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07/05/2025 | CJUE | N°T-1088/23

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, RTL Group Markenverwaltungs GmbH contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle., 07/05/2025, T-1088/23


 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

7 mai 2025 ( *1 )

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative RTL – Absence d’usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Production de faits et de preuves pour la première fois devant la chambre de recours – Article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 – Article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 – Abus de droit »

Dans l’affaire T‑1088/23,<

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RTL Group Markenverwaltungs GmbH, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Mes W. Prinz et I. Leroux, avocats,

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 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

7 mai 2025 ( *1 )

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative RTL – Absence d’usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Production de faits et de preuves pour la première fois devant la chambre de recours – Article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 – Article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 – Abus de droit »

Dans l’affaire T‑1088/23,

RTL Group Markenverwaltungs GmbH, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Mes W. Prinz et I. Leroux, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Ringelhann, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Marcella Örtl, demeurant à Selb (Allemagne), représentée par Me J. Pröll, avocat,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. E. Buttigieg (rapporteur) et Mme B. Ricziová, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 24 octobre 2024,

rend le présent

Arrêt

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, RTL Group Markenverwaltungs GmbH, demande l’annulation ou la réformation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 19 septembre 2023 (affaire R 86/2023-2) (ci-après la « décision attaquée »).

Antécédents du litige

2 Le 26 mai 2016, la requérante a obtenu auprès de l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], l’enregistrement de la marque de l’Union européenne figurative enregistrée sous le numéro 14884911, représentée ci-après :

Image

3 Les produits et les services pour lesquels la marque a été enregistrée relèvent des classes 3, 6, 8, 9, 12, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 28, 30, 32, 33, 35, 38, 41, 42, 43 et 45 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4 Le 7 juin 2021, l’intervenante, Mme Marcella Örtl, a introduit une demande de déchéance de la marque contestée sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits et les services pour lesquels elle avait été enregistrée pendant une période ininterrompue de cinq ans.

5 Le 27 août 2021, la requérante a présenté des observations devant la division d’annulation et a produit des éléments de preuve de la renommée et de l’usage de la marque contestée.

6 Par décision du 16 novembre 2022, la division d’annulation a fait partiellement droit à la demande en déchéance pour certains produits et services pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée.

7 Le 13 janvier 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO en demandant une annulation partielle de la décision de la division d’annulation, dans la mesure où cette dernière avait prononcé la déchéance de la marque contestée pour les produits et les services relevant des classes 3, 9, 16, 24, 25, 32, 35, 41, 42 et 45 et correspondant à la description suivante :

– classe 3 : « Savons, produits de parfumerie ; cosmétiques » ;

– classe 9 : « Appareils pour l’enregistrement sons et images ; appareils pour la transmission du son ou des images ; appareils pour la reproduction du son ou des images ; appareils pour la vidéo à la demande (VAD) ; appareils pour d’autres offres de consultation ; appareils pour la télévision à péage ; appareils pour la télévision interactive ; équipements pour le téléachat ; appareils cinématographiques ; appareils photo ; mécanismes pour appareils à prépaiement, compris dans la classe 9 ;
disques acoustiques ; plaquettes de mémoire optiques (son et images), tous les produits précités sous forme enregistrée ou non » ;

– classe 16 : « Produits de l’imprimerie ; livres ; journaux ; périodiques ; papiers, cartons ; feuilles de papier pour la prise de notes » ;

– classe 24 : « Étoffes, y compris tissus, produits textiles et succédanés des matières textiles » ;

– classe 25 : « Vêtements » ;

– classe 32 : « Bières et produits de brasserie ; eaux minérales [boissons] ; eaux gazeuses ; boissons sans alcool ; boissons aux fruits ; jus » ;

– classe 35 : « Services de publicité, de marketing et de promotion » ;

– classe 41 : « Services dans le cadre de la promotion des talents, à savoir recherche de talents pour le compte de tiers par la réalisation de séminaires, formations, réunions, exercices et spectacles » ;

– classe 42 : « Développement de logiciels de banques de données (programmation) pour fourniture d’informations sur l’internet et d’autres supports audiovisuels ainsi que création de pages d’accueil et de pages web sur l’internet et d’autres supports audiovisuels ; conseils techniques orientés sur le développement, la conception, la production et la diffusion d’émissions de télévision et de radiophonie et de banques de données ainsi que de représentations sur l’internet et autres supports
audiovisuels » ;

– classe 45 : « Services de réseautage social en ligne ; services en ligne de rencontres sociales ; organisation de célébrations de mariage ».

8 Le mémoire exposant les motifs du recours est parvenu à l’EUIPO le 15 mars 2023. L’intervenante n’a pas présenté d’observations sur ce mémoire. Le 15 septembre 2023, la requérante a présenté des observations complémentaires.

9 Par la décision attaquée, la chambre de recours a, d’une part, déclaré la demande en déchéance recevable et, d’autre part, annulé partiellement la décision de la division d’annulation pour autant que celle-ci avait déclaré la déchéance de la marque contestée pour les « plaquettes de mémoire optiques », relevant de la classe 9, les services de « diffusion de publicités par la télévision, la radio et les médias électroniques », relevant de la classe 35, et les « services de réseautage social en
ligne ; services en ligne de rencontres sociales », relevant de la classe 45, et a rejeté le recours pour le surplus.

Conclusions des parties

10 Eu égard à la précision de ses conclusions apportées lors de l’audience, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ou, le cas échant, la réformer en ce sens que la demande de déchéance de la marque contestée est rejetée pour les produits relevant de la classe 3, de la classe 9, à l’exception des « plaquettes de mémoire optiques (son et images) », ainsi que des classes 16, 24, 25 et 32, et l’ensemble des services relevant des classes 35, 41 et 42, pour lesquels cette marque avait été enregistrée (voir point 7 ci-dessus) ;

– condamner l’EUIPO aux dépens.

11 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– si une audience est organisée, condamner la requérante aux dépens.

12 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

13 À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens. Les premier, deuxième et troisième moyens sont tirés de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, en ce que la chambre de recours aurait commis des erreurs de droit et d’appréciation en confirmant la déchéance de la marque contestée pour les produits et services relevant des différentes classes pour lesquels celle-ci avait été enregistrée, et, en substance, de la violation de l’article 95,
paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1). Le quatrième moyen porte, en substance, sur la violation de l’article 63, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, en ce que la chambre de recours aurait considéré, à tort, que l’abus de droit prétendument commis par
l’intervenante en raison de l’introduction des demandes en déchéance n’était pas pertinent s’agissant de l’examen de ces demandes.

14 Le Tribunal estime opportun d’examiner, tout d’abord, le quatrième moyen, ensuite, le premier moyen et, enfin, conjointement, les deuxième et troisième moyens.

Observations liminaires

15 Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de juste motif pour son non-usage.

16 Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité de l’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, afin de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557,
point 38 et jurisprudence citée).

17 Par ailleurs, il résulte d’une lecture combinée de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 et de l’article 58, paragraphe 2, dudit règlement que la preuve de l’usage sérieux doit en principe porter sur l’intégralité des produits ou des services pour lesquels une marque contestée est enregistrée. Si la preuve de l’usage sérieux n’est apportée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels une marque contestée est enregistrée et si les autres conditions prévues
par l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 sont réunies, son titulaire peut être déclaré déchu de ses droits pour les produits ou les services pour lesquels il n’a pas apporté la preuve d’un usage sérieux, voire aucune preuve d’usage du tout [arrêt du 18 octobre 2016, August Storck/EUIPO – Chiquita Brands (Fruitfuls), T‑367/14, non publié, EU:T:2016:615, point 21].

18 Si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou services n’emporte protection que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée [arrêts du 14 juillet 2005, Reckitt
Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, EU:T:2005:288, point 45, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 23].

19 L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage
de la marque [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].

20 En outre, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28].

21 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si c’est sans commettre d’erreurs de droit ou d’appréciation que la chambre de recours a confirmé la déchéance partielle de la marque contestée, s’agissant des produits et des services relevant des classes 3, 9, 16, 24, 25, 32, 35, 41 et 42.

22 En l’espèce, tant la division d’annulation que la chambre de recours ont considéré la période comprise entre le 7 juin 2016 et le 6 juin 2021 comme étant la période de cinq ans pour laquelle il incombait à la requérante de démontrer un usage sérieux de la marque contestée, ce qu’elle ne conteste pas.

Sur le quatrième moyen, tiré d’un abus de droit

23 La chambre de recours a considéré, aux points 18 et 19 de la décision attaquée, que l’article 63, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 n’exigeait pas du demandeur en déchéance qu’il démontre un intérêt à agir. Ainsi, elle a relevé qu’un tel intérêt à agir ou un intérêt économique n’étaient pas pertinents aux fins de l’appréciation de la recevabilité d’une demande en déchéance. En outre, aux points 20 et 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé qu’aucun indice ne
permettait de conclure que l’intervenante avait introduit la demande en déchéance d’une manière constitutive d’un abus de droit.

24 La requérante conteste cette conclusion de la chambre de recours et, en s’appuyant sur la jurisprudence et sur une décision rendue par la grande chambre de recours de l’EUIPO, soutient que, dans certaines circonstances, le caractère abusif de la demande en déchéance peut conduire à l’irrecevabilité de cette dernière. La requérante réfute également la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il n’existait pas d’indices permettant de conclure que la demande en déchéance avait été
introduite de manière abusive.

25 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

26 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 63, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, une demande de déchéance d’une marque de l’Union européenne peut être présentée auprès de l’EUIPO dans les cas définis aux articles 58 et 59 de ce règlement par toute personne physique ou morale ainsi que par tout groupement constitué pour la représentation des intérêts de fabricants, de producteurs, de prestataires de services, de commerçants ou de consommateurs qui, aux termes de
la législation qui lui est applicable, a la capacité d’ester en justice.

27 Selon la jurisprudence, alors que les motifs relatifs de refus d’enregistrement protègent les intérêts des titulaires de certains droits antérieurs, les motifs absolus de refus d’enregistrement et les causes de déchéance ont pour objet la protection de l’intérêt général qui les sous-tend, ce qui explique que l’article 63, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 n’exige pas du demandeur qu’il démontre un intérêt à agir [voir arrêt du 16 novembre 2017, Carrera Brands/EUIPO – Autec (Carrera),
T‑419/16, non publié, EU:T:2017:812, point 33 et jurisprudence citée].

28 Cette analyse est corroborée par le considérant 24 du règlement 2017/1001, qui prévoit la protection des marques de l’Union européenne seulement dans la mesure où ces dernières sont effectivement utilisées. En effet, à la lumière d’une telle considération apparaît la finalité de l’article 63, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, qui est d’offrir la possibilité de contester une marque de l’Union européenne n’ayant pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une durée déterminée au plus
large éventail de personnes, sans exiger qu’elles démontrent un intérêt à agir (voir arrêt du 16 novembre 2017, Carrera, T‑419/16, non publié, EU:T:2017:812, point 34 et jurisprudence citée).

29 Dans la mesure où, en vertu de l’article 63, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, une demande en déchéance peut être présentée par « toute personne physique ou morale » pour cause d’absence d’usage ou d’usage insuffisant d’une marque, la question de la possible existence d’un abus de droit n’est pas pertinente aux fins de l’analyse de la recevabilité d’une demande en déchéance introduite conformément à cette disposition [voir arrêt du 7 septembre 2022, Peace United/EUIPO – 1906 Collins
(MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN), T‑699/21, non publié,EU:T:2022:528, point 24 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du 19 janvier 2021, Leinfelder Uhren München/EUIPO, C‑401/20 P, non publiée, EU:C:2021:31, point 21].

30 Par ailleurs, l’article 63, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 ne subordonne ni la recevabilité ni le bien-fondé d’une demande en déchéance à la bonne foi du demandeur. La déchéance pour le non-usage d’une marque pendant la période de cinq ans prévue est une conséquence légale imposée par l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 et par l’article 64, paragraphe 2, de ce règlement, sans que son titulaire obtienne le droit d’en conserver l’enregistrement du fait que le
demandeur en déchéance se livre par ailleurs à des actes de concurrence déloyale [voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 2 septembre 2020, DTE Systems/EUIPO – Speed-Buster (PedalBox +), T‑801/19, non publiée, EU:T:2020:383, point 38 et jurisprudence citée].

31 Certes, ainsi que le relève la requérante, il ressort de la jurisprudence que les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2016, Kratzer, C‑423/15, EU:C:2016:604, point 37).

32 La requérante considère que, en application du principe dégagé par cette jurisprudence, l’introduction d’une demande en déchéance peut, dans des circonstances exceptionnelles et spécifiques, telles que celles à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à la décision de la grande chambre de recours du 1er février 2020 (affaire R 2445/2017-G, ci-après l’« affaire Sandra Pabst »), constituer une pratique abusive ou s’inscrire dans une telle pratique.

33 Toutefois, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, en substance, au point 21 de la décision attaquée, les faits de la présente affaire ne sont pas comparables à ceux de l’affaire Sandra Pabst, dès lors que cette dernière se caractérisait par des circonstances exceptionnelles, absentes de la présente affaire. En effet, premièrement, l’affaire Sandra Pabst concernait une société artificiellement créée dans l’unique but d’introduire de multiples demandes en déchéance, ce qui n’est
pas le cas de l’intervenante dans la présente affaire. Deuxièmement, elle concernait l’introduction quasi simultanée, par une seule société, de 37 demandes en déchéance à l’encontre d’une même partie ainsi que de multiples demandes en déchéance auprès de l’EUIPO (850 demandes sur une période de deux ans), tandis que, en l’espèce, la requérante se réfère uniquement aux deux demandes en déchéance introduites devant l’EUIPO concernant ses marques.

34 Troisièmement, la grande chambre de recours a relevé, dans l’affaire Sandra Pabst, que certaines des nombreuses demandes en déchéance concernées étaient vouées à l’échec et étaient uniquement utilisées dans le but d’exercer des pressions ou en tant que « mesure de rétorsion » en réponse à l’échec de négociations ayant pour objectif l’acquisition des marques en cause par le demandeur en déchéance et donc afin d’obtenir un avantage indu en forçant le titulaire de ces marques à conclure un accord de
cessation de celles-ci. La requérante ne démontre pas que de telles circonstances existaient en l’espèce. En effet, la connaissance par l’intervenante de l’usage de la marque contestée dans le secteur des médias, invoquée par la requérante, en raison de la renommée de celle-ci, ne permet pas de démontrer à elle seule que la demande de déchéance de cette marque pour les produits et services n’ayant pas de rapport évident avec le secteur des médias était vouée à l’échec et servait donc uniquement à
faire peser une charge indue sur elle ou à lui mettre une pression quelconque. Au contraire, le fait pour l’intervenante d’avoir l’intention d’utiliser une marque susceptible de créer une confusion en raison des similitudes avec la marque contestée, qui ressort d’un litige sur l’opposition de la requérante à l’enregistrement d’une marque déposée par l’intervenante devant le Deutsche Patent- und Markenamt (Office des brevets et des marques allemand), démontre l’intérêt réel de cette dernière à ce
que le registre des marques soit « mis à jour » en ce qui concerne l’étendue du monopole détenu par la requérante sur la marque contestée, et ce conformément au considérant 24 du règlement 2017/1001, selon lequel il n’est justifié de protéger les marques de l’Union européenne que dans la mesure où ces dernières sont effectivement utilisées.

35 Au vu de ce qui précède, c’est sans commettre d’erreur de droit ou d’appréciation que la chambre de recours a rejeté l’allégation de la requérante concernant l’irrecevabilité de la demande en déchéance en raison du prétendu caractère abusif de cette demande. Partant, le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, en ce qui concerne la déchéance de la marque contestée pour les services de publicité, de marketing et de promotion autres que la « diffusion de publicités par la télévision, la radio et les médias électroniques », relevant de la classe 35, et de l’article 95, paragraphe 2, de ce règlement

36 La requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 en concluant qu’elle n’avait pas démontré l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de publicité, de marketing et de promotion autres que la « diffusion de publicités par la télévision, la radio et les médias électroniques », relevant de la classe 35.

37 Dans ce cadre, la requérante conteste également le refus, par la chambre de recours, de tenir compte des observations et des éléments de preuve qu’elle avait présentés devant elle le 15 septembre 2023 (voir point 8 ci-dessus). La requérante a confirmé lors de l’audience que ces arguments devaient être compris, ainsi que les a interprétés l’EUIPO, comme visant à faire valoir une violation par la chambre de recours de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, tel que précisé par
l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625.

38 Il convient d’examiner tout d’abord le bien-fondé de la conclusion de la chambre de recours visant à exclure de son examen les observations et les éléments de preuve présentés par la requérante le 15 septembre 2023.

Sur le refus de tenir compte des observations et des éléments de preuve présentés par la requérante le 15 septembre 2023

39 La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur de procédure en ne tenant pas compte des observations et des éléments de preuve qu’elle avait présentés devant elle le 15 septembre 2023, venant compléter les éléments de preuve déjà produits devant la division d’annulation et dans le mémoire exposant les motifs du recours. En particulier, la chambre de recours n’aurait pas exercé son pouvoir d’appréciation à cet égard.

40 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante et fait valoir que la possibilité pour la chambre de recours de prendre en considération des faits et preuves produits pour la première fois devant elle, au sens de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, vise nécessairement les seules pièces produites en conformité, notamment, avec les dispositions des articles 22, 24 et 26 de ce même règlement. Étant donné que la requérante a produit les observations et les preuves en cause en
dehors du mémoire d’exposé des motifs du recours ou d’une éventuelle réplique, la chambre de recours n’était pas tenue d’examiner leur recevabilité conformément aux dispositions respectives de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625.

41 L’intervenante soutient que, dans la mesure où les observations du 15 septembre 2023 ont été présentées en dehors des délais de procédure fixés pour formuler des observations, c’est à juste titre que la chambre de recours ne les a pas prises en considération dans sa décision.

42 La chambre de recours a décidé, au point 13 de la décision attaquée, qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte du mémoire de la requérante du 15 septembre 2023, en motivant cette conclusion par une référence à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, à l’article 68, paragraphe 1, quatrième phrase, de ce même règlement et à l’article 26 du règlement délégué 2018/625.

43 Il ressort de cette motivation, en substance, ainsi que l’a confirmé l’EUIPO lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, que la chambre de recours a considéré que, le mémoire du 15 septembre 2023 n’ayant pas été produit en temps utile (voir article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), à savoir dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision de la division d’annulation (voir article 68, paragraphe 1, quatrième phrase, du règlement 2017/1001),
ou, sur demande motivée, dans une réplique au mémoire en réponse de l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours (voir article 26 du règlement délégué 2018/625), il y avait lieu de l’écarter de son examen.

44 À cet égard, il convient de relever que l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 prévoit que l’EUIPO peut ne pas tenir compte des preuves que les parties n’ont pas produites en temps utile.

45 Il découle du libellé de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement 2017/1001 et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits (voir arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systhemtechnik/OHMI et
centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 77 et jurisprudence citée).

46 En précisant que l’EUIPO « peut » décider de ne pas tenir compte de telles preuves, l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 investit celui-ci d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (voir arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 78 et jurisprudence citée ; arrêt du 24 janvier 2018,
EUIPO/European Food, C‑634/16 P, EU:C:2018:30, point 56).

47 Une éventuelle prise en compte de tels faits et éléments de preuve supplémentaires ne constitue en aucune manière une « faveur » accordée à l’une ou à l’autre partie, mais doit incarner le résultat d’un exercice objectif et motivé du pouvoir d’appréciation dont l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 investit l’EUIPO (voir arrêt du 24 janvier 2018, EUIPO/European Food, C‑634/16 P, EU:C:2018:30, point 58 et jurisprudence citée).

48 L’exercice du pouvoir d’appréciation de l’EUIPO prévu à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 est encadré par l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, qui a pour objet, conformément au considérant 8 de ce règlement délégué, de fixer avec précision les limites du pouvoir discrétionnaire des chambres de recours de l’EUIPO en ce qui concerne l’examen des preuves déposées tardivement.

49 Conformément à la jurisprudence, il appartient au Tribunal d’apprécier si la chambre de recours a exercé de manière effective le large pouvoir d’appréciation dont elle dispose pour décider, de manière motivée et en tenant dûment compte de l’ensemble des circonstances pertinentes, qu’il y avait lieu ou non de prendre en compte les faits invoqués ou les preuves produites pour la première fois devant elle afin de rendre la décision qu’elle était appelée à prendre [voir, en ce sens, arrêt du
30 novembre 2022, ADS L. Kowalik, B. Włodarczyk/EUIPO – ESSAtech (Accessoire pour télécommande sans fil), T‑611/21, EU:T:2022:739, point 36 et jurisprudence citée].

50 En l’espèce, il convient de relever que, ainsi que l’admet la requérante, ses observations du 15 septembre 2023 et les éléments de preuve qui y sont afférents n’ont été produits ni devant la division d’annulation ni dans le délai imparti pour déposer le mémoire d’exposé des motifs du recours. La requérante ne pouvait pas non plus solliciter l’autorisation pour déposer une éventuelle réplique conformément à l’article 26 du règlement délégué 2018/625, l’autre partie n’ayant pas répondu au mémoire
de l’exposé des motifs.

51 Toutefois, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 44 à 47 ci-dessus, dès lors que des faits et des preuves n’ont pas été invoqués et produits dans les délais impartis à cet effet à la requérante en vertu des dispositions du règlement 2017/1001, ni, partant, en temps utile au sens de l’article 95, paragraphe 2, dudit règlement, la chambre de recours devait exercer sa marge d’appréciation, telle qu’encadrée par l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, afin de décider
s’il y avait lieu ou non de prendre en compte ces éléments aux fins de la décision qu’elle était appelée à rendre.

52 Or, un tel exercice objectif et motivé du pouvoir d’appréciation au titre de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, au sens de la jurisprudence rappelée au point 47 ci-dessus, manque à l’évidence en l’espèce, dans la mesure où la chambre de recours a écarté les faits et les éléments de preuve présentés par la requérante le 15 septembre 2023 pour le seul motif qu’ils n’avaient pas été produits avec un des
mémoires visés aux articles 22, 24 et 26 du règlement délégué 2018/625, sans avoir examiné si les conditions visées à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, dans lesquelles de tels faits et éléments de preuve produits pour la première fois devant elle peuvent être acceptés, étaient remplies en l’espèce.

53 Contrairement à ce qui ressort de ce motif de la décision attaquée et à ce que soutient l’EUIPO, l’examen de la recevabilité des observations et des éléments de preuve produits pour la première fois devant la chambre de recours ne saurait être limité aux faits et preuves produits avec les mémoires visés aux articles 22, 24 et 26 du règlement délégué 2018/625.

54 Une telle limitation ne ressort ni de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 ni de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625. Cette dernière disposition, qui encadre le pouvoir discrétionnaire de la chambre de recours quant à la possibilité de refuser des faits et des preuves produits pour la première fois devant elle, prévoit à cet égard deux conditions, à savoir, d’une part, leur pertinence à première vue et, d’autre part, une présentation des raisons valables pour
la non-production en temps utile. L’EUIPO n’était en mesure d’indiquer, en réponse à une question orale du Tribunal, aucune autre disposition qui aurait été susceptible de constituer une « disposition contraire » au sens de la jurisprudence rappelée au point 45 ci-dessus permettant à la chambre de recours de ne pas exercer effectivement son pouvoir d’appréciation et de refuser des faits et des éléments de preuve produits pour la première fois devant elle du seul fait qu’ils avaient été produits
en dehors des mémoires prévus par le règlement délégué 2018/625.

55 Il convient d’en conclure que la chambre de recours a commis une erreur en écartant de son examen les observations et les éléments de preuve produits par la requérante le 15 septembre 2023 sans exercer, au regard des conditions prévues par l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, le pouvoir d’appréciation qui lui était conféré par l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

Sur l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services relevant de la classe 35

56 Aux points 33 à 39 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits par la requérante démontraient l’usage de la marque contestée pour une sous-catégorie des services de publicité, de marketing et de promotion relevant de la classe 35 pour lesquels cette marque avait été enregistrée, à savoir pour la « diffusion de publicités par la télévision, la radio et les médias électroniques ». Par conséquent, elle a annulé la décision de la division
d’annulation pour autant que celle-ci avait prononcé la déchéance de la marque contestée pour ces services et rejeté la demande en déchéance à leur égard.

57 En revanche, la chambre de recours a relevé que l’usage de la marque contestée n’avait pas été démontré pour d’autres sous-catégories de services de publicité, de marketing et de promotion relevant de la classe 35. Elle a relevé, d’une part, qu’une prestation des services publicitaires pour un client tiers faisait défaut (point 41 de la décision attaquée) et, d’autre part, que l’utilisation de la marque contestée sur des affiches publicitaires de tiers indiquait que l’émission présentée sur ces
affiches pouvait être regardée sur la chaîne télévisée du groupe auquel la requérante appartenait, mais n’indiquait pas que cette marque était utilisée aux fins de la prestation des services de publicité, de marketing et de promotion (point 42 de la décision attaquée).

58 La requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 en concluant qu’elle n’avait pas démontré l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de publicité, de marketing et de promotion relevant de la classe 35 autres que la « diffusion de publicités par la télévision, la radio et les médias électroniques ». En faisant référence notamment aux activités d’Ad Alliance (anciennement IP Deutschland), société agissant en tant
que « société de marketing » et en tant que régie publicitaire du groupe auquel elle appartient, la requérante soutient que les services fournis aux annonceurs relatifs à la publicité télévisée incluent la conception des stratégies publicitaires et la création des publicités en vue de leur diffusion sur une des chaînes de télévision dudit groupe.

59 La requérante soutient que, en ne prenant pas en compte les particularités des services de publicité, notamment à la télévision, liées à l’intervention de régies publicitaires telles qu’Ad Alliance, et en estimant que les services de publicité étaient fournis exclusivement par des agences de publicité, la chambre de recours a méconnu le fonctionnement du marché de la publicité télévisée.

60 L’EUIPO fait valoir que les éléments de preuve auxquels se réfère la requérante concernent l’usage de la marque contestée pour les services de « diffusion et [de] transmission d’émissions de télévision », relevant de la classe 38, et de « diffusion de publicités par la télévision, la radio et les médias électroniques », relevant de la classe 35. En tout état de cause, ces éléments de preuve, notamment les documents faisant référence à Ad Alliance et à IP Deutschland, ne démontreraient pas que les
services de publicité ont été fournis à des tiers.

61 L’intervenante fait valoir que la requérante ne fournit pas de services de publicité, mais se limite à mettre à disposition ses chaînes de télévision et de radiophonie par l’intermédiaire desquelles les annonceurs diffusent leurs publicités, ce qui relève des services visés dans la classe 38. Les services de publicité consisteraient en la production de spots publicitaires, en le développement de stratégies publicitaires et en la mise à disposition d’espaces ou de temps publicitaires. Or, ces
services relevant de l’activité classique des agences de publicité ne seraient pas fournis par la requérante. Les éléments de preuves présentés porteraient tout au plus sur une publicité réalisée dans un intérêt propre, à savoir afin d’attirer des clients pour les services de diffusion de la publicité fournis par la requérante.

62 À cet égard, à titre liminaire, il convient de rappeler que, premièrement, ainsi que l’ont fait, en substance, la division d’annulation à la page 34 de sa décision et la chambre de recours au point 31 de la décision attaquée, l’usage de la marque concernée par une société économiquement liée au titulaire de cette marque est présumé être un usage de ladite marque fait avec le consentement du titulaire de celle-ci et est donc à considérer comme fait par le titulaire même, conformément à
l’article 18, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2015, Now Wireless/OHMI – Starbucks (HK) (now), T‑278/13, non publié, EU:T:2015:57, point 38].

63 Partant, en l’espèce, l’usage de la marque contestée par les sociétés du groupe auquel appartient la requérante, telles qu’Ad Alliance, doit être considéré comme étant fait avec le consentement de la requérante et donc comme fait par celle-ci. Les éléments de preuve portant sur l’usage éventuel de la marque contestée par ces sociétés doivent donc être pris en compte aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de cette marque.

64 Deuxièmement, selon la jurisprudence, les « services de publicité, de marketing et de promotion », relevant de la classe 35, concernent, en substance, une activité de conseil et de soutien spécialisé à des entreprises qui cherchent à promouvoir et à développer leurs produits ou services. Partant, ceux-ci comprennent des services qui ont pour objectif de soutenir des entreprises tierces et de les aider à améliorer leurs activités en augmentant leur visibilité ou en obtenant de meilleurs revenus
[voir, en ce sens, arrêts du 2 juin 2016, Staywell Hospitality Group/EUIPO – Sheraton International IP (PARK REGIS) et Sheraton International IP/EUIPO – Staywell Hospitality Group (PARK REGIS), T‑510/14 et T‑536/14, non publié, EU:T:2016:333, point 54, et du 31 janvier 2024, ECE Group/EUIPO – ECE Piknik Ürünleri Plastik ve Kömür Üretim Ithalat Ihracat (ECE QUALITY OF LIFE), T‑581/22, non publié, EU:T:2024:47, point 45].

65 Afin de démontrer l’usage pour un service, celui-ci doit être proposé à des tiers et impliquer généralement une contre-prestation économique [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 30 septembre 2016, Alpex Pharma/EUIPO – Astex Pharmaceuticals (ASTEX), T‑355/15, non publié, EU:T:2016:591, points 37 et 38, et du 7 décembre 2022, Borussia VfL 1900 Mönchengladbach/EUIPO – Neng (Fohlenelf), T‑747/21, non publié, EU:T:2022:773, point 90].

66 Partant, il y a lieu d’examiner si les éléments de preuve présentés par la requérante au cours de la procédure administrative, relatifs notamment aux activités des sociétés du groupe auquel elle appartient, dont Ad Alliance, permettent de démontrer, ainsi que celle-ci le fait valoir, l’usage de la marque contestée pour les services de publicité, de promotion et de marketing, relevant de la classe 35, pour lesquels elle a été enregistrée, autres que les services de diffusion de publicités.

67 À cet égard, la requérante soutient que les services de publicité, qui seraient fournis sous couvert de la marque contestée, notamment par Ad Alliance, consistent en des services de conseil, de communication, de création et de réalisation des publicités.

68 En se référant aux arguments et aux éléments de preuve présentés, notamment, avec les mémoires du 27 août 2021 (voir point 5 ci-dessus) et du 15 mars 2023 (voir point 8 ci-dessus), produits au cours de la procédure administrative, la requérante indique qu’Ad Alliance fournit, en tant que services de publicité, de promotion et de marketing relevant de la classe 35, notamment, des services relatifs à la rentabilité d’un support publicitaire ou d’une campagne publicitaire, des services de conseil
tendant à identifier les émissions télévisées auxquelles les publicités pourraient être associées ainsi que des services relatifs à la conception des publicités, plus particulièrement s’agissant des publicités télévisées (« concepts sur mesure »). De tels services seraient comparables à l’activité d’une agence de publicité « classique ».

69 À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours dans la décision attaquée, les éléments de preuve produits par la requérante pendant la procédure administrative démontrent que le groupe auquel elle appartient, par l’intermédiaire des sociétés du groupe, notamment d’Ad Alliance, a fourni aux tiers contre rémunération pendant la période pertinente des services de publicité, de promotion et de marketing relevant de la classe 35 autres que la diffusion de
publicités.

70 En effet, premièrement, la requérante a démontré que les sociétés du groupe auquel elle appartenait avaient fourni aux annonceurs des services portant sur la création et la réalisation des publicités notamment télévisées.

71 À cet égard, elle a soumis des « présentations envoyées aux annonceurs » (voir, notamment, annexes 90 à 94 du mémoire du 27 août 2021), comportant la marque contestée, sous la forme enregistrée ou sous d’autres formes qui n’altèrent toutefois pas son caractère distinctif, exposant des offres de services pour des formes de publicité spécialisée (« Special Creations » ou « Special Ads »). De telles publicités spécialisées sont diffusées pendant une émission télévisée, par-dessus l’image de
l’émission en cours, et peuvent consister, notamment, en une bande horizontale ou verticale (« cut in »), en une publicité apparaissant en grande dimension comme un cadre conçu de manière individuelle ou en une publicité placée sans séparateur pendant le programme en cours (« framesplit » ou « programmesplit ») ou en une publicité se déplaçant sur l’écran (« skyscraper »).

72 Une forme de publicité spécialisée proposée dans les offres en cause pouvait également être conçue par la requérante en mettant en avant le produit de l’annonceur à l’aide d’un concept lié à une émission télévisée à succès diffusée sur une chaîne du groupe RTL, par exemple un produit « récompensé » par un « golden buzzer » (voir, notamment, annexes 92 et 93 du mémoire du 27 août 2021).

73 Cette forme de publicité spécialisée, envisagée afin de permettre à l’annonceur de profiter directement du succès d’une émission télévisée, implique une contribution créative dans la conception de la publicité qui est spécifique aux émissions diffusées par le groupe auquel appartient la requérante.

74 Par ailleurs, il ressort du document intitulé « Conditions de réservations Special Ads » (voir annexe 90 du mémoire du 27 août 2021) que « les coûts de production [des “Special Ads” ou des “Special Creations”] sont facturés séparément par le département de marketing du groupe RTL », ce qui confirme que de telles publicités spécialisées ne sont pas proposées en tant que diffusion du contenu publicitaire, mais constituent un service complémentaire de cette diffusion.

75 Dans le cadre du mémoire du 15 mars 2023, la requérante a également présenté des spots publicitaires datant de 2020 et 2021 visant à promouvoir des produits des annonceurs dans lesquels la marque contestée était utilisée en tant qu’élément du contenu publicitaire. À titre d’exemple, la publicité présentée par la requérante consistait en un rapprochement (zoom-in) des lettres de la marque contestée jusqu’à révéler que l’arrière-plan de la lettre majuscule « T » composant cette marque était
lui-même « composé » de la multiplication du produit visé par la publicité.

76 La prestation des services de publicité, de marketing et de promotion autres que la diffusion de publicités aux annonceurs sous couvert de la marque contestée est corroborée par d’autres éléments de preuve présentés notamment par le document intitulé « Conditions générales de vente » ou par des fiches techniques accompagnant des offres pour les services fournis (voir, notamment, annexes 111 et 134 du mémoire du 27 août 2021) desquelles il ressort que les départements de production média du groupe
auquel appartient la requérante accompagnent les annonceurs en concevant et en produisant du matériel publicitaire, y compris des spots publicitaires sonores et audiovisuels.

77 De tels services impliquent une contribution créative de la part des sociétés du groupe auquel la requérante appartient dans la conception des publicités. Par conséquent, contrairement à ce qu’a relevé la chambre de recours, ces services ne se limitent pas à la simple diffusion d’un contenu publicitaire créé par un tiers.

78 Deuxièmement, il ressort également des éléments de preuve produits (voir, notamment, annexes 92 à 94 du mémoire du 27 août 2021) que la requérante a proposé aux annonceurs ses services dans le domaine du développement des stratégies publicitaires dans les médias lui appartenant, en leur offrant la possibilité de participer à des opérations promotionnelles créées par le groupe auquel elle appartient telles que le parrainage lié à des émissions télévisées spécifiques ou le placement de produits
dans ces dernières.

79 Troisièmement, c’est également à juste titre que la requérante se réfère, afin de démontrer l’usage de la marque contestée pour les services de publicité, de marketing et de promotion, à ses activités de conseil tendant à identifier les émissions télévisées auxquelles les publicités pourraient être associées. En effet, ces activités peuvent contribuer à l’efficacité de la stratégie publicitaire de l’annonceur et garantir la protection de sa marque contre les impacts négatifs qui résulteraient de
son association à des contenus indésirables (brand safety). Le groupe auquel appartient la requérante conçoit donc l’« environnement publicitaire » de telle sorte qu’il offre une meilleure attractivité pour l’annonceur en contribuant ainsi à la rentabilité du support publicitaire qu’il lui propose.

80 Enfin, les éléments de preuve produits par la requérante démontrent que les sociétés du groupe auquel elle appartient, telles qu’Ad Alliance, ont fourni les services de conseil relatifs à la commercialisation de la publicité télévisée, notamment en exploitant les données relatives au marché de la publicité télévisée collectées par la requérante, et ce notamment afin d’adapter la stratégie publicitaire aux différents secteurs ou aux différents publics ciblés.

81 De tels services relèvent bien des services de conseil et de soutien spécialisé à des entreprises qui cherchent à promouvoir leurs produits et services et à développer leurs stratégies publicitaires et visent à aider ces entreprises à améliorer leurs activités en augmentant leur visibilité ou en obtenant de meilleurs retours sur l’investissement publicitaire au sens de la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus.

82 Il ressort des points 70 à 81 ci-dessus que, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours, les éléments de preuve produits par la requérante, et ce même sans tenir compte des éléments de preuve produits avec le mémoire du 15 septembre 2023, exclus par la chambre de recours de son examen (voir point 42 ci-dessus), démontrent que le groupe auquel elle appartient a fourni aux tiers, sous couvert de la marque contestée et pendant la période pertinente, des services de publicité, de promotion
et de marketing, lesquels ne se limitaient pas à une diffusion de publicités, mais visaient à contribuer activement au développement d’une stratégie publicitaire desdits tiers, et ce compte tenu de la connaissance dont disposaient les sociétés du groupe auquel elle appartient s’agissant du fonctionnement du secteur de la publicité dans les médias.

83 Dans ce contexte, il convient encore de relever qu’il ressort des éléments de preuve produits par la requérante dans le cadre de la procédure administrative que les chiffres d’affaires annuels provenant de la publicité télévisée du groupe auquel elle appartient s’élevaient à plusieurs milliards d’euros pendant la période pertinente et que ce groupe disposait de parts du marché publicitaire importantes dans différents États membres de l’Union, notamment en Allemagne. Dans la mesure où la
requérante a démontré avoir utilisé la marque contestée pour les services de publicité, de promotion et de marketing autres que la diffusion de publicités, une partie de ces recettes et de ces parts de marché doit donc être considérée comme provenant de la prestation de ces services.

84 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le premier moyen et, partant, de réformer la décision attaquée en rejetant la demande de déchéance de la marque contestée pour l’ensemble des services en cause relevant de la classe 35.

Sur les deuxième et troisième moyens, tirés de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 en ce qui concerne la déchéance de la marque contestée pour les produits relevant des classes 3, 9, 16, 24, 25 et 32 et les services relevant des classes 41 et 42

85 La chambre de recours a prononcé la déchéance de la marque contestée pour les produits autres que les « plaquettes de mémoires optiques », relevant de la classe 9, ainsi que pour les produits et les services relevant des classes 3, 16, 24, 25, 32, 41 et 42 pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée. À cet égard, elle a relevé que la requérante n’avait pas apporté de preuve de l’usage effectif de la marque contestée vers l’extérieur pour ces produits et services et que la renommée de
cette marque, sur laquelle s’appuyait la requérante, n’était pas pertinente dans le cadre de cette appréciation. En effet, selon la chambre de recours, une marque jouissant d’une renommée peut, à l’instar de toutes les autres marques de l’Union européenne, faire l’objet d’une déchéance dans l’intérêt public pour non-usage. L’étendue de la protection d’une telle marque renommée en cas de conflit avec d’autres droits de propriété intellectuelle est, selon la chambre de recours, étrangère à la
question de l’usage propre à assurer le maintien des droits d’une telle marque renommée pour les produits et les services pour lesquels elle est enregistrée.

86 La requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 en omettant de prendre en compte, dans le cadre de l’appréciation des éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits relevant des classes 3, 9, 16, 24, 25 et 32 et les services relevant des classes 41 et 42, la renommée exceptionnelle dont jouit cette marque en tant que « marque de médias » dans l’Union, cette dernière devant ainsi, eu égard au
principe du caractère unitaire de la marque de l’Union européenne, bénéficier d’une protection étendue lors de l’application des règles en matière de déchéance.

87 En effet, selon la requérante, certains produits et services relevant des classes 3, 9, 16, 24, 25, 32, 41 et 42, qui ont un public identique à celui des services de publicité, de télédiffusion et de divertissement télévisé pour lesquels la marque contestée est très connue, sont susceptibles de bénéficier du pouvoir d’attraction de celle-ci. Dans la mesure où il existerait un lien direct, « matériel » ou « mental », entre ces produits et le cœur d’activité de la requérante, l’utilisation d’un
signe, même vaguement similaire pour de tels produits et services, entraînerait, dans l’esprit du public, une confusion en ce qui concerne d’éventuels liens commerciaux, ce qui porterait atteinte à la valeur de la marque RTL et conduirait à sa dilution.

88 La requérante soutient que, dans de telles circonstances, l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 n’exige pas la preuve de l’usage pour chaque produit et service pour lequel la marque renommée est enregistrée. Elle affirme qu’« un tel usage existe […] en ce qui concerne les produits vis-à-vis desquels le titulaire de la marque peut faire valoir ses droits au regard de la protection de la renommée ».

89 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

90 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, par son argumentation, la requérante soutient, en substance, que le principe selon lequel, afin d’échapper à la déchéance, l’usage d’une marque de l’Union européenne doit être prouvé pour chaque produit et service pour lequel elle est enregistrée ne s’applique pas lorsqu’une marque contestée est renommée pour d’autres produits ou services.

91 Or, une telle argumentation se heurte non seulement au libellé même de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, mais également à la finalité poursuivie par cette disposition telle que spécifiée au considérant 24 de ce règlement (voir point 28 ci-dessus). En effet, en établissant à l’article 18, paragraphe 1, et à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 une règle de déchéance de la marque de l’Union européenne pour défaut d’usage quinquennal, le législateur
de l’Union a entendu soumettre le maintien des droits liés à la marque de l’Union européenne à la condition qu’elle soit effectivement utilisée (arrêt du 21 décembre 2016, Länsförsäkringar, C‑654/15, EU:C:2016:998, point 25).

92 Cette condition s’explique par la considération selon laquelle ne serait pas justifié le fait qu’une marque non utilisée fasse obstacle à la concurrence en limitant l’éventail des signes qui peuvent être enregistrés par d’autres en tant que marque et en privant les concurrents de la possibilité d’utiliser cette marque ou une marque similaire lors de la mise sur le marché intérieur de produits ou de services identiques ou semblables à ceux qui sont visés par la marque en cause. Par conséquent, le
non-usage d’une marque de l’Union européenne risque également de restreindre la libre circulation des marchandises et la libre prestation des services (arrêts du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 32, et du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 54).

93 La ratio legis de l’exigence selon laquelle une marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être protégée au titre du droit de l’Union réside dans le fait que le registre de l’EUIPO ne saurait être assimilé à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d’une durée indéterminée. Au contraire, ledit registre devrait refléter fidèlement les indications que les entreprises utilisent effectivement sur le marché pour distinguer leurs produits et
services dans la vie économique [voir arrêt du 8 juin 2022, Muschaweck/EUIPO – Conze (UM), T‑293/21, EU:T:2022:345, point 48 et jurisprudence citée].

94 Par ailleurs, les juridictions de l’Union ont déjà jugé que les dispositions relatives à la protection élargie conférée à une marque de l’Union européenne jouissant d’une renommée ou d’une notoriété dans l’Union poursuivaient un objectif différent de celles qui exigeaient la preuve de l’usage sérieux de la marque de l’Union européenne, laquelle pourrait avoir pour conséquence la déchéance de la marque (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 53,
et du 3 septembre 2015, Iron & Smith, C‑125/14, EU:C:2015:539, point 21). Tandis que l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 a trait aux conditions régissant la protection étendue également au-delà des catégories de produits et de services pour lesquelles une marque de l’Union européenne a été enregistrée, la notion d’« usage sérieux » exprime la condition minimale d’utilisation à laquelle toutes les marques doivent satisfaire afin d’être protégées. Il s’ensuit que les dispositions
portant sur l’exigence de l’usage sérieux de la marque de l’Union européenne et, notamment, les critères dégagés par la jurisprudence, aux fins de l’établissement de cet usage sérieux, se distinguent des dispositions et des critères relatifs à la renommée d’une telle marque. Il convient donc d’interpréter ces deux types de dispositions de manière autonome [voir arrêt du 4 octobre 2017, Intesa Sanpaolo/EUIPO – Intesia Group Holding (INTESA), T‑143/16, non publié, EU:T:2017:687, point 46 et
jurisprudence citée].

95 Partant, à supposer que la marque contestée jouisse d’une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 dans le secteur des médias, cette circonstance ne permet pas, en tant que telle, de démontrer l’existence d’un usage sérieux de celle-ci pour les produits et les services en cause relevant des classes 3, 9, 16, 24, 25, 32, 41 et 42.

96 Aucune autre conclusion ne saurait être tirée du caractère unitaire de la marque de l’Union européenne.

97 En effet, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec le considérant 4 de ce règlement, le caractère unitaire d’une marque de l’Union européenne se traduit uniquement par le fait que celle-ci jouit d’une protection uniforme et produit les mêmes effets sur l’ensemble du territoire de l’Union.

98 Par ailleurs, le considérant 7 du règlement délégué 2018/625, lequel, au demeurant, ne porte que sur des règles procédurales relatives, notamment, à la procédure de déchéance, ne saurait être utilement invoqué par la requérante aux fins de l’interprétation des dispositions matérielles du règlement 2017/1001.

99 En second lieu, la requérante soutient que la protection élargie de la marque contestée prétendument renommée est nécessaire afin de permettre l’utilisation de celle-ci dans le cadre des accords de licence futurs à l’égard des produits et des services visés dans les deuxième et troisième moyens. À supposer même que cet argument doive être considéré comme étant distinct de celui auquel il a été répondu aux points 90 à 98 ci-dessus, il y a lieu de relever que la requérante ne présente aucun élément
de preuve, tel qu’un accord de licence qui aurait été signé avec un tiers pour l’usage de la marque contestée pour les produits en cause, susceptible de démontrer, d’une part, l’usage effectif de la marque contestée dans le cadre des licences sur la marque accordées aux tiers pendant la période pertinente et, d’autre part, l’importance d’un tel usage.

100 Par ailleurs, la requérante renvoie au dossier administratif, et plus particulièrement aux quelques photographies de carnets, de serviettes de plage, de barboteuses pour nourrissons ou de canettes de bière portant une forme de la marque contestée, accompagnées de factures et de courriels émis à l’attention de RTL en tant que cliente des entreprises les produisant à la demande de cette dernière. En l’absence d’autres éléments de preuve relatifs à la commercialisation de ces produits auprès de
tiers, ces photographies ne sont susceptibles de démonter ni l’usage effectif vers l’extérieur de la marque contestée afin de créer des débouchés commerciaux pour les produits relevant des classes 16, 24, 25 et 32 ni, a fortiori, l’importance d’un tel usage [voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2016, Fruit of the Loom/EUIPO – Takko (FRUIT), T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 55].

101 C’est donc à juste titre que la chambre de recours a confirmé la déchéance de la marque contestée à l’égard des produits et des services relevant des classes 3, 9, 16, 24, 25, 32, 41 et 42.

102 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les deuxième et troisième moyens.

Sur les dépens

103 Aux termes de l’article 134, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Néanmoins, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

104 En l’espèce, toutes les parties ayant succombé en partie, il y a lieu de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

  1) La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 19 septembre 2023 (affaire R 86/2023-2) est réformée en ce sens que la demande en déchéance est rejetée pour l’ensemble des services relevant de la classe 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la
description suivante : « Services de publicité, de marketing et de promotion ».

  2) Le recours est rejeté pour le surplus.

  3) RTL Group Markenverwaltungs GmbH, l’EUIPO et Mme Marcella Örtl supporteront leurs propres dépens.

Kowalik-Bańczyk

Buttigieg

  Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mai 2025.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : T-1088/23
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative RTL – Absence d’usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Production de faits et de preuves pour la première fois devant la chambre de recours – Article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 – Article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 – Abus de droit.

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Marques


Parties
Demandeurs : RTL Group Markenverwaltungs GmbH
Défendeurs : Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Buttigieg

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2025:446

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