ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
13 novembre 2024 ( *1 )
« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative RUSSIAN WARSHIP, GO F**K YOURSELF – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Slogan politique – Égalité de traitement – Principe de bonne administration – Article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »
Dans l’affaire T‑82/24,
Administration of the State Border Guard Service of Ukraine, établie à Kiev (Ukraine), représentée par Me P. Holý, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé, lors des délibérations, de Mme P. Škvařilová-Pelzl, faisant fonction de présidente, M. I. Nõmm et Mme G. Steinfatt (rapporteure), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Administration of the State Border Guard Service of Ukraine, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 1er décembre 2023 (affaire R 438/2023-1) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 16 mars 2022, le prédécesseur en droit de la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :
Image
3 La marque demandée désignait les produits et les services relevant des classes 9, 14, 16, 18, 25, 28 et 41, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 9 : « Dispositifs de navigation, de guidage, de traçage, de balisage et de cartographie ; appareils de mesurage, de détection, de surveillance et de contrôle ; aimants, dispositifs d’aimantation et démagnétiseurs ; dispositifs, amplificateurs et correcteurs optiques ; contenu enregistré ; dispositifs de sûreté, de sécurité, de protection et de signalisation ; logiciels utilisés en tant que portefeuille pour des fichiers multimédias téléchargeables contenant des œuvres d’art, du texte, du
contenu sonore et du contenu vidéo relatifs à l’agression militaire russe contre l’Ukraine authentifiés par des jetons non fongibles (NFT) » ;
– classe 14 : « Joaillerie ; pierres précieuses, perles et métaux précieux et leurs imitations ; porte-clés et chaînettes pour clés et leurs breloques ; instruments de mesure du temps ; instruments chronométriques ; disques céramiques utilisés en tant que bons de valeur ; pièces de monnaie ; pièces de monnaie de collection ; monnaies commémoratives ; plaques commémoratives ; coupes commémoratives en forme de statue en métaux précieux ; articles décoratifs [breloques ou bijoux] à usage personnel ;
porte-clés fantaisie en métaux précieux ; bracelets d’identification [bijouterie] ; plaques d’identité en métaux précieux ; sets de pièces de monnaie à collectionner ; pièces autres que monnaie ; objets d’art en métaux précieux » ;
– classe 16 : « Sacs et articles d’emballage, d’empaquetage et de stockage en papier, carton ou plastique ; matériaux de décoration et d’art et supports ; dessous de carafes en papier ; dessous de carafes en carton ; bannières en papier ; bavoirs en papier ; sets de table en carton ; serviettes jetables en papier ; serviettes en papier pour les mains ; rouleaux d’essuie-tout ; chemins de table en papier ; serviettes de table en papier ; papier et carton ; produits d’imprimerie, articles de
papeterie et matériel éducatif ; objets d’art, figurines en papier et en carton, maquettes d’architecture » ;
– classe 18 : « Bagages, sacs, portefeuilles et autres objets de transport ; parapluies et parasols ; étiquettes adhésives en cuir pour sacs ; porte-cartes en imitation cuir ; porte-cartes en cuir ; caisses en cuir ou en carton-cuir ; étiquettes en cuir ; cuir et imitations du cuir » ;
– classe 25 : « Vêtements ; articles chaussants ; chapellerie ; parties de vêtements, articles chaussants et articles de chapellerie » ;
– classe 28 : « Équipement d’entraînement physique et sportif ; jouets, jeux et articles de jeux » ;
– classe 41 : « Édition, établissement de rapports et rédaction de textes ; éducation, loisirs et sports ».
4 Le 13 septembre 2022, le transfert de la marque demandée à la requérante a été inscrit au registre.
5 Par décision du 22 décembre 2022, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement dans son intégralité sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement.
6 Le 21 février 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.
7 Le 13 juin 2023, le président et rapporteur de la première chambre de recours a adressé une communication à la requérante, l’informant que, à la suite d’un examen préliminaire de l’affaire et sans préjudice de l’applicabilité ou non de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, le signe en question semblait dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. La requérante a présenté ses observations le 13 juillet 2023.
8 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour les produits et les services en cause et devait donc être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
Conclusions des parties
9 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
10 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens en cas de convocation d’une audience.
En droit
11 La requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, le deuxième, de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration et, le troisième, de la violation de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001
12 La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir fait une application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en constatant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour tous les produits et les services en cause.
13 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.
14 Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 8 février 2011, Paroc/OHMI (INSULATE FOR LIFE), T‑157/08, EU:T:2011:33, point 44 et jurisprudence citée].
15 Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 septembre 2014, Giorgis/OHMI – Comigel (Forme de deux gobelets emballés), T‑474/12, EU:T:2014:813, point 13 et jurisprudence citée].
16 Les signes dépourvus de caractère distinctif visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou du service couvert par celle-ci, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert ce produit ou ce service de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêt du
27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37 ; voir, également, arrêts du 15 septembre 2009, Wella/OHMI (TAME IT), T‑471/07, EU:T:2009:328, point 14 et jurisprudence citée, et du 13 mars 2024, Quality First/EUIPO (MORE-BIOTIC), T‑243/23, non publié, EU:T:2024:162, point 19 et jurisprudence citée].
Sur le public pertinent
17 Au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les produits et les services couverts par la marque demandée se composaient essentiellement de produits et de services de consommation courante qui s’adressaient principalement au grand public, bien que certains de ces produits et de ces services puissent également être destinés à des professionnels. En fonction des caractéristiques des produits et des services en cause, le niveau d’attention du public pertinent varierait
entre faible et élevé.
18 Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante.
Sur le caractère distinctif de la marque demandée
19 Aux points 27 à 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que la phrase faisant l’objet de la marque demandée était l’un des symboles de la lutte de l’Ukraine contre l’occupation russe. Selon la chambre de recours, elle est associée à un soldat de l’armée ukrainienne et au pays ainsi qu’à l’événement historique dans le contexte duquel elle a été prononcée. Ainsi, le public pertinent ne verrait que le message politique véhiculé par cette phrase et ne percevrait ni ne mémoriserait
le signe en tant que marque, à savoir comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services qu’il désigne. Au contraire, le signe en cause serait perçu par le public pertinent comme étant promotionnel, dans le sens où il ferait la promotion de la bravoure dans un contexte d’adversité extrême, et non comme faisant la promotion d’une entité commerciale ou marchande. Il s’agirait donc d’un slogan politique dépourvu de caractère distinctif. À cet égard, l’identité de la
requérante serait sans pertinence. Selon la chambre de recours, le message exprimé en russe et en anglais sera compris par le public russophone de l’Union. La phrase en anglais contiendrait des mots anglais de base facilement compris par tout russophone ayant une connaissance élémentaire de l’anglais.
20 Selon la requérante, en premier lieu, la chambre de recours a, premièrement, qualifié à tort la marque demandée de « slogan politique ». Cette marque serait un cri de guerre prononcé par le garde-frontière ukrainien sur l’île des Serpents le 24 février 2022, premier jour de l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine. Ainsi, il s’agirait plutôt d’une phrase originale qui pourrait être reliée à une source unique et à un moment défini dans le temps. Deuxièmement, même si la marque demandée
aurait été utilisée par la suite afin de rallier un soutien à l’Ukraine, parce qu’elle serait liée de manière si unique à la réponse ukrainienne à l’agression militaire de la Fédération de Russie, il serait inapproprié d’appliquer à un tel signe, pour l’appréciation de son caractère distinctif, des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres types de signes. Le fait qu’un signe soit considéré comme étant un slogan politique ne priverait pas automatiquement celui-ci de tout caractère
distinctif par rapport à tout produit ou service. Le public pertinent de l’Union serait habitué à associer des slogans politiques à l’origine de produits ou de services, sans même que ces slogans aient acquis un caractère distinctif par l’usage.
21 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la marque demandée dispose d’un caractère distinctif intrinsèque par rapport à chaque catégorie de biens et de services couverts par la demande d’enregistrement, car un consommateur moyen de l’Union n’a pas connaissance de ce que le signe, en langue étrangère, signifie et peu de ces consommateurs ont entendu cette expression avant le dépôt de la marque demandée. Les trois semaines qui se seraient écoulées entre l’événement qui aurait fait naître la
phrase reprise dans la marque demandée et le dépôt de la demande de marque n’auraient donc pas suffi pour que le signe fût largement utilisé ou perçu comme étant dépourvu de caractère distinctif au moment du dépôt de la demande d’enregistrement. En omettant d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée par rapport aux produits et aux services spécifiques qu’elle vise, la chambre de recours aurait abouti à une conclusion erronée quant à l’application de la jurisprudence relative aux
slogans publicitaires au cas d’espèce. En effet, la chambre de recours aurait erronément appliqué la jurisprudence sur les slogans publicitaires, bien que la marque demandée n’ait pas de fonction publicitaire intrinsèque et ne soit donc pas une formule promotionnelle. Elle n’aurait donc pas apprécié le caractère distinctif de la marque demandée en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce.
22 En troisième lieu, selon la requérante, la chambre de recours aurait dû prendre en compte la circonstance selon laquelle la marque demandée était directement et sans ambiguïté associée au garde-frontière ukrainien qui était l’auteur de la phrase reprise dans cette marque ainsi qu’à la requérante. La pratique de l’EUIPO démontrerait que, dans le cas de marques composées de slogans politiques, l’identité du demandeur de la marque peut être prise en compte dans le cadre de l’appréciation du
caractère distinctif de ces marques, afin d’éviter que d’autres entreprises induisent le public en erreur. En estimant, en l’espèce, que l’identité du demandeur de la marque n’avait aucune incidence sur l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours aurait omis de tenir compte de l’une des circonstances cruciales du cas d’espèce.
23 La requérante soutient que, lorsqu’un signe est si étroitement et sans ambiguïté associé à une personne déterminée ou à une entité juridique se trouvant derrière la création dudit signe ou à l’origine de sa création, le public pertinent considère ces personnes comme étant à l’origine commerciale des produits ou des services portant ce signe et associe ce dernier à ces personnes. En raison de son symbolisme, les consommateurs de l’Union ne pourraient logiquement associer la marque demandée à
aucune autre source qu’à l’État ukrainien et à ses défenseurs. Ainsi, lorsqu’un consommateur moyen achèterait un produit commercialisé sous la marque demandée, il établirait un lien mental entre le produit et l’auteur de la phrase et croirait que, en achetant un tel produit, il soutient l’Ukraine. Il s’agirait là d’une façon habituelle de penser des consommateurs pertinents, étant donné qu’ils auraient été exposés à des pratiques similaires de la part de diverses organisations au fil des ans.
24 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
25 À cet égard, en premier lieu, la requérante soutient en vain que la chambre de recours a commis une erreur en qualifiant la marque demandée de « slogan politique ».
26 En effet, comme la chambre de recours l’a expliqué, au point 31 de la décision attaquée, la phrase reprise dans la marque demandée, avait été largement utilisée, aussitôt après sa première utilisation, afin de rallier un soutien à l’Ukraine et était ainsi devenue, très rapidement, un symbole de la lutte de l’Ukraine contre l’agression de la Fédération de Russie. Ainsi, cette phrase a été utilisée dans un contexte politique, de manière répétitive et dans l’objectif d’exprimer et de promouvoir un
soutien à l’Ukraine. Une telle situation correspond parfaitement à la définition de l’expression « slogan politique », avancée par la requérante elle-même au point 22 de la requête, c’est-à-dire une expression, utilisée dans un contexte politique ou social, répétitive d’une idée ou d’un but, dans l’objectif de persuader le public ou un groupe cible au sein de celui-ci.
27 Si la requérante fait valoir que la phrase reprise dans la marque demandée n’est pas un slogan politique parce qu’elle est, au contraire, une réaction expressive à une menace imminente de danger mortel, il n’en demeure pas moins que, directement après l’événement qui a suscité cette réaction, cette phrase est devenue un slogan politique dans le sens indiqué au point 26 ci-dessus.
28 C’est également à tort que la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré qu’un slogan politique était nécessairement et automatiquement dépourvu de tout caractère distinctif. La chambre de recours a certes constaté, au point 31 de la décision attaquée, qu’il résultait du fait que la phrase reprise dans la marque demandée était immédiatement devenue un slogan politique que le signe devait être considéré comme étant lié à l’événement historique dans le cadre duquel cette phrase
avait été prononcée. Toutefois, elle a ensuite expliqué, en faisant référence aux particularités de la marque demandée, que les consommateurs ne verraient que le message politique ressortant de façon claire du signe, de sorte que cette marque ne serait pas perçue par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services qu’elle désignait. Il s’ensuit que la chambre de recours n’a ni appliqué un raisonnement automatique, en ce sens que tout slogan politique
serait nécessairement dépourvu de caractère distinctif, ni appliqué des critères plus stricts que pour des signes qui ne sont pas composés de slogans politiques.
29 En deuxième lieu, premièrement et comme la chambre de recours l’a constaté à juste titre au point 36 de la décision attaquée, la signification de la phrase en russe figurant dans la marque demandée sera comprise par la partie du public pertinent qui maîtrise le russe. Le signe contient, par ailleurs, une phrase composée de mots anglais de base qui sera facilement comprise par la partie anglophone du public pertinent, à savoir, notamment, le public pertinent d’Irlande et de Malte, ainsi que par la
partie du public pertinent qui dispose d’une connaissance de base de l’anglais.
30 La phrase reprise dans la marque demandée a été employée de manière très intensive dans un contexte non commercial et sera nécessairement associée très étroitement par le public pertinent à ce contexte. En effet, ainsi que l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours, la phrase reprise dans la marque demandée est très rapidement devenue l’un des symboles de la lutte de l’Ukraine contre l’agression russe, associé à un soldat de l’armée ukrainienne et, ainsi, à l’Ukraine. Compte tenu de
l’ampleur de la couverture médiatique de cet événement, cette phrase sera associée à ce moment historique récent, bien connu du consommateur moyen de l’Union.
31 Quant au reproche selon lequel la chambre de recours aurait procédé, sans les étayer par des preuves, à certaines affirmations, il convient de rappeler que rien n’interdit à l’EUIPO de prendre en considération dans son appréciation des faits notoires [voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2011, Smart Technologies/OHMI (WIR MACHEN DAS BESONDERE EINFACH), T‑523/09, non publié, EU:T:2011:175, point 41 et jurisprudence citée]. Or, la requérante n’a pas contesté le fait que la phrase reprise dans la
marque demandée avait été, immédiatement après l’événement du 24 février 2022, largement diffusée par les médias, de sorte qu’elle était devenue rapidement le symbole de la lutte de l’Ukraine contre l’agression russe. En effet, la requérante s’est bornée à affirmer que trois semaines ne suffisaient pas pour que le signe en cause fût largement utilisé et que rien ne prouvait que celui-ci avait été intensément utilisé, dans l’Union, au cours des trois semaines ayant suivi l’invasion russe en
Ukraine, tout en admettant que la nouvelle de cette invasion avait alors été un sujet majeur dans les médias. Par ailleurs, le prédécesseur en droit de la requérante a lui-même fait valoir, dans la demande d’enregistrement déposée le 16 mars 2022, à savoir à la date qui, conformément à la jurisprudence [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2014, Bateaux mouches/OHMI (BATEAUX-MOUCHES), T‑553/12, non publié, EU:T:2014:264, point 23 et jurisprudence citée], est pertinente afin d’apprécier l’existence
d’un motif absolu de refus, que la phrase reprise dans la marque demandée était une phrase emblématique qui était devenue célèbre dans tous les pays du monde au cours des trois semaines ayant suivi le début de l’agression militaire de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.
32 Deuxièmement, ne saurait non plus prospérer la critique de la requérante selon laquelle la chambre de recours a erronément appliqué la jurisprudence sur les slogans publicitaires, bien que la marque demandée n’ait pas de fonction publicitaire intrinsèque et ne soit donc pas une formule promotionnelle, cette critique résultant d’une lecture erronée de la décision attaquée.
33 En effet, aux points 22 à 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé la jurisprudence relative aux slogans publicitaires. Toutefois, elle n’a aucunement appliqué directement cette jurisprudence au cas d’espèce. Elle a plutôt extrait de cette jurisprudence le principe selon lequel le public pertinent était peu attentif à l’égard d’un signe qui ne lui donnait pas d’emblée une indication sur la provenance ou la destination de ce qu’il souhaitait acheter, étant donné qu’il ne le
percevrait pas ni ne le mémoriserait en tant que marque, et a transposé ce principe au cas d’espèce. Elle a également précisé, au point 31 de la décision attaquée, que la phrase reprise dans la marque demandée était l’un des symboles de la lutte de l’Ukraine pour la liberté et contre l’occupation russe et, au point 33 de la décision attaquée, que les consommateurs ne verraient que le message politique qui ressortirait de façon claire de la marque demandée. Elle a encore précisé, au point 34 de la
décision attaquée, que la marque demandée ne serait pas perçue comme faisant la promotion d’une entité commerciale ou marchande, mais tout au plus comme faisant la promotion de la bravoure dans un contexte d’adversité extrême.
34 Il s’ensuit, d’une part, que la chambre de recours n’a pas considéré la marque demandée comme étant un slogan publicitaire.
35 D’autre part, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que le principe général selon lequel le public pertinent était peu attentif à l’égard d’un signe qui ne lui donnait pas d’emblée une indication sur la provenance des produits et des services concernés, étant donné qu’il ne le percevrait pas ni ne le mémoriserait en tant que marque, s’appliquait également à des signes dont le message principal était de nature politique.
36 Or, compte tenu de la fonction essentielle d’une marque, telle que rappelée au point 16 ci-dessus, un signe est incapable de remplir cette fonction si le consommateur moyen ne perçoit pas, en sa présence, l’indication de l’origine du produit ou du service, mais uniquement un message politique.
37 Troisièmement, lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou les services concernés [voir arrêt du 21 mars 2014, FTI Touristik/OHMI (BigXtra), T‑81/13, non publié, EU:T:2014:140, point 43 et jurisprudence citée]. Si la jurisprudence a certes précisé qu’une telle faculté ne s’étendait qu’à des produits et à des services présentant, entre eux, un lien
suffisamment direct et concret, au point qu’ils formaient une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante, elle a toutefois indiqué qu’il y avait lieu de tenir compte, afin d’apprécier si les produits et les services présentaient, entre eux, un lien suffisamment direct et concret et pouvaient être répartis dans des catégories ou des groupes d’une homogénéité suffisante, de l’objectif de cet exercice visant à permettre et à faciliter l’appréciation in concreto de
la question de savoir si la marque concernée par la demande d’enregistrement relevait ou non d’un des motifs absolus de refus [voir arrêt du13 mai 2020, Koenig & Bauer/EUIPO (we’re on it), T‑156/19, non publié, EU:T:2020:200, point 60 et jurisprudence citée]. Aussi, la répartition des produits et des services en cause en un ou en plusieurs groupes ou catégories doit être effectuée, notamment, sur la base des caractéristiques qui leur sont communes et qui présentent une pertinence pour l’analyse
de l’opposabilité, ou non, à la marque demandée pour lesdits produits et services, d’un motif absolu de refus déterminé (voir arrêt du 13 mai 2020, we’re on it, T‑156/19, non publié, EU:T:2020:200, point 61 et jurisprudence citée). Il s’ensuit qu’une telle appréciation doit être effectuée in concreto pour l’examen de chaque demande d’enregistrement et, le cas échéant, pour chacun des différents motifs absolus de refus éventuellement applicables (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment
Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 33).
38 En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 34 et 37 de la décision attaquée, que la marque demandée ne serait pas perçue, par le public pertinent, comme indiquant une origine commerciale. Par ailleurs, elle a précisé, au point 36 de la décision attaquée, que la phrase reprise dans la marque demandée serait, avant tout, interprétée comme un message politique et que cette perception serait identique pour tous les produits ou les services visés par cette marque.
39 Il s’ensuit que la chambre de recours a estimé que les produits et les services visés par la marque demandée formaient un groupe suffisamment homogène, compte tenu du motif absolu de refus auquel se heurtait, selon elle, l’enregistrement de ladite marque.
40 Étant donné que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque demandée ne serait pas perçue, par le public pertinent, comme indiquant une origine commerciale, mais comme un message politique promouvant le soutien à la lutte de l’Ukraine contre l’agression militaire de la Fédération de Russie, elle pouvait valablement regrouper tous les produits et les services visés par la marque demandée en une seule catégorie, bien qu’ils présentassent des caractéristiques inhérentes
différentes.
41 Partant, compte tenu de la spécificité de la marque demandée et de sa perception identique par le public pertinent au regard de l’ensemble des produits et des services visés par la demande d’enregistrement, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que lesdits produits et services faisaient partie d’un seul groupe auquel s’appliquait, de la même manière, le motif de refus qu’elle avait retenu.
42 En troisième lieu, selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).
43 L’argument de la requérante selon lequel la marque demandée est directement et sans ambiguïté associée au garde‑frontière ukrainien qui est l’auteur de la phrase reprise dans cette marque et sera ainsi perçue par le public pertinent comme un signe distinctif permettant d’identifier les produits et les services qui en sont revêtus comme provenant de la requérante relève, tout au plus, de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, et non de l’article 7, paragraphe 1,
sous b), dudit règlement, étant donné que son analyse implique d’apprécier les qualités que la marque demandée aurait pu acquérir par son usage auprès du public pertinent, de sorte que celui‑ci identifierait les produits et les services en cause comme provenant de la requérante. Un tel argument ne saurait, dès lors, être pris en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif intrinsèque de ladite marque [voir, en ce sens, arrêt du24 septembre 2019, Crédit Mutuel Arkéa/EUIPO –
Confédération nationale du Crédit mutuel (Crédit Mutuel), T‑13/18, EU:T:2019:673, point 62]. Or, la requérante n’a pas invoqué l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, ni soutenu que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait, au sens de cette disposition.
44 Il ressort de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
45 Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter, comme étant non fondé, le premier moyen de la requérante.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration
46 Selon la requérante, la chambre de recours a violé les principes d’égalité de traitement et de bonne administration en appliquant des critères d’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée différents de ceux appliqués dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif de signes similaires, notamment de slogans politiques, dans le passé.
47 Étant donné que la chambre de recours a fait valoir que la marque demandée était devenue non distinctive pour des produits ou des services quelconques du fait qu’elle avait été utilisée de manière intensive dans un contexte non commercial, les marques similaires, composées de slogans politiques, ou d’autres signes faisant l’objet d’une utilisation intensive dans un contexte non commercial, politique ou historique, n’auraient pas dû être enregistrées pour quelque produit ou service que ce soit.
48 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
49 L’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration [arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 73, et ordonnance du 12 décembre 2013, Getty Images (US)/OHMI, C‑70/13 P, non publiée, EU:C:2013:875, point 41 ; voir, également, arrêt du 4 juillet 2018, Deluxe Entertainment Services Group/EUIPO (deluxe),
T‑222/14 RENV, non publié, EU:T:2018:402, point 65 et jurisprudence citée].
50 Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité, de telle sorte qu’il ne saurait y avoir d’égalité dans l’illégalité et que la personne qui demande
l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en sa faveur ou au bénéfice d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet, afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret, car
l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce et destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [voir arrêts du10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 77 et jurisprudence citée, et du 14 février 2019, Bayer Intellectual Property/EUIPO (Représentation d’un cœur), T‑123/18, EU:T:2019:95, point 34 et jurisprudence citée].
51 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces considérations sont valables même si le signe dont l’enregistrement est demandé est composé de manière identique à une marque dont l’enregistrement a déjà été accepté et qui se réfère à des produits ou à des services identiques ou semblables à ceux pour lesquels l’enregistrement du signe en cause est demandé [ordonnance du 12 décembre 2013, Getty Images (US)/OHMI, C‑70/13 P, non publiée, EU:C:2013:875, point 45].
52 Ainsi, la légalité des décisions de la chambre de recours, lesquelles relèvent de l’exercice d’une compétence liée, et non d’un pouvoir discrétionnaire, doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement 2017/1001, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO, laquelle ne saurait, en tout état de cause, lier le juge de l’Union [voir arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65 et
jurisprudence citée, et du 26 juin 2019, Agencja Wydawnicza Technopol/EUIPO (200 PANORAMICZNYCH e.a.), T‑117/18 à T‑121/18, EU:T:2019:447, point 114 et jurisprudence citée].
53 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 44 ci-dessus, la chambre de recours a correctement conclu, sur le fondement d’un examen complet et concret et en tenant compte des circonstances pertinentes du cas d’espèce, que la marque demandée se heurtait au motif de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, afin d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’EUIPO ou une pratique décisionnelle de l’EUIPO
que la chambre de recours n’aurait pas suivie.
54 Au vu de ce qu’il précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001
55 La requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, en refusant d’examiner, dans la décision attaquée, le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), dudit règlement, sur lequel l’examinateur avait fondé sa décision de rejet du 22 décembre 2022.
56 La requérante ne remet pas en cause le droit de la chambre de recours d’invoquer un nouveau motif de refus. Toutefois, elle estime qu’elle est en droit d’obtenir une décision de la chambre de recours sur le bien‑fondé des motifs retenus par l’examinateur, étant donné qu’elle a investi du temps et des efforts pour former le recours et payé des taxes officielles pour que cette décision soit réexaminée. L’existence d’un tel droit serait corroborée par le considérant 30 du règlement 2017/1001.
57 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
58 Aux termes de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, à la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours et peut, ce faisant, exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée. Il résulte de cette disposition que, par l’effet du recours contre une décision de refus d’enregistrement par l’examinateur, la chambre de recours peut procéder à un nouvel examen complet du fond de la demande d’enregistrement, tant en droit qu’en fait
[voir arrêt du 13 février 2019, Nemius Group/EUIPO (DENTALDISK), T‑278/18, non publié, EU:T:2019:86, point 29 et jurisprudence citée]. La chambre de recours est compétente pour reprendre l’examen de la demande d’enregistrement au regard de tous les motifs absolus de refus énoncés par l’article 7 du règlement 2017/1001, sans être limitée par le raisonnement de l’examinateur, et ce sans avoir à présenter de motifs spécifiques à cet égard [voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2017, Netguru/EUIPO
(NETGURU), T‑54/16, non publié, EU:T:2017:9, point 82 et jurisprudence citée].
59 Par ailleurs, conformément à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, lors de l’examen des motifs absolus de refus, les examinateurs de l’EUIPO et, sur recours, les chambres de recours de l’EUIPO doivent procéder à l’examen d’office des faits pertinents afin de déterminer si la marque dont l’enregistrement est demandé relève ou non de l’un des motifs de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7 du même règlement. Il s’ensuit que les organes compétents de l’EUIPO peuvent être amenés
à fonder leurs décisions sur des faits qui n’auraient pas été invoqués par le demandeur [arrêts du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 50, et du 21 avril 2015, Louis Vuitton Malletier/OHMI – Nanu-Nana (Représentation d’un motif à damier gris), T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 59], sous réserve que le droit du demandeur d’être entendu soit respecté (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2019, DENTALDISK, T‑278/18, non publié, EU:T:2019:86, point 31). À cet égard,
l’article 70, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 permet à la chambre de recours de l’EUIPO d’inviter les parties « aussi souvent qu’il est nécessaire, à présenter, dans un délai qu’elle leur impartit, leurs observations sur les notifications qu’elle leur a adressées ».
60 En l’espèce, la requérante a été informée, par la communication du 13 juin 2023 (voir point 7 ci-dessus), que le signe semblait également être dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et invitée à présenter ses observations à cet égard. La chambre de recours a dûment tenu compte de ces observations dans la décision attaquée, comme cela ressort, par exemple, du point 32 de celle-ci. Il s’ensuit que le droit de la requérante d’être
entendue a été respecté en l’espèce.
61 À la suite d’un examen complet et spécifique de la demande d’enregistrement de la marque demandée, la chambre de recours a rejeté, par la décision attaquée, le recours de la requérante contestant le rejet de cette demande par l’examinateur sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et estimé qu’il n’était dès lors plus nécessaire d’examiner si la marque demandée devait également être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous f), de
ce même règlement.
62 Ce faisant, la chambre de recours a exercé le large pouvoir d’appréciation que lui reconnaît l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et a exercé les compétences de l’examinateur afin de procéder à un nouvel examen complet du fond de la demande d’enregistrement, tant en droit qu’en fait.
63 Or, il ressort du libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 qu’il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés à cette disposition s’applique pour que le signe en cause ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne [voir arrêt du 2 mars 2022, Pluscard Service/EUIPO (PLUSCARD), T‑669/20, non publié, EU:T:2022:106, point 67 et jurisprudence citée].
64 La chambre de recours ayant conclu, à juste titre, que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, elle a pu, sans commettre d’erreur de droit, estimer qu’il n’était plus nécessaire d’examiner si la marque demandée devait également être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous f), dudit règlement.
65 Partant, le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé et, par conséquent, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
66 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
67 L’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de convocation d’une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Administration of the State Border Guard Service of Ukraine et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront chacun leurs propres dépens.
Škvařilová-Pelzl
Nõmm
Steinfatt
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 novembre 2024.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.