ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
18 décembre 2024 ( *1 )
« Fonction publique – Agents temporaires – Recrutement – Avis de vacance – Rejet de candidature – Recours en annulation – Représentation d’une institution par un de ses agents – Intérêt à agir – Recevabilité – Obligation de motivation – Principe de bonne administration – Responsabilité – Préjudice moral »
Dans l’affaire T‑560/21,
TB, représentée par Mes L. Levi et N. Flandin, avocates,
partie requérante,
contre
Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA), représentée par Mme C. Chalanouli, en qualité d’agent, assistée de Me B. Wägenbaur, avocat,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de MM. L. Truchot, président, M. Sampol Pucurull et Mme T. Perišin (rapporteure), juges,
greffier : M. P. Cullen, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 8 novembre 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, TB, demande, d’une part, l’annulation, en premier lieu, de la décision du comité de sélection de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) du 10 novembre 2020 de ne pas inscrire son nom sur la liste des candidats retenus pour le poste de chef de l’unité « Bureau du directeur exécutif » et, en second lieu, en substance, de la décision du comité de sélection de l’ENISA du 12 janvier 2021 de ne pas retenir sa candidature
au poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui » et, d’autre part, la réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi.
Antécédents du litige
2 Le 1er novembre 2017, la requérante a été engagée par l’ENISA en qualité d’agent temporaire, au grade AD 9, en application de l’article 2, sous f), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, pour occuper, durant une période de trois ans, jusqu’au 31 octobre 2020, le poste de chef de l’unité « Finances et marchés publics ».
3 Entre le 15 mai et le 17 novembre 2019, la requérante a été placée en congé de maladie. À son retour au travail, elle a été réintégrée pour occuper le poste de chef de l’unité « Bureau des politiques ».
4 Au début de l’année 2020, l’ENISA a fait l’objet d’une réorganisation, au terme de laquelle les sept anciennes unités qui la composaient, parmi lesquelles figuraient les unités « Finances et marchés publics » et « Bureau des politiques », ont été restructurées en six nouvelles unités.
5 Le 26 février 2020, le conseil d’administration de l’ENISA a adopté la décision no MB/2020/5, relative aux principes sur la réorganisation interne de l’ENISA. Le neuvième principe dégagé par cette décision, intitulé « Ouverture », prévoyait que « les nouvelles fonctions et les nouveaux postes au sein de l’ENISA ser[aie]nt pourvus par l’intermédiaire de concours généraux ou de la mobilité interne, organisés sur la base de procédures ouvertes et d’une évaluation transparente des mérites et des
talents ».
6 Le 5 août 2020, l’ENISA a publié sur son site Internet deux avis relatifs à deux concours généraux en vue de pourvoir les postes de chef de l’unité « Bureau du directeur exécutif » (ENISA-TA70-AD-2020-04) et de chef de l’unité « Services administratifs d’appui » (ENISA-TA71-AD-2020-05) (ci-après, pris ensemble, les « avis de vacance du 5 août 2020 »), lesdites unités faisant partie des six nouvelles unités créées lors de la réorganisation de l’ENISA. Il était prévu que le candidat retenu pour
chacun de ces deux postes serait recruté en tant qu’agent temporaire de grade AD 9 pour une durée de cinq ans, renouvelable pour une durée indéfinie.
7 Le 1er septembre 2020, le directeur exécutif de l’ENISA a adopté l’information administrative 2020-11 sur les conclusions des dialogues pour la mobilité interne. Ce document présentait les résultats des dialogues menés avec les chefs d’unité qui avaient été identifiés pour la mobilité interne et précisait que la comparaison entre, d’une part, les tâches et les fonctions existant dans le cadre des structures actuelles de l’ENISA et, d’autre part, les tâches et les fonctions des nouvelles unités
avait permis de désigner les postes de trois chefs d’unité qui pourraient être pourvus par la mobilité interne. Les postes de chef de l’unité « Bureau du directeur exécutif » et de chef de l’unité « Services administratifs d’appui » ne figuraient pas parmi ceux identifiés comme pouvant être pourvus par la mobilité interne.
8 Le 6 septembre 2020, la requérante a présenté ses candidatures aux deux concours organisés en vue de pourvoir, d’une part, le poste de chef de l’unité « Bureau du directeur exécutif » (ci-après le « premier concours litigieux ») et, d’autre part, celui de chef de l’unité « Services administratifs d’appui » (ci-après le « second concours litigieux »).
9 Le 17 septembre 2020, chaque membre des deux comités de sélection institués pour les concours litigieux a rempli et signé une déclaration de conflit d’intérêts.
10 Par lettre du directeur exécutif de l’ENISA, notifiée à la requérante le 10 novembre 2020, celle-ci a été informée de la décision du comité de sélection de ne pas inscrire son nom sur la liste des candidats retenus pour le poste de chef de l’unité « Bureau du directeur exécutif » (ci-après la « première décision attaquée »).
11 Le 10 décembre 2020, le nom de la candidate retenue dans le cadre du second concours litigieux a été annoncé verbalement par le directeur exécutif de l’ENISA à tous les agents au cours d’une séance de questions-réponses sur la réorganisation de l’ENISA. La désignation de la candidate retenue a officiellement été communiquée au personnel de l’ENISA par un courrier électronique du 12 janvier 2021.
12 Par courrier électronique du 3 janvier 2021, la requérante a déposé une demande d’accès à ses données à caractère personnel relative aux deux concours litigieux.
13 Par courrier électronique du 10 janvier 2021, la requérante a déposé une demande d’accès aux informations relatives aux deux concours litigieux, par laquelle elle souhaitait obtenir des renseignements sur ses résultats et ceux des autres candidats.
14 Par lettre du 29 janvier 2021, reçue par la requérante le 3 février suivant, l’ENISA a répondu à sa demande d’accès aux données à caractère personnel, en faisant application du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE)
no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39). En particulier, par cette lettre, l’ENISA a communiqué à la requérante, premièrement, l’évaluation de sa candidature pour le premier concours litigieux, confirmant que, à la suite de l’entretien et de l’épreuve écrite, elle n’avait pas atteint le seuil requis pour permettre que son nom soit inscrit sur la liste de réserve de ce concours et, deuxièmement, l’évaluation de sa candidature pour le second concours litigieux, indiquant
qu’elle n’avait pas atteint le seuil requis pour passer la première étape de ce concours.
15 Le 9 février 2021, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), introduit une réclamation à l’encontre de la première décision attaquée et de la décision du comité de sélection de l’ENISA de ne pas retenir sa candidature au poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui ».
16 Par décision du 9 juin 2021, l’ENISA a rejeté la réclamation de la requérante (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).
Conclusions des parties
17 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la première décision attaquée ;
– annuler la décision du comité de sélection de l’ENISA de ne pas retenir sa candidature au poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui » ;
– annuler, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;
– condamner l’ENISA à la réparation de son préjudice moral ;
– condamner l’ENISA aux dépens.
18 L’ENISA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur l’objet des conclusions en annulation
Sur l’identification de la décision faisant l’objet du deuxième chef de conclusions
19 Il résulte de la jurisprudence que l’identification de l’acte attaqué peut résulter de manière implicite du contenu de la requête, notamment de l’argumentation développée au soutien des moyens soulevés devant le Tribunal, pour autant que cet acte relève avec l’acte visé par les conclusions d’un seul et même litige et que la partie défenderesse ait pu procéder à une telle identification et, partant, n’ait pas été lésée dans les droits de sa défense (voir arrêt du 22 décembre 2022, Parlement/Moi,
C‑246/21 P, non publié, EU:C:2022:1026, point 59 et jurisprudence citée).
20 En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante demande l’annulation de la décision identifiée dans le bordereau des annexes de la requête comme correspondant à l’annexe A.26 du dossier. Cette annexe comprend la lettre du 29 janvier 2021, mentionnée au point 14 ci-dessus, par laquelle l’ENISA a répondu à sa demande d’accès aux données à caractère personnel la concernant.
21 Or, il y a lieu de constater que la lettre du 29 janvier 2021 n’a ni pour objet ni pour effet d’informer la requérante du fait que sa candidature n’a pas été retenue au poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui », mais vise uniquement à répondre à sa demande de communication de ses données à caractère personnel, conformément à la réglementation applicable.
22 Néanmoins, ainsi qu’il ressort du point 11 ci-dessus, à la date de sa demande de communication des données à caractère personnel, la requérante avait déjà eu connaissance du nom de la candidate retenue pour pourvoir le poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui », lequel avait été annoncé verbalement par le directeur exécutif de l’ENISA le 10 décembre 2020 lors d’une séance de questions-réponses, puis officiellement communiqué au personnel de l’ENISA par courrier électronique du
12 janvier 2021.
23 Par conséquent, c’est la communication officielle, par le courrier électronique du 12 janvier 2021, du nom de la candidate retenue pour pourvoir le poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui » qui matérialise la décision du comité de sélection de l’ENISA de ne pas retenir la candidature de la requérante audit poste. En effet, la communication officielle de cette information implique nécessairement le rejet de la candidature de la requérante dans le cadre du second concours
litigieux.
24 Dès lors, dans la mesure où le courriel du 12 janvier 2021 relève, avec la lettre du 29 janvier 2021, d’un seul et même litige, où l’ENISA était en mesure de procéder à une telle identification et, partant, n’a pas été lésée dans ses droits de la défense, il y a lieu de considérer que les conclusions tendant à l’annulation de la décision du comité de sélection de l’ENISA de ne pas retenir la candidature de la requérante au poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui » portent sur
la décision du 12 janvier 2021, qui figure à l’annexe A.25 du dossier (ci-après la « seconde décision attaquée »), et non sur la lettre du 29 janvier 2021.
Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation
25 Selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le
rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 24 et jurisprudence citée).
26 En l’espèce, il convient d’observer que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la première et la seconde décisions attaquées (ci-après les « décisions attaquées »), sans avoir une portée différente. Le fait que le conseil d’administration de l’ENISA a été amené, en réponse aux arguments avancés par la requérante dans sa réclamation, à apporter des précisions sur les motifs de ces décisions ne saurait justifier que le rejet de la réclamation soit considéré comme un acte
autonome faisant grief à la requérante, la motivation dudit rejet coïncidant, en substance, avec celle des décisions contre lesquelles cette réclamation a été dirigée. Par conséquent, le recours en annulation de la requérante doit être considéré comme étant dirigé contre les décisions attaquées, dont la légalité doit, le cas échéant, être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation.
27 Partant, les conclusions en annulation doivent être regardées comme étant uniquement dirigées contre les décisions attaquées.
Sur la recevabilité
Sur la fin de non-recevoir relative à la représentation de l’ENISA
28 En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la requérante soutient que la condition de représentation par un avocat indépendant et suffisamment détaché de la personne morale qu’il représente, établie par la jurisprudence, n’était pas remplie en l’espèce, au motif qu’un des agents représentant l’ENISA dans la présente instance est la personne retenue pour l’un des emplois litigieux.
29 L’ENISA conteste les allégations de la requérante en raison, notamment, du statut de co-agent de cette personne au sein d’un groupe de trois agents, assistés d’un avocat. Cela étant, afin d’éviter toute apparence de manque d’indépendance, l’ENISA a révoqué le mandat de deux des trois agents initialement désignés pour assurer sa représentation, tout en maintenant le mandat ad litem désignant le troisième agent, assisté du même avocat.
30 En premier lieu, aux termes de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut :
« Les États membres ainsi que les institutions de l’Union sont représentés devant la Cour de justice par un agent nommé pour chaque affaire ; l’agent peut être assisté d’un conseil ou d’un avocat.
[…]
Les autres parties doivent être représentées par un avocat.
[…] »
31 Par ailleurs, l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal prévoit ce qui suit :
« Les parties doivent être représentées par un agent ou un avocat dans les conditions prévues à l’article 19 du statut [de la Cour de justice de l’Union européenne]. »
32 Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous g), du règlement de procédure, le terme « institutions » désigne les institutions de l’Union européenne visées à l’article 13, paragraphe 1, TUE ainsi que les organes ou organismes créés par les traités ou par un acte pris pour leur exécution et qui peuvent être parties devant le Tribunal.
33 Ainsi, il résulte de ces dispositions que, lorsqu’elle est partie à un litige devant le Tribunal, l’ENISA, qui constitue un organisme initialement créé par le règlement (CE) no 460/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2004, instituant l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (JO 2004, L 77, p. 1), et désormais régi par le règlement (UE) 2019/881 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019, relatif à l’ENISA et à la certification de
cybersécurité des technologies de l’information et des communications, et abrogeant le règlement (UE) no 526/2013 (règlement sur la cybersécurité) (JO 2019, L 151, p. 15), doit être représentée devant le Tribunal par un agent nommé pour chaque affaire, assisté, le cas échéant, d’un conseil ou d’un avocat.
34 En deuxième lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’objectif de la représentation par un avocat des parties non visées à l’article 19, premier et deuxième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne consiste, d’une part, à empêcher que les parties privées agissent elles-mêmes en justice sans avoir recours à un intermédiaire et, d’autre part, à garantir que les personnes morales soient défendues par un représentant qui est suffisamment détaché de la personne
morale qu’il représente (voir arrêt du 14 juillet 2022, Universität Bremen/REA, C‑110/21 P, EU:C:2022:555, point 46 et jurisprudence citée).
35 Dans ce contexte, la Cour a souligné que l’objectif de la mission de représentation par un avocat telle que cette mission est visée à l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui s’exerce dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, consiste avant tout à protéger et à défendre au mieux les intérêts du mandant, en toute indépendance ainsi que dans le respect de la loi, des règles professionnelles et des règles déontologiques
(voir arrêt du 14 juillet 2022, Universität Bremen/REA, C‑110/21 P, EU:C:2022:555, point 47 et jurisprudence citée).
36 La condition d’indépendance de l’avocat se définit non seulement de manière négative, c’est-à-dire par l’absence d’un rapport d’emploi entre l’avocat et son client, mais également de manière positive, à savoir par une référence à la déontologie (voir arrêt du 14 juillet 2022, Universität Bremen/REA, C‑110/21 P, EU:C:2022:555, point 49 et jurisprudence citée).
37 S’agissant de la définition positive de la notion d’« indépendance », la Cour a expressément souligné que cette notion devait être comprise comme exigeant l’absence non pas de tout lien quelconque entre l’avocat et son client, mais uniquement de lien qui portait manifestement atteinte à la capacité de l’avocat à assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client, dans le respect de la loi et des règles professionnelles et déontologiques (voir arrêt du 14 juillet 2022,
Universität Bremen/REA, C‑110/21 P, EU:C:2022:555, point 52 et jurisprudence citée).
38 En effet, en appliquant la condition d’indépendance imposée par le droit de l’Union aux représentants des parties non privilégiées, le juge de l’Union exerce un contrôle restreint en ce qu’il se limite à sanctionner d’irrecevabilité le recours dont il est saisi dans les hypothèses dans lesquelles il apparaît de manière manifeste que le représentant concerné n’est pas en mesure d’assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client, de telle sorte que ce représentant doit
être écarté dans l’intérêt de ce dernier (voir arrêt du 14 juillet 2022, Universität Bremen/REA, C‑110/21 P, EU:C:2022:555, point 53 et jurisprudence citée).
39 En troisième lieu, toutefois, il y a lieu de constater que la jurisprudence mentionnée aux points 34 à 38 ci-dessus a été développée uniquement en ce qui concerne la représentation par un avocat des parties non privilégiées au sens de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
40 Or, ainsi qu’il résulte des points 30 à 33 ci-dessus, l’ENISA devant être représentée devant le Tribunal par un agent, le cas échéant assisté d’un avocat, elle est une partie privilégiée au sens de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
41 Par conséquent, les principes issus de la jurisprudence mentionnée aux points 34 à 38 ci-dessus ne sont pas applicables à l’ENISA.
42 En quatrième lieu, à supposer même que les principes issus de la jurisprudence mentionnée aux points 34 à 38 ci-dessus soient transposables aux parties privilégiées au sens de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, il ne ressort pas des écritures de la requérante que celle-ci met en doute l’indépendance du troisième agent ou celle de l’avocat représentant l’ENISA dans la présente instance.
43 Par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée par la requérante doit être rejetée.
Sur la fin de non-recevoir relative à l’intérêt à agir de la requérante
44 L’ENISA fait valoir que la requérante n’a plus d’intérêt à agir dans la mesure où elle a démissionné environ dix jours après l’introduction du présent recours. Ainsi, elle souligne que la requérante a démissionné volontairement pour occuper un autre emploi, ce qui démontrerait qu’elle ne souhaitait plus travailler pour l’ENISA.
45 Selon l’ENISA, la situation de la requérante n’est pas comparable à celle d’un fonctionnaire en invalidité, qui n’a pas choisi de se trouver dans une situation médicale qui l’empêche d’exercer son activité et qui, s’il se trouve dans une situation réversible, est susceptible de reprendre les activités qu’il a quittées.
46 Par ailleurs, l’ENISA soutient que, si la requérante obtenait gain de cause en l’espèce, elle ne réintégrerait pas automatiquement ses fonctions au sein de l’ENISA, étant donné que son nom serait, en fonction de l’exécution de l’arrêt, inscrit sur la liste de réserve, sans droit subjectif d’être sélectionnée et de se voir attribuer un nouveau contrat.
47 L’ENISA conteste également l’argument de la requérante selon lequel elle conserve un intérêt à agir afin que l’illégalité alléguée ne se reproduise pas à l’avenir dans le cadre d’une procédure analogue. Elle observe, à cet égard, que la requérante travaille désormais pour un autre employeur et que son intérêt à poursuivre la présente instance est purement juridique.
48 La requérante conteste le bien-fondé des allégations de l’ENISA.
49 À cet égard, il convient de rappeler qu’un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle‑même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. La preuve d’un tel intérêt, qui s’apprécie au jour où le recours est formé
et qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice, doit être rapportée par la partie requérante (voir arrêt du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, C‑236/17 P, EU:C:2019:258, point 91 et jurisprudence citée).
50 Cet intérêt à agir doit être né et actuel. Il ne peut concerner une situation future et hypothétique. Cet intérêt doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité et perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer. La juridiction saisie de l’instance peut soulever d’office et à tout moment de la procédure le défaut d’intérêt d’une partie à maintenir sa demande, en raison de la survenance d’un
fait postérieurement à la date de l’acte introductif d’instance (voir arrêt du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, C‑236/17 P, EU:C:2019:258, point 92 et jurisprudence citée).
51 En effet, si l’intérêt à agir de la partie requérante disparaît au cours de la procédure, une décision du Tribunal sur le fond ne saurait procurer aucun bénéfice à celle-ci (arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 43).
52 Or, il ressort de la jurisprudence qu’un fonctionnaire qui, par sa démission, a manifesté sa volonté de cesser d’appartenir à l’institution au sein de laquelle étaient vacants les emplois auxquels il a été pourvu par l’acte attaqué a, en principe, perdu son intérêt personnel à l’annulation de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 1975, Marenco e.a./Commission, 81/74 à 88/74, EU:C:1975:139, points 6 et 7).
53 Certes, l’intérêt à agir d’une partie requérante ne disparaît pas nécessairement en raison du fait que l’acte attaqué a cessé de produire des effets en cours d’instance. En effet, la personne concernée par cet acte peut conserver un intérêt à ce qu’il soit annulé pour obtenir une remise en état de sa situation ou pour amener l’auteur de l’acte attaqué à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées et ainsi éviter le risque de répétition de l’illégalité dont l’acte attaqué est prétendument
entaché. Même dans les cas où, en raison des circonstances, il s’avère impossible de mettre en œuvre l’obligation, pour l’institution dont émane l’acte annulé, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt ayant prononcé cette annulation, le recours en annulation peut conserver un intérêt en tant que fondement d’un recours éventuel en responsabilité (voir arrêt du 30 juin 2022, Camerin/Commission, C‑63/21 P, non publié, EU:C:2022:516, point 48 et jurisprudence citée).
54 Toutefois, il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de son intérêt à agir, qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice. En particulier, pour que le recours en annulation d’un acte présenté par une personne physique ou morale soit recevable, il faut que la partie requérante justifie de façon pertinente l’intérêt que présente pour elle l’annulation de cet acte (voir arrêt du 30 juin 2022, Camerin/Commission, C‑63/21 P, non publié, EU:C:2022:516,
point 50 et jurisprudence citée).
55 En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante a démissionné de l’ENISA le 7 octobre 2021, soit près d’un mois après l’introduction du présent recours, la requête ayant été déposée le 2 septembre 2021. Par sa démission, la requérante a ainsi manifesté sa volonté de cesser de travailler pour l’ENISA.
56 Toutefois, il convient de relever que la requérante a assorti ses conclusions en annulation de conclusions indemnitaires en vue de la réparation de son préjudice moral en raison des illégalités prétendument commises par l’ENISA. Elle souligne qu’elle conserve un intérêt à agir pour solliciter, en cas d’annulation des décisions attaquées, une indemnisation du préjudice moral qui résulterait de ces décisions.
57 Par conséquent, il y a lieu de conclure que, bien que la requérante ait démissionné après l’introduction du présent recours, elle justifie d’un intérêt à obtenir l’annulation des décisions attaquées, conformément à la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de la requérante doit être rejetée comme non fondée.
Sur le fond
Sur les conclusions en annulation
58 À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de l’illégalité des décisions attaquées, en ce qu’elles résultent de la décision implicite de ne pas identifier les postes de chef de l’unité « Bureau des politiques » et de chef de l’unité « Finances et marchés publics » comme étant susceptibles d’être occupés par la voie de la mobilité interne et des avis de vacance du 5 août 2020, cette décision et ces avis étant, selon la requérante, également illégaux. Le
deuxième moyen est tiré de la violation du principe de bonne administration, en ce qu’il comprend l’obligation de motivation des actes de l’Union. Le troisième moyen est invoqué uniquement contre la première décision attaquée et est tiré de la violation du principe d’impartialité du jury, de la violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de la violation de l’article 14 de la décision no MB/2013/6 du conseil d’administration de
l’ENISA, relative aux règles internes de procédure pour le conseil d’administration de l’ENISA et le conseil exécutif de l’ENISA.
59 Il y a lieu pour le Tribunal d’examiner en premier le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration, en ce qu’il comprend l’obligation de motivation des décisions attaquées.
60 Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que l’ENISA n’a pas respecté l’obligation de motivation et le principe de bonne administration, qui comprend le droit d’être en mesure de recevoir des informations suffisantes pour contester un acte juridique.
61 En ce qui concerne la première décision attaquée, premièrement, la requérante observe que celle-ci indiquait uniquement que le comité de sélection n’avait pas été en mesure d’inscrire son nom sur la liste des candidats retenus pour le premier concours litigieux.
62 La requérante précise que c’est uniquement après ses demandes des 3 et 10 janvier 2021 qu’elle a finalement reçu, le 3 février 2021, l’évaluation de son entretien et de son épreuve écrite, consistant en un formulaire d’évaluation et un tableau contenant des commentaires et des notes.
63 Deuxièmement, la requérante soutient que l’évaluation qu’elle a reçue ne lui permet pas de comprendre la correspondance entre les commentaires et les notes dans le tableau, car certains commentaires très positifs correspondent à la note de 7,5/10, alors que d’autres commentaires également très positifs et ne contenant aucune critique correspondent à la note de 6,5/10.
64 Troisièmement, la requérante avance notamment qu’aucune information complémentaire n’accompagne l’épreuve écrite pour laquelle elle a obtenu la note de 23,5/40.
65 En ce qui concerne la seconde décision attaquée, premièrement, la requérante souligne qu’elle a appris que sa candidature au second concours litigieux avait été rejetée lorsque le directeur exécutif de l’ENISA avait annoncé, par courrier électronique du 12 janvier 2021, adressé au personnel de l’ENISA, le nom de la candidate retenue pour le poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui ».
66 La requérante précise que c’est uniquement après l’avoir demandée qu’elle a finalement reçu, le 3 février 2021, l’évaluation de sa candidature pour le second concours litigieux.
67 Deuxièmement, la requérante fait valoir que la motivation sommaire de son évaluation ne remplit pas les exigences de la jurisprudence et ne lui permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles elle n’a même pas été jugée comme étant admissible au concours, malgré son expérience professionnelle antérieure acquise au sein de l’ENISA durant une période de trois ans en tant que cheffe des unités « Finances et marchés publics » et « Bureau des politiques ».
68 Troisièmement, la requérante fait valoir qu’il existe des incohérences entre le formulaire d’évaluation relatif au poste de chef de l’unité « Bureau du directeur exécutif » et celui relatif au poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui ».
69 Enfin, en ce qui concerne les décisions attaquées, la requérante soutient qu’elle aurait dû recevoir des informations sur les autres candidats, conformément au point 5 des avis de vacance du 5 août 2020, selon lequel « [t]outes les demandes de renseignements ou d’informations relatives au concours, y compris celles qui ont trait aux résultats des candidats, doivent être envoyées à l’adresse électronique suivante ».
70 L’ENISA conteste le bien-fondé des allégations de la requérante.
71 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 25, deuxième alinéa, seconde phrase, du statut, toute décision faisant grief doit être motivée. Cette obligation correspond à celle prévue plus généralement à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ainsi qu’à l’article 41 de la Charte, portant sur le principe de bonne administration, en particulier son paragraphe 2, sous c).
72 Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver une décision des institutions de l’Union faisant grief a pour but de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de cette décision et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si ladite décision est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité (voir arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 51 et jurisprudence citée).
73 Il en résulte que la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief et que l’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 51 et jurisprudence citée).
74 En effet, l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions ne constitue pas seulement, de façon générale, l’expression de la transparence de l’action de l’administration, mais doit également permettre au particulier de décider, en toute connaissance de cause, s’il est utile pour lui de saisir une juridiction. Il existe donc un rapport étroit entre l’obligation de motivation et le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective ainsi que le droit à un recours effectif
garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 22 septembre 2021, JR/Commission, T‑435/20, EU:T:2021:608, point 47 et jurisprudence citée).
75 En outre, la motivation des actes des institutions de l’Union exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment
du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais
aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 29 et jurisprudence citée).
76 À cet égard, la Cour a jugé que l’absence de motivation pouvait être constatée même lorsque la décision en cause comportait certains éléments de motivation. Ainsi, une motivation contradictoire ou inintelligible équivaut à une absence de motivation. Il en va de même lorsque les éléments de motivation figurant dans la décision en cause sont si lacunaires qu’ils ne permettent aucunement à son destinataire, dans le contexte de l’adoption de celle-ci, de comprendre le raisonnement de son auteur.
C’est pourquoi l’existence d’un début de motivation fait l’objet d’une appréciation circonstanciée par le juge de l’Union, lorsque celui-ci doit décider si un complément de motivation est admissible en cours d’instance (voir arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 55 et jurisprudence citée).
77 Enfin, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation doit être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury en vertu de l’article 6 de l’annexe III du statut. Ce secret a été institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration de l’Union elle-même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret
s’oppose dès lors tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (voir arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 24 et jurisprudence citée).
78 Ainsi, l’exigence de motivation des décisions d’un jury de concours doit, dans ces conditions, tenir compte de la nature des travaux en cause (arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 25).
79 Les travaux d’un jury de concours comportent, en général, au moins deux stades distincts, à savoir, en premier lieu, l’examen des candidatures pour faire le tri des candidats admis au concours et, en second lieu, l’examen des aptitudes des candidats à l’emploi à pourvoir, afin de dresser une liste de réserve (voir arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 26 et jurisprudence citée).
80 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier si l’ENISA a respecté le principe de bonne administration en ce qu’il comprend l’obligation de motivation des décisions attaquées.
– Sur la première décision attaquée
81 En premier lieu, il ressort du point 4 de l’avis de vacance du premier concours litigieux, figurant à l’annexe A.26 du dossier, que, afin de pourvoir l’emploi de chef de l’unité « Bureau du directeur exécutif », le comité de sélection devait, dans un premier temps, évaluer si les candidats avaient les « qualifications et expérience requises » pour être jugés éligibles aux fins du concours en question.
82 Ensuite, il ressort du point 5 dudit avis que, dans un second temps, les candidats jugés éligibles étaient invités à se soumettre à une « procédure de sélection » consistant en deux épreuves : un entretien et une épreuve écrite.
83 En l’espèce, il ressort du point 10 ci-dessus que, le 10 novembre 2020, le directeur exécutif de l’ENISA a informé la requérante de la décision du comité de sélection de ne pas inscrire son nom sur la liste des candidats retenus dans le cadre de ce concours. Ainsi qu’il ressort des points 12 à 14 ci-dessus, à la suite des demandes de la requérante tendant à obtenir l’accès à ses données à caractère personnel, l’ENISA lui a communiqué, le 29 janvier 2021, l’évaluation de sa candidature dans le
cadre du premier concours litigieux, confirmant que, à la suite de l’entretien et de l’épreuve écrite, elle n’avait pas atteint le seuil requis pour permettre que son nom soit inscrit sur la liste de réserve de ce concours.
84 Par conséquent, il y a lieu de constater que la première décision attaquée relève du second stade des travaux du jury de concours, tel que visé au point 79 ci-dessus.
85 En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence que le second stade des travaux du jury de concours est avant tout de nature comparative et, de ce fait, couvert par le secret inhérent à ces travaux (voir arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 28 et jurisprudence citée).
86 Ainsi, l’exigence de motivation devant être conciliée, lors d’un concours ou, plus généralement, d’une procédure de sélection, avec le respect du secret des délibérations du jury, la communication des notes du candidat, en tant qu’elles reflètent les appréciations de nature comparative portées par le jury, constitue, en principe, une motivation suffisante (voir arrêt du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 52 et jurisprudence citée).
87 Toutefois, il ressort du point 73 ci-dessus que la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief.
88 En particulier, dans le domaine des concours qui permettent d’accéder à des emplois de fonctionnaires ou d’agents temporaires de l’Union, à l’issue du second stade des travaux du jury, le candidat ayant subi les épreuves afférentes à ce second stade doit, en principe, recevoir communication des notes obtenues à ces épreuves en même temps que la décision de ne pas inscrire son nom sur la liste des candidats retenus dans le cadre de ce concours (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2008,
Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, points 50 à 60).
89 En effet, dans cette matière particulière, et sous réserve de circonstances exceptionnelles telles que celles qui caractérisent l’organisation de concours à participation nombreuse, la jurisprudence ne subordonne pas le respect de l’obligation de motivation à l’introduction d’une demande quelconque, qu’il s’agisse d’une réclamation préalable au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou d’une demande de réexamen (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P,
EU:C:2020:457, points 31 et 41).
90 Or, il y a lieu d’observer que la première décision attaquée est ainsi libellée :
« En référence à votre candidature à la procédure de sélection mentionnée ci-dessus et à l’entretien et l’épreuve écrite auxquels vous avez été convoquée, la présente lettre a pour objet de vous informer que, après une évaluation approfondie, le comité de sélection n’a pas pu inscrire votre nom sur la liste des lauréats à cette occasion.
Cette décision n’affecte pas votre participation à d’éventuelles futures procédures de sélection à l’ENISA et pour lesquelles vous remplissez les conditions d’éligibilité. Je vous rappelle qu’il est nécessaire d’introduire une nouvelle candidature pour chaque procédure de sélection qui susciterait votre intérêt.
Je profite de cette occasion pour vous remercier de l’intérêt que vous portez aux activités de l’ENISA et vous souhaite plein de succès dans votre future carrière. »
91 Il s’ensuit que la première décision attaquée, par laquelle la requérante a appris le rejet de sa candidature au poste de chef de l’unité « Bureau du directeur exécutif », comporte pour seule indication la mention de son échec à la procédure de sélection. Ce faisant, elle se limite à informer la requérante du rejet de sa candidature sans lui notifier les notes attribuées par le comité de sélection dans le cadre des deux épreuves de la procédure de sélection.
92 Certes, ainsi qu’il ressort du point 14 ci-dessus, le 29 janvier 2021, l’ENISA a communiqué à la requérante les notes et l’évaluation de sa candidature dans le cadre du premier concours litigieux, confirmant que, à la suite de l’entretien et de l’épreuve écrite, elle n’avait pas atteint le seuil requis pour permettre que son nom soit inscrit sur la liste de réserve de ce concours.
93 Néanmoins, ainsi qu’il ressort des points 12 à 14 ci-dessus, c’est uniquement à la suite des demandes de la requérante tendant à obtenir l’accès à ses données à caractère personnel que l’ENISA lui a finalement communiqué l’évaluation de sa candidature dans le cadre du premier concours litigieux, en mentionnant les notes qu’elle avait reçues pour les deux épreuves de la procédure de sélection.
94 En troisième lieu, il est vrai que, afin de tenir compte des difficultés pratiques qui se présentent dans un concours à participation nombreuse, le jury peut, dans un premier temps, ne communiquer aux candidats que les critères et le résultat de la sélection, quitte à fournir ultérieurement des explications individuelles à ceux des candidats qui le demandent expressément (voir arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 31 et jurisprudence citée).
95 Toutefois, en l’espèce, les circonstances exceptionnelles requises par la jurisprudence citée au point 94 ci-dessus ne sont pas établies. En effet, l’ENISA n’a même pas soutenu, et encore moins démontré, que la procédure de sélection relative au premier concours litigieux correspondait à un concours à participation nombreuse, de sorte qu’elle n’aurait pas été en mesure, d’un point de vue pratique, d’apporter une motivation suffisante à chaque candidat en temps voulu et qu’elle aurait pu se
limiter à fournir ultérieurement des explications individuelles aux candidats qui en auraient expressément fait la demande.
96 Ainsi qu’il a été précisé par l’ENISA lors de l’audience, parmi les 111 candidatures déposées dans le cadre du premier concours litigieux, seuls 14 candidats, parmi lesquels la requérante, ont été invités au second stade dudit concours, consistant en un entretien et une épreuve écrite. Dans ces circonstances, adresser une réponse circonstanciée à la requérante n’aurait donc pas entraîné une surcharge de travail pour l’ENISA, alors surtout qu’il s’agissait d’une décision ayant pour conséquence
indirecte de ne pas permettre à un agent de poursuivre son activité professionnelle au profit de l’agence pour laquelle elle avait travaillé durant plus de trois ans (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 58).
97 Dès lors, il convient de conclure que la première décision attaquée est entachée d’une absence de motivation.
– Sur la seconde décision attaquée
98 En premier lieu, il ressort du point 4 de l’avis de vacance du second concours litigieux, figurant à l’annexe A.26 du dossier, que, afin de pourvoir le poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui », le comité de sélection devait, dans un premier temps, évaluer si les candidats avaient les « qualifications et expérience requises » pour être jugés éligibles aux fins du concours en question.
99 Ensuite, il ressort du point 5 dudit avis que, dans un second temps, les candidats jugés éligibles étaient invités à se soumettre à une « procédure de sélection » consistant en deux épreuves : un entretien et une épreuve écrite.
100 En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 12 et 14 ci-dessus, dans le cadre du second concours litigieux, la requérante n’a pas atteint le seuil requis pour faire l’objet de l’évaluation des « qualifications et expérience requises » et être ainsi invitée à se soumettre à l’entretien, puis à l’épreuve écrite.
101 Certes, il ressort du point 4 dudit avis de vacance que l’opération de tri des candidatures a été mise en œuvre en deux temps. En particulier, dans le cadre de l’évaluation des « qualifications et expérience requises », premièrement, le comité de sélection devait examiner si les candidats remplissaient les « critères d’éligibilité ». Deuxièmement, pour les candidats qui remplissaient les « critères d’éligibilité », le comité de sélection devait examiner s’ils remplissaient les « critères de
sélection », consistant en cinq « critères à pondération élevée » et trois « critères à faible pondération ».
102 À cet égard, il y a lieu de constater que, si le mode d’évaluation de ces critères était distinct, en ce que les « critères de sélection » étaient assortis d’une cotation chiffrée, contrairement aux « critères d’éligibilité », il n’en demeure pas moins que les « critères de sélection », qui visaient à évaluer la détention de certains diplômes, la durée des expériences professionnelles dans certains secteurs et la détention de certaines compétences, correspondaient à des données objectives et
n’étaient pas sujets à des jugements de valeur de la part du jury. En outre, l’avis de vacance distingue clairement l’évaluation des « qualifications et expérience requises », visée à son point 4 et comportant les « critères d’éligibilité » et les « critères de sélection », de la « procédure de sélection » proprement dite, visée à son point 5 et comprenant l’entretien et l’épreuve écrite.
103 Par conséquent, il convient de constater que la seconde décision attaquée relève du premier stade des travaux du jury de concours mentionné au point 79 ci-dessus.
104 À cet égard, ce premier stade consiste, notamment, lors d’un concours sur titres, en une confrontation des titres produits par les candidats avec les qualifications requises par l’avis de concours. Cette confrontation se faisant sur la base de données objectives et d’ailleurs connues par chacun des candidats en ce qui les concerne, le respect du secret entourant les travaux du jury ne s’oppose pas à ce que soient communiqués ces données objectives et, notamment, les critères d’appréciation qui
sont à la base de la sélection faite, au stade des opérations préliminaires du concours, de manière à mettre les personnes dont les candidatures ont été écartées dès avant toute épreuve personnelle en mesure de connaître les motifs possibles de leur élimination (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 27 et jurisprudence citée).
105 En outre, même lorsque le jury n’a l’obligation de fournir, dans un premier temps, qu’une motivation sommaire, comme c’est le cas dans un concours à participation nombreuse, la motivation doit inclure les résultats du concours concerné, sans qu’il puisse être attendu des candidats qu’ils en sollicitent la communication (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, points 35 et 36).
106 En second lieu, en ce qui concerne la motivation de la seconde décision attaquée, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 11 ci-dessus, la requérante n’a été informée du résultat de sa candidature que de manière implicite quand, le 10 décembre 2020, le nom de la candidate retenue dans le cadre du second concours litigieux a été annoncé verbalement par le directeur exécutif de l’ENISA à tous les agents au cours d’une séance de questions-réponses, puis officiellement communiqué
au personnel de l’ENISA par courrier électronique du 12 janvier 2021.
107 Il ressort également des points 12 et 14 ci-dessus que c’est uniquement après avoir envoyé les deux demandes des 3 et 10 janvier 2021 que la requérante a reçu, le 3 février 2021, l’évaluation de sa candidature pour le second concours litigieux, indiquant qu’elle n’avait pas atteint le seuil requis pour être admise à passer l’étape suivante dudit concours.
108 Ainsi qu’il a été relevé au point 23 ci-dessus, c’est la communication officielle, par le courrier électronique du 12 janvier 2021, de l’information relative au nom de la candidate retenue pour pourvoir le poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui » qui matérialise la décision du comité de sélection de l’ENISA de ne pas retenir la candidature de la requérante audit poste. En effet, la communication officielle de cette information implique nécessairement le rejet de la
candidature de la requérante dans le cadre du second concours litigieux.
109 En l’espèce, force est de constater que c’est de manière totalement incidente que la requérante a appris qu’elle n’avait pas été admise à passer l’entretien et l’épreuve écrite, alors qu’il résulte du point 105 ci-dessus que le candidat à un concours qui fait l’objet d’une décision de non-admission à l’issue du premier stade tel que défini au point 104 ci-dessus doit, au minimum, être informé du résultat de cette procédure de recrutement, et cela même en cas de concours à participation
nombreuse. En effet, le résultat de la procédure de recrutement à laquelle un fonctionnaire ou un agent a participé constitue une information minimale devant être fournie en toute hypothèse aux candidats, dès lors qu’il ne saurait être raisonnablement attendu de ceux-ci qu’ils sollicitent la communication de ce résultat, lorsque son existence même ne leur est pas connue.
110 Par conséquent, il convient de relever que la seconde décision attaquée est entachée d’une absence de motivation.
111 Au vu des considérations qui précèdent et à la lumière de la jurisprudence citée aux points 73, 88 et 89 ci-dessus, il doit être conclu que l’ENISA n’a pas respecté son obligation de motiver les décisions attaquées et, par conséquent, a porté atteinte au droit de la requérante à une bonne administration, prévu à l’article 41 de la Charte.
112 Il importe de rappeler que, lorsqu’une juridiction de l’Union statue sur les conséquences découlant de l’annulation d’une mesure relative aux procédures de sélection du personnel de l’Union, elle doit chercher à concilier les intérêts des candidats désavantagés par une irrégularité commise lors de cette procédure et les intérêts des autres candidats, de telle sorte qu’il lui incombe de prendre en considération non seulement la nécessité de rétablir les candidats lésés dans leurs droits, mais
également la confiance légitime des candidats déjà sélectionnés. Pour ce faire, cette juridiction doit prendre en considération la nature de l’irrégularité en cause et ses effets, de même que les différentes mesures envisageables en vue de concilier la nécessité de rétablir le requérant lésé dans ses droits, la situation des tiers et l’intérêt du service. Peuvent également être pertinents, dans le cadre de cette appréciation, des éléments tels que le nombre de personnes affectées par
l’irrégularité de la procédure de sélection et le nombre de lauréats (voir arrêt du 8 mai 2019, Entreprise commune Fusion for Energy/Galocha, C‑243/18 P, EU:C:2019:378, points 46 et 47 et jurisprudence citée).
113 Or, en l’espèce, premièrement, il y a lieu de constater que les vices entachant les décisions attaquées sont caractérisés par la violation de l’obligation de motivation, qui constitue une formalité substantielle et dont le non-respect peut être relevé d’office par le juge. Deuxièmement, il ne ressort pas du dossier que ces vices auraient affecté uniquement les décisions attaquées, de sorte qu’il ne saurait être exclu que les autres candidats qui n’ont pas été admis au terme de la seconde phase
du premier concours litigieux ainsi que ceux qui n’ont pas été admis au terme de la première phase du second concours litigieux aient été confrontés à la même illégalité. Troisièmement, l’éventuelle annulation des décisions attaquées n’impliquerait pas nécessairement la nomination de la requérante à l’un ou à l’autre des emplois de chefs d’unité auxquels elle s’était portée candidate. Enfin, quatrièmement, à supposer même que l’ENISA, dans le cadre des mesures visant à rétablir la requérante
dans ses droits, envisagerait de procéder à sa nomination dans l’un ou l’autre des emplois de chefs d’unité en cause dans la présente affaire, une telle nomination ne serait susceptible de remettre en cause, le cas échéant, que la nomination d’une seule personne. Ainsi, compte tenu de ces éléments, le Tribunal n’est pas dans une situation exceptionnelle dans laquelle la solution d’annulation devrait être considérée comme excessive au regard des droits des tiers.
114 Ainsi, il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen soulevé par la requérante, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments invoqués à son soutien, et d’annuler les décisions attaquées, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par la requérante.
Sur les conclusions en indemnité
115 À l’appui des conclusions indemnitaires, la requérante estime avoir subi un préjudice moral découlant des illégalités commises par l’ENISA, lesquelles ont entraîné chez elle un stress important et de forts sentiments d’injustice et de manque de respect, qui ont affecté sa santé ainsi que sa dignité. Elle considère que son préjudice moral ne peut pas être indemnisé par la simple annulation des décisions attaquées. Elle demande, en conséquence, la condamnation de l’ENISA à lui verser une indemnité
évaluée ex æquo et bono à 5000 euros.
116 L’ENISA ne présente pas d’arguments relatifs aux conclusions indemnitaires de la requérante.
117 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de l’Union suppose la réunion de trois conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union, le caractère réel et certain du préjudice invoqué et l’existence d’un lien de causalité entre l’illégalité reprochée et ce préjudice (voir arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO, T‑548/18, EU:T:2021:4, point 116 et jurisprudence
citée).
118 Par ailleurs, il résulte d’une jurisprudence établie de la Cour qu’un préjudice d’ordre immatériel ou moral peut, dans certaines situations, être considéré comme étant réparé de façon adéquate et suffisante par l’annulation de l’acte illégal qui l’a causé (voir arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722, point 197 et jurisprudence citée).
119 En l’espèce, il y a lieu de constater que, eu égard à la nature des illégalités commises par l’ENISA et à la nature du préjudice invoqué, l’annulation des actes attaqués est, dans les circonstances de l’espèce, de nature à assurer une réparation adéquate et suffisante du préjudice moral invoqué.
120 Partant, les conclusions indemnitaires de la requérante doivent être rejetées comme étant non fondées en tant qu’elles portent sur le préjudice moral résultant de l’illégalité des décisions attaquées.
Sur les dépens
121 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’ENISA ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision du comité de sélection de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) de ne pas inscrire le nom de TB sur la liste des candidats retenus pour le poste de chef de l’unité « Bureau du directeur exécutif » (ENISA-TA70-AD-2020-04) est annulée.
2) La décision du comité de sélection de l’ENISA de ne pas retenir la candidature de TB au poste de chef de l’unité « Services administratifs d’appui » (ENISA-TA71-AD-2020-05) est annulée.
3) Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
4) L’ENISA est condamnée aux dépens.
Truchot
Sampol Pucurull
Perišin
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 décembre 2024.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.