DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)
2 juillet 2025 (*)(1)
« Aides d’État – Télévision numérique – Aide au déploiement de la TNT dans les zones éloignées et moins urbanisées (excepté en Castille-La Manche) – Décision déclarant l’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur – Décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen – Article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 – Notion de “régime d’aides” – Sélectivité – Charge de la preuve – Neutralité technologique – Avantage – Enrichissement sans cause »
Dans l’affaire T‑489/21,
Royaume d’Espagne, représenté par M^mes A. Gavela Llopis et M. Morales Puerta, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M^me P. Němečková, MM. B. Stromsky et J. Carpi Badía, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),
composé de M^me K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. E. Buttigieg, G. Hesse, I. Dimitrakopoulos (rapporteur) et M^me B. Ricziová, juges,
greffier : M^me P. Núñez Ruiz, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 5 octobre 2023,
vu l’ordonnance de réouverture de la phase orale de la procédure du 20 décembre 2023,
vu la mesure d’organisation de la procédure du 20 décembre 2023 invitant les parties à présenter leurs observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 14 décembre 2023, EDP España/Naturgy Energy Group et Commission (C‑693/21 P et C‑698/21 P, EU:C:2023:989), au regard de la présente l’affaire et les réponses des parties déposées au greffe du Tribunal le 18 janvier 2024,
vu la mesure d’organisation de la procédure du 31 janvier 2024 invitant la Commission à finaliser son analyse des conséquences à tirer de l’arrêt du 14 décembre 2023, EDP España/Naturgy Energy Group et Commission (C‑693/21 P et C‑698/21 P, EU:C:2023:989), au regard de la présente l’affaire et la réponse de la Commission déposée au greffe du Tribunal le 14 mars 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le Royaume d’Espagne demande l’annulation de la décision (UE) 2021/2034 de la Commission, du 10 juin 2021, relative à l’aide d’État SA.28599 (C 23/2010) (ex NN 36/2010, ex CP 163/2009) octroyée par l’Espagne en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées (excepté en Castille-La Manche) (JO 2021, L 417, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 La présente affaire concerne le passage de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique en Espagne et, plus particulièrement, les mesures prises par les autorités espagnoles pour assurer le déploiement de la télévision numérique dans les zones éloignées et moins urbanisées du territoire espagnol, à l’exception de la Comunidad Autónoma de Castilla‑La Mancha (Communauté autonome de Castille‑La Manche, Espagne) (ci-après la « mesure en cause »).
3 Le Royaume d’Espagne a instauré un cadre réglementaire pour promouvoir le processus de transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique, en promulguant notamment la Ley 10/2005 de Medidas Urgentes para el Impulso de la Televisión Digital Terrestre, de Liberalización de la Televisión por Cable y de Fomento del Pluralismo (loi 10/2005 établissant des mesures urgentes en vue du développement de la télévision numérique terrestre, de la libéralisation de la
télévision par câble et encourageant au pluralisme), du 14 juin 2005 (BOE n^o 142, du 15 juin 2005, p. 20562), et le Real Decreto 944/2005 por el que se aprueba el Plan técnico nacional de la televisión digital terrestre (décret royal 944/2005 portant approbation du programme technique national en faveur de la télévision numérique terrestre), du 29 juillet 2005 (BOE n^o 181, du 30 juillet 2005, p. 27006). Ce décret royal a imposé aux radiodiffuseurs nationaux privés et publics de s’assurer que
respectivement 95 % et 98 % de la population recevrait la télévision numérique terrestre (TNT). S’agissant des radiodiffuseurs privés, ce pourcentage a été porté à 96 % par le Real Decreto 365/2010, de 26 de marzo, por el que se regula la asignación de los múltiples de la Televisión Digital Terrestre tras el cese de las emisiones de televisión terrestre con tecnología analógica (décret royal 365/2010, du 26 mars, portant réglementation de l’attribution des multiples de télévision numérique
terrestre après l’arrêt des émissions de télévision terrestre par technologie analogique), du 26 mars 2010 (BOE n^o 81, du 3 avril 2010, p. 30750).
4 Afin de permettre le passage de la télévision analogique à la TNT, la décision attaquée indique que les autorités espagnoles ont divisé le territoire espagnol en trois zones distinctes, respectivement dénommées « zone I », « zone II » et « zone III ». La zone I est celle où les radiodiffuseurs nationaux privés et publics étaient tenus par des obligations de couverture par le service de télévision (96 % de la population espagnole pour les radiodiffuseurs privés et 98 % pour les
radiodiffuseurs publics) et ont eux-mêmes supporté les coûts liés au passage à la télévision numérique. Les zones II et III concernent la partie restante du territoire espagnol qui n’est pas couverte par les obligations de couverture susmentionnées. La zone II concerne les zones moins urbanisées et éloignées du territoire espagnol qui regroupent 2,5 % de la population qui recevait précédemment les chaînes publiques et privées par le biais de la télévision analogique et terrestre. Dans cette
zone, les radiodiffuseurs, à défaut d’intérêt commercial, n’ont pas investi dans la numérisation du réseau de distribution du signal de télévision numérique. La zone III concerne les zones moins urbanisées et éloignées du territoire espagnol qui regroupent 1,5 % de la population où, en raison de la topographie, la prestation des services de télévision doit se faire par le biais de la technologie satellitaire.
5 Au mois de septembre 2007, le conseil des ministres espagnol a adopté le programme national de passage à la TNT dont l’objectif était d’assurer la cessation effective du signal analogique de télévision et d’atteindre un taux de couverture de la population espagnole par le service de la TNT au moins analogue à celui de la télévision analogique.
6 Afin d’atteindre les objectifs de couverture fixés pour la TNT, les autorités espagnoles ont prévu d’accorder un financement public notamment pour soutenir le processus de numérisation dans la zone II, et plus particulièrement à l’intérieur des régions des communautés autonomes situées dans cette zone.
7 Le 29 février 2008, le ministère de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce espagnol (ci‑après le « MITC ») a adopté une décision destinée à améliorer les infrastructures de télécommunications et à fixer les critères ainsi que la répartition du financement des actions menées en faveur du développement de la société de l’information dans le cadre d’un plan intitulé « Plan Avanza » approuvé par le conseil des ministres le 14 novembre 2005. Le budget approuvé en vertu de cette décision a
été alloué en partie à la numérisation de la télévision dans la zone II.
8 Cette numérisation a été conduite entre les mois de juillet et de novembre 2008. Le MITC a ensuite transféré des fonds aux communautés autonomes, qui se sont engagées à couvrir les autres dépenses liées à l’opération avec leurs propres ressources budgétaires.
9 Au mois d’octobre 2008, le conseil des ministres a décidé d’assigner des fonds supplémentaires pour étendre et compléter la couverture de la TNT dans le cadre des projets de passage à la technologie numérique, qui devaient être mis en œuvre au cours du premier semestre de l’année 2009.
10 Par la suite, les communautés autonomes ont engagé le processus d’extension de la TNT dans la zone II. À cet effet, elles ont organisé des appels d’offres ou ont confié cette extension à des entreprises privées. Dans certains cas, les communautés autonomes ont demandé aux communes de se charger de ladite extension.
11 Le 18 mai 2009, la Commission européenne a reçu une plainte émanant de l’opérateur de réseau satellitaire SES Astra SA (ci-après la « plaignante ») et portant sur un prétendu régime d’aides d’État accordé par le Royaume d’Espagne en faveur du passage de la télévision analogique à la TNT dans la zone II. Selon la plaignante, ce régime comportait une aide non notifiée susceptible de créer une distorsion de concurrence entre la plateforme de radiodiffusion terrestre et la plateforme de
radiodiffusion satellitaire.
12 Par lettre du 29 septembre 2010, la Commission a informé le Royaume d’Espagne de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant le régime d’aides en cause sur l’ensemble du territoire espagnol, à l’exception de la Communauté autonome de Castille‑La Manche, région dans laquelle une procédure indépendante a été ouverte (ci-après la « décision d’ouverture »).
13 À l’issue de la procédure formelle d’examen, la Commission a adopté la décision 2014/489/UE, du 19 juin 2013, relative à l’aide d’État SA.28599 [(C 23/2010) (ex NN 36/2010, ex CP 163/2009)] accordée par le Royaume d’Espagne en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées (excepté en Castille‑La Manche) (JO 2014, L 217, p. 52), dont l’article 1^er disposait que l’aide d’État accordée aux opérateurs de la plateforme de télévision
terrestre pour le déploiement, la maintenance et l’exploitation du réseau de TNT dans la zone II avait été exécutée en violation des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et était incompatible avec le marché intérieur, à l’exception de celle qui aurait été accordée conformément au principe de neutralité technologique. L’article 3 de cette décision ordonnait la récupération de cette aide incompatible auprès des opérateurs de TNT, qu’ils aient reçu l’aide directement ou
indirectement.
14 Le Royaume d’Espagne ainsi que certains bénéficiaires de la mesure en cause ont saisi le Tribunal de plusieurs recours en annulation de la décision 2014/489. Par arrêts du 26 novembre 2015, Espagne/Commission (T‑461/13, EU:T:2015:891), du 26 novembre 2015, Abertis Telecom et Retevisión I/Commission (T‑541/13, non publié, EU:T:2015:898), du 26 novembre 2015, Navarra de Servicios y Tecnologías/Commission (T‑487/13, non publié, EU:T:2015:899), du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma de
Cataluña et CTTI/Commission (T‑465/13, non publié, EU:T:2015:900), du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (T‑463/13 et T‑464/13, non publié, EU:T:2015:901), et du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma del País Vasco et Itelazpi/Commission (T‑462/13, EU:T:2015:902), le Tribunal a rejeté tous ces recours et a confirmé la décision 2014/489.
15 Par la suite, les arrêts du Tribunal mentionnés au point 14 ci-dessus ont fait l’objet de pourvois devant la Cour, introduits respectivement par le Royaume d’Espagne, par la Comunidad Autónoma del País Vasco (Communauté autonome du Pays basque, Espagne) et Itelazpi, SA, par la Comunidad Autónoma de Cataluña (Communauté autonome de Catalogne, Espagne) et Centre de Telecomunicacions i Tecnologies de la Informació de la Generalitat de Catalunya (CTTI), par la Comunidad Autónoma de Galicia
(Communauté autonome de Galice, Espagne) et Redes de Telecomunicación Galegas Retegal, SA (Retegal), par Navarra de Servicios y Tecnologías, SA ainsi que par Abertis Telecom, SA (à laquelle a succédé Cellnex Telecom, SA) et Retevisión I, SA. Le pourvoi introduit par le Royaume d’Espagne contre l’arrêt du 26 novembre 2015, Espagne/Commission (T‑461/13, EU:T:2015:891), a été rejeté par la Cour dans son arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Commission (C‑81/16 P, EU:C:2017:1003). Les pourvois
introduits par la Communauté autonome du Pays basque et Itelazpi, par la Communauté autonome de Catalogne et CTTI, par Navarra de Servicios y Tecnologías ainsi que par Abertis Telecom et Retevisión I contre les arrêts du 26 novembre 2015, Abertis Telecom et Retevisión I/Commission (T‑541/13, non publié, EU:T:2015:898), du 26 novembre 2015, Navarra de Servicios y Tecnologías/Commission (T‑487/13, non publié, EU:T:2015:899), du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma de Cataluña et CTTI/Commission
(T‑465/13, non publié, EU:T:2015:900), et du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma del País Vasco et Itelazpi/Commission (T‑462/13, EU:T:2015:902), ont été rejetés par la Cour dans l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission (C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999). Enfin, le pourvoi introduit par la Communauté autonome de Galice et Retegal contre l’arrêt du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (T‑463/13 et T‑464/13, non publié,
EU:T:2015:901), a été accueilli par la Cour dans son arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002).
16 Dans l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), la Cour a jugé que la décision 2014/489 violait l’obligation de motivation en ce qu’elle concluait à la sélectivité de l’avantage conféré par la mesure en cause, dès lors que, en substance, les motifs de ladite décision ne comportaient aucune indication permettant de comprendre les raisons pour lesquelles il convenait de considérer que les entreprises actives dans le
secteur de la radiodiffusion se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable par rapport aux entreprises actives dans d’autres secteurs ou que les entreprises utilisant la technologie terrestre se trouvaient dans une telle situation par rapport aux entreprises utilisant d’autres technologies (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission, C‑70/16 P, EU:C:2017:1002, point 61). Partant, la Cour a annulé l’arrêt du 26 novembre 2015, Comunidad
Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (T‑463/13 et T‑464/13, non publié, EU:T:2015:901), ainsi que la décision 2014/489.
17 À la suite de l’annulation de la décision 2014/489, la plaignante a envoyé à la Commission, de son propre chef, plusieurs lettres, les 22 et 30 janvier, 29 mai, 15 juin 2018 et 11 janvier 2019, dans lesquelles elle a exprimé son point de vue concernant les conséquences qu’il convenait de tirer de cette annulation. Plusieurs réunions ont eu lieu, au cours de l’enquête, à l’initiative des parties : le 28 juin 2018 entre la Commission et Cellnex Telecom, le 19 septembre 2018 entre la
Commission et la plaignante, et le 16 octobre 2018 entre la Commission et le Royaume d’Espagne. Le 31 octobre 2018, le Royaume d’Espagne a fourni un résumé des procédures d’appels d’offres et des autres mesures mises en œuvre par les communautés autonomes à la suite de la décision 2014/489. Par lettre du 14 décembre 2018, la Commission a demandé des informations complémentaires au Royaume d’Espagne. Celui-ci a fourni des informations supplémentaires le 19 février 2019. Le 19 mars de la même
année, le Royaume d’Espagne a transmis à la Commission un mémoire de la Communauté autonome du Pays basque en date du 4 février 2019. Le 4 avril 2019, la Commission a envoyé une demande d’informations au Royaume d’Espagne, lequel y a répondu le 10 mai 2019. Le 26 avril 2019, la Commission a envoyé de nouvelles demandes d’informations, dans lesquelles elle invitait le Royaume d’Espagne, Itelazpi, Cellnex Telecom, Retevisión I, CTTI, Navarra de Servicios y Tecnología, Retegal et la plaignante à
lui faire part de leur point de vue au sujet de la sélectivité de la mesure en cause, à la lumière de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002). La plaignante a répondu à cette demande d’informations le 27 mai 2019, tandis que Cellnex Telecom et Itelazpi l’ont fait le 13 juin 2019. Le Royaume d’Espagne y a répondu 14 juin 2019. Le 1er octobre 2020, la Commission a envoyé une demande d’informations au Royaume d’Espagne afin
d’obtenir des informations actualisées depuis l’adoption de la décision 2014/489, à laquelle cet État membre a répondu les 19 octobre 2020 et 5 février 2021.
18 C’est dans ce contexte que, le 10 juin 2021, la Commission a adopté la décision attaquée, dans laquelle elle a considéré que la mesure en cause constituait un régime d’aides financé directement à partir du budget de l’État ou des budgets de certaines communautés autonomes et d’organismes locaux conférant un avantage économique aux opérateurs exploitant le réseau terrestre (ci-après les « opérateurs de réseau terrestre » ou les « opérateurs de la plateforme terrestre »). En outre, dans
la décision attaquée, la Commission a désigné les bénéficiaires directs de la mesure en cause comme étant les opérateurs de la plateforme de réseau terrestre ayant reçu les fonds destinés à l’amélioration et à l’extension de leur réseau dans la zone II ainsi qu’à la fourniture d’équipements concernant leur réseau, et ayant également bénéficié de l’aide en cours pour l’exploitation et la maintenance de ces réseaux. Ensuite, elle a confirmé le caractère sélectif de la mesure en cause au motif, en
substance, d’une part, que cette mesure avait réduit, pour certains opérateurs, les coûts qui, dans une économie de marché, doivent être habituellement supportés par les entreprises et, d’autre part, que même dans le cas où le système de référence aurait été le secteur de la radiodiffusion et où son objectif aurait été la transmission d’émissions numériques, la mesure en cause conférait un avantage uniquement aux opérateurs de la plateforme terrestre alors même que des technologies autres que
la technologie terrestre (en particulier la technologie satellitaire) étaient en mesure d’offrir des services de transmission du signal de radiodiffusion numérique. Par ailleurs, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les conditions énoncées dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), n’étaient pas réunies en l’espèce, que la mesure en cause faussait le jeu de la concurrence entre les plateformes terrestre et
satellitaire et qu’elle affectait les échanges entre les États membres. Enfin, la mesure en cause a été considérée comme incompatible avec le marché intérieur et ne pouvant pas bénéficier de l’exception visée à l’article 106, paragraphe 2, TFUE. La Commission a donc ordonné la récupération de l’aide auprès de ses bénéficiaires.
19 Le dispositif de la décision attaquée prévoit ce qui suit :
« Article premier
L’aide d’État accordée aux opérateurs de la plateforme de télévision terrestre pour le déploiement, la maintenance et l’exploitation du réseau de télévision numérique terrestre dans la zone II, exécutée illégalement par [le Royaume d’Espagne], en violation des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], est incompatible avec le marché intérieur, à l’exception de l’aide qui aurait été accordée conformément au principe de neutralité technologique.
Article 2
L’aide individuelle octroyée au titre du régime visé à l’article 1^er n’est pas constitutive d’une aide d’État si, au moment de son octroi, elle remplissait les conditions établies dans le règlement adopté en vertu de l’article 2 du règlement (CE) n^o 994/98 du Conseil[, du 7 mai 1998, sur l’application des articles 92 et 93 du traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO 1998, L 142, p. 1)], applicable au moment où l’aide est octroyée.
Article 3
1. [Le Royaume d’Espagne] est [tenu] de récupérer auprès des bénéficiaires l’aide incompatible octroyée au titre du régime visé à l’article 1^er.
[…]
4. [Le Royaume d’Espagne] annulera tous les paiements en suspens de l’aide visée à l’article 1^er, à compter de la date de la notification de la présente décision.
[…]
Article 5
1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, [le Royaume d’Espagne] communiquera les informations suivantes :
a) la liste des bénéficiaires qui ont reçu l’aide en vertu du régime cité à l’article 1^er et le montant total de l’aide reçue par chacun d’entre eux, conformément audit régime, ventilé en fonction des catégories ci-après : i) adjudicataires des appels d’offres non neutres technologiquement destinés à l’extension de la couverture, lancés par les communautés autonomes et [les communes] ; ii) [communes] agissant en tant qu’opérateurs de réseau ; iii) entreprises publiques agissant en tant
qu’opérateurs de réseau, et iv) adjudicataires des appels d’offres non neutres technologiquement destinés à l’extension de la couverture, lancés par l’entreprise publique ;
b) le montant total (principal et intérêts) à recouvrer auprès de chaque bénéficiaire ;
c) une description détaillée des mesures déjà adoptées et prévues pour se conformer à la présente décision ;
d) les documents confirmant qu’il a été ordonné aux bénéficiaires de rembourser l’aide.
2. [Le Royaume d’Espagne] tiendra la Commission informée de l’avancement des mesures nationales adoptées afin de mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide octroyée au titre du régime visé à l’article 1^er. [Il] transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. [Il] fournira aussi des informations détaillées concernant les montants de l’aide et
des intérêts déjà perçus auprès des bénéficiaires.
Article 6
Le Royaume d’Espagne est destinataire de la présente décision ».
Conclusions des parties
20 Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
21 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.
En droit
22 Le Royaume d’Espagne invoque huit moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen est tiré, en substance, de la violation de ses droits de la défense et, plus particulièrement, du droit d’être entendu prévu à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), et de la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE
(JO 2015, L 248, p. 9), lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 4, dudit règlement, ainsi que de l’article 6, paragraphe 2, du même règlement. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 266 TFUE en ce que la Commission aurait outrepassé ses compétences lors de l’exécution de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), ainsi que de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance
légitime et de l’interdiction de la reformatio in pejus et de la violation de l’article 47 de la Charte. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de bonne administration prévu à l’article 41 de la Charte en raison du retard injustifié de trois ans et six mois pour satisfaire à l’obligation de motivation de la sélectivité imposée par l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002). Le quatrième moyen est tiré de la
violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison d’une analyse inappropriée de la sélectivité inversant la charge de la preuve. Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 1^er, sous d), du règlement 2015/1589, en ce que la mesure en cause a été qualifiée de régime d’aides. Le sixième moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de l’article 17 de la Charte et du principe de bonne administration en raison du caractère confus et
contradictoire des critères de quantification de l’avantage. Le septième moyen est tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison de l’absence d’avantage pour les bénéficiaires identifiés et de l’erreur d’appréciation dans l’identification de ces bénéficiaires. Le huitième moyen est tiré, en substance, d’une violation de l’article 107 TFUE et d’une erreur d’appréciation lors de l’examen de la compatibilité de la mesure en cause.
23 Le Tribunal examinera ces moyens dans l’ordre, sauf pour le cinquième moyen qu’il est opportun de traiter avant le quatrième moyen.
Sur le premier moyen, tiré, en substance, de la violation des droits de la défense du Royaume d’Espagne et, plus particulièrement, du droit d’être entendu prévu à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, et de la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 4, de ce règlement, ainsi que de l’article 6, paragraphe 2, dudit règlement
24 Le premier moyen se divise, en substance, en quatre branches. Dans le cadre de la première branche, le Royaume d’Espagne fait valoir que l’annulation de la décision 2014/489 emportait l’annulation de toute la procédure l’ayant précédée – y compris de la décision d’ouverture – et, partant, que la Commission était tenue d’adopter une nouvelle décision d’ouverture afin de lui permettre d’exercer ses droits de la défense et, plus particulièrement, son droit d’être entendu, également protégé
par l’article 41 de la Charte, conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 4, dudit règlement. Dans le cadre de la deuxième branche, le Royaume d’Espagne prétend, en substance, que la Commission ne lui a jamais communiqué une analyse préliminaire suffisante sur la sélectivité sur laquelle il aurait pu s’exprimer, en violation des droits et des dispositions susmentionnés. Dans le cadre de la troisième branche, le Royaume
d’Espagne excipe d’une violation de ses droits de la défense et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 en ce que l’analyse de la sélectivité contenue dans la décision attaquée est nouvelle et se fonde sur des faits nouveaux, postérieurs à la décision 2014/489, qui ne lui ont pas été communiqués et sur lesquels il n’a donc pas pu s’exprimer. Dans le cadre de la quatrième branche, le Royaume d’Espagne invoque la violation de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 au motif
que la Commission aurait manqué de lui communiquer les observations sur la sélectivité de la plaignante et des parties intéressées présentées à la suite de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002).
25 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.
Sur la première branche du premier moyen
26 Le Royaume d’Espagne fait grief à la Commission de ne pas avoir adopté une nouvelle décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, alors même que l’annulation de la décision 2014/489 par l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), aurait entraîné l’annulation de toute la procédure formelle d’examen ayant précédé son adoption, y compris donc de la décision d’ouverture. En substance, la Commission aurait donc violé
ses droits de la défense et, plus particulièrement, son droit d’être entendu, également protégé par l’article 41 de la Charte ainsi que par l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 4, dudit règlement.
27 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne. [DEF, pts. 56 à 60]
28 L’article 266 TFUE énonce que l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation.
29 Afin de se conformer à un arrêt d’annulation et de lui donner pleine exécution, les institutions sont tenues de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. En effet, ce sont ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part,
font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que les institutions concernées doivent prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (voir arrêt du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T‑1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 64 et jurisprudence citée).
30 En outre, l’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant différentes phases n’entraîne pas nécessairement l’annulation de toute la procédure précédant l’adoption de l’acte attaqué indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l’arrêt d’annulation (voir arrêt du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T‑1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 66 et jurisprudence citée).
31 La procédure visant à remplacer un tel acte peut ainsi être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (voir arrêt du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T‑1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 65 et jurisprudence citée).
32 En l’espèce, il ressort du point 1 du dispositif de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), ainsi que des motifs qui en constituent le soutien nécessaire, que la Cour a annulé la décision 2014/489 en raison d’une insuffisance de sa motivation concernant la sélectivité de la mesure en cause. Dans ledit arrêt, la Cour a constaté que cette décision ne contenait pas de motifs suffisants au soutien de la conclusion selon
laquelle la mesure en cause était sélective et ne se prononçait ni sur l’existence d’une motivation suffisante de la décision d’ouverture ni sur la légalité de ladite décision.
33 Ainsi, l’illégalité qui a entaché la décision 2014/489 est intervenue au moment de son adoption et ne concerne pas la procédure la précédant, sur laquelle la Cour ne s’est pas prononcée. Dès lors, l’exécution de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), n’imposait pas à la Commission de reprendre l’intégralité de la procédure prévue à l’article 108 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Italie/Commission,
T‑257/10, non publié, EU:T:2012:504, points 48 et 49).
34 Eu égard à ce qui précède, le Royaume d’Espagne n’est pas fondé à soutenir que l’annulation de la décision 2014/489 par l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), a entraîné l’annulation de toute la procédure ayant précédé son adoption, y compris de la décision d’ouverture, laquelle demeure donc en vigueur.
35 Dès lors, la première branche du premier moyen, qui repose sur une prémisse erronée, ne saurait être accueillie.
Sur la deuxième branche du premier moyen
36 D’une part, Le Royaume d’Espagne prétend que la décision d’ouverture contenait une analyse préliminaire de la sélectivité insuffisante dès lors qu’elle ne mentionnait ni le système de référence retenu ni les raisons pour lesquelles la Commission estimait que les technologies terrestre et satellitaire se trouvaient dans la même situation de fait et de droit au regard de l’objectif poursuivi par la mesure en cause. D’autre part, la lettre de la Commission du 26 avril 2019 n’aurait
comporté aucune analyse préliminaire de la sélectivité, mais seulement des questions, en violation de la charge de la preuve qui incomberait à ladite institution. Dès lors, après l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), la Commission aurait dû, à tout le moins, adopter une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen complémentaire contenant, en substance, une analyse préliminaire de la sélectivité suffisante, sur
laquelle il aurait pu présenter son point de vue. À défaut de l’avoir fait, en substance, la Commission aurait violé les droits de la défense du Royaume d’Espagne et, plus particulièrement, son droit d’être entendu, également protégé par l’article 41 de la Charte, ainsi que l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 4, dudit règlement.
37 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.
– Observations liminaires
38 En premier lieu, le règlement 2015/1589 a abrogé le règlement (CE) n^o 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité sur la Communauté européenne (JO 1999, L 83, p. 1), et est entré en vigueur le vingtième jour suivant sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, laquelle est intervenue le 24 septembre 2015. Dès lors, la procédure formelle d’examen qui a été, de fait, rouverte après l’annulation de la décision 2014/489 par
l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), était régie par les dispositions du règlement 2015/1589. C’est donc au regard de ce règlement qu’il y a lieu d’apprécier si, après cet arrêt, la Commission aurait dû adopter une décision d’ouverture complémentaire. En revanche, l’argument du Royaume d’Espagne tiré de l’insuffisance de l’analyse préliminaire de la sélectivité contenue dans la décision d’ouverture doit être apprécié au
regard des dispositions du règlement n^o 659/1999, qui était applicable au moment de l’adoption de ladite décision. Ainsi, aux fins de l’examen du caractère suffisant de l’analyse de la sélectivité contenue dans la décision d’ouverture, il convient d’entendre les références faites par le Royaume d’Espagne à l’article 4, paragraphe 4, et à l’article 6 du règlement 2015/1589, comme visant l’article 4, paragraphe 4, et l’article 6 du règlement n^o 659/1999, dont la teneur est identique.
39 En second lieu, sans soulever l’irrecevabilité de l’argument du Royaume d’Espagne tiré, en substance, de l’insuffisance de l’analyse préliminaire de la sélectivité contenue dans la décision d’ouverture, la Commission soutient que, dans son recours en annulation contre la décision 2014/489, ledit État membre n’a jamais fait valoir que la motivation de la décision d’ouverture était insuffisante pour pouvoir présenter ses observations sur la sélectivité.
40 À cet égard, d’une part, il ressort de la jurisprudence que le respect des droits procéduraux des parties intéressées implique qu’elles puissent attaquer la décision finale en invoquant au soutien de leur requête des vices relatifs à toutes les étapes de la procédure conduisant à cette décision et donc, y compris, ceux relatifs à la décision d’ouverture (voir arrêt du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08,
EU:T:2011:493, point 78 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 12 mai 1999, Moccia Irme e.a./Commission, T‑164/96 à T‑167/96, T‑122/97 et T‑130/97, EU:T:1999:97, point 65).
41 En l’espèce, force est de constater que le Royaume d’Espagne ne demande pas l’annulation de la décision d’ouverture, mais invoque, en substance, son insuffisance de motivation concernant la sélectivité de la mesure en cause en tant qu’argument au soutien de son grief tiré de l’absence de communication d’une analyse préliminaire suffisante sur la sélectivité avant l’adoption de la décision attaquée, sur laquelle il aurait pu présenter son point de vue.
42 D’autre part, et en tout état de cause, il y a lieu de rappeler que l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), ne s’est pas prononcé sur le caractère suffisant de la motivation de la décision d’ouverture au regard, notamment, des exigences énoncées à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n^o 659/1999 (voir points 32 et 33 ci-dessus).
43 À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le Royaume d’Espagne est en tout état de cause recevable à invoquer, pour la première fois dans le cadre du présent recours, des irrégularités substantielles viciant la décision d’ouverture et, partant, la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.
44 L’argument du Royaume d’Espagne tiré, en substance, de l’insuffisance de l’analyse préliminaire de la sélectivité contenue dans la décision d’ouverture est donc recevable.
– Sur le bien-fondé de la deuxième branche du premier moyen
45 Aux termes de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107 TFUE, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.
46 L’article 4, paragraphe 4, du règlement n^o 659/1999 énonce que si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Selon l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement, « [l]a décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire,
par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. »
47 Conformément à la jurisprudence, il résulte de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 1^er, sous h), du règlement n^o 659/1999 que, lorsque la Commission décide d’ouvrir une procédure formelle d’examen, elle doit mettre l’État membre concerné et les autres parties intéressées en mesure de présenter leurs observations et que cette obligation a le caractère d’une « formalité substantielle ». Ce caractère résulte de ce qu’une telle obligation constitue une condition
essentielle de procédure intrinsèquement liée à la formation ou à l’expression correctes de la volonté de l’auteur de l’acte (arrêt du 10 mars 2022, Commission/Freistaat Bayern e.a., C‑167/19 P et C‑171/19 P, EU:C:2022:176, point 89).
48 Or, l’obligation que la Cour a qualifiée de « formalité substantielle » est concrétisée, en particulier, à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n^o 659/1999, qui impose notamment à la Commission de récapituler, dans la décision d’ouverture, les éléments de fait et de droit pertinents pour l’examen de l’aide ou du projet d’aide en cause et, par conséquent, de garantir l’effet utile de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 10 mars 2022, Commission/Freistaat Bayern e.a.,
C‑167/19 P et C‑171/19 P, EU:C:2022:176, point 90).
49 Il s’ensuit, notamment, que la sélectivité de l’avantage, en ce qu’elle relève des conditions présidant à la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, constitue un élément pertinent, au sens de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement n^o 659/1999, et doit, en tant que tel, être récapitulé et évalué dans la décision d’ouverture (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2023, EDP España/Commission et Naturgy Energy Group/Commission,
C‑693/21 P et C‑698/21 P, EU:C:2023:989, point 72 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 mars 2022, Commission/Freistaat Bayern e.a., C‑167/19 P et C‑171/19 P, EU:C:2022:176, points 54 et 55).
50 En l’espèce, il y a donc lieu d’examiner si le Royaume d’Espagne est fondé à soutenir que l’analyse préliminaire de la sélectivité de la mesure en cause exposée dans la décision d’ouverture était insuffisante, au regard des exigences prévues à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement n^o 659/1999.
51 Afin d’apprécier l’étendue de l’obligation de motiver une décision d’ouverture d’une procédure formelle d’examen, telle que la décision d’ouverture, il convient de rappeler que, conformément à l’article 6 du règlement n^o 659/1999, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la décision d’ouverture peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une « évaluation préliminaire » de la mesure étatique en cause visant à
déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur (arrêts du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, point 137 ; du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑346/99 à T‑348/99, EU:T:2002:259, point 99, et du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑332/06, non publié, EU:T:2009:79, point 79). La décision d’ouverture de la
procédure formelle contient donc une évaluation provisoire à la fois de la qualification de la mesure d’aide d’État et de sa compatibilité avec le marché intérieur (arrêt du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑346/99 à T‑348/99, EU:T:2002:259, point 75).
52 Le caractère nécessairement provisoire de la qualification d’une mesure étatique d’aide d’État dans une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen est, au demeurant, confirmé par l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, qui prévoit que, à l’issue de la procédure formelle d’examen, la Commission peut constater que la mesure ne constitue pas une aide (arrêt du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑346/99 à T‑348/99, EU:T:2002:259, point 78).
53 En outre, selon la jurisprudence, bien que constituant deux critères distincts, les notions d’« avantage » et de « sélectivité » peuvent être examinées conjointement, en tant que « troisième condition », prévue par l’article 107, paragraphe 1, TFUE, portant sur l’existence d’un « avantage sélectif » (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2023, Magnetrol International e.a./Commission, T‑263/16 RENV, T‑265/16, T‑311/16, T‑319/16, T‑321/16, T‑343/16, T‑350/16, T‑444/16, T‑800/16 et
T‑832/16, sous pourvoi, EU:T:2023:565, points 45 à 47 et jurisprudence citée).
54 En premier lieu, en l’espèce, il y a lieu de relever que la mesure en cause, examinée dans la décision d’ouverture, a été adoptée dans un contexte bien connu du Royaume d’Espagne qui, au demeurant, est à l’origine des dispositions légales et réglementaires constituant la base juridique de cette mesure. Le cadre juridique de référence ayant pour objet de réglementer le secteur de la radiodiffusion télévisée numérique et d’organiser la transition de la radiodiffusion analogique vers la
radiodiffusion numérique des signaux de télévision est décrit aux considérants 6 à 11 de la décision d’ouverture. En particulier, il ressort des considérants 6 et 7 de la décision d’ouverture que la mesure en cause a été adoptée dans le cadre du régime de transition vers la télévision numérique en Espagne et qu’elle vise à permettre de couvrir par le signal de télévision numérique les zones qui n’étaient pas concernées par les obligations de couverture imposées aux radiodiffuseurs publics et
privés, à l’exception de celles qui étaient le plus isolées où il ne serait pas possible de construire un réseau terrestre et où la plateforme satellitaire serait la seule disponible.
55 Ensuite, au considérant 22 de la décision d’ouverture est rappelée la position des autorités espagnoles selon laquelle la mesure en cause n’était pas discriminatoire dès lors que les opérateurs de réseau terrestre et ceux de réseau satellitaire opéraient sur des marchés différents et les premiers fournissaient un service public et émettaient essentiellement en clair, alors que les seconds utilisaient un modèle privé et payant. Les autorités espagnoles ont ajouté que la mesure en cause
n’était pas sélective, car les opérateurs de réseau satellitaire pouvaient participer aux appels d’offres organisés par les communautés autonomes, à l’instar de la plaignante en Cantabrie, et que lesdites communautés n’excluaient pas expressément la participation des opérateurs de la plateforme satellitaire.
56 En outre, au considérant 28 de la décision d’ouverture, la Commission a rappelé que les autorités espagnoles avaient considéré que les coûts de l’extension de la couverture par la technologie terrestre et par la technologie satellitaire n’étaient pas comparables et avaient présenté, à cet effet, une étude de coûts réalisée en 2007 (ci-après l’« étude de coûts de 2007 »). La Commission a considéré que ce postulat n’était pas totalement justifié et qu’il ne pouvait pas être conclu, dans
l’absolu, que la technologie terrestre était moins onéreuse.
57 Par ailleurs, la Commission a examiné conjointement les conditions relatives à l’existence d’un avantage et à la sélectivité dudit avantage (voir considérants 38 à 47 de ladite décision) et a conclu, au considérant 47 de cette décision, que la mesure en cause semblait octroyer un avantage sélectif notamment aux fournisseurs/installateurs de réseaux (avantage sectoriel), aux opérateurs de la plateforme TNT et aux radiodiffuseurs des chaînes TNT en clair et payantes.
58 À cet égard, le considérant 40 de la décision d’ouverture indique que les opérateurs privés existants du réseau analogique continuaient d’exploiter le réseau TNT, tandis que les communes et autres entités publiques qui exploitaient ledit réseau bénéficiaient de financements publics pour l’extension et la mise à niveau de leur réseau numérique. Selon le considérant 43 de la même décision, il fallait ajouter à ces bénéfices les subventions continues des gouvernements régionaux au coût
opérationnel des réseaux numériques locaux.
59 De plus, au considérant 44 de la décision d’ouverture, la Commission a rappelé l’argument de la plaignante selon lequel, en substance, les opérateurs de réseau terrestre obtenaient un avantage direct dans leur rapport de concurrence avec les opérateurs d’autres plateformes. La Commission a également indiqué qu’un radiodiffuseur intéressé par une couverture nationale aurait été, dès lors, moins enclin à opter pour la plateforme satellitaire.
60 Il découle ainsi clairement des considérants 22, 28, 40, 41, 43 et 44 de la décision d’ouverture que la Commission a comparé la situation des opérateurs de la plateforme terrestre à celle des opérateurs d’autres plateformes et, en particulier, de la plateforme satellitaire. La Commission a donc considéré que ces situations étaient comparables aux fins de l’examen de la condition de sélectivité de l’avantage, au regard de l’objectif poursuivi par le cadre juridique de référence régissant
le passage à la télévision numérique en Espagne, en tenant compte de leur capacité de transmission du signal de radiodiffusion numérique.
61 Enfin, le constat exposé au point 60 ci-dessus ressort également des considérants 49 à 52 de la décision d’ouverture, relatifs à la distorsion de la concurrence. En particulier, le considérant 49 de ladite décision indique, en substance, que la mesure en cause, en ce qu’elle visait la numérisation et l’installation des centres émetteurs terrestres, sans prendre en considération la diffusion du signal de télévision par satellite, pouvait fausser la concurrence entre la plateforme
terrestre et la plateforme satellitaire. De plus, au considérant 51 de la décision d’ouverture a été rejeté l’argument des autorités espagnoles, rappelé au considérant 50 de ladite décision, selon lequel la plateforme satellitaire opérée par la plaignante ne faisait pas partie du même marché que la plateforme terrestre, dès lors qu’elle ne disposait pas de droits d’émission en clair. À cet égard, le considérant 51 indique, en particulier, que la plaignante avait été en concurrence avec la
plateforme terrestre pour l’extension de la couverture en Cantabrie et que la plateforme satellitaire avait été utilisée dans la zone III après que le gouvernement espagnol avait imposé aux radiodiffuseurs des obligations afin de garantir que leur signal soit transmis par le biais de cette plateforme. Enfin, au considérant 52 de la décision d’ouverture, la Commission a soutenu que le fait que les radiodiffuseurs des chaînes en clair étaient réticents à utiliser la plateforme satellitaire
n’impliquait pas que ladite plateforme et la plateforme terrestre appartiennent à des marchés différents et que la situation ait pu être différente si le gouvernement était intervenu d’une autre manière en ce qui concerne la radiodiffusion dans la zone II.
62 Par conséquent, compte tenu de la nature et du contenu susmentionné de la décision d’ouverture, ainsi que du contexte de son adoption, il y a lieu de considérer que le Royaume d’Espagne a été en mesure, malgré le caractère succinct de la motivation relative au caractère sélectif de la mesure en cause dans cette décision, de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a considéré, à titre préliminaire, que celle-ci apparaissait conférer un avantage sélectif notamment aux
opérateurs de réseau terrestre par rapport aux opérateurs de réseau utilisant d’autres technologies et, plus particulièrement, celle satellitaire, lesquels étaient en concurrence avec les premiers pour la diffusion du signal de télévision numérique visée par le régime juridique régissant le passage à la télévision numérique en Espagne. Or, il se trouve que cette appréciation préliminaire de la Commission a été, en substance, confirmée par le raisonnement subsidiaire concernant la sélectivité,
figurant aux considérants 172 et suivants de la décision attaquée.
63 Dès lors, le Royaume d’Espagne n’est pas fondé à soutenir que la décision d’ouverture a violé l’article 6, paragraphe 1, du règlement n^o 659/1999, en n’indiquant pas le système de référence et en ne présentant pas une analyse préliminaire de la comparabilité en fait et en droit entre les opérateurs de réseau terrestre et ceux de réseau satellitaire au regard de l’objectif poursuivi par ce système de référence.
64 En deuxième lieu, force est de constater que la motivation afférente au caractère sélectif de la mesure en cause, contenue dans la décision d’ouverture, a permis au Royaume d’Espagne de présenter son point de vue sur cette question, notamment quant à la comparabilité des situations des technologies terrestre et satellitaire.
65 À cet égard, le considérant 135 de la décision attaquée rappelle que, dans ses observations du 30 novembre 2010 sur la décision d’ouverture, le Royaume d’Espagne avait expliqué que les opérateurs de réseau qui utilisaient la technologie TNT n’avaient pas bénéficié d’un avantage sélectif par rapport à d’autres opérateurs de réseau. Ledit État membre avait également soutenu que les mesures en cause ne discriminaient pas les technologies autres que la technologie terrestre et expliqué les
différences entre la technologie terrestre et celle satellitaire en ce qui concernait les coûts et les conditions du marché. Le Royaume d’Espagne avait insisté sur le fait que ces deux technologies n’appartenaient pas au même marché.
66 De plus, après l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), la Commission a, par lettre du 26 avril 2019, invité le Royaume d’Espagne, les autres parties intéressées et la plaignante à lui adresser leurs observations respectives sur les suites à tirer dudit arrêt au regard de la sélectivité de la mesure en cause. Le Royaume d’Espagne a répondu à cette invitation par lettre du 14 juin 2019, dans laquelle il indiquait,
notamment, que, « [e]n tout état de cause, dans le souci de collaborer le mieux possible avec la Commission [il l’a priait] de bien vouloir trouver […] les avis et observations demandés dans [sa] lettre du 26 avril sur les conséquences de l’arrêt Retegal, notamment en ce qui concern[ait] l’examen de la sélectivité, en partant du principe que, comme cela a[vait] déjà été indiqué, ces avis et observations sur la sélectivité de la mesure en cause et sa conformité globale avec le traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne figur[ai]ent déjà dans le dossier qui a[vait] fait l’objet de l’annulation par l’arrêt précité, et que la [Commission] dispos[ait] déjà d’éléments factuels et juridiques plus que suffisants pour parvenir à la conclusion que la mesure en cause n’[était] pas une aide d’État, notamment en ce qui concern[ait] sa sélectivité, ou [était], en tout état de cause, une aide d’État compatible avec le droit [de l’Union]. »
67 Il ressort ainsi des propos du Royaume d’Espagne qu’il a été effectivement mis en mesure, dès 2010, de présenter tous les arguments et les éléments utiles afin de contester la sélectivité de la mesure en cause, à tel point qu’il ne lui a pas semblé utile de compléter ou de préciser son point de vue en 2019.
68 En troisième lieu, en réponse à une question posée par le Tribunal concernant les conséquences à tirer, au regard de la présente affaire, de l’arrêt 14 décembre 2023, EDP España/Naturgy Energy Group et Commission (C‑693/21 P et C‑698/21 P, EU:C:2023:989), le Royaume d’Espagne a soutenu que, en l’espèce, la décision d’ouverture ne contenait pas la motivation minimale requise concernant la comparabilité entre les prétendus bénéficiaires d’un régime d’aides et les entreprises qui n’en
bénéficiaient pas et aurait donc vidé de sa substance une garantie procédurale essentielle de l’État membre consistant à formuler des observations sur une analyse préalable de la sélectivité avant l’adoption de la décision attaquée. Selon le Royaume d’Espagne, ledit arrêt confirme que la seule mention, dans la décision d’ouverture, d’une concurrence potentielle ne satisfait pas à l’exigence de motivation minimale concernant la comparabilité des situations en cause. En outre, l’arrêt
susmentionné aurait reconnu la pertinence de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), afin (2) d’examiner si la décision d’ouverture de 2010 satisfaisait à l’obligation de motivation minimale.
69 D’une part, dans l’arrêt du 14 décembre 2023, EDP España/Naturgy Energy Group et Commission (C‑693/21 P et C‑698/21 P, EU:C:2023:989, point 83), la Cour a considéré que la décision d’ouverture alors en cause était, en substance, entachée d’un défaut de motivation en ce que la Commission avait omis d’y exposer les motifs pour lesquels la mesure litigieuse favorisait certaines entreprises par rapport à d’autres qui se trouvaient, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une
situation factuelle et juridique comparable.
70 Cette conclusion doit, toutefois, être lue à la lumière du contenu de la décision d’ouverture alors en cause ainsi que de la mesure d’aide alors examinée. À cet égard, il y a lieu de relever que la décision d’ouverture alors en cause portait sur un régime de subventions visant à encourager la production électrique, lequel ne bénéficiait qu’aux seules centrales à charbon remplissant certaines conditions.
71 Or, à l’exception de l’évocation d’un rapport de concurrence entre les centrales bénéficiaires de la mesure d’aide examinée et les autres centrales, la décision d’ouverture alors en cause ne comportait pas d’autres indications permettant de comprendre les raisons pour lesquelles l’ensemble de ces centrales auraient été dans une situation comparable.
72 D’autre part, il ressort notamment des points 54 à 62 ci-dessus que, en l’espèce, la décision d’ouverture comportait, globalement, une analyse préliminaire de la sélectivité dont il pouvait aisément être déduit que, eu égard à l’objectif de diffusion du signal de télévision numérique, les technologies satellitaire et terrestre étaient, selon la Commission, dans une situation comparable dès lors qu’elles pouvaient toutes les deux assurer la couverture de la population espagnole par le
signal de télévision numérique, en particulier, dans la zone II. Ainsi, le fait que les technologies satellitaire et terrestre soient concurrentes et, donc, capables de diffuser le signal de télévision numérique notamment dans les zones plus éloignées et isolées du territoire espagnol, ce qui correspond à l’objectif du cadre juridique de référence dans lequel s’inscrit la mesure en cause, doit, dans les circonstances concrètes de l’espèce, être considéré comme un élément pertinent aux fins de
la comparabilité des technologies en cause. Il convient en outre de rappeler que, dans la décision d’ouverture , la Commission a également écarté des arguments avancés par les autorités espagnoles visant à démontrer que les technologies susmentionnées n’étaient pas dans une situation comparable en raison de leurs coûts respectifs et du fait que les radiodiffuseurs des chaînes en clair auraient été réticents à utiliser la plateforme satellitaire (voir points 56 et 61 ci-dessus).
73 La solution retenue dans l’arrêt du 14 décembre 2023, EDP España/Naturgy Energy Group et Commission (C‑693/21 P et C‑698/21 P, EU:C:2023:989), n’est donc pas transposable au cas d’espèce.
74 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que la décision d’ouverture contenait une analyse préliminaire de la sélectivité de la mesure en cause suffisante et, partant, que la Commission a respecté son obligation de mettre le Royaume d’Espagne en mesure de présenter ses observations sur cet élément, dans le respect de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n^o 659/1999.
75 Dans ces circonstances, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la lettre de la Commission du 26 avril 2019 ne comportait pas d’analyse préliminaire de la sélectivité, mais se limitait à lui demander sa position sur la sélectivité après l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), en transférant sur ledit État membre la charge de la preuve de la sélectivité, ne saurait établir ni l’existence d’une violation des droits
de la défense du Royaume d’Espagne et, en particulier, de son droit d’être entendu, ni un quelconque renversement de la charge de la preuve de la sélectivité qui pèse sur la Commission.
76 À la lumière de tout ce qui précède, la deuxième branche du premier moyen ne saurait être accueillie.
Sur la troisième branche du premier moyen
77 Le Royaume d’Espagne prétend, en substance, que la décision attaquée viole ses droits de la défense et l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, selon lequel « [l]es observations reçues sont communiquées à l’État membre concerné », « [t]oute partie intéressée peut demander, pour cause de préjudice potentiel, que son identité ne soit pas révélée à ce dernier », « [l]’État membre concerné a la possibilité de répondre aux observations transmises dans un délai déterminé, qui ne
dépasse normalement pas un mois » et, « [d]ans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai ». Il soutient que l’analyse de la sélectivité est fondée sur des éléments et des arguments nouveaux communiqués à la Commission par les autres parties intéressées et par la plaignante après l’annulation de la décision 2014/489, qui ne figuraient pas dans ladite décision et qui ne lui ont pas été communiqués. Selon le Royaume d’Espagne, il découle de l’interprétation téléologique
du règlement 2015/1589 et, plus particulièrement, de son article 1^er, de son article 9, paragraphe 8, et de son article 11, que, avant d’adopter la décision attaquée, la Commission aurait dû lui proposer d’être entendu sur les principales questions de fait et de droit ainsi que sur sa nouvelle appréciation de la sélectivité de la mesure en cause et sur les éléments nouveaux essentiels aux fins de cette appréciation.
78 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.
79 À titre liminaire, d’une part, il ressort des points 53 à 62 ci-dessus que la décision d’ouverture et le raisonnement subsidiaire exposé aux considérants 171 et suivants de la décision attaquée reposent, en substance, sur le même postulat en ce qui concerne la sélectivité de la mesure en cause et que, en tout état de cause, la décision d’ouverture comportait une motivation suffisante à cet égard, sur laquelle le Royaume d’Espagne a pu utilement présenter ses observations conformément
aux exigences découlant du règlement n^o 659/1999.
80 D’autre part, le Royaume d’Espagne ne saurait utilement invoquer des différences entre la décision 2014/489 et la décision attaquée afin d’établir la prétendue violation de ses droits de la défense et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. En effet, la décision 2014/489 n’était pas un acte préparatoire de la décision attaquée, mais elle a clos la procédure d’examen de la mesure en cause et doit être considérée comme inexistante, à la suite de son annulation par l’arrêt du
20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002) (voir points 99 et 100 ci-après).
81 Par ailleurs, les éléments prétendument nouveaux évoqués par le Royaume d’Espagne, de manière suffisamment précise, dans ses écritures devant le Tribunal ne lui étaient pas inconnus et, en tout état de cause, ne sauraient être considérés comme un fondement essentiel de la conclusion de la Commission relative à la sélectivité de la mesure en cause.
82 Premièrement, s’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel l’analyse de la sélectivité et celle de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur comportent des références aux études de coûts transmises à la Commission après l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), par la plaignante et par les parties intéressées, mentionnées aux considérants 177 et 260 à 264 de la décision attaquée, il
suffit de constater que, dans cette décision, la Commission n’a pas fondé sa conclusion sur la sélectivité de la mesure en cause sur l’une desdites études, qu’elle a écartées au motif qu’elles étaient postérieures à la période pertinente pour l’examen de la mesure en cause et qu’elles ne démontraient pas de manière satisfaisante l’existence d’une différence de coûts significative entre les technologies terrestre et satellitaire. Au demeurant, dans la note en bas de page n^o 168 figurant au
considérant 258 de la décision attaquée, la Commission a confirmé expressément ne s’être fondée particulièrement sur aucune étude donnée.
83 Deuxièmement, le Royaume d’Espagne soutient que, au considérant 184 de la décision attaquée, pour démontrer que les opérateurs de la plateforme satellitaire pouvaient négocier avec les radiodiffuseurs et obtenir l’accès à leur signal afin d’étendre la couverture à la zone II, la Commission a cité l’exemple de la Comunidad foral de Navarra (Communauté forale de Navarre, Espagne), dans laquelle un contentieux de cette nature avait été réglé à la suite de l’intervention de la Comisión
Nacional de los Mercados y la Competencia (Commission nationale des marchés et de la concurrence, Espagne) en 2019. Cet exemple avait été porté à la connaissance de la Commission par la plaignante, dans sa réponse du 27 mai 2019 à la lettre de la Commission du 26 avril 2019. À cet égard, il y a lieu de relever que l’exemple susmentionné de la Communauté forale de Navarre n’a été invoqué par la Commission que pour rejeter l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel les opérateurs de la
plateforme satellitaire avaient des difficultés à obtenir des radiodiffuseurs les licences pour diffuser leurs contenus par le biais de la technologie satellitaire et n’étaient donc pas dans une situation comparable à celle des opérateurs de la plateforme terrestre. De plus, en pratique, l’exemple susmentionné a été invoqué par la Commission uniquement à titre surabondant et pour confirmer sa position selon laquelle il n’existait pas d’obstacle absolu à ce que la plateforme satellitaire
diffuse le signal des radiodiffuseurs.
84 Au surplus, s’agissant de la référence à l’article 31 de la Ley 7/2010 General de la Comunicación Audiovisual (loi générale 7/2010 sur la communication audiovisuelle), du 31 mars 2010 (BOE n^o 79, du 1^er avril 2010, p. 30157), effectuée au même considérant 184 de la décision attaquée, lors de l’audience, la Commission a indiqué, à juste titre, que ladite loi avait été invoquée par le Royaume d’Espagne dans ses observations du 14 juin 2019, en réponse à sa lettre du 26 avril 2019. En
tout état de cause, de même que l’exemple de la Communauté forale de Navarre, l’article 31 de la loi générale 7/2010 n’a été évoqué par la Commission qu’à titre surabondant et pour corroborer sa position rappelée au point 83 ci-dessus.
85 Troisièmement, le Royaume d’Espagne indique que la décision attaquée se réfère à la décision (UE) 2016/1385 de la Commission, du 1^er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.27408 (C 24/10) (ex NN 37/10, ex CP 19/09) accordée par les autorités de Castille-La Manche en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées (JO 2016, L 222, p. 52), ainsi qu’aux arrêts du Tribunal et de la Cour ayant confirmé ladite décision. Toutefois, il
ressort du libellé du considérant 178 de la décision attaquée que lesdits éléments sont invoqués pour « corroborer » la conclusion énoncée au considérant 177 de ladite décision, selon laquelle il ne pouvait être considéré que la technologie satellitaire était désavantagée sur le plan de la concurrence en ce qui concerne les coûts, à laquelle la Commission était déjà parvenue sur la base d’autres motifs exposés dans ce considérant 177. Donc, la Commission n’a pas fondé sa conclusion sur la
sélectivité sur la décision 2016/1385, qu’elle a évoquée simplement à titre surabondant, pour renforcer la conclusion figurant à la fin du point 177 de la décision attaquée. Au demeurant, force est de constater que les éléments précités n’étaient pas inconnus du Royaume d’Espagne, puisqu’il était le destinataire de la décision 2016/1385 et à l’origine des recours introduits devant le Tribunal (arrêt du 15 décembre 2016, Espagne/Commission, T‑808/14, non publié, EU:T:2016:734) et la Cour (arrêt
du 20 septembre 2018, Espagne/Commission, C‑114/17 P, EU:C:2018:753) contre ladite décision.
86 Dès lors, le Royaume d’Espagne n’est pas fondé à invoquer les dispositions de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 pour démontrer que, avant d’adopter la décision attaquée, la Commission aurait dû lui proposer d’être entendu sur sa nouvelle appréciation de la sélectivité de la mesure en cause et sur les prétendus éléments nouveaux et décisifs aux fins de cette appréciation.
87 Dès lors, la troisième branche du premier moyen ne saurait être accueillie.
Sur la quatrième branche du premier moyen
88 Le Royaume d’Espagne fait grief à la Commission d’avoir adopté la décision attaquée en violation de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, dès lors qu’elle ne lui a pas communiqué les observations des parties intéressées et de la plaignante en réponse à sa lettre du 26 avril 2019 et, partant, ne lui a pas permis de présenter des observations à cet égard contrairement à ce qu’exige ledit article.
89 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.
90 L’article 6, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2015/1589 dispose que la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois, sauf cas dûment justifiés. Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, les observations reçues sont communiquées à l’État membre concerné. Toute partie intéressée peut demander,
pour cause de préjudice potentiel, que son identité ne soit pas révélée à ce dernier. L’État membre concerné a la possibilité de répondre aux observations transmises dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai.
91 Il découle d’une lecture combinée de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 que les observations visées à ce dernier paragraphe sont celles que les parties intéressées ont été invitées à présenter sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen.
92 Or, en l’espèce, la lettre de la Commission du 26 avril 2019 se limite à solliciter les observations des parties sur la sélectivité de la mesure en cause à la suite de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002) (voir point 66 ci-dessus), et, partant, ne constitue pas une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen.
93 Il s’ensuit que les observations de la plaignante et des parties intéressées communiquées en réponse à la lettre susmentionnée ne constituent pas des observations sur une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen au sens de l’article 6, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. Partant, la Commission n’était pas tenue, sur le fondement de cette disposition, de communiquer lesdites observations au Royaume d’Espagne.
94 Enfin, dans l’hypothèse où le Royaume d’Espagne entendrait faire valoir que l’absence de communication des réponses des parties intéressées et de la plaignante à la lettre de la Commission du 26 avril 2019 serait constitutive d’une violation de ses droits de la défense, une telle violation ne justifierait pas l’annulation de la décision attaquée, étant donné que le Royaume d’Espagne n’avance pas de manière circonstanciée qu’en l’absence de cette irrégularité la procédure pouvait aboutir
à un résultat différent (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 79 et jurisprudence citée).
95 Dès lors, la quatrième branche du premier moyen ne saurait être accueillie.
96 Eu égard à tout ce qui précède, le premier moyen est rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 266 TFUE en ce que la Commission aurait outrepassé ses compétences lors de l’exécution de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P), ainsi que de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime, de l’interdiction de reformatio in pejus et de l’article 47 de la Charte
97 Le Royaume d’Espagne excipe d’une violation de l’article 266 TFUE en ce que la Commission aurait outrepassé ses compétences dans le cadre de l’exécution de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), ainsi que de la violation des principes de confiance légitime, de sécurité juridique, lequel comprendrait l’interdiction de reformatio in pejus, et de la violation du droit à un recours juridictionnel effectif consacré à
l’article 47 de la Charte. En effet, dans la décision attaquée, la Commission ne se serait pas limitée à motiver son analyse de la sélectivité, mais elle aurait notamment modifié les critères de récupération de l’aide en cause, en aggravant ainsi la situation des opérateurs concernés.
98 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.
99 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’un arrêt d’annulation opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique [arrêts du 18 septembre 2015, Deutsche Post/Commission, T‑421/07 RENV, EU:T:2015:654, point 57, et du 8 février 2018, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO – Marpefa (Vieta), T‑879/16, EU:T:2018:77, point 37].
100 En l’espèce, l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), a annulé la décision 2014/489 qui, partant, a été éliminée rétroactivement de l’ordre juridique de l’Union européenne et est censée n’avoir jamais existé.
101 Dès lors, la Commission était appelée à prendre une décision nouvelle ayant le même objet que sa décision 2014/489 annulée.
102 Ainsi, la Commission ne pouvait pas se contenter de compléter la motivation contenue dans la décision 2014/489, mais devait, au contraire, adopter une décision nouvelle, tout en respectant les motifs et le dispositif de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), ce qu’elle a fait en adoptant la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Italie/Commission, T‑257/10, non publié, EU:T:2012:504,
point 54).
103 Dans ce cadre, ni l’article 266 TFUE, ni l’article 47 de la Charte, ni même les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique n’empêchaient la Commission d’adopter une nouvelle décision constatant l’existence d’une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération auprès de ses bénéficiaires.
104 En effet, la disparition rétroactive de l’ordre juridique de la décision 2014/489 implique qu’il n’est pas possible de comparer son contenu à celui de la décision attaquée afin d’examiner la légalité de cette dernière [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2022, Puma/EUIPO – CMS (CMS Italy), T‑711/20, non publié, EU:T:2022:604, point 131].
105 Dans ces circonstances, le Royaume d’Espagne ne pouvait pas être considéré comme étant dans une position plus défavorable que celle dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de recours, de sorte qu’il ne saurait en tirer un argument relatif à l’établissement de la violation du principe d’interdiction de reformatio in pejus.
106 De la même manière, il y a lieu de considérer que le Royaume d’Espagne ne saurait fonder son grief tiré de la violation du principe de sécurité juridique sur la décision 2014/489, qui a été définitivement annulée et qui, partant, est censée ne jamais avoir existé.
107 Par ailleurs, en ce qui concerne la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, invoquée par le Royaume d’Espagne, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle le droit de se prévaloir de ce principe s’étend à toute personne qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez elle des espérances fondées. Constituent de telles assurances,
quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 12 novembre 2015, Italie/Commission, T‑255/13, non publié, EU:T:2015:838, point 143 et jurisprudence citée).
108 En l’espèce, force est de constater que le Royaume d’Espagne n’a ni allégué ni a fortiori démontré l’existence d’assurances précises qu’il aurait reçues de la part de la Commission avant l’adoption de la décision attaquée en ce qui concerne l’exclusion de la récupération de l’aide en cause auprès de certains opérateurs. Or, seule une manifestation expresse et claire en ce sens de la part de la Commission aurait pu lui permettre de conclure que cette institution avait exclu la
récupération de l’aide versée à certains opérateurs (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 décembre 2011, Espagne/Commission, T‑106/10, non publié, EU:T:2011:740, point 69 et jurisprudence citée).
109 Enfin, en ce qui concerne la prétendue violation du droit à un recours juridictionnel effectif au motif que, en substance, la décision attaquée placerait les opérateurs concernés dans une situation plus défavorable que celle existant sous l’empire de la décision 2014/489, il suffit de renvoyer aux points 105 et 106 ci-dessus et de constater que le Royaume d’Espagne a eu la possibilité d’introduire le présent recours contre la décision attaquée. Dans ces circonstances, le Royaume
d’Espagne n’est pas fondé à invoquer une violation de l’article 47 de la Charte.
110 Eu égard à tout ce qui précède, le deuxième moyen est rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration prévu à l’article 41 de la Charte
111 Le Royaume d’Espagne invoque, en substance, la violation du principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte, au motif que le délai de trois ans et six mois qui s’est écoulé entre l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), et l’adoption de la décision attaquée serait excessif et aurait causé une situation d’incertitude pour les juridictions et les administrations nationales, ainsi que pour les
opérateurs économiques concernés.
112 Aux termes de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, les organes et les organismes de l’Union.
113 Le respect par la Commission d’un délai raisonnable lors de l’adoption de décisions à l’issue des procédures administratives en matière de politique de concurrence constitue donc un principe de bonne administration (voir arrêt du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, EU:T:2003:316, point 136 et jurisprudence citée).
114 En l’espèce, certes, comme le Royaume d’Espagne le soutient, la décision attaquée, adoptée le 10 juin 2021, a été prise trois ans et six mois après le prononcé de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002). Or, durant cette période, ainsi que cela ressort du dossier et notamment du considérant 11 de la décision attaquée, premièrement, la plaignante a présenté de son propre chef plusieurs lettres à la Commission en 2018 et
en 2019 concernant les conséquences à tirer de cet arrêt, deuxièmement, des réunions ont eu lieu en 2018 à l’initiative des parties devant la Commission, troisièmement, la Commission a demandé des informations complémentaires au Royaume d’Espagne en 2018 et en 2019, qu’il a fournies en 2019, quatrièmement, en 2019, le Royaume d’Espagne et la plaignante ont répondu à l’invitation de la Commission, du 26 avril 2019, à faire part de leur point de vue sur la sélectivité des mesures en cause à la
lumière de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), et, cinquièmement, le Royaume d’Espagne a répondu à la demande d’informations actualisées de la Commission du 1^er octobre 2020, les 19 octobre 2020 et 5 février 2021. Au regard de ces circonstances, force est de constater qu’il n’est pas établi que la Commission a traité l’affaire en cause, à la suite de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et
Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), de manière excessivement tardive ou dans un délai déraisonnable.
115 En outre, il convient de rappeler que la violation du principe de respect d’un délai raisonnable ne justifie l’annulation de la décision en cause que si elle emporte également une violation des droits de la défense des personnes concernées. Lorsqu’il n’est pas établi que l’écoulement excessif du temps a affecté la capacité des personnes concernées de se défendre effectivement, le non-respect du principe de délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure
administrative [voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2014, Portovesme/Commission, T‑291/11, EU:T:2014:896, point 73 (non publié), et du 17 décembre 2015, SNCF/Commission, T‑242/12, EU:T:2015:1003, point 393]. Or, en l’espèce, force est de constater que le Royaume d’Espagne s’est limité à alléguer que la prétendue violation du délai raisonnable aurait créé une situation d’incertitude et, partant, d’insécurité juridique à son égard et à celui des opérateurs concernés, mais n’a pas excipé d’une
violation de ses droits de la défense.
116 Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté.
Sur le cinquième moyen, tiré, en substance, de la violation de l’article 1^er, sous d), du règlement 2015/1589 et d’une erreur d’appréciation en ce que la mesure en cause a été qualifiée de régime d’aides
117 Le Royaume d’Espagne fait grief à la Commission d’avoir violé l’article 1^er, sous d), du règlement 2015/1589, en ce qu’elle a qualifié la mesure en cause de régime d’aides. Premièrement, le Royaume d’Espagne prétend que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas analysé la marge d’appréciation des communautés autonomes, laquelle ne serait, au demeurant, pas mentionnée dans ladite décision. Or, selon le Royaume d’Espagne, les communautés autonomes et les communes disposaient d’une
marge d’appréciation importante dans la mise en œuvre concrète de l’extension de la couverture dans la zone II, incompatible avec l’existence d’un régime d’aides. En substance, ce seraient lesdites communautés autonomes et communes qui auraient déterminé la technologie à employer pour l’extension de la couverture et, partant, les bénéficiaires de la mesure en cause, le montant du prétendu avantage, le pourcentage de la population à couvrir, le modèle à suivre dans les appels d’offres ou encore
l’emplacement des infrastructures nécessaires en fonction de critères d’efficacité et de l’orographie de la zone à couvrir par le signal de télévision numérique. En outre, le Royaume d’Espagne fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans la décision attaquée, de l’exemple de la Cantabrie où il y aurait eu 115 appels d’offres contenant une clause de neutralité technologique et où 48,65 % de ces appels d’offres auraient été attribués à des contractants ayant conçu et prévu une
extension de réseau fondée sur la plateforme satellitaire. En outre, au moins 17,6 % (c’est-à-dire 3 sur 17) des contrats attribués à des opérateurs de réseau, examinés par la Commission, auraient été technologiquement neutres. Deuxièmement, le Royaume d’Espagne soutient que les dispositions adoptées par l’État central, les conventions et les addenda auxdites conventions, identifiés dans la décision attaquée comme étant la base juridique du prétendu régime d’aides, ne définissaient pas les
bénéficiaires dudit régime.
118 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.
119 À titre liminaire, il ressort de la jurisprudence que, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission est tenue de réaliser l’examen de ce régime en se plaçant au moment de son adoption et en procédant à une analyse ex ante (arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 63).
120 L’existence d’un régime d’aides doit donc, en l’espèce, être appréciée au regard de la situation existant au moment de son adoption. Or, à l’époque pertinente, la notion de « régime d’aides » était définie à l’article 1^er, sous d), du règlement n^o 659/1999. Ainsi, aux fins de l’examen de l’existence d’un régime d’aides, en l’espèce, il convient d’entendre les références faites par le Royaume d’Espagne à l’article 1^er, sous d), du règlement 2015/1589 comme visant l’article 1^er, sous
d), du règlement n^o 659/1999, dont la teneur est identique.
121 En vertu de l’article 1^er, sous d), du règlement n^o 659/1999, on entend par « régime d’aides », d’une part, toute disposition sur la base de laquelle, sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition et, d’autre part, toute disposition sur la base de laquelle une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou
plusieurs entreprises pour une période indéterminée ou pour un montant indéterminé.
122 En l’espèce, il est constant que si la mesure en cause n’est pas liée à un projet spécifique, elle n’est pas octroyée pour une période indéterminée ou pour un montant indéterminé au sens de la seconde hypothèse mentionnée à l’article 1^er, sous d), du règlement n^o 659/1999, de sorte que cette seconde hypothèse est dépourvue de pertinence en l’occurrence.
123 Ainsi, il y a lieu de vérifier si la mesure en cause constitue un régime d’aides au sens de la première hypothèse mentionnée à l’article 1^er, sous d), du règlement n^o 659/1999.
124 Conformément à ladite disposition, un régime d’aides doit notamment s’entendre comme toute disposition sur la base de laquelle, sans qu’il soit besoin d’adopter des mesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition. Ainsi, la qualification d’une mesure étatique de régime d’aides présuppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des aides
peuvent être octroyées individuellement à des entreprises sur le fondement d’une « disposition ». Deuxièmement, aucune mesure d’application supplémentaire n’est requise pour l’octroi de ces aides. Troisièmement, les entreprises auxquelles les aides individuelles peuvent être octroyées doivent être définies « de manière générale et abstraite » (arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International, C‑337/19 P, EU:C:2021:741, points 59 et 60).
125 L’existence de mesures d’application supplémentaires implique l’exercice d’un pouvoir d’appréciation par l’autorité adoptant les mesures en cause, lui permettant d’influer sur le montant de l’aide, les caractéristiques de celle-ci ou les conditions dans lesquelles cette aide est octroyée. En revanche, la simple application technique des actes prévoyant l’octroi des aides concernées ne constitue pas une « mesure d’application supplémentaire », au sens de l’article 1^er, sous d), du
règlement 2015/1589 (arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International, C‑337/19 P, EU:C:2021:741, point 105).
126 Il en découle que la question de savoir si des « mesures d’application supplémentaires » sont nécessaires à l’octroi d’aides individuelles au titre d’un régime d’aides est intrinsèquement liée à celle de la détermination de la « disposition », au sens de l’article 1^er, sous d), du règlement n^o 659/1999, sur laquelle ce régime se fonde. En effet, c’est au regard de cette disposition qu’il convient de déterminer si l’octroi d’aides individuelles est conditionné à l’adoption de telles
mesures ou si, au contraire, cet octroi peut se faire sur la seule base de ladite disposition (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International, C‑337/19 P, EU:C:2021:741, point 106).
127 Enfin, il est de jurisprudence constante que, dans le cas spécifique d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier, dans les motifs de la décision, si, en raison des modalités que ce régime prévoit, celui-ci assure un avantage aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter à des entreprises qui participent aux échanges entre les États membres. Ainsi, la Commission, dans une décision qui
porte sur un tel régime, n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 65 et jurisprudence citée).
128 Partant, dans le cas d’un tel régime d’aides, il y a lieu d’établir une distinction entre l’adoption de ce régime, d’une part, et l’octroi d’aides sur la base dudit régime, d’autre part (voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 22, et du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 66).
129 C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si, ainsi que le prétend le Royaume d’Espagne, la Commission a violé l’article 1^er, sous d), du règlement n^o 659/1999. À cette fin, il y a donc lieu de vérifier si les trois conditions de l’existence d’un régime d’aides, rappelées au point 124 ci-dessus, sont remplies en l’espèce.
130 En premier lieu, la base juridique du prétendu régime d’aides a été décrite aux considérants 28 à 39 et 138 à 140 de la décision attaquée. En particulier, il ressort des considérants 28 et 138 que le cadre légal pour le passage à la télévision numérique en Espagne était un ensemble complexe formé de plusieurs instruments juridiques adoptés par le gouvernement central espagnol, les communautés autonomes et les autorités locales, c’est-à-dire les communes, pendant une période de quatre
ans. Lesdits instruments, décrits aux considérants 29 à 39 et de la décision attaquée, sont les suivants : premièrement, la loi 10/2005, deuxièmement, le décret royal 944/2005, qui a approuvé le programme technique national en faveur de la TNT de 2005 (ci-après le « programme technique national de 2005 »), en particulier sa douzième disposition additionnelle, troisièmement, le programme de passage à la TNT, quatrièmement, la décision du 29 février 2008 du MITC, cinquièmement, les addenda de
2008 aux conventions-cadres de 2006, sixièmement, les conventions-cadres de 2008, septièmement, la décision du conseil des ministres du 17 octobre 2008 assignant des fonds supplémentaires pour étendre et compléter la couverture de la TNT, huitièmement, le Real Decreto-ley 1/2009 de medidas urgentes en materia de telecomunicaciones (décret-loi royal 1/2009 portant mesures urgentes en matière de télécommunications), du 23 février 2009 (BOE n^o 47, du 24 février 2009, p. 19015), neuvièmement, la
décision du conseil des ministres du 29 mai 2009 approuvant les critères de répartition des sommes allouées au financement des initiatives en faveur du passage à la TNT, dixièmement, la Ley 7/2009 de medidas urgentes en materia de telecomunicaciones (loi 7/2009 portant mesures urgentes en matière de télécommunications), du 3 juillet 2009 (BOE n^o 161, du 4 juillet 2009, p. 55729), et, onzièmement, les addenda de 2009 aux conventions-cadres de 2008.
131 Il ressort du considérant 139 de la décision attaquée que, pour la Commission, les différents instruments adoptés au niveau central et les conventions conclues et modifiées entre le MITC et les communautés autonomes constituaient la base du régime d’aides pour l’extension de la couverture dans la zone II et incluaient les caractéristiques essentielles de celui-ci, à savoir l’incitation au passage à la télévision numérique dans la zone II et la limitation de cette incitation à la
technologie terrestre. En outre, la Commission a estimé que ces instruments et ces conventions avaient pour objectif d’orienter les communautés autonomes vers l’adoption de mesures qui n’étaient pas technologiquement neutres et que, dans la pratique, les communautés autonomes avaient appliqué le plan du gouvernement central à partir de leurs conventions-cadres respectives, qui avaient été élaborées selon le même modèle. Au considérant 140 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que les
mesures adoptées par les autorités nationales, les autorités des communautés autonomes ou les autorités locales poursuivaient le même objectif, et que, compte tenu de leurs liens étroits, il convenait de les analyser de manière conjointe, comme faisant partie d’un même système. Dès lors, en substance, les autorités espagnoles étatiques et infraétatiques n’auraient disposé d’aucune marge, dans l’application technique du système, pour respecter le principe de neutralité technologique.
132 Par ailleurs, d’une part, il est constant entre les parties que la loi 10/2005, le décret royal 944/2005, le programme technique national de 2005 et le programme de passage à la TNT régissaient, principalement, le passage à la TNT dans la zone I, c’est-à-dire celle où les radiodiffuseurs nationaux publics et privés étaient tenus d’assurer, à leurs frais, la couverture par le signal de télévision numérique de la quasi-totalité de la population, respectivement à hauteur de 98 % pour les
premiers et de 96 % pour les seconds, conformément à leurs obligations de service public (voir considérants 29 à 32 et 138 de la décision attaquée).
133 D’autre part, il y a lieu de relever que le Royaume d’Espagne ne conteste pas que la douzième disposition additionnelle du décret royal 944/2005, le décret-loi royal 1/2009, la loi 7/2009, les addenda de 2008 aux conventions-cadres de 2006, les conventions-cadres de 2008, les décisions du conseil des ministres du 17 octobre 2008 et du 29 mai 2009, la décision du 29 février 2008 du MITC et les addenda de 2009 aux conventions-cadres de 2008 (voir point 130 ci-dessus) ont posé les bases de
l’extension de la couverture par le signal de télévision numérique du pourcentage de la population espagnole qui ne bénéficiait pas d’une telle couverture en vertu des obligations de service public incombant aux radiodiffuseurs nationaux publics et privés (voir point 3 ci-dessus).
134 En effet, dans le cadre du présent recours, le Royaume d’Espagne s’est limité à contester, en substance, la conclusion de la Commission, énoncée au considérant 139 de la décision attaquée, selon laquelle les différents instruments adoptés au niveau central et les conventions conclues et modifiées entre le MITC et les communautés autonomes constituent la base du régime d’aides pour l’extension de la couverture dans la zone II et incluent les caractéristiques essentielles du prétendu
régime d’aides, en particulier le fait que l’incitation à l’extension de la couverture dans la zone II aurait été limitée à la technologie terrestre.
135 Premièrement, à cet égard, il convient tout d’abord de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a expliqué que la douzième disposition additionnelle du décret royal 944/2005 prévoyait la possibilité pour les communes et les autorités des communautés autonomes d’étendre la couverture afin de couvrir une proportion de la population comprise entre 96 % et 100 %, laquelle faisait explicitement référence à la TNT et établissait, parmi ses conditions d’application, la conformité
de l’installation locale avec le programme technique national de 2005 (voir considérant 33 de la décision attaquée).
136 Ensuite, la Commission a indiqué que « les addenda [de 2008] aux conventions-cadre de 2006 repos[aient] sur le même modèle pour toutes les communautés autonomes, à quelques petites différences près [et que, dans] la plupart de ces conventions, il [était] indiqué que la technologie numérique terrestre [était] la seule à pouvoir bénéficier d’un financement » (voir considérant 35 de la décision attaquée).
137 En outre, la Commission a relevé que, par sa décision du 17 octobre 2008, le conseil des ministres avait décidé d’assigner 8 720 000 euros supplémentaires pour étendre et compléter la couverture de la TNT dans le cadre des projets de passage qui devaient être mis en œuvre au cours du premier semestre 2009, lesdits fonds devant être alloués après la signature des conventions-cadres de 2008. La Commission a également précisé que les conventions-cadres de 2008 avaient pour objet
l’allocation, aux communautés autonomes, des fonds susmentionnés et qu’elles contenaient une liste d’activités financées par les autorités centrales et régionales, afin que la couverture de la TNT soit identique à la couverture analogique de l’époque, lesdites activités étant liées à la mise en fonctionnement de la TNT (voir considérant 36 de la décision attaquée).
138 De plus, la Commission a expliqué que l’article 2 du décret-loi royal 1/2009 avait ajouté une nouvelle disposition à la loi 10/2005 en vertu de laquelle « [l]’accès aux chaînes diffusées susmentionnées par le ou les systèmes de diffusion par satellite [était] limité aux citoyens résidant dans des zones où il n’[aurait plus existé], une fois achevé le passage à la télévision numérique terrestre, de couverture nationale du service de télévision numérique terrestre ». La Commission a
également relevé que, dans son préambule, le décret-loi royal 1/2009 indiquait que l’extension de la couverture dans la zone II financée par les autorités publiques devait être effectuée uniquement au moyen de la technologie numérique terrestre. La Commission en a conclu que ledit décret-loi royal partait du principe que « seule la technologie terrestre [était] utilisée dans les zones I et II ». L’extrait pertinent dudit préambule, reproduit en note en bas de page n^o 34 de la décision
attaquée, indiquait, notamment, que « l’utilisation de systèmes satellitaires permettra[it] d’effectuer une extension complémentaire de la couverture de la population par les chaînes nationales de la TNT dans les zones où résid[ai]ent des citoyens qui ne recevraient pas ces chaînes de télévision une fois atteints les engagements visant à ce que 96 % de la population soit couverte par les opérateurs privés du service national de télévision numérique terrestre et 98 % de la population soit
couverte par l’organisme public espagnol de radiodiffusion et une fois terminées les extensions de la couverture effectuées par les administrations publiques, au-delà de ces pourcentages de la population » et que « [c]ette obligation d’extension complémentaire de la couverture au moyen de systèmes satellitaires [...] permettrait d’atteindre, selon les estimations, environ 1,5 % de la population résidant dans les zones dispersées et isolées du territoire et dont la couverture par des émetteurs
terrestres de télévision suppos[ait] un coût disproportionné » (voir considérant 37 de la décision attaquée).
139 Par ailleurs, la Commission a relevé que la décision du conseil des ministres du 29 mai 2009 avait fixé les critères de répartition de la somme de 52 000 000 d’euros allouée au financement des initiatives en faveur du passage à la TNT. Selon la Commission, ladite décision établissait un lien avec le programme de passage à la TNT auquel elle renvoyait. La Commission a expliqué à cet égard que, aux termes de la décision susmentionnée, l’exécution de la coopération entre le gouvernement
central et les communautés autonomes « [aurait été] formalisée, conformément aux lignes directrices fixées par le [programme de passage à la TNT] » (voir considérant 38 de la décision attaquée).
140 Enfin, la Commission a indiqué que les addenda de 2009 définissaient ce qu’il convenait d’entendre par « actions d’extension de la couverture », en précisant que lesdites actions ne faisant explicitement référence qu’à la technologie terrestre, sans pour autant exclure formellement d’autres technologies (voir considérant 39 de la décision attaquée). À cet égard, il ressort du considérant 139 de la décision attaquée que « [b]ien que le [programme technique national] [ait régi] le passage
à la TNT dans la zone I, il autoris[ait] également les autorités locales à établir, en partenariat avec les communautés autonomes, les centres émetteurs supplémentaires nécessaires pour garantir la réception de la TNT dans la zone II » que, « [a]insi, à ce moment déjà, le gouvernement central prévoyait l’extension de la couverture de la TNT » que « [l]e mandat tel que contenu dans le principal instrument juridique qui réglement[ait] le passage à la télévision numérique ne concern[ait] que la
plateforme terrestre », que, « [e]n outre, le décret-loi royal 1/2009 prouv[ait] que l’utilisation de la technologie satellitaire [avait] uniquement été prévue pour la zone III », que, « [p]ar conséquent, dans la pratique, les communautés autonomes ont appliqué les directives du gouvernement central sur l’extension de la TNT » et que « [l]es communautés autonomes ont appliqué le plan du gouvernement central à partir de leurs conventions-cadres respectives, qui avaient été élaborées selon le
même modèle ». Au considérant 140 de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il « ressort[ait] des instruments mentionnés qui ont été adoptés au niveau central, des conventions et des addenda que ceux-ci constitu[ai]ent la base d’un système destiné à étendre la couverture de la TNT dans la zone II en utilisant exclusivement la radiodiffusion terrestre [et que], dans de telles circonstances, les autorités centrales ou locales ne disposaient d’aucune marge, dans le cadre de
l’application technique du système, pour respecter le principe de neutralité technologique », que « [l]es mesures adoptées par les autorités nationales, les autorités des communautés autonomes ou les autorités locales poursuivaient le même objectif, et, compte tenu de leurs liens étroits, il conv[envait] de les analyser de manière conjointe, comme faisant partie d’un même système » et que « [c]ette conclusion a[vait] également été corroborée par le Tribunal […] dans l’affaire T‑541/13, dans le
cadre du recours en annulation de la décision [2014/489] ».
141 Deuxièmement, force est de constater que, dans ses écritures et lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a contesté de manière concrète et précise uniquement les appréciations de la Commission relatives à la douzième disposition additionnelle du décret royal 944/2005 et au décret-loi royal 1/2009, exposées, respectivement, aux considérants 33 et 37 de la décision attaquée (voir points 135 et 138 ci-dessus).
142 D’une part, s’agissant de la douzième disposition additionnelle du décret royal 944/2005, en réponse à des questions posées par le Tribunal lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a fait valoir que cette disposition n’impliquait aucune obligation de recourir à la technologie terrestre dans la zone d’extension de la couverture et qu’elle se limitait uniquement à offrir une telle possibilité aux communautés autonomes et aux communes. La douzième disposition additionnelle n’aurait donc pas
exclu l’extension de la couverture par le biais de la technologie satellitaire.
143 À cet égard, il y a lieu de relever que la disposition susmentionnée énonçait que les organes compétents des administrations publiques et des entités dépendantes de celles-ci pouvaient accorder l’installation, dans les zones où il n’existait pas de couverture du service de TNT, de stations terrestres en réseau de fréquence unique pour la diffusion à leurs citoyens dudit service, moyennant le respect d’une série de conditions, parmi lesquelles le respect du programme technique national de
2005. Lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a reconnu que ce programme ne concernait que les conditions techniques relatives à la radiodiffusion numérique terrestre.
144 Ainsi, même si la douzième disposition additionnelle se bornait à prévoir la possibilité de recourir à la technologie terrestre pour l’extension de la couverture, sans énoncer d’obligation expresse à cet égard, il n’en demeure pas moins que cette disposition mentionnait uniquement la technologie terrestre et faisait expressément référence aux conditions techniques applicables à cette seule technologie.
145 En tout état de cause, il convient de rappeler que la Commission n’a pas déduit l’existence d’un régime d’aides de la douzième disposition additionnelle prise isolément, mais d’un ensemble d’actes législatifs, réglementaires et conventionnels qui, dans leur ensemble, avaient pour objet d’orienter les communautés autonomes et les communes vers l’adoption de mesures qui n’étaient pas technologiquement neutres et, partant, d’étendre la couverture dans la zone II par le biais de la
technologie terrestre au détriment des autres technologies existantes et, en particulier, de celle satellitaire.
146 Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne doit être écarté.
147 D’autre part, s’agissant du décret-loi royal 1/2009, le Royaume d’Espagne a soutenu, en substance, que le considérant 37 de la décision attaquée était entaché d’une erreur d’appréciation en ce que la Commission avait estimé que ledit décret-loi royal prévoyait que l’extension de la couverture dans la zone III devait se faire uniquement au moyen de la technologie satellitaire et en aurait déduit que la technologie terrestre était réservée à la zone II. Selon le Royaume d’Espagne, en
substance, la Commission a limité son examen de la mesure en cause à la zone d’extension de la couverture où les communautés autonomes avaient discrétionnairement choisi la technologie terrestre pour des raisons de coûts, ce qui l’aurait conduite à diviser artificiellement ladite zone entre la zone II et la zone III. En tout état de cause, le Royaume d’Espagne affirme qu’il n’existait aucune disposition limitant expressément l’usage de la technologie terrestre à la zone II.
148 En l’espèce, le préambule du décret-loi royal 1/2009 indiquait que la technologie satellitaire était la « plus adéquate » afin de procéder à l’extension complémentaire de la couverture par les chaînes de TNT nationales dans les zones où résidait la population qui n’allait pas bénéficier de l’accès auxdites chaînes une fois qu’auraient été satisfaites les obligations de couverture incombant aux radiodiffuseurs publics et privés à hauteur, respectivement, de 98 % et de 96 % de la
population espagnole, et une fois qu’aurait été réalisée l’extension de la couverture au-delà de ces pourcentages de la population par les administrations publiques. Ledit préambule précisait, en outre, que ladite obligation d’extension complémentaire de la couverture par le système satellitaire allait concerner environ 1,5 % de la population qui se situait dans les zones éloignées et moins urbanisées du territoire et dans lesquelles la couverture par des émetteurs terrestres de télévision
aurait supposé un coût disproportionné. Il convient de constater que le préambule de la loi 7/2009 était rédigé dans les mêmes termes.
149 Ensuite, l’article 1^er du décret-loi royal 1/2009, de même que l’article 1^er de la loi 7/2009, a introduit une septième disposition additionnelle dans la loi 10/2005, dont le paragraphe 2 disposait que, en substance, l’accès aux chaînes numériques nationales appartenant aux radiodiffuseurs publics et privés et diffusées par le biais de la plateforme satellitaire était limité aux citoyens résidant dans les zones où, une fois achevé le passage à la TNT, il n’y aurait pas de couverture
par le service de TNT national.
150 Bien que les préambules respectifs du décret-loi royal 1/2009 et de la loi 7/2009, ainsi que le paragraphe 2 de la septième disposition additionnelle de la loi 10/2005, n’aient pas prévu expressément que la technologie terrestre soit réservée à la zone II, il n’en demeure pas moins qu’il ressort implicitement, mais nécessairement, de leur lecture conjointe que les autorités espagnoles ont réservé la technologie satellitaire aux zones éloignées et moins urbanisées du territoire espagnol
dans lesquelles la population ne recevait pas les chaînes nationales de télévision numérique après l’achèvement du passage à la TNT opéré par les radiodiffuseurs publics et privés, conformément à leurs obligations de service public, et après l’achèvement de l’extension de la couverture par les « administrations publiques » (c’est-à-dire les communautés autonomes ou les communes) au-delà des obligations de couverture qui incombaient auxdits radiodiffuseurs.
151 Dès lors, contrairement à ce que prétend le Royaume d’Espagne, le décret-loi royal 1/2009 confirme l’existence d’une division du territoire espagnol en trois zones, à savoir la zone I où la couverture par le signal de télévision numérique a été opérée par les radiodiffuseurs publics et privés sans financement public, la zone II où les communautés autonomes et les communes ont procédé à l’extension de la couverture au-delà des pourcentages de la population bénéficiant déjà d’une
couverture par le signal de TNT en vertu des obligations de service public incombant aux radiodiffuseurs susmentionnés, laquelle a été cofinancée par l’État central et les communautés autonomes, et la zone III où la technologie satellitaire était la plus appropriée en termes de coûts.
152 Par ailleurs, il a été acté lors de l’audience que la Commission ne considérait pas que les dispositions et les conventions qui fondaient la base juridique du régime d’aides excluaient la technologie satellitaire de l’extension de la couverture dans la zone II, mais que celles-ci excluaient ladite technologie du financement public prévu à cet effet.
153 À cet égard, il convient de rappeler que, au considérant 35 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les addenda de 2008 aux conventions-cadres de 2006 reposaient sur le même modèle pour toutes les communautés autonomes et que, pour la plupart, ils indiquaient que seule la technologie numérique terrestre pouvait bénéficier d’un financement. En outre, au considérant 36 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les conventions-cadres de 2008 comportaient une liste
d’activités financées par les autorités étatiques et des communautés autonomes afin d’égaler la couverture analogique préexistante, lesquelles étaient liées à la mise en fonctionnement de la technologie numérique terrestre. Force est de constater que ces appréciations n’ont pas été contestées de manière concrète et précise par le Royaume d’Espagne.
154 Ainsi, nonobstant l’absence d’exclusion expresse de la technologie satellitaire aux fins de l’extension de la couverture dans la zone II dans les instruments et les conventions qui constituent la base juridique du régime d’aides en cause, la Commission a établi à suffisance de droit que ces derniers limitaient, en réalité, l’incitation financière pour l’extension de la couverture dans la zone II à la technologie terrestre.
155 Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant, au considérant 37 de la décision attaquée, que le décret-loi royal 1/2009 confirmait que l’extension de la couverture dans la zone II se ferait exclusivement au moyen de la technologie terrestre.
156 En tout état de cause, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a estimé que le régime d’aides en cause était fondé sur un ensemble d’actes législatifs, réglementaires et conventionnels dont l’objectif était d’orienter les communautés autonomes et les communes vers l’adoption de mesures technologiquement non neutres. Or, le Royaume d’Espagne n’a pas contesté de manière précise et suffisante l’appréciation de chacun des actes identifiés dans la décision
attaquée comme étant la base dudit régime d’aides.
157 À la lumière de l’ensemble des considérations exposées aux points 130 à 156 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission était fondée à conclure, aux considérants 139 et 140 de la décision attaquée, que les différents instruments adoptés au niveau de l’État central, les conventions et les addenda conclus entre le MITC et les communautés autonomes constituaient la base d’un système destiné à financer l’extension de la couverture dans la zone II au moyen de la technologie
terrestre.
158 La première condition de l’existence d’un régime d’aides rappelée au point 124 ci-dessus est donc remplie en l’espèce.
159 En deuxième lieu, il y a lieu de vérifier si les instruments, les conventions et les addenda susmentionnés permettaient à eux seuls, c’est-à-dire sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires, l’octroi individuel d’aides aux entreprises en ayant fait la demande.
160 Premièrement, s’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la Commission n’a pas examiné la marge d’appréciation dont disposaient les communautés autonomes, qu’elle n’aurait, au demeurant, pas mentionné dans la décision attaquée il suffit de relever qu’il ressort du considérant 140 de la décision attaquée, en substance, que, pour la Commission, les autorités centrales et locales ne disposaient d’aucune marge, dans le cadre de l’application technique du système établi par
les différents instruments adoptés au niveau de l’État central et les conventions et les addenda conclus entre le MITC et les communautés autonomes, pour respecter le principe de neutralité technologique. En outre, il résulte des considérants 141 à 143 de la décision attaquée que cette conclusion était confirmée par l’échantillon significatif d’appels d’offres lancés par les communautés autonomes. Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne manque en fait et doit être rejeté.
161 Deuxièmement, le Royaume d’Espagne prétend, en substance, que les communautés autonomes et les communes disposaient d’une marge d’appréciation lors de la mise en œuvre du régime en cause, puisqu’elles déterminaient la technologie à employer pour l’extension de la couverture et, partant, les bénéficiaires de la mesure en cause ainsi que le montant du prétendu avantage, le pourcentage de la population à couvrir, le contenu des contrats conclus avec des entreprises publiques ou privées
(achat d’équipements avec ou sans maintenance), le modèle à suivre dans les appels d’offres ou encore l’emplacement des infrastructures nécessaires en fonction de critères d’efficacité et de l’orographie de la zone à couvrir par le signal de télévision numérique.
162 Tout d’abord, il ressort des points 134 à 140 ci-dessus que les instruments adoptés au niveau de l’État central et les conventions conclues entre le MITC et les différentes communautés autonomes incluaient les éléments essentiels dudit régime, à savoir l’incitation (financière) au passage à la télévision numérique dans la zone II et la limitation de cette incitation à la technologie terrestre.
163 Ensuite, le fait allégué par le Royaume d’Espagne selon lequel le montant de l’avantage perçu par les bénéficiaires individuels du régime d’aides avait été déterminé par les communautés autonomes relève de la simple application technique du régime en cause au sens de la jurisprudence rappelée au point 125 ci-dessus. En effet, le budget total à allouer à l’extension de la couverture dans la zone II était défini aussi bien par les décisions du MITC et du conseil des ministres mentionnées
aux points 130, 137 et 139 ci-dessus que par les conventions conclues entre le MITC et les communautés autonomes et, en particulier, les conventions-cadres de 2008, dont le Royaume d’Espagne n’a pas contesté qu’elles étaient établies sur le même modèle.
164 En outre, il y a lieu de constater que la détermination de l’emplacement précis des installations nécessaires à l’extension de la couverture dans la zone II par les communautés autonomes et les communes relève, par nature, de la simple application technique du régime d’aides en cause.
165 Par ailleurs, s’agissant du pourcentage de la population qui devait bénéficier de l’extension de la couverture, il ressort du considérant 33 de la décision attaquée que, en ce qui concerne les zones II et III, la douzième disposition additionnelle du décret royal 944/2005 prévoyait la possibilité pour les autorités locales et les autorités des communautés autonomes d’étendre la couverture afin de couvrir une proportion de la population comprise entre 96 % et 100 %. En outre, en ce qui
concerne plus particulièrement la zone II, la Commission a indiqué, au considérant 27 de la décision attaquée, que l’extension de la couverture dans la zone II concernait la population espagnole habitant dans les zones moins urbanisées et éloignées qui recevait précédemment les chaînes publiques et privées par le biais de la télévision analogique et qui, en substance, n’était pas comprise dans le pourcentage de la population espagnole devant obligatoirement être couverte par le signal de
télévision numérique conformément aux obligations de service public imposées aux radiodiffuseurs publics et privés, soit environ 2,5 % de la population totale espagnole. Ledit pourcentage est, au demeurant, confirmé par l’estimation du pourcentage de 1,5 % de la population espagnole située dans la zone III, mentionné dans le préambule du décret-loi royal 1/2009.
166 Il s’ensuit que, s’il incombait aux communautés autonomes de déterminer précisément le pourcentage exact de la population relevant de la zone II située sur leur territoire, cette circonstance relève de la simple application technique du régime d’aides en cause.
167 Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne doit être rejeté.
168 Enfin, s’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel le contenu des contrats conclus avec des entreprises publiques ou privées (achat d’équipements avec ou sans maintenance) ou le modèle à suivre dans les appels d’offres était, en substance, déterminé librement par les communautés autonomes et les communes, il y a lieu de relever que, au considérant 141 de la décision attaquée, la Commission a examiné un échantillon représentatif d’appels d’offres organisés par les
communautés autonomes qui, selon elle, attestait que « la grande majorité des appels d’offres analysés n’étaient pas technologiquement neutres » et que ceux-ci « s’étaient généralement tenus à la logique voulant qu’ils se concentrent exclusivement sur la technologie terrestre ». La Commission a également indiqué que ces appels d’offres résultaient de l’exécution du programme national précédemment décrit dans la décision attaquée, préalablement élaboré sur la base des lois et des accords conclus
avec les communautés autonomes.
169 Le fait que les contrats ou les appels d’offres passés par chaque communauté autonome aient pu prévoir différentes modalités pratiques de mise en œuvre concrète du programme susmentionné relève de la simple application technique du régime d’aides et, en tout état de cause, n’établit pas que lesdites communautés autonomes auraient disposé d’une marge d’appréciation en ce qui concerne le choix de la technologie à utiliser pour pouvoir bénéficier du financement public de l’extension de la
couverture dans la zone II relevant de leur autorité.
170 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du Royaume d’Espagne selon lesquels, d’une part, en Cantabrie, 115 appels d’offres contenaient une clause de neutralité technologique et 48,65 % desdits appels d’offres auraient été remportés par des contractants ayant prévu d’étendre la couverture par le biais de la plateforme satellitaire et, d’autre part, l’échantillon de contrats examinés dans la décision attaquée ferait apparaître qu’au moins 17,6 % desdits contrats
auraient été technologiquement neutres (soit 3 sur 17).
171 D’une part, dans la réplique, en réponse à l’allégation de la Commission selon laquelle l’exemple de la Cantabrie démontrait qu’un opérateur de réseau satellitaire pouvait effectivement être en concurrence avec un opérateur de réseau terrestre, le Royaume d’Espagne a reproché à la Commission de ne pas avoir expliqué pourquoi la solution retenue en Cantabrie, « territoire notoirement montagneux », aurait pu être extrapolée à d’autres communautés autonomes. Force est donc de constater que
l’argumentation du Royaume d’Espagne est empreinte d’une certaine contradiction en ce qui concerne la pertinence de l’exemple de la Comunidad Autónoma de Cantabria (Communauté autonome de Cantabrie, Espagne).
172 En tout état de cause, il y a lieu de considérer que les exemples d’appels d’offres technologiquement neutres invoqués par le Royaume d’Espagne concernent la seule Communauté autonome de Cantabrie et, partant, ne sauraient suffire à infirmer les appréciations de la Commission exposées aux considérants 140 à 142 de la décision attaquée.
173 D’autre part, en ce qui concerne l’argument du Royaume d’Espagne tiré du pourcentage de 17,6 % de contrats examinés dans la décision attaquée qui seraient technologiquement neutres, il convient de relever qu’il ressort de la note en bas de page n^o 42 de la décision attaquée que, sur un total de 516 appels d’offres lancés pour toutes les régions, à l’exception de Castille-La Manche, la Commission en a examiné 82 dont seuls quatre étaient technologiquement neutres (trois contrats en
Castille-et-Léon et un en Cantabrie, soit 4,9 %). Selon le Royaume d’Espagne, ces données sont, en substance erronées, le pourcentage de contrats technologiquement neutres étant de 17,6 %.
174 Il ressort de la requête que le pourcentage susmentionné se fonde sur un échantillon de contrats d’opérateurs de réseau, composé de 17 contrats, qui aurait été mentionné dans la décision 2014/489. Toutefois, à la suite de son annulation par la Cour, cette décision a disparu rétroactivement de l’ordre juridique, ce qui implique qu’il n’est pas possible de comparer son contenu à celui de la décision attaquée aux fins d’examiner la légalité de cette dernière (voir point 108 ci-dessus). En
tout état de cause, une telle différence éventuelle entre le contenu des deux décisions n’est pas de nature à démontrer que la référence à l’analyse de 82 appels d’offres, effectuée à la note en bas de page n^o 42 de la décision attaquée, était erronée.
175 Ainsi, à défaut de tout autre élément de preuve produit par le Royaume d’Espagne dans le cadre de la présente procédure, il y a lieu de considérer que celui-ci n’a pas établi que le pourcentage de 4,9 % constaté, en substance, par la Commission dans la décision attaquée était erroné.
176 Au surplus, ainsi que la Commission l’a indiqué à juste titre au considérant 142 de la décision attaquée, l’existence d’une minorité d’appels d’offres technologiquement neutres témoigne uniquement d’une mise en œuvre incomplète du régime d’aides, mais ne remet pas en cause la qualification de ce régime en tant que tel.
177 Enfin, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel les communautés autonomes qui disposaient de chaînes spécifiques privées fixaient l’obligation de couverture comme pour la télévision publique n’est pas suffisamment clair et étayé et, partant, doit être rejeté.
178 À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que les instruments et les conventions qu’elle a identifiés dans la décision attaquée comme étant la base juridique du régime d’aides en cause, pris dans leur ensemble, permettaient, à eux seuls, l’octroi individuel des aides à des entreprises sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires.
179 En troisième lieu, s’agissant de la condition selon laquelle les entreprises auxquelles les aides individuelles peuvent être octroyées doivent être définies de manière générale et abstraite par les dispositions qui forment la base juridique du régime d’aides (voir point 124 ci-dessus), il y a lieu de considérer que, en l’espèce, le fait que les différents instruments adoptés au niveau central et les conventions conclues et modifiées entre le MITC et les communautés autonomes ne
mentionnaient pas les différentes catégories de personnes morales de droit public ou privé qui ont été considérées par la Commission comme étant les bénéficiaires finaux et, partant, réels de la mesure en cause (voir considérants 153 à 162 de la décision attaquée) ne fait pas obstacle à la qualification du financement de l’extension de la couverture dans la zone II de régime d’aides.
180 En effet, les instruments qui forment la base juridique du régime d’aides, en ce qu’ils se réfèrent uniquement à l’extension de la couverture dans la zone II par le biais de la technologie terrestre, visent, de manière générale et abstraite, les bénéficiaires de l’aide, à savoir l’ensemble des personnes morales de droit public ou privé qui peuvent œuvrer, de manière directe ou indirecte, à ladite extension par l’installation d’un réseau terrestre numérique ou l’adaptation d’un réseau
terrestre déjà existant, ainsi que par son entretien et sa maintenance, afin de rendre ladite extension effective et, partant, bénéficier du financement de l’ensemble de ces mesures par les fonds étatiques et ceux des communautés autonomes.
181 À la lumière de tout ce qui précède, le Royaume d’Espagne n’est pas parvenu à démontrer que la décision attaquée était entachée d’une erreur d’appréciation et d’une violation de l’article 1^er, sous d), du règlement n^o 659/1999 en ce qu’elle a qualifié la mesure en cause de régime d’aides.
182 Dès lors, le cinquième moyen doit être rejeté.
Sur le quatrième moyen, tiré, en substance, d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison d’une analyse erronée de la condition de sélectivité et d’un renversement illicite de la charge de la preuve incombant à la Commission
183 Le quatrième moyen se divise, en substance, en trois branches. Dans le cadre de la première branche, le Royaume d’Espagne soutient, en substance, que la Commission a commis plusieurs erreurs dans l’identification des cadres de référence retenus aux fins du raisonnement principal et du raisonnement subsidiaire sur la sélectivité. Dans le cadre de la deuxième branche, le Royaume d’Espagne prétend que l’examen de la comparabilité des situations en cause effectué par la Commission est
entaché de plusieurs erreurs. En particulier, il lui reproche, en substance, de ne pas avoir procédé à un examen concret et exhaustif de la comparabilité des situations en cause et d’avoir conclu à la comparabilité des technologies terrestre et satellitaire uniquement sur la base de leur relation potentielle de concurrence. Dans le cadre de la troisième branche, le Royaume d’Espagne conteste, en substance, l’absence d’examen de la sélectivité par rapport à chacun des bénéficiaires de la mesure
en cause identifiés dans la décision attaquée.
184 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.
185 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder
un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 53 et jurisprudence citée ; arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 27).
186 En ce qui concerne la condition de sélectivité de l’avantage, inhérente à la qualification d’une mesure d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il résulte d’une jurisprudence bien établie que cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit
régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire (voir arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 28 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C‑51/19 P et C‑64/19 P, EU:C:2021:793, point 32).
187 L’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être clairement distinguée de la détection concomitante d’un avantage économique en ce que, lorsque la Commission a décelé la présence d’un avantage, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée, elle est tenue d’établir, en outre, que cet avantage profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises. Il lui incombe, pour ce faire, de démontrer, en particulier, que la mesure
en cause introduit des différenciations entre les entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable. Il faut donc que l’avantage soit octroyé de façon sélective et qu’il soit susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d’autres (voir arrêt du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 48 et jurisprudence citée). Il doit toutefois être distingué selon que la mesure en cause est envisagée comme
un régime général d’aide ou comme une aide individuelle. Dans ce dernier cas, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité. En revanche, lors de l’examen d’un régime général d’aide, il est nécessaire d’identifier si la mesure en cause, nonobstant le constat qu’elle procure un avantage de portée générale, le fait au bénéfice exclusif de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activités (voir arrêt du 30 juin 2016, Belgique/Commission,
C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 49 et jurisprudence citée).
188 Dans ce contexte, pour qualifier une mesure nationale de « sélective », la Commission doit identifier, dans un premier temps, le système de référence, soit le régime « normal » applicable dans l’État membre concerné, et démontrer, dans un second temps, que la mesure en cause déroge à ce système de référence, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce système, dans une situation factuelle et juridique
comparable (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 57, et du 16 mars 2021, Commission/Hongrie, C‑596/19 P, EU:C:2021:202, point 37 et jurisprudence citée). La notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique
comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer que cette différenciation est justifiée dès lors qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 58 ; voir, également, arrêt du 16 mars 2021, Commission/Hongrie, C‑596/19 P, EU:C:2021:202, point 38 et jurisprudence citée).
189 En l’espèce, le Royaume d’Espagne conteste aussi bien le raisonnement principal sur la sélectivité, exposé aux considérants 169 et 170 de la décision attaquée, que le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, exposé aux considérants 171 à 188, ainsi que la conclusion que la Commission en a tiré aux considérants 189 et 190 de ladite décision, selon laquelle la mesure en cause conférait, en substance, un avantage économique sélectif à certaines entreprises exerçant des activités
commerciales dès lors que le financement public réduisait les coûts que celles-ci auraient dû supporter dans des conditions normales de marché.
190 Le Tribunal estime opportun, en l’espèce, d’examiner les trois branches du quatrième moyen, tout d’abord, en ce qu’elles tendent à contester le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité.
Sur la première branche, tirée des erreurs concernant le système de référence
191 Dans le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, la Commission a pris pour hypothèse, au considérant 172 de la décision attaquée, que le système de référence se limitait, en l’espèce, au secteur de la radiodiffusion et que l’objectif dudit système était la transmission d’émissions numériques. En outre, la Commission a observé que, dans le secteur de la radiodiffusion, plusieurs plateformes de radiodiffusion se livraient concurrence et pouvaient fournir des services de transmission du
signal de radiodiffusion numérique. Au considérant 173 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que la sélectivité de la mesure en cause était évaluée en tenant compte de toutes les entreprises qui offraient, ou pouvaient offrir, des services d’extension de la couverture de la radiodiffusion numérique dans la zone II. Ensuite, au considérant 176 de la décision attaquée, la Commission a exposé les circonstances établissant, selon elle, que d’autres technologies que la TNT, en
particulier la technologie satellitaire, étaient en mesure de fournir des services de transmission du signal de télévision numérique dans la zone II. Par ailleurs, aux considérants 174, 175 et 177 à 188 de la décision attaquée, la Commission a rejeté les différents arguments présentés par le Royaume d’Espagne et les parties intéressées visant à démontrer que la technologie terrestre n’était pas dans une situation comparable à la technologie satellitaire. Enfin, au considérant 177 de la décision
attaquée, la Commission a conclu qu’il n’existait aucun motif intrinsèque invoqué par le Royaume d’Espagne justifiant l’exclusion ex ante des plateformes, autres que celle terrestre, du bénéfice de la mesure en cause.
192 Le Royaume d’Espagne conteste le système de référence identifié par la Commission dans le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité. À cet égard, le Royaume d’Espagne prétend, en substance, que ledit système de référence relève de la spéculation, la Commission n’ayant pas suivi la méthode d’analyse qu’elle aurait elle-même établie au point 133 de sa communication relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE (JO 2016, C 262, p. 1, ci-après la
« communication relative à la notion d’“aide d’État” »). En outre, la Commission n’aurait pas identifié un régime juridique cohérent et spécifique applicable au passage au numérique dans le secteur de la télévision terrestre.
193 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.
194 Il ressort de la jurisprudence qu’une erreur commise dans la détermination du système de référence vicie nécessairement l’ensemble de l’analyse de la condition relative à la sélectivité (voir arrêt du 16 mars 2021, Commission/Hongrie, C‑596/19 P, EU:C:2021:202, point 52 et jurisprudence citée).
195 En outre, la détermination du système de référence, qui doit être effectuée à l’issue d’un débat contradictoire avec l’État membre concerné, doit découler d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Banco Santander/Commission, C‑52/19 P, EU:C:2021:794, point 44 et jurisprudence citée).
196 Dans la mesure où la détermination du système de référence doit procéder d’un examen objectif du contenu et de l’articulation des règles applicables en vertu du droit national, il n’y a pas lieu, lors de cette première étape de l’examen de la sélectivité, de tenir compte des objectifs poursuivis par le législateur lors de l’adoption de la mesure soumise à examen. À cet égard, la Cour a itérativement jugé que la finalité poursuivie par des interventions étatiques ne suffit pas à les faire
échapper d’emblée à la qualification d’« aides » au sens de l’article 107 TFUE, dans la mesure où cette disposition ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais définit celles-ci en fonction de leurs effets (arrêt du 6 octobre 2021, Banco Santander/Commission, C‑52/19 P, EU:C:2021:794, point 47 et jurisprudence citée).
197 Ainsi qu’il est rappelé au point 191 ci-dessus, la Commission a formellement pris pour hypothèse, dans le cadre du raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, au considérant 172 de la décision attaquée, le fait que le système de référence se limitait au « secteur de la radiodiffusion » et qu’il avait pour objectif la « transmission d’émissions numériques ».
198 Cette définition doit être lue, notamment, en combinaison avec les considérants 21 à 39 et 138 à 140 de ladite décision, qui présentent le contexte de la numérisation de la radiodiffusion en Espagne, la base juridique de la mesure en cause, ainsi que les principales règles régissant le passage de la télévision analogique à la télévision numérique. À cet égard, il ressort du considérant 21 de la décision attaquée que la mesure en cause doit être analysée dans le cadre de la numérisation
de la radiodiffusion qui a été ou qui est mise en œuvre sur les plateformes terrestre, satellitaire ou câblée. En outre, il est précisé, au considérant 27 de la décision attaquée, que, au cours de la période 2005-2009, les autorités espagnoles ont adopté plusieurs mesures en vue du passage de la télévision analogique à la télévision numérique, dont la mesure en cause.
199 Ainsi, il ressort d’une lecture combinée des considérants 21, 27 et 172 de la décision attaquée que le système de référence identifié dans le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité est le secteur de la radiodiffusion numérique en Espagne et que son objectif est la transmission d’émissions numériques sur l’ensemble du territoire espagnol.
200 Force est de constater que ce système de référence n’est pas limité à la zone I, à la zone II ou aux zones II et III, mais inclut clairement l’ensemble de ces zones.
201 Il s’ensuit que le Royaume d’Espagne n’est pas fondé à soutenir que la Commission a spéculé sur le système de référence envisageable sans analyser les systèmes de référence les plus évidents comme le passage au numérique de la télévision terrestre en Espagne, dans la zone I ou dans toute la zone d’extension de la couverture incluant les zones II et III.
202 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que, dans le cadre du raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit ou d’erreur d’appréciation dans la définition du système de référence et de son objectif.
203 Dès lors, la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.
Sur la deuxième branche, tirée des erreurs entachant l’examen de la comparabilité des situations en cause
204 Il ressort du considérant 173 de la décision attaquée que la Commission a évalué l’existence d’un avantage sélectif en tenant compte de toutes les entreprises offrant, ou pouvant offrir, des services d’extension de la couverture de la radiodiffusion numérique dans la zone II. À cet égard, elle a estimé que les opérateurs de réseau utilisant des technologies autres que la technologie terrestre (en particulier la technologie satellitaire) étaient en mesure d’offrir des services d’extension
de la couverture dans la zone II et, partant, se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable, eu égard aux objectifs du régime juridique en cause.
205 En premier lieu, le Royaume d’Espagne fait grief à la Commission d’avoir conclu que les opérateurs de réseau terrestre étaient dans une situation comparable à celle des opérateurs de réseau satellitaire en raison du fait qu’ils pouvaient fournir le même service de transmission du signal de radiodiffusion numérique (considérant 172 de la décision attaquée). Le Royaume d’Espagne considère donc que la Commission a erronément déduit la sélectivité de la mesure en cause de la concurrence
potentielle entre les plateformes terrestre et satellitaire, sans procéder à une analyse détaillée des circonstances de fait et de droit qui caractérisent la situation de chacune de ces technologies.
206 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.
207 Il y a lieu de rappeler qu’une mesure est sélective si elle introduit une différenciation entre des entreprises qui se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif du système de référence (voir jurisprudence citée au point 188 ci-dessus).
208 D’une part, dans la mesure où l’objectif du système de référence est, en l’espèce, la transmission d’émissions numériques, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a estimé, dans la décision attaquée, que les opérateurs de la plateforme terrestre et les opérateurs de la plateforme satellitaire étaient tous deux capables d’assurer cette transmission, ainsi que l’attestaient en particulier le fait que la technologie satellitaire avait été utilisée pour l’extension
de la couverture dans la zone III et qu’elle avait été, de fait, également utilisée dans la zone II pour soutenir la plateforme terrestre. À cet égard, il ressort des considérants 176 et 227 de la décision attaquée que l’opérateur satellitaire Hispasat était prestataire de services dans certaines parties de la zone II pour soutenir la transmission terrestre de la TNT, ce qui n’est pas contesté par le Royaume d’Espagne.
209 Contrairement à ce que prétend le Royaume d’Espagne, ces circonstances plaident pour la reconnaissance d’une relation de concurrence actuelle, et non potentielle, entre les plateformes terrestre et satellitaire.
210 Dès lors, l’argumentation du Royaume d’Espagne doit être écartée pour autant qu’elle repose sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission, en substance, n’aurait tenu compte que de la concurrence potentielle entre ces plateformes.
211 D’autre part, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas conclu à la comparabilité des situations en cause uniquement en raison de la relation de concurrence, actuelle ou potentielle, entre les plateformes terrestre et satellitaire. En effet, il ressort des considérants 174 et suivants de la décision attaquée que la Commission a tenu compte d’une série de circonstances qui rendraient similaires les deux technologies en cause au regard de l’objectif de transmission du signal de
radiodiffusion numérique. Premièrement, au considérant 175 de la décision attaquée, la Commission a estimé, en substance, que les différences réglementaires entre les deux technologies en cause n’entraînaient pas de différence au niveau de la fourniture des services. Deuxièmement, aux considérants 176 et 184 de la décision attaquée, la Commission a relevé, en substance, qu’il n’existait pas de différence sur les plans technique et qualitatif entre les deux technologies au regard de la
transmission du signal de télévision numérique. Troisièmement, au considérant 177 de la décision attaquée, il est indiqué qu’il n’existait aucun motif économique intrinsèque justifiant l’exclusion ex ante de la technologie satellitaire en ce qu’elle aurait été moins efficiente que la technologie terrestre du point de vue des coûts. Quatrièmement, au considérant 183 de la décision attaquée, la Commission a conclu en substance que certaines différences factuelles entre les deux technologies,
comme l’existence d’un réseau de télévision terrestre analogique déjà existant, ne remettaient pas en cause leur comparabilité.
212 Dès lors, c’est à tort que le Royaume d’Espagne prétend que la Commission n’a pas procédé à une analyse des circonstances de fait et de droit qui caractérisaient la situation des technologies terrestre et satellitaire au regard de l’objectif du système de référence.
213 En second lieu, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission a commis une erreur en ne prenant pas en compte plusieurs circonstances factuelles et juridiques qui distingueraient les plateformes terrestre et satellitaire.
214 Premièrement, le Royaume d’Espagne invoque l’existence de régimes juridiques différents applicables aux technologies terrestre et satellitaire, les obligations de couverture par le service de télévision terrestre qui pèsent sur les radiodiffuseurs et qui conditionnent leur droit de continuer à utiliser les fréquences de télévision terrestre, le fait que la télévision par satellite ne comporte pas de limitation du nombre de concessions de l’espace radioélectrique détenues par une même
personne physique et du nombre de licences audiovisuelles pour les chaînes de télévision à portée nationale et le fait que la plateforme terrestre était généralement utilisée pour la radiodiffusion en clair alors que la plateforme satellitaire l’était pour la télévision payante.
215 À cet égard, il suffit de constater que le Royaume d’Espagne n’a pas démontré que les différences réglementaires évoquées au point 214 ci-dessus auraient empêché la technologie satellitaire de fournir le service de transmission du signal de télévision numérique. D’ailleurs, le fait que la technologie satellitaire ait été utilisée dans la zone III et, ponctuellement, dans la zone II prouve que celle-ci était en mesure d’assurer ce service (voir point 208 ci-dessus).
216 En outre, contrairement à ce que prétend le Royaume d’Espagne, la présente affaire doit donc être distinguée de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9), invoqué par le Royaume d’Espagne au soutien de son argumentation.
217 Dans ladite affaire, il s’agissait de comparer la situation des taxis londoniens et des voitures avec chauffeur (ci-après les « VTC ») au regard de l’objectif d’assurer un système de transport sûr et efficace. À cet égard, la Cour a relevé que les taxis et les VTC étaient en concurrence sur le segment de la réservation préalable, mais pas sur celui de la prise en charge des clients dans la rue. Cependant, selon la Cour, l’identification de la situation factuelle et juridique des taxis et
des VTC ne pouvait se limiter à celle prévalant sur le segment du marché sur lequel ces deux catégories de transporteurs de passagers se trouvaient en concurrence directe, à savoir celui de la réservation préalable, car l’ensemble des trajets effectués par les taxis et les VTC était susceptible d’affecter la sûreté et l’efficacité du système de transport sur la totalité des voies de circulation. Or, compte tenu des obligations réglementaires imposées aux taxis, telles les obligations de prise
en charge, d’être en mesure de transporter des personnes en fauteuil roulant et d’être reconnaissables, la Cour a confirmé que ceux-ci n’étaient pas dans une situation comparable à celle des VTC au regard de l’objectif d’assurer un système de transport sûr et efficace. Partant, la Cour a considéré qu’une disposition réglementaire autorisant uniquement les taxis à emprunter les voies de bus n’était pas sélective (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9,
points 59 à 63).
218 Dès lors, le Royaume d’Espagne n’est pas fondé à soutenir que les différences réglementaires évoquées au point 214 ci-dessus démontreraient que les plateformes terrestre et satellitaire ne sont pas dans une situation juridique comparable.
219 Deuxièmement, s’agissant de la circonstance invoquée par le Royaume d’Espagne selon laquelle seule la technologie terrestre aurait été concernée par la coupure du signal analogique imposée par la réglementation espagnole, force est de constater que ledit État membre ne prétend pas que l’arrêt du signal analogique aurait eu une incidence sur la faculté de la technologie satellitaire ou de la technologie terrestre de transmettre le signal de télévision numérique.
220 Au surplus, ni le système de référence ni même la mesure en cause n’avaient pour objectif d’indemniser les opérateurs de la plateforme terrestre pour l’arrêt du signal analogique ou l’éventuel arrêt de l’activité des opérateurs utilisant cette technologie.
221 Dès lors, le fait que l’arrêt du signal analogique concernait spécifiquement la technologie terrestre n’est pas pertinent aux fins de la comparaison de la situation des plateformes terrestre et satellitaire au regard de l’objectif de la fourniture du service de transmission du signal de télévision numérique en Espagne et, plus particulièrement, dans la zone II.
222 Troisièmement, le Royaume d’Espagne invoque la circonstance selon laquelle, d’une part, les principaux bénéficiaires de la numérisation de la télévision terrestre, à savoir les opérateurs de téléphonie mobile et l’État central lui-même, ont obtenu un avantage par le biais de la mise aux enchères du dividende numérique qui était supérieur au coût de l’extension de la couverture dans la zone II et, d’autre part, en vertu du principe de loyauté institutionnelle et du régime de financement
des communautés autonomes et des collectivités locales, en cas d’adoption d’une mesure qui génère à la fois des coûts pour ces dernières et des revenus pour l’État, il y a lieu de prendre des mesures pour compenser lesdits coûts.
223 À cet égard, il suffit de constater qu’il ne ressort ni de la décision attaquée ni du dossier de l’affaire que le système de référence ou même la mesure en cause, à savoir le financement de l’extension de la couverture dans la zone II par le biais de la technologie terrestre, auraient eu pour objectif de compenser le préjudice causé aux communautés autonomes et aux collectivités locales par l’abandon de l’analogique.
224 Dès lors, la prétendue obligation de l’État espagnol d’indemniser les communautés autonomes et les collectivités locales ne saurait remettre en cause la comparabilité des plateformes terrestre et satellitaire au regard de la transmission du signal de télévision numérique en Espagne.
225 Quatrièmement, en ce qui concerne les prétendus obstacles à la transmission d’émissions sous licence par le biais de la plateforme satellitaire, le Royaume d’Espagne a expliqué que les radiodiffuseurs élaborent des contenus propres et achètent également des contenus à des tiers par le biais de contrats de licence. Dans ce dernier cas, les radiodiffuseurs paieraient des redevances en fonction, d’une part, de la diffusion territoriale et, d’autre part, de la plateforme de distribution
utilisée. Or, le Royaume d’Espagne soutient en substance que, puisque les radiodiffuseurs avaient conclu des contrats de licence uniquement pour la diffusion de ces contenus par le biais de la plateforme terrestre, ils n’auraient pas eu d’intérêt à conclure des contrats avec les opérateurs de la plateforme satellitaire. Selon le Royaume d’Espagne, la décision attaquée ne tient pas compte de ces circonstances. De plus, en estimant, au considérant 184 de la décision attaquée, que ces difficultés
auraient été surmontables dès lors que la loi générale 7/2010 avait imposé aux radiodiffuseurs d’envergure nationale l’obligation de négocier avec les opérateurs de réseau indépendamment de la technologie qu’ils utilisaient, la Commission aurait commis une erreur d’appréciation ainsi que, en substance, une erreur de droit, car elle aurait adopté une approche contraire à la jurisprudence selon laquelle la question de savoir si une mesure constitue une aide d’État doit être résolue à la lumière
de la situation existant au moment où cette mesure a été prise.
226 Au considérant 184 de la décision attaquée, la Commission a examiné l’argument du Royaume d’Espagne et des parties intéressées selon lequel les opérateurs de la plateforme satellitaire ne pouvaient pas recevoir le signal des radiodiffuseurs dès lors que ces derniers auraient été réticents à utiliser cette technologie et n’auraient pas eu le droit de transmettre leurs contenus par la plateforme satellitaire. La décision attaquée indique que « ces difficultés » étaient surmontables, car la
loi générale 7/2010 avait imposé aux titulaires de licences pour les services de communication audiovisuelle d’envergure nationale l’obligation de négocier la vente de leurs principaux canaux de radiodiffusion indépendamment de la technologie qu’ils utilisaient. En outre, en se fondant sur l’exemple de la Communauté forale de Navarre, la Commission conclut que les opérateurs satellitaires peuvent négocier avec les radiodiffuseurs et obtenir l’accès à leur signal afin d’étendre la couverture
dans la zone II.
227 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la question de savoir si une mesure constitue une aide d’État doit être résolue à la lumière de la situation existant au moment où cette mesure a été prise (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’Agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 143 et jurisprudence citée). Ainsi, afin d’apprécier la comparabilité des plateformes terrestre et satellitaire, la Commission
devait se fonder sur la situation existant au moment de l’adoption de la mesure en cause.
228 Or, en l’espèce, sans qu’il soit besoin de prendre en compte la loi générale 7/2010 adoptée postérieurement à l’adoption de la mesure en cause, il ne ressort ni des éléments du dossier ni des prétentions des parties que la conclusion de contrats de licence entre les radiodiffuseurs et les opérateurs de réseau satellitaire constituait une « difficulté » lors de l’adoption de la mesure en cause.
229 En effet, les exemples de la Communauté autonome de Cantabrie (voir considérants 176 et 226 de la décision attaquée) et de la Communauté forale de Navarre (voir considérant 184 de la décision attaquée) montrent, au contraire, que c’est lors de l’exécution des marchés attribués par appel d’offres que les opérateurs de réseau satellitaire ont été confrontés au refus de certains radiodiffuseurs de leur céder les droits de licence sur leurs contenus.
230 Ce refus, opposé par des opérateurs économiques, n’était vraisemblablement pas prévisible par les autorités espagnoles avant le lancement des appels d’offres pour l’extension de la couverture ainsi qu’au moment où certaines de ces autorités, à savoir celles de la Cantabrie et de la Navarre, ont attribué les marchés pour l’extension de la couverture à des opérateurs satellitaires.
231 A fortiori, il y a lieu de considérer que la réticence des radiodiffuseurs à céder leurs droits aux opérateurs de réseau satellitaire n’était pas non plus prévisible au moment de l’adoption de la mesure en cause et que la « difficulté » invoquée par le Royaume d’Espagne est apparue ex post, lors de la mise en œuvre concrète de l’extension de la couverture dans la zone II.
232 Enfin, et en tout état de cause, il ressort de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par le Royaume d’Espagne, que la technologie satellitaire a été effectivement utilisée pour assurer la couverture par les chaînes de télévision numérique dans la zone III, par exemple en Navarre (voir considérant 184 de cette décision), ainsi que dans la zone II (voir considérants 176 et 227 de ladite décision).
233 Dès lors, il y a lieu de considérer que la difficulté pour les opérateurs de réseau satellitaire à obtenir les droits de diffusion sur les contenus des radiodiffuseurs ne remet pas en cause la comparabilité des plateformes terrestre et satellitaire au regard de la transmission du signal de télévision numérique en Espagne.
234 Cinquièmement, le Royaume d’Espagne fait grief à la Commission, en substance, de ne pas avoir tenu compte de la différence de coûts qui existe entre les technologies terrestre et satellitaire. À cet égard, le Royaume d’Espagne lui reproche de ne pas avoir fondé son analyse sur une étude de coûts et de s’être contentée de rejeter les études en ce sens fournies, notamment, par lui, en renversant ainsi la charge de la preuve de la sélectivité qui pesait sur elle. Par ailleurs, le Royaume
d’Espagne soulève une série de griefs contre certains motifs spécifiques de la décision attaquée qui fondent la conclusion de la Commission selon laquelle, en substance, il n’avait pas été démontré que la plateforme terrestre était la plus efficiente en termes de coûts.
235 Au considérant 177 de la décision attaquée, la Commission a exclu l’existence d’un motif économique intrinsèque justifiant une exclusion ex ante des plateformes autres que la plateforme terrestre pour la zone II et a rejeté les études fournies, notamment, par le Royaume d’Espagne afin de démontrer que la technologie terrestre aurait été plus efficiente en termes de coûts que la technologie satellitaire, en renvoyant aux appréciations effectuées à cet égard au point 6.3.3.2 de la décision
attaquée. S’agissant de l’étude de coûts de 2007, la Commission a considéré qu’elle ne prouvait pas de manière satisfaisante l’existence d’une différence de coûts entre la plateforme terrestre et la plateforme satellitaire. En outre, la Commission a écarté les deux études de coûts mentionnées au considérant 177 de la décision attaquée réalisées en 2010, soit après l’adoption de la mesure en cause. En outre, s’agissant des autres études citées au même considérant, réalisées en 2015 et en 2019,
la Commission a expliqué, en renvoyant aux considérants 260 à 264 de la décision attaquée, qu’elles étaient postérieures à ladite mesure et qu’elles ne prouvaient pas de manière satisfaisante que la TNT était une technologie plus efficiente, du point de vue des coûts, que la technologie satellitaire. La Commission a ainsi conclu, au considérant 177 de la décision attaquée, que la technologie satellitaire n’était pas désavantagée sur le plan de la concurrence en ce qui concerne les coûts.
236 Tout d’abord, s’agissant du grief du Royaume d’Espagne tiré du renversement de la charge de la preuve de la sélectivité, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe à la Commission d’apporter la preuve de l’existence d’une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et, partant, également la preuve que la condition d’octroi d’un avantage sélectif aux bénéficiaires est remplie (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2023, Larko/Commission,
C‑445/22 P, non publié, EU:C:2023:773, point 29 et jurisprudence citée).
237 Cependant, il n’incombe pas à la Commission de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie, quand bien même de telles informations se trouveraient dans le domaine public (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 octobre 2023, Larko/Commission, C‑445/22 P, non publié, EU:C:2023:773, point 34 et jurisprudence citée).
238 Il s’ensuit que, en l’espèce, il revenait au Royaume d’Espagne de fournir à la Commission toutes les informations et les éléments lui permettant de vérifier le bien-fondé de son argument tiré de la différence de coûts entre les technologies terrestre et satellitaire, le cas échéant, après qu’elle l’avait invité, dans le cadre de la procédure formelle d’examen, à fournir toutes les informations pertinentes à cette fin (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 décembre 2020, Comune di
Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, points 103 et 104 et jurisprudence citée).
239 Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel, à défaut d’avoir fondé son analyse sur une étude de coûts, la Commission aurait renversé la charge de la preuve de l’existence d’une aide d’État doit être rejeté comme non fondé.
240 Ensuite, le Royaume d’Espagne conteste la conclusion de la Commission selon laquelle l’étude de coûts de 2007 ne comportait pas de calculs suffisamment détaillés et fiables pour justifier le choix de la technologie terrestre. Selon le Royaume d’Espagne, ladite étude n’avait aucunement prôné une solution reposant intégralement sur la technologie terrestre, mais une solution tenant compte des caractéristiques de chaque emplacement. C’est pourquoi une partie de la zone de couverture était
couverte par une solution mixte terrestre/satellitaire (zone II), alors qu’une autre partie était couverte uniquement par la solution satellitaire (zone III).
241 Il ressort du considérant 177 de la décision attaquée, lu conjointement avec le considérant 256 de cette décision, que les conclusions de l’étude de coûts de 2007 ne constituaient pas une preuve suffisante de la supériorité de la plateforme terrestre par rapport à la plateforme satellitaire, car cette étude concluait que le choix d’une solution technologique donnée pour l’extension de la couverture devait être analysé région par région, en tenant compte des particularités topographiques
et démographiques de chacune d’entre elles.
242 C’est à bon droit que la Commission a opéré un tel constat. En effet, à l’instar de ce qu’a jugé le Tribunal dans l’arrêt du 26 novembre 2015, Espagne/Commission (T‑461/13, EU:T:2015:891, point 120), il y a lieu de relever que l’étude susmentionnée concluait qu’il était probable que la solution finale la plus appropriée soit celle résultant de la prise en considération des deux alternatives, à savoir les plateformes terrestre et satellitaire, l’une ou l’autre solution étant retenue selon
le cas en fonction des conditions et des circonstances de la localisation physique de la population à laquelle la couverture serait étendue. Or, il serait impossible de prévoir la proportion dans laquelle chaque alternative contribuerait à la solution finale, sans réaliser auparavant une étude circonstanciée par communauté autonome tenant compte de l’orographie du terrain, de la répartition territoriale de la population et de la situation du réseau de diffusion de la télévision existante.
243 Ainsi, contrairement à ce que prétend le Royaume d’Espagne, la décision attaquée n’a pas remis en cause les calculs figurant dans l’étude de coûts de 2007, mais a considéré, à juste titre, que cette étude, qui préconisait une utilisation au cas par cas de la plateforme terrestre ou de la plateforme satellitaire, ne permettait pas de conclure que la plateforme terrestre était généralement supérieure en termes de coûts à la plateforme satellitaire.
244 Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne, qui repose sur une lecture erronée de la décision attaquée, doit être rejeté.
245 En outre, le Royaume d’Espagne fait grief à la Commission d’avoir réfuté les études de coûts présentées par les communautés autonomes au motif que leurs conclusions ne coïncidaient pas avec les données fournies par la plaignante. Il reproche en outre à la Commission de s’être fondée sur l’étude fournie par la plaignante sans répondre aux critiques présentées sur cette étude par les communautés autonomes.
246 La Commission rétorque qu’elle a dûment examiné les informations relatives aux coûts présentées par certaines communautés autonomes.
247 Il ressort du considérant 177 de la décision attaquée et des considérants 260 à 264 auxquels celui-ci renvoie que les études des communautés autonomes n’ont pas été rejetées sur le fondement de l’étude de la plaignante, mais pour d’autres motifs.
248 Au demeurant, dans la note en bas de page n^o 168 de la décision attaquée, la Commission a expliqué qu’elle n’avait pas examiné en détail les hypothèses de coûts formulées par la plaignante, puisqu’elle ne se serait fondée sur aucun rapport en particulier.
249 Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne manque en fait et doit être rejeté.
250 De surcroît, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que la décision attaquée aurait écarté à tort les études de coûts de 2010 mentionnées au considérant 178 de la décision attaquée au simple motif qu’elles avaient été réalisées après l’application de la mesure en cause, en confondant ainsi le fait que l’analyse de la sélectivité est fondée sur des critères ex ante avec la nécessité que les études aient été réalisées avant la mise en œuvre de toute mesure d’aide.
251 À cet égard, il suffit de constater qu’il ressort du considérant 215 de la décision attaquée que les études de coûts fournies par les autorités espagnoles et les bénéficiaires de l’aide ont été écartées pour plusieurs motifs, à savoir le fait qu’elles n’avaient été réalisées ni ex ante ni par un expert indépendant et qu’elles ne démontraient pas que la technologie satellitaire était clairement plus coûteuse ou ne satisfaisait pas aux exigences qualitatives essentielles pour l’extension
de la couverture dans la zone II.
252 Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne, qui repose sur une prémisse factuelle erronée, doit être rejeté.
253 Par ailleurs, le Royaume d’Espagne considère, en substance, que le constat effectué aux considérants 214, 256 et 273 de la décision attaquée, selon lequel un appel d’offres unique au niveau national ou d’une communauté autonome aurait été plus efficace en termes de coûts, n’est aucunement établi et serait contredit par les considérants 177 et 256 de la décision attaquée, lus conjointement, dont il ressortirait que la Commission avait accepté la conclusion de l’étude de coûts de 2007
selon laquelle l’efficacité d’une technologie devait être examinée pour chaque région, en tenant compte de ses particularités topographiques et démographiques.
254 Dans le cadre de l’analyse de la sélectivité de la mesure en cause, le considérant 177 de la décision attaquée renvoie au considérant 256 de cette décision, et non au considérant 214. En outre, il ressort du libellé du considérant 177 de la décision attaquée que ce renvoi porte uniquement sur les motifs pour lesquels la Commission a estimé que les études de coûts qu’elle avait examinées n’appuyaient pas une exclusion ex ante de la technologie satellitaire ou, en d’autres termes, ne
démontraient pas l’existence d’une différence de coûts entre les plateformes terrestre et satellitaire permettant de considérer que celles-ci ne se trouvaient pas dans une situation factuelle et juridique comparable.
255 En revanche, le constat du caractère plus opportun d’un appel d’offres lancé au niveau national ou d’une communauté autonome, effectué au considérant 273 de la décision attaquée, se réfère à la question du caractère proportionné de la mesure en cause dans le cadre de l’examen de sa compatibilité avec le marché intérieur.
256 Au demeurant, force est de constater que, dans le cadre de l’analyse de la sélectivité, la Commission n’a pas effectué un renvoi au considérant 273 de la décision attaquée.
257 Ainsi, aucune contradiction n’existe entre les considérants 177, 214, 256 et 273 de la décision attaquée.
258 Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne mentionné au point 253 ci-dessus doit être rejeté.
259 Enfin, le Royaume d’Espagne fait grief à la Commission de ne pas avoir expliqué, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle avait refusé de tenir compte de la préexistence d’un réseau analogique qui aurait permis de réduire les coûts de la numérisation de la zone II par le biais de la technologie terrestre.
260 Pour autant que le Royaume d’Espagne entendrait invoquer, de la sorte, une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne le prétendu refus de la Commission de tenir compte, dans le cadre de l’analyse des coûts, du réseau analogique préexistant dans la zone II, il y a lieu de relever que la décision attaquée comporte une motivation à cet égard à son considérant 183. Celui-ci indique en effet que l’installation du réseau TNT dans la zone II n’est pas une simple adaptation ou
une amélioration du réseau analogique préexistant, que la radiodiffusion numérique terrestre est une technologie différente de la radiodiffusion analogique terrestre et que l’extension de la couverture exigeait l’installation d’un équipement numérique dans les centres préexistants ainsi que la construction de nouveaux centres dans la zone II. Dès lors, aucune violation de l’obligation de motivation ne saurait être retenue en l’espèce.
261 Par ailleurs, si le Royaume d’Espagne entendait contester le bien-fondé des appréciations susmentionnées, une telle contestation devrait être écartée comme dépourvue des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.
262 Compte tenu de l’ensemble de ces considérations, la deuxième branche du quatrième moyen doit être rejetée.
Sur la troisième branche, tirée d’une erreur découlant de l’absence d’analyse de la sélectivité en fonction des bénéficiaires identifiés dans la décision attaquée
263 Le Royaume d’Espagne fait grief à la Commission, en substance, d’avoir examiné la sélectivité sectorielle de la mesure en cause alors même que cette dernière ne visait pas l’ensemble des entreprises du secteur de la radiodiffusion. Selon le Royaume d’Espagne, la Commission aurait dû examiner la sélectivité au regard de chacune des catégories de bénéficiaires identifiées dans la décision attaquée. Or, elle aurait examiné uniquement la sélectivité par rapport à un groupe de bénéficiaires,
à savoir les fournisseurs d’équipements de communication, mais pas à l’égard des communes et des entreprises privées agissant en tant qu’opérateurs de réseau, ces dernières se faisant payer dans le cadre d’un contrat administratif mixte de prestation de services ou de fourniture. Or, selon le Royaume d’Espagne, les communes, d’une part, et les soumissionnaires qui exécutent un contrat administratif, d’autre part, n’étaient pas dans une situation comparable à celle des autres opérateurs de
réseau.
264 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.
265 Il convient de rappeler que, dans le cadre du raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, la Commission a comparé la situation des opérateurs de réseau terrestre à celle des opérateurs de réseau satellitaire au regard de l’objectif du système de référence.
266 Étant donné que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les communes avaient agi en tant qu’opérateurs de réseau et que, dès lors, elles devaient être considérées comme bénéficiaires directs de la mesure en cause (voir considérant 158 de la décision attaquée), force est de constater que c’est à bon droit que la Commission n’a pas examiné la sélectivité de ladite mesure spécifiquement à leur égard. Cette conclusion est également valable à l’égard des opérateurs privés
qui ont conclu des contrats administratifs avec une administration publique pour les services d’extension de la couverture (voir considérants 154 et 162 de la décision attaquée). En effet, les modalités du versement de l’aide en cause à ses bénéficiaires directs et indirects ne constituent pas un élément pertinent aux fins de l’appréciation de la comparabilité entre les opérateurs de réseau terrestre et les opérateurs de réseau utilisant d’autres technologies afin de transmettre le signal de
télévision numérique.
267 Enfin, pour autant que, par la troisième branche du quatrième moyen, le Royaume d’Espagne entendrait contester l’existence d’un avantage en ce qui concerne les communes et les opérateurs privés qui avaient conclu un contrat administratif avec les communautés autonomes, cette contestation se recoupe avec celle soulevée dans le septième moyen et sera donc examinée par le Tribunal dans ce cadre.
268 Compte tenu de ce qui précède, la troisième branche du quatrième moyen doit être rejetée comme non fondée.
269 À la lumière de tout ce qui précède, le Royaume d’Espagne n’a pas démontré que le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité était entaché d’une erreur de droit ou d’une erreur d’appréciation.
270 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner les trois branches du quatrième moyen pour autant qu’elles visent à contester le raisonnement principal sur la sélectivité qui est exposé dans la décision attaquée. En effet, à supposer même que celui-ci soit entaché d’une erreur de droit ou d’une erreur d’appréciation, cela ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée, laquelle est correctement fondée sur le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité.
271 Dès lors, le quatrième moyen est rejeté.
Sur le sixième moyen, tiré, en substance, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de l’article 17 de la Charte et du principe de bonne administration en raison du caractère confus et contradictoire des critères de récupération
272 Le sixième moyen se divise, en substance, en deux branches. La première est tirée de la violation du principe de bonne administration en ce que la décision attaquée prévoirait des critères de récupération de l’avantage peu clairs et arbitraires, dont il résulterait une insécurité juridique pour les opérateurs et le Royaume d’Espagne. La seconde branche est tirée, en substance, de ce que les critères de récupération susmentionnés conduiraient à un enrichissement sans cause de
l’administration contractante, ainsi qu’à l’expropriation du travail et des matériaux fournis par les opérateurs de réseau.
273 D’emblée, il convient de préciser que certains arguments invoqués par le Royaume d’Espagne dans le cadre du sixième moyen visent, en substance, à contester l’existence d’un avantage et, partant, seront examinés dans le cadre du septième moyen qui concerne cette question.
Sur la première branche, tirée de l’établissement de critères de récupération de l’aide confus et arbitraires conduisant à une situation d’insécurité juridique
274 Selon la jurisprudence, aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant. La récupération d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur doit être effectuée selon
les modalités prévues par le droit national. D’ailleurs, l’obligation pour un État membre de calculer le montant précis des aides à récupérer s’inscrit dans le cadre plus large de l’obligation de coopération loyale liant mutuellement la Commission et les États membres dans la mise en œuvre des règles du traité FUE en matière d’aides d’État (voir arrêt du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C‑403/10 P, non publié, EU:C:2011:533, point 126 et jurisprudence citée).
275 Cependant, bien que la quantification des aides litigieuses incombe aux autorités de l’État concerné dans le cadre de l’exécution de la décision constatant l’incompatibilité de ces aides, il n’en demeure pas moins que, conformément à la jurisprudence, en cas de difficultés imprévues, cet État doit soumettre ses problèmes à l’appréciation de la Commission, cette dernière et ledit État devant collaborer de bonne foi, conformément aux devoirs réciproques de coopération loyale, en vue de
surmonter ces difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et, en particulier, de celles relatives aux aides étatiques (voir arrêt du 13 décembre 2017, Grèce/Commission, T‑314/15, non publié, EU:T:2017:903, point 201 et jurisprudence citée).
276 En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de l’identification des bénéficiaires, au considérant 282 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que le financement accordé par le Royaume d’Espagne (y compris les aides accordées par les communautés autonomes et par les autorités locales) aux opérateurs de réseau terrestre pour la modernisation et la numérisation de leur réseau dans le but de proposer des chaînes de télévision en clair dans la zone II constituait une aide au sens de
l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dès lors, la Commission a considéré que les opérateurs de réseau terrestre étaient les bénéficiaires du régime en cause et que l’aide devait être récupérée auprès d’eux.
277 Au considérant 283 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le financement accordé par le Royaume d’Espagne aux opérateurs de réseau terrestre pour l’exploitation et la maintenance du réseau numérisé, sans appel d’offres ou dans le cadre d’appels d’offres qui n’étaient pas neutres du point de vue technologique jusqu’à la modification du régime en cause, était également une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
278 Par ailleurs, il ressort du considérant 289 de la décision attaquée que les opérateurs de réseau étaient les bénéficiaires directs lorsqu’ils recevaient directement les fonds destinés à la modernisation et à l’extension de leurs réseaux ainsi qu’à l’exploitation et à la maintenance et que, lorsque l’aide était versée à des entreprises publiques qui organisaient ensuite des appels d’offres pour l’extension de la couverture, c’était l’opérateur de réseau sélectionné qui était le
bénéficiaire indirect. La Commission a en outre précisé que l’aide illégale et incompatible devait être récupérée auprès des opérateurs de réseau, qu’ils aient été les bénéficiaires directs ou indirects de ladite aide.
279 Conformément au considérant 300 de la décision attaquée, lorsque les communautés autonomes ont organisé des appels d’offres technologiquement non neutres portant sur l’extension de la couverture, les attributaires desdits appels d’offres étaient les bénéficiaires directs de l’aide illégale.
280 Le considérant 301 de la décision attaquée précise que lorsque l’aide illégale pour la modernisation du réseau terrestre a été accordée aux communes agissant en qualité d’opérateurs de réseau, c’étaient ces communes qui bénéficiaient directement de l’aide et que, si les communes avaient passé un marché pour l’extension de la couverture, y compris la fourniture des équipements nécessaires, avec une entreprise qui était un opérateur de réseau, le bénéficiaire de l’aide était ledit
opérateur.
281 De plus, le considérant 303 de la décision attaquée indique que, dans le cas des communautés autonomes dans lesquelles l’extension de la couverture du réseau a été mise en œuvre par une entreprise publique agissant en qualité d’opérateur de réseau, c’était cette entreprise qui était considérée comme le bénéficiaire direct et qui était visée par la récupération.
282 Par ailleurs, il ressort du considérant 306 de la décision attaquée que l’aide pour la maintenance et l’exploitation des réseaux TNT doit être récupérée auprès de ces mêmes opérateurs.
283 Enfin, l’article 5 de la décision attaquée impose au Royaume d’Espagne de communiquer à la Commission la liste des bénéficiaires et les montants reçus, ventilés en fonction de quatre catégories de bénéficiaires, à savoir, premièrement, les adjudicataires des appels d’offres non neutres technologiquement destinés à l’extension de la couverture, lancés par les communautés autonomes et les communes, deuxièmement, les communes agissant en tant qu’opérateurs de réseau, troisièmement, les
entreprises publiques agissant en tant qu’opérateurs de réseau et, quatrièmement, les adjudicataires des appels d’offres non neutres technologiquement destinés à l’extension de la couverture, lancés par une entreprise publique.
284 Il découle de ce qui précède que la décision attaquée indique clairement que l’aide en cause devait être récupérée auprès des opérateurs de réseau ayant effectivement procédé à l’extension de la couverture dans la zone II, indépendamment de leur forme et de leur statut juridique (voir considérants 153 à 162 de la décision attaquée).
285 En second lieu, s’agissant des montants à récupérer, il ressort des considérants 292 à 294, 300, 301, 303 et 304 de la décision attaquée que ceux-ci correspondent à la totalité des sommes reçues par les opérateurs de réseau terrestre, et non par les simples fournisseurs d’équipement (voir point 289 ci‑après), dans le cadre des subventions administratives ou à la suite d’appels d’offres technologiquement non neutres portant sur la création ou l’amélioration du réseau terrestre et sur tous
les services accessoires, y compris ceux relevant de leur exploitation et de leur maintenance.
286 En particulier, le considérant 300 de la décision attaquée précise que, lorsque les communautés autonomes avaient organisé des appels d’offres technologiquement non neutres portant sur l’extension de la couverture, le montant à récupérer équivalait à la totalité de la somme reçue par les attributaires des appels d’offres portant sur l’extension et, le cas échéant, sur tous les services accessoires (par exemple les locaux, les travaux d’adaptation, un approvisionnement en énergie, etc.).
Le considérant 301 de la décision attaquée ajoute que, lorsque la modernisation du réseau avait été confiée aux communes agissant en qualité d’opérateurs de réseau, le montant de l’aide à récupérer équivalait au montant total reçu par ces communes pour l’extension de la couverture. Si les communes avaient passé un marché avec un opérateur privé pour l’extension de la couverture, le montant à récupérer était le montant total des fonds publics reçus par cet opérateur. Enfin, le considérant 304 de
la décision attaquée prévoit que lorsque l’extension de la couverture était mise en œuvre par des entreprises publiques et qu’elles avaient confié une partie de l’extension à un opérateur de réseau au moyen d’appels d’offres, l’aide illégale devait être récupérée auprès des véritables bénéficiaires, c’est-à-dire, d’une part, l’entreprise publique pour le montant reçu au titre de l’extension, diminué des fonds transférés aux opérateurs de réseau dans le cadre d’appels d’offres portant sur
l’extension de la couverture qui n’étaient pas technologiquement neutres et, d’autre part, les opérateurs de réseau pour les montants reçus dans le cadre de l’appel d’offres portant sur l’extension de la couverture qui n’était pas technologiquement neutre lancé par l’entreprise publique en question.
287 Eu égard à l’ensemble des considérations exposées aux points 276 à 286 ci-dessus, il y a lieu de conclure que la Commission a fourni des indications nécessaires et suffisantes concernant les modalités de calcul de l’aide illégale et incompatible à récupérer en fonction des catégories de bénéficiaires identifiées et de la méthode utilisée pour la matérialisation de l’aide. Aucun des arguments avancés par le Royaume d’Espagne n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.
288 Premièrement, le Royaume d’Espagne fait valoir que, en l’espèce, l’obligation de récupération serait fondée sur un critère purement subjectif et arbitraire consistant à qualifier un contrat de « contrat de fourniture » ou de « contrat d’extension du réseau », tout en affirmant que l’extension du réseau peut également impliquer des prestations de fourniture.
289 Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, la décision attaquée opère une distinction suffisamment claire entre des appels d’offres destinés simplement à la fourniture d’équipements et ceux destinés à la numérisation d’un réseau terrestre existant qui comprennent la fourniture d’un équipement. À cet égard, les considérants 163 et 292 à 294 de la décision attaquée apportent des précisions importantes afin de distinguer les appels d’offres pour la fourniture d’équipements qui
donnent lieu à une obligation de récupération de ceux qui y échappent. Tout d’abord, le considérant 163 de la décision attaquée indique que les fournisseurs d’équipements de télécommunications ne sont pas considérés comme des bénéficiaires indirects étant donné qu’ils n’ont bénéficié d’aucun avantage sélectif. Ensuite, le considérant 292 de la décision attaquée précise que, dans le cadre des appels d’offres destinés à l’extension de la couverture, la fourniture de l’équipement nécessaire
figurait parmi les tâches à mettre en œuvre et que, partant, lesdits appels d’offres incluaient également, le cas échéant, la fourniture d’équipements que l’opérateur de réseau avait le droit d’exploiter ou d’utiliser. L’équipement devait donc être nécessaire à l’extension et être exploité ou utilisé par l’opérateur de réseau aux fins de l’extension de la couverture. Enfin, le considérant 293 de la décision attaquée précise, d’une part, que les simples fournisseurs d’équipements n’étaient pas
tenus de rembourser l’aide et, d’autre part, que lorsqu’un appel d’offres débouchait sur la numérisation d’un réseau terrestre existant, y compris, le cas échéant, sur la fourniture d’un équipement qui est exploité, utilisé ou mis à profit par un opérateur de réseau, il y avait lieu de récupérer l’aide de cet opérateur, dès lors que cet appel d’offres doit être qualifié d’appel d’offres destiné à l’extension de la couverture. Au considérant 294 de la décision attaquée, la Commission a conclu
que, s’agissant des appels d’offres qualifiés d’appels d’offres destinés à l’extension de la couverture, le Royaume d’Espagne était tenu de récupérer l’aide octroyée dans le cadre d’un appel d’offres qui n’était pas technologiquement neutre.
290 Enfin, le considérant 294 de la décision attaquée cite l’exemple des appels d’offres lancés par la Comunidad autónoma de Extremadura (Communauté autonome d’Estrémadure, Espagne), dont l’intitulé ne fait référence qu’à la fourniture d’équipements, mais dont l’objet incluait, de fait, la conception et l’installation du réseau. Cet exemple suffit à lever tout doute pouvant exister quant à l’obligation de récupérer les sommes afférentes aux contrats administratifs ou aux appels d’offres
concernant la fourniture d’équipements.
291 Il s’ensuit que l’obligation de récupération des fonds publics versés pour la fourniture d’équipements n’existe que si cette fourniture n’est pas le seul objet du contrat visé par l’appel d’offres, mais qu’elle fait partie de l’obligation de l’entreprise adjudicataire d’établir un réseau TNT opérationnel, qui présuppose d’autres prestations.
292 Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne doit être rejeté.
293 Deuxièmement, il y a lieu de rejeter l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la méthode de récupération établie par la décision attaquée comporterait des conditions nouvelles par rapport à la décision 2014/489, qui introduisent ou précisent de nouveaux coûts à récupérer, tels que les coûts des services accessoires (construction de locaux, travaux d’adaptation ou fourniture d’énergie) visés au considérant 300 de la décision attaquée. En effet, il a déjà été indiqué, au point 104
ci-dessus, que, eu égard à la disparition rétroactive de l’ordre juridique de la décision 2014/489, il n’est pas possible de comparer son contenu à celui de la décision attaquée afin d’examiner la légalité de cette dernière (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2022, CMS Italy, T‑711/20, non publié, EU:T:2022:604, point 131).
294 Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne doit être rejeté comme inopérant.
295 En tout état de cause, ainsi que le relève le Royaume d’Espagne, l’obligation de récupérer les coûts afférents aux services accessoires, mentionnée au considérant 300 de la décision attaquée, constitue une précision et, dès lors, contribue à clarifier l’obligation de récupération. Il ne s’agit donc pas d’un critère de quantification de l’avantage contradictoire, ou confus, ou visant à ajouter de nouvelles sommes à récupérer. Au demeurant, au considérant 292 de la décision attaquée, il
est précisé que « les appels d’offres destinés à l’extension de la couverture incluaient souvent des contrats accessoires liés à la numérisation des centres d’émission ou à la construction de nouveaux centres émetteurs (par exemple des locaux, des travaux d’adaptation, un approvisionnement en énergie, une “maintenance stricte”, des contrats de location ou des études de sécurité et de santé) ». Ces contrats accessoires participaient donc pleinement à l’extension du réseau et, partant, étaient
assujettis aux mêmes obligations de récupération que celles applicables aux appels d’offres dont ils étaient l’accessoire.
296 Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne doit être rejeté.
297 Troisièmement, le Royaume d’Espagne fait grief à la Commission d’avoir imposé la récupération des fonds dédiés à l’extension de la couverture au cours de la période comprise entre le 19 juin 2013 et le 31 octobre 2014, alors que la décision attaquée concernait la période qui courait jusqu’au 19 juin 2013.
298 Il ressort d’une lecture combinée du considérant 9 et du point 2.3 de la décision attaquée que, à la suite de l’adoption de la décision 2014/489, les services de la Commission ont aidé le Royaume d’Espagne à élaborer un modèle pour des appels d’offres liés à l’exploitation et à la maintenance de l’infrastructure technologiquement neutres. Ce modèle aurait été finalisé le 14 octobre 2014 et les services de la Commission auraient accordé au Royaume d’Espagne un délai expirant le 31 octobre
2014 pour que toutes les communautés autonomes et communes concernées organisent de nouveaux appels d’offres technologiquement neutres sur la base de ce modèle. Toutefois, cette condition n’aurait pas été respectée.
299 Au considérant 309 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, dans ces conditions, le Royaume d’Espagne était tenu de récupérer l’aide illégale octroyée entre le 19 juin 2013 et le 31 octobre 2014.
300 À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que la deuxième étape après l’extension de la TNT à la zone II, qui a commencé dès 2009, a consisté pour certaines communautés autonomes à organiser d’autres appels d’offres ou à conclure, sans appels d’offres, les contrats d’exploitation et de maintenance de l’équipement numérisé et installé pendant l’extension. Le considérant 44 de la décision attaquée a précisé que, contrairement aux aides destinées au passage à la TNT, ces dernières
mesures étaient des aides en cours.
301 D’autre part, dans le présent recours, le Royaume d’Espagne ne conteste pas ne pas avoir respecté la condition posée par la Commission relative à l’organisation, par toutes les communautés autonomes, de nouveaux appels d’offres technologiquement neutres pour l’exploitation et la maintenance de l’infrastructure avant le 31 octobre 2014.
302 En tout état de cause, il ressort clairement du considérant 309 de la décision attaquée qu’elle ne concerne pas exclusivement la période courant jusqu’au 19 juin 2013. En outre, le Royaume d’Espagne n’explique nullement pourquoi la période comprise entre le 19 juin 2013 et le 31 octobre 2014 ne serait pas pertinente aux fins de la récupération de l’aide illégale octroyée pendant cette période.
303 Par ailleurs, l’article 3, paragraphes 1 et 4, de la décision attaquée impose au Royaume d’Espagne de récupérer auprès des bénéficiaires l’aide incompatible octroyée et d’annuler tous les paiements en suspens de cette aide, sans prévoir de limitation temporelle, pour l’avenir, de ces obligations.
304 Il s’ensuit que le Royaume d’Espagne n’est pas fondé à contester l’obligation de récupération des aides octroyées dans le cadre des appels d’offres ou des contrats relatifs à l’exploitation et à la maintenance de l’infrastructure pour la période comprise entre le 19 juin 2013 et le 31 octobre 2014, étant précisé qu’il lui appartiendra de déterminer exactement quels contrats ou appels d’offres sont concernés par cette obligation de récupération.
305 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du sixième moyen.
Sur la seconde branche, tirée d’un enrichissement sans cause de l’administration contractante et d’une expropriation du travail et des matériaux fournis par les opérateurs de réseau
306 Le Royaume d’Espagne prétend que la décision attaquée est entachée d’erreurs, en ce qu’elle ne tient pas compte, aux fins de la détermination de l’avantage perçu par les bénéficiaires identifiés, de la contre-prestation qui doit être fournie par les soumissionnaires en contrepartie de l’obtention de fonds publics. Selon le Royaume d’Espagne, il en découle, en substance, un enrichissement sans cause pour l’administration cocontractante et une expropriation du travail et des matériaux
fournis par les opérateurs de réseau.
307 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l’obligation de récupération d’une aide illégale ne viole ni le principe de proportionnalité ni le principe d’égalité de traitement. En effet, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité, de sorte que la récupération de cette aide, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par
rapport aux objectifs des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 116 et jurisprudence citée). La mesure de récupération de l’aide d’État illégale ne méconnaît le principe de proportionnalité que si le montant que son bénéficiaire doit rembourser est supérieur au montant de l’aide qu’il a reçue, augmenté le cas échéant des intérêts de retard (voir,
en ce sens, arrêt du 29 juillet 2024, Koiviston Auto Helsinki/Commission, C‑697/22 P, EU:C:2024:641, point 80).
308 Ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 285 et 286 ci-dessus, la Commission a indiqué, aux considérants 292 à 294, 300, 301, 303 et 304 de la décision attaquée, que les montants à récupérer correspondaient à la totalité des sommes reçues par les opérateurs de réseau terrestre, dans le cadre des subventions administratives ou à la suite d’appels d’offres technologiquement non neutres portant sur la création du réseau terrestre fonctionnel et sur tous les services accessoires, y compris
ceux relevant de leur exploitation et de leur maintenance, sans qu’il y ait lieu de déduire les coûts que ces opérateurs ont exposés ou la valeur des prétendues contre-prestations qu’ils ont fournies.
309 Le Royaume d’Espagne ne saurait contester ces indications concernant le calcul des sommes qu’il devrait récupérer. En effet, l’avantage procuré par la mesure en cause à ses bénéficiaires ne saurait uniquement résider dans l’existence d’une éventuelle surcompensation octroyée à ceux-ci en contrepartie des prestations qu’ils ont effectuées, mais consiste, en général, dans la totalité des fonds publics qui leur ont été transférés, indépendamment de la manière dont lesdites entités ont
utilisé ses fonds (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2018, Cellnex Telecom et Telecom Castilla-La Mancha/Commission, C‑91/17 P et C‑92/17 P, EU:C:2018:284, point 118).
310 En outre, ces indications s’imposent sans préjudice de l’application éventuelle du principe de l’interdiction de l’enrichissement sans cause, dans des circonstances exceptionnelles le justifiant. À cet égard, il appartient aux juridictions nationales de statuer définitivement sur le montant des sommes à récupérer, le cas échéant après avoir obtenu de la part de la Cour, par la voie d’un renvoi préjudiciel, les précisions nécessaires sur la portée et l’interprétation du droit de l’Union
(voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 78).
311 Dès lors, la seconde branche du sixième moyen doit être rejetée comme non fondée.
312 À la lumière de tout ce qui précède, le sixième moyen est rejeté.
Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison de l’absence d’avantage pour les bénéficiaires identifiés et d’une erreur d’appréciation concernant l’identification desdits bénéficiaires
313 Le Royaume d’Espagne conteste l’existence d’un avantage pour les prétendus bénéficiaires de la mesure en cause. En particulier, il fait grief à la Commission d’avoir considéré que les communautés autonomes avaient obtenu un avantage, alors même que les montants qu’elles avaient perçus étaient soumis à la condition d’être investis dans des équipements dont l’utilisation était gratuite pour l’utilisateur final. En outre, par la mesure en cause, le législateur les aurait dédommagées du
préjudice qu’il leur aurait lui-même causé en adoptant une réglementation non neutre sur le plan technologique, en ce qu’il avait contraint les communes et les communautés autonomes à arrêter l’activité qu’elles exerçaient jusque-là. Selon le Royaume d’Espagne, la Commission s’est fondée sur une simple présomption négative, tirée de l’absence d’informations permettant d’aboutir à la conclusion contraire à défaut d’autres éléments de nature à établir positivement l’existence d’un tel avantage.
En outre, le Royaume d’Espagne considère, en substance, que la décision attaquée est entachée de plusieurs erreurs en ce que la Commission, premièrement, a considéré que le prix perçu par un contractant dans le cadre d’un contrat administratif était une subvention, en contredisant ainsi son évaluation de l’avantage, dès lors qu’elle ne tient pas compte du fait que le contractant a ou n’a pas acquis le droit d’utiliser pour lui-même le réseau qu’il fournit, deuxièmement, n’a pas respecté la
communication relative à la notion d’« aide d’État » selon laquelle utiliser et respecter les procédures prévues par les directives sur les marchés publics peut être considéré comme suffisant afin de satisfaire le critère de l’opérateur privé en économie de marché et d’éliminer l’existence d’un avantage et, troisièmement, en s’écartant sans aucune motivation du considérant 38 de la décision d’ouverture, dans lequel elle avait considéré que « dans la mesure où l’acquisition est réalisée au prix
du marché, elle n’implique pas a priori d’avantage pour un fournisseur de réseau concret ».
314 La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.
315 En premier lieu, s’agissant de l’allégation du Royaume d’Espagne selon laquelle le régime en cause viserait à indemniser les communes et les communautés autonomes, il y a lieu de rappeler que la notion d’« avantage », inhérente à la qualification d’aide d’État d’une mesure, revêt un caractère objectif, indépendamment des motivations des auteurs de la mesure dont il s’agit. Ainsi, la nature des objectifs poursuivis par des mesures étatiques et leur justification sont dépourvues de toute
incidence sur leur qualification d’aide d’État. En effet, l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (voir arrêt du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C‑638/19 P, EU:C:2022:50, point 122 et jurisprudence citée).
316 Partant, à supposer même que, ainsi que le prétend le Royaume d’Espagne, le législateur espagnol ait institué le régime en cause afin d’indemniser les communes et les communautés autonomes qui agissaient en tant qu’opérateurs de réseau terrestre analogique pour les conséquences découlant de l’obligation qui leur a été imposée d’arrêter la transmission du signal de télévision analogique, quod non (voir points 220 et 223 ci-dessus), cette circonstance ne serait pas pertinente afin de
déterminer si la condition de l’existence d’un avantage est remplie en l’espèce.
317 Dans ces conditions, il y a également lieu de rejeter l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la présente affaire devrait être distinguée de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 23 mars 2006, Enirisorse (C‑237/04, EU:C:2006:197), ledit argument reposant sur le postulat erroné selon lequel la mesure en cause viserait à compenser un désavantage structurel au détriment d’une entreprise.
318 En outre, en application de la jurisprudence visée au point 315 ci-dessus, il y a également lieu de rejeter l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel les communautés autonomes n’ont pas obtenu un avantage, car les montants qu’elles ont perçus auraient servi à l’achat d’équipements dont l’utilisation serait gratuite pour l’utilisateur final.
319 Au surplus, le fait que le coût de l’extension du réseau et celui de l’exploitation et de la maintenance dudit réseau dans la zone II soient gratuits pour l’utilisateur final ne permet pas d’exclure l’existence d’un avantage concurrentiel pour les communautés autonomes et les communes qui ont agi en qualité d’opérateurs du réseau terrestre, dès lors qu’elles étaient en concurrence avec d’autres plateformes dans le cadre du marché de fourniture des services de transmission du signal de
radiodiffusion numérique.
320 En second lieu, s’agissant des arguments du Royaume d’Espagne visant à contester l’existence d’un avantage, premièrement, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel la Commission aurait conclu, dans la décision attaquée, que des opérateurs avaient bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État en se fondant sur une simple présomption négative, tirée de l’absence d’informations permettant d’aboutir à la conclusion contraire à défaut d’autres éléments de nature à établir
positivement l’existence d’un tel avantage.
321 D’une part, ledit argument n’est pas suffisamment clair et étayé. D’autre part, il ressort des considérants 153 à 162 de la décision attaquée que la Commission a examiné de manière spécifique les différents types de bénéficiaires et l’avantage dont chaque type de bénéficiaire a, en principe, bénéficié.
322 Deuxièmement, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel, en substance, il n’existe pas d’avantage économique en l’espèce dès lors que les opérateurs de réseau avaient été sélectionnés à l’issue de marchés publics ne saurait prospérer.
323 À cet égard, il ressort du point 89 de la communication relative à la notion d’« aide d’État » que, lorsque la vente et l’achat d’actifs, de biens et de services ou d’autres opérations comparables sont effectués à l’issue d’une procédure d’appel d’offres concurrentielle, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle, conformément aux principes du traité FUE relatifs aux marchés publics, il peut être présumé que ces opérations sont conformes aux conditions du marché, pour autant
qu’il soit fait usage de critères appropriés pour la sélection de l’acheteur ou du vendeur, comme cela est précisé aux points 95 et 96 de ladite communication.
324 En outre, le point 93 de la communication relative à la notion d’« aide d’État » indique que le recours aux procédures prévues dans les directives sur les marchés publics et le respect de celles-ci peuvent être jugés suffisants pour satisfaire aux conditions susmentionnées, pour autant que toutes les conditions d’utilisation de la procédure applicable soient remplies.
325 De plus, conformément au point 96 de la communication relative à la notion d’« aide d’État », lorsque des organismes publics achètent des actifs, des biens ou des services, toute condition particulière associée à l’appel d’offres devrait être non discriminatoire et étroitement et objectivement liée à l’objet et à l’objectif économique particulier du contrat. Ces conditions devraient permettre à l’offre économiquement la plus avantageuse de correspondre à la valeur de marché. Les critères
devraient donc être définis de manière à permettre une procédure d’appel d’offres effectivement concurrentielle qui aboutisse à ce que l’adjudicataire perçoive un bénéfice normal, sans plus.
326 Enfin, le considérant 1 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), énonce que la passation des marchés publics par les autorités des États membres doit être conforme notamment au principe de non-discrimination. L’article 18, deuxième alinéa, de ladite directive dispose en outre qu’un marché ne peut être conçu dans l’intention de le soustraire au champ
d’application de la directive ou de limiter artificiellement la concurrence. La concurrence est considérée comme artificiellement limitée lorsqu’un marché est conçu dans l’intention de favoriser ou de défavoriser indûment certains opérateurs économiques.
327 En l’espèce, il convient de rappeler que la Commission a conclu que, sauf exception, les appels d’offres organisés par les communautés autonomes et par les communes pour l’extension de la couverture dans la zone II n’étaient pas neutres technologiquement, dès lors qu’ils excluaient, de fait, les opérateurs de réseau satellitaire. Or, il convient de relever, à l’instar de ce qu’a fait la Commission au considérant 220 de la décision attaquée, qu’un appel d’offres qui, sans aucune raison
valable, interdit à certains opérateurs intéressés d’y participer ne saurait être considéré comme étant ouvert et non discriminatoire.
328 Dès lors, les appels d’offres technologiquement non neutres organisés par les communautés autonomes et par les communes pour l’extension de la couverture dans la zone II ne sauraient exclure l’existence d’un avantage.
329 Au surplus, le Royaume d’Espagne fait encore grief à la Commission de ne pas répondre à son allégation selon laquelle, au considérant 38 de la décision d’ouverture, elle avait considéré que les soumissionnaires dans le cadre des marchés publics étaient payés au prix du marché.
330 À cet égard, force est de constater que le considérant 38 de la décision d’ouverture était relatif à l’éventuel octroi d’un avantage sélectif aux fournisseurs d’équipements de télécommunication. Or, contrairement aux opérateurs de réseau, les fournisseurs d’équipements de télécommunication n’ont pas été qualifiés de bénéficiaires indirects de la mesure en cause, car ils n’avaient bénéficié d’aucun avantage sélectif (voir considérant 163 de la décision attaquée). Il s’ensuit que le
Royaume d’Espagne ne saurait utilement invoquer le considérant 38 de la décision d’ouverture en vue de contester la légalité de la décision attaquée.
331 Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne doit être rejeté.
332 À la lumière de tout ce qui précède, le septième moyen est rejeté.
Sur le huitième moyen, tiré, en substance, d’une violation de l’article 107 TFUE et d’une erreur d’appréciation lors de l’examen de la compatibilité de la mesure en cause
333 Le Royaume d’Espagne prétend que l’analyse de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, effectuée dans la décision attaquée, est entachée d’erreurs dès lors que la Commission aurait méconnu le fait que la zone II et la zone III constituaient une même zone géographique dans laquelle l’extension de la couverture a été réalisée moyennant le recours tant à la plateforme terrestre qu’à la plateforme satellitaire.
334 À cet égard, il ressort de l’analyse des dispositions qui forment la base juridique de la mesure en cause que les zones II et III, considérées conjointement, constituent la partie du territoire espagnol dans laquelle la population n’est pas visée par les obligations de couverture par le service de télévision numérique imposées aux radiodiffuseurs nationaux publics et privés et, partant, dans laquelle, une fois la transition numérique achevée, il n’existera pas de couverture par le
service national de TNT. Les zones II et III, prises ensemble, constituent donc la « zone d’extension de la couverture ». Cependant, la zone II concernait les zones moins urbanisées et plus éloignées du territoire espagnol où résidait la population qui, avant l’arrêt du signal analogique, recevait les chaînes publiques et privées par le biais de la télévision analogique. En outre, il découle du régime en cause et, en particulier, de la septième disposition additionnelle de la loi 10/2005 que la
zone III concernait les zones éloignées et moins urbanisées du territoire où résidait environ 1,5 % de la population et où, en raison de la topographie, la transmission du signal numérique serait effectuée par la technologie satellitaire étant donné que la couverture par des émetteurs terrestres de télévision aurait supposé un coût disproportionné (voir points 138 et 148 ci-dessus).
335 Ainsi, contrairement à ce que prétend le Royaume d’Espagne, le régime en cause a opéré une distinction entre la zone d’extension de la couverture où la technologie satellitaire était jugée la plus adéquate (zone III), d’une part, et la zone d’extension où seule la technologie terrestre était jugée envisageable et acceptée comme éligible (zone II), d’autre part.
336 Partant, il n’est pas établi que la Commission a commis une erreur d’appréciation en distinguant les zones II et III lors de l’examen de la compatibilité de la mesure en cause.
337 Il s’ensuit que la prémisse sur laquelle repose le huitième moyen manque en fait.
338 Dès lors, il y a lieu de rejeter le huitième moyen et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
339 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
340 Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Le Royaume d’Espagne est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
Kowalik-Bańczyk Buttigieg Hesse
Dimitrakopoulos Ricziová
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 juillet 2025.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
Conclusions des parties
En droit
Sur le premier moyen, tiré, en substance, de la violation des droits de la défense du Royaume d’Espagne et, plus particulièrement, du droit d’être entendu prévu à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, et de la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 4, de ce règlement, ainsi que de l’article 6, paragraphe 2, dudit règlement
Sur la première branche du premier moyen
Sur la deuxième branche du premier moyen
– Observations liminaires
– Sur le bien-fondé de la deuxième branche du premier moyen
Sur la troisième branche du premier moyen
Sur la quatrième branche du premier moyen
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 266 TFUE en ce que la Commission aurait outrepassé ses compétences lors de l’exécution de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C 70/16 P), ainsi que de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime, de l’interdiction de reformatio in pejus et de l’article 47 de la Charte
Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration prévu à l’article 41 de la Charte
Sur le cinquième moyen, tiré, en substance, de la violation de l’article 1 er, sous d), du règlement 2015/1589 et d’une erreur d’appréciation en ce que la mesure en cause a été qualifiée de régime d’aides
Sur le quatrième moyen, tiré, en substance, d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison d’une analyse erronée de la condition de sélectivité et d’un renversement illicite de la charge de la preuve incombant à la Commission
Sur la première branche, tirée des erreurs concernant le système de référence
Sur la deuxième branche, tirée des erreurs entachant l’examen de la comparabilité des situations en cause
Sur la troisième branche, tirée d’une erreur découlant de l’absence d’analyse de la sélectivité en fonction des bénéficiaires identifiés dans la décision attaquée
Sur le sixième moyen, tiré, en substance, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de l’article 17 de la Charte et du principe de bonne administration en raison du caractère confus et contradictoire des critères de récupération
Sur la première branche, tirée de l’établissement de critères de récupération de l’aide confus et arbitraires conduisant à une situation d’insécurité juridique
Sur la seconde branche, tirée d’un enrichissement sans cause de l’administration contractante et d’une expropriation du travail et des matériaux fournis par les opérateurs de réseau
Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison de l’absence d’avantage pour les bénéficiaires identifiés et d’une erreur d’appréciation concernant l’identification desdits bénéficiaires
Sur le huitième moyen, tiré, en substance, d’une violation de l’article 107 TFUE et d’une erreur d’appréciation lors de l’examen de la compatibilité de la mesure en cause
Sur les dépens
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* Langue de procédure : l’espagnol.
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1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.
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2 « aux fins de » suivi d’un substantif ; « afin de » suivi d’un infinitif.