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09/04/2025 | CJUE | N°T-336/20

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Hypo Vorarlberg Bank AG contre Conseil de résolution unique., 09/04/2025, T-336/20


 ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

9 avril 2025 ( *1 )

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2016 – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Principe de sécurité juridique – Droit à une protection juridictionnelle effective – Principe de non-rétroactivité – Exception d’illégalit

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Dans l’affaire T‑336/20,

Hypo Vorarlberg Bank AG, établie à Brégence (Autriche), représentée par Mes G. Ei...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

9 avril 2025 ( *1 )

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2016 – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Principe de sécurité juridique – Droit à une protection juridictionnelle effective – Principe de non-rétroactivité – Exception d’illégalité »

Dans l’affaire T‑336/20,

Hypo Vorarlberg Bank AG, établie à Brégence (Autriche), représentée par Mes G. Eisenberger, A. Brenneis et J. Holzmann, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. D. Ceran et C. Flynn, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Meyring, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par MM. L. Visaggio, J. Etienne et Mme G. Bartram, en qualité d’agents,

par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J. Bauerschmidt et Mme E. d’Ursel, en qualité d’agents,

et par

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, D. Petrlík, K. Kecsmár (rapporteur), Mmes S. Kingston et L. Spangsberg Grønfeldt, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 27 juin 2024,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Hypo Vorarlberg Bank AG, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2022/79 du Conseil de résolution unique (CRU), du 7 décembre 2022, retirant la décision SRB/ES/2020/16 du CRU, du 19 mars 2020, sur le calcul des contributions ex ante pour 2016 de Banco Cooperativo Español, SA, Hypo Vorarlberg Bank AG (anciennement Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank AG) et Portigon AG au Fonds de résolution unique, et calculant leurs contributions
ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.

I. Antécédents du litige

2 La requérante est un établissement de crédit établi en Autriche.

3 Par sa décision SRB/ES/SRF/2016/06, du 15 avril 2016, sur les contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique, le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire
unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante »), pour l’année 2016 (ci-après la « période de contribution 2016 »), des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.

4 Par sa décision SRB/ES/SRF/2016/13, du 20 mai 2016, sur l’ajustement des contributions ex ante pour la période de contribution 2016 au FRU, complétant la décision SRB/ES/SRF/2016/06, le CRU a rectifié le calcul des contributions ex ante des établissements pour la période de contribution 2016.

5 Le 19 mars 2020, le CRU a adopté la décision SRB/ES/2020/16 (ci-après la « décision du 19 mars 2020 ») par laquelle il a remplacé les décisions mentionnées aux points 3 et 4 ci-dessus (ci-après les « décisions initiales »). Selon les considérants 7 et 8 de la décision du 19 mars 2020, celle-ci visait à remédier aux vices de procédure et au défaut de motivation des décisions initiales, que le Tribunal avait constatés dans les arrêts du 28 novembre 2019, Banco Cooperativo Español/CRU (T‑323/16,
EU:T:2019:822), du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, EU:T:2019:823), et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU (T‑365/16, EU:T:2019:824), annulant les décisions initiales en ce qui concernait, notamment, la requérante.

6 Le 7 décembre 2022, le CRU a adopté la décision attaquée, par laquelle il a retiré et remplacé la décision du 19 mars 2020. Selon les considérants 19 à 22 de la décision attaquée, celle-ci visait à remédier au défaut de motivation de la décision du 19 mars 2020 que le CRU avait constaté à la suite de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), ainsi que des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P,
non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162), portant sur le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2017.

7 Le 20 décembre 2022, la Finanzmarktaufsichtsbehörde (FMA, Autorité de surveillance des marchés financiers, Autriche), en sa qualité d’autorité de résolution nationale, au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a notifié la décision attaquée à la requérante.

II. Décision attaquée

8 La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné, en ce qui concerne la requérante, de quatre annexes.

9 Le corps de la décision attaquée décrit, dans les sections 3 à 10, le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2016, qui est applicable à tous les établissements.

10 Plus particulièrement, dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au FRU (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2016 (ci-après le « niveau cible annuel »).

11 Le CRU a expliqué qu’il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,05 % du montant des dépôts couverts, calculé en fin d’année, de l’ensemble des établissements en 2015, tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les établissements conformément à l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux
dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

12 Dans la section 7 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2016. À cet égard, il a précisé, au considérant 95 de ladite décision, que, pour cette période, 60 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par les établissements agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »),
conformément à l’article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE)
no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), et conformément à l’article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 40 %) a été calculé sur la « base de l’union bancaire », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU) (ci-après la « base de l’union » et les « États membres participants »), conformément aux
articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81.

13 Par ailleurs, le CRU a calculé les contributions ex ante des établissements, tels que la requérante, en suivant les phases principales suivantes.

14 Dans la première phase du calcul des contributions ex ante, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres
participants. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif total de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.

15 Dans la seconde phase du calcul des contributions ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés d’indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur
niveau de risque, tout d’abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2016 – des bins (paniers) dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l’indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de
risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque » de l’établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d’ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d’ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.

16 Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.

17 Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.

18 L’annexe I de la décision attaquée contient la fiche individuelle de la requérante, qui comporte les résultats du calcul de sa contribution ex ante (ci-après la « fiche individuelle »). Cette fiche expose le montant de la contribution annuelle de base de la requérante ainsi que la valeur de son multiplicateur d’ajustement, tant sur la base de l’union que sur la base nationale, en mentionnant, pour chaque indicateur de risque, le numéro du bin auquel la requérante a été assignée. En outre, la
fiche individuelle expose des données qui sont utilisées pour le calcul des contributions ex ante de tous les établissements concernés et que le CRU a déterminées en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous ces établissements. Enfin, cette fiche comporte les données déclarées par la requérante dans le formulaire de déclaration et utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante.

19 L’annexe II de la décision attaquée comprend des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée. Cette annexe précise, notamment, le montant global des contributions ex ante à verser par les établissements concernés pour chacun de ces États membres. Par ailleurs, ladite annexe énumère, pour chaque indicateur de risque, le nombre de bins, le nombre d’établissements appartenant à chacun des bins ainsi que les
valeurs minimales et maximales de ces bins. Dans le cas des bins relatifs à la base nationale, ces valeurs sont, pour des raisons de confidentialité, diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, la répartition originale des établissements étant maintenue.

20 L’annexe IIIb de la décision attaquée examine les observations présentées par la requérante lors de la procédure de consultation menée par le CRU entre le 24 octobre et le 8 novembre 2022, préalablement à l’adoption de la décision attaquée.

III. Conclusions des parties

21 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée, y compris ses annexes, en tant qu’elle la concerne ;

– condamner le CRU aux dépens de l’ensemble de la procédure et, à titre subsidiaire, en tout état de cause, aux dépens exposés en ce qui concerne la décision du 19 mars 2020.

22 Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter partiellement les adaptations de la requête comme étant irrecevables et rejeter le recours dans son intégralité comme étant infondé ;

– condamner la requérante aux dépens ;

– à titre subsidiaire, dans le cas où le Tribunal considérerait que la décision attaquée n’aurait pas dû être adoptée avec effet rétroactif, annuler cette décision uniquement dans cette mesure ou annuler uniquement son article 4 et la maintenir pour le reste ;

– à titre encore plus subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée dans son intégralité, maintenir les effets de ladite décision jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.

23 Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

IV. En droit

24 Dans la requête, la requérante a invoqué quatre moyens à l’encontre de la décision du 19 mars 2020. Par les premier, deuxième et troisième moyens, elle a soulevé une violation des formes substantielles en raison d’une communication incomplète de cette décision et d’un défaut de motivation de celle-ci, ainsi que la méconnaissance du droit d’être entendu. Par le quatrième moyen, la requérante a soulevé une exception d’illégalité du règlement délégué 2015/63 et, à titre subsidiaire, des exceptions
d’illégalité de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014.

25 Dans le mémoire en adaptation, déposé au titre de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, la requérante soulève dix moyens à l’encontre de la décision attaquée, tirés :

– le premier, d’une violation de l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, des articles 15, 296 et 298 TFUE et des articles 42 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en raison du défaut de communication de la décision attaquée dans son intégralité ;

– le deuxième, d’une violation du principe de sécurité juridique du fait de l’adoption de la décision attaquée avec effet rétroactif ;

– le troisième, de ce que le CRU a déterminé le niveau cible annuel en méconnaissance de l’article 102 de la directive 2014/59, de l’article 69, paragraphes 1 et 2, et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ainsi que de l’article 3 et de l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, en ce que le niveau cible annuel pour la période de contribution 2016 serait excessif ;

– le quatrième, d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte, en raison de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée ;

– le cinquième, d’une violation des formes substantielles et du droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la Charte ainsi que de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte, notamment en ce que le système de contributions ex ante serait opaque et la décision attaquée ne contiendrait pas de motivation compréhensible quant à l’exercice des marges d’appréciation du CRU ;

– le sixième, d’une violation de l’article 102 de la directive 2014/59, de l’article 69, paragraphes 1 et 2, et de l’article 70, paragraphes 2 et 3, du règlement no 806/2014, de l’article 4, paragraphe 2, de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de l’article 7, paragraphe 2, sous a), de l’article 17, paragraphes 3 et 4, et de l’annexe I du règlement délégué 2015/63 ainsi que des principes de protection juridictionnelle effective et de proportionnalité, au motif que la décision attaquée ne
refléterait pas la situation de fait telle qu’elle existait au moment de son adoption ;

– le septième, d’une violation de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte, en raison du non-respect du droit d’être entendu ;

– le huitième, d’une exception d’illégalité des articles 4 à 7 et 9 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, fondée sur la violation du droit à une bonne administration, du droit à une protection juridictionnelle effective, du principe de sécurité juridique, des articles 16, 17, 20 et 21 de la Charte, du principe de proportionnalité et de l’article 290 TFUE ;

– le neuvième, d’une exception d’illégalité de l’article 8, paragraphes 1, 4 et 5, du règlement d’exécution 2015/81, fondée sur la violation de l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 291, paragraphe 2, TFUE, ainsi que d’une exception d’illégalité de l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, fondée sur la violation de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, lu conjointement avec l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ;

– le dixième, d’une exception d’illégalité de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, fondée sur la violation de l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, des articles 15, 296 et 298 TFUE, des articles 16, 17, 41, 42 et 47 de la Charte, de l’obligation de motivation et du principe de sécurité juridique.

26 Il convient d’examiner d’abord les moyens par lesquels la requérante soulève une exception d’illégalité, à savoir, les neuvième, dixième et huitième moyens, puis les moyens portant directement sur la légalité de la décision attaquée.

27 Par ailleurs, le CRU excipe l’irrecevabilité, d’une part, des troisième et neuvième moyens, mentionnés au point 25 ci-dessus, au motif que leur présentation pour la première fois dans le mémoire en adaptation serait contraire à l’article 86 du règlement de procédure et, d’autre part, de certains autres moyens et griefs au motif qu’ils ne respectent pas les conditions prévues à l’article 76 du règlement de procédure. Ces fins de non-recevoir seront examinées ci-après dans l’ordre indiqué au
point 26 ci-dessus.

A. Sur les exceptions d’illégalité

1.   Sur le neuvième moyen, tiré des exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 et du règlement d’exécution 2015/81

28 Par le neuvième moyen, soulevé pour la première fois dans son mémoire en adaptation, la requérante soulève des exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 et du règlement d’exécution 2015/81. Ce moyen s’articule, en substance, en deux branches, tirées, la première, de ce que l’article 8, paragraphes 1, 4 et 5, du règlement d’exécution 2015/81 méconnaît les limites des compétences d’exécution fixées à l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 et à l’article 291, paragraphe 2, TFUE
et, la seconde, de ce que le règlement no 806/2014 ne contient pas une justification quant au choix d’attribuer la compétence d’exécution prévue à l’article 70, paragraphe 7, dudit règlement au Conseil plutôt qu’à la Commission, en méconnaissance de l’article 291, paragraphe 2, TFUE.

29 Le CRU, soutenu par le Conseil et la Commission, fait valoir que le présent moyen doit être rejeté comme étant irrecevable au motif qu’il aurait dû être soulevé dès l’introduction du recours relatif à la décision du 19 mars 2020. Son inclusion, pour la première fois, dans le mémoire en adaptation violerait l’article 86 du règlement de procédure. En tout état de cause, il devrait être rejeté comme étant non fondé. En outre, selon le Parlement, le neuvième moyen repose sur des motifs qui manquent
de clarté.

30 Lors de l’audience, la requérante a fait valoir, d’une part, qu’elle pouvait soulever, dans son mémoire en adaptation, tout moyen nouveau, sans limitation, et, d’autre part, que, en ce qui concernait l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, la décision attaquée comportait des éléments nouveaux par rapport à celle du 19 mars 2020 qui lui avaient permis, pour la première fois, d’apprécier l’incidence de l’application de cette disposition sur sa situation
individuelle.

31 En revanche, la requérante n’a pas soutenu, lors de l’audience, que la décision attaquée comportait des éléments nouveaux par rapport à celle du 19 mars 2020 en ce qui concernait l’application de l’article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014.

a)   Sur la recevabilité

32 Tout d’abord, il convient d’examiner si, comme le fait valoir la requérante, l’article 86 du règlement de procédure doit être interprété en ce sens qu’il lui permet de soulever pour la première fois, dans son mémoire en adaptation, tout moyen nouveau, sans limitation aucune.

33 À cet égard, l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit, dans sa version applicable au mémoire en adaptation déposé dans la présente affaire, que « [l]orsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, le requérant peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau ». Le mémoire
en adaptation contient, s’il y a lieu, les « moyens et arguments adaptés », ainsi que le précise l’article 86, paragraphe 4, sous b), dudit règlement.

34 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les conclusions des parties sont caractérisées, en principe, par leur immutabilité. L’article 86 du règlement de procédure constitue une codification d’une jurisprudence préexistante relative aux exceptions que ce principe d’immutabilité peut recevoir (voir arrêt du 9 novembre 2017, HX/Conseil, C‑423/16 P, EU:C:2017:848, point 18 et jurisprudence citée).

35 La Cour a déjà jugé que, en tant qu’exception au principe d’immutabilité de l’instance, l’article 86 du règlement de procédure devait être interprété strictement (arrêt du 20 septembre 2018, Espagne/Commission, C‑114/17 P, EU:C:2018:753, point 54).

36 Il ressort des termes de l’article 86 du règlement de procédure que cette disposition permet à la partie requérante d’« adapter » sa requête « pour tenir compte de [l’]élément nouveau » que constitue le remplacement ou la modification de l’acte initialement attaqué et de présenter, à cette fin, des conclusions ainsi que, s’il y a lieu, des moyens et des arguments « adaptés ». Ainsi, ladite disposition ne visant qu’une « adaptation » de la requête initiale, la finalité d’une telle adaptation est
limitée à la prise en compte des éléments nouveaux liés au remplacement ou à la modification de l’acte initialement attaqué, à savoir, notamment, les éléments nouveaux figurant dans l’acte remplaçant ou modifiant l’acte initialement attaqué. Dès lors, l’article 86 du règlement de procédure ne saurait être interprété comme permettant à la partie requérante de soulever pour la première fois, dans un mémoire en adaptation, tout moyen nouveau, alors même que les éléments de fait et de droit sur
lesquels il repose lui étaient déjà connus lors de l’introduction de sa requête et qu’ils n’ont pas été modifiés dans l’acte remplaçant ou modifiant l’acte initialement attaqué.

37 L’interprétation contraire, préconisée par la requérante, selon laquelle elle pourrait soulever pour la première fois, dans son mémoire en adaptation, tout moyen nouveau, sans limitation aucune, se heurte non seulement au libellé de l’article 86 du règlement de procédure, mais aussi à la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, laquelle impose une interprétation stricte de l’article 86 du règlement de procédure.

38 L’interprétation retenue au point 36 ci-dessus est corroborée par le régime procédural auquel est soumis le mémoire en adaptation en vertu des règles prévues à l’article 86 du règlement de procédure. Il découle de ces règles que l’adaptation de la requête s’inscrit dans la continuité d’une procédure déjà existante, telle qu’elle a été initialement délimitée par la requête introductive d’instance. Cela est notamment démontré, d’une part, par l’article 86, paragraphe 6, du règlement de procédure,
selon lequel la phase écrite de la procédure, dans le cas d’une adaptation de la requête, ne comporte qu’un seul échange de mémoires.

39 D’autre part, selon l’article 86, paragraphe 7, du règlement de procédure, l’adaptation de la requête permet aux parties intervenantes de « compléter » leurs mémoires en intervention. En revanche, cette disposition ne permet pas l’introduction de nouvelles demandes d’intervention à la suite d’une adaptation de la requête. En effet, toute demande d’intervention doit être présentée dans un délai de six semaines, qui court à partir de la publication de la requête introductive d’instance,
conformément à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure, lu conjointement avec l’article 79 de ce même règlement, étant précisé que l’adaptation de la requête ne fait pas l’objet d’un avis publié au Journal Officiel de l’Union européenne. L’adaptation de la requête s’inscrit ainsi dans une procédure caractérisée par l’immutabilité des parties déjà constituées.

40 L’interprétation retenue au point 36 ci-dessus est confirmée, en outre, par le contexte réglementaire dans lequel s’inscrit l’article 86 du règlement de procédure. Cette disposition fait partie, avec les articles 84 et 85, du même chapitre du règlement de procédure, intitulé « Des moyens, des preuves et de l’adaptation de la requête ». Bien que chacun de ces articles ait son propre champ d’application, tous s’inscrivent dans le même contexte réglementaire consistant, en substance, à préserver le
principe d’immutabilité de l’instance, tout en prévoyant des exceptions à ce principe, dont l’étendue est strictement circonscrite. Ainsi, selon les articles 84 et 85 du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux et la présentation de preuves ou d’offres de preuve en cours d’instance sont, en principe, interdites, à moins qu’elles ne soient dûment justifiées.

41 La conclusion figurant au point 36 ci-dessus se trouve également corroborée par l’interprétation téléologique de l’article 86 du règlement de procédure, lequel poursuit des objectifs de bonne administration de la justice et d’économie de procédure, en ce qu’il permet à la partie requérante, en cas de remplacement ou de modification de l’acte initialement attaqué par un acte ayant le même objet, de poursuivre la procédure sans être obligée d’introduire un nouveau recours devant le juge de l’Union
(voir arrêt du 6 mars 2024, BSW – management company of  BMC  holding/Conseil, T‑258/22, non publié, EU:T:2024:150, point 52 et jurisprudence citée).

42 L’article 86 du règlement de procédure offre ainsi à la partie requérante un choix entre, d’une part, l’adaptation de sa requête et, d’autre part, l’introduction d’un nouveau recours visant l’annulation de l’acte remplaçant ou modifiant l’acte initialement attaqué. Si une partie requérante décide de poursuivre la procédure déjà entamée, en adaptant sa requête sur le fondement de l’article 86, elle se place alors dans la continuité d’un recours existant, faisant l’objet des contraintes qui en
découlent relevées aux points 36, 38 et 39 ci-dessus, tout en bénéficiant de l’économie de procédure prévue par cette disposition. En revanche, si une partie requérante décide d’introduire un nouveau recours visant l’annulation de l’acte remplaçant ou modifiant l’acte initialement attaqué, elle ne subira pas l’objet desdites contraintes, mais renoncera alors à l’économie de procédure qui sous-tend l’article 86 du règlement de procédure.

43 La jurisprudence de la Cour corrobore également la conclusion figurant au point 36 ci-dessus. En effet, la Cour a déjà jugé qu’il appartenait au Tribunal, lorsqu’il examinait la recevabilité du mémoire adaptant la requête, de vérifier si l’acte attaqué par la voie de l’adaptation de la requête présentait, par rapport à l’acte attaqué par la voie de la requête introductive d’instance, des différences substantielles telles qu’elles rendraient nécessaire une adaptation des moyens et des arguments
présentés au soutien de la requête introductive d’instance (arrêt du 24 janvier 2019, Haswani/Conseil, C‑313/17 P, EU:C:2019:57, point 38). Il convient d’en déduire que les différences entre l’acte attaqué par la voie de la requête introductive d’instance et l’acte attaqué par la voie de l’adaptation de la requête constituent un facteur pertinent aux fins de l’appréciation de la recevabilité du mémoire en adaptation et, par voie de conséquence, de celle des moyens et des arguments présentés pour
la première fois dans un tel mémoire.

44 Les considérations qui précèdent ne sont pas remises en cause par le fait que le Tribunal a eu l’occasion de considérer que l’adaptation de la requête était un acte de procédure qui équivalait à l’introduction d’un recours en annulation par voie de requête [voir ordonnance du 18 juillet 2016, Arbuzov/Conseil, T‑195/16, non publiée, EU:T:2016:445, point 20 et jurisprudence citée, et arrêt du 16 juin 2021, Lucaccioni/Commission, T‑316/19, EU:T:2021:367, point 70 (non publié) et jurisprudence
citée]. En effet, dans cet arrêt et cette ordonnance, le mémoire en adaptation et la requête initiale ont été considérés comme équivalents aux seules fins de l’appréciation, d’une part, des conditions de forme et de fond que ces actes devaient remplir telles qu’elles découlaient notamment de l’article 76 du règlement de procédure et, d’autre part, d’une éventuelle situation de litispendance (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2022, Saure/Commission, T‑448/21, non publié, EU:T:2022:525,
point 20). En revanche, rien dans ces décisions ne permet de considérer que l’adaptation de la requête est équivalente, à tous les autres égards, à l’introduction d’un nouveau recours.

45 De même, dans l’arrêt du 24 mai 2023, Meta Platforms Ireland/Commission (T‑452/20, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:277, points 29 et 30), le Tribunal a relevé, au sujet de la recevabilité d’un chef de conclusions apparaissant dans le mémoire en adaptation, d’une part, que celui-ci relevait d’un chef de conclusions déjà présenté, à titre subsidiaire, dans la requête introductive d’instance et, d’autre part, que l’article 86 du règlement de procédure n’imposait pas à la partie requérante
d’expliquer spécifiquement les raisons pour lesquelles elle avait décidé de formuler un chef de conclusions ne figurant pas, en tant que tel, dans la requête ni les raisons pour lesquelles elle n’avait pas pu formuler ce chef de conclusions dans la requête introductive d’instance, dirigée contre la décision initiale. Cependant, ce faisant, le Tribunal n’a pas jugé que l’article 86 du règlement de procédure autorisait la présentation, pour la première fois, dans le mémoire en adaptation, de tout
moyen nouveau, sans limitation aucune. Il a seulement constaté l’absence d’obligation pour la partie requérante de fournir une motivation spécifique, dans son mémoire en adaptation, des raisons l’ayant amenée à adapter tel ou tel chef de conclusions présenté dans ce mémoire.

46 Par ailleurs, force est de constater qu’aucune des affaires ayant donné lieu à la jurisprudence citée aux points 44 et 45 ci-dessus ne concernait la question de savoir si une partie requérante était recevable à soulever pour la première fois, dans un mémoire en adaptation, une exception d’illégalité au titre de l’article 277 TFUE à l’encontre d’actes de portée générale sur la base desquels avaient été adoptées tant la décision initialement attaquée que la décision visée par le mémoire en
adaptation.

47 À cet égard, il convient de relever qu’une telle exception d’illégalité modifie les caractéristiques essentielles du recours en annulation, dans la mesure où elle est dirigée contre d’autres institutions de l’Union, différentes de la partie défenderesse, qui sont les autrices de l’acte de portée générale en cause et auxquelles il appartient, en premier chef, d’en défendre la légalité. Or, celles-ci ne sont plus autorisées à présenter une demande d’intervention à ce stade avancé de la procédure
(voir point 39 ci-dessus). La recevabilité de telles exceptions soulevées pour la première fois dans le mémoire en adaptation doit ainsi être subordonnée aux limites fixées à l’article 86 du règlement de procédure, telles qu’elles ont été rappelées au point 36 ci-dessus, et ne saurait être admise inconditionnellement, au risque de porter atteinte, de manière générale et systématique, aux droits de la défense des institutions autrices de l’acte de portée générale faisant l’objet d’une telle
exception.

48 Cette appréciation n’est pas remise en cause par le fait que les auteurs des actes faisant l’objet des présentes exceptions d’illégalité, à savoir le Parlement et le Conseil, étaient déjà intervenus dans la présente affaire, dans la mesure où il ne s’agit que d’une circonstance conjoncturelle, alors que l’interprétation de l’article 86 du règlement de procédure est une question de droit.

49 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que l’article 86 du règlement de procédure ne permet pas à la partie requérante de soulever pour la première fois, dans un mémoire en adaptation, une exception d’illégalité à l’encontre d’un acte de portée générale, alors même que les éléments de fait et de droit sur lesquels elle repose lui étaient déjà connus lors de l’introduction de sa requête et qu’ils n’ont pas été modifiés dans l’acte remplaçant ou modifiant l’acte initialement
attaqué.

50 En l’espèce, la requérante n’a présenté les exceptions d’illégalité à l’encontre de l’article 8, paragraphes 1, 4 et 5, du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 que dans le mémoire en adaptation.

51 Il convient donc d’examiner si les éléments de fait et de droit sur lesquels reposent les exceptions d’illégalité mentionnées au point 50 ci-dessus étaient déjà connus de la requérante lors de l’introduction de sa requête et s’ils n’ont pas été modifiés dans l’acte remplaçant ou modifiant l’acte dont l’annulation était initialement demandée.

52 À cet égard, il ressortait déjà des considérants 31 et 32 de la décision du 19 mars 2020, dont la requérante demandait l’annulation dans sa requête introductive d’instance, que le CRU avait appliqué la méthodologie figurant à l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81.

53 Dans la décision attaquée, le CRU a repris, en substance, les mêmes motifs, ainsi qu’il ressort des considérants 94 et 95 de cette décision, sans en modifier la substance et sans y ajouter de nouveaux éléments substantiels.

54 Dans la mesure où le neuvième moyen est tiré d’une exception d’illégalité de l’article 8, paragraphe 4, du règlement d’exécution 2015/81, force est de constater que le CRU n’a fait référence à cette disposition ni dans la décision du 19 mars 2020 ni dans la décision attaquée, de sorte qu’il ne saurait être considéré que cette dernière décision a apporté un quelconque nouvel élément en ce qui concerne l’application de cette disposition.

55 Dans la mesure où le neuvième moyen est tiré d’une exception d’illégalité de l’article 8, paragraphe 5, du règlement d’exécution 2015/81, il y a lieu de relever que le CRU a repris, aux considérants 113 et 165 de la décision attaquée, en substance, les mêmes motifs que ceux exposés aux considérants 58, 64 et 65 de la décision du 19 mars 2020 pour ce qui concerne ladite disposition.

56 En ce qui concerne l’exception d’illégalité de l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, tiré de ce que ce règlement ne contiendrait pas une justification quant au choix d’attribuer la compétence d’exécution au Conseil, plutôt qu’à la Commission, en méconnaissance de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, il convient de constater, d’une part, que l’article 70, paragraphe 7, dudit règlement n’est explicitement mentionné, en tant que base juridique du règlement d’exécution 2015/81, ni dans
la décision du 19 mars 2020 ni dans la décision attaquée. D’autre part, aucune de ces deux décisions ne contient de précisions sur l’obligation de justification découlant de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, qui est visée par la requérante dans le cadre de son exception d’illégalité. Il ne saurait ainsi être considéré que la décision attaquée a apporté un nouvel élément quelconque à cet égard.

57 Il s’ensuit que la décision attaquée ne fait apparaître aucun nouvel élément substantiel en ce qui concerne l’application et l’interprétation des dispositions litigieuses.

58 Ce constat n’est pas remis en cause par l’affirmation de la requérante, lors de l’audience, selon laquelle l’annexe II de la décision attaquée comprenait des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée, alors que de telles données pour tous les États membres participants ne figuraient pas dans la décision du 19 mars 2020. Selon la requérante, ce n’est qu’au regard de ces données complètes qu’elle aurait
pu comprendre que, en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, les contributions ex ante étaient calculées en partie sur une base nationale et en partie sur la base de l’union et qu’elle aurait pu comprendre quelle conséquence cela pouvait avoir sur le calcul de sa contribution individuelle.

59 Or, il suffit de relever à cet égard, d’une part, qu’il ressortait déjà du corps de la décision du 19 mars 2020 que les contributions ex ante en cause étaient calculées sur une base nationale et sur la base de l’union, en proportion, respectivement, de 60 % et de 40 %. D’autre part, comme l’a fait valoir à juste titre le CRU lors de l’audience, la décision du 19 mars 2020 comportait également une annexe II contenant les montants utilisés pour le calcul de la contribution ex ante sur la base
nationale et sur la base de l’union, pour autant que ces chiffres étaient pertinents pour la contribution ex ante de la requérante. À cet égard, il convient de relever que ces montants sont identiques à ceux figurant dans les deuxième et troisième colonnes de la page 1 de l’annexe II de la décision attaquée en ce qui concerne l’Autriche et le niveau cible annuel retenu aux fins du calcul de la contribution ex ante pour l’année de contribution en cause.

60 En ce qui concerne les autres dispositions dont la légalité est contestée dans le cadre du neuvième moyen, interrogée à cet égard lors de l’audience, la requérante n’a pas identifié d’élément nouveau concret concernant leur application dans la décision attaquée par rapport à celle du 19 mars 2020.

61 Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que les éléments de fait et de droit sur lesquels reposent les exceptions d’illégalité étaient déjà connus lors de l’introduction de la requête et n’ont pas été modifiés dans la décision attaquée.

62 Partant, le neuvième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable pour cause de tardiveté.

b)   Sur le relevé d’office de l’illégalité du règlement no 806/2014 et du règlement d’exécution 2015/81

63 Lors de l’audience, la requérante a fait valoir que, en tout état de cause, le neuvième moyen devait être considéré comme étant un moyen d’ordre public que le Tribunal serait tenu de relever d’office, au motif que, dans son arrêt du 29 mai 2024, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑395/22, sous pourvoi, EU:T:2024:333), ce dernier avait fait droit, d’une part, à l’exception d’illégalité, soulevée par la partie requérante dans cette affaire, à l’encontre de l’article 70,
paragraphe 7, du règlement no 806/2014 et, par voie de conséquence, du règlement d’exécution 2015/81, en tant qu’acte dépourvu de base légale, et, d’autre part, à l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 8, paragraphe 1, sous g), du règlement d’exécution 2015/81 au motif que, en l’adoptant, le Conseil avait outrepassé ses pouvoirs d’exécution.

64 À cet égard, il convient de rappeler que l’inapplicabilité d’une disposition constatée par voie incidente dans le cadre d’une exception d’illégalité n’a l’autorité de la chose jugée qu’à l’égard des parties au litige (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 1974, Kortner e.a./Conseil e.a., 15/73 à 33/73, 52/73, 53/73, 57/73 à 109/73, 116/73, 117/73, 123/73, 132/73 et 135/73 à 137/73, non publié, EU:C:1974:16, point 36 ; du 5 octobre 2000, Conseil/Busacca e.a., C‑434/98 P, EU:C:2000:546, point 26,
et du 25 octobre 2018, KF/CSUE, T‑286/15, EU:T:2018:718, point 157 et jurisprudence citée).

65 C’est ainsi que le Tribunal a déclaré, dans l’arrêt du 29 mai 2024, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑395/22, sous pourvoi, EU:T:2024:333, points 43 et 86), que l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, le règlement d’exécution 2015/81 et, à titre surabondant, l’article 8, paragraphe 1, sous g), de ce même règlement d’exécution étaient inapplicables « au cas d’espèce », c’est-à-dire dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.

66 Ainsi, le relevé d’office d’une exception d’illégalité au motif que, dans une autre affaire, le Tribunal a fait droit à une exception analogue, dûment soulevée par l’une des parties au litige, reviendrait à méconnaître l’article 277 TFUE, dont il ressort que l’inapplicabilité d’une disposition, constatée par voie incidente dans le cadre d’une exception d’illégalité, ne vaut qu’inter partes. L’interprétation contraire, préconisée par la requérante, aurait pour conséquence d’attribuer à cette
disposition un effet plus étendu que celui qui y est prévu, ce qui irait à l’encontre de la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus.

67 En outre, il découle, certes, de la jurisprudence que l’incompétence de l’auteur d’un acte faisant grief constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 45 et jurisprudence citée). Toutefois, cette jurisprudence ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. En effet, le neuvième moyen ne concerne pas l’incompétence éventuelle de l’auteur de l’acte faisant grief, mais l’incompétence alléguée de l’auteur
de l’acte de portée générale sur la base duquel l’acte faisant grief a été adopté.

68 Or, selon la jurisprudence, le Tribunal ne saurait se saisir d’office de la question de l’illégalité éventuelle de l’acte de portée générale sur la base duquel l’acte faisant grief a été adopté, une telle illégalité n’étant pas d’ordre public (arrêt du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, EU:T:2005:339, point 52).

69 Partant, le Tribunal ne saurait relever d’office, dans la présente affaire, l’illégalité du règlement no 806/2014 ni celle du règlement d’exécution 2015/81.

[omissis]

B. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

[omissis]

3.   Sur le troisième moyen, tiré d’une méconnaissance de l’article 102 de la directive 2014/59, de l’article 69, paragraphes 1 et 2, et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ainsi que de l’article 3 et de l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel

212 Le présent moyen est tiré d’une violation de l’article 102 de la directive 2014/59, de l’article 69, paragraphes 1 et 2, et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ainsi que de l’article 3 et de l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, en ce que le niveau cible annuel pour la période de contribution 2016 serait trop élevé.

213 Ce moyen s’articule, en substance, en trois griefs.

214 En premier lieu, la requérante affirme, en substance, qu’aucune disposition du droit applicable n’impose que le niveau cible final corresponde à 1 % des dépôts couverts de l’année 2023.

215 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’article 69, paragraphe 1, et l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, lus en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, doivent être compris en ce sens que le niveau cible annuel ne saurait dépasser 1 % des dépôts couverts de l’année précédente.

216 En troisième lieu, la requérante considère que l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 exige que le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépasse pas 12,5 % du niveau cible final (ci-après le « plafond de 12,5 % »). Or, selon la requérante, il ressort de la décision attaquée que le niveau cible final s’élève à 56 milliards d’euros. Dans la mesure où
environ 7,01 milliards d’euros ont été levés par le CRU pour la période de contribution 2016, le plafond de 12,5 % aurait été dépassé.

217 Le CRU excipe de l’irrecevabilité des trois griefs au motif que leur inclusion, pour la première fois, dans le mémoire en adaptation méconnaît l’article 86 du règlement de procédure, puisque toutes les données sur lesquelles ils s’appuient étaient déjà connues de la requérante ou publiquement connues au moment où celle-ci a présenté la requête. Il conteste également le bien‑fondé du présent moyen.

a)   Sur le premier grief, tiré de ce qu’aucune disposition du droit applicable n’impose que le niveau cible final s’élève à 1 % des dépôts couverts de l’année 2023

218 La requérante fait valoir, en substance, que le CRU a déterminé le niveau cible final par rapport au montant des dépôts couverts de l’année 2023, tandis qu’il était tenu de prendre en compte les dépôts couverts de l’année précédant la période de contribution.

219 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 dispose que, « au terme [de la] période initiale[,] les moyens financiers disponibles du [FRU] atteignent au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements de crédit agréés dans tous les États membres participants ».

220 Tout d’abord, il ressort du libellé de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 que la date de la fin de la période initiale n’est pas déterminante seulement pour fixer la date à laquelle les moyens financiers disponibles du FRU doivent atteindre au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés dans tous les États membres participants, à savoir le niveau cible final, mais également pour préciser le montant de ces dépôts qui doit être pris en
considération aux fins de calculer ce niveau cible.

221 Ensuite, il découle des travaux préparatoires du règlement no 806/2014 que, contrairement à ce que prétend la requérante, l’article 69, paragraphe 1, de ce règlement est fondé sur une approche dynamique du niveau cible final, en ce sens que ce dernier doit être déterminé au regard du montant des dépôts couverts à la fin de la période initiale. En effet, au point 4.3.2 de l’exposé des motifs de sa proposition COM(2013) 520 final, du 10 juillet 2013, qui a abouti à l’adoption dudit règlement, la
Commission a exposé que le niveau cible final resterait dynamique et qu’il augmenterait en cas de développement du secteur bancaire.

222 Enfin, la nécessité de prendre en compte l’évolution du montant des dépôts couverts s’explique par l’objectif de perception des contributions ex ante, qui est de garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions, ainsi que cela ressort du considérant 41 du règlement no 806/2014 (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P
et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113). L’objectif du MRU consiste, conformément au considérant 12 de ce règlement, à renforcer à son tour la stabilité des établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres non participants.

223 À cet égard, il ressort du point 4.3.2 de l’exposé des motifs de la proposition COM(2013) 520 final que, plus la taille du secteur bancaire croîtra dans le temps, plus les ressources financières devant être mises à la disposition du FRU devront augmenter. Une estimation de cette taille permet ainsi de prévoir le montant des moyens financiers qui devraient être procurés au FRU afin que ce dernier puisse être utilisé, en cas de crise affectant le secteur bancaire, pour financer les instruments de
résolution et assurer ainsi leur application efficace, conformément à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, lu à la lumière du considérant 101 de ce même règlement.

224 Or, dans le cadre de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le législateur de l’Union a opté pour une approche selon laquelle le montant des dépôts couverts vise à estimer la taille du secteur bancaire et à calculer ainsi les ressources financières qui doivent être mises à la disposition du FRU. Dans une telle optique, une éventuelle augmentation du montant des dépôts couverts entre le début et la fin de la période initiale reflète un accroissement de la taille du secteur
bancaire, ce qui implique une augmentation des moyens financiers requis par le FRU à la fin de cette période.

225 Partant, l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 doit être interprété en ce sens que le montant du niveau cible final, prévu par cette disposition, doit être déterminé au regard du montant des dépôts couverts pronostiqué pour la fin de la période initiale.

226 Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le premier grief du présent moyen, sans qu’il y ait besoin de se prononcer sur sa recevabilité.

b)   Sur le deuxième grief, tiré de ce que le CRU aurait déterminé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2016 à un huitième de 1,05 % des dépôts couverts de l’année précédente

227 En ce qui concerne la recevabilité du deuxième grief, selon lequel le CRU aurait commis une erreur lorsqu’il a déterminé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2016 à un huitième de 1,05 % des dépôts couverts de l’année précédant la période de contribution 2016, c’est-à-dire l’année 2015, il ressort tant du considérant 30 de la décision du 19 mars 2020 que du considérant 84 de la décision attaquée que le CRU a appliqué un tel coefficient pour la période de contribution 2016.

228 Eu égard à ce qui précède, en application de l’article 86 du règlement de procédure, il convient de constater que les éléments de fait et de droit sur lesquels repose le présent grief étaient connus de la requérante lors de l’introduction de la requête et qu’ils n’ont pas été modifiés dans la décision attaquée, de sorte que ce grief doit être considéré comme étant irrecevable pour cause de tardiveté.

c)   Sur le troisième grief, tiré de ce que les contributions annuelles pour la période de contribution 2016 dépassent le plafond de 12,5 %

1) Sur la recevabilité

229 Conformément à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne doivent pas dépasser annuellement 12,5 % du niveau cible final. Afin de pouvoir vérifier si le plafond de 12,5 % avait été respecté, il a été nécessaire à la requérante de disposer des éléments d’information sur le montant du niveau cible final. Or, aucun considérant de la
décision du 19 mars 2020 ne contenait une telle information. De même, le CRU n’a soumis au Tribunal aucun élément qui démontrerait que cette information ressortait d’éléments publiquement accessibles avant le dépôt de la requête. En revanche, la décision attaquée a exposé, pour la première fois, à son considérant 83, le montant du niveau cible final estimé au cours de la période de contribution 2016, en précisant que ce montant s’élevait à 56 milliards d’euros (ci-après le « niveau cible final
pronostiqué »).

230 Ce n’est donc que sur la base de ce nouvel élément, à savoir le montant du niveau cible final pronostiqué, qui figurait pour la première fois dans la décision attaquée, que la requérante a pu vérifier si le plafond de 12,5 % avait été respecté et faire valoir une méconnaissance de la disposition mentionnée au point 229 ci-dessus.

231 Eu égard à ce qui précède, en application de l’article 86 du règlement de procédure, il convient de constater que les éléments de fait et de droit sur lesquels repose le présent grief n’étaient pas connus de la requérante lors de l’introduction de la requête, de sorte que ce grief doit être considéré comme étant recevable.

i) Sur le fond

232 Il ressort du point 48 de l’arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216), que, lorsque le CRU calcule les contributions ex ante pour une période de contribution donnée, il est tenu de s’assurer, conformément à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, que le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne
dépasse pas 12,5 % du niveau cible final pronostiqué. Il ressort également du point 38 de cet arrêt que ce plafond de 12,5 % est applicable pendant la période initiale.

233 À l’appui de son argumentation visant à démontrer que le plafond de 12,5 % a été respecté pendant la période de contribution 2016, le CRU soutient que le montant qui devrait être pris en compte aux fins de cette vérification n’est pas celui du niveau cible annuel, mais celui qui résulte de l’ajustement de ce niveau cible et qui correspond ainsi à la somme des contributions ex ante effectivement dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres
participants. Comme cette dernière somme s’élèverait à 6,43 milliards d’euros, elle représenterait 11,48 % du niveau cible final pronostiqué, de sorte que le plafond de 12,5 % ne serait pas dépassé.

234 À cet égard, premièrement, il ressort du libellé de l’article 70, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014 que, « [c]haque année », le CRU calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les « contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants » ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final. Selon le quatrième alinéa de cette disposition, le « cumul des contributions de l’ensemble des établissements
agréés sur le territoire de tous les États membres participants » ne dépasse pas « annuellement » 12,5 % du niveau cible final.

235 Il convient ainsi de constater que la notion de « contributions dues » au sens de l’article 70, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014, se réfère au montant des contributions que les établissements sont effectivement tenus de verser. De même, la notion de « cumul des contributions de l’ensemble des établissements » au sens du quatrième alinéa de cette disposition renvoie à la somme des contributions ex ante individuelles dont chaque établissement est effectivement redevable.

236 Deuxièmement, s’agissant du contexte dans lequel l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 a été adopté, il ressort du document interinstitutionnel 8078/1/14 REV 1, du 27 mars 2014, qui fait partie des travaux préparatoires de ce règlement, que, au cours de la procédure législative, le Conseil avait proposé de plafonner annuellement les contributions « dues » par tous les établissements à 10 % du niveau cible final. De même, tout en s’accordant à porter
ce plafond à 12,5 %, le Parlement et le Conseil ont maintenu que son respect devrait être vérifié au regard des contributions « dues » par l’ensemble des établissements. Il en ressort que, au cours de la procédure législative ayant abouti à l’adoption dudit règlement, il avait été envisagé de plafonner le montant des contributions ex ante devant être effectivement payées.

237 Cette interprétation est confirmée par le contexte normatif dans lequel s’inscrit l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014. En effet, cette disposition est immédiatement suivie par l’article 70, paragraphe 3, de ce règlement, qui a également comme point de référence le montant des contributions ex ante effectivement dues. Cet article prévoit ainsi que la part des engagements de paiement irrévocables pouvant être accordée aux établissements ne dépasse pas
30 % du montant total des « contributions perçues », étant ainsi entendu que le calcul de ces engagements est fait sur la base du montant des contributions ex ante que les établissements sont effectivement tenus de verser.

238 Troisièmement, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà jugé que l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 avait pour objectif de plafonner, pour chaque année considérée individuellement, le montant des contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants [arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, point 54].

239 Eu égard à ce qui précède, l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 doit être interprété en ce sens que le respect du plafond de 12,5 % doit être vérifié au regard du montant des contributions ex ante effectivement dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

240 En l’espèce, il convient de constater que, même si, selon le considérant 84 de la décision attaquée, le montant du niveau cible annuel était de 7007654704 euros, la somme des contributions ex ante effectivement dues par lesdits établissements, pour la période de contribution 2016, était de 6423923918 euros. Ce montant ressort de la première page de l’annexe II de la décision attaquée, dont il découle également que ce dernier montant prend en compte tant la « déduction des contributions 2015 »
que les « ajustements pour les retraitements et révisions en conformité avec l’article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63 ».

241 Dans ces conditions, il convient de constater que la décision attaquée a fixé le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants à un montant qui ne dépasse pas le plafond de 12,5 % du niveau cible final pronostiqué au cours de la période de contribution 2016, tel que cela est prévu par l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014.

242 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments soulevés par la requérante lors de l’audience.

243 En premier lieu, la requérante ne saurait soutenir que la contribution pour l’année 2015 constitue une avance sur la contribution ex ante pour la période de contribution 2016 ou une « note de crédit », de sorte qu’elle devait être englobée dans cette contribution. D’une part, la contribution pour l’année 2015 a été perçue par les États membres sur le fondement de l’article 103 de la directive 2014/59, et donc antérieurement à l’instauration du régime des contributions ex ante par le règlement
no 806/2014. D’autre part, rien dans ce règlement n’indique qu’il convient de tenir compte, aux fins de l’application du plafond de 12,5 %, d’une telle contribution, perçue avant l’instauration de ce régime.

244 En second lieu, la requérante ne saurait faire valoir que l’interprétation exposée aux points 234 et 235 ci-dessus viole le principe d’égalité de traitement en ce que seuls les établissements ayant payé une contribution en 2015 pourraient bénéficier du respect du plafond de 12,5 %. À cet égard, la requérante n’a pas expliqué, à suffisance de droit, si la violation de ce principe découlait d’un traitement différent de situations comparables ou d’un traitement identique de situations différentes.
En outre, il découle du libellé de l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 que le respect du plafond de 12,5 % est vérifié globalement, au regard des contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, de sorte qu’il ne peut pas y avoir de situation dans laquelle, pour une période de contribution donnée, le plafond est respecté pour certains établissements et dépassé pour d’autres.

245 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le troisième grief du présent moyen, ainsi que le troisième moyen dans son intégralité.

[omissis]

C. Conclusion

367 Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

[omissis]

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kornezov

Petrlík

Kecsmár

  Kingston

Spangsberg Grønfeldt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 avril 2025

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Huitième chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-336/20
Date de la décision : 09/04/2025

Analyses

Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2016 – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Principe de sécurité juridique – Droit à une protection juridictionnelle effective – Principe de non-rétroactivité – Exception d’illégalité.


Parties
Demandeurs : Hypo Vorarlberg Bank AG
Défendeurs : Conseil de résolution unique.

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2025:383

Source

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