ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)
5Â mai 2025Â ( *1 )
« Recours en annulation – Droit institutionnel – Membre du Parlement – Privilèges et immunités – Refus du Parlement de donner suite à une demande visant à défendre des privilèges et immunités – Flagrant délit – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »
Dans l’affaire T‑248/24,
EC, représentée par Mes C. Marchand, S. Mary et G. Boye, avocats,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté par M. N. Lorenz et Mme A.‑M. Dumbrăvan, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. G. Hesse et Mme B. Ricziová (rapporteure), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– la demande de non-lieu à statuer et l’exception d’irrecevabilité soulevées par le Parlement par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 14 août 2024,
– les observations de la requérante déposées au greffe du Tribunal le 27 septembre 2024,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, EC, demande l’annulation de l’acte du 7 mars 2024 de la commission des affaires juridiques du Parlement européen, communiqué par la présidente du Parlement européen lors de la séance plénière du 11 mars 2024, rejetant sa demande visant à ce que le Parlement défende ses privilèges et immunités (ci-après l’« acte attaqué »).
Antécédents du litige
2 La requérante était députée au Parlement au cours de la huitième (2014-2019) et de la neuvième (2019-2024) législature. Lors des élections européennes de juin 2024, elle n’a pas été réélue et son mandat a pris fin le 16 juillet 2024 avec l’ouverture de la session constitutive de la dixième législature.
3 Le 9 décembre 2022, la requérante a été arrêtée en Belgique, où elle a été placée pendant cinq mois en détention préventive, dont quatre mois en prison, son domicile a été perquisitionné et des mesures conservatoires ont été prises à son égard sans que son immunité soit levée.
4 Le 1er juin 2023, la requérante a déposé une demande de défense de ses privilèges et immunités auprès de la présidente du Parlement. Cette demande faisait notamment référence, d’une part, à l’article 5, paragraphe 2, et aux articles 7, 8 et 9 du règlement intérieur du Parlement applicable à la neuvième législature (2019-2024) (ci-après le « règlement intérieur ») et, d’autre part, aux articles 8 et 9 du protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266,
ci-après le « protocole no 7 »).
5 Dans la demande de défense de ses privilèges et immunités, la requérante a allégué la violation de son immunité du fait, notamment, de son arrestation le 9 décembre 2022« sous le faux prétexte du flagrant délit », de sa mise en détention et de sa soumission ultérieure à une assignation à domicile, ainsi que des « enquêtes illégales depuis au moins juillet 2022 ».
6 La demande de défense des privilèges et immunités de la requérante a été annoncée en séance plénière le 12 juin 2023 par la présidente du Parlement et transmise à la commission des affaires juridiques du Parlement conformément à l’article 9, paragraphe 1, du règlement intérieur.
7 Le 11 mars 2024, la présidente du Parlement a annoncé en séance plénière que « [l]e 7 mars 2024, la commission [des affaires juridiques avait] conclu que la demande de défense [des privilèges et immunités de la requérante était] irrecevable en application directe du [protocole no 7,] qui prévoit que l’immunité ne peut pas être invoquée en cas de flagrant délit » et que « [l]a procédure concernant cette demande [était] donc désormais clôturée ».
Conclusions des parties
8 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’acte attaqué,
– condamner le Parlement aux dépens.
9 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours ou, à titre subsidiaire, rejeter ce dernier comme irrecevable,
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
10 En vertu de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque, par acte séparé, le défendeur demande au Tribunal de statuer sur l’irrecevabilité du recours ou l’incompétence du Tribunal sans engager le débat au fond, celui-ci doit statuer sur la demande dans les meilleurs délais.
11 Le Parlement demande au Tribunal de déclarer que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer sur celui-ci étant donné que la requérante n’est plus députée européenne depuis le 16 juillet 2024 et qu’elle n’a ainsi plus intérêt à obtenir l’annulation de l’acte attaqué. En outre, le Parlement soutient que le recours est irrecevable, car l’acte attaqué ne produit aucun effet juridique et, partant, ne saurait être contesté en application de l’article 263 TFUE.
12 Dans les circonstances de l’espèce, il convient d’examiner d’emblée l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement.
13 Selon le Parlement, si la levée de l’immunité d’un député européen est expressément prévue à l’article 9, troisième alinéa, du protocole no 7, la défense de l’immunité parlementaire ne trouve son fondement juridique que dans les articles 7 et 9 du règlement intérieur, lequel présente les règles d’organisation interne du Parlement et ne saurait conférer à ce dernier des compétences qui ne sont pas expressément reconnues par le droit primaire, tel que le protocole no 7, ou par un acte législatif.
Partant, le Parlement estime qu’il ne peut pas, sur la base de l’article 9, premier alinéa, sous b), ou de l’article 9, deuxième alinéa, du protocole no 7, qui ne lui confèrent pas la compétence exclusive d’établir si leurs conditions d’application sont ou non remplies, adopter des décisions défendant l’immunité de l’un de ses membres qui produisent des effets juridiques obligatoires et que, par conséquent, l’acte attaqué ne saurait être contesté en application de l’article 263 TFUE.
14 La requérante fait valoir que la décision du Parlement de ne pas défendre son immunité en vertu des articles 7 et 9 du règlement intérieur, conformément à l’article 9 du protocole no 7, est un acte qui produit des effets juridiques obligatoires. Elle soutient notamment que la formulation de l’article 9, troisième alinéa, du protocole no 7 signifie que le Parlement n’a pas seulement le droit de lever l’immunité d’un de ses membres, mais qu’il a aussi le droit de défendre cette immunité,
c’est-à -dire de décider si les poursuites engagées contre un député européen violent les immunités prévues à l’article 9 de ce protocole, de sorte qu’une telle décision produit des effets juridiques obligatoires pour les autorités juridictionnelles des États membres.
15 Il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle sont considérées comme des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE toutes les mesures, quelle qu’en soit la forme, produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et du 26 janvier 2010,Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P,
EU:C:2010:40, point 51). À l’inverse, tout acte de l’Union européenne ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires échappe au contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE (voir arrêt du 15 juillet 2021, FBF, C‑911/19, EU:C:2021:599, point 37 et jurisprudence citée).
16 Pour déterminer si un acte produit des effets de droit obligatoires, il y a lieu de s’attacher à la substance de cet acte et d’apprécier ces effets à l’aune de critères objectifs, tels que le contenu dudit acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution qui en est l’auteure (voir arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 32 et jurisprudence citée ; arrêt du 9 juillet 2020, République
tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 47).
17 En outre, lorsqu’un acte d’une institution de l’Union revêt un caractère négatif, il doit être apprécié en fonction de la nature de la demande à laquelle il constitue une réponse (arrêts du 8 mars 1972, Nordgetreide/Commission, 42/71, EU:C:1972:16, point 5 ; du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C‑15/91 et C‑108/91, EU:C:1992:454, point 22, et du 9 octobre 2018, Multiconnect/Commission, T‑884/16, non publié, EU:T:2018:665, point 45). En particulier, un refus est un acte susceptible de faire
l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE dès lors que l’acte que l’institution de l’Union refuse de prendre aurait pu être attaqué en vertu de cette disposition. Il s’ensuit que le rejet, par une institution, d’une demande qui lui a été adressée ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation lorsque cette demande ne tend pas à l’adoption, par cette institution, d’une mesure produisant des effets juridiques obligatoires (ordonnances du
5 septembre 2012, Farage/Parlement et Buzek, T‑564/11, non publiée, EU:T:2012:403, point 27, et du 1er février 2018, Collins/Parlement, T‑919/16, non publiée, EU:T:2018:58, point 19).
18 Partant, en l’espèce, afin de déterminer si l’acte attaqué, qui refuse de défendre les privilèges et immunités de la requérante, est un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, il y a lieu d’examiner si, en l’occurrence, la mesure sollicitée était susceptible de produire des effets juridiques.
19 À cet égard, il importe, tout d’abord, de rappeler que, conformément à l’article 5, paragraphe 1, TUE et à l’article 13, paragraphe 2, TUE, le Parlement agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées par les traités.
20 Ensuite, il y a lieu de rappeler que l’article 8 du protocole no 7 dispose que « [l]es membres du Parlement […] ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l’exercice de leurs fonctions ».
21 L’article 9 du protocole no 7 énonce, quant à lui, ce qui suit :
« Pendant la durée des sessions du Parlement […], les membres de celui-ci bénéficient :
a) sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays ;
b) sur le territoire de tout autre État membre, de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.
L’immunité les couvre également lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement […] ou en reviennent.
L’immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement […] de lever l’immunité d’un de ses membres. »
22 L’immunité parlementaire des députés européens, telle que prévue aux articles 8 et 9 du protocole no 7, comprend ainsi les deux formes de protection habituellement reconnues aux membres des parlements nationaux des États membres, à savoir l’immunité en raison des opinions et des votes exprimés dans l’exercice des fonctions parlementaires ainsi que l’inviolabilité parlementaire, comportant, en principe, une protection contre les poursuites judiciaires (arrêts du 21 octobre 2008, Marra, C‑200/07
et C‑201/07, EU:C:2008:579, point 24, et du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 18).
23 En l’espèce, la requérante, élue dans un autre État membre que la Belgique, a été arrêtée, détenue et poursuivie en Belgique. Elle n’allègue pas que cette procédure judiciaire serait liée à des opinions ou à des votes émis par elle dans l’exercice de ses fonctions. Dans ces conditions et ainsi qu’il ressort de ses écritures, elle doit donc être regardée comme se prévalant uniquement de l’immunité, ou inviolabilité, prévue à l’article 9, premier alinéa, sous b), du protocole no 7. Force est
également de constater que, en l’occurrence, les autorités judiciaires nationales n’ont pas demandé la levée de l’immunité de la requérante, mais ont considéré qu’il était question d’un cas de flagrant délit.
24 Enfin, il convient de souligner que l’examen d’une demande de levée d’immunité et l’examen d’une demande de défense des privilèges et immunités relèvent de deux exercices distincts.
25 À cet égard, la levée de l’immunité est expressément envisagée par l’article 9, troisième alinéa, du protocole no 7, qui dispose que « l’immunité ne peut […] mettre obstacle au droit du Parlement […] de lever l’immunité d’un de ses membres ». Ainsi, cette disposition confère au Parlement le droit exclusif de lever l’immunité prévue à l’article 9 dudit protocole, à savoir le droit de priver un député européen de la protection dont il bénéficie en vertu de cette disposition. Une telle décision
constitue un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE (arrêt du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T‑345/05, EU:T:2008:440, point 31).
26 En revanche, la défense des privilèges et immunités d’un député européen par le Parlement n’est pas expressément prévue par le protocole no 7, mais uniquement par les articles 7 et 9 du règlement intérieur.
27 Dans ce contexte, il convient de rappeler, premièrement, en ce qui concerne l’immunité prévue à l’article 8 du protocole no 7, qu’il a déjà été jugé que la décision du Parlement de défendre une telle immunité constituait un avis ne produisant pas d’effets contraignants à l’égard des autorités juridictionnelles nationales (voir, en ce sens, arrêts du 21 octobre 2008, Marra, C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579, point 39, et du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 39). Pour
parvenir à cette conclusion, la Cour a notamment constaté que le protocole no 7 ne prévoyait pas la compétence du Parlement pour vérifier, en cas de poursuites judiciaires à l’encontre d’un député européen en raison des opinions et des votes exprimés par celui-ci, si les conditions de mise en œuvre de l’immunité prévue à l’article 8 dudit protocole étaient remplies et qu’une telle compétence ne pouvait résulter des dispositions du règlement intérieur, qui était un acte d’organisation interne ne
pouvant instituer au profit du Parlement des compétences qui n’étaient pas expressément reconnues par un acte normatif, en l’occurrence par le protocole no 7 (arrêt du 21 octobre 2008, Marra, C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579, points 32 et 38).
28 Deuxièmement, en ce qui concerne l’immunité prévue à l’article 9 du protocole no 7, il convient de distinguer deux situations.
29 D’une part, la compétence du Parlement de défendre l’immunité peut, le cas échéant, découler de l’article 9, premier alinéa, sous a), du protocole no 7, dans la mesure où cette disposition implique que l’étendue et la portée de l’immunité dont jouissent les députés européens sur leur territoire national, en d’autres termes, le contenu matériel de cette immunité, sont déterminées par les différents droits nationaux auxquels elle renvoie. Ce renvoi au droit national implique que, dans le cas où le
droit d’un État membre prévoit une procédure de défense de l’immunité des membres du parlement national, permettant à celui-ci d’intervenir auprès des autorités judiciaires ou de police, notamment en requérant la suspension des poursuites dont l’un de ses membres fait l’objet, les mêmes pouvoirs soient reconnus au Parlement à l’égard des députés européens élus au titre de cet État (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2010, Gollnisch/Parlement, T‑42/06, EU:T:2010:102, points 105 et 115).
30 D’autre part et en revanche, l’article 9, premier alinéa, sous b), du protocole no 7 ne renvoie pas au droit national et, dès lors, ne saurait par ce truchement fonder la compétence du Parlement de défendre l’immunité d’un député européen.
31 De plus, il ne saurait être considéré que l’article 9, troisième alinéa, du protocole no 7 constitue, à lui seul, le fondement de la compétence du Parlement de défendre l’immunité d’un député européen. À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que le droit exclusif de lever l’immunité prévue par cette disposition ne saurait être interprété comme attribuant au Parlement la compétence exclusive pour décider, avec effet contraignant, si un député européen bénéficiait ou non de l’immunité prévue Ã
l’article 9 du protocole no 7 au titre des faits qui lui sont reprochés (arrêt du 5 juillet 2023, Puigdemont i Casamajó et ComÃn i Oliveres/Parlement, T‑115/20, sous pourvoi, EU:T:2023:372, point 65).
32 En effet, la formulation négative de l’article 9, troisième alinéa, du protocole no 7 (voir point 21 ci-dessus) ne prévoit que deux limites à l’immunité, ou inviolabilité, prévue par l’article 9 de ce protocole. D’une part, lorsqu’un flagrant délit est commis, cette immunité ne peut pas être invoquée. Cela implique nécessairement que ladite immunité peut encore moins être défendue en cas de flagrant délit. D’autre part, la même immunité ne peut pas mettre obstacle au droit du Parlement de la
lever.
33 La requérante invoque toutefois l’effet utile de l’article 9 du protocole no 7.
34 À cet égard, il convient de rappeler que l’interprétation large d’une disposition du droit de l’Union afin d’en préserver l’effet utile ne saurait conduire à méconnaître la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres opérée par les traités. Or, tel serait le cas s’il était inféré de l’article 9, troisième alinéa, du protocole no 7 que le Parlement dispose de la compétence exclusive pour déterminer, avec un effet contraignant, si la procédure judiciaire menée à l’égard d’un
député européen met en cause ou non son immunité, alors que cette compétence relève, en règle générale, au premier chef des autorités qui mènent des procédures judiciaires (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2023, Puigdemont i Casamajó et ComÃn i Oliveres/Parlement, T‑115/20, sous pourvoi, EU:T:2023:372, points 66 et 68). Il en irait a fortiori de même lorsqu’il s’agit de déterminer si les conditions du flagrant délit sont remplies ou non, cette compétence spécifique appartenant aux seules
autorités qui mènent des procédures judiciaires.
35 En effet, il convient de noter que, en général, si les autorités qui mènent des procédures judiciaires constatent que les faits reprochés à un député européen sont couverts par l’immunité prévue à l’article 9 du protocole no 7, elles sont tenues, si elles souhaitent poursuivre lesdites procédures, de solliciter la levée de cette immunité auprès du Parlement. De plus, l’article 9, troisième alinéa, du protocole no 7 régit également une situation spécifique liée à un flagrant délit, dans laquelle
lesdites autorités ne sont pas obligées de solliciter la levée de l’immunité auprès du Parlement, étant donné que, dans un tel cas, l’immunité ne peut même pas être invoquée. L’examen du respect des conditions permettant de conclure à une situation de flagrant délit relève ainsi de la compétence exclusive desdites autorités et ne dépend donc pas de l’avis du Parlement.
36 L’interprétation contraire défendue par la requérante impliquerait que le Parlement dispose de la compétence de décider si la procédure judiciaire menée à l’égard d’un député européen met en cause ou non son immunité dans tous les cas de délits commis par des députés européens sans exception, y compris en cas de flagrant délit, ce qui aurait pour conséquence que la première partie de l’article 9, troisième alinéa, du protocole no 7 serait vidée de son effet utile.
37 Par conséquent, il convient de considérer que les dispositions de l’article 9, premier alinéa, sous b), du protocole no 7, même combinées avec celles de l’article 9, troisième alinéa, de ce protocole, ne confèrent aucune compétence au Parlement afin d’adopter une décision de défense des privilèges et immunités, de sorte que, dans un tel cas de figure et notamment en cas de flagrant délit, une décision de défense des privilèges et immunités adoptée sur le fondement du règlement intérieur ne peut
pas produire d’effets contraignants à l’égard des tiers. Dans ces conditions, l’acte attaqué, qui refuse de défendre les privilèges et immunités de la requérante, ne constitue pas non plus un acte produisant des effets juridiques obligatoires.
38 Il en résulte que l’acte attaqué n’est pas susceptible d’être contesté par la voie du recours en annulation prévue à l’article 263 TFUE. Il y a donc lieu d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement et, partant, de rejeter le recours comme irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner si la requérante dispose encore d’un intérêt à obtenir l’annulation de l’acte attaqué.
Sur les dépens
39 En vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
40 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement, conformément aux conclusions de ce dernier.
 Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
ordonne :
 1) Le recours est rejeté.
 2) EC est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen.
Fait à Luxembourg, le 5 mai 2025.
Le greffier
 V. Di Bucci
La présidente
K. Kowalik-Bańczyk
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.