ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
17Â juin 2025Â (*)
« Recours en annulation – Décision du Médiateur de ne pas ouvrir une enquête à la suite d’une plainte – Acte non susceptible de recours – Incompétence manifeste partielle – Irrecevabilité manifeste partielle »
Dans l’affaire T‑615/24,
Asociación de ciudadanos contra la corrupción y para la defensa del estado de derecho, établie à Madrid (Espagne), représentée par M^e J. Gaspar Puig, avocat,
partie requérante,
contre
Médiateur européen,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de M^mes A. Marcoulli (rapporteure), présidente, V. Tomljenović et L. Spangsberg Grønfeldt, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
rend la présente
Ordonnance
1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Asociación de ciudadanos contra la corrupción y para la defensa del estado de derecho, demande, en substance, l’annulation de la décision contenue dans la lettre du Médiateur européen du 3 octobre 2024 de ne pas ouvrir d’enquête et de classer la plainte 1604/2024/LA (ci-après la « décision attaquée »).
2        La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
–        déclarer l’inaction du Médiateur contraire au droit de l’Union ;
–        ordonner le réexamen de la plainte qu’elle a déposée et l’ouverture d’une enquête ;
–        rétablir l’égalité de tous les citoyens devant la loi.
 En droit
3        Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable, il peut décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
4        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.
 Sur le premier chef de conclusions
5        D’emblée, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du recours dans son ensemble, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée en vertu de l’article 263 TFUE, en ce que le Médiateur a classé sans suite la plainte qu’elle a présentée, sans ouvrir une enquête. Par conséquent, bien que la requérante dise fonder également son recours sur l’article 265 TFUE, qu’elle indique former un recours en carence contre la décision attaquée et que, par son premier chef de conclusions,
elle demande au Tribunal de déclarer la prétendue inaction du Médiateur contraire au droit de l’Union, force est de constater qu’une telle demande ne porte pas, en réalité, sur une prétendue abstention du Médiateur de lui adresser un acte au sens de l’article 265, troisième alinéa, TFUE, mais se confond avec la demande visant à obtenir l’annulation de la décision attaquée, en ce que le Médiateur a décidé de classer sa plainte et de ne pas ouvrir une enquête. Par suite, il convient donc de regarder
le premier chef de conclusions comme étant fondé sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision attaquée.
6        S’agissant de cette demande en annulation, à titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort du dossier devant le Tribunal que la requérante, le 28 août 2024, a présenté au Médiateur une plainte dirigée à l’encontre de la Commission européenne. Le Médiateur, après avoir d’abord accusé réception de la plainte et demandé des informations à la requérante, a informé cette dernière, par lettre du 18 septembre 2024, que, après examen de la plainte, il n’y avait pas d’éléments suffisants
pour ouvrir une enquête et que la plainte allait être classée. Après avoir été sollicité par la requérante, le Médiateur, par courriel du 27 septembre 2024, a réitéré sa précédente réponse. Après avoir été nouvellement sollicité par la requérante, le Médiateur, par la décision attaquée, a rappelé ses précédentes réponses et fourni une réponse à la demande de la requérante tendant à ce qu’il lance une enquête de sa propre initiative.
7        Or, indépendamment même de la question de savoir dans quelle mesure la décision attaquée est purement confirmative de la décision du 18 septembre 2024, force est de constater que la décision attaquée – tout comme celle du 18 septembre 2024 – ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.
8        En effet, à cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 228 TFUE et des articles 2 à 4 du règlement (UE, Euratom) 2021/1163 du Parlement Européen, du 24 juin 2021, fixant le statut et les conditions générales d’exercice des fonctions du Médiateur (statut du Médiateur européen) et abrogeant la décision 94/262/CECA, CE, Euratom (JO 2021, L 253, p. 1), que le Médiateur instruit les plaintes qu’il reçoit relatives à des cas de mauvaise administration dans l’action des
institutions, organes ou organismes de l’Union et procède aux enquêtes qu’il estime justifiées (article 228, paragraphe 1, premier et deuxième alinéas, TFUE). En particulier, il rejette les plaintes qui ne relèvent pas de son mandat ou qui ne respectent pas certaines exigences procédurales (article 2, paragraphe 4, du statut du Médiateur) ; lorsqu’il constate qu’une plainte est manifestement non fondée, il clôture le dossier et informe le plaignant (article 2, paragraphe 5, dudit statut) et,
lorsqu’il l’estime justifié, il peut décider d’ouvrir une enquête (article 2, paragraphe 7, et article 3, paragraphe 1, dudit statut). Dans ce cadre, il informe dès que possible le plaignant de la suite donnée à la plainte et il peut proposer au plaignant et à l’institution, à l’organe ou à l’organisme de l’Union européenne concerné une solution visant à résoudre le cas de mauvaise administration visé par la plainte et, si cette solution est acceptée par ceux-ci, il peut clore le dossier (article 2,
paragraphe 10, dudit statut). Lorsqu’il constate un cas de mauvaise administration à l’issue d’une enquête, le Médiateur informe l’institution, l’organe ou l’organisme concerné des conclusions de l’enquête et, le cas échéant, formule des recommandations (article 4, paragraphe 1, dudit statut). À la suite de cette dernière communication, l’institution, l’organe ou l’organisme concerné dispose d’un délai de trois mois pour faire parvenir au Médiateur un avis circonstancié (article 4, paragraphe 2,
dudit statut), à la suite duquel le Médiateur peut clôturer l’enquête et transmettre à l’institution, à l’organe ou à l’organisme concerné, ainsi que dans certains cas au Parlement européen, un rapport dans lequel il peut formuler des recommandations. Enfin, le Médiateur informe le plaignant du résultat de l’enquête, de l’avis reçu et des éventuelles recommandations formulées dans le rapport (article 4, paragraphe 3, dudit statut).
9        Il résulte donc desdites dispositions que le Médiateur se limite à informer dans les meilleurs délais le plaignant de la suite donnée à sa plainte et que, lorsqu’il décèle un cas de mauvaise administration, après avoir saisi l’institution, l’organe ou l’organisme concerné, il informe simplement le plaignant du résultat de l’enquête et de l’avis rendu par l’institution, l’organe ou l’organisme concerné ainsi que de ses éventuelles recommandations (voir, par analogie, ordonnance du 26 février
2019, Rimlinger/Médiateur, T‑676/18, non publiée, EU:T:2019:125, point 10).
10      En particulier, à l’issue de l’examen d’une plainte, le Médiateur n’a pas le pouvoir de prendre des mesures contraignantes et le rapport qu’il transmet à l’institution, à l’organe ou à l’organisme concerné lorsqu’il relève un cas de mauvaise administration se limite à constater l’existence d’un tel cas et, le cas échéant, à formuler des recommandations. Ainsi, ledit rapport ne produit, par définition, aucun effet juridique à l’égard des tiers, au sens de l’article 263 TFUE, et ne lie pas non
plus l’institution, l’organe ou l’organisme concerné, qui est libre de décider, dans le cadre de l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par le droit de l’Union, de la suite à y donner (voir, par analogie, ordonnance du 26 février 2019, Rimlinger/Médiateur, T‑676/18, non publiée, EU:T:2019:125, point 11 et jurisprudence citée). En effet, dans ce cadre, le Médiateur n’a pas le pouvoir de prendre des décisions contraignantes (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission,
C‑167/06 P, non publié, EU:C:2007:633, points 36 et 44, et du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, point 245).
11      Il en résulte que la décision motivée du Médiateur clôturant l’examen d’une plainte par le classement de cette dernière, y compris en l’absence d’ouverture d’une enquête, ne constitue pas un acte attaquable par la voie d’un recours en annulation, dans la mesure où une telle décision ne produit pas d’effets juridiques à l’égard des tiers, au sens de l’article 263 TFUE (voir, par analogie, ordonnance du 26 février 2019, Rimlinger/Médiateur, T‑676/18, non publiée, EU:T:2019:125, point 12 et
jurisprudence citée).
12      Ainsi, dès lors que, par la décision attaquée, le Médiateur a informé la requérante des motifs du classement de sa plainte sans ouverture d’une enquête, voire des raisons pour lesquelles il n’allait pas ouvrir une enquête de sa propre initiative, cette décision ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.
13      Par conséquent, le premier chef de conclusions, qui tend à l’annulation de la décision attaquée, doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.
14      Par ailleurs, pour les mêmes raisons, à supposer que le premier chef de conclusions ait une portée différente de la demande d’annulation de la décision attaquée et qu’il vise à faire constater, au titre d’un recours en carence fondé sur l’article 265 TFUE, que le Médiateur a omis d’ouvrir une enquête, voire d’adresser un rapport ainsi que des recommandations à la Commission, force est de constater que de tels actes ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en carence au titre de
l’article 265, troisième alinéa, TFUE. En effet, le recours en carence vise à sanctionner l’absence d’adoption d’un acte juridiquement contraignant (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts, C‑234/02 P, EU:C:2004:174, point 59). Or, ainsi qu’il ressort des points 8 à 11 ci-dessus, le Médiateur ne prend pas de mesures contraignantes à l’égard du plaignant, ni d’ailleurs de l’institution, de l’organe ou de l’organisme concerné. Par conséquent, un tel recours en carence et un tel
chef de conclusions, à supposer même qu’ils aient, en l’espèce, une portée autonome et différente par rapport à la demande d’annulation de la décision attaquée, devraient également être rejetés comme étant manifestement irrecevables.
 Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions
15      Par ses deuxième et troisième chefs de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’ordonner le réexamen de la plainte et l’ouverture d’une enquête ainsi que le rétablissement de l’« égalité de tous les citoyens devant la loi ».
16      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union, même si celles-ci ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts (voir ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/94 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée).
17      Il s’ensuit que les deuxième et troisième chefs de conclusions doivent être rejetés pour cause d’incompétence manifeste.
18      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le présent recours en partie pour cause d’incompétence manifeste et en partie comme manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de le signifier au Médiateur.
 Sur les dépens
19      La présente ordonnance étant adoptée avant la signification de la requête au Médiateur et avant que celui-ci ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 133 du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
ordonne :
1)      Le recours est rejeté en partie pour cause d’incompétence manifeste et en partie comme manifestement irrecevable.
2)      Asociación de ciudadanos contra la corrupción y para la defensa del estado de derecho est condamnée à ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 17 juin 2025.
Le greffier  La présidente
V. Di Bucci  A. Marcoulli
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*      Langue de procédure : l’espagnol.