ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)
25 juin 2025 ( *1 )
« Aides d’État – Traitement fiscal réservé aux exploitants de casinos publics en Allemagne – Prélèvement sur les bénéfices – Déductibilité des montants acquittés au titre de ce prélèvement de l’assiette de l’impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle – Décision de ne pas soulever d’objections – Absence de difficultés sérieuses – Notion d’“aide d’État” – Caractère sélectif »
Dans l’affaire T‑510/20 RENV,
Fachverband Spielhallen eV, établie à Berlin (Allemagne),
LM,
représentées par Mes A. Bartosch et R. Schmidt, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et C. Kovács, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,
partie intervenante,
LE TRIBUNAL (première chambre élargie),
composé de MM. S. Papasavvas, président, R. Mastroianni, Mme M. Brkan, MM. I. Gâlea (rapporteur) et S. L. Kalėda, juges,
greffier : Mme S. Jund, administratrice,
vu l’arrêt du 21 septembre 2023, Fachverband Spielhallen et LM/Commission (C‑831/21 P, EU:C:2023:686),
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 12 novembre 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Fachverband Spielhallen eV et LM, demandent l’annulation de la décision C(2019) 8819 final de la Commission, du 9 décembre 2019, concernant les aides d’État SA.44944 (2019/C, ex 2019/FC) – Traitement fiscal réservé aux exploitants de casinos publics en Allemagne et SA.53552 (2019/C, ex 2019/FC) – Garantie présumée en faveur des exploitants de casinos publics en Allemagne (garantie de rentabilité) (ci-après la « décision attaquée »),
en ce qu’elle rejette la plainte qu’elles ont introduite contre le fait que les sommes versées au Land Nordrhein-Westfalen (Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne) par les exploitants de casinos publics au titre d’un prélèvement sur les bénéfices étaient déductibles des bases imposables de la taxe professionnelle et de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés.
Antécédents du litige
2 Le 22 mars 2016, les requérantes, Fachverband Spielhallen, une association professionnelle de 88 exploitants d’appareils de jeux d’argent, et LM, une exploitante d’appareils de jeux de hasard, ont déposé trois plaintes auprès de la Commission européenne concernant le traitement fiscal des exploitants de casinos publics en Allemagne.
3 En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, les activités de jeux de hasard proposées dans les casinos étaient régies par le Spielbankgesetz NRW (loi sur les casinos du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, ci-après la « loi sur les casinos »), du 13 novembre 2012, jusqu’à son remplacement par le Spielbankgesetz NRW (loi sur les casinos du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie), du 29 mai 2020. Westdeutsche Spielbanken GmbH & Co. KG (ci-après « WestSpiel ») était alors le seul concessionnaire de casinos publics
dans ce Land.
4 En vertu de la loi sur les casinos, les recettes générées par ceux-ci étaient assujetties à deux régimes fiscaux différents. D’une part, les recettes provenant des jeux d’argent et de hasard étaient assujetties à un régime fiscal particulier constitué par une taxe sur les casinos. D’autre part, les recettes ne provenant pas de ces jeux, telles que les recettes provenant des activités de restauration, étaient soumises au régime fiscal normal, constitué par la taxe professionnelle ainsi que par
l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés.
5 L’article 14 de la loi sur les casinos disposait que le bénéfice annuel déclaré par les exploitants de casinos publics, qu’il provienne ou non des jeux d’argent et de hasard, devait être reversé à hauteur de 75 % au Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Toutefois, dans le cas où le quart restant de ce bénéfice dépassait 7 % de la somme des parts du capital social, des réserves et du fonds de mutualisation, l’intégralité de ce bénéfice devait être reversée audit Land (ci-après le « prélèvement sur
les bénéfices »).
6 La partie du prélèvement sur les bénéfices découlant des revenus ne provenant pas des jeux de hasard était néanmoins déductible des bases imposables de la taxe professionnelle ainsi que de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés en tant que « dépenses occasionnées par l’activité de l’entreprise ».
7 Dans leur plainte concernant la déductibilité du prélèvement sur le bénéfice dans la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, les requérantes faisaient notamment valoir que cette déductibilité du prélèvement sur les bénéfices des bases imposables des impôts susmentionnés (ci-après la « mesure litigieuse ») constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
8 Après des échanges de courriers avec les requérantes, la Commission, dans la décision attaquée, a considéré que la mesure litigieuse ne comportait aucun avantage sélectif, de sorte qu’elle ne relevait pas du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Par conséquent, en ce qui concerne la mesure litigieuse, elle a décidé de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
9 Par ordonnance du 22 octobre 2021, Fachverband Spielhallen et LM/Commission (T‑510/20, non publiée, EU:T:2021:745), le Tribunal a déclaré que le recours formé par les requérantes contre la décision attaquée était, dans son ensemble, manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
10 Par arrêt du 21 septembre 2023, Fachverband Spielhallen et LM/Commission (C‑831/21 P, EU:C:2023:686), la Cour a annulé l’ordonnance du 22 octobre 2021, Fachverband Spielhallen et LM/Commission (T‑510/20, non publiée, EU:T:2021:745). Elle a jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en omettant d’examiner l’argumentation des requérantes visant à contester l’identification par la Commission, dans la décision attaquée, du système de référence ou du régime fiscal normal.
11 La Cour, en réservant les dépens, a renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il l’examine au fond.
Conclusions des parties
12 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, en ce qu’elle concerne la mesure litigieuse ;
– condamner la Commission aux dépens.
13 La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
14 À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent un moyen unique, tiré de la violation de leurs droits procéduraux en raison du refus de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, alors qu’elle n’aurait pas été en mesure, au terme de la phase d’examen préliminaire, de surmonter toutes les sérieuses difficultés soulevées par l’appréciation de la mesure litigieuse.
15 Les requérantes présentent leur moyen unique comme comportant, en substance, cinq branches. Dans une première branche, les requérantes soutiennent que la Commission a supposé à tort qu’elles considéraient le prélèvement sur les bénéfices comme étant un impôt, alors qu’elles ont toujours indiqué qu’il s’agissait d’un dividende ou d’un transfert de bénéfices qui ne serait pas déductible au titre du régime fiscal normal. Dans une deuxième branche, elles font valoir que la Commission a qualifié le
prélèvement sur les bénéfices d’impôt spécifique en considérant, de manière erronée, que la manière selon laquelle le droit national qualifie une mesure n’est pas déterminante. Dans une troisième branche, elles contestent les critères utilisés par la Commission pour qualifier le prélèvement sur les bénéfices d’impôt. Dans une quatrième branche, elles avancent une série d’arguments pour soutenir que, même à supposer que le prélèvement sur les bénéfices constitue un impôt, il ne pourrait pas être
déduit des bases imposables de la taxe professionnelle ainsi que de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés. Dans une cinquième branche, elles présentent des arguments pour contester le constat effectué dans la note en bas de page no 77 de la décision attaquée, selon lequel le prélèvement sur les bénéfices est comparable aux paiements spécifiques imposés aux entreprises, par exemple pour des comportements anticoncurrentiels, qui sont déductibles des bases imposables de la taxe
professionnelle ainsi que de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés.
Observations liminaires
16 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se forger une première opinion sur la mesure en cause, et, d’autre part, la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
17 La légalité d’une décision, telle que la décision attaquée, de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 2, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), dépend de la question de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure en cause, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la
qualification d’aide de cette mesure au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), de ce règlement (voir, par analogie, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 38).
18 Lorsque, à l’issue de la phase d’examen préliminaire, la Commission adopte une décision par laquelle elle constate qu’une mesure étatique n’a pas le caractère d’une aide d’État, elle refuse également, implicitement, d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 51 et jurisprudence citée).
19 En outre, lorsqu’une partie requérante demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, elle met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de la mesure en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen violant, ce faisant, ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, la partie requérante peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des
informations et des éléments dont la Commission dispose, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à la qualification d’aide de cette mesure au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 39 et jurisprudence citée).
20 Partant, il incombe au juge de l’Union européenne, lorsqu’il est saisi d’une demande d’annulation d’une telle décision, de déterminer si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure nationale en cause, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la qualification d’aide de cette mesure, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen (voir, en ce sens,
arrêt du 6 octobre 2021, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, C‑174/19 P et C‑175/19 P, EU:C:2021:801, point 67 et jurisprudence citée).
21 À cet égard, il convient de rappeler que l’existence de doutes de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, se traduit par l’existence objective de difficultés sérieuses que la Commission a rencontrées lors de l’examen du caractère d’aide de la mesure en cause ou de sa compatibilité avec le marché intérieur. La notion de « difficultés sérieuses » revêt un caractère objectif. Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le
Tribunal sur l’existence de difficultés sérieuses ne peut se limiter à la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission, T-68/15, EU:T:2018:563, point 61 et jurisprudence citée).
22 En outre, la preuve de l’existence de doutes de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, qui doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision de ne pas soulever d’objections que dans son contenu, doit être rapportée par le demandeur de l’annulation de cette décision, à partir d’un faisceau d’indices concordants (arrêts du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology,
C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 40, et du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission, T‑68/15, EU:T:2018:563, point 63).
23 C’est à l’aune de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les cinq branches du moyen unique soulevé par les requérantes.
24 Le Tribunal estime nécessaire d’examiner, d’abord et ensemble, les deuxième à cinquième branches du moyen unique, étant donné que, par celles-ci, les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses dans l’examen de la sélectivité de la mesure litigieuse lors de la phase préliminaire d’examen. Ensuite, la première branche du moyen unique sera examinée.
Sur les deuxième à cinquième branches du moyen unique
25 Les requérantes soutiennent, en substance, que la qualification du prélèvement sur les bénéfices d’impôt spécifique en droit allemand est erronée. Par conséquent, la Commission aurait, d’une part, commis une erreur quant à la détermination du système de référence applicable et, d’autre part, omis de vérifier si la mesure en cause déroge à ce système de référence.
26 La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, conteste l’argumentation des requérantes.
27 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement,
elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêts du 16 juillet 2015, BVVG, C‑39/14, EU:C:2015:470, point 24 et jurisprudence citée, et du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 66 et jurisprudence citée).
28 En ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l’avantage qui est constitutive de la notion d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il résulte d’une jurisprudence tout aussi constante de la Cour que l’appréciation de cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de
l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 67 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732,
points 75 et 101, et du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, points 53 à 55).
29 Dans ce contexte, afin de qualifier une mesure fiscale nationale de « sélective », la Commission doit procéder à un examen en trois temps. Elle doit en effet, dans un premier temps, identifier le système de référence, à savoir le régime fiscal « normal » applicable dans l’État membre concerné, et, dans un deuxième temps, démontrer que la mesure fiscale en cause déroge à ce système de référence, dès lors qu’elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de
l’objectif poursuivi par ce dernier, dans une situation factuelle et juridique comparable. La notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient, dans un troisième temps, à démontrer que cette différenciation est justifiée, en
ce sens qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel ces mesures s’inscrivent (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 68 et jurisprudence citée).
30 Aux fins de l’appréciation du caractère sélectif d’une mesure fiscale, il importe donc que le régime fiscal commun ou système de référence applicable dans l’État membre concerné soit correctement identifié dans la décision de la Commission et examiné par le juge saisi d’une contestation portant sur cette identification. La détermination du système de référence constituant le point de départ de l’examen comparatif devant être mené dans le contexte de l’appréciation de la sélectivité, une erreur
commise dans cette détermination vicie nécessairement l’ensemble de l’analyse de la condition relative à la sélectivité (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 71 et jurisprudence citée).
31 En premier lieu, il convient de préciser que la détermination du cadre de référence, qui doit être effectuée à l’issue d’un débat contradictoire avec l’État membre concerné, doit découler d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 72 et jurisprudence citée).
32 À cet égard, la sélectivité d’une mesure fiscale ne peut être appréciée à l’aune d’un cadre de référence constitué de quelques dispositions du droit national de l’État membre concerné qui ont été artificiellement sorties d’un cadre législatif plus large [arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 103].
33 De plus, lorsque la mesure fiscale en question est inséparable du système général d’imposition de l’État membre concerné, c’est à ce système qu’il convient de se référer. En revanche, lorsqu’il apparaît qu’une telle mesure est clairement détachable dudit système général, il ne peut être exclu que le cadre de référence devant être pris en compte soit plus restreint que ce système général, voire qu’il s’identifie à la mesure elle-même, lorsque celle-ci se présente comme une règle dotée d’une
logique juridique autonome et qu’il est impossible d’identifier un ensemble normatif cohérent en dehors de cette mesure (arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C‑51/19 P et C‑64/19 P, EU:C:2021:793, point 63).
34 En deuxième lieu, en dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l’Union fait l’objet d’une harmonisation, c’est l’État membre concerné qui détermine, par l’exercice de ses compétences propres en matière de fiscalité directe et dans le respect de son autonomie fiscale, les caractéristiques constitutives de l’impôt, lesquelles définissent, en principe, le système de référence ou le régime fiscal « normal », à partir duquel il convient d’analyser la condition relative à la sélectivité. Il
en va notamment ainsi de la détermination de l’assiette de l’impôt, de son fait générateur et des éventuelles exonérations dont il est assorti (voir arrêt du 14 décembre 2023, Commission/Amazon.com e.a., C‑457/21 P, EU:C:2023:985, point 39 et jurisprudence citée).
35 En troisième lieu, selon la jurisprudence, lors de la détermination du cadre de référence en vue de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE à des mesures fiscales, la Commission est en principe tenue d’accepter l’interprétation des dispositions pertinentes du droit national donnée par l’État membre concerné dans le cadre du débat contradictoire, pour autant que cette interprétation soit compatible avec le libellé de ces dispositions [arrêts du 5 décembre 2023, Luxembourg
e.a./Commission, C‑451/21 P et C‑454/21 P, EU:C:2023:948, point 120, et du 19 septembre 2024, Royaume-Uni e.a./Commission (Imposition des bénéfices des SEC), C‑555/22 P, C‑556/22 P et C‑564/22 P, EU:C:2024:763, point 97].
36 La Commission ne peut s’écarter de ladite interprétation que si elle est en mesure d’établir qu’une autre interprétation prévaut dans la jurisprudence ou la pratique administrative de cet État membre, en se fondant à cet égard sur des éléments fiables et concordants, soumis à ce débat contradictoire [arrêts du 5 décembre 2023, Luxembourg e.a./Commission, C‑451/21 P et C‑454/21 P, EU:C:2023:948, point 121, et du 19 septembre 2024, Royaume–Uni e.a./Commission (Imposition des bénéfices des SEC),
C‑555/22 P, C‑556/22 P et C‑564/22 P, EU:C:2024:763, point 98].
37 Conformément à l’article 4, paragraphe 3, TUE, ledit État membre est tenu par un devoir de coopération loyale pendant toute la procédure relative à l’examen d’une mesure au titre des dispositions du droit de l’Union en matière d’aides d’État. Ce devoir implique, notamment, que le même État membre fournisse de bonne foi à la Commission toute information pertinente sollicitée par cette dernière concernant l’interprétation des dispositions du droit national pertinentes afin de déterminer le cadre de
référence, résultant de la jurisprudence ou de la pratique administrative nationales [arrêts du 5 décembre 2023, Luxembourg e.a./Commission, C‑451/21 P et C‑454/21 P, EU:C:2023:948, point 122, et du 19 septembre 2024, Royaume-Uni/Commission (Imposition des bénéfices des SEC), C‑555/22 P, C‑556/22 P et C‑564/22 P, EU:C:2024:763, point 99].
38 C’est à la lumière des principes rappelés ci-dessus qu’il convient d’examiner si les requérantes ont démontré que la Commission a violé leurs droits procéduraux en refusant d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, alors qu’elle aurait rencontré, lors de l’examen de la sélectivité de la mesure en cause, des difficultés sérieuses.
Sur le système de référence
39 Il y a lieu d’examiner si, ainsi que le soutiennent, en substance, les requérantes, la Commission a rencontré des difficultés sérieuses dans le cadre de la détermination du système de référence applicable.
40 Il convient de relever que le système de référence a été identifié aux considérants 78 et 80 de la décision attaquée. Celui-ci est constitué des impôts pertinents applicables à toutes les entreprises, à savoir la taxe professionnelle ainsi que l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés. Dans une réponse à une question du Tribunal posée dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a confirmé que ces impôts constituaient le système de référence pertinent pour
apprécier si la mesure litigieuse constituait une dérogation audit système.
41 Selon la Commission et la République fédérale d’Allemagne, il ressort du considérant 78 de la décision attaquée que les bases imposables de ces impôts sont déterminées en tenant compte du principe du « revenu net », en ce sens que, selon les règles générales relatives à l’imposition des revenus, les « dépenses occasionnées par l’activité de l’entreprise » sont déductibles desdites bases d’imposition.
42 En ce qui concerne le principe du revenu net, il ressort de la jurisprudence du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne), mentionnée à la note en bas de page no 77 de la décision attaquée, que, conformément au principe général d’égalité consacré à l’article 3, paragraphe 1, du Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne), en matière fiscale, l’imposition des revenus doit être déterminée en tenant compte de
la capacité économique du contribuable. Il en résulte que, dans la législation en matière d’impôt sur le revenu, seul l’accroissement du patrimoine de l’entreprise est soumis à l’impôt, ce qui implique que, en principe, toutes les dépenses occasionnées par l’activité de l’entreprise sont déductibles en tant que dépenses d’exploitation.
43 À cet égard, en réponse à une question du Tribunal posée dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, la République fédérale d’Allemagne a confirmé que le régime fiscal normal dans cet État membre est régi par le principe constitutionnel de la capacité contributive, lequel, en tant qu’expression du principe général d’égalité, implique que chacun doit contribuer au financement des services publics en fonction de ses capacités économiques individuelles. Selon la République fédérale
d’Allemagne, ce principe de la capacité contributive constitue le fondement du principe du revenu net objectif, selon lequel les dépenses d’exploitation qui sont inévitables pour l’activité exercée par les contribuables doivent être déductibles des bases d’imposition.
44 Il convient de relever, ainsi que l’a indiqué la République fédérale d’Allemagne en réponse à une autre question du Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, que ce principe du revenu net a été repris dans les dispositions mentionnées à la note en bas de page no 41 de la décision attaquée, à savoir l’article 4, paragraphes 1, 3 et 4, de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu, ci-après l’« EStG »), l’article 8, paragraphe 1, du
Körperschaftsteuergesetz (loi relative à l’impôt sur les sociétés, ci-après le « KStG ») et l’article 7, paragraphe 1, du Gewerbesteuergesetz (loi relative à la taxe professionnelle, ci-après le « GewStG »).
45 Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne a précisé que le principe du revenu net, qui régit le droit fiscal allemand, est également une expression d’un autre principe, à savoir celui de légalité de l’impôt, qui s’impose à l’administration fiscale et oblige celle-ci à calculer et à percevoir les impôts conformément à la loi de façon égale.
46 En l’espèce, conformément aux exigences découlant de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, la Commission a déterminé le cadre de référence à l’issue d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables résultant d’une interprétation des dispositions pertinentes du droit fiscal fournie par la République fédérale d’Allemagne dans le cadre d’un débat contradictoire.
47 Il est constant entre les parties que le versement de dividendes, en tant qu’ils constituent une forme d’affectation des bénéfices, ne saurait constituer une dépense occasionnée par l’activité de l’entreprise susceptible de réduire le revenu imposable d’une société, aux fins de la détermination de la base d’imposition de l’impôt sur les sociétés (article 8, paragraphe 3, du KStG) et de celle de la taxe professionnelle (article 7 du GewStG).
48 En outre, conformément aux dispositions du droit fiscal allemand, il existe des exceptions à la règle de la déductibilité des dépenses occasionnées par l’activité de l’entreprise. Il s’agit des impôts dont la non-déductibilité est expressément prévue par l’article 4, paragraphe 5b, et l’article 12, point 3, de l’EStG, ainsi que par l’article 10, point 2, du KStG.
49 De plus, au considérant 156 de la décision attaquée, la Commission a précisé que l’article 4, paragraphe 5b, de l’EStG excluait la déduction uniquement pour la taxe professionnelle, et non pour tous les impôts sur les bénéfices. Selon la Commission, la règle de base est la déductibilité des dépenses occasionnées par l’activité de l’entreprise et c’est seulement lorsqu’il existe une dérogation explicite au principe du revenu net qu’une dépense d’une entreprise n’est pas déductible aux fins de la
détermination de la base d’imposition. Ainsi, la Commission a considéré qu’aucune disposition ne s’opposait à la déductibilité d’un impôt spécifique sur les bénéfices.
50 À cet égard, il convient de relever que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission aurait dû déterminer le système de référence comme étant constitué par la non-déductibilité du prélèvement sur les bénéfices en tant que dérogation au principe du revenu net. D’une part, ainsi qu’il ressort des considérants 153 à 158 de la décision attaquée, la Commission n’a pas ignoré l’existence d’exceptions ou de limitations à la règle de la déductibilité des dépenses occasionnées par l’activité de
l’entreprise. D’autre part, il ressort de la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus que la sélectivité d’une mesure fiscale ne peut être appréciée à l’aune d’un cadre de référence constitué de quelques dispositions du droit national de l’État membre concerné qui ont été artificiellement sorties d’un cadre législatif plus large. Par conséquent, lorsque la mesure fiscale en question est inséparable du système général d’imposition de l’État membre concerné, c’est à ce système qu’il convient de se
référer [arrêt du 19 septembre 2024, Royaume-Uni/Commission (Imposition des bénéfices des SEC), C‑555/22 P, C‑556/22 P et C‑564/22 P, EU:C:2024:763, point 95]. Tel est le cas en l’espèce, étant donné que la Commission a défini le système de référence comme étant constitué notamment du principe du revenu net, et non pas uniquement des exceptions à ce principe.
51 Or, conformément à la jurisprudence citée aux points 35 à 37 ci-dessus, afin de déterminer le système de référence, la Commission ne s’est pas écartée de l’interprétation des dispositions pertinentes du droit fiscal fournie par la République fédérale d’Allemagne dans le cadre du débat contradictoire. En outre, il y a lieu de relever que les requérantes n’ont pas démontré que ce serait à tort que la Commission a repris l’interprétation fournie par ledit État membre. À cet égard, les requérantes
n’ont soulevé aucun autre argument ou élément de nature à remettre en cause le bien-fondé de la détermination par la Commission dudit système de référence. En effet, bien que les requérantes invoquent, dans leurs écritures, certains arrêts des juridictions allemandes, notamment du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale), du Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne), et du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), il convient de constater
que les arguments tirés de la jurisprudence nationale ne visent pas l’interprétation des dispositions pertinentes qui constituent le système de référence en l’espèce.
52 Il y a également lieu de constater que, dans leurs écritures, les requérantes ne contestent pas que le principe du revenu net met en œuvre le principe de la capacité contributive, qui implique que, selon la jurisprudence du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances), pour déterminer la capacité contributive d’un contribuable, il faut déduire des recettes imposables les dépenses qui ont été engagées par le contribuable pour générer lesdites recettes.
53 En ce qui concerne la détermination du système de référence à partir duquel il convient d’examiner si la mesure litigieuse constitue une dérogation, les requérantes font valoir que celui-ci aurait dû inclure la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Or, il y a lieu de relever que cette argumentation relative à l’absence de prise en compte de la TVA dans la détermination du système fiscal de référence est dépourvue de pertinence, étant donné que, dans la décision attaquée, les griefs liés à la TVA ne
sont traités qu’en ce qui concerne une autre mesure que la mesure litigieuse.
54 Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission pouvait accepter l’interprétation fournie par la République fédérale d’Allemagne en ce qui concerne l’identification du système de référence et identifier la mesure litigieuse comme étant la déductibilité de l’assiette imposable de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés ainsi que de la taxe professionnelle, opérée par les exploitants des casinos publics, des sommes versées au Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie par ces
derniers au titre du prélèvement sur les bénéfices prévu à l’article 14 de la loi sur les casinos en ce qui concerne les revenus ne provenant pas des jeux de hasard.
55 Partant, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission aurait rencontré des difficultés sérieuses pour déterminer le système de référence à l’égard duquel il convient d’examiner si la mesure litigieuse constitue une dérogation.
Sur l’existence d’une dérogation au système de référence
56 Les requérantes soutiennent en substance que Westspiel, en bénéficiant de la déductibilité du prélèvement sur les bénéfices de l’assiette fiscale de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés ainsi que de la taxe professionnelle, est favorisée par rapport aux entreprises qui opèrent un transfert des dividendes ou, à titre subsidiaire, à celles qui sont soumises aux impôts non déductibles en vertu des dispositions pertinentes du droit allemand.
57 D’une part, les requérantes soutiennent que l’erreur commise par la Commission tiendrait en particulier à ce que celle-ci a qualifié le prélèvement sur les bénéfices d’« impôt spécifique », ce qui lui aurait permis de conclure à la déductibilité des montants versés au titre de ce prélèvement des bases imposables de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés ainsi que de la taxe professionnelle, conformément aux règles générales d’imposition du régime fiscal normal prévues par le droit
fiscal allemand applicable, qui admettent la déductibilité des dépenses occasionnées par l’activité de l’entreprise.
58 D’autre part, les requérantes soutiennent que le prélèvement sur les bénéfices doit être considéré comme étant un « transfert » ou une « distribution » de bénéfices ou, à titre subsidiaire, un « impôt sur le revenu (au sens large) », et non une « taxe » ou un « impôt spécifique », de sorte que, conformément au droit fiscal allemand applicable, ce prélèvement sur les bénéfices n’aurait pas dû être déduit de la base imposable de la taxe professionnelle ainsi que de celle de l’impôt sur le revenu ou
de l’impôt sur les sociétés.
59 Il y a lieu de relever que les arguments des requérantes visent à contester la qualification du prélèvement sur les bénéfices d’impôt spécifique déductible et à alléguer, à titre principal, que ledit prélèvement est comparable aux dividendes et, à titre subsidiaire, que, même à supposer qu’il doive être qualifié d’impôt, il serait comparable aux impôts dont la non-déductibilité est expressément prévue par l’article 4, paragraphe 5b, et l’article 12, point 3, de l’EStG, ainsi que par l’article 10,
point 2, du KStG.
60 Dans la présente affaire, le Tribunal juge opportun d’examiner, dans un premier temps et à titre liminaire, si la Commission a rencontré des difficultés sérieuses s’agissant de la qualification du prélèvement sur les bénéfices d’impôt spécifique déductible.
61 Il ressort du considérant 151 de la décision attaquée que la mesure litigieuse repose sur l’interprétation du droit fiscal allemand selon laquelle le prélèvement sur les bénéfices est déduit de l’assiette fiscale de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés ainsi que de celle de la taxe professionnelle, au titre de dépenses occasionnées par l’activité de l’entreprise en vertu du principe du revenu net.
62 De plus, aux considérants 153 à 156 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le prélèvement sur les bénéfices pouvait être considéré comme déductible en tant qu’impôt spécifique sur les bénéfices en raison de ses effets économiques, de son caractère obligatoire et de l’absence de contrepartie. Ainsi qu’il a été relevé au point 49 ci-dessus, elle a précisé que l’article 4, paragraphe 5b, de l’EStG excluait la déduction uniquement pour la taxe professionnelle, et non pour tous les
impôts sur les bénéfices, et qu’aucune disposition ne s’opposait à la déductibilité d’un impôt spécifique sur les bénéfices.
63 En outre, au considérant 158 et à la note en bas de page no 86 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le prélèvement sur les bénéfices n’était pas un dividende et n’était pas non plus comparable à un dividende, au motif que, premièrement, le prélèvement sur les bénéfices était versé au Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, qui n’était pas actionnaire des casinos publics, deuxièmement, il était fixé unilatéralement par l’autorité dans une loi, troisièmement, il était prélevé de
manière automatique et obligatoire, quatrièmement, son montant devait être affecté à des fins caritatives et, cinquièmement, à l’inverse des dividendes qui ne sont pas nécessairement liés aux bénéfices réalisés au cours d’un exercice donné, le prélèvement sur les bénéfices était directement lié à l’exercice en cours. Enfin, au considérant 158 de la décision attaquée, elle a également observé que la forme juridique des exploitants de casinos publics ne permettrait pas le transfert de dividendes.
64 Il y a lieu de constater que la question de savoir si le prélèvement sur les bénéfices constitue, comme le soutient la Commission, un impôt spécifique et, dès lors, s’il est déductible en tant que dépense occasionnée par l’activité de l’entreprise, ou s’il constitue, comme le soutiennent les requérantes, un transfert ou une distribution de bénéfices, relève de l’interprétation des dispositions pertinentes qui constituent le cadre de référence. Il en est de même pour ce qui est de l’argument
soulevé par les requérantes à titre subsidiaire, selon lequel même si le prélèvement sur les bénéfices est un impôt, il s’agit d’un impôt sur le revenu au sens large, comparable à ceux dont la non-déductibilité est expressément prévue par l’article 4, paragraphe 5b, et l’article 12, point 3, de l’EStG, ainsi que par l’article 10, point 2, du KStG.
65 Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 35 et 36 ci-dessus, lors de la détermination du cadre de référence en vue de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE à des mesures fiscales, la Commission est en principe tenue d’accepter l’interprétation des dispositions pertinentes du droit national donnée par l’État membre concerné dans le cadre du débat contradictoire, pour autant que cette interprétation soit compatible avec le libellé de ces dispositions. Elle ne peut
s’écarter de ladite interprétation que si elle est en mesure d’établir qu’une autre interprétation prévaut dans la jurisprudence ou la pratique administrative de cet État membre, en se fondant à cet égard sur des éléments fiables et concordants, soumis à ce débat contradictoire. Il en va de même lorsque la partie requérante ne parvient pas à démontrer le caractère erroné de l’interprétation des dispositions du droit national pertinentes pour examiner l’existence d’une dérogation au système de
référence dans le contexte de la mesure fiscale en cause.
66 En l’espèce, il y a lieu de souligner qu’il ressort du dossier que la Commission a retenu l’interprétation des dispositions pertinentes du droit national donnée par la République fédérale d’Allemagne dans le cadre du débat contradictoire.
67 À cet égard, il convient de relever que, afin de considérer que le prélèvement sur les bénéfices était déductible en tant qu’impôt spécifique selon le principe du revenu net, la Commission s’est fondée, au considérant 154 et à la note en bas de page no 86 de la décision attaquée, sur des critères qui, en substance, coïncident avec ceux visant la définition de la notion de « taxe » en droit allemand, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de l’Abgabenordnung (code fiscal), et avec ceux
mentionnés au considérant 47 de cette décision. Elle a également examiné les arguments avancés par les requérantes concernant la qualification de la mesure litigieuse en droit allemand.
68 À cet égard, les requérantes n’établissent pas que l’interprétation retenue par la Commission est incompatible avec le libellé des dispositions pertinentes du droit allemand. Elles n’apportent d’ailleurs aucun argument concernant l’existence d’une pratique administrative contraire des autorités allemandes.
69 En outre, ainsi qu’il ressort du point 51 ci-dessus, bien que les requérantes invoquent, dans leurs écritures, certains arrêts des juridictions allemandes, notamment du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale), du Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) et du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances), il convient de constater que les arguments tirés de la jurisprudence nationale ne visent pas l’interprétation ou l’application des dispositions pertinentes qui
constituent le système de référence en l’espèce.
70 Il y a également lieu d’écarter les arguments des requérantes selon lesquels la comparaison faite à la note en bas de page no 77 de la décision attaquée entre le prélèvement sur les bénéfices et les versements exceptionnels que les entreprises sont tenues d’effectuer en raison d’un comportement anticoncurrentiel serait inexacte et entacherait cette décision d’une contradiction. En effet, ainsi que la Commission l’a indiqué dans ses écritures, elle a effectué cette comparaison afin de présenter, à
titre d’exemple, le prélèvement sur les bénéfices comme étant une dépense d’exploitation déductible dont l’étendue est plus large et va au-delà des impôts. Toutefois, la Commission a clairement indiqué, dans la décision attaquée, qu’elle considérait que le prélèvement sur les bénéfices constituait un impôt spécifique.
71 Ainsi, conformément à la jurisprudence citée aux points 35 à 37 ci-dessus, la Commission a accepté, en l’espèce, l’interprétation des dispositions pertinentes du droit national donnée par la République fédérale d’Allemagne dans le cadre du débat contradictoire afin d’appliquer lesdites dispositions à la mesure fiscale en cause. Partant, à la lumière des considérations ci-dessus, il n’y a pas lieu de remettre en cause cette interprétation.
72 Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission aurait rencontré des difficultés sérieuses en ce qui concerne la qualification du prélèvement sur les bénéfices d’impôt spécifique.
73 Par conséquent, il convient de vérifier si la mesure litigieuse constitue une dérogation par rapport au système de référence, en ce qu’elle introduirait des différenciations entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif assigné au système fiscal allemand, dans une situation factuelle et juridique comparable, à savoir notamment entre les opérateurs soumis au prélèvement sur les bénéfices et ceux soumis aux impôts dont la non-déductibilité est expressément prévue par l’article 4,
paragraphe 5b, et l’article 12, point 3, de l’EStG, ainsi que par l’article 10, point 2, du KStG.
74 Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’examen de la sélectivité d’une mesure fiscale, après avoir identifié et examiné, dans un premier temps, le régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné, à savoir le système de référence, il convient, dans un second temps, d’apprécier et d’établir l’éventuel caractère sélectif de l’avantage octroyé par la mesure fiscale en cause en démontrant que celle-ci déroge audit système commun, dans la mesure
où elle introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif assigné au système fiscal de cet État membre, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 49 et jurisprudence citée).
75 À titre liminaire, il importe de relever que la présente affaire se limite aux recettes des casinos ne provenant pas des jeux de hasard. À cet égard, selon la note en bas de page no 76 de la décision attaquée, si le prélèvement sur les bénéfices frappe toutes les sources de recettes des casinos publics, y incluant celles provenant des jeux de hasard, seule la partie du paiement ne provenant pas des jeux de hasard est déductible des bases d’impositions de la taxe professionnelle ainsi que de
l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés.
76 En l’espèce, en ce qui concerne l’objectif poursuivi par la taxe professionnelle ainsi que par l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés, en réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a confirmé que, ainsi qu’il ressort du considérant 105 de la décision attaquée, celui-ci consiste à réaliser des recettes par la perception d’un impôt sur les entreprises en fonction de leurs bénéfices. À cet égard, en réponse à une
question posée par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, la République fédérale d’Allemagne a précisé que le régime fiscal normal doit tenir compte du principe de la capacité contributive.
77 En outre, en ce qui concerne les revenus des casinos publics ne provenant pas des jeux de hasard, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la Commission a précisé que, ainsi que cela ressort en substance du considérant 78 de la décision attaquée, les casinos publics étaient dans une situation juridique et factuelle comparable aux autres entreprises tenues d’acquitter la taxe professionnelle ainsi que l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés, étant précisé que,
conformément au principe du revenu net, repris aux dispositions de l’article 4, paragraphe 4, de l’EStG, de l’article 8, paragraphe 1, du KStG et de l’article 7, paragraphe 1, du GewStG (voir point 44 ci-dessus), toutes les entreprises peuvent déduire des bases imposables les dépenses occasionnées par leurs activités.
78 Ainsi, au considérant 152 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les sommes payées au Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie par les casinos publics au titre du prélèvement sur les bénéfices constituaient une dépense occasionnée par leurs activités qui était donc déductible aux fins de la détermination des bases d’imposition de la taxe professionnelle ainsi que de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés. Au soutien de ce constat, dans la note en bas de page no 77 de la
décision attaquée, la Commission a estimé que le prélèvement sur les bénéfices pouvait être comparé à des versements exceptionnels que les entreprises sont tenues d’effectuer en raison d’un comportement anticoncurrentiel, au motif que de tels versements sont calculés en tenant compte de la totalité des bénéfices réalisés grâce au comportement anticoncurrentiel. Elle a ajouté que de tels versements étaient considérés par le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) comme étant des
dépenses déductibles pour éviter une double imposition.
79 Partant, au considérant 152 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la déductibilité du prélèvement sur les bénéfices constituait une application, par la République fédérale d’Allemagne, des règles générales d’imposition du régime fiscal normal constituant le cadre de référence. Ainsi qu’il a été relevé au point 42 ci-dessus, il ressort de la note en bas de page no 77 de la décision attaquée que l’imposition des revenus doit être déterminée en tenant compte de la capacité
économique du contribuable.
80 Il convient de relever que, dans la décision attaquée, à titre subsidiaire et en réponse aux arguments soulevés par les requérantes au cours de la phase préliminaire d’examen, la Commission a considéré que le prélèvement sur les bénéfices, d’une part, n’était pas comparable aux impôts non déductibles prévus à l’article 10, point 2, du KStG et, d’autre part, qu’il ne constituait pas un dividende pas plus qu’un transfert de bénéfices.
81 À cet égard, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a précisé que, bien que des exceptions ou des limitations à la règle de déductibilité des dépenses occasionnées par l’activité de l’entreprise existent, celles-ci ne s’appliquent pas à la mesure litigieuse, dès lors que le prélèvement sur les bénéfices ne constitue pas un dividende, pas plus qu’il ne relève d’un des cas de non-déductibilité des bases imposables de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les
sociétés expressément prévus, respectivement, par l’article 4, paragraphe 5b, et l’article 12, point 3, de l’EStG, ainsi que par l’article 10, point 2, du KStG.
82 En premier lieu, s’agissant des arguments des requérantes selon lesquels le prélèvement sur les bénéfices serait comparable aux impôts non déductibles prévus à l’article 10, point 2, du KStG, il y a lieu de constater que, au considérant 154 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le prélèvement sur les bénéfices d’« impôt spécial sur les revenus des casinos publics », lequel ne saurait être considéré comme étant comparable, pour les raisons exposées au considérant 156 de la décision
attaquée, à un « impôt général » visant le revenu ou les bénéfices non déductible au titre de cette disposition.
83 En tout état de cause, en réponse à une question du Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a précisé que le prélèvement sur les bénéfices se fonde sur l’« excédent annuel », alors que l’impôt sur les sociétés est calculé en fonction du « revenu imposable » (« zu versteuernde Einkommen »), déterminé à partir du « revenu » (« Einkommen ») au sens de l’EStG, en vertu de l’article 7, paragraphes 1 et 2, et de l’article 8, paragraphe 1, du KStG. À cet égard,
l’argument des requérantes, selon lequel l’excédent annuel serait identique au revenu au sens de l’article 2, paragraphe 4, de l’EStG ne saurait prospérer. En effet, selon les requérantes, l’article 2, paragraphe 2, point 1, et paragraphe 4, de l’EStG assimile le revenu tiré de l’activité commerciale (« Einkünfte aus Gewerbebetrieb ») au bénéfice et, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de l’EStG, auquel renvoie l’article 2, paragraphe 2, point 1, de l’EStG, le bénéfice est en principe calculé
sur le fondement des règles du Handelsgesetzbuch (code de commerce) et peut donc, à son tour, être assimilé à l’excédent annuel. Or, ainsi que la Commission l’a indiqué à juste titre, l’explication donnée par les requérantes est incomplète, étant donné que l’article 2, paragraphe 2, point 1, de l’EStG renvoie également à d’autres dispositions de ce texte apportant une série de modifications à la détermination du bénéfice par rapport à l’excédent annuel. En particulier, la Commission a indiqué que
certaines des dépenses d’exploitation visées à l’article 4, paragraphe 5, de l’EStG étaient des dépenses qui réduisent l’excédent annuel en droit commercial, mais qui ne sont pas déductibles aux fins de la détermination du bénéfice.
84 De plus, en réponse à une question du Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure et lors de l’audience, la République fédérale d’Allemagne a précisé que le prélèvement sur les bénéfices constituait un « impôt spécial » sur les établissements de jeu relevant de l’article 106, paragraphe 2, point 5, de la loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne, si bien qu’il ne saurait s’agir d’un « impôt général » sur le revenu ou les bénéfices relevant de l’article 106,
paragraphe 3, de cette loi. Or, il y a lieu de relever que les requérantes n’ont pas démontré que le prélèvement sur les bénéfices constituerait un « impôt général » sur le revenu ou sur les bénéfices, comparable aux impôts non déductibles visés à l’article 10, point 2, du KStG. Partant, c’est à juste titre que la Commission a conclu que cette disposition n’était pas comparable au prélèvement sur les bénéfices.
85 En deuxième lieu, les arguments des requérantes dirigés contre le constat selon lequel le prélèvement sur les bénéfices n’est pas un dividende et n’est pas non plus comparable aux dividendes doivent également être écartés.
86 En effet, il a lieu de relever, ainsi qu’il a été indiqué aux points 63 et 67 ci-dessus, qu’il ressort du considérant 158 et de la note en bas de page no 86 de la décision attaquée que le prélèvement sur les bénéfices implique un versement pécuniaire au Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, qu’il est fixé unilatéralement par une autorité publique par l’adoption d’une loi et qu’il est prélevé de manière automatique et obligatoire. En outre, malgré l’imprécision terminologique se référant à de
prétendues fins caritatives dudit prélèvement, au considérant 47 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que celui-ci contribue au budget général de ce Land à des fins d’utilité publique. De plus, ainsi que la Commission l’a relevé lors de l’audience, le prélèvement n’est pas la contrepartie d’une prestation particulière. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ce prélèvement constitue une « taxe » au sens de l’article 3, paragraphe 1, du code fiscal qui ne
peut pas être considérée comme étant comparable à un dividende.
87 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments des requérantes tirés de l’éventuel réinvestissement des montants prélevés. En effet, même à supposer que les fonds perçus au titre du prélèvement sur les bénéfices auraient été réinvestis dans Westspiel, force est de constater que cela constitue une circonstance factuelle qui n’est pas de nature à remettre en cause la qualification juridique de ce prélèvement d’impôt, dès lors qu’il s’agit de fonds affectés au budget du Land de
Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
88 En outre, la circonstance que le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie serait un actionnaire unique indirect de Westspiel par l’intermédiaire de la NRW.Bank et, partant, qu’il bénéficierait du prélèvement sur les bénéfices à titre non administratif n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle ledit prélèvement ne constitue pas un dividende, pas plus qu’un transfert de bénéfices. En effet, ainsi que cela a été relevé par la République fédérale d’Allemagne, le prélèvement sur
les bénéfices n’est pas assimilable à un transfert de bénéfices au sens de l’article 291, paragraphe 1, de l’Aktiengesetz (loi sur les sociétés par actions), étant donné qu’il ne résulte pas d’une relation contractuelle librement consentie par les casinos publics, mais d’un impôt spécial imposé unilatéralement par le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique. Il s’y ajoute, ainsi que l’a relevé la Commission, que, d’un point de vue systématique,
l’article 14, paragraphe 1, de la loi sur les casinos, qui instaure le prélèvement sur les bénéfices, est placé entre les articles 12, 13 et 15 de ladite loi, qui ont également pour objet des impôts.
89 Il s’ensuit que la Commission pouvait valablement considérer, au considérant 152 de la décision attaquée, que la déductibilité du prélèvement sur les bénéfices constituait une application, par la République fédérale d’Allemagne, des règles générales d’imposition du régime fiscal normal constituant le système de référence.
90 Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que la Commission a conclu, notamment au considérant 152 de la décision attaquée, que la déductibilité du prélèvement sur les bénéfices ne dérogeait pas aux règles générales d’imposition du régime fiscal normal constituant le cadre de référence, de sorte que la mesure litigieuse n’impliquait pas l’octroi d’un avantage sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
91 Il s’ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la Commission aurait rencontré des difficultés sérieuses dans l’examen de la sélectivité de la mesure litigieuse.
92 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments des requérantes.
93 En effet, en premier lieu, s’agissant de la qualification de la mesure litigieuse en droit allemand, il y a lieu de relever, ainsi qu’il a été indiqué au point 67 ci-dessus, que la Commission a constaté, au considérant 154 et à la note en bas de page no 86 de la décision attaquée, que le prélèvement sur les bénéfices peut être regardé comme un impôt spécifique en application de certains critères qui coïncident partiellement, mais de manière déterminante, avec ceux prévus pour la définition de la
taxe en droit allemand aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du code fiscal ainsi qu’avec les éléments qui caractérisent les impôts appliqués par les Länder, exposés au considérant 47 de la décision attaquée. C’est donc à tort que les requérantes reprochent à la Commission de n’avoir pas pris en compte le droit allemand.
94 En deuxième lieu, quant aux autres arguments des requérantes tirés de ce que la mesure litigieuse aurait été adoptée en violation des règles constitutionnelles relatives à l’exercice de la compétence en matière fiscale, il convient de relever que la notion d’« aide d’État » est une notion objective qui doit être examinée au regard des effets causés par la mesure d’aide en cause, et non au regard d’autres éléments tels que la légalité de la mesure par laquelle l’aide est octroyée (voir, en ce
sens, arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 85 et jurisprudence citée, et du 7 octobre 2010, DHL Aviation et DHL Hub Leipzig/Commission, T‑452/08, non publié, EU:T:2010:427, point 40).
95 De même, il y a lieu de relever que la prétendue méconnaissance du droit constitutionnel n’a aucune incidence sur la définition du cadre de référence ou sur l’existence d’une dérogation aux fins de l’appréciation du caractère sélectif de la mesure litigieuse au sens de l’article 107 TFUE. Partant, il y a lieu d’écarter ces arguments comme étant inopérants.
96 En troisième lieu, concernant les éléments de preuve présentés par les requérantes pour contester la qualification d’impôt, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du code fiscal, du prélèvement sur les bénéfices, il y a lieu de rappeler que les preuves doivent être produites dans le cadre du premier échange de mémoires, en vertu de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Or, les preuves en cause ayant été présentées à un stade ultérieur de la procédure et le retard dans
la présentation desdites preuves n’ayant pas été justifié conformément au paragraphe 2 du même article, elles sont irrecevables. En tout état de cause, comme le fait observer la Commission, la décision attaquée a été adoptée avant que les données comptables de WestSpiel pour l’exercice de 2019 ne soient publiées. Or, la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des seuls éléments d’information dont la Commission pouvait disposer lors de l’adoption de cette
décision (voir arrêt du 14 mai 2019, Marinvest et Porting/Commission, T‑728/17, non publié, EU:T:2019:325, point 92 et jurisprudence citée).
97 En quatrième lieu, s’agissant des allégations des requérantes sur la prétendue contradiction dans la décision attaquée quant aux multiples qualifications du prélèvement sur les bénéfices en droit interne, il convient de relever que, s’il peut être admis qu’une motivation contradictoire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses lors de l’examen préliminaire d’une mesure au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Verband Deutscher
Alten- und Behindertenhilfe et CarePool Hannover/Commission, T‑69/18, EU:T:2021:189, point 107), il n’en demeure pas moins que tel n’est pas le cas en l’occurrence, dès lors que la Commission a précisé que ledit prélèvement constituait une dépense d’exploitation déductible et un impôt ne faisant pas partie des exceptions ou des limitations au principe du revenu net.
98 Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de relever qu’aucun des arguments des requérantes n’a démontré que la Commission aurait rencontré des difficultés sérieuses au cours de l’examen préliminaire, au sens de la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus.
99 Partant, il y a lieu de rejeter les deuxième à cinquième branches du moyen unique.
Sur la première branche du moyen unique, tirée de la dénaturation des arguments des requérantes
100 Dans la première branche, les requérantes soutiennent que la Commission a supposé à tort qu’elles considéraient le prélèvement sur les bénéfices comme étant un impôt, alors qu’elles avaient toujours indiqué qu’il s’agissait d’une distribution des bénéfices qui ne serait pas déductible au titre du régime fiscal normal. Ainsi, elles font valoir que le fait de déduire ce prélèvement sur les bénéfices de l’assiette de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés ainsi que de la taxe
professionnelle représente une mesure dérogeant au système fiscal normal, qui n’autorise pas une telle déduction, et un avantage sélectif en faveur de WestSpiel.
101 La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, conteste ces arguments.
102 En l’espèce, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué, au considérant 154 de la décision attaquée, que les requérantes ont implicitement considéré que le prélèvement sur les bénéfices était un impôt comparable aux impôts sur les revenus, aux impôts personnels et à la taxe professionnelle. Néanmoins, elle a également indiqué, à la note en bas de page no 79 de la décision attaquée, que les requérantes avaient considéré que le prélèvement sur les bénéfices n’était pas un impôt, de sorte
que l’argument de celles-ci, fondé sur l’interdiction de déduire les impôts de l’assiette de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, n’était pas fondé.
103 Il s’ensuit que la Commission n’a pas dénaturé les arguments des requérantes, dans la mesure où il ressort de la décision attaquée, et ainsi que cela a été confirmé lors de l’audience, que la Commission a examiné, d’une part, l’hypothèse selon laquelle le prélèvement sur les bénéfices serait un impôt comparable aux impôts sur les revenus, aux impôts personnels et à la taxe professionnelle et, d’autre part, même si elle ne l’a fait qu’à titre subsidiaire, celle selon laquelle ce prélèvement ne
serait pas un impôt. À cet égard, il y a lieu de souligner que, ainsi qu’il ressort du point 86 ci-dessus, la Commission a, au considérant 158 de la décision attaquée et dans la note en bas de page no 86, pris en compte les arguments des requérantes selon lesquels le prélèvement sur les bénéfices était un dividende ou était comparable à un dividende.
104 Il y a lieu, dès lors, de rejeter la première branche du moyen unique ainsi que, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
105 Selon l’article 133 du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt qui met fin à l’instance. Aux termes de l’article 195 dudit règlement, il appartient au Tribunal, lorsqu’il se prononce après annulation et renvoi par la Cour, de statuer sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant le Tribunal et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour. Conformément à l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est
condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Enfin, conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.
106 En l’espèce, la Cour, dans l’arrêt sur pourvoi, a annulé l’ordonnance du 22 octobre 2021, Fachverband Spielhallen et LM/Commission (T‑510/20, non publiée, EU:T:2021:745), et a réservé les dépens. Il convient donc de statuer, dans le présent arrêt, sur les dépens afférents à la procédure initiale devant le Tribunal, à la procédure de pourvoi devant la Cour et à la présente procédure après renvoi.
107 La Commission ayant succombé dans la procédure de pourvoi devant la Cour, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les requérantes liées à cette procédure.
108 Les requérantes ayant succombé sur le fond dans la procédure de renvoi devant le Tribunal, sur la base des arguments qu’elles avaient avancés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal antérieure au pourvoi, il y a lieu de les condamner aux dépens de ces deux procédures.
109 La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Fachverband Spielhallen eV et par LM liés à la procédure de pourvoi devant la Cour, au titre de l’affaire C‑831/21 P.
3) Fachverband Spielhallen et LM supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission afférents à la procédure de renvoi devant le Tribunal, au titre de l’affaire T‑510/20 RENV, ainsi qu’à la procédure initiale devant le Tribunal, au titre de l’affaire T‑510/20.
4) La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.
Papasavvas
Mastroianni
Brkan
Gâlea
Kalėda
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 juin 2025
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.