ARRÊT DU TRIBUNAL (grande chambre)
14 mai 2025 ( *1 )
« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs aux messages texte échangés entre la présidente de la Commission et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer – Refus d’accès – Présomption de véracité attachée à la déclaration de non-possession de documents – Absence d’explications plausibles permettant de déterminer les raisons de l’inexistence ou de la non-possession – Conservation des documents – Principe de bonne administration »
Dans l’affaire T‑36/23,
Matina Stevi, demeurant à Bruxelles (Belgique),
The New York Times Company, établie à New York, New York (États-Unis),
représentées par Mes B. Kloostra et P.-J. Schüller, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. P. Stancanelli, A. Spina et M. Burón Pérez, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (grande chambre),
composé de MM. M. van der Woude, président, S. Papasavvas, R. da Silva Passos, J. Svenningsen, L. Truchot, R. Mastroianni, H. Kanninen, J. Schwarcz, P. Nihoul, J. Martín y Pérez de Nanclares, G. Hesse, M. Sampol Pucurull (rapporteur), Mme M. Stancu, MM. I. Nõmm et K. Kecsmár, juges,
greffier : M. A. Marghelis, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure, notamment la mesure d’organisation de la procédure du 11 septembre 2024 et les réponses des parties déposées au greffe du Tribunal les 4 et 7 octobre 2024,
à la suite de l’audience du 15 novembre 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Mme Matina Stevi et The New York Times Company, demandent l’annulation de la décision C(2022) 8371 final de la Commission européenne, du 15 novembre 2022, adoptée au titre de l’article 4 des dispositions concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43),
portant sur une demande d’accès à l’ensemble des messages texte échangés entre la présidente de la Commission et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer, entre le 1er janvier 2021 et le 11 mai 2022 (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Par courrier électronique du 11 mai 2022, Mme Stevi, qui est une journaliste employée par le quotidien The New York Times, a, sur le fondement du règlement no 1049/2001, demandé à la Commission l’accès à l’ensemble des messages texte échangés entre la présidente de la Commission et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer entre le 1er janvier 2021 et le 11 mai 2022. Cette demande a été enregistrée, le 12 mai 2022, sous la référence GESTDEM 2022/2678 (ci-après la
« demande initiale »).
3 Le 28 juin 2022, n’ayant reçu aucune réponse de la Commission dans le délai prévu par l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, la représentante des requérantes a, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 4, dudit règlement, présenté, « au nom de Mme Matina Stevi, agissant pour The New York Times [Company] », une première demande confirmative d’accès aux documents.
4 Par lettre du 20 juillet 2022, adressée à Mme Stevi, la Commission a répondu à la demande initiale et a indiqué que, dans la mesure où elle ne détenait pas de documents correspondant à la description figurant dans ladite demande, elle n’était pas en mesure de faire droit à cette dernière.
5 Par lettre du 9 août 2022, la représentante des requérantes a, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, présenté, « au nom de [Mme] Stevi, agissant pour The New York Times [Company] », une seconde demande confirmative d’accès aux documents (ci-après la « demande confirmative »), qui a été enregistrée par la Commission le même jour.
6 Par courrier électronique du 31 août 2022, la Commission a informé Mme Stevi que la demande confirmative était toujours en cours de traitement et que, en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, il était nécessaire de prolonger le délai de traitement de celle-ci de quinze jours ouvrables, soit jusqu’au 21 septembre 2022.
7 Par courrier électronique du 21 septembre 2022, la Commission a informé Mme Stevi que l’évaluation de la demande confirmative était terminée, mais que son projet de décision devait encore être approuvé par son service juridique, tout en lui assurant qu’elle lui adresserait une réponse dans les meilleurs délais.
8 Le 16 novembre 2022, la Commission a transmis à Mme Stevi la décision attaquée, par laquelle elle lui a indiqué que, étant donné qu’elle ne détenait aucun document correspondant à la description figurant dans la demande initiale, elle n’était pas en mesure de faire droit à ladite demande.
Conclusions des parties
9 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
10 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité
Sur la qualité pour agir de The New York Times Company
11 Dans le mémoire en défense, la Commission fait valoir que The New York Times Company n’a pas qualité pour agir. À cet égard, elle relève que la demande initiale a été introduite exclusivement par Mme Stevi et que les demandes confirmatives ultérieures ont été présentées par Me Bondine Kloostra, qui a déclaré représenter « [Mme] […] Stevi, agissant pour The New York Times [Company] ». En outre, la Commission indique que Mme Stevi est l’unique destinataire de la décision attaquée.
12 Il convient de relever que le recours est recevable en ce qu’il est introduit par Mme Stevi, ce que la Commission ne conteste pas au demeurant. Or, selon une jurisprudence constante, s’agissant d’un seul recours, dès lors que l’une des parties requérantes dispose de la qualité pour agir, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres parties requérantes (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2011, Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P,
EU:C:2011:368, point 37, et du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T‑79/12, EU:T:2013:635, point 40).
13 Par conséquent, étant donné que Mme Stevi a qualité pour agir contre la décision attaquée, il y a lieu de déclarer le présent recours recevable, sans qu’il soit besoin d’examiner la qualité pour agir de The New York Times Company.
Sur la recevabilité des éléments de preuve présentés par les requérantes pour la première fois en annexe à la réplique
14 La réplique déposée par les requérantes comporte en annexe, sous les numéros R.1 et R.2, les transcriptions des entretiens que Mme Stevi a menés séparément avec la présidente de la Commission et avec le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer, le 25 avril 2021 (ci-après les « transcriptions des entretiens »).
15 Dans la duplique, la Commission soutient que les requérantes ne justifient pas le retard dans la présentation des transcriptions des entretiens, comme cela est exigé à l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, de sorte que ces transcriptions sont irrecevables. La Commission précise que ces éléments de preuve existaient déjà à la date du dépôt de la requête et auraient, dès lors, pu être produits sans difficulté en annexe à celle-ci.
16 Aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. En vertu de l’article 85, paragraphe 2, du même règlement, les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.
17 Il convient d’observer que Mme Stevi s’est entretenue avec la présidente de la Commission et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer le 25 avril 2021, soit presque deux ans avant la date à laquelle les requérantes ont introduit le présent recours. Dès lors, les requérantes auraient pu transcrire lesdits entretiens et produire leurs transcriptions devant le Tribunal dès le stade de la requête.
18 Il convient ainsi d’examiner si, en l’espèce, le retard dans la production des transcriptions des entretiens a été justifié, conformément à l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure.
19 À ce titre, les requérantes indiquent dans la note en bas de page no 2 figurant à la page 3 de la réplique que la requête attribue, par erreur, à la présidente de la Commission des déclarations faites par le président‑directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer et que, afin d’éviter toute confusion, les transcriptions des entretiens sont fournies au Tribunal en annexe à la réplique. En outre, en réponse à une question écrite du Tribunal posée par le biais d’une mesure d’organisation
de la procédure, les requérantes font valoir que, si, certes, elles possédaient les enregistrements des entretiens à la date de l’introduction de la requête, elles n’ont toutefois transcrit lesdits entretiens que lorsqu’elles ont déposé la réplique afin de dissiper toute ambiguïté sur l’identité de la personne à l’origine des déclarations en cause.
20 À la lumière de ce qui précède, dans les circonstances de la présente affaire, il y a lieu de conclure que la production tardive des transcriptions des entretiens en annexe à la réplique est justifiée et, partant, que ces preuves doivent être déclarées recevables au sens de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure.
Sur le fond
21 À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 3, sous a), du règlement no 1049/2001 ainsi que de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), le deuxième, d’une violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 et, le troisième, d’une violation du principe de bonne administration.
22 Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner d’abord le troisième moyen.
23 Dans le cadre du troisième moyen, les requérantes contestent, en substance, la légalité du refus opposé par la Commission à la divulgation des documents demandés.
24 À l’appui de ce moyen, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé le principe de bonne administration en se bornant, pour refuser de faire droit à leur demande d’accès aux documents, à se prévaloir de l’inexistence des documents sollicités sans fournir aucune explication permettant de comprendre la raison pour laquelle les documents demandés n’avaient pas pu être retrouvés. À ce titre, les requérantes relèvent que la simple dénégation de l’existence des documents demandés, à
laquelle se livre la Commission dans la décision attaquée, n’est pas suffisante.
25 Plus précisément, les requérantes font valoir que l’article publié dans The New York Times le 28 avril 2021 ainsi que les entretiens de Mme Stevi avec la présidente de la Commission et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer prouvent l’existence matérielle des documents demandés. Ainsi, dès lors que la présomption de véracité s’attachant à la déclaration de la Commission selon laquelle elle ne détiendrait pas les documents demandés est renversée, il appartiendrait à
cette dernière de prouver l’inexistence ou la non-possession de ces documents en fournissant des explications plausibles permettant de déterminer les raisons d’une telle inexistence ou non-possession.
26 Or, les requérantes soutiennent que la déclaration figurant dans la décision attaquée selon laquelle de « nouvelles recherches approfondies » des documents demandés auraient été effectuées ne permet aucunement de savoir si cette recherche a porté uniquement sur des documents enregistrés dans le système de gestion des documents d’activité de la Commission ou si elle a inclus également une recherche des documents non enregistrés dans ledit système de gestion. Par ailleurs, la décision attaquée
resterait imprécise sur les lieux éventuels de stockage qui auraient été consultés, n’indiquerait pas si le ou les téléphones portables de la présidente de la Commission ont fait l’objet des recherches effectuées et n’indiquerait pas davantage les raisons pour lesquelles les messages texte demandés n’auraient pas été retrouvés.
27 La Commission conteste les arguments des requérantes.
28 À titre liminaire, la Commission relève, dans la duplique, que l’argumentation des requérantes selon laquelle la présomption de véracité qui s’attache à sa déclaration de non-détention des documents demandés a été renversée et selon laquelle, par conséquent, il lui appartient de fournir des explications plausibles permettant de prouver l’inexistence ou la non-possession de ces documents a été soulevée pour la première fois au stade de la réplique. Ainsi, la Commission fait valoir qu’il s’agit
d’un moyen nouveau, dont l’introduction tardive est interdite par l’article 84 du règlement de procédure.
29 En tout état de cause, à supposer que ce nouveau moyen soit recevable, la Commission considère, en substance, que les requérantes n’ont avancé aucun élément susceptible de remettre en cause la présomption de véracité s’attachant à sa déclaration selon laquelle elle ne détiendrait pas les documents demandés. La Commission relève à ce titre qu’il n’existe qu’une seule mention d’un échange de messages entre sa présidente et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer,
laquelle figure à la page 15 du document produit par les requérantes dans l’annexe R.2 de la réplique, dans une déclaration attribuée à ce dernier. Par ailleurs, selon la Commission, il ressort uniquement de ladite déclaration que les messages texte échangés entre sa présidente et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer n’ont joué qu’un rôle annexe dans les conversations qui se sont tenues entre eux.
30 En outre, la Commission soutient que, même à supposer que la déclaration faite par le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer suffise à renverser la présomption de véracité s’attachant à la déclaration selon laquelle elle ne détient pas les documents demandés, il demeure possible pour elle de fournir des explications plausibles permettant de confirmer ses allégations. À cet égard, elle fait valoir que la décision attaquée fournit lesdites explications en indiquant, d’une
part, que de nouvelles recherches approfondies, mais malheureusement infructueuses, ont été effectuées et, d’autre part, que les messages texte auraient été enregistrés, et donc identifiés, s’ils avaient contenu des informations substantielles non éphémères ou si les informations qui y étaient contenues avaient impliqué une action ou un suivi de sa part ou de celle de l’un de ses services.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission
31 Selon l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne soient fondés sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen, ou un argument, qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt
du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 46 et jurisprudence citée).
32 En l’espèce, les requérantes ont défendu, dans la requête, la thèse selon laquelle la présidente de la Commission et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer avaient échangé des messages texte et ont présenté des indices visant à prouver l’existence des documents demandés. Elles ont également reproché à la Commission de ne pas avoir fourni la moindre explication permettant de comprendre la raison pour laquelle elle n’aurait pas détenu ces messages texte.
33 À cet égard, il y a lieu de constater que les éléments juridiques sur lesquels s’appuie le troisième moyen, à savoir l’existence d’une présomption de véracité s’attachant aux déclarations des institutions et le manque allégué de motifs susceptibles d’expliquer l’inexistence des messages texte demandés, étaient déjà présents dans la requête.
34 Dès lors, si, certes, en réponse aux observations de la Commission figurant dans le mémoire en défense, les requérantes ont, dans la réplique, inséré ces éléments juridiques dans un cadre factuel corrigé, il n’en demeure pas moins que l’argumentation de la réplique présente un lien étroit avec celle soulevée dans la requête.
35 Partant, la fin de non-recevoir soulevée par la Commission doit être écartée.
Sur le bien-fondé du moyen
– Considérations liminaires
36 Il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort de l’article 1er du règlement no 1049/2001, lu notamment à la lumière du considérant 4 de ce même règlement, que celui-ci vise à conférer le plus large effet possible au droit d’accès du public aux documents détenus par les institutions et que, aux termes du considérant 11 dudit règlement, « [e]n principe, tous les documents des institutions devraient être accessibles au public ».
37 Tout refus d’accès à des documents réclamés à une institution de l’Union européenne peut faire l’objet d’une contestation par voie juridictionnelle. Il en va ainsi quels que soient les motifs invoqués pour refuser cet accès. Toute autre solution rendrait impossible le contrôle qu’il appartient au juge de l’Union d’exercer sur le bien-fondé d’une décision de refus d’accès aux documents des institutions, dès lors qu’il suffirait à l’institution concernée d’affirmer qu’un document n’existe pas pour
se soustraire à tout contrôle juridictionnel. Partant, force est de constater que l’inexistence d’un document auquel l’accès est réclamé ou la circonstance selon laquelle il ne serait pas en possession de l’institution concernée n’entraînent pas l’inapplicabilité du principe de transparence et du droit d’accès aux documents. Il appartient, au contraire, à l’institution en cause de répondre au demandeur et de justifier éventuellement devant le juge son refus d’accès à ce titre (voir arrêt du
20 septembre 2019, Dehousse/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/17, EU:T:2019:632, point 35 et jurisprudence citée).
38 Par ailleurs, l’exercice du droit d’accès pour toute personne intéressée suppose, nécessairement, que les documents demandés existent et soient détenus par l’institution concernée, même si le droit d’accès aux documents ne saurait être invoqué afin d’obliger l’institution à créer un document qui n’existe pas. De plus, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une institution affirme qu’un document n’existe pas dans le cadre d’une demande d’accès, l’inexistence de ce
document est présumée, conformément à la présomption de véracité qui s’attache à cette déclaration (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2019, Dehousse/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/17, EU:T:2019:632, point 36 et jurisprudence citée ; du 24 mars 2021, BK/EASO, T‑277/19, non publié, EU:T:2021:161, point 60 et jurisprudence citée, et du 15 mars 2023, Basaglia/Commission, T‑597/21, non publié, EU:T:2023:133, point 25 et jurisprudence citée).
39 Néanmoins, une telle présomption peut être renversée par tous les moyens, sur la base d’indices pertinents et concordants produits par le demandeur d’accès. Cette présomption doit être appliquée par analogie dans l’hypothèse où l’institution déclare ne pas être en possession des documents demandés (voir arrêt du 20 septembre 2019, Dehousse/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/17, EU:T:2019:632, point 37 et jurisprudence citée).
40 Si cette présomption est renversée et que la Commission ne peut plus s’en prévaloir, il lui appartient de prouver l’inexistence ou la non-possession des documents demandés en fournissant des explications plausibles permettant de déterminer les raisons d’une telle inexistence ou non-possession (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, Dehousse/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/17, EU:T:2019:632, point 49 et jurisprudence citée).
41 En outre, le droit d’accès aux documents exige que les institutions fassent le nécessaire pour faciliter l’exercice effectif de ce droit. Un tel exercice suppose que les institutions concernées procèdent, dans toute la mesure du possible et d’une manière non arbitraire et prévisible, à l’établissement et à la conservation de la documentation concernant leurs activités (voir arrêt du 20 septembre 2019, Dehousse/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/17, EU:T:2019:632, point 38 et
jurisprudence citée).
– Sur le renversement de la présomption de non-existence
42 En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que, étant donné qu’elle ne détenait aucun document correspondant à la description figurant dans la demande d’accès aux documents, elle n’était pas en mesure de faire droit à ladite demande.
43 Néanmoins, il importe de souligner qu’il ressort des explications fournies par la Commission en réponse à une question que le Tribunal lui a adressée dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure qu’elle ne « dément[ait] pas que des messages texte aient été échangés entre la présidente de la Commission et le [président-directeur] général de [l’entreprise pharmaceutique] Pfizer au cours de leurs contacts pendant les premiers mois de l’année 2021 », jusqu’à même affirmer « n[e] jamais
[avoir] nié ce fait ».
44 Lors de l’audience, la Commission n’a ni confirmé ni infirmé l’existence de cet échange de messages texte dans le passé et n’a pu que supposer que cet échange avait pu avoir lieu. À cet égard, la Commission a soutenu ne pas savoir si les documents demandés avaient effectivement existé, puisqu’elle ne les détenait pas. En outre, la Commission a également indiqué que, sa présidente et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer ayant des emplois du temps chargés et des
rendez-vous planifiés habituellement par leurs secrétariats, assistants ou collaborateurs, ils avaient, à défaut de pouvoir le faire par cette voie dans le contexte particulier de la pandémie de COVID-19, échangé des messages texte pour organiser et planifier leurs échanges oraux.
45 Dans ces circonstances, force est de constater que les réponses de la Commission sont fondées soit sur des suppositions, soit sur des informations changeantes ou imprécises.
46 Toutefois, il n’en demeure pas moins que la Commission, malgré ces imprécisions, soutient ne pas posséder les documents demandés, de sorte qu’il appartient aux requérantes d’apporter des indices pertinents et concordants permettant de renverser la présomption de non-possession de ces documents, conformément à la jurisprudence citée aux points 38 et 39 ci-dessus.
47 À cet égard, l’expression « possession » ou « détention » ne saurait se limiter à la possession ou à la détention de documents par l’institution au moment où elle répond à la demande confirmative, étant donné que l’exercice du droit d’accès à un document serait rendu sans objet si l’institution concernée pouvait, pour échapper à ses obligations, se limiter à faire valoir que les documents demandés n’ont pas pu être retrouvés.
48 Dès lors, en l’espèce, il convient de vérifier si les requérantes ont présenté des indices pertinents et concordants démontrant que la Commission a été, à un moment donné, en possession des messages texte demandés, ce qui revient, au vu des affirmations faites par la Commission, à vérifier si de tels documents ont pu exister.
49 À ce titre, en premier lieu, les requérantes relèvent que l’existence des documents demandés a été révélée par l’article publié dans The New York Times le 28 avril 2021 et rédigé sur la base des entretiens que Mme Stevi avait menés avec la présidente de la Commission et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer.
50 Il ressort notamment de l’article de presse susmentionné que, « pendant un mois, [la présidente de la Commission a] échangé des messages texte et des appels téléphoniques avec […] le président-directeur général de [l’entreprise pharmaceutique] Pfizer ».
51 Par ailleurs, il découle également dudit article de presse que « [la présidente de la Commission] et le [président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer] ont d’abord été mis en contact en janvier [2021], lorsque [le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer] a dû expliquer la raison pour laquelle son entreprise avait dû interrompre temporairement l’approvisionnement de vaccins [dans l’Union] pendant qu’elle modernisait ses installations de production en
Belgique ». Cet article de presse précise de plus que, « [a]lors que les travaux d’amélioration de l’usine belge se déroulaient relativement facilement, les discussions entre [la présidente de la Commission] et le [président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer] se sont poursuivies, comme ils l’ont tous les deux rapporté lors des interviews qu’ils ont accordées au [quotidien] The New York Times ». En outre, il ressort du même article de presse que « [c]es appels ont débouché
sur une série d’accords entre l’Union […] et les entreprises [pharmaceutiques Pfizer et BioNTech] ». Enfin, il découle également de l’article de presse susmentionné que le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer a déclaré avoir « tissé des liens avec [la présidente de la Commission] ».
52 En deuxième lieu, les requérantes estiment que l’existence des documents demandés est également corroborée par les entretiens que Mme Stevi a menés avec la présidente de la Commission et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer.
53 À cet égard, il résulte notamment de la transcription de l’entretien que Mme Stevi a eu avec le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer que ce dernier a déclaré que, « [f]ace aux difficultés […], [la présidente de la Commission et lui] [avaie]nt commencé à travailler de plus en plus [souvent] », que « [la présidente de la Commission lui] a[vait] envoyé son [numéro de] téléphone », qu’« [ils pouvaient] échanger si [la Commission] avait des questions » et qu’« [ils
avaient] échangé des messages texte [lorsqu’ils avaient] des points à aborder ». Par ailleurs, le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer a relevé que « [l]e fait de savoir [qu’ils étaient] joignables [et que la présidente de la Commission] pouvait le joindre a[vait] procuré un grand réconfort [à la présidente de la Commission] et [qu’elle avait la possibilité de] reprendre contact avec [lui] avec ses demandes ». Enfin, le président-directeur général de l’entreprise
pharmaceutique Pfizer a déclaré que « ce qui était très différent avec la [présidente de la Commission] était qu’[ils] avaient développé une profonde confiance grâce à laquelle [ils] pouvaient avoir des discussions approfondies ».
54 En outre, il découle de l’entretien que Mme Stevi a eu avec la présidente de la Commission que, en réponse à une question de Mme Stevi sur la question de savoir s’il y avait eu « un appel téléphonique […] ou un courrier électronique au cours de cette période qui [lui] serait resté en mémoire comme un tournant dans la manière dont [elle] avait géré la situation », la présidente de la Commission a mentionné l’existence de contacts avec le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique
Pfizer, dont elle avait apprécié la « réaction personnelle ».
55 En troisième lieu, les requérantes estiment que le rapport spécial de la Cour des comptes européenne concernant l’achat des vaccins par l’Union dans le contexte de la pandémie de COVID-19 confirme le processus de négociation informel qui a été mené lors de la négociation des contrats en matière de vaccins dans le cadre de la pandémie de COVID-19, tel que décrit par la présidente de la Commission et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer dans les entretiens qu’ils ont
eus avec Mme Stevi. À cet égard, les requérantes relèvent que la Cour des comptes a procédé à une évaluation de la négociation desdits contrats et a constaté que la Commission n’avait fourni aucune information sur les négociations préliminaires des contrats susmentionnés, telle que le calendrier des négociations, les procès-verbaux des discussions et les détails des modalités convenues.
56 Il ressort notamment du rapport susmentionné que, « [a]u cours du mois de mars 2021, la présidente de la Commission a mené des négociations préliminaires ayant pour objet un contrat avec Pfizer/BioNTech ». Par ailleurs, la Cour des comptes relève dans son rapport qu’« [elle n’a] reçu aucune information sur les négociations préliminaires pour le plus important contrat de l’[Union] ».
57 En l’espèce, il découle de l’ensemble de ces indices que les requérantes ont produit des éléments pertinents et concordants qui décrivent l’existence d’échanges, en particulier de messages texte, entre la présidente de la Commission et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer, dans le cadre de l’achat de vaccins par la Commission à ladite entreprise dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
58 Il résulte de ce qui précède que les requérantes ont réussi à renverser la présomption de non-existence et, par voie de conséquence, ainsi qu’il ressort du point 48 ci-dessus, de non-possession des documents demandés.
– Sur les explications fournies par la Commission
59 Il importe de rappeler que l’exercice effectif du droit d’accès aux documents, qui découle de l’impératif de transparence, suppose que les institutions concernées procèdent, dans toute la mesure du possible et de manière non arbitraire et prévisible, à l’établissement et à la conservation de la documentation concernant leurs activités. Autrement dit, il découle du droit d’accès aux documents détenus par l’institution concernée que cette dernière a l’obligation d’assurer également leur
conservation dans le temps, rattachée à l’obligation de bonne administration consacrée à l’article 41 de la Charte, sans préjudice, bien entendu, d’autres conditions de droit applicables, telles que celles relatives à la protection des données (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, Dehousse/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/17, EU:T:2019:632, point 47 et jurisprudence citée). De même, l’obligation de diligence, qui est inhérente au principe de bonne administration et qui exige
de l’administration de l’Union qu’elle agisse avec soin et prudence dans ses relations avec le public, implique que ladite administration mène les recherches des documents auxquels l’accès est demandé avec tous les soins possibles, en vue de dissiper les doutes qui existent et de clarifier la situation (voir, par analogie, arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, points 34 et 114).
60 Par conséquent, ainsi qu’il ressort du point 40 ci-dessus, lorsque la Commission ne peut plus se prévaloir de la présomption de véracité qui s’attache à sa déclaration selon laquelle elle n’est pas en possession des documents demandés, elle est tenue, en vertu du principe de transparence et de l’obligation de diligence qui inspirent le droit d’accès aux documents et impliquent que l’administration de l’Union agisse avec soin et prudence, de fournir des explications plausibles permettant au
demandeur d’accès, ainsi qu’au Tribunal, de comprendre la raison pour laquelle les documents demandés n’ont pas pu être retrouvés.
61 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a indiqué ne pas être en possession des documents demandés malgré de nouvelles recherches approfondies. Elle a constaté, à cet égard, que le règlement no 1049/2001 ne saurait être invoqué afin d’obliger une institution à créer un document qui n’existe pas. En outre, la Commission a mentionné l’article 3, sous a), dudit règlement, qui définit la notion de « document » au sens de ce règlement, ainsi que l’article 7, paragraphe 1, de
la décision (UE) 2021/2121 de la Commission, du 6 juillet 2020, concernant la gestion des documents d’activité et les archives (JO 2021, L 430, p. 30), dont il ressort que « [l]es documents [de la Commission] sont enregistrés s’ils contiennent des informations substantielles non éphémères ou s’ils nécessitent éventuellement une action ou un suivi de la Commission ou d’un de ses services ». La Commission a relevé que les messages texte auraient été enregistrés s’ils avaient répondu aux critères
prévus à l’article 7, paragraphe 1, de la décision 2021/2121. Elle a indiqué qu’aucun document relevant du champ d’application de la demande d’accès aux documents n’avait pu être identifié. Dès lors, la Commission a conclu que, étant donné qu’elle ne détenait aucun document correspondant à la demande d’accès, elle n’était pas en mesure de donner accès aux documents demandés.
62 En premier lieu, la Commission s’est limitée, dans la décision attaquée, à indiquer que, en dépit de nouvelles recherches approfondies, elle n’avait pu identifier aucun document relevant de la demande d’accès aux documents, sans préciser le champ ou les modalités de ces recherches. En effet, elle n’a pas précisé dans la décision attaquée les types de recherches qui auraient été effectués, ni les lieux éventuels de stockage de documents qui auraient été consultés.
63 En réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la Commission a indiqué que la déclaration figurant dans la décision attaquée selon laquelle elle avait effectué « une nouvelle recherche approfondie » signifiait qu’elle avait procédé à des recherches additionnelles à celles menées à la suite de la demande initiale. En outre, elle a relevé que les recherches avaient d’abord été réalisées dans les dossiers relatifs à la négociation des contrats concernant l’achat de vaccins par elle dans le
cadre de la pandémie de COVID‑19, mais que, étant donné que ces recherches n’avaient pas donné de résultats, son secrétariat général était entré en contact avec le cabinet de sa présidente. Ce dernier avait d’abord vérifié, d’une part, si les documents demandés avaient été enregistrés dans un quelconque dossier pertinent et, d’autre part, si de tels documents pouvaient éventuellement exister hors du système de gestion des documents d’activité de la Commission.
64 Par ailleurs, en annexe à la duplique, la Commission a présenté une déclaration du chef de cabinet de sa présidente qui indiquait que « le cabinet de [de cette dernière] ne dét[enait] aucun document relevant du champ d’application de la demande d’accès des requérantes ».
65 À cet égard, il y a lieu de relever que, lors de l’audience, la Commission a indiqué ne pas être en mesure de préciser quels étaient les lieux de stockage de documents qui avaient été examinés par le cabinet de sa présidente. En outre, la Commission n’a fourni aucune indication quant aux lieux étrangers au système de gestion des documents qui auraient été consultés. Enfin, la Commission n’a pas précisé si le cabinet de sa présidente avait effectué une recherche des documents demandés dans le ou
les téléphones portables mis à la disposition de cette dernière ou si ceux-ci avaient été pris en considération lors des recherches effectuées à la suite de la demande initiale et de la demande confirmative.
66 Interrogée sur ce point lors de l’audience, la Commission a affirmé ne pas être en mesure d’apporter de nouveaux éléments en ce qui concernait les recherches effectuées, ni même de préciser de quelle manière celles-ci avaient été faites et si la présidente de la Commission avait été interrogée au sujet de l’existence des documents demandés.
67 Toutefois, la Commission soutient que les modalités de recherche des documents demandés n’ont aucune incidence sur la question de savoir si elle détenait ou non ces documents. Cependant, en l’absence d’explications précises sur la manière dont les documents demandés ont été recherchés, l’institution concernée manque à son devoir de fournir des explications plausibles de la non-possession de documents qui ont existé dans le passé (voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2020, Dehousse/Cour de
justice de l’Union européenne, T‑857/19, non publié, EU:T:2020:513, point 97).
68 Par conséquent, les explications avancées par la Commission tant dans la décision attaquée que dans le cadre de la présente procédure en ce qui concerne les recherches effectuées pour trouver les documents demandés ne suffisent pas à expliquer de façon crédible les raisons pour lesquelles ces documents n’ont pas pu être retrouvés.
69 En deuxième lieu, la Commission constate dans la décision attaquée que le règlement no 1049/2001 ne saurait être invoqué afin d’obliger une institution à créer un document qui n’existe pas, suggérant ainsi la possibilité que ces documents n’existent pas ou n’existent plus, sans toutefois préciser les raisons d’une telle inexistence.
70 En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a indiqué, en ce qui concernait les messages texte, que ce type de communications, à la différence des courriers électroniques qui étaient échangés au sein de la Commission, n’étaient pas automatiquement supprimées après une période raisonnable, mais que la personne concernée pouvait les supprimer manuellement. La Commission n’a cependant pas indiqué si les messages texte demandés avaient été ou non supprimés.
71 En outre, en réponse à une autre question écrite que le Tribunal lui a adressée, la Commission a signalé que les téléphones portables de ses membres étaient obligatoirement remplacés, pour des raisons de sécurité, après une période raisonnable d’utilisation. Toutefois, la Commission n’a pas confirmé si le ou les téléphones portables mis à la disposition de sa présidente avaient été remplacés depuis l’introduction de la demande d’accès aux documents ou s’ils avaient été remplacés entre les
recherches effectuées à la suite de la demande initiale et de la demande confirmative. Interrogée sur ce point lors de l’audience, la Commission a affirmé qu’elle présumait que le téléphone portable de sa présidente avait été remplacé depuis l’introduction de la demande initiale, dans la mesure où il s’agissait d’une règle obligatoire pour des raisons de sécurité. Par ailleurs, elle a indiqué qu’elle supposait que le téléphone portable actuellement mis à la disposition de sa présidente n’était
pas le même que celui dont cette dernière disposait en avril 2021, mais qu’elle ne pouvait pas confirmer si le contenu de ce nouveau téléphone portable correspondait ou non à celui de l’ancien.
72 Ainsi, il demeure impossible de savoir avec certitude, d’une part, si les messages texte demandés existent toujours ou s’ils ont été supprimés et si, le cas échéant, une telle suppression a eu lieu volontairement ou automatiquement et, d’autre part, si le ou les téléphones portables de la présidente de la Commission ont été remplacés et, dans ce cas, ce qu’il est advenu de ces appareils, ou encore s’ils ont fait l’objet des recherches effectuées à la suite de la demande initiale et de la demande
confirmative.
73 Dans ces circonstances, les explications de la Commission, qui sont fondées sur des suppositions, ne sauraient être considérées comme étant plausibles.
74 En troisième lieu, la décision attaquée se réfère à l’article 7, paragraphe 1, de la décision 2021/2121, suivi du constat selon lequel « les messages texte auraient été enregistrés s’ils avaient contenu des informations substantielles qui n’étaient pas éphémères ou s’ils avaient pu impliquer une action ou un suivi de la part de la Commission ou de l’un de ses services conformément à ses règles en matière d’enregistrement des documents ».
75 Il y a lieu de relever que la décision attaquée ne précise pas de manière explicite si les documents demandés ne sont pas en possession de la Commission parce qu’ils n’ont pas été enregistrés dans son système de gestion des documents d’activité. Par ailleurs, elle n’indique pas non plus de manière univoque si les documents demandés n’ont pas été enregistrés car ils étaient éphémères et non substantiels et n’avaient pas besoin d’un suivi de la part de la Commission ou de l’un de ses services.
76 Ce n’est que dans ses écritures et lors de l’audience que la Commission a relevé que les messages texte demandés ne contenaient pas d’informations importantes ou non éphémères ou nécessitant un suivi de sa part ou de celle de ses services, ce qui expliquerait que, lors des recherches effectuées à la suite de la demande initiale et de la demande confirmative, aucun message texte couvert par la demande d’accès aux documents introduite par Mme Stevi n’avait été identifié.
77 La Commission fait valoir qu’il est matériellement impossible d’enregistrer et de conserver tous les documents qu’elle établit et qu’elle reçoit compte tenu du grand nombre de fichiers numériques qui sont générés par ses activités quotidiennes et que, partant, conformément à sa politique interne de gestion des documents d’activité, sont enregistrés et conservés uniquement les documents qui contiennent des informations substantielles non éphémères ou nécessitant un suivi.
78 À cet égard, la Commission a indiqué au soutien de son argumentation, lors de l’audience, que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 novembre 2024, Kargins/Commission (T‑110/23, non publié, EU:T:2024:805), le Tribunal avait relevé que, si l’exercice effectif du droit d’accès aux documents supposait que les institutions concernées procèdent, dans toute la mesure du possible et de manière non arbitraire et prévisible, à la conservation de la documentation concernant leurs activités, les
communications internes et les projets relatifs à un document tel qu’une lettre ne pouvaient eux-mêmes avoir une importance ou une nature extraordinaire qui auraient justifié leur enregistrement et leur conservation.
79 Il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 41 ci-dessus, que l’exercice effectif du droit d’accès aux documents suppose que les institutions concernées procèdent, dans toute la mesure du possible et de manière non arbitraire et prévisible, à l’établissement et à la conservation de la documentation concernant leurs activités. Ainsi, les institutions ne sauraient priver de toute substance le droit d’accès aux documents qu’elles détiennent en s’abstenant de procéder à l’enregistrement de
la documentation concernant leurs activités (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2024, Herbert Smith Freehills/Commission, T‑570/22, non publié, EU:T:2024:644, point 76).
80 Par ailleurs, les faits de la présente affaire se distinguent de ceux de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 novembre 2024, Kargins/Commission (T‑110/23, non publié, EU:T:2024:805). En effet, d’une part, la partie requérante dans l’affaire susmentionnée n’était pas parvenue à renverser la présomption de non-existence des documents demandés, contrairement aux requérantes dans la présente affaire (voir point 57 ci-dessus).
81 D’autre part, en l’espèce, la Commission n’a pas exposé la raison pour laquelle elle était parvenue à la conclusion que des messages texte échangés entre sa présidente et le président-directeur général de l’entreprise pharmaceutique Pfizer dans le contexte de l’achat de vaccins par cette institution dans le cadre de la pandémie de COVID-19 n’avaient pas été considérés comme contenant des informations substantielles non éphémères ou nécessitant un suivi de sa part ou de celle de l’un de ses
services, concernant une matière relative aux politiques, activités et décisions relevant de sa compétence.
82 En tout état de cause, même à supposer que de tels messages n’aient pas contenu d’informations substantielles non éphémères ou nécessitant un suivi de sa part ou de celle de l’un de ses services qui auraient justifié leur enregistrement et, dès lors, leur conservation, la Commission aurait toutefois dû fournir des explications plausibles permettant d’arriver à cette conclusion.
83 Or, sur ce dernier point, d’une part, il convient de constater que la Commission ne saurait se prévaloir uniquement de l’absence d’enregistrement dans son système de gestion des documents demandés pour établir qu’elle ne détenait pas lesdits documents, sans aucune autre explication. D’autre part, ainsi qu’il ressort des points 62 à 73 ci-dessus, les explications de la Commission sur ce qu’il est advenu des documents qui existaient ou étaient censés avoir existé par le passé sont fondées sur des
suppositions ou des affirmations imprécises et ne sauraient, dès lors, être considérées comme étant plausibles.
– Conclusion
84 Par conséquent, force est de constater que la Commission n’a fourni dans la décision attaquée aucune explication plausible permettant de comprendre la raison pour laquelle elle n’avait pas pu retrouver les documents demandés. Les explications exposées par la Commission en réponse aux questions posées dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, et réitérées au cours de l’audience, à les supposer pertinentes pour apprécier la légalité de la décision attaquée, ne répondent pas non
plus à ce qui est requis, dès lors qu’elles ne permettent pas de savoir ce qu’il est concrètement advenu des documents demandés.
85 La présomption de non-existence des documents demandés ayant été renversée, il appartenait à la Commission, ainsi qu’il ressort du point 40 ci-dessus, de fournir une explication plausible permettant de comprendre la raison pour laquelle elle n’avait pas pu retrouver les documents demandés, qui étaient censés avoir existé par le passé, mais n’existaient plus à la date de la demande d’accès aux documents, ou, à tout le moins, n’avaient pas pu être retrouvés. Or, comme il résulte de l’examen
précédent, en substance, la Commission s’est bornée à indiquer qu’elle ne détenait pas les documents demandés. Dans ces conditions, il convient de conclure que la Commission a manqué aux obligations lui incombant lors du traitement de la demande d’accès aux documents, telles que rappelées au point 59 ci-dessus, et a ainsi violé le principe de bonne administration prévu à l’article 41 de la Charte.
86 Par conséquent, le troisième moyen doit être accueilli et la décision attaquée annulée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du recours ni sur la demande de mesure d’instruction des requérantes.
Sur les dépens
87 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérantes.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (grande chambre)
déclare et arrête :
1) La décision C(2022) 8371 final de la Commission européenne, du 15 novembre 2022, adoptée au titre de l’article 4 des dispositions concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, est annulée.
2) La Commission est condamnée aux dépens.
van der Woude
Papasavvas
da Silva Passos
Svenningsen
Truchot
Mastroianni
Kanninen
Schwarcz
Nihoul
Martín y Pérez de Nanclares
Hesse
Sampol Pucurull
Stancu
Nõmm
Kecsmár
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 2025.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.