, donne lieu à une pratique concertée ayant pour objet de restreindre
la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE [arrêt du 29 septembre 2021, Nippon Chemi-Con Corporation/Commission, T‑363/18, EU:T:2021:638, point 195 (non publié)].

194 Il convient de rappeler que, pour relever de l’interdiction de principe énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, une pratique collusoire doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser sensiblement le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 62].

195 Il en découle que cette disposition, telle qu’interprétée par la Cour, procède à une distinction nette entre la notion de « restriction par objet » et celle de « restriction par effet », chacune étant soumise à un régime probatoire différent [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 63].

196 Ainsi, s’agissant des pratiques qualifiées de « restrictions par objet », il n’y a pas lieu d’en rechercher ni a fortiori d’en démontrer les effets sur la concurrence en vue de les qualifier de « restriction de concurrence », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où l’expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des
consommateurs. Les concernant, seule est requise la démonstration qu’elles relèvent effectivement de la qualification de « restriction par objet », de simples allégations non étayées n’étant toutefois pas suffisantes à cet effet [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 64 et 65].

197 En revanche, lorsque l’objet anticoncurrentiel d’un accord, d’une décision d’association d’entreprises ou d’une pratique concertée n’est pas établi, il convient d’en examiner les effets afin de rapporter la preuve que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 66].

198 Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que la notion de « restriction par objet » doit être interprétée de manière stricte et ne peut être appliquée qu’à certaines pratiques collusoires entre entreprises révélant, en elles-mêmes et compte tenu des objectifs qu’elles visent ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel elles s’insèrent, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas
nécessaire, dès lors que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52,
points 67 et 68].

b)   Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de l’absence de preuve de l’existence d’une restriction par objet

199 Aux considérants 394 à 454 de la décision attaquée, la Commission a examiné si le comportement reproché à Credit Suisse présentait un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour pouvoir être considéré comme une restriction de la concurrence « par objet ». Elle a, au considérant 394 de la décision attaquée, rappelé qu’à cette fin il convenait, selon la jurisprudence, de tenir compte, notamment, de son contenu, de ses objectifs ainsi que du contexte économique et juridique dans
lequel il s’insérait.

200 Tout d’abord, en ce qui concerne le contenu de ce comportement, la Commission a relevé, dans la décision attaquée, que les traders participants se sont livrés à des échanges d’informations récurrents et étendus par lesquels ils se sont révélé des informations sensibles, actuelles ou prospectives, sur des aspects confidentiels de leur comportement sur le marché, telles que des informations sur les commandes en cours des clients, sur les positions de risque ouvertes, sur les écarts de cotation et
sur les activités de négociation en cours ou prévues (considérant 394 de la décision attaquée). Elle a en outre estimé que le flux d’informations échangées avait permis aux entreprises participantes d’avoir une image complète de ce que faisaient ou de ce que ne faisaient pas leurs concurrentes lorsqu’elles négociaient effectivement sur le marché et avait contribué à réduire l’incertitude entre les entreprises participantes en ce qui concerne le calendrier, l’étendue et les détails des
comportements envisagés sur le marché et l’orientation potentielle des taux de change concernés. La Commission en a conclu que ces échanges allaient au-delà d’échanges d’informations du domaine public et qu’ils n’étaient pas justifiés par l’objectif des traders de négocier entre eux en tant que contreparties (considérants 396 et 397 de la décision attaquée).

201 Ensuite, la Commission a estimé que, compte tenu de la nature, de la fréquence et du niveau de désagrégation des informations échangées sur le forum de discussion en cause, l’objectif des échanges était de réduire les incertitudes normales du marché pour les entreprises participantes sur le marché des opérations de change au comptant, afin de réduire les risques et de les conforter dans leurs décisions de fixation des prix. Ainsi, selon la Commission, les échanges continus d’informations
commercialement sensibles ont donné aux entreprises participantes la possibilité de se soustraire à la concurrence par les mérites en ce qui concerne les paramètres clés de la concurrence (prix et gestion des risques). En outre, ce flux constant d’échanges d’informations au sein du forum de discussion en cause aurait entraîné une asymétrie d’information entre les entreprises participantes et leurs concurrents non participants, au profit des premières (considérants 398 à 401 de la décision
attaquée).

202 Enfin, s’agissant du contexte économique et juridique, la Commission a relevé, dans la décision attaquée, la nature dynamique et liquide du marché des opérations de change au comptant. Elle a estimé que, en raison de ce contexte, les échanges très fréquents et détaillés d’informations commercialement sensibles qui avaient lieu alors que les entreprises participantes étaient actives sur le marché contribuaient directement à accroître la transparence et à réduire l’incertitude inhérente à un
scénario concurrentiel (considérants 402 et 403 de la décision attaquée).

203 La Commission en a conclu que l’appréciation globale des échanges d’informations en cause, à la lumière des objectifs objectivement poursuivis et du contexte économique et juridique dans lequel ce comportement s’était produit, révélait un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour estimer que les échanges d’informations commercialement sensibles, actuelles ou prospectives pouvaient être considérés comme restrictifs de la concurrence par objet au sens de l’article 101 TFUE en ce
qui concerne les opérations de change au comptant de devises G10 (considérants 404 et 405 de la décision attaquée).

204 Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d’avoir erronément considéré que les échanges d’informations en cause présentaient une nocivité suffisante à l’égard de la concurrence pour relever de ladite qualification. À l’appui de cette branche, elles invoquent, en substance, quatre griefs. Par un premier grief, elles soutiennent que les allégations de la Commission selon lesquelles les échanges d’informations en cause avaient
pour objet de restreindre la concurrence sont fondées sur des hypothèses factuelles inexactes qu’elle n’a pas vérifiées. Par un deuxième grief, elles font valoir que ces allégations ne sont pas plausibles au regard du contexte du marché concerné. Par un troisième grief, elles soutiennent que la Commission a commis une erreur d’appréciation en se fondant sans esprit critique sur la qualification juridique du comportement présentée dans les preuves fournies pour obtenir la clémence et les
propositions de transaction. Par un quatrième grief, elles font valoir que la Commission ne peut pas s’appuyer sur son expérience en matière d’échanges d’informations dans d’autres contextes de marché ou dans d’autres affaires financières pour alléger la charge de la preuve qui lui incombe, à savoir établir que les échanges d’informations sur le forum de discussion en cause ont restreint la concurrence par objet.

205 Il convient d’analyser le deuxième grief en premier.

1) Sur le deuxième grief, tiré des erreurs commises par la Commission dans son appréciation du contexte du marché concerné

206 Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a apprécié de manière erronée le contexte factuel et juridique du marché des changes au comptant, voire qu’elle s’est abstenue de le prendre en compte pour l’appréciation de l’objet du comportement reproché à Credit Suisse. Elles soutiennent que la Commission n’a pas correctement apprécié ou n’a pas tenu compte des éléments dudit marché relatifs (i) à sa transparence, (ii) à sa structure et (iii) au rôle des traders qui y opèrent.

207 La Commission conteste les arguments des requérantes.

i) Sur la transparence du marché des changes au comptant

208 La première critique, avancée par les requérantes, concerne le caractère transparent du marché en cause. Selon elles, au cours de la période de l’infraction alléguée, le marché des changes au comptant était caractérisé par une transparence limitée. Les requérantes ne contestent pas que les plateformes électroniques aient considérablement accru la transparence du marché. Elles qualifient néanmoins le marché des changes de relativement opaque. En effet selon les requérantes, les transactions ont
lieu sur de nombreuses plateformes et il n’existe pas de système centralisé de déclaration en temps réel des transactions sur le marché des changes au comptant.

209 La Commission conteste les arguments des requérantes. Elle fait valoir, en se référant en particulier aux considérants 12 à 16 de la décision attaquée, que, eu égard au développement des systèmes de négociation électroniques sur écran, qui ont rendu les prix (y compris les meilleurs prix acheteurs et vendeurs disponibles) en temps réel et les volumes négociés correspondants accessibles sur les plateformes électroniques à la quasi-totalité des acteurs du marché et qui sont constamment mis à jour,
le marché des changes au comptant devait être considéré comme étant transparent à l’époque des faits allégués.

210 Ainsi que l’a relevé la Commission dans son mémoire en défense, il ressort des considérants 7, 14, 53 et 402 de la décision attaquée que, dans son examen du contexte économique dans lequel les échanges d’informations sur le forum de discussion en cause s’inscrivaient, la Commission a considéré que le marché des opérations de change au comptant était un vaste marché de nature transparente, dynamique et très liquide. C’est à la lumière de ces facteurs, propres au marché des opérations de change au
comptant, que la Commission a conclu, aux considérants 404 et 405 de la décision attaquée, que les échanges d’informations constituaient des restrictions de la concurrence par objet.

211 À cet égard, il convient de relever que, selon les éléments du dossier, la transparence du marché en cause est définie en tant que capacité des acteurs de ce marché à obtenir des informations sur le processus de négociation, par exemple le prix, le volume de l’ordre, le volume des transactions, le risque et l’identité du trader. Elle concerne les informations disponibles au stade de la pré-négociation tout comme celles disponibles au stade de la post-négociation et dépend essentiellement de la
volonté des participants et de la capacité de la Bourse d’afficher publiquement les ordres d’achat et de vente.

212 Ainsi, d’après les éléments du dossier, il y a lieu de distinguer, sur le marché des changes au comptant au niveau « interdealer » (voir point 24 ci-dessus), marqué par sa structure hybride, deux canaux commerciaux, à savoir un canal direct (bilatéral) et le canal des courtiers, sachant que la transparence diffère selon le canal commercial utilisé. Plus particulièrement, dans le cadre d’un canal commercial direct (bilatéral), comme en l’espèce, le trading n’est pas anonymisé et le prix ainsi que
le volume des transactions sont tenus secrets par les parties à la transaction.

213 Certes, le développement des systèmes de négociation électroniques sur écran a considérablement augmenté la transparence sur le marché en cause à l’époque des faits. Toutefois, la conclusion sur son caractère transparent figurant au considérant 14 de la décision attaquée ne saurait, contrairement à ce qu’affirme la Commission, être fondée, à suffisance de droit, sur le seul fait que les prix et les volumes seraient disponibles sur les plateformes électroniques.

214 En effet, dans ses écritures devant le Tribunal et lors de l’audience, la Commission a elle-même admis que d’autres conditions que celles afférentes à un prix en temps réel et aux volumes de négociation correspondants n’étaient pas accessibles à l’ensemble des participants du marché. Plus particulièrement, elle a précisé que, compte tenu du manque d’accès aux informations détenues par d’autres traders, un certain degré d’incertitude subsistait sur le marché en ce qui concerne les activités, les
positions, les intérêts et les intentions lors des négociations des clients finaux et des traders concurrents.

215 Or, les informations, auxquelles se réfère la Commission dans ses écritures et lors de l’audience pour conclure à l’existence d’un certain degré d’incertitude sur le marché, sont précisément celles dont l’absence de détention par les traders permet de définir le caractère transparent ou non du marché des changes au comptant au sens des critères rappelés aux points 211 et 212 ci-dessus.

216 Plus généralement, dans la mesure où les parties s’accordent sur le fait que le marché des changes au comptant est fondamentalement asymétrique et sur l’importance du rôle de l’information sur ledit marché, la Commission ne saurait valablement faire valoir que le marché des changes au comptant, à l’époque des faits, devait être considéré comme transparent. En effet, sur un marché transparent, les informations sont immédiatement (et gratuitement) accessibles à l’ensemble des acteurs du marché, ce
qui, ainsi que l’admet la Commission, n’est pas le cas sur le marché des changes au comptant eu égard à la présence de plusieurs types d’informations.

217 Partant, il convient de considérer que la Commission a commis une erreur d’appréciation en estimant, au considérant 14 de la décision attaquée, que le marché des changes au comptant était transparent à l’époque des faits. Il conviendra donc d’analyser si cette appréciation pourrait avoir une incidence, comme l’affirment les requérantes, sur la qualification des échanges d’informations en cause de « restriction par objet » dès lors que la transparence de ce marché est un des facteurs dont la
Commission a tenu compte pour arriver à une telle qualification aux considérants 404 et 405 de la décision attaquée (voir point 210 ci-dessus).

ii) Sur la structure du marché en cause

218 La deuxième critique des requérantes est tirée de ce que la Commission n’a pas correctement apprécié la structure du marché en cause, telle qu’elle serait caractérisée par sa concentration. Elles estiment, en substance, que, dans un marché si fragmenté sur lequel les traders en cause détenaient des parts de marché minimes, il aurait été douteux que ces traders puissent créer une asymétrie de l’information significative au détriment des autres acteurs du marché. Ces parts de marché minimes
jetteraient donc le doute sur l’objet prétendument anticoncurrentiel des échanges d’informations en cause. Elles reprochent, in fine, à la Commission l’absence d’explication de la raison pour laquelle les parts de marché n’étaient pas pertinentes dans la présente affaire.

219 La Commission conteste cette critique des requérantes.

220 À cet égard, s’il est vrai que la structure du marché, telle qu’elle est caractérisée par le degré de sa concentration, constitue un facteur pertinent pour apprécier si l’échange d’informations restreint la concurrence « par objet » (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 34), le seul principe général retenu concernant la structure du marché est que l’offre ne doit pas avoir un caractère atomisé (arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen
Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 86).

221 Toutefois, si la Cour a initialement pu prendre en considération le caractère oligopolistique ou atomisé du marché sur lequel des échanges d’informations commercialement sensibles étaient intervenus, il ressort, en particulier, de l’arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission (C‑286/13 P, EU:C:2015:184), que le juge de l’Union européenne a pu reconnaître l’objet anticoncurrentiel de tels échanges, même en l’absence de concentration oligopolistique du marché (voir arrêt
du 14 mars 2013, Dole Food et Dole Germany/Commission, T‑588/08, EU:T:2013:130, point 341 et jurisprudence citée).

222 Cela étant, force est de constater que, compte tenu du fait que le droit de la concurrence vise les activités des entreprises (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 59), les requérantes ne sauraient toutefois être suivies lorsqu’elles se prévalent, ainsi qu’elles l’ont confirmé lors de l’audience, du caractère atomisé du marché des changes au comptant sur la base des parts de marché
des traders qui étaient employés par les banques impliquées dans l’infraction litigieuse. En tout état de cause, ainsi qu’il ressort des éléments du dossier, elles sont restées en défaut de démontrer les parts de marché desdites banques pour l’activité du « trading vocal », à laquelle est limitée l’analyse des échanges d’informations en cause (voir point 16 ci-dessus).

223 Il convient encore de relever que, aux considérants 28 et suivants et 402 de la décision attaquée, sans pour autant se prononcer sur le degré de sa concentration au regard des parts de marché des participants à l’infraction litigieuse, la Commission a pris en considération la structure et les spécificités du marché en cause telles qu’elles étaient caractérisées par le rôle des teneurs de marché qui participaient aux échanges d’informations en ligne. Or, le rôle des teneurs de marché sur ledit
marché, non contesté par les requérantes, implique des engagements financiers importants qui ne pourraient pas être supportés par un grand nombre de participants, excluant ainsi l’hypothèse défendue par ces dernières selon laquelle le marché des changes au comptant aurait été doté d’un caractère atomisé.

224 Au demeurant, le Tribunal a déjà estimé, confirmé sur ce point par la Cour, que les échanges d’informations revêtent un caractère d’autant plus sensible sous l’angle de la concurrence lorsqu’ils se déroulent entre des traders agissant en tant que teneurs de marché, compte tenu de l’importance qu’ils jouent sur le marché, et plus particulièrement du fait qu’ils y interviennent de manière générale et continue et donc concluent un nombre plus important de transactions que les autres acteurs du
marché (arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission, T‑105/17, EU:T:2019:675, point 145, confirmé sur ce point par l’arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 195). Dès lors, sous l’angle du respect de la concurrence sur le marché, il serait d’autant plus fondamental qu’ils déterminent leurs stratégies et plus particulièrement les prix de manière autonome.

225 Partant, il y a lieu de rejeter la critique formulée par les requérantes, tirée de l’absence de prise en compte par la Commission de la structure du marché telle qu’elle aurait été caractérisée par sa concentration atomisée.

iii) Sur le double rôle des traders

226 La troisième critique des requérantes porte sur l’absence de prise en compte par la Commission, lors de l’appréciation du contexte économique et juridique en cause, de la caractéristique du marché des changes au comptant selon laquelle les traders interagiraient à tout moment en double rôle de concurrent et de contrepartie. Selon les requérantes, s’il est exact que la réduction de l’incertitude résultant de l’échange d’informations peut effectivement servir de critère absolu pour une infraction
« par objet » sur des marchés où toute divulgation d’informations commercialement sensibles entre des concurrents crée des conditions qui ne correspondent pas aux conditions normales du marché, elle ne peut pas servir de critère absolu lorsque les conditions normales du marché imposent l’échange régulier d’informations commercialement sensibles entre des participants qui agissent à la fois verticalement et horizontalement.

227 La Commission conteste cette critique des requérantes.

228 À cet égard, il est vrai que, sur le marché des changes au comptant, de manière générale, les traders agissent à la fois en tant que contreparties en concluant des transactions entre eux et en tant que concurrents à l’égard des clients potentiels. En réponse à une mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal, les requérantes ont indiqué, en substance, que s’il est difficile d’établir une distinction formelle entre les deux rôles, un moment clair où deux traders sont en
concurrence est celui où ils cherchent à conclure une transaction avec un même client au même moment.

229 Toutefois, outre le fait que le double rôle des traders, allégué par les requérantes, ne se présente pas pour une même opération mais au regard de deux opérations distinctes, la délimitation du champ d’appréciation de la légalité des échanges d’informations telle qu’elle ressort des considérants 158 et 467 de la décision attaquée, qui exclut les échanges qu’ont eus les traders dans le cours normal des affaires lorsqu’ils examinaient les possibilités de négocier entre eux, s’oppose, en principe,
à la critique des requérantes rappelée au point 226 ci-dessus.

230 Dès lors, il y a lieu de rejeter comme non fondée la critique des requérantes relative à l’absence de prise en compte par la Commission de la caractéristique du marché des changes au comptant concernant le double rôle des traders.

231 Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième grief est fondé en ce qu’il est tiré de l’erreur que la Commission a commise en estimant, au considérant 14 de la décision attaquée, que le marché des changes au comptant était transparent à l’époque des faits et doit être rejeté pour le surplus. Il conviendra d’analyser, dans le cadre du premier grief, si cette appréciation pourrait avoir une incidence, comme l’affirment les requérantes, sur la qualification des échanges d’informations en cause
de « restriction par objet »

2) Sur le premier grief, tiré de ce que la conclusion de la Commission selon laquelle les échanges d’informations en cause avaient pour objet de restreindre la concurrence serait fondée sur des hypothèses factuelles inexactes non vérifiées

232 Les requérantes soutiennent que la Commission ne s’est pas acquittée de son obligation de démontrer qu’il était possible de déduire du type d’informations échangées et des caractéristiques du marché en cause que l’objet des échanges sur le forum de discussion en cause était anticoncurrentiel.Elles estiment que la Commission n’a pas démontré que les échanges d’informations ont permis de conforter les traders dans leurs décisions quotidiennes de fixation des prix et de gestion experte des risques.
Elles avancent que la Commission n’a pas non plus démontré son hypothèse selon laquelle le comportement des traders participants avait pour objet de créer une asymétrie de l’information importante vis-à-vis du reste du marché. Or, sur le marché des changes au comptant, les traders seraient encouragés à partager des informations afin d’être guidés dans leur activité de négociation et à les transmettre à leurs clients. En tout état de cause, la grande majorité des informations relatives aux ordres
du trader de Credit Suisse n’auraient pas été partagées sur le forum de discussion en cause.

233 Les requérantes font également valoir que les discussions citées dans la décision attaquée, selon lesquelles les informations échangées auraient permis aux traders participant au forum de discussion en cause d’attendre avant d’absorber une position courte, seraient en contradiction avec le fait que les teneurs de marché devaient, selon les termes de la décision attaquée, « se tenir prêts à négocier avec toute personne ayant besoin de devises à tout moment ». Elles estiment que la plupart, voire
la totalité, des discussions relatives aux écarts de cotation, citées dans la décision attaquée, ne concernent aucune indication sur une éventuelle conclusion des accords sur les écarts et ont eu lieu dans l’abstrait, voire après qu’une cotation des écarts a été déjà fournie.

234 Afin de répondre à l’argumentation des requérantes, il convient d’analyser si les différents types d’échanges d’informations visés par la décision attaquée présentaient un degré de nocivité suffisant pour justifier leur qualification de « restriction par objet ».

i) Sur les échanges d’informations relatifs aux écarts de cotation (« bid-ask spreads »)

235 S’agissant des échanges d’informations relatifs aux écarts de cotation (« bid-ask spreads »), dont l’interprétation a été faite aux considérants 245 à 251 de la décision attaquée, la Commission a justifié, aux considérants 394 à 404 de ladite décision, la qualification de « restriction par objet » au motif que ceux-ci ont contribué à supprimer les incertitudes inhérentes au marché en cause en ce qui concerne les prix, en accroissant ainsi la transparence sur les écarts de cotation supérieurs que
ces traders pourraient proposer. Ainsi, de tels échanges ont pu influencer les prix proposés par ces mêmes traders aux clients, en réduisant le risque lié aux échanges de devises à leur propre avantage.

236 À cet égard, il convient de relever que, sans pour autant que les requérantes ne le contestent, les écarts de cotation constituent une composante du prix final payé par les clients, dans la mesure où ils sont appliqués sur la valeur médiane entre le cours acheteur et le cours vendeur pour un échange d’une paire de devises spécifique et dont dépend la compensation que reçoit le trader pour l’immédiateté du service fourni ainsi que pour le risque qu’il supporte par la suite en ayant une devise
donnée dans son portefeuille (voir point 20 ci-dessus et considérants 48 et 239 de la décision attaquée). Or, sur le marché des changes au comptant, la capacité des banques à évaluer leurs risques liés à la fixation des prix constitue l’un des paramètres essentiels de la concurrence, ce que les requérantes ne contestent pas davantage.

237 Ainsi, les échanges d’informations, en l’occurrence sur une composante du prix, non publiques et précises doivent être considérés comme permettant de réduire les incertitudes normales inhérentes au marché en cause en ce qui concerne la fixation du prix sur ce marché, de créer une asymétrie d’informations au profit des seuls traders participant au forum de discussion en cause et, partant, présentent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence. Or, un tel constat est suffisant à
reconnaître que ces échanges emportaient une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 204).

238 Aucun des arguments des requérantes ne permet d’infirmer la conclusion qui précède.

239 D’emblée, il convient de rejeter les arguments des requérantes selon lesquels, en substance, les échanges d’informations sur les écarts de cotation ne constituent pas une « restriction par objet » compte tenu de l’absence d’indication sur une éventuelle conclusion d’accords sur ces écarts. Certes, il ne ressort pas des échanges d’informations relatives aux écarts de cotation qui ont eu lieu sur le forum de discussion en cause que les traders se sont mis d’accord pour appliquer de manière
concertée un certain niveau d’écarts à une paire de devises en particulier. Cela n’empêche toutefois que, en communiquant à leurs concurrents des informations confidentielles et stratégiques relatives au niveau approprié des écarts de cotation pour une paire de devises spécifique ou ceux qu’ils venaient d’appliquer, les traders participant au forum de discussion en cause ont dévoilé des comportements qu’ils étaient susceptibles d’adopter sur le marché, réduisant ainsi l’incertitude dans l’esprit
de ceux qui avaient participé aux échanges d’informations, au sens de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus.

240 Ensuite, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, en substance, compte tenu de la fixation du prix final proposé aux clients par les employés du bureau de vente d’une banque, il n’aurait pas été logique, du point de vue des traders qui seraient des acteurs rationnels, d’adopter le comportement consistant à coter l’écart le plus large possible, il convient de constater que des éléments relatifs à la volonté des traders de restreindre la concurrence ou à leur intérêt économique de le
faire sont normalement d’une importance limitée pour la qualification du comportement de « restriction par objet » (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 335).

241 Il ressort de ce qui précède que la Commission a estimé, à juste titre, que les échanges d’informations relatifs aux écarts de cotation qui ont eu lieu sur le forum de discussion en cause contribuaient à la qualification des comportements en cause, dans leur ensemble, de « restriction par objet ».

ii) Sur les échanges d’informations relatifs aux ordres des clients

242 S’agissant des échanges d’informations relatifs aux ordres des clients, à savoir les ordres « conditionnels » (considérants 183 à 195 de la décision attaquée), les ordres à exécuter au « fixing » (considérants 206 à 213 de la décision attaquée) et les ordres « immédiats » (considérants 223 à 228 de la décision attaquée), la Commission a justifié, aux considérants 394 à 404, lus conjointement avec les considérants 171 à 173 de la décision attaquée, leur qualification de « restriction par objet »
au motif que, eu égard à leur nature, à leur fréquence et à leur niveau de désagrégation, ceux-ci avaient supprimé des incertitudes relatives au marché des changes au comptant et accru la transparence sur les stratégies de trading des traders participant au forum de discussion en cause, dans la mesure où le partage de l’information relative à la direction du marché ou les niveaux auxquels le marché montrait sa résistance pourraient permettre à un trader de mieux se positionner afin d’en profiter
ou d’éviter une perte. Ainsi, ces échanges auraient informé les traders, notamment, des tendances des prix en réduisant des incertitudes quant aux risques inhérents à leur fixation (par exemple, en entraînant une baisse des pertes attendues) alors que le prix constitue l’un des paramètres de la concurrence sur le marché des changes au comptant que les banques participantes auraient dû déterminer d’une manière autonome.

243 À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il résulte des éléments du dossier, que les informations relatives aux ordres des clients constituent des informations non publiques, connues des seules parties à la transaction, à savoir le trader et le client, et constituent des informations importantes aux fins de permettre au trader ayant conclu la transaction de former sa propre opinion sur les mouvements de taux de change ou de déterminer sa stratégie commerciale. Or, l’échange de telles
informations a la capacité de réduire les incertitudes inhérentes au marché en cause, en permettant aux teneurs de marché de ne pas déterminer de manière autonome, d’une part, leur stratégie relative aux paires de devises spécifiques sur lesquelles ils disposent d’informations confidentielles et détaillées et, d’autre part, leur comportement sur le marché, leur permettant ainsi de profiter ou d’éviter des pertes qui peuvent résulter des développements sur le marché.

244 Partant, les échanges d’informations susmentionnés doivent être considérés, au sens de la jurisprudence citée au point 237 ci-dessus, comme présentant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiés de « restriction par objet ».

245 Une telle conclusion ne saurait être infirmée par l’allégation des requérantes selon laquelle il y a une contradiction en ce qui concerne la conclusion tirée de l’échange figurant au considérant 193 de la décision attaquée, à savoir que les informations échangées auraient permis aux traders participants d’attendre avant d’absorber une position courte dans leur portefeuille (afin de maximiser leurs chances de réaliser un bénéfice), avec celle figurant au considérant 21 de ladite décision, à
savoir que les teneurs de marché devaient « se tenir prêts à négocier avec toute personne ayant besoin de devises à tout moment ». En effet, dans la mesure où l’objectif des traders est de réaliser un bénéfice et de limiter leurs pertes, il serait peu logique que les traders agissent à l’encontre de leurs propres intérêts commerciaux au seul motif que, en principe, ils doivent se tenir prêts à négocier à tout moment. Il ne saurait donc en être déduit que les traders prenaient des positions
uniquement sur la base des ordres entrants des clients afin d’écarter la qualification des échanges d’informations portant sur les ordres des clients de « restriction par objet ».

246 Il ressort de ce qui précède que la Commission a estimé, à juste titre, que les échanges d’informations relatifs aux ordres des clients mentionnés au point 242 ci-dessus contribuaient à la qualification des comportements en cause, dans leur ensemble, de « restriction par objet ».

iii) Sur les échanges d’informations relatifs aux positions de risque ouvertes

247 S’agissant des échanges d’informations afférents aux positions de risque ouvertes, dont l’interprétation de la Commission est présentée aux considérants 234 à 238 de la décision attaquée, la Commission a justifié, aux considérants 394 à 404 de cette décision, leur qualification de « restriction par objet » au motif que leur partage avait permis aux traders d’avoir une plus grande certitude sur les intentions commerciales respectives en ce qui concerne leur comportement de couverture (« hedging
conduct ») potentiel et avait donc éliminé une incertitude quant à l’évolution potentielle de taux de change spécifiques, en conférant ainsi aux traders participants un avantage par rapport aux autres acteurs du marché et en les aidant dans la gestion experte de leurs risques sur laquelle ils sont en concurrence.

248 À cet égard, en l’absence d’arguments concrets avancés par les requérantes à l’encontre de la qualification des échanges d’informations relatives aux positions de risque ouvertes de « restriction par objet », il suffit de constater, à l’instar de la décision attaquée, que l’échange de ces informations, en précisant une devise spécifique et la stratégie consistant à s’abstenir de clôturer la position ou d’attendre avant de la clôturer, doit être considéré comme ayant la capacité de supprimer des
incertitudes inhérentes au fonctionnement du marché des changes au comptant.

249 Il s’ensuit que de tels échanges d’informations, qui s’opposent par principe à l’exigence d’autonomie inhérente à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, présentent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiés de « restriction par objet » au sens de la jurisprudence citée au point 237 ci-dessus.

250 Il ressort de ce qui précède que la Commission a estimé, à juste titre, que les échanges d’informations relatifs aux positions de risque ouvertes contribuaient à la qualification des comportements en cause, dans leur ensemble, de « restriction par objet ».

iv) Sur les échanges d’informations relatifs aux activités de trading actuelles ou prospectives

251 S’agissant des échanges d’informations relatifs aux activités de trading actuelles ou prospectives, dont l’interprétation par la Commission est exposée aux considérants 258 à 285 de la décision attaquée, la Commission a justifié, aux considérants 394 à 404 de cette décision, la qualification de « restriction par objet » au motif que ceux-ci avaient supprimé certaines incertitudes inhérentes au marché des changes au comptant et accru le niveau de transparence de ce marché en fournissant aux
participants du forum de discussion en cause un aperçu sur les comportements actuels de leurs concurrents, engendrant une asymétrie d’information entre les traders participant au forum de discussion en cause et les autres acteurs du marché. Ainsi, les premiers auraient été confortés quant à l’évaluation de leurs risques liée à l’élaboration de leurs propres stratégies de trading et notamment celles liées aux prix.

252 À cet égard, il convient de constater que le partage des informations relatives aux détails des opérations effectuées par les traders et le partage de conseils ou d’avis sur la façon de négocier comme ceux en cause permettent aux traders participant au forum de discussion en cause, d’une part, d’acquérir des connaissances spécifiques pour mieux anticiper le mouvement du marché et, d’autre part, d’adapter leurs stratégies de trading en conséquence.

253 Or, de tels échanges d’informations contredisent de manière flagrante l’exigence d’autonomie qui doit caractériser le comportement des teneurs de marché sur le marché en cause dans un système de concurrence efficace. En effet, ces échanges suppriment les incertitudes dans leur esprit quant aux paramètres essentiels de la concurrence sur ledit marché, à savoir le prix et la gestion experte des risques. Ainsi, ces échanges ont pu accroître la transparence sur le marché des changes au comptant à
l’avantage des traders participant au forum de discussion en cause, au détriment des autres acteurs du marché. En conséquence, ils présentent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiés de « restriction par objet » au sens de la jurisprudence citée au point 237 ci-dessus.

254 Il résulte de ce qui précède que les échanges d’informations afférents aux écarts de cotation, aux ordres des clients, aux positions de risque ouvertes et aux activités de trading actuelles ou prospectives, analysés dans la décision attaquée, présentent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence. Dès lors, la Commission les a qualifiés, à juste titre, de « restriction par objet ».

255 Contrairement à ce que font valoir les requérantes, la circonstance selon laquelle le trader de Credit Suisse n’a pas partagé la grande majorité des informations relatives à ses offres est sans pertinence sur la nocivité du comportement reproché à cette banque. À cet égard, il suffit de constater que l’appréciation du degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence d’un comportement ne repose sur aucun seuil quantitatif légal d’informations partagées avec les concurrents.

256 Dans ces circonstances, en dépit de l’erreur d’appréciation de la Commission sur le caractère transparent du marché des changes au comptant, il y a lieu de rejeter les arguments des requérantes visant à infirmer la qualification des échanges d’informations en cause de « restriction par objet ».

257 Il résulte de tout ce qui précède que le premier grief doit être rejeté.

3) Sur le troisième grief, tiré des erreurs commises par la Commission en se fondant sur la qualification juridique des échanges d’informations en cause présentée dans les preuves fournies pour obtenir la clémence et les propositions de transaction

258 Aux considérants 394 à 404 de la décision attaquée, lus conjointement avec les considérants 170 à 285, au soutien du constat de l’existence d’une restriction de concurrence « par objet », la Commission s’est fondée sur les éléments de preuve contemporains mis à sa disposition par d’autres banques impliquées dans l’infraction litigieuse, à savoir de nombreuses transcriptions des échanges d’informations qui ont eu lieu sur le forum de discussion en cause, en s’appuyant à certaines reprises,
concernant leur portée, sur les déclarations effectuées par ces banques, notamment dans le cadre des demandes de clémence.

259 Les requérantes reprochent à la Commission de s’être fondée « sans esprit critique » sur les déclarations de clémence et les propositions de transaction. En ce qui concerne ces déclarations, elles font valoir leur faible valeur probante, leur caractère provisoire et leur absence de fondement, en précisant que toutes les parties ayant transigé ont exprimé leurs doutes quant à la compréhension par la Commission du marché en cause et de l’objectif du comportement litigieux. Les requérantes
concluent que la Commission s’est fondée sur les déclarations de clémence lorsque celles-ci corroboraient son interprétation des faits.

260 La Commission conteste les arguments des requérantes.

261 À titre liminaire, il y a lieu de relever que si, dans le cadre de la présente argumentation, les requérantes citent des passages issus des demandes de clémence et des propositions de transaction, ainsi qu’elles l’ont confirmé lors de l’audience, elles n’avancent aucune contestation concrète relative au fait que la Commission se serait fondée sur les propositions de transaction.

262 Cela étant, dans la mesure où les parties s’opposent sur la valeur probante des déclarations de clémence et leur prise en compte par la Commission en tant qu’éléments de preuve de nature à corroborer l’existence de l’infraction reprochée à Credit Suisse, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises
incriminées. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 101 et 102 TFUE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité FUE (voir arrêt du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T‑54/14, EU:T:2016:455, point 96 et jurisprudence citée).

263 En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en
principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables, à moins qu’elles ne soient pas corroborées par d’autres éléments (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T‑54/14, EU:T:2016:455, points 98 à 100 et jurisprudence citée).

264 Par ailleurs, lorsque la Commission se fonde, dans le cadre de l’établissement d’une infraction au droit de la concurrence, sur des éléments de preuve documentaires, il incombe aux entreprises concernées de ne pas simplement présenter une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 181
et jurisprudence citée).

265 À cet égard, il importe de relever que, dans le cadre de leur argumentation, d’une part, les requérantes ne contestent pas l’authenticité des déclarations effectuées dans le cadre des demandes de clémence et, d’autre part, elles ne démontrent pas qu’il existait des circonstances particulières de nature à indiquer que les demanderesses de clémence n’avaient pas pris la résolution de dire la vérité au sens de la jurisprudence citée au point 263 ci-dessus.

266 S’agissant, plus particulièrement, des passages des déclarations de clémence que la Commission n’aurait pas pris en compte alors que ceux-ci iraient à l’encontre de son interprétation des faits, les requérantes se réfèrent aux documents produits par deux autres banques impliquées dans l’infraction litigieuse. Il résulte de leurs citations que ces banques visaient, en substance, soit à prévenir la Commission des répercussions alléguées sur le fonctionnement du marché des changes au comptant
qu’aurait la qualification des échanges d’informations qui ont eu lieu sur le forum de discussion en cause de « restriction par objet », soit à faire valoir le caractère « légitime », voire « proconcurrentiel », de ces échanges.

267 Or, force est de constater que les allégations précitées, sur lesquelles s’appuient les requérantes, visent, en substance, à « justifier » les échanges d’informations en cause par leur caractère prétendument « légitime », voire « proconcurrentiel », sans pour autant fournir d’éléments permettant de douter de leur capacité intrinsèque d’affecter la concurrence sur le marché en cause, que la Commission se serait prétendument abstenue de prendre en compte.

268 Bien au contraire, il résulte des passages des déclarations de clémence mentionnés au point 261 ci-dessus ainsi que d’autres cités dans la décision attaquée, dont l’exactitude matérielle n’est pas contestée par les requérantes, que les demanderesses de clémence auraient reconnu que les échanges d’informations qui ont eu lieu sur le forum de discussion en cause étaient de nature à accroître la transparence sur le marché en cause et, de ce fait, à conférer un avantage aux participants de ce forum
au détriment des autres acteurs du marché.

269 Dans ces circonstances, il convient de considérer que les déclarations de clémence qui, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, corroboraient les preuves contemporaines mises à la disposition de la Commission par d’autres banques constituent des éléments de preuve particulièrement fiables au sens de la jurisprudence citée au point 263 ci-dessus, que la Commission pouvait valablement prendre en compte en tant que contexte factuel lui permettant d’examiner l’objet des échanges litigieux.

270 En outre, ainsi qu’il résulte de la décision attaquée, la Commission a eu recours aux déclarations de clémence en cause afin de confirmer ses propres appréciations fondées sur les preuves documentaires dont elle disposait. Dès lors, les requérantes ne sauraient être suivies lorsqu’elles affirment que la Commission n’aurait pas effectué sa propre évaluation des faits.

271 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par aucun des arguments avancés par les requérantes.

272 Premièrement, ce sont les affirmations contradictoires figurant dans les écritures des requérantes qui mettent en évidence le caractère non fondé de leur argumentation. En effet, les requérantes affirment, d’abord, que les déclarations effectuées dans le cadre des déclarations de clémence ont une valeur probante élevée et, ensuite, que les preuves fournies pour obtenir la clémence ont une faible valeur probante. Interrogées sur ces affirmations contradictoires lors de l’audience, elles ont
indiqué que cette différence d’approche résultait du fait que la première affirmation concernerait le principe selon lequel les déclarations effectuées dans un cadre de demandes de clémence auraient une valeur probante élevée alors que la seconde concernerait la valeur probante faible des déclarations concernées en l’espèce. Toutefois, cette compréhension de l’argumentation des requérantes est contredite par la lecture de leurs écritures devant le Tribunal qui, dans les deux cas, se réfèrent à
la jurisprudence qui met en exergue la valeur probante élevée de tels documents.

273 En effet, en ce qui concerne la valeur probante prétendument faible des déclarations de clémence qui résulterait de l’arrêt du 13 juillet 2011, Kone e.a./Commission (T‑151/07, EU:T:2011:365), il convient de relever que cet argument des requérantes procède d’une lecture erronée dudit arrêt. En effet, contrairement à ce qu’elles allèguent, dans cet arrêt, le Tribunal s’est prononcé sur la « valeur ajoutée significative » des déclarations de clémence par rapport aux éléments de preuve déjà en
possession de la Commission aux fins de la réduction de l’amende au titre de la communication sur la coopération et non sur la faible valeur probante des déclarations de clémence de manière générale.

274 Deuxièmement et dernièrement, si les requérantes affirment que le fait pour la Commission de se fonder sur les déclarations des banques demandant la clémence s’avère préoccupant en raison de la complexité de l’évaluation requise pour déterminer l’étendue de l’échange d’informations autorisé sur le marché des changes au comptant, force est de constater qu’elles n’avancent à cet égard aucune contestation juridique concrète.

275 Partant, le troisième grief doit être rejeté.

4) Sur le quatrième grief, tiré de ce que la Commission ne pouvait pas s’appuyer sur son expérience en matière d’échanges d’informations dans d’autres contextes de marché ou dans d’autres affaires financières pour alléger la charge de la preuve lui incombant

276 Premièrement, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir allégé la charge de la preuve d’établir que les échanges d’informations en cause restreignaient la concurrence « par objet » en se fondant sur sa prétendue expérience en matière d’échanges d’informations dans d’autres contextes de marché ou dans d’autres affaires financières.

277 Deuxièmement, les requérantes avancent que la Commission leur a transféré la charge de la preuve afin de démontrer que les échanges d’informations illégaux allégués étaient nécessaires au lieu d’examiner si, sur le marché des changes au comptant, ces échanges étaient effectivement illégaux et figuraient parmi les restrictions de la concurrence les plus graves.

278 Troisièmement, les requérantes affirment que la qualification de « restriction par objet » ne peut être retenue que lorsque l’expérience acquise et la théorie économique indiquent clairement qu’un comportement fait partie, par sa nature, des types de comportements anticoncurrentiels les plus nocifs. Or, le principe économique général selon lequel on pourrait s’attendre à ce que l’échange d’informations non publiques et détaillées soit intrinsèquement et significativement nuisible à la
concurrence sur la plupart des marchés ne s’appliquerait pas au marché des changes au comptant.

279 La Commission conteste les arguments des requérantes.

280 Premièrement, s’agissant de l’allégation des requérantes afférente à un prétendu allègement de la charge de la preuve en ce que la Commission se serait fondée sur sa prétendue expérience en matière d’échanges d’informations dans d’autres contextes afin de qualifier les échanges d’informations en cause de « restriction par objet », il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort des considérations indiquées aux points 235 à 254 ci-dessus, la Commission a considéré à juste titre que ces échanges
d’informations étaient susceptibles de créer une asymétrie de l’information entre les traders participants au détriment des autres traders du marché et qu’ils présentaient ainsi un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, sans que cette conclusion ne se fonde sur son expérience dans d’autres marchés.

281 Deuxièmement, dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient non plus reprocher à la Commission un prétendu transfert de la charge de la preuve pour démontrer que les échanges d’informations auraient été nécessaires, ni affirmer que la Commission aurait fondé sa conclusion sur l’objet desdits échanges par rapport à leur caractère « plus détaillé ou informatif ». En effet, il résulte clairement de la décision attaquée que la Commission a qualifié de « restriction par objet » les échanges
d’informations en raison de leur nature commercialement sensible qui atténuait, voire supprimait, l’incertitude sur le marché et, par conséquent, impactait l’autonomie décisionnelle des traders sur le marché en cause et qu’ils présentaient ainsi un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence.

282 Troisièmement, force est de constater que, d’une part, la littérature économique à laquelle font référence les requérantes à l’appui de leur argumentation, résumée au point 278 ci-dessus, n’évoque nullement l’hypothèse d’un marché des changes au comptant aux fins de corroborer leur argumentation.

283 D’autre part, la Cour a récemment jugé que le fait que la Commission n’ait pas, par le passé, estimé qu’un accord similaire à l’accord litigieux était, de par son objet même, restrictif de la concurrence n’est pas de nature à l’empêcher de le faire à l’avenir (arrêt du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission, C‑591/16 P, EU:C:2021:243, point 130).

284 Dès lors, les requérantes ne sauraient utilement se prévaloir de l’absence de consensus économique pour contester la qualification des échanges d’informations en cause de « restriction par objet ». Il y a donc lieu de rejeter leurs arguments présentés en ce sens.

285 Il s’ensuit que le quatrième grief doit être rejeté.

5) Conclusions sur la première branche du deuxième moyen

286 Il résulte de l’examen des griefs présentés dans le cadre de la première branche du deuxième moyen que, en dépit de l’erreur de la Commission quant au caractère transparent du marché des changes au comptant (voir point 217 ci-dessus), il y a lieu de rejeter les arguments des requérantes visant à infirmer la qualification des échanges d’informations en cause de « restriction par objet » et, partant, sous réserve de l’examen ci-après des arguments tirés des effets proconcurrentiels desdits
échanges, la première branche du deuxième moyen.

c)   Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée des erreurs commises par la Commission dans le cadre de l’analyse du caractère légitime ou proconcurrentiel des échanges d’informations en cause

287 Aux considérants 464 à 479 de la décision attaquée, la Commission a observé, d’abord, que les éventuels effets proconcurrentiels d’un comportement pouvaient être pris en compte dans le cadre de l’appréciation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE, mais que Credit Suisse n’avait pas invoqué l’applicabilité dudit article en l’espèce. En tout état de cause, s’agissant de la qualification des échanges d’informations en cause de restrictions accessoires, Credit Suisse n’aurait pas établi que le marché
des changes au comptant ne pouvait pas fonctionner sans ceux-ci, ni n’aurait démontré un quelconque effet proconcurrentiel de ces échanges. Ensuite, la Commission a, à titre exhaustif, examiné les allégations de Credit Suisse relatives aux effets proconcurrentiels des échanges d’informations en cause.

288 À cet égard, la Commission a rappelé que le fait que le comportement poursuive un objectif légitime n’exclut pas que ce comportement puisse être considéré comme ayant un objectif restrictif de la concurrence. En effet, si l’échange d’information était susceptible de rendre les écarts de cotation plus étroits et d’améliorer les prix, il existerait une différence fondamentale entre un tel échange dans un cercle restreint de traders dans un forum de discussion comme en l’espèce et l’information
accessible à tous les acteurs du marché. Or, les effets proconcurrentiels des échanges d’informations allégués par les requérantes ne s’appliqueraient pas à l’échange d’informations dans un cercle fermé, étant donné que le partage d’informations en cause aurait créé une asymétrie d’informations en accordant un avantage compétitif aux seuls participants au forum de discussion en cause. Dans ces circonstances, les traders pourraient décider de ne pas diminuer les prix, mais d’augmenter leurs
bénéfices, étant donné que les bonus qu’ils reçoivent sont liés au profit qu’ils génèrent.

289 Premièrement, les requérantes contestent cette appréciation en faisant valoir que la Commission a appliqué un cadre juridique erroné, étant donné qu’elle a examiné leurs arguments relatifs au caractère légitime et aux effets proconcurrentiels des échanges d’informations uniquement à titre exhaustif. En procédant de la sorte, elle aurait considéré que la nature proconcurrentielle de ceux-ci n’étaient pas essentielle pour l’analyse juridique des échanges d’informations en cause. Or, selon elles,
si une pratique concertée poursuit un objet légitime ou proconcurrentiel, elle ne saurait être qualifiée d’infraction par objet.

290 Deuxièmement, elles reprochent à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation de leurs arguments et preuves eu égard à la nature légitime et proconcurrentielle des échanges d’informations sur le forum de discussion en cause.

291 En effet, d’une part, les renseignements auraient été échangés à titre informatif aux fins d’être transmis aux clients et de permettre aux traders d’évaluer rapidement le risque lié à l’inventaire et de réduire ainsi les écarts de cotation proposés aux clients.

292 D’autre part, la Commission aurait violé les règles régissant la charge de la preuve, dans la mesure où, lorsqu’un comportement présente des éléments atypiques, il serait plus facile pour un requérant de réfuter les allégations de la Commission en apportant la preuve d’une autre explication possible. Plus généralement, les requérantes avancent que les comportements en cause ne sont pas réhabilités par leurs effets proconcurrentiels ou par leur caractère « légitime », mais que leur unique objet
est légitime et proconcurrentiel.

293 La Commission conteste les arguments des requérantes.

294 À titre liminaire, il convient de relever que, lors de l’audience devant le Tribunal, les parties ont été interrogées sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company (C‑333/21, EU:C:2023:1011), en ce qui concerne la prise en compte, en l’espèce, des effets proconcurrentiels allégués par les requérantes. À cet égard, les parties ont soutenu, en substance, que les effets proconcurrentiels doivent être pris en compte dans le cadre de la qualification des
échanges d’informations au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Plus particulièrement, les requérantes ont estimé que cet arrêt confirme leur position selon laquelle les effets proconcurrentiels des échanges d’informations en cause doivent être pris en considération en tant qu’éléments du contexte économique et juridique dans le cadre duquel ces échanges se placent. La Commission a considéré que ce même arrêt confirme l’analyse effectuée dans la décision attaquée.

295 Toujours à titre liminaire, interrogées lors de l’audience sur certains arguments relatifs aux prétendus effets « légitimes » avancés dans leurs écritures devant le Tribunal, les requérantes ont confirmé que ces effets doivent être compris comme faisant partie du même contexte économique et juridique et comme étant, en tant que tels, pertinents pour remettre en cause la qualification de « restriction par objet » des échanges d’informations.

296 Cela étant précisé, il convient de rappeler que, afin de déterminer, dans un cas donné, si un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée présentent, par leur nature même, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour pouvoir être considérés comme ayant pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser celle-ci, il est nécessaire d’examiner, premièrement, la teneur de l’accord, de la décision ou de la pratique en cause, deuxièmement, le contexte
économique et juridique dans lequel ils s’insèrent et, troisièmement, les buts qu’ils cherchent à atteindre (voir arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, point 165 et jurisprudence citée).

297 À cet égard, il convient également de rappeler, tout d’abord, s’agissant du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrit le comportement concerné, qu’il y a lieu de prendre en considération la nature des produits ou des services concernés ainsi que les conditions réelles qui caractérisent la structure et le fonctionnement du ou des secteurs ou marchés en question. En revanche, il n’est en aucune manière nécessaire d’examiner et à plus forte raison de démontrer les effets de ce
comportement sur la concurrence, qu’ils soient réels ou potentiels et négatifs ou positifs (voir arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, point 166 et jurisprudence citée).

298 Ensuite, en ce qui concerne les buts poursuivis par le comportement concerné, il y a lieu de déterminer les buts objectifs que ce comportement cherche à atteindre à l’égard de la concurrence. En revanche, la circonstance que les entreprises impliquées ont agi sans avoir l’intention subjective d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence et le fait qu’elles ont poursuivi certains objectifs légitimes ne sont pas déterminants aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE
(voir arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, point 167 et jurisprudence citée).

299 Enfin, la prise en considération de l’ensemble des éléments visés aux points 296 à 298 ci-dessus doit, en tout état de cause, faire apparaître les raisons précises pour lesquelles le comportement concerné présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, justifiant de considérer qu’il a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser celle-ci (voir arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, point 168 et jurisprudence citée).

300 Il convient de relever qu’il résulte de l’examen du premier moyen et de la première branche du deuxième moyen que la Commission a analysé la teneur des échanges d’information en cause, le contexte économique et juridique dans lequel ils s’insèrent et les buts qu’ils cherchaient à atteindre et qu’elle a expliqué pourquoi la prise en compte de l’ensemble de ces éléments l’avait amenée à conclure que ces échanges avaient un objet anticoncurrentiel, conformément à la jurisprudence rappelée aux
points 296 à 299ci-dessus.

301 Il convient en outre de relever que, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée aux points 297 et 298 ci-dessus, contrairement à ce qu’allèguent les parties, il n’y a pas lieu d’une part, de prendre en considération les effets pro-concurrentiels en tant que tels, aux fins d’apprécier s’il y a lieu de qualifier les échanges d’informations en cause de restriction de la concurrence « par objet » au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, y compris dans le cadre d’un éventuel examen de
l’existence d’un degré de nocivité requis aux fins d’une telle qualification. D’autre part, la prise en compte des prétendus objectifs légitimes n’est pas déterminante dans ladite appréciation.

302 Dès lors, les requérantes ne sauraient valablement reprocher à la Commission une erreur de droit tirée de « l’application d’un cadre juridique erronée ».

303 En tout état de cause, il convient de constater que la Commission a examiné dans la décision attaquée, aux considérants 465 à 479, les arguments de Credit Suisse tirés du caractère légitime ou proconcurrentiel des échanges d’informations. Il y a lieu d’examiner si les arguments des requérantes sont susceptibles de remettre en cause le bien-fondé de cette appréciation.

304 En premier lieu, s’agissant de la théorie économique à laquelle se réfèrent les requérantes dans leurs écritures, qui se borne à indiquer que l’augmentation de l’efficacité d’une entreprise « peut » avoir des effets d’entraînement, en substance, favorables, il convient de considérer que le lien entre la conclusion découlant de cette théorie économique et les échanges d’informations en cause ne saurait être considéré comme établi, à suffisance de droit. En outre, l’allégation des requérantes
s’avère contre-intuitive du point de vue de la logique commerciale et de la rationalité économique des teneurs de marché, dans la mesure où, lorsque qu’un cercle restreint de concurrents agissant en tant que teneurs de marché dispose d’informations supplémentaires par rapport aux autres acteurs du marché, la logique de maximisation de leurs profits compte tenu de ces informations conduit davantage à un alignement des offres de prix à leurs clients et non à proposer des écarts plus faibles.

305 Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, aucun des éléments du dossier ne permet de démontrer que les traders en cause envisageaient de proposer des écarts plus bas à leurs clients au regard des informations échangées. À cet égard, d’une part, les requérantes se réfèrent à un échange d’informations du 24 juin 2011 reproduit dans l’annexe A.12. Compte tenu de sa date antérieure à la participation de Credit Suisse à l’infraction en cause, celui-ci doit être écarté comme dénué de
pertinence.

306 D’autre part, s’agissant d’un autre exemple figurant à l’annexe A.12, il convient de constater que celui-ci date du 19 juin 2012, jour compris dans la période pertinente. Premièrement, il démontre qu’un échange a eu lieu entre 10 h 40 min 33 s et 10 h 41 min 38 s au cours duquel le trader de Credit Suisse s’est renseigné auprès d’un trader de RBS participant au forum de discussion en cause sur le niveau d’un écart de cotation applicable à un montant de 50 millions pour une paire de devises
EUR/GBP (« whats spread 50 x these days »). En réponse à la question, le trader de RBS a indiqué l’écart de cotation applicable (« 3 »). Le trader de Credit Suisse l’a remercié pour cette information (« yeh thats what I thought » ; « ta mate »).

307 Deuxièmement, il ressort d’un autre échange reproduit à l’annexe A.12, qui a eu lieu entre 7 h 30 min 20 s et 7 h 30 min 47 s le 19 juin 2012 sur un autre forum de discussion, que deux personnes ont échangé des informations relatives à un écart de cotation applicable à une paire de devises EUR/GBP (« 50 eurgbp » ; « sure », « 42 46 », « off », « ref »). À cet égard, les requérantes estiment que l’échange qui a eu lieu entre le trader de Credit Suisse et le trader de RBS, évoqué au point 306
ci-dessus, a probablement conduit le trader de Credit Suisse à proposer des écarts de cotation plus étroits à un client de Credit Suisse. Toutefois, ainsi qu’il ressort des éléments du dossier, l’échange entre le trader de Credit Suisse et celui de RBS est postérieur à l’échange sur l’autre forum de discussion. De plus, aucun élément du dossier ne permet de corroborer l’affirmation des requérantes selon laquelle cet échange aurait un lien avec l’échange du trader de Credit Suisse et de celui de
RBS.

308 Toutefois, à supposer même que ces deux exemples d’échanges d’informations figurant à l’annexe A.12 concerneraient une éventuelle réduction des écarts envisagée par les traders en cause, il ne saurait en être déduit, à suffisance de droit, que les échanges d’informations relatives aux écarts de cotation entre les traders en cause auraient systématiquement profité aux clients, ce qui aurait permis d’établir des effets légitimes pertinents et propres à la pratique concernée et suffisamment
importants.

309 Au contraire, les requérantes admettent elles-mêmes dans la requête que l’échange d’informations sur des forums de discussion (en dehors du contexte des transactions potentielles) permet aux traders de gérer le risque des transactions et de fixer des prix plus précis dans un bref délai et, par conséquent, de réduire le risque lié à leur rôle de teneurs de marché.

310 Or, si un échange d’informations peut effectivement générer des gains d’efficacité et rendre les banques plus performantes, en leur permettant notamment de comparer leurs pratiques respectives et d’améliorer leurs positions sur le marché, il va de soi que de telles initiatives ne justifient pas le recours à des pratiques anticoncurrentielles, telles que l’échange d’informations confidentielles et stratégiques du point de vue du droit de la concurrence, comme, en l’espèce, celles portant sur des
écarts de cotation, des ordres de clients, des positions de risque et des activités de négociation actuelles ou planifiées et des positions de traders concurrents qui constituent des informations utiles pour la fixation de prix et la gestion experte des risques, à savoir les paramètres au vu desquels s’établit la concurrence sur le marché des changes au comptant.

311 Plus généralement, à supposer même que les échanges d’informations en cause pouvaient profiter aux clients en ce qui concerne les prix qui leur étaient proposés, un tel avantage ne serait pas à lui seul de nature à remettre en cause le caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence de ces échanges. En effet, il convient de rappeler que l’article 101 TFUE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des
concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 125). Or, les requérantes n’étayent nullement leur affirmation selon laquelle les échanges d’informations auraient profité au marché plus généralement.

312 Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la charge de la preuve qui pèse sur ces dernières aux fins de permettre de douter raisonnablement du caractère suffisamment nocif des échanges d’informations en cause ne saurait être allégée ni au regard de prétendus éléments « atypiques » de ces échanges, ni au regard de la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels s’est fondée la Commission dans la décision attaquée, cette valeur et le caractère suffisant de ces éléments de preuve
n’ayant au demeurant pas été remis en cause par les requérantes.

313 En second lieu, il convient de constater que, à l’appui de leur argumentation présentée aux points 290 à 292 ci-dessus, les requérantes se réfèrent aux rapports d’expertise produits aux annexes A.5 et A.11 de la requête (ci-après, respectivement, le « rapport d’expertise 1 » et le « rapport d’expertise 2 »).

314 À cet égard, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, la valeur probante, notamment, des rapports présentés à la demande d’une partie pour soutenir ses allégations par un tiers se prévalant de la qualité d’expert s’apprécie à plusieurs égards. D’une part, leur auteur doit veiller à exposer ses qualifications et expériences et à expliquer à quel titre celles-ci sont pertinentes pour émettre un avis sur la question examinée. D’autre part, le contenu de cet avis doit exposer les raisons
pour lesquelles il mérite d’être pris en considération, qu’il s’agisse de la fiabilité de la méthodologie utilisée ou de la pertinence de la réponse donnée à cette question pour les besoins de la présente affaire [arrêt du 14 septembre 2022, Google et Alphabet/Commission (Google Android), T‑604/18, sous pourvoi, EU:T:2022:541, point 96].

315 Or, pour les raisons exposées ci-après, le contenu des rapports d’expertise ne saurait satisfaire à la seconde exigence indiquée au point 314 ci-dessus et, partant, corroborer les arguments des requérantes.

316 Premièrement, les conclusions figurant, notamment, dans le rapport d’expertise 1, selon lesquelles les échanges d’informations entre les traders bénéficieraient directement aux clients, prennent appui sur des articles scientifiques qui ne sont pas de nature à corroborer la véracité de celles-ci. En effet, les passages des articles, produits par les requérantes pendant la procédure administrative devant la Commission en réponse à sa demande de clarification et également devant le Tribunal, ne
concernent nullement l’hypothèse relative à l’incidence prétendument favorable des échanges d’informations commercialement sensibles, comme celles en l’espèce, sur des écarts de cotation plus étroits et encore moins sur la réduction des prix proposés aux clients. Une conclusion identique s’impose concernant une publication citée par les requérantes, à l’appui du rapport d’expertise 1, laquelle, tout en établissant le lien entre les écarts de cotation plus étroits avec la possibilité pour un
trader de clôturer sa position à un faible coût, ne conclut aucunement à l’existence d’un lien entre l’échange d’informations commercialement sensibles et les prix plus bas proposés aux clients qui, en toute logique, seraient les seuls de nature à bénéficier aux clients.

317 Deuxièmement, l’analyse présentée dans les rapports d’expertise 1 et 2 ne concerne pas l’hypothèse en l’espèce, à savoir des échanges d’informations dans un cercle fermé de traders, mais se concentre davantage sur des affirmations générales relatives aux échanges d’informations entre traders sur le marché des changes au comptant ou bien encore ne vise pas les informations confidentielles et stratégiques qui ont été échangées en l’espèce, mais se réfère à des informations générales (« couleur du
marché », « écarts », « positions relatives aux ordres des clients agrégées et anonymisées »). Plus particulièrement, les rapports font référence aux traders échangeant des informations sur le forum de discussion en cause, notamment pour exclure l’hypothèse anticoncurrentielle du fait des faibles parts de marché détenues par ces derniers et non pour confirmer les effets, la nature ou le but légitimes des échanges d’informations commercialement sensibles dans un cercle restreint de traders.

318 Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, le rapport d’expertise 2, relativement vague et non étayé, ne s’appuie sur aucun modèle économique permettant d’établir la nature légitime du comportement qui s’est déroulé sur le forum de discussion en cause lorsque les informations échangées l’ont été dans un groupe fermé. Tel est a fortiori le cas s’agissant du rapport d’expertise 1 qui ne prend appui sur aucun autre « appareil scientifique » à même d’étayer les affirmations relatives à la
prétendue nature légitime des échanges d’informations sur les clients ou sur le marché plus généralement.

319 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont pas démontré que les échanges d’informations qui ont eu lieu sur le forum de discussion en cause avaient un caractère légitime ou proconcurrentiel pouvant remettre en cause leur degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence et, partant, leur qualification de « restriction par objet ». C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a écarté l’argumentation qui lui a été présentée à cet égard
pendant la procédure administrative.

320 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la seconde branche du deuxième moyen.

321 À titre supplémentaire, pour autant que les requérantes évoquent dans l’intitulé du présent moyen une insuffisance de motivation quant à la qualification des échanges d’informations en ligne de « restriction par objet » et à supposer même qu’une telle évocation, non étayée, puisse constituer un argument recevable au sens de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, il convient de constater que la Commission n’a commis aucune violation de l’obligation de motivation au titre de
l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. En effet, il ressort de l’examen du présent moyen que les explications fournies dans la décision attaquée ont permis aux requérantes de comprendre le raisonnement de la Commission relatif à cette qualification et au Tribunal d’exercer son contrôle à cet égard, satisfaisant aux exigences de ladite disposition (voir, à cet égard, arrêt du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C‑210/21 P, EU:C:2023:908, point 105 et jurisprudence citée).

322 Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

3.   Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 101 TFUE et de l’insuffisance de motivation quant à la qualification d’infraction unique et continue retenue dans la décision attaquée

323 Dans le cadre du troisième moyen, les requérantes contestent la qualification d’infraction unique et continue retenue dans la décision attaquée. Ce troisième moyen est articulé en deux branches. La première branche est tirée de l’insuffisance de preuves et de motivation de l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun auquel Credit Suisse avait l’intention de contribuer, dont elle avait connaissance ou qu’elle aurait dû prévoir. La seconde branche est tirée d’une erreur de droit
concernant la qualification de l’accord sous-jacent d’élément de l’infraction unique et continue susceptible de faire l’objet de différents degrés de participation.

324 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux-mêmes et pris isolément, une violation de cette disposition. Ainsi, lorsque les différents comportements s’inscrivent dans un « plan
d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces comportements en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt du 16 juin 2022, Sony Corporation et Sony Electronics/Commission, C‑697/19 P, EU:C:2022:478, point 62 et jurisprudence citée).

325 Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et continue par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’« accord » ou de « pratique concertée » ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de cette infraction pour toute la période de
sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait eu connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin
2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 157 et jurisprudence citée).

326 En revanche, si une entreprise a directement pris part à un ou à plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente ni qu’elle avait connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par ces participants dans la poursuite des mêmes objectifs,
ni qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, la Commission n’est en droit de lui imputer la responsabilité que des seuls comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque (voir arrêt du
24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 159 et jurisprudence citée).

327 Cela ne saurait néanmoins conduire à exonérer cette entreprise de sa responsabilité pour les comportements auxquels elle a pris part ou pour lesquels elle peut effectivement être tenue pour responsable. En effet, le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction à son égard, étant donné qu’il n’y a lieu de prendre en
considération ces éléments que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination de l’amende (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 45).

328 En outre, dans la mesure où la qualification d’infraction unique et continue aboutit à imputer à une entreprise la participation à une infraction au droit de la concurrence, il convient de rappeler que, dans le domaine du droit de la concurrence, en cas de litige sur l’existence d’une infraction, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs
d’une infraction (voir arrêts du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 71 et jurisprudence citée, et du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C‑593/18 P, non publié, EU:C:2019:1027, point 38 et jurisprudence citée).

329 Il résulte ainsi de la jurisprudence citée aux points 324 à 328 ci-dessus que trois éléments sont déterminants aux fins de conclure à la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue. Le premier concerne l’existence même de l’infraction unique et continue. En effet, les différents comportements en cause doivent relever d’un « plan d’ensemble » disposant d’un objectif unique. Les deuxième et troisième éléments concernent l’imputabilité de l’infraction unique et continue à une
entreprise. Pour que cette infraction lui soit imputable, cette entreprise doit, d’une part, avoir eu connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque et, d’autre part, avoir eu l’intention de contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants.

a)   Sur la première branche du troisième moyen, tirée de l’insuffisance de preuves et de motivation de l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun auquel Credit Suisse avait l’intention de contribuer, dont elle avait connaissance ou qu’elle aurait dû prévoir

330 Dans le cadre de la première branche du troisième moyen, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas prouvé et n’a pas suffisamment motivé l’existence d’un plan global poursuivant un objectif anticoncurrentiel unique, auquel Credit Suisse aurait eu l’intention de contribuer, dont elle aurait eu connaissance ou qu’elle aurait dû prévoir.

1) Sur l’existence d’un « plan global » poursuivant un objectif commun

331 Premièrement, dans la décision attaquée, aux considérants 481 à 484 et 488 à 491, la Commission a traité la qualification d’infraction unique et continue en examinant l’existence d’un plan d’ensemble poursuivant un objectif commun. Elle a considéré, en substance, que (i) les échanges d’informations approfondis et récurrents, (ii) les cas occasionnels de coordination et (iii) l’accord sous-jacent constituaient ladite infraction poursuivant un objectif commun consistant à atténuer les incertitudes
normales inhérentes au marché des opérations de change au comptant afin de réduire le risque et de conforter les entreprises participantes dans leurs décisions de fixation des prix et de gestion des risques, et ce afin qu’elles ne se concurrencent pas de manière autonome. En outre, l’existence d’un « plan global » aurait été démontrée par des éléments objectifs, à savoir le « modus operandi » du forum de discussion en cause et la continuité des traders participants ainsi que des banques
impliquées.

332 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir fondé l’existence d’un plan anticoncurrentiel global sur le « modus operandi » du forum de discussion en cause, à savoir que les traders participants étaient en contact régulier sur le forum « privé » et que la participation à ce forum était « sur invitation uniquement ». Elles font valoir que l’utilisation d’un forum de discussion multilatéral était courante et bien connue sur le marché des changes au comptant. Le caractère « privé » de ces
forums ne le serait qu’en ce sens que les personnes pouvaient y participer après invitation par un administrateur, ce dernier pouvant être n’importe quel autre trader ayant accès à un forum Bloomberg. Elles ajoutent que la composition de ces forums pouvait changer fréquemment et contestent l’affirmation de la Commission, figurant au considérant 497 de la décision attaquée, selon laquelle existe un « niveau élevé de continuité dans la participation des personnes concernées » au motif qu’aucun
élément du dossier de la Commission n’indique que les traders constituaient un « groupe fermé ». De plus, elles estiment que, quand bien même les traders auraient échangé les informations selon un modèle de communications « presque quotidiennes », un tel modèle correspondrait à un comportement ordinaire de tenue de marché ne permettant pas, dès lors, de prouver l’existence d’un « plan global ».

333 La Commission conteste les arguments des requérantes.

334 Il convient de rappeler que plusieurs critères ont été identifiés par la jurisprudence comme étant pertinents pour apprécier le caractère unique d’une infraction, à savoir l’identité des objectifs des pratiques en cause, l’identité des produits et des services concernés, l’identité des entreprises qui y ont pris part et l’identité des modalités de sa mise en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié,
EU:C:2013:866, point 243 ; voir, également, arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 60 et jurisprudence citée). En outre, l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause sont des éléments susceptibles d’être pris en considération aux fins de cet examen (arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission,
T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 60).

335 À cet égard, il ressort des constatations effectuées par la Commission dans la décision attaquée, fondées, notamment, sur des discussions intervenues avant et durant la période de participation de Credit Suisse à l’infraction en cause, que, au cours de cette période, l’objectif poursuivi par les autres comportements composant, d’après la Commission, l’infraction unique et continue, à savoir, notamment, les cas occasionnels de coordination et l’accord sous-jacent, consistait, en substance, à
atténuer les incertitudes normales inhérentes au marché des opérations de change au comptant, confortant ainsi les traders dans leurs décisions de fixation de prix et de gestion de risques, ce que les requérantes ne contestent pas. De plus, ainsi qu’il ressort des points 235 à 254 ci-dessus, les échanges d’informations commercialement sensibles, auxquels Credit Suisse a participé, partageaient ce même objectif.

336 Par ailleurs, les discussions intervenues, notamment, durant la période de participation de Credit Suisse soutiennent les appréciations effectuées dans la décision attaquée selon lesquelles, en substance, des éléments objectifs confirmaient que les comportements anticoncurrentiels adoptés par les participants étaient liés et que ces comportements contribuaient au plan d’ensemble poursuivant l’objectif anticoncurrentiel décrit par la Commission.

337 À cet égard, force est de constater que, premièrement, les comportements en cause suivaient les mêmes modalités de fonctionnement (« modus operandi »), à savoir des discussions portant sur les informations commercialement sensibles, quotidiennes et fréquentes au sein du forum de discussion en cause. De plus, ces comportements se sont déroulés au sein d’un forum de discussion « privé ». En effet, les requérantes ne contestent pas, comme elles l’ont confirmé lors de l’audience, que l’accès au
forum de discussion en cause se faisait uniquement sur invitation personnelle (voir, par exemple, considérants 107 et 111 de la décision attaquée).

338 Deuxièmement, les comportements en cause impliquaient un groupe d’entreprises stable, à savoir Barclays, HSBC, RBS et UBS, et se déroulaient entre les mêmes personnes physiques impliquées pour le compte de ces entreprises pendant des périodes parallèles ou adjacentes. Ce groupe a été agrandi une fois que le trader de l’une de ces banques a changé d’employeur et a pris ses fonctions au sein de Credit Suisse, conduisant ainsi à la participation de cette dernière aux échanges d’informations
commercialement sensibles sur le forum de discussion en cause tout au long de la période pertinente.

339 Or, l’argumentation des requérantes, vague et non circonstanciée, visant simplement à « justifier » les comportements qui se sont déroulés sur le forum de discussion en cause par le prétendu caractère courant et bien connu de l’utilisation des forums de discussion multilatéraux ou encore le caractère ordinaire allégué du modèle quotidien des communications n’enlève rien au constat qu’il y avait bien un groupe privé et stable de personnes et d’entreprises participant aux échanges en cause.

340 En outre, à supposer même que les traders participants seraient membres d’autres forums de discussion, les forums de discussion étant largement utilisés sur le marché des changes au comptant, ou encore que la composition de ces forums changerait fréquemment, il n’en demeure pas moins que l’ensemble des échanges d’informations analysés dans la décision attaquée permet d’établir l’identité des traders qui participaient au forum de discussion en cause tout au long de la durée de l’infraction.

341 Troisièmement, l’existence d’un plan d’ensemble poursuivant un objectif anticoncurrentiel unique est d’ailleurs confirmée par d’autres éléments du dossier. Ainsi qu’il ressort de l’ensemble des preuves contemporaines recueillies par la Commission, les comportements en cause portaient tous sur les mêmes produits, à savoir des devises G10. Cette appréciation est illustrée par plusieurs discussions analysées par la Commission dans la décision attaquée selon lesquelles, au cours de la même journée,
les mêmes traders ont procédé à des échanges d’informations au sujet desdites devises (voir, par exemple, les discussions évoquées aux points 92, 101 et 132 ci-dessus).

342 Or, les éléments énumérés aux points 337 à 341 ci-dessus étant pertinents pour apprécier si des comportements s’inscrivent dans un plan d’ensemble et relèvent d’une infraction unique en vertu de la jurisprudence citée au point 334 ci-dessus, c’est à juste titre que la Commission a conclu à l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun.

343 Par ailleurs, pour ce qui est des prétendues raisons légitimes et proconcurrentielles des échanges d’informations, dans la mesure où celles-ci réitèrent les arguments avancés dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen analysé ci-dessus, il est renvoyé au raisonnement exposé aux points 287 à 319 ci-dessus en vue de leur rejet pour ces mêmes motifs.

344 Partant, il convient d’écarter l’argumentation des requérantes visant à infirmer la conclusion de la Commission afférente à l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun.

2) Sur la connaissance et l’intention de contribuer à l’objectif commun poursuivi

345 Aux considérants 500 à 505 de la décision attaquée, la Commission a examiné l’intention de Credit Suisse de contribuer à l’objectif commun et sa connaissance des comportements infractionnels des autres participants. Elle a considéré, en substance, d’une part, que son trader avait l’intention de contribuer à cet objectif en ce qu’il recevait et fournissait des informations commercialement sensibles sur le forum de discussion en cause et, d’autre part, qu’il avait connaissance des échanges
d’informations et de l’accord sous-jacent et avait connaissance ou, en tout état de cause, devait raisonnablement prévoir le fait que les échanges d’informations permettaient aux traders d’identifier les opportunités de coordination. En outre, aux considérants 507 à 538 de la décision attaquée, la Commission a réfuté plusieurs arguments de Credit Suisse.

346 Enfin, en ce qui concerne la responsabilité de Credit Suisse au titre de l’infraction unique et continue, aux considérants 539 à 547 de la décision attaquée, la Commission l’a exclue pour l’accord sous-jacent et pour les cas occasionnels de coordination, mais l’a toutefois retenue pour des échanges extensifs et récurrents d’informations actuelles ou prospectives et commercialement sensibles, lesquels faisaient partie de ladite infraction.

347 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir conclu à la connaissance, par leur trader, d’un objectif anticoncurrentiel, voire d’un plan global anticoncurrentiel sur la base, d’une part, des constatations selon lesquelles des discussions laissent entendre que ledit trader connaissait l’identité de l’administrateur et des membres du forum de discussion en cause (considérant 527 de la décision attaquée), qu’il a été appelé par son surnom lorsqu’il s’est réinscrit sur ledit forum de
discussion (considérant 525 de la décision attaquée), qu’il n’a pas rejoint ce forum ni été invité par hasard (considérant 155 de la décision attaquée), qu’il s’est livré aux mêmes pratiques depuis qu’il a rejoint ce forum ou encore qu’il a dû se rendre compte que l’objet et les règles de ce forum demeuraient inchangés (considérant 521 de la décision attaquée) et, d’autre part, de la proposition de transaction d’une autre banque, non destinataire de la décision attaquée, pour laquelle le trader
de Credit Suisse a travaillé antérieurement. À cet égard, elles font valoir que la Commission a commis une erreur de droit en se fondant sur des éléments de preuve de discussions et la proposition de transaction d’une autre banque qui sont antérieurs à la période de participation de Credit Suisse à l’infraction.

348 La Commission conteste les arguments des requérantes.

349 En premier lieu, d’une part, il convient de relever que la plupart des constatations de la Commission figurant aux considérants de la décision attaquée visés au point 347 ci-dessus sont fondées sur les discussions du 7 février 2012 qui ont donc eu lieu pendant la période pertinente. D’autre part, il convient de relever que la Commission a considéré, à juste titre, au considérant 519 de la décision attaquée, que l’emploi antérieur du trader de Credit Suisse faisait partie du contexte et qu’elle
pouvait en tenir compte pour établir que Credit Suisse avait connaissance de l’infraction. En effet, ainsi que l’a relevé la Commission dans son mémoire en défense, il ressort de la jurisprudence que les événements qui se sont déroulés en dehors de la période d’infraction reprochée à une entreprise sont des éléments qui font partie du faisceau d’indices que la Commission peut invoquer afin de prouver le caractère anticoncurrentiel du comportement de cette entreprise (voir, en ce sens, arrêt du
2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 188).

350 En second lieu, il convient de rappeler que le constat de l’existence d’une infraction unique est distinct de la question de savoir si la responsabilité de cette infraction dans sa globalité est imputable à une entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 174). Par ailleurs, l’imputabilité à une entreprise de l’infraction unique et continue dans sa globalité doit être appréciée au regard de deux éléments, à savoir,
premièrement, la contribution intentionnelle de ladite entreprise aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et, deuxièmement, sa connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs ou le fait qu’elle avait pu raisonnablement les prévoir et avait été prête à en accepter le risque (voir points 324 à 329 ci-dessus).

351 En l’espèce, compte tenu des termes explicites des considérants 543, 545 et 547 de la décision attaquée, lus conjointement avec le dispositif de ladite décision, il y a lieu de considérer que, comme la Commission l’a confirmé lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, elle n’impute pas la responsabilité de l’infraction unique et continue dans son ensemble à Credit Suisse, mais lui impute la responsabilité de cette infraction pour autant qu’elle a participé à l’un de ses éléments
constitutifs, à savoir les échanges extensifs et récurrents d’informations actuelles ou prospectives et commercialement sensibles.

352 Or, étant donné que Credit Suisse a été tenue pour responsable de l’infraction en cause non pas dans sa globalité, mais pour autant qu’elle a participé à l’un de ses éléments constitutifs, il n’est nullement nécessaire, en l’espèce, d’analyser si elle avait connaissance des comportements collusoires des autres membres de cette infraction et entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre
2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 177).

353 Partant, il en résulte que le développement de la décision attaquée consacré à « l’intention de contribuer à l’objectif commun et [à] la connaissance » n’a aucune incidence sur l’imputabilité à Credit Suisse de l’infraction reprochée. Dès lors, les requérantes ne peuvent utilement contester le bien-fondé des motifs de ce développement pour remettre en cause ladite imputabilité.

3) Sur la distanciation des échanges d’informations

354 Aux considérants 529 à 533 de la décision attaquée, en réponse aux arguments de Credit Suisse avancés pendant la procédure administrative, la Commission a considéré que le trader de cette banque non seulement ne s’est pas distancié des échanges d’informations en cause, mais a repris sa participation à celui-ci après avoir été recruté par Credit Suisse.

355 Dans le cadre de leur argumentation, les requérantes font valoir que la Commission a reproché à tort au trader de Credit Suisse de ne pas s’être distancié des échanges d’informations effectués sur le forum de discussion en cause pour échapper à sa responsabilité. Elles estiment que les traders étaient automatiquement connectés à tous les forums de discussion dont ils étaient membres lors de leur connexion au système Bloomberg, sans pour autant que la connaissance des discussions auxquelles le
trader n’a pas participé puisse être déduite de cette seule connexion.

356 La Commission conteste les arguments des requérantes.

357 À cet égard, s’agissant de la question de savoir si la Commission peut retenir comme preuve d’un comportement anticoncurrentiel des discussions intervenues dans le cadre d’un forum de discussion auquel une entreprise était connectée, mais auxquelles elle n’a pas participé activement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les modes passifs de participation à une infraction, tels que la présence d’une entreprise à des réunions au cours desquelles, sans s’y être
manifestement opposée, des accords ayant un objet anticoncurrentiel ont été conclus, traduisent une complicité qui est de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dès lors que l’approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux entités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et de compromettre sa découverte (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015,
AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 31 et jurisprudence citée).

358 Certes, la nature de l’infraction en cause, laquelle a pris la forme de contacts multilatéraux entre les différents acteurs sur le forum de discussion en cause, ne peut être regardée comme une « participation » à une « réunion » au sens de la jurisprudence citée au point 357 ci-dessus. Toutefois, les requérantes n’invoquent pas de motifs faisant obstacle à la transposition de cette jurisprudence à des discussions tenues dans le cadre de forums de discussion en ligne. En effet, le fait que les
traders des banques impliquées dans les faits ne soient pas présents physiquement, mais soient uniquement connectés à distance au forum de discussion en cause sur lequel ont eu lieu des échanges litigieux est sans pertinence, dès lors que, ainsi qu’il ressort des points 77 à 173 ci-dessus, la teneur de ces échanges s’avère anticoncurrentielle.

359 Par ailleurs, dans la mesure où il convient de comprendre que par la référence aux arrêts du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission (T‑208/06, EU:T:2011:701, point 51), et du 10 octobre 2014, Soliver/Commission (T‑68/09, EU:T:2014:867, point 105), les requérantes cherchent à contester l’application de la jurisprudence relative à l’exigence d’une distanciation publique alors que la nature anticoncurrentielle de ces échanges n’a pas été établie, il convient de l’écarter comme étant non
fondée. En effet, pour les raisons indiquées aux points 77 à 173 ci-dessus, la nature anticoncurrentielle des échanges en cause a été démontrée par la Commission.

360 Ainsi, en l’espèce, la Commission était en droit d’estimer que Credit Suisse avait eu connaissance des échanges qui avaient eu lieu sur le forum de discussion en cause auquel son trader était connecté, quand bien même celui-ci n’aurait pas participé activement à certains des échanges analysés dans la décision attaquée. Partant, en l’absence de distanciation publique ou de dénonciation aux entités administratives des pratiques concernées, la responsabilité de Credit Suisse pouvait être retenue.

361 Il n’aurait pu en être autrement que si les requérantes avaient été en mesure de démontrer, au moyen d’éléments de preuve certains et précisément horodatés, que Credit Suisse n’avait effectivement pas pris connaissance du ou des échanges incriminés ou n’en avait pris connaissance que dans un délai tel que les informations contenues dans ces échanges avaient perdu leur caractère sensible.

362 À cet égard, aucun élément de preuve en ce sens n’a été présenté par les requérantes, lesquelles se bornent à faire valoir que sur plus de 100 échanges analysés dans la décision attaquée, 36 correspondent à des cas où le trader de Credit Suisse (i) n’était pas connecté, (ii) n’était pas actif et (iii) n’était pas employé par Credit Suisse, sans pour autant faire référence à aucun échange d’informations concret. Or, de telles allégations, non étayées et dirigées de manière générale et
indéterminée contre les 36 échanges analysés dans ladite décision, ne permettent pas de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle ce trader a participé à tous les échanges d’informations analysés dans la décision attaquée pour la période pertinente et, dès lors, la conclusion de la Commission relative à la responsabilité de Credit Suisse encourue du fait de cette participation.

363 Partant, il convient de considérer la conclusion de la Commission comme exempte d’erreur et de rejeter les arguments des requérantes avancés à son égard.

364 À titre supplémentaire, pour autant que les requérantes évoquent dans l’intitulé du présent moyen et dans celui de la présente branche ainsi que dans l’annonce de cette branche une insuffisance de motivation, en substance, quant à la qualification d’infraction unique et continue retenue dans la décision attaquée et à supposer même qu’une telle évocation, non étayée, puisse constituer un argument recevable au sens de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, il convient de constater que
la Commission n’a commis aucune violation de l’obligation de motivation au titre de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. En effet, il ressort de l’examen du présent moyen que les explications fournies dans la décision attaquée ont permis aux requérantes de comprendre le raisonnement de la Commission relatif à cette qualification et au Tribunal d’exercer son contrôle à cet égard, satisfaisant aux exigences de ladite disposition (voir, à cet égard, arrêt du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission,
C‑210/21 P, EU:C:2023:908, point 105 et jurisprudence citée).

365 Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen.

b)   Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une erreur de droit quant à la qualification de l’accord sous-jacent d’élément de l’infraction unique et continue susceptible de faire l’objet de différents degrés de participation

366 Dans le cadre de la seconde branche du troisième moyen, les requérantes font valoir, en substance, que l’accord sous-jacent ne constitue pas un type de comportement distinct de l’échange d’informations auquel Credit Suisse aurait pu participer partiellement, mais constitue le « modus operandi » de l’infraction alléguée. Elles concluent que la Commission a commis une erreur, voire s’est contredite en considérant que le fait de ne pas avoir pris part à l’accord sous-jacent et aux cas occasionnels
de coordination ne modifiait pas la conclusion relative à la participation de Credit Suisse à des échanges d’informations.

367 La Commission conteste les arguments des requérantes.

368 À titre liminaire, il convient de relever que, dans le cadre de la seconde branche du troisième moyen, les requérantes réitèrent, de manière circonscrite et par renvoi aux arguments exposés dans le cadre du premier moyen, leur allégation relative, en substance, à l’absence d’autonomie des échanges d’informations par rapport à l’accord sous-jacent. Or, cette allégation doit être rejetée pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 48 à 59 ci-dessus.

369 Cela étant, il y a lieu de rappeler que la Commission a correctement établi que l’accord sous-jacent et les échanges d’informations constituaient des éléments distincts de l’infraction unique et continue, laquelle a été mise en œuvre par les mêmes modalités de fonctionnement (« modus operandi »), à savoir des discussions portant sur des informations commercialement sensibles, quotidiennes et fréquentes au sein du forum de discussion en cause (voir points 334 à 342 ci-dessus). De plus, il ressort
des éléments de preuve cités dans la décision attaquée que le trader de Credit Suisse a participé aux échanges d’informations qui ont eu lieu sur le forum de discussion en cause, ce que les requérantes admettent explicitement dans leurs écritures, ne serait-ce que pour une grande majorité de ces échanges.

370 Ainsi, compte tenu des échanges extensifs et récurrents d’informations actuelles ou prospectives et commercialement sensibles, analysés dans la décision attaquée, l’erreur de qualification commise par la Commission concernant la discussion du 9 mai 2012, analysée au considérant 276 de la décision attaquée (voir points 107 à 117 ci-dessus), est sans incidence sur la conclusion de la Commission selon laquelle Credit Suisse a participé à l’infraction unique et continue.

371 Par ailleurs, il convient de relever que, dans leurs écritures devant le Tribunal, les requérantes ne contestent pas le caractère continu de l’infraction unique. Au cours de l’audience, elles ont néanmoins indiqué que, compte tenu du fait que certains échanges d’informations, sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée, ne permettent pas de prouver l’existence de l’infraction unique et continue, un tel constat devrait également amener le Tribunal à analyser le caractère
continu de l’entente globale dont font prétendument partie ces échanges d’informations. Or, à défaut d’avoir été présenté dans le cadre de la requête, ainsi que l’a avancé, en substance, la Commission lors de l’audience, un tel argument des requérantes, qui ne se fonde pas sur des éléments de fait ou de droit qui se sont révélés pendant la procédure et qui ne peut être compris comme constituant l’ampliation de son argumentation développée au soutien du troisième moyen, est tardif et, partant,
irrecevable, en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure qui interdit, en substance, la présentation d’arguments nouveaux en cours d’instance (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Fakro/Commission, T‑515/18, non publié, EU:T:2020:620, point 92).

372 Dès lors, il convient d’approuver la conclusion de la Commission selon laquelle Credit Suisse a participé à l’infraction unique et continue, pour autant que soient concernés les échanges d’informations.

373 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter la seconde branche du troisième moyen et, partant, de rejeter ce moyen dans son intégralité.

4.   Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

374 Dans le cadre de leur cinquième moyen, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé, en substance, le principe de bonne administration. Elles soutiennent que la Commission a manqué à son obligation de mener une enquête impartiale et diligente sur les éléments de preuve figurant dans le dossier, en se fondant sur ceux-ci et les déclarations de tiers parties à la procédure hybride de manière sélective, qu’elle ne saurait justifier par son prétendu traitement de nombreuses affaires
financières.

375 De plus, le principe de libre appréciation des preuves ne devrait pas être compris comme signifiant que l’interprétation des preuves effectuée par la Commission est déterminante, laquelle serait manifestement incompatible avec les droits de la défense de Credit Suisse. Il découlerait du principe selon lequel la présomption d’innocence confère au requérant le bénéfice du doute que, en présence d’éléments de preuve peu fiables, la charge qui pèse sur ce dernier d’apporter les preuves réfutant les
allégations de la Commission serait elle aussi faible.

376 Par ailleurs, la Commission n’aurait pas respecté ses obligations d’examiner de manière critique les informations fournies dans le cadre de la procédure de transaction, d’une part, et n’aurait pas procédé à un « réexamen de novo des éléments de preuve à sa disposition, conformément au principe de “tabula rasa”» dans le cadre d’une procédure ordinaire, d’autre part. La Commission n’aurait pas non plus exercé correctement son pouvoir d’appréciation, qui lui permet de déterminer l’opportunité
d’adopter des mesures d’enquête supplémentaires.

377 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

378 Aux termes de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, relatif au « droit à une bonne administration », toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union. Cette exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est en charge de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part,
l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée).

379 Parmi les garanties conférées par le droit de l’Union dans les procédures administratives, rattachées au principe de bonne administration, figure l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 170 et jurisprudence citée).

380 À titre liminaire, il convient de relever que si les requérantes invoquent une violation des droits de la défense dans le cadre du présent moyen, elles n’avancent aucune argumentation concrète à cet égard. En effet, leur argumentation semble reposer plutôt sur une confusion entre le respect, par la Commission, de l’exigence d’impartialité objective, d’une part, et l’opportunité de pouvoir effectivement se défendre au moment où les griefs de la Commission ont été adressés à Credit Suisse, d’autre
part. Les requérantes ne contestent pas que Credit Suisse a eu l’opportunité d’exercer effectivement ses droits de la défense conformément à toutes les garanties procédurales liées à l’exercice effectif de ceux-ci dans le cadre de la procédure administrative ordinaire avant l’adoption de la décision attaquée, tant par écrit qu’oralement, et donc de contester les faits et les éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission.

381 Cela étant, les requérantes considèrent que les « préoccupations » et les clarifications que Credit Suisse a avancées pendant la procédure administrative ont été « ignorées » par la Commission, conduisant ainsi prétendument cette dernière à manquer à son exigence d’impartialité lors d’un « réexamen de novo des éléments de preuve à sa disposition, conformément au principe de “tabula rasa” ». Toutefois, aucun des arguments des requérantes ne permet d’établir que la Commission n’a pas offert, en
l’espèce, toutes les garanties pour exclure tout doute légitime quant à son impartialité dans l’examen de l’affaire en ce qui concerne Credit Suisse et notamment dans l’examen des arguments et des éléments de preuve que celle-ci a pu soumettre dans le cadre de l’exercice de ses droits de la défense lors de la procédure administrative ordinaire. En effet, le fait que la Commission n’ait pas trouvé convaincantes lesdites « préoccupations » et clarifications que Credit Suisse a avancées pendant la
procédure administrative relève de l’examen du bien-fondé des appréciations effectuées par cette dernière et non du contrôle du respect des garanties conférées par le droit de l’Union dans la procédure administrative ordinaire.

382 Ainsi, les requérantes ne sauraient valablement reprocher à la Commission un quelconque défaut d’exercice de son pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’adopter des mesures d’enquête supplémentaires aux fins de vérifier les affirmations avancées par Credit Suisse lors de la procédure administrative. En effet, outre son caractère général, dans la mesure où, par cette dernière allégation, les requérantes se bornent à affirmer que l’usage des pouvoirs d’enquête supplémentaires par la
Commission aurait été « approprié sur le marché complexe », elle repose sur une prémisse erronée selon laquelle les concurrents seraient autorisés, sur le marché en cause, à échanger des informations commercialement sensibles dans le cours normal de leurs activités.

383 En tout état de cause, dans la mesure où la Commission dispose d’une marge d’appréciation quant à l’opportunité d’adopter des mesures d’enquête (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2022, Scania e.a./Commission, T‑799/17, EU:T:2022:48, point 154), elle n’était nullement tenue de faire usage de ses pouvoirs d’enquête pour demander des données supplémentaires ou consulter un expert afin de vérifier les affirmations de Credit Suisse.

384 Par ailleurs, il convient de considérer que l’exigence d’impartialité lors du réexamen de novo de l’affaire par rapport à la procédure de transaction, eu égard à la partie ayant décidé de ne pas transiger, ne saurait faire obstacle à des constatations factuelles ou des qualifications juridiques similaires à celles opérées dans la décision de transaction, si les éléments de preuve à la disposition de la Commission vont en ce sens (voir, a contrario, arrêt du 2 février 2022, Scania
e.a./Commission, T‑799/17, EU:T:2022:48, point 149).

385 À cet égard, les allégations des requérantes afférentes aux éléments de preuve sur lesquelles s’est fondée la Commission dans la décision attaquée ne permettent pas d’établir une quelconque partialité de sa part. En effet, les requérantes se bornent à faire valoir une prétendue sélection des éléments de preuve par la Commission correspondant à sa version préétablie de l’affaire, sans pour autant fournir aucune indication concrète à ce titre. De plus, elles se limitent à faire valoir que la
Commission a écarté les autres éléments de preuve produits par Credit Suisse qui remettraient prétendument en cause les conclusions de la Commission figurant dans la décision attaquée, en réitérant en une phrase une argumentation identique à celle rejetée dans le cadre de leur premier moyen.

386 En outre, dans la mesure où les requérantes réitèrent leurs arguments, présentés dans le cadre du premier moyen, tirés de ce que les preuves présentées pour obtenir la clémence et les documents qui ont conduit à la transaction soulèvent des doutes sur les règles de l’accord sous-jacent identifiées par la Commission, il convient de rappeler qu’il n’y a pas lieu pour le Tribunal de les examiner pour les motifs exposés au point 58 ci-dessus.

387 Par ailleurs, étant donné que la Commission a établi, en se fondant sur un faisceau d’indices suffisant et propre à la présente affaire, l’existence de l’infraction et la participation de Credit Suisse à cette dernière, la circonstance selon laquelle certaines allégations de la Commission relatives à l’objectif poursuivi par les échanges d’informations auraient été reprises d’une phrase d’une déclaration faite par un tiers à la procédure administrative ne saurait révéler aucune violation du
principe de bonne administration. Enfin, en ce qui concerne l’allégation des requérantes selon laquelle, en substance, la présomption d’innocence impliquerait que, en présence d’éléments de preuve peu fiables, la charge qui pèse sur les requérantes d’apporter des preuves réfutant les allégations de la Commission serait faible, il convient de l’écarter dès lors que les requérantes n’ont pas démontré que les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’était fondée étaient peu fiables.

388 Pour les raisons qui précèdent, il convient de rejeter le cinquième moyen dans son intégralité.

5.   Conclusion sur l’article 1er de la décision attaquée

389 Il résulte de l’examen des premier, deuxième, troisième et cinquième moyens, invoqués au soutien des conclusions tendant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée en vertu duquel la Commission a considéré que Credit Suisse avait enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE en participant à une infraction unique et continue, que ceux-ci ne sont pas fondés et que, partant, ce chef de conclusions doit être rejeté.

B. Sur l’article 2, sous a), de la décision attaquée

1.   Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 23 du règlement no 1/2003, des lignes directrices pour le calcul des amendes, des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement ainsi que de l’obligation de motivation

390 Dans le cadre de leur quatrième moyen, les requérantes reprochent à la Commission diverses erreurs commises dans les différentes étapes du calcul du montant de l’amende infligée à Credit Suisse. Ce moyen est divisé en cinq branches. La première branche est tirée d’une erreur dans le calcul de la valeur de remplacement. La deuxième branche est tirée d’une erreur relative à la réduction de l’amende accordée au titre des circonstances atténuantes. La troisième branche est tirée d’une erreur liée à
une surestimation de l’amende au titre du facteur lié à la gravité de l’infraction. La quatrième branche est tirée de la violation du principe d’égalité de traitement. Enfin, la cinquième branche est tirée de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée sur la proportionnalité du calcul de l’amende infligée aux requérantes par rapport à celle infligée aux autres participants à l’infraction.

391 À titre liminaire, il convient de rappeler que le système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE consiste en un contrôle de la légalité des actes des institutions qu’établit l’article 263 TFUE (voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 47 et jurisprudence citée).

392 S’agissant de la portée du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, celui-ci s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE dont le juge de l’Union assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par la partie requérante et compte tenu de l’ensemble des éléments pertinents soumis par cette dernière (voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon
Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 48 et jurisprudence citée).

393 Lors de ce contrôle, le juge ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices pour le calcul des amendes, ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 62).

394 Il convient toutefois de rappeler que les juridictions de l’Union ne peuvent, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 89 et jurisprudence citée).

395 Premièrement, aux considérants 574 à 660 de la décision attaquée, la Commission a relevé que Credit Suisse avait intentionnellement enfreint l’article 101 TFUE et que, en conséquence, elle entendait lui imposer une amende selon la méthodologie fixée par les lignes directrices pour le calcul des amendes.

396 Deuxièmement, dans le cadre de la détermination de la valeur des ventes qui sert de point de départ au calcul du montant de base des amendes, la Commission a constaté que les produits en cause, à savoir les devises G10, ne généraient pas de ventes au sens habituel du terme et n’étaient donc pas directement traçables dans les comptes des entreprises participantes. En conséquence, il était approprié en l’espèce de calculer une valeur de remplacement. Cette dernière a été fondée, d’une part, sur
les montants notionnels annualisés correspondant aux paires de devises les plus négociées, incluant l’une des devises de l’Espace économique européen (EEE) (l’euro, la couronne danoise, la livre sterling, la couronne norvégienne et la couronne suédoise), des transactions qui ont eu lieu avec les contreparties situées dans l’EEE au cours des mois de la participation des entreprises à l’infraction et, d’autre part, sur un facteur d’ajustement, constitué d’un écart de cotation reflétant la valeur
des recettes issue des activités de tenue de marché et la valeur des recettes issue des activités de négociation pour compte propre.

397 Troisièmement, la Commission a calculé le montant de base de l’amende de Credit Suisse en retenant une proportion de 16 % de la valeur de remplacement au titre de la gravité de l’infraction litigieuse, multiplié par un coefficient de durée propre à Credit Suisse, à savoir 0,42 année, en y ajoutant enfin un montant additionnel de 16 % à des fins dissuasives.

398 Quatrièmement, la Commission a procédé à l’ajustement du montant de base calculé pour Credit Suisse. À ce titre, elle n’a pas retenu de circonstances aggravantes. En revanche, elle a appliqué des circonstances atténuantes en déduisant du montant de base calculé pour Credit Suisse 2 % pour l’absence de sa responsabilité à l’égard de l’accord sous-jacent, d’une part, et pour celle des cas occasionnels de coordination, d’autre part, soit, au total, une déduction de 4 %. Enfin, elle n’a pas majoré
son amende à des fins de dissuasion.

a)   Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une erreur dans le calcul de la valeur de remplacement

399 Les requérantes contestent la détermination de la valeur des ventes dans la décision attaquée en faisant valoir que la valeur de remplacement retenue par la Commission surestime de manière substantielle et arbitraire la valeur des ventes de Credit Suisse et l’importance économique de l’infraction litigieuse, s’écartant ainsi du concept de « valeur des ventes » qui figure dans les lignes directrices pour le calcul des amendes.

400 La Commission conteste ces arguments.

401 Aux termes du point 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ».

402 Dans leur partie introductive, les lignes directrices pour le calcul des amendes précisent, au point 6, que « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction ».

403 Ainsi, le point 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes a pour objectif de retenir comme point de départ pour le calcul de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids de cette entreprise dans celle-ci. Par conséquent, si la notion de « valeur des ventes » visée audit point ne saurait s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas du champ d’application de l’entente
reprochée, il serait toutefois porté atteinte à l’objectif poursuivi par cette disposition si cette notion s’entendait comme ne visant que le chiffre d’affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette entente (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 76).

404 Il y a également lieu de rappeler qu’il ressort du point 15 des lignes directrices pour le calcul des amendes que, en vue de déterminer la valeur des ventes d’une entreprise, la Commission utilisera les meilleures données disponibles de cette entreprise.

405 Aux considérants 584 à 620 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la valeur des ventes par le biais d’une valeur de remplacement dans la mesure où les activités des changes au comptant des devises G10 ne génèrent pas de ventes au sens usuel du terme.

406 À cet égard, la Commission a estimé approprié de prendre comme valeur de remplacement les montants notionnels annualisés de Credit Suisse correspondant aux paires de devises les plus négociées, incluant l’une des devises de l’EEE, à savoir l’euro, la livre sterling, la couronne norvégienne, la couronne suédoise ou la couronne danoise, au cours des mois de participation de cette banque à l’infraction en cause, qui ont eu lieu avec les contreparties situées dans l’EEE, ces montants étant ensuite
multipliés par le facteur d’ajustement uniforme, constitué d’un écart de cotation reflétant la valeur des recettes issues, d’une part, des activités de tenue de marché (ci-après le « facteur d’ajustement lié à la tenue de marché ») et, d’autre part, des activités de négociation pour compte propre (ci-après le « facteur d’ajustement lié à la négociation pour compte propre »). La Commission a, dès lors, pris comme valeur des ventes à l’égard de Credit Suisse le montant de 381888991 euros.

1) Sur les montants notionnels annualisés de Credit Suisse

407 Au considérant 628 de la décision attaquée, s’agissant de l’argument de Credit Suisse selon lequel les montants notionnels pertinents pour le calcul de la valeur de remplacement incluaient les transactions dans lesquelles Credit Suisse avait acheté de la liquidité et non celles où Credit Suisse en avait fourni, la Commission a affirmé qu’il n’était pas pertinent. Elle a relevé, à cet égard, que la façon dont les traders choisissaient de couvrir et de gérer le risque lié aux positions ouvertes
dans leur portefeuille ne devrait pas être prise en compte et que rechercher des liquidités, détenir, augmenter ou liquider des positions ouvertes constituaient l’essence de l’activité d’un trader et étaient des activités intégrées dans les prix d’achat et de vente que les traders proposaient à leurs clients.

408 Les requérantes estiment que la méthodologie adoptée par la Commission dans la décision attaquée inclut à tort des montants notionnels associés à des transactions dans lesquelles Credit Suisse se procure des liquidités, dans la mesure où une telle inclusion attribue à cette dernière les montants notionnels d’autres banques. En effet, ces montants représenteraient des coûts de prestation du service de tenue de marché et, dès lors, ne pourraient pas être inclus dans le calcul de la valeur des
ventes, qui cherche à déterminer les revenus. La Commission aurait ainsi surestimé l’importance économique de l’infraction alléguée.

409 La Commission conteste les arguments des requérantes.

410 À titre liminaire, il convient de relever que les requérantes ne remettent pas en cause le principe même de l’annualisation des montants notionnels, mais cherchent à exclure de ceux-ci les opérations d’achat des devises par Credit Suisse.

411 Cela étant, il y a lieu de constater que, lors de l’application de la méthodologie aux fins du calcul de la valeur de remplacement, en l’absence de montants directement traçables dans les comptes des entreprises participantes, la Commission a cherché à procéder de manière comparable au calcul de la valeur des ventes, dans la mesure où cette dernière s’apprécie au regard de la combinaison du volume des unités vendues et de leur prix de vente (considérants 585 et 586 de la décision attaquée).
Ainsi, en l’espèce, ledit volume correspondait aux montants notionnels annualisés.

412 Certes, lors du calcul de ces montants notionnels, la Commission n’a pas différencié les montants notionnels correspondant à des transactions réalisées par Credit Suisse en vue de l’approvisionnement ou de la fourniture de liquidités. Toutefois, l’absence d’une telle différenciation, lors du calcul des montants notionnels annualisés, doit être considérée comme justifiée par les particularités du marché des changes au comptant, non contestées par les requérantes, selon lesquelles les recettes
dépendent de l’opération entière d’échange d’une paire de devises, à savoir d’une opération de vente et d’achat. Plus particulièrement, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, étant donné qu’un trader sur le marché des opérations de change au comptant cherche à dégager un bénéfice sur ses transactions à la fois d’achat et de vente, une transaction visant à acheter des liquidités sur le marché fait partie intégrante de son activité habituelle sur ce marché et, notamment, de ses
recettes.

413 Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, les opérations d’achat de devises par Credit Suisse ne sauraient être exclues des montants notionnels en vue de la détermination de la valeur de remplacement au motif, en substance, que celles-ci ne constitueraient pas des revenus au sens strict du terme, pas plus qu’en raison du fait qu’elles attribueraient à cette banque des montants notionnels d’autres banques.

414 À cet égard, les requérantes ne sauraient valablement se prévaloir d’une méthode exposée dans la note jointe à l’annexe C.5 de la réplique. En effet, dans leur réplique, elles se bornent à faire un renvoi général à ladite annexe. Or, il n’appartient pas au Tribunal d’aller rechercher dans l’ensemble des éléments du dossier ceux qui seraient de nature à corroborer leur allégation (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, EU:T:2006:267, point 209).

415 En outre, les requérantes ne contestent pas que les transactions lors desquelles Credit Suisse, parmi d’autres banques, cherchait à se procurer des liquidités ont eu lieu sur le marché affecté par l’entente sur lequel, au demeurant, la recherche des liquidités fait partie de la gestion des risques liés aux stocks au niveau du portefeuille. Or, sauf à minimiser artificiellement l’importance économique de l’infraction commise par cette banque et donc à conduire la Commission à infliger des amendes
sans réel lien avec le champ d’application de l’entente en cause, la valeur de remplacement – à l’instar de la valeur des ventes – ne saurait être calculée sur la seule base des opérations dont il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette entente, mais peut l’être, comme en l’espèce, sur la base de l’ensemble des opérations entrant dans le champ de ladite entente, ainsi que cela découle de la jurisprudence citée au point 403 ci-dessus.

416 Dès lors, la Commission était fondée à retenir pour le calcul de la valeur de remplacement les montants notionnels annualisés de Credit Suisse relatifs tant aux opérations d’achat qu’aux opérations de vente de devises.

2) Sur le facteur d’ajustement uniforme retenu dans la décision attaquée

417 Dans la décision attaquée, pour calculer la valeur de remplacement, la Commission a appliqué, en substance, une méthodologie consistant à multiplier des montants notionnels annualisés par un facteur d’ajustement. S’agissant de ce facteur d’ajustement, la Commission a considéré que celui-ci était constitué, d’une part, d’un facteur d’ajustement lié à la tenue de marché et, d’autre part, d’un facteur d’ajustement lié à la négociation pour compte propre.

i) Sur le facteur d’ajustement lié à la tenue de marché

418 Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que, en ce qui concerne la valeur des revenus de tenue de marché, le facteur d’ajustement devait être fixé à 50 % de l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur afin de tenir compte du fait qu’un écart de cotation complet dépend des deux parties de l’opération et que, dès lors, les revenus réalisés par un trader sur une opération donnée représentent la moitié de cet écart de cotation. Pour reconstituer cet écart, la Commission a choisi
d’utiliser les données provenant des échanges d’informations sur le forum de discussion en cause lors desquels les écarts de cotation concernant des transactions d’une taille pouvant aller jusqu’à 500 millions dans la devise de base ont été discutées, à savoir un échantillon d’échanges d’informations comprenant des écarts de cotation s’étalant sur une période allant de 2011 à 2012. Elle a ainsi établi une fourchette d’écarts de cotation allant de 6,2 à 8,9 points, laquelle a été fondée sur la
méthodologie consistant à fixer, premièrement, l’extrémité inférieure de la fourchette d’écarts de cotation au plus bas de la moyenne et de la médiane des écarts minimaux et, deuxièmement, l’extrémité supérieure de la fourchette au plus haut de la moyenne et de la médiane des écarts maximaux. Cette fourchette a servi pour déterminer l’écart de cotation approprié estimé à 7 points, dans la mesure où ce niveau se situait à proximité du milieu de l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur
résultant de ces échanges qui impliquaient toute combinaison de devises G10 comportant au moins une devise de l’EEE. En application de la diminution d’une moitié d’écart, elle a estimé ce facteur d’ajustement à 3,5 points (considérants 597, 598, 604 à 609 et note en bas de page no 501).

419 Les requérantes font valoir que le facteur d’ajustement lié à la tenue de marché est inadéquat et biaisé en recourant à des écarts de cotation plus élevés qui surestiment la valeur de remplacement de Credit Suisse et ne reflètent pas l’importance économique de l’infraction. D’après elles, l’échantillon, retenu par la Commission dans la décision attaquée, s’avère limité et non représentatif, et ce d’autant plus qu’il ne porte pas sur la période de participation de Credit Suisse à ladite
infraction. Selon elles, la Commission ne pouvait pas fonder le caractère « adéquat » de sa méthodologie sur l’acceptation de la fourchette d’amendes par les parties à la procédure de transaction. En tout état de cause, si la Commission se fondait sur l’échantillon susmentionné, elle aurait pu pondérer les écarts de manière à tenir compte de la répartition des transactions, afin de remédier au caractère non représentatif de cet échantillon.

420 Lors de l’audience, les requérantes ont confirmé que, pendant la procédure administrative, elles ont communiqué à la Commission les « meilleures données disponibles » par rapport à l’échantillon retenu par celle-ci dans la décision attaquée, à savoir les données Bloomberg BFIX, concernant la période pertinente. En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, les requérantes ont produit ces données devant le Tribunal.

421 La Commission conteste les arguments des requérantes. Selon elle, l’échantillon d’échanges d’informations utilisé dans la décision attaquée constitue la base de données la plus appropriée et représentative, étant donné qu’il se rapproche le plus de l’activité économique de Credit Suisse à laquelle l’infraction en cause se rapporte. En effet, cet échantillon porterait sur toutes les discussions sur le forum de discussion en cause sur lequel les échanges d’informations ont eu lieu ainsi que sur
les produits financiers spécifiques concernés par l’infraction et proviendrait des entreprises ayant effectivement participé à cette même infraction. La Commission estime que, afin de garantir l’égalité de traitement, elle n’était pas tenue d’élaborer une méthodologie sur mesure pour Credit Suisse, mais a tenu compte des éléments de preuve remontant à l’époque des faits qui concernaient les autres entreprises participantes. De plus, elle estime que le fait de prendre en compte les seules
transactions inférieures ou égales à 500 millions dans la devise de base rend l’échantillon représentatif des activités de négociation des entreprises participantes. En tout état de cause, les montants notionnels annualisés tiendraient déjà compte de la période individuelle de participation de Credit Suisse à l’infraction et de son poids dans celle-ci. Elle conclut au rejet des arguments des requérantes.

422 Lors de l’audience, la Commission a réitéré sa position selon laquelle l’échantillon d’échanges d’informations, utilisé lors du calcul du facteur d’ajustement lié à la tenue de marché dans la décision attaquée, était plus représentatif que les données Bloomberg BFIX, car il était spécifique à l’infraction en cause. En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a produit ledit échantillon qui constituait, selon elle, les « meilleures données disponibles » pour ledit
calcul, permettant ainsi de fonder la meilleure approximation possible de l’importance économique de l’infraction.

423 À cet égard, il convient de relever que les parties s’accordent sur la pertinence de la prise en compte, en l’espèce, de la moitié de l’écart de cotation aux fins du calcul du facteur d’ajustement lié à la tenue de marché. Toutefois, les parties s’opposent, en substance, sur la question de savoir si l’échantillon de discussions sur les écarts de cotation, utilisé dans la décision attaquée pour calculer le facteur d’ajustement lié à la tenue de marché, constitue les « meilleures données
disponibles » au sens du point 15 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

424 Or, d’une part, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 15 des lignes directrices pour le calcul des amendes, « [e]n vue de déterminer la valeur des ventes d’une entreprise, la Commission utilisera les meilleures données disponibles de cette entreprise ». Ainsi, dans la mise en œuvre de la méthodologie qu’elle définit, il lui appartient, notamment, de veiller à prendre en considération les « meilleures données disponibles », sous contrôle approfondi, en droit comme en fait, du
juge de l’Union, ainsi que cela découle de la jurisprudence citée au point 393 ci-dessus.

425 D’autre part, selon la jurisprudence de la Cour, en adoptant des règles de conduite telles que les lignes directrices pour le calcul des amendes et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionnée, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la
protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 211).

426 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, aux fins du calcul du facteur d’ajustement lié à la tenue de marché, l’échantillon utilisé par la Commission concernait seize échanges d’informations. Il en ressort également que cet échantillon porte sur des écarts de cotation issus de discussions qui ont eu lieu en 2011 (deux discussions du 24 juin, une discussion du 11 juillet, deux discussions du 10 août, une discussion du 20 septembre, une discussion du 5 octobre et une discussion du
21 octobre) et en 2012 (une discussion du 5 janvier, une discussion du 11 janvier, une discussion du 31 janvier, une discussion du 17 février, une discussion du 1er mars, une discussion du 5 avril, une discussion du 18 avril et une discussion du 18 juin), lors desquelles les traders se sont communiqué des écarts de cotation pour les paires de devises suivantes : GBP/USD (six discussions), EUR/CHF (une discussion), EUR/GBP (sept discussions), GBP/JPY (une discussion) et EUR/JPY (une discussion).

427 À cet égard, en premier lieu, il convient d’examiner les critiques des requérantes relatives à l’échantillon utilisé par la Commission.

428 Premièrement, en ce qui concerne la période concernée par les écarts de cotation issus de l’échantillon utilisé dans la décision attaquée, force est de constater, à l’instar des requérantes, que sa prise en compte ne saurait être considérée comme appropriée étant donné qu’elle excède la période pertinente.

429 Or, la prise en compte des écarts de cotation, issus de plusieurs discussions datant, notamment, de 2011, antérieurement à la période infractionnelle de Credit Suisse, n’a aucune pertinence pour la détermination de la valeur de remplacement résultant des transactions des diverses paires de devises, dont les montants notionnels annualisés portent sur l’année 2012.

430 En effet, eu égard à la volatilité et à la liquidité du marché des changes au comptant, les taux de change, dont l’écart de cotation constitue une composante, influencés par ces particularités du marché, changent rapidement, comme le reflète au demeurant l’échantillon retenu dans la décision attaquée. Plus particulièrement, il ressort de cet échantillon que les écarts de cotation pour une opération portant sur un même montant et sur une même paire de devises différaient en fonction de la date.
Ainsi, force est de constater que l’application des écarts de cotation renseignés par les traders en 2011 ne peut, d’un point de vue objectif, renseigner la Commission de manière précise sur la valeur réelle des revenus tirés de la tenue de marché par Credit Suisse en 2012, durant la période infractionnelle.

431 Dans ces circonstances, la prise en compte des écarts de cotation portant sur diverses dates en 2011 doit être considérée comme inadéquate et inappropriée pour refléter la situation économique réelle de Credit Suisse durant la période infractionnelle.

432 Deuxièmement, l’échantillon de seize échanges, employé pour le calcul du facteur d’ajustement lié à la tenue de marché, s’avère limité par rapport au nombre de transactions correspondant aux montants notionnels annualisés pris en compte par la Commission pour pouvoir représenter de manière objective, notamment, l’importance économique de l’infraction alléguée.

433 À cet égard, si ledit nombre de transactions n’a pas été indiqué dans la décision attaquée, étant donné que la Commission s’est fondée sur les seules transactions des montants inférieurs ou égaux à 500 millions dans la devise de base (considérant 604) et que les montants notionnels qu’elle a pris en compte forment un total de 1060802752528 euros (considérant 592), si l’on divise ces montants notionnels par le volume maximal des transactions sur lesquelles elle s’est fondée (500000000), il y a
lieu de considérer que le nombre de transactions correspondant à ces montants notionnels est au moins de 2121. Au demeurant, les requérantes affirment que Credit Suisse a exécuté 22000 transactions pendant sa période de participation à l’infraction alléguée, sans que cela soit contesté par la Commission.

434 Troisièmement, il convient de rappeler que, pour parvenir à la valeur de remplacement, la Commission a utilisé les montants notionnels annualisés correspondant aux paires de devises les plus négociées, impliquant l’une des devises de l’EEE, à savoir l’euro, la livre sterling, la couronne norvégienne, la couronne suédoise ou la couronne danoise, au cours des mois de la participation des banques à l’infraction en cause (considérant 589 de la décision attaquée). Or, ainsi qu’il ressort des éléments
de preuve relatifs à l’échantillon des discussions sur les écarts de cotation, retenu dans la décision attaquée, cet échantillon inclut à peine cinq paires de devises parmi quarante combinaisons possibles.

435 Or, ce défaut de représentativité des paires de devises concernées par l’échantillon des écarts de cotation, retenu dans la décision attaquée, est susceptible d’avoir une incidence importante sur l’appréciation des « meilleures données » disponibles lors de l’adoption de la décision attaquée pour le calcul de la valeur de remplacement de Credit Suisse. En effet, ainsi qu’il ressort dudit échantillon, diverses paires de devises concernées en l’espèce présentent des différences de liquidité et des
écarts de cotation appliqués (par exemple, pour 200 millions d’une paire de devises EUR/GBP, l’écart de cotation minimal se situait entre 10 et 12 tandis que l’écart de cotation maximal se situait entre 12 et 14 alors que pour le même volume d’une paire de devises GBP/USD l’écart de cotation minimal était 18 tandis que le maximal était 20).

436 Eu égard à ce qui précède, force est de considérer que les éléments peu nombreux de l’échantillon, employé par la Commission pour calculer le facteur d’ajustement en cause, dont plus de la moitié ne concerne pas la période pertinente (voir point 426 ci-dessus), ne présentent pas de niveau de détail inhérent à chaque paire de devises retenue comme pertinente par la Commission lors dudit calcul. Dès lors, ledit échantillon ne saurait être considéré comme fournissant des données qui auraient été
suffisantes pour garantir que toutes les paires de devises concernées étaient proportionnellement représentées à la lumière de la logique du facteur d’ajustement lié à la tenue de marché, à savoir la prise en compte du fait que les revenus tirés des transactions sont intégrés dans l’écart entre le cours vendeur et le cours acheteur appliqué sur un échange d’une paire de devises impliquant une devise de l’EEE.

437 En second lieu, il importe néanmoins aux requérantes de démontrer que, dans le cadre de la méthodologie que la Commission a légalement déterminée, il existait effectivement de meilleures données que celles retenues par cette institution et que celles-ci sont effectivement disponibles (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission, T‑105/17, EU:T:2019:675, point 324). Dès lors, il y a lieu de déterminer si les données Bloomberg BFIX, proposées par les
requérantes à la Commission pour déterminer le facteur d’ajustement lié à la tenue de marché, constituaient les « meilleures données disponibles » pour mettre en œuvre la méthodologie définie par cette dernière dans la décision attaquée.

438 À cet égard, premièrement, il convient de constater que, ainsi que les requérantes l’ont souligné lors de l’audience, l’utilisation des données Bloomberg BFIX aurait permis à la Commission de prendre en considération des milliers de données relatives à la période pertinente et donc des exemples d’écarts de cotation concernant la période infractionnelle de Credit Suisse bien plus nombreux et, par conséquent, plus représentatifs eu égard au volume significatif des transactions qui ont été prises
en compte par la Commission dans le calcul de la valeur de remplacement (voir points 432 et 433 ci-dessus). La prise en compte de ces données aurait ainsi été de nature à établir une correspondance proportionnelle entre ces écarts et les montants notionnels annualisés portant sur la même période, conformément à la logique sous-jacente du calcul de la valeur des ventes en l’espèce, et les paires de devises incluses dans le périmètre du calcul du facteur d’ajustement en cause.

439 Deuxièmement, ainsi qu’elle l’a fait valoir lors de l’audience, la Commission conteste le caractère approprié des données Bloomberg BFIX. Selon elle, ces données présentent des limites, dans la mesure, notamment, où elles ne permettent pas de filtrer les écarts de cotation effectivement exécutés par les banques ayant participé à l’infraction. Ces données sont également, comme l’a avancé la Commission lors de l’audience et en réponse à une mesure d’organisation de la procédure décidée par le
Tribunal, non spécifiques à l’infraction en cause, notamment en ce qu’elles ne proviennent pas du lieu sur lequel cette infraction s’est déroulée et ne concernent pas les transactions exécutées par les banques impliquées dans cette dernière.

440 Toutefois, si, certes, les lignes directrices pour le calcul des amendes reposent sur la prise en considération de la valeur des ventes des produits concernés en relation avec l’infraction pour la fixation du montant de base des amendes à infliger (arrêt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C‑39/18 P, EU:C:2019:584, point 26), elles prévoient également, au point 16, la possibilité pour la Commission de déterminer ladite valeur, lorsque les données rendues disponibles par une entreprise sont
incomplètes ou non fiables, sur la base, notamment, de toute autre information qu’elle considère pertinente ou appropriée. Ainsi, il ne ressort pas de ces lignes directrices que les données prises en compte par la Commission doivent nécessairement être spécifiques à l’infraction.

441 En effet, la notion de « meilleures données disponibles », au sens du point 15 des lignes directrices pour le calcul des amendes, n’implique pas de trouver des données de nature à conférer une image parfaitement exacte de l’importance économique de l’infraction et du poids relatif d’une entreprise dans celle-ci, mais consiste à trouver celles qui présentent une qualité supérieure aux autres données disponibles, en ce sens, notamment, qu’elles seraient plus cohérentes, complètes et fiables pour
refléter cette importance et ce poids (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2014, RWE et RWE Dea/Commission, T‑543/08, EU:T:2014:627, points 230, 234 et 237).

442 Or, compte tenu du fait que les données Bloomberg BFIX permettent de prendre en considération toutes les paires de devises comprises dans le périmètre des devises concernées par le calcul du facteur d’ajustement en cause, fournissent un échantillon plus significatif pour refléter proportionnellement les montants notionnels annualisés sur lesquels ledit facteur a été appliqué et concernent la période infractionnelle de Credit Suisse, elles doivent être considérées comme plus cohérentes, complètes
et fiables que celles sur lesquelles la Commission s’est fondée pour refléter l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de Credit Suisse dans celle-ci.

443 Il résulte de ce qui précède que les données Bloomberg BFIX, proposées à la Commission lors de la procédure administrative et produites par les requérantes devant le Tribunal, constituent, contrairement à ce qu’allègue la Commission, les « meilleures données disponibles », de nature à refléter de manière plus exacte la valeur de remplacement de Credit Suisse.

444 La Commission ne saurait valablement justifier la prise en compte des données non représentatives de la valeur réelle des revenus tirés de la tenue de marché par l’impératif de respecter l’égalité de traitement des participants à l’infraction, étant donné que la méthode appliquée devrait être identique pour toutes les parties à l’infraction.

445 En effet, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51 et jurisprudence citée). Or, l’application du principe d’égalité de traitement ne
saurait s’opposer à ce que soient prises en compte, en l’espèce, les données individualisées des entreprises participant à l’infraction, tout en appliquant la même méthodologie pour le calcul de la valeur de remplacement. En effet, l’utilisation, en l’espèce, de données individualisées relatives aux écarts de cotation concernant la période de participation de Credit Suisse à l’infraction ne constitue qu’une modalité de la mise en œuvre de la méthodologie élaborée par la Commission et applicable
à toutes les parties à ladite infraction, qui n’en altère pas la substance, mais est uniquement susceptible de renforcer la précision de la valeur de remplacement de cette banque quant à l’importance et à l’étendue de son activité pendant la période de sa participation à l’infraction.

446 Par ailleurs, le Tribunal a déjà jugé conforme au principe d’égalité de traitement l’approche de la Commission consistant à prendre en considération, dans le cadre du calcul de la valeur des ventes, les données issues de périodes différentes eu égard aux différentes périodes de participation à l’infraction des entreprises concernées, pour, notamment, tenir compte de la situation économique réelle de ces entreprises durant la période infractionnelle et éviter que la valeur des ventes ne
sous-estime l’importance économique de l’infraction (arrêt du 29 septembre 2021, Tokin/Commission, T‑343/18, EU:T:2021:636, points 110 à 114 et 118).

447 En outre, contrairement à ce qu’allègue la Commission, le fait que les parties ayant transigé ont accepté l’utilisation de données uniformes aux fins du calcul du facteur d’ajustement appliqué dans le cadre de la méthodologie élaborée par la Commission ne saurait pas davantage infirmer la conclusion sur son caractère inapproprié et inadéquat à l’égard de Credit Suisse.

448 Par conséquent, en n’utilisant pas les « meilleures données disponibles » pour le calcul du facteur d’ajustement à appliquer à Credit Suisse pour le calcul de la valeur de remplacement, la Commission a méconnu les lignes directrices pour le calcul des amendes et erronément calculé le montant de base de l’amende qu’elle a infligée à Credit Suisse.

ii) Sur le facteur d’ajustement lié à la négociation pour compte propre

449 Dans la décision attaquée, s’agissant du facteur d’ajustement lié à la négociation pour compte propre, dans la mesure où les traders échangeaient des informations relatives à leurs positions de risque ouvertes, après avoir rappelé qu’aucune des banques concernées n’a été en mesure de fournir les données nécessaires pour estimer ces recettes commerciales et compte tenu des défis techniques inhérents au calcul de la valeur de remplacement des recettes provenant de la négociation pour compte
propre, la Commission a décidé, aux fins de la détermination de l’écart de cotation, de se fonder sur les sources publiques afférentes aux transactions au niveau « interdealer » (voir point 24 ci-dessus). Ainsi, pour ne pas surestimer ces recettes, elle a décidé de les calculer en multipliant le montant notionnel par 10 % d’un écart de cotation approprié, ce dernier étant, à sa discrétion, évalué à un niveau entre 0,6 et 1,5 point. Sur la base de ces constats, elle a pris en compte l’écart de
cotation fixé à 1 point, qu’elle a divisé par les 10 % susmentionnés. Partant, elle a estimé ce facteur d’ajustement à 0,1 point.

450 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir arbitrairement utilisé le facteur d’ajustement pour tenir compte des revenus que les banques participantes auraient tirés de la détention des positions de risque ouvertes et d’avoir appliqué 10 % d’un écart de cotation « intertraders » pour le constituer. Elles estiment que les revenus générés par la détention de positions de risque ouvertes sont fondés sur l’augmentation potentielle de la valeur de la position d’un trader et non sur l’écart
qu’un trader doit finalement payer. Dès lors, utiliser l’écart de cotation pour tenir compte des revenus allégués ne reflèterait pas les revenus que Credit Suisse aurait pu tirer de cette activité. En tout état de cause, la Commission n’aurait pas démontré que le revenu moyen de la négociation propre serait proportionnel à l’écart de cotation.

451 La Commission conteste les arguments des requérantes.

452 À cet égard, à titre liminaire, il y a lieu de noter que les requérantes ne contestent pas l’affirmation énoncée au considérant 610 de la décision attaquée selon laquelle, d’une part, les banques impliquées dans l’infraction en cause concluaient des transactions non seulement en tant que teneurs de marché mais aussi pour leur propre compte et, d’autre part, toutes ces transactions généraient des revenus. Le constat au considérant 630 de cette décision selon lequel « les écarts de cotation
reflètent les attentes des banques quant au risque associé à une exposition ouverte » n’est pas non plus contesté.

453 Cela étant précisé, il convient de rappeler que, sur le marché des changes au comptant, l’écart de cotation constitue la compensation que reçoit le trader, notamment pour le risque qu’il supporte en ayant une devise donnée dans son portefeuille, du fait de l’exposition aux positions de risque ouvertes en raison de la vélocité des fluctuations des taux de change sur le marché (voir point 21 ci-dessus et considérants 35 et 36 de la décision attaquée, non contestés par les requérantes).

454 Ainsi, il y a lieu de considérer que l’approche retenue par la Commission pour calculer le facteur d’ajustement lié à la négociation pour compte propre, fondée sur un écart de cotation, doit être considérée comme étant conforme à la réalité du marché des changes au comptant. L’approche susmentionnée de la Commission est également conforme à la logique sous-tendant le choix de la valeur de remplacement, en ce qu’elle tient compte, notamment, des revenus générés par les activités de négociation
pour compte propre de Credit Suisse.

455 Dans ces conditions, les requérantes, qui se bornent à faire valoir que l’écart de cotation n’est pas pertinent pour calculer les revenus tirés des activités de négociation pour compte propre sans pour autant proposer de méthode alternative plus appropriée, ne sauraient valablement se prévaloir de l’utilisation prétendument erronée par la Commission de l’écart de cotation pour déterminer les revenus que Credit Suisse aurait pu tirer des activités de négociation pour compte propre.

456 Plus généralement, l’allégation des requérantes selon laquelle, dans le contexte des activités de négociation pour compte propre, les traders payeraient, et non gagneraient, un écart doit être considérée comme contre-intuitive du point de vue de la logique commerciale et de la rationalité économique de l’activité pour compte propre et, notamment, à l’instar de la décision attaquée, non contestée sur ce point par les requérantes, selon laquelle « [i]ls peuvent très bien augmenter, réduire ou
liquider des positions à risque ouvertes en “gagnant l’écart” d’autres traders [...] ; c’est en effet l’essence d’être un bon teneur du marché et trader en général et montre que la tenue du marché et la négociation pour compte propre sont étroitement liées » (considérant 630).

457 Enfin, si les requérantes contestent formellement la proportionnalité du revenu moyen de la négociation pour compte propre à l’écart de cotation sur la base des « écarts très fréquents » d’une étude, elles n’avancent aucune explication concrète au soutien de cette contestation. En effet, elles se bornent à faire valoir que la « fréquence élevée des transactions s’avère sans pertinence dans la présente affaire ». En tout état de cause, les requérantes ne sauraient valablement reprocher à la
Commission un quelconque renversement de la charge de la preuve, dans la mesure où cette dernière dispose d’une marge d’appréciation lors du calcul de l’amende. En outre, ne saurait prospérer l’argument des requérantes tiré du prétendu caractère arbitraire et inapproprié de l’application de 10 % d’un écart de cotation « intertraders » pour déterminer le facteur d’ajustement en cause qui résulte d’une simple allégation, nullement circonstanciée.

458 Il découle de ce qui précède que la Commission a correctement déterminé le facteur d’ajustement lié à la négociation pour compte propre. Partant, il y a lieu d’écarter les arguments des requérantes avancés à son égard comme étant non fondés.

3) Sur la méthodologie alternative proposée par les requérantes pour le calcul de la valeur de remplacement

459 Les requérantes estiment que la méthodologie alternative proposée par Credit Suisse lors de la procédure administrative constitue une base plus appropriée et plus fiable pour déterminer la valeur de ses ventes. Cette méthodologie consisterait, en substance, à calculer les montants notionnels pour chaque combinaison de paires de devises et de mois de négociation issus des transactions lors desquelles Credit Suisse fournissait des liquidités, lesquels seraient multipliés par un facteur
d’ajustement relatif à un écart de cotation correspondant à la moitié de l’écart de cotation par combinaison de paires de devises et de mois de négociation spécifiques sur la base des données issues d’un tiers indépendant.

460 Selon les requérantes, cette méthodologie permet d’obtenir une approximation plus précise de la valeur de remplacement. Or, la Commission n’aurait pas sérieusement examiné les arguments et la méthodologie alternative proposés par Credit Suisse. Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir manqué à son obligation de motivation à cet égard.

461 La Commission conteste les arguments des requérantes.

462 À titre liminaire, il convient de rappeler que la méthodologie proposée par les requérantes diffère de celle appliquée dans la décision attaquée en ce qu’elle exclurait du calcul les montants notionnels liés aux opérations d’achat ainsi que le facteur d’ajustement lié à la négociation pour compte propre, mais procéderait à une pondération des écarts de cotation liés aux activités de tenue de marché.

463 Or, ainsi qu’il ressort des points 410 à 416 ci-dessus, c’est à tort que les requérantes cherchent à établir que le calcul des montants notionnels annualisés devait tenir compte des seules opérations de vente des devises. En effet, un tel calcul ne tiendrait pas compte de l’ensemble des opérations pertinentes effectuées par Credit Suisse, et ce quand bien même il serait calculé sur la combinaison des paires de devises et des mois de négociation spécifiques. En tout état de cause, ainsi qu’il
ressort du rapport d’expertise auquel se réfèrent les requérantes à l’appui de leur méthodologie, le calcul alternatif des montants notionnels ne repose pas sur des données précises qui permettraient de déterminer les seules transactions lors desquelles Credit Suisse avait fourni des liquidités.

464 De plus, s’agissant de l’exclusion de la méthodologie du calcul de la valeur de remplacement de la valeur des recettes issues des activités pour compte propre, si l’absence de leur prise en compte permettrait de diminuer la valeur de remplacement prétendument « gonflée », une telle exclusion ne tient pas compte de l’importance économique de l’infraction et du poids relatif de Credit Suisse dans cette dernière, dans la mesure où ces recettes constituent une source de revenus des banques et
relèvent de la substance même de leurs activités.

465 Quant à l’argument relatif à l’insuffisance de motivation tirée de l’absence d’explications de la part de la Commission quant à sa non-prise en compte de la méthode alternative proposée par les requérantes, il convient de noter que, ainsi qu’il ressort des considérants 626 à 633 de la décision attaquée, la Commission a exposé les motifs pour lesquels elle n’a pas trouvé appropriée la méthodologie alternative proposée par les requérantes. Pour le reste, force est de constater que ledit argument
se confond davantage avec l’examen du bien-fondé de l’appréciation de ladite méthodologie. En tout état de cause, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il ne saurait être imposé à la Commission d’expliquer dans ses décisions les raisons pour lesquelles elle n’a pas retenu, en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende, des approches alternatives à celle effectivement retenue dans la décision attaquée (arrêt du 15 juillet 2015, SLM et Ori Martin/Commission, T‑389/10 et
T‑419/10, EU:T:2015:513, point 206).

466 Dès lors, il convient d’accueillir la première branche du quatrième moyen, uniquement en ce que la Commission n’a pas utilisé les meilleures données disponibles, à l’égard de Credit Suisse, pour la détermination du facteur d’ajustement lié à la tenue de marché.

467 Cela étant, le Tribunal estime approprié de poursuivre l’examen du quatrième moyen de la requête en abordant la troisième branche, puis les deuxième, quatrième et cinquième branches.

b)   Sur la troisième branche du quatrième moyen, tirée d’une surestimation de l’amende résultant du facteur lié à la gravité de l’infraction

468 Selon les lignes directrices pour le calcul des amendes, le montant de base de l’amende est lié à une proportion de la valeur des ventes déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction (point 19). L’appréciation de la gravité de l’infraction est faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce (point 20). En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte
sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 % (point 21). Afin de décider du niveau de la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné, la Commission tient compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction (point 22). En outre, étant donné que les restrictions de concurrence les plus graves,
telles que les accords horizontaux de fixation de prix, doivent être sévèrement sanctionnées, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle (point 23).

469 Aux considérants 634 à 637 de la décision attaquée, la Commission a, compte tenu des règles rappelées au point 468 ci-dessus, estimé, en substance, que, eu égard à la nature et à l’étendue géographique de l’infraction, le facteur de gravité devait être fixé à 16 %.

470 Les requérantes font valoir que la Commission a erronément fixé le facteur de gravité de l’infraction à 16 %. Premièrement, elle n’aurait pas tenu compte des parts de marché négligeables des traders, voire n’aurait pas expliqué l’absence de prise en compte de ces parts de marché, alors qu’elles seraient pertinentes pour déterminer la puissance économique des banques participantes et la gravité de l’infraction. Deuxièmement, lors de l’appréciation du facteur de gravité de l’infraction, elle
n’aurait pas tenu compte de l’objet légitime et proconcurrentiel des échanges d’informations. Troisièmement, les facteurs susceptibles d’affecter la gravité d’une infraction, à savoir le nombre et l’intensité des comportements, auraient raisonnablement dû conduire la Commission à appliquer un facteur de gravité plus faible.

471 La Commission conteste les arguments des requérantes.

472 À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant des facteurs non exhaustifs, mentionnés au point 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes, pris en compte par la Commission afin de déterminer la proportion de la valeur des ventes qui doit être prise en considération dans un cas donné, la Commission a correctement établi que l’infraction litigieuse a couvert l’ensemble de l’EEE et a pris la forme d’accords et/ou de pratiques concertées ayant pour objectif, en substance, de réduire
ou de supprimer les incertitudes normales inhérentes au marché des opérations de change au comptant. Or, cette réduction ou suppression a permis aux banques impliquées dans l’infraction de les conforter au sujet de leurs décisions de fixation des prix et de gestion de risques, alors que ces dernières constituent les paramètres au vu desquels ces banques devaient se trouver en concurrence sur le marché des changes au comptant. Ainsi, l’infraction en cause compte parmi les restrictions de
concurrence les plus graves. Or, conformément au point 23 des lignes directrices pour le calcul des amendes, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle.

473 Il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir fixé le facteur de gravité à 16 %, à savoir à un niveau qui se situe parmi les taux les plus faibles de l’échelle des sanctions prévues pour de telles infractions en vertu des lignes directrices pour le calcul des amendes.

474 Cette conclusion ne saurait être infirmée par aucun des arguments avancés par les requérantes.

475 En premier lieu, la Commission n’était pas obligée de tenir compte, dans la fixation du facteur de gravité, des parts de marché des traders impliqués dans l’infraction unique et continue. En effet, un tel élément ne fait pas partie des facteurs énumérés au point 23 des lignes directrices pour le calcul des amendes. En outre, si, certes, pour déterminer la gravité de l’infraction, il y a lieu de tenir compte de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de celle-ci, notamment la
taille des entreprises participantes, la Cour a également rappelé qu’il n’existe pas de liste contraignante ou exhaustive des critères devant obligatoirement être pris en compte afin d’apprécier la gravité d’une infraction (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 196 à 198 et jurisprudence citée).

476 En deuxième lieu, le nombre et l’intensité des comportements anticoncurrentiels ne font pas non plus partie des facteurs énumérés au point 23 des lignes directrices pour le calcul des amendes. S’il est également vrai que, selon la jurisprudence, de tels éléments sont en général pertinents pour la détermination du montant des amendes (voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 197 et jurisprudence citée), il n’en demeure pas moins qu’il est
loisible à la Commission de procéder à une prise en compte de la gravité relative de la participation d’une entreprise à une infraction et des circonstances particulières de l’affaire soit lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction, soit lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 104).

477 Dans ces conditions, il convient de considérer que la Commission était fondée à fixer un coefficient de gravité en prenant en compte l’infraction dans sa globalité et que la gravité relative de la participation de Credit Suisse dans cette infraction pouvait être examinée, notamment, dans le cadre de l’appréciation des circonstances atténuantes et non au stade du facteur de gravité.

478 En troisième et dernier lieu, s’agissant de la prétendue absence de prise en compte par la Commission de l’objet légitime et proconcurrentiel des échanges d’informations, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il a été fait dans le cadre de l’examen de la seconde branche du deuxième moyen, que la Commission a rejeté à juste titre ces arguments. Partant, elle n’avait aucune raison de les considérer au stade de la fixation du facteur de gravité.

479 Il en découle que la troisième branche du quatrième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

c)   Sur la deuxième branche du quatrième moyen, tirée d’une erreur relative à la réduction de l’amende accordée au titre des circonstances atténuantes disproportionnellement faible

480 Aux considérants 650 à 656 de la décision attaquée, la Commission a estimé, en substance, que, conformément au point 29 des lignes directrices pour le calcul des amendes, compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce, à savoir l’absence de responsabilité de Credit Suisse au titre de l’accord sous-jacent, d’une part, et des cas occasionnels de coordination, d’autre part, il y avait lieu de lui accorder 2 % au titre de chacun de ces comportements et donc au total 4 % de réduction de
l’amende au titre des circonstances atténuantes.

481 Les requérantes font valoir que la réduction accordée par la Commission au titre des circonstances atténuantes ne tient pas suffisamment compte du fait que Credit Suisse n’était reconnue responsable que d’un seul des trois comportements constitutifs de l’infraction unique et continue, et ce d’autant plus que ce comportement aurait été le moins grave des trois. D’après elles, pour refléter cette réalité, la Commission devait appliquer une réduction d’environ 75 % de l’amende ou, à tout le moins,
des deux tiers, à savoir 66 %. En outre, elles reprochent à la Commission de ne pas avoir pris en compte les circonstances atténuantes relatives, premièrement, à l’implication alléguée très limitée de Credit Suisse et, deuxièmement, au fait qu’elle a évité d’adopter le comportement anticoncurrentiel litigieux, en communiquant des informations obtenues sur le forum de discussion en cause avec des clients, des bureaux de vente et d’autres traders.

482 La Commission conteste les arguments des requérantes.

483 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 335 ci-dessus, tous les comportements constitutifs de l’infraction unique et continue avaient un objectif commun consistant, en substance, à atténuer les incertitudes normales inhérentes au marché des opérations de change au comptant, sans pour autant qu’une quelconque prétendue différence puisse être établie en ce qui concerne leur gravité. Ainsi, les requérantes ne sauraient être suivies lorsqu’elles
affirment, de manière générale et non circonstanciée, que les échanges d’informations constitueraient le comportement « le moins grave » parmi les trois comportements constitutifs de ladite infraction, dont il conviendrait de tenir compte au titre des circonstances atténuantes.

484 En second lieu, les arguments avancés par les requérantes visant à établir l’existence de circonstances atténuantes autres que celles admises par la Commission dans la décision attaquée ne sauraient non plus être accueillis.

485 À cet égard, premièrement, dans la mesure où Credit Suisse était tenue pour responsable de l’infraction unique et continue pour autant que soient concernés les échanges d’informations, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de plus de cent discussions analysées dans la décision attaquée, le comportement de Credit Suisse était très proche de celui des autres banques participantes à la même période. Ainsi, sa participation à l’infraction n’était pas substantiellement réduite, ce qui
aurait pu constituer une circonstance atténuante au sens du point 29 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

486 Deuxièmement, s’agissant du prétendu comportement concurrentiel de Credit Suisse, il suffit de constater que, dans la mesure où cet argument se fonde, en substance, sur les arguments écartés au stade de l’analyse des deuxième et troisième moyens, la Commission n’était en aucun cas obligée de retenir cet élément comme circonstance atténuante.

487 Troisièmement et dernièrement, il convient d’analyser l’incidence de l’erreur de la Commission constatée lors de l’examen du premier moyen de la requête concernant la qualification de la discussion du 9 mai 2012 (considérant 276 de la décision attaquée) dans la mesure où cette qualification relève de l’appréciation de la gravité relative de la participation de Credit Suisse à l’infraction en cause, de nature à alléger celle-ci au titre des circonstances atténuantes (voir points 107 à 117
ci-dessus).

488 À cet égard, il y a lieu toutefois de constater que cette erreur de qualification commise par la Commission n’a pas d’incidence sur le caractère proportionné du montant de l’amende au vu des circonstances particulières de la présente affaire. En effet, eu égard à plus de cent discussions examinées dans la décision attaquée, dont une partie précède et l’autre suit la discussion du 9 mai 2012, ne permettant pas d’interrompre ni d’impacter le déroulement du comportement reproché à Credit Suisse, le
fait que cette unique discussion ait été erronément retenue à l’encontre de cette dernière ne permet pas non plus de réduire la gravité de l’infraction qui lui est imputée au regard du nombre élevé des manifestations et de la gravité du comportement reproché à cette banque.

489 Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du quatrième moyen.

d)   Sur la quatrième branche du quatrième moyen, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

490 Les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en s’abstenant de tenir compte, d’une part, du fait que Credit Suisse est tenue responsable d’un seul élément constitutif de l’infraction unique et continue, dont la réduction de 4 % appliquée par la Commission ne tiendrait pas suffisamment compte et, d’autre part, de la participation limitée de Credit Suisse à l’infraction alléguée alors que les autres banques impliquées dans les faits allégués auraient
bénéficié d’une réduction pour chevauchement temporel. Ainsi, la Commission n’aurait pas tenu compte de la responsabilité individuelle de Credit Suisse. Enfin, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir correctement exercé son pouvoir discrétionnaire lors de la fixation des amendes dans la présente affaire.

491 La Commission conteste les arguments des requérantes.

492 À titre liminaire, il est rappelé que, selon la jurisprudence citée au point 445 ci-dessus, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

493 Il y a également lieu de rappeler que, pour le calcul des amendes infligées aux entreprises ayant participé à une entente, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui appartiennent à la Commission en la matière. En effet, dans le cadre de sa marge d’appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres à ces entreprises, afin de garantir, dans chaque cas
d’espèce, la pleine efficacité des règles du droit de la concurrence de l’Union (voir arrêt du 5 décembre 2013, Caffaro/Commission, C‑447/11 P, non publié, EU:C:2013:797, point 50 et jurisprudence citée).

494 À cet égard, s’agissant de l’allégation d’inégalité de traitement du fait de la prétendue absence de prise en compte de la participation limitée de Credit Suisse à l’infraction, il convient de rappeler que, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la durée de sa participation, en l’espèce la plus courte parmi tous les participants à l’infraction, a été prise en compte par la Commission lors du calcul de l’amende (considérants 643 à 645 de la décision attaquée). De plus, la Commission a
tenu compte du fait que Credit Suisse n’a participé qu’à une seule infraction unique et continue, pour autant que soient concernés les échanges d’informations, visée par la décision attaquée dans la présente affaire, à l’inverse d’autres banques qui ont pris part à plusieurs infractions sur divers forums de discussion. Or, le traitement différent des situations de Credit Suisse et d’autres banques doit, dès lors, être considéré comme étant objectivement justifié, au sens de la jurisprudence
rappelée aux points 492 et 493 ci-dessus, par les différences concernant la durée et le nombre d’infractions commises sur divers forums de discussion.

495 De plus, force est de constater que, par leur argumentation, générale et non circonstanciée, relative à une prétendue violation par la Commission du principe d’égalité de traitement résultant du refus d’accorder à Credit Suisse une réduction de 66 à 75 % du montant de base de l’amende à l’instar d’autres parties qui ont participé à de multiples infractions sur ce marché pour tenir compte du chevauchement temporel, les requérantes cherchent, en substance, à se prévaloir d’une circonstance
atténuante tirée du comportement des autres participants à l’infraction.

496 Or, selon une jurisprudence constante, par principe, le participant à une infraction ne saurait invoquer une circonstance atténuante tirée du comportement des autres participants à cette infraction (voir arrêt du 11 juillet 2019, Huhtamäki et Huhtamaki Flexible Packaging Germany/Commission, T‑530/15, non publié, EU:T:2019:498, point 193 et jurisprudence citée). Ainsi, le fait que les autres membres de l’entente se soient engagés différemment dans le temps ou dans plusieurs infractions sur divers
forums de discussion pourrait constituer, le cas échéant, une circonstance aggravante à retenir à leur égard, mais non une circonstance atténuante en faveur de Credit Suisse (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, Huhtamäki et Huhtamaki Flexible Packaging Germany/Commission, T‑530/15, non publié, EU:T:2019:498, point 194 et jurisprudence citée).

497 En tout état de cause, force est de constater que la réduction accordée aux autres participants dans la décision de transaction n’a pas été appliquée sur le montant de base pour lequel les requérantes l’invoquent, mais dans le cadre du calcul de la valeur de remplacement. Ainsi, la réduction sollicitée n’est pas comparable à celle dont les autres participants à l’infraction ont bénéficié.

498 Partant, il convient de rejeter la quatrième branche du quatrième moyen.

e)   Sur la cinquième branche du quatrième moyen, tirée de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée sur la proportionnalité du calcul de l’amende infligée aux requérantes par rapport à celle infligée aux autres participants à l’infraction

499 Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir motivé de manière suffisante les facteurs qui s’avèrent pertinents pour le calcul des amendes imposées aux parties à la transaction. Elles estiment qu’elles se trouvent dès lors privées de la possibilité d’évaluer l’étendue de la violation du droit à l’égalité de traitement de Credit Suisse, tout comme l’est le Tribunal dans son évaluation du caractère proportionné de la réduction accordée à Credit Suisse pour sa participation limitée.

500 La Commission conteste les arguments des requérantes.

501 À cet égard, il est relevé que l’argumentation des requérantes afférente à la prétendue insuffisance de motivation quant à la proportionnalité du montant de l’amende, telle que présentée dans la requête, est fondée, en substance, sur l’impossible comparaison de la réduction de l’amende de Credit Suisse avec celle accordée aux autres parties qui ont transigé, et ce au motif que les requérantes ne disposaient pas de la décision de transaction lors du dépôt de la requête. Toutefois, une fois que
cette décision a été rendue disponible durant la procédure pendante devant le Tribunal, elles n’ont présenté aucun argument supplémentaire sur ladite insuffisance de motivation au stade de la réplique.

502 Interrogées lors de l’audience, les requérantes ont confirmé que, en substance, elles ne maintenaient plus leurs arguments formulés dans le cadre de la cinquième branche du quatrième moyen en ce qui concerne l’insuffisance de motivation de la décision attaquée sur les « facteurs qui s’avèrent pertinents pour le calcul des amendes imposées aux parties à la transaction ». Toutefois, elles ont estimé que le second volet de leur argumentation, relatif à la proportionnalité de l’amende, était
toujours d’actualité aux fins du présent recours.

503 Or, à cet égard, force est de constater que l’explication des requérantes, avancée lors de l’audience, relative à la proportionnalité de l’amende, n’est aucunement soutenue par l’argumentation contenue dans la cinquième branche du quatrième moyen, telle que résumée aux points 499 et 501 ci-dessus. En effet, l’allégation relative à la proportionnalité de la réduction de l’amende, générale et non circonstanciée, abordée en deux phrases dans la requête, dont la seconde constitue une conséquence que
les requérantes tirent de l’indisponibilité de la décision de transaction, n’est en aucun cas formulée de manière autonome par rapport au défaut de motivation. Dès lors, cette allégation se rattachant à un argument abandonné en cours d’instance, elle n’a plus à être examinée.

504 En tout état de cause, la réduction de l’amende imposée à Credit Suisse, au titre des circonstances atténuantes, du fait des réductions accordées à d’autres participants à l’infraction, ne saurait constituer un élément approprié pour déterminer un éventuel défaut de proportionnalité de l’amende (voir, par analogie, arrêt du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T‑304/02, EU:T:2006:184, point 85). En effet, lesdites réductions sont, notamment, la conséquence de diverses circonstances liées au
comportement individuel de Credit Suisse et à celui des autres participants à l’infraction, et dont la prise en compte dans le calcul de l’amende est justifiée par le principe d’individualisation de la sanction. Or, ainsi qu’il ressort des points 492 à 498 ci-dessus, eu égard au fait que les autres banques impliquées dans l’infraction en cause participaient également à d’autres infractions qui ont eu lieu sur d’autres forums de discussion et donc se trouvaient dans des situations objectivement
différentes de Credit Suisse, la Commission pouvait appliquer une réduction différente. Dès lors, cette argumentation ne saurait prospérer.

505 Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen est partiellement fondé en ce qui concerne sa première branche afférente au facteur d’ajustement lié à la tenue de marché. Toutefois, ce moyen doit être rejeté pour le surplus.

2.   Conclusion sur l’article 2, sous a), de la décision attaquée

506 Il résulte de tout ce qui précède que l’erreur de la Commission relative aux données utilisées pour la détermination du facteur d’ajustement à appliquer pour le calcul de la valeur de remplacement conduit à l’annulation de l’article 2, sous a), de la décision attaquée.

C. Sur la demande de réduction du montant de l’amende

507 Par leur troisième chef de conclusions, les requérantes demandent au Tribunal de réduire le montant de l’amende imposée à Credit Suisse, et ce indépendamment des conclusions du Tribunal sur leur premier chef de conclusions visant l’annulation de la décision attaquée.

508 Ce faisant, il y a lieu de statuer sur la demande de réduction du montant de l’amende formulée par les requérantes, en application de la compétence de pleine juridiction reconnue au Tribunal par l’article 261 TFUE et par l’article 31 du règlement no 1/2003.

509 À cet égard, il convient de rappeler que, alors que, selon la jurisprudence de la Cour, la compétence de pleine juridiction, reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003 conformément à l’article 261 TFUE, habilite le juge, au-delà du simple contrôle de la légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée, l’exercice de cette compétence de pleine juridiction
n’équivaut pas à un contrôle d’office et la procédure demeure contradictoire. C’est à la partie requérante qu’il appartient, en principe, de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 193 et 194 et jurisprudence citée).

510 L’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans qu’il soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices pour le calcul
des amendes, même si ces dernières peuvent guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent leur compétence de pleine juridiction (voir arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90 et jurisprudence citée).

511 Il convient également de relever que, par nature, la fixation d’une amende par le Tribunal n’est pas un exercice arithmétique précis. Par ailleurs, lorsqu’il statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce (voir arrêt du 15 juillet 2015, Trafilerie Meridionali/Commission, T‑422/10, EU:T:2015:512, point 398 et jurisprudence citée).

512 Dans le cadre de son obligation de motivation, il incombe au Tribunal d’exposer de manière détaillée les facteurs dont il tient compte pour fixer le montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2016, Trafilerie Meridionali/Commission, C‑519/15 P, EU:C:2016:682, point 52).

513 En l’espèce, afin de déterminer le montant de l’amende visant à sanctionner le comportement infractionnel de Credit Suisse, tel qu’il résulte de l’examen des cinq moyens soulevés dans le présent recours, il y a lieu de tenir compte des circonstances ci-après.

514 En premier lieu, s’agissant de la gravité et de la durée de l’infraction, il convient de relever ce qui suit.

515 Il s’avère opportun d’utiliser la méthodologie qui, comme celle suivie en l’espèce par la Commission, identifie dans un premier temps un montant de base de l’amende, susceptible, dans un second temps, d’être ajusté en fonction des circonstances propres à l’affaire.

516 Tout d’abord, s’agissant de la valeur des ventes en tant que donnée initiale, il convient de prendre en compte, en tant que valeur de remplacement, les montants notionnels annualisés de Credit Suisse associés à des opérations d’achat et à des opérations de vente de paires de devises pendant la période pertinente. Ensuite, il convient d’ajuster ces montants notionnels annualisés par l’application d’un facteur, constitué d’une somme, d’une part, d’une moitié d’écart de cotation entre le cours
acheteur et le cours vendeur des revenus issus des activités de tenue de marché et, d’autre part, de 10 % d’un écart de cotation des revenus issus des activités pour compte propre.

517 Ainsi qu’il ressort des points 428 à 436 ci-dessus, la Commission a erronément considéré que les données issues d’un échantillon des échanges d’informations ayant eu lieu sur le forum de discussion en cause constituaient les « meilleures données disponibles » aux fins du calcul du facteur d’ajustement lié à la tenue de marché, en entachant ainsi d’irrégularités le calcul de la valeur de remplacement de Credit Suisse, alors qu’il s’agit d’une composante du calcul du montant de base de l’amende,
et, partant, du montant final de l’amende qui lui a été imposée. Il y a donc lieu de réformer la décision attaquée pour tenir compte, dans la détermination de la valeur de remplacement, des données Bloomberg BFIX (voir points 437 à 448 ci-dessus).

518 D’une part,s’agissant du facteur d’ajustement lié à la tenue de marché, les requérantes considèrent que, sur la base de ces données, l’écart de cotation s’élevait à 1,47 point de base et que, par conséquent, ce facteur d’ajustement, représentant 50 % dudit écart, s’élevait à 0,73 point de base. Les requérantes ont calculé cet écart de cotation de 1,47 point de base en se fondant sur une moyenne pondérée des écarts issus des données Bloomberg BFIX concernant les paires de devises G10 composées
d’au moins une devise de l’EEE pour la période pertinente, en rapportant ces écarts aux montants notionnels de Credit Suisse pour chacune de ces paires de devises. Elles estiment, en effet, que les paires de devises qui sont fréquemment échangées sont plus liquides et ont, par conséquent, des écarts de cotation plus bas. Ainsi, l’application d’une moyenne simple gonflerait de manière significative la valeur des ventes de Credit Suisse.

519 La Commission a estimé, quant à elle, dans sa réponse à une mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal, que, sur la base des données Bloomberg BFIX, l’écart de cotation s’élevait à 2,3 points de base et que, par conséquent, le facteur d’ajustement lié à la tenue de marché s’élevait à 1,15 point de base. La Commission a calculé cet écart de cotation en se fondant sur une moyenne simple des écarts de cotation issus des données Bloomberg BFIX concernant les paires de devises G10
composées d’au moins une devise de l’EEE pour la période pertinente. La Commission estime que la méthode consistant à appliquer une moyenne simple aux écarts de cotation est celle qui se rapproche le plus de la méthodologie suivie dans la décision attaquée.

520 À cet égard, il convient de relever que les montants notionnels de Credit Suisse ont déjà été pris en compte par la Commission dans le calcul des montants notionnels annualisés. Ainsi que la Commission l’a relevé, en substance, dans son mémoire en duplique, si ces montants visent à refléter l’activité de Credit Suisse, les écarts de cotation, aux fins du calcul du facteur d’ajustement, visent en particulier à refléter l’importance économique de l’infraction et la structure réelle des opérations
des entreprises participantes relatives aux produits financiers concernés par l’infraction. Or, tel ne serait pas le cas si ces écarts étaient pondérés en fonction des montants notionnels de Credit Suisse pour chaque paire de devises. En outre, dès lors que les écarts de cotation issus des données Bloomberg BFIX ne concernent pas uniquement des transactions effectuées par Credit Suisse, pondérer ces écarts au regard des montants notionnels de Credit Suisse pour chaque paire de devises est
susceptible, au contraire, de largement minimiser la valeur des ventes de Credit Suisse. Partant, il convient de considérer que la méthode de calcul de l’écart de cotation proposée par les requérantes est moins appropriée que celle proposée par la Commission aux fins du calcul du facteur d’ajustement lié à la tenue de marché et qu’il y a par conséquent lieu de retenir ledit facteur proposé par la Commission, à savoir 1,15 point de base.

521 D’autre part, s’agissant du facteur d’ajustement lié à la négociation pour compte propre, les requérantes n’ont pas réussi à remettre en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle celui-ci s’élève à 0,1 point de base (voir points 449 à 458 ci-dessus). En conséquence, le facteur d’ajustement total lié à la valeur de remplacement, calculé sur la base des données Bloomberg BFIX, s’élève à 1,25 point de base (ou 0,0125 %).

522 Partant, dès lors que les requérantes n’ont pas réussi à remettre en cause la valeur de 1060802752528 euros des montants notionnels annuels de Credit Suisse retenue dans la décision attaquée (voir points 407 à 416 ci-dessus), après multiplication de la valeur de ces montants par le facteur d’ajustement de 1,25 point de base, la valeur de remplacement de la valeur des ventes pour Credit Suisse est de 132600344 euros, ainsi que l’a calculé la Commission dans sa réponse à une mesure d’organisation
de la procédure décidée par le Tribunal.

523 Ensuite, le Tribunal estime approprié de prendre en considération la nature de l’infraction ainsi que l’étendue géographique de celle-ci et de retenir 16 % de la valeur des ventes au titre de sa gravité pour les motifs exposés aux points 472 et 473 ci-dessus.

524 En outre, il convient de retenir la durée de participation des requérantes à l’infraction telle qu’elle ressort de la décision attaquée, celle-ci n’ayant pas été contestée par les requérantes et n’étant pas affectée par la conclusion, figurant au point 117 ci-dessus, relative à la discussion du 9 mai 2012. Par conséquent, il y a lieu de retenir 0,42 année au titre de la durée de participation à l’infraction.

525 Enfin, à l’instar de la Commission, il y a lieu d’ajouter un montant additionnel de 16 % de la valeur des ventes afin d’assurer la nécessité d’imposer une amende d’un montant dissuasif indépendamment de la durée de l’infraction.

526 En deuxième lieu, il s’avère approprié, à l’instar des considérations figurant dans la décision attaquée, de réduire le montant de base de l’amende, au titre des circonstances atténuantes, de 2 % pour l’absence de responsabilité de Credit Suisse en ce qui concerne les cas occasionnels de coordination et de 2 % pour l’absence de sa responsabilité dans l’accord sous-jacent.

527 En troisième lieu, le montant de l’amende déterminé par le Tribunal tient dûment compte de la nécessité d’imposer une amende d’un montant dissuasif, ainsi qu’il ressort du point 525 ci-dessus.

528 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce au regard du principe d’individualisation de la sanction et du principe de proportionnalité de celle-ci en fixant le montant de l’amende à 28920000 euros, dont UBS Group, venant aux droits de Credit Suisse Group, UBS, venant aux droits de Credit Suisse, et Credit Suisse Securities (Europe) sont tenues pour solidairement responsables.

IV. Sur les dépens

529 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

530 En l’espèce, les requérantes ont obtenu satisfaction s’agissant de leur demande d’annulation de la décision attaquée, pour autant que soit concerné son article 2, sous a), ainsi que de leur demande de réduction du montant de l’amende, mais ont succombé en ce qui concerne leur demande d’annulation de l’article 1er de la décision attaquée. Dans ces circonstances, les requérantes et la Commission supporteront leurs propres dépens.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

  1) L’article 2, sous a), de la décision C(2021) 8612 final de la Commission, du 2 décembre 2021, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE [affaire AT.40135 – FOREX (Sterling Lads)] est annulé.

  2) Le montant de l’amende dont UBS Group AG, venant aux droits de Credit Suisse Group AG, UBS AG, venant aux droits de Credit Suisse AG, et Credit Suisse Securities (Europe) Ltd sont tenues pour solidairement responsables est fixé à 28920000 euros.

  3) Le recours est rejeté pour le surplus.

  4) Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kowalik-Bańczyk

Buttigieg

  Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 juillet 2025.

Signatures

Table des matières

  I. Antécédents du litige
  A. Sur la procédure ayant donné lieu à la décision attaquée
  B. Décision attaquée
  1. Produits en cause et secteur concerné
  2. Comportements reprochés à Credit Suisse
  3. Amende
  a) Montant de base de l’amende
  b) Montant final de l’amende
  II. Conclusions des parties
  III. En droit
  A. Sur l’article 1er de la décision attaquée
  1. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 101 TFUE et de l’insuffisance de motivation quant à la qualification des échanges d’informations en ligne d’accords et/ou de pratiques concertées anticoncurrentiels
  a) Observations liminaires
  b) Sur la première branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission n’a pas prouvé l’existence d’un accord sous-jacent et par conséquent que les échanges d’informations en ligne constituent un accord anticoncurrentiel et/ou une pratique concertée
  c) Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de l’absence de preuves établissant que les échanges d’informations en ligne constituaient des accords et/ou des pratiques concertées autonomes
  1) Sur le premier grief, tiré de l’interprétation erronée de certaines preuves contemporaines par la Commission et le deuxième grief, tiré de ce que les échanges d’informations en ligne ne constituent pas des accords et/ou des pratiques concertées anticoncurrentiels
  i) Sur la recevabilité de certains arguments et éléments de preuve des requérantes
  ii) Sur le caractère anticoncurrentiel des discussions spécifiquement contestées par les requérantes
  – Sur les discussions des 14 juin, 5 août et 4 octobre 2011 et des 7 février et 1er juin 2012
  – Sur la discussion du 14 mai 2012
  – Sur la discussion du 11 avril 2012
  – Sur la discussion du 13 avril 2012
  – Sur la discussion du 9 mai 2012
  – Sur la discussion du 5 juin 2012
  – Sur la discussion du 25 avril 2012
  – Sur la discussion du 10 février 2012
  – Sur les discussions des 25 avril, 19 juin, 3 et 4 juillet 2012
  – Conclusions sur les discussions spécifiquement contestées par les requérantes
  iii) Sur le caractère anticoncurrentiel des discussions non spécifiquement contestées
  2) Sur le troisième grief, tiré de l’erreur de droit commise par la Commission en concluant que l’explication légitime des échanges d’informations en cause fournie par Credit Suisse était sans pertinence
  2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 101 TFUE et de l’insuffisance de motivation quant à la qualification des échanges d’informations en ligne de « restriction par objet »
  a) Observations liminaires
  b) Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de l’absence de preuve de l’existence d’une restriction par objet
  1) Sur le deuxième grief, tiré des erreurs commises par la Commission dans son appréciation du contexte du marché concerné
  i) Sur la transparence du marché des changes au comptant
  ii) Sur la structure du marché en cause
  iii) Sur le double rôle des traders
  2) Sur le premier grief, tiré de ce que la conclusion de la Commission selon laquelle les échanges d’informations en cause avaient pour objet de restreindre la concurrence serait fondée sur des hypothèses factuelles inexactes non vérifiées
  i) Sur les échanges d’informations relatifs aux écarts de cotation (« bid-ask spreads »)
  ii) Sur les échanges d’informations relatifs aux ordres des clients
  iii) Sur les échanges d’informations relatifs aux positions de risque ouvertes
  iv) Sur les échanges d’informations relatifs aux activités de trading actuelles ou prospectives
  3) Sur le troisième grief, tiré des erreurs commises par la Commission en se fondant sur la qualification juridique des échanges d’informations en cause présentée dans les preuves fournies pour obtenir la clémence et les propositions de transaction
  4) Sur le quatrième grief, tiré de ce que la Commission ne pouvait pas s’appuyer sur son expérience en matière d’échanges d’informations dans d’autres contextes de marché ou dans d’autres affaires financières pour alléger la charge de la preuve lui incombant
  5) Conclusions sur la première branche du deuxième moyen
  c) Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée des erreurs commises par la Commission dans le cadre de l’analyse du caractère légitime ou proconcurrentiel des échanges d’informations en cause
  3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 101 TFUE et de l’insuffisance de motivation quant à la qualification d’infraction unique et continue retenue dans la décision attaquée
  a) Sur la première branche du troisième moyen, tirée de l’insuffisance de preuves et de motivation de l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun auquel Credit Suisse avait l’intention de contribuer, dont elle avait connaissance ou qu’elle aurait dû prévoir
  1) Sur l’existence d’un « plan global » poursuivant un objectif commun
  2) Sur la connaissance et l’intention de contribuer à l’objectif commun poursuivi
  3) Sur la distanciation des échanges d’informations
  b) Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une erreur de droit quant à la qualification de l’accord sous-jacent d’élément de l’infraction unique et continue susceptible de faire l’objet de différents degrés de participation
  4. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration
  5. Conclusion sur l’article 1er de la décision attaquée
  B. Sur l’article 2, sous a), de la décision attaquée
  1. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 23 du règlement no 1/2003, des lignes directrices pour le calcul des amendes, des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement ainsi que de l’obligation de motivation
  a) Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une erreur dans le calcul de la valeur de remplacement
  1) Sur les montants notionnels annualisés de Credit Suisse
  2) Sur le facteur d’ajustement uniforme retenu dans la décision attaquée
  i) Sur le facteur d’ajustement lié à la tenue de marché
  ii) Sur le facteur d’ajustement lié à la négociation pour compte propre
  3) Sur la méthodologie alternative proposée par les requérantes pour le calcul de la valeur de remplacement
  b) Sur la troisième branche du quatrième moyen, tirée d’une surestimation de l’amende résultant du facteur lié à la gravité de l’infraction
  c) Sur la deuxième branche du quatrième moyen, tirée d’une erreur relative à la réduction de l’amende accordée au titre des circonstances atténuantes disproportionnellement faible
  d) Sur la quatrième branche du quatrième moyen, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement
  e) Sur la cinquième branche du quatrième moyen, tirée de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée sur la proportionnalité du calcul de l’amende infligée aux requérantes par rapport à celle infligée aux autres participants à l’infraction
  2. Conclusion sur l’article 2, sous a), de la décision attaquée
  C. Sur la demande de réduction du montant de l’amende
  IV. Sur les dépens

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : T-84/22
Date de la décision : 23/07/2025
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Concurrence – Ententes – Secteur des opérations de change (Forex) au comptant portant sur les devises G10 – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Échanges d’informations – Accords ou pratiques concertées portant sur les activités d’échanges de devises G10 – Restriction de concurrence par objet – Infraction unique et continue – Principe de bonne administration – Droits de la défense – Amendes – Montant de base – Valeur de remplacement de la valeur des ventes – Article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 1/2003 – Compétence de pleine juridiction.


Parties
Demandeurs : UBS Group AG, venant aux droits de Credit Suisse Group AG e.a.
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Buttigieg

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2025:752

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