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13/11/2024 | CJUE | N°T-69/20

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Tele Columbus AG contre Commission européenne., 13/11/2024, T-69/20


 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)

13 novembre 2024 ( *1 )

« Concurrence – Concentrations – Marchés allemands des services télévisuels et services de télécommunications – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE – Engagements – Appréciation des effets horizontaux et verticaux de l’opération sur la concurrence – Rapport de concurrence entre les parties à la concentration – Changement propre à la concentration – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’a

ffaire T‑69/20,

Tele Columbus AG, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes C. Wagner et J. Hackl, avocats,

...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)

13 novembre 2024 ( *1 )

« Concurrence – Concentrations – Marchés allemands des services télévisuels et services de télécommunications – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE – Engagements – Appréciation des effets horizontaux et verticaux de l’opération sur la concurrence – Rapport de concurrence entre les parties à la concentration – Changement propre à la concentration – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑69/20,

Tele Columbus AG, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes C. Wagner et J. Hackl, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte, A. Keidel, J. Szczodrowski et C. Vollrath, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Vodafone Group plc, établie à Newbury (Royaume-Uni), représentée par Mme V. Vollmann, solicitor, Mes C. Jeffs, A. Chadd et D. Seeliger, avocats,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, R. da Silva Passos (rapporteur), Mme I. Reine, MM. L. Truchot et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 22 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Tele Columbus AG, demande l’annulation de la décision C(2019) 5187 final de la Commission, du 18 juillet 2019, déclarant compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE l’opération de concentration visant à l’acquisition par Vodafone Group plc de certains actifs de Liberty Global plc (affaire COMP/M.8864 – Vodafone/Certain Liberty Global Assets) (ci-après la « décision attaquée »).

[omissis]

II. Procédure et conclusions des parties

[omissis]

48 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

49 La Commission et Vodafone concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

[omissis]

B.   Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’irrégularités de procédure dans le cadre de l’examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU

[omissis]

2. Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation affectant l’appréciation de l’existence d’une concurrence directe entre les parties à la concentration

[omissis]

82 À cet égard, il convient de préciser qu’une concurrence directe entre des entreprises existe lorsqu’elles se disputent les mêmes clients.

83 En l’espèce, il n’est pas contesté que les réseaux câblés des parties à la concentration ne se chevauchent pas et que, dans les faits, lorsqu’un client MDU souhaite conclure un contrat avec un fournisseur de signaux de télévision, il n’a, en principe, que la possibilité de choisir entre la partie à la concentration dans l’empreinte câblée de laquelle se situe l’immeuble à raccorder et l’un de ses concurrents, tels que la requérante. Que le marché MDU ait été, préalablement à l’opération,
d’ampleur nationale ou qu’il ait été limité aux empreintes câblées des parties à la concentration n’y change rien, puisque, dans les deux cas, ce constat s’applique.

84 Il en résulte que Unitymedia ne pourrait être valablement qualifiée de « fournisseur alternatif » pour les sociétés de logements sur le marché MDU, que la concentration éliminerait, comme le soutient la requérante. Il découle également de ce qui précède que les produits commercialisés par les parties à la concentration n’étaient, en pratique, pas en concurrence, et ce quelle que soit la délimitation géographique du marché MDU, de sorte que la première branche du présent moyen ne saurait
prospérer.

85 Les autres arguments avancés par la requérante ne permettent pas de démontrer le contraire.

86 S’agissant, tout d’abord, de l’allégation de la requérante selon laquelle les activités des parties à la concentration se chevauchaient, il convient de souligner que s’il n’existait aucun chevauchement entre les réseaux câblés de Vodafone et de Unitymedia, ce que la requérante ne remet pas en doute, il est vrai que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté qu’il existait néanmoins certains chevauchements entre leurs activités, ces opérateurs achetant, dans ce cas, des services
intermédiaires de transmission de signaux de télévision auprès de l’autre partie ou d’un autre opérateur de réseau de niveau 3 pour pouvoir atteindre les clients MDU concernés.

87 Or, il convient de relever que si elle conteste leur caractère négligeable, la requérante ne remet pas en question les chiffres, en tant que tels, divulgués par la Commission au cours de la procédure devant le Tribunal relatifs aux contrats conclus par les parties à la concentration en dehors de leurs empreintes câblées et au nombre de clients concernés. À cet égard, il y a lieu de relever que ces chiffres montrent que ces contrats représentaient un nombre très limité de clients MDU en termes de
foyers raccordés et une part de marché, puisqu’inférieure à 1 %, si négligeable qu’elle ne pourrait représenter une concurrence résiduelle devant être protégée.

88 S’agissant, ensuite, de l’allégation de la requérante selon laquelle la stratégie commerciale des parties à la concentration pourrait évoluer, de sorte qu’elles pourraient décider d’étendre leurs activités en dehors de leurs empreintes câblées respectives, force est de constater que pareille assertion a trait à l’existence d’une concurrence potentielle, plutôt qu’à une prétendue concurrence directe existante, ce qui la rend inopérante dans le cadre de la première branche du présent moyen.

89 Il en va de même en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle le cumul des parts de marché et la valeur de l’index Herfindahl-Hirschman sur le marché MDU, défini comme d’ampleur nationale, seraient très élevés, étant donné que ces données n’ont pas pour vocation de démontrer l’existence d’une concurrence directe entre deux parties à une concentration préalablement à celle-ci. En ce qui concerne plus particulièrement l’index Herfindahl-Hirschman, lequel est égal à la somme des
carrés des parts de marché de chacune des entreprises présentes sur le marché, force est de constater que celui-ci est utilisé pour mesurer les degrés de concentration sur un marché et qu’il pouvait donner une première indication des pressions concurrentielles qui s’exerceraient à l’issue de l’opération de concentration (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 65).

90 Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a, de manière manifestement erronée, considéré dans la décision attaquée que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents directs préalablement à celle-ci. La première branche du présent moyen doit, partant, être écartée.

3. Sur la quatrième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation affectant l’appréciation de l’existence d’une concurrence indirecte entre les parties à la concentration

[omissis]

103 À titre liminaire, il y a lieu de préciser que des entreprises qui ne se livrent pas une concurrence directe peuvent néanmoins se trouver dans un rapport de concurrence indirecte, notamment lorsqu’elles subissent des pressions concurrentielles similaires de la part d’autres entreprises que chacune d’entre elles concurrence directement ou lorsque d’autres facteurs, tels que les exigences imposées par les clients, limitent de façon comparable leurs possibilités de fixer leurs prix et conditions
commerciales.

104 À cet égard, il convient d’observer que l’argumentation de la requérante, décrite, en substance, aux points 98 à 101 ci-dessus, présente un niveau élevé de généralité, n’est étayée d’aucun élément de preuve et se fonde sur des allégations vagues, ce qui ne peut suffire pour remettre en cause les appréciations effectuées par la Commission. Le seul argument concret est celui tiré des prix et des caractéristiques des offres groupées pour Internet et pour le téléphone. Or, puisqu’ils concernent
d’autres marchés, les prix et les caractéristiques des offres mentionnés par la requérante ne sont pas pertinents pour l’appréciation de l’existence d’une concurrence indirecte sur le marché MDU, qui concerne la transmission du signal de télévision.

105 En outre, il ressort de la décision attaquée (voir notamment considérant 697 de la décision attaquée), et la requérante ne le conteste pas, que de nombreux contrats avec des clients MDU sont le résultat de négociations, de mises en concurrence ou de procédures formelles d’appel d’offres, en principe secrètes. Les contrats conclus par les parties à la concentration avec leurs clients MDU ne sont donc pas des contrats types, dont les conditions pourraient être influencées par ce qu’offre l’autre
partie dans son empreinte câblée ou par certains opérateurs actifs à l’échelon national, contrairement à l’allégation formulée par la requérante.

106 Il convient également de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a expliqué, d’une part, que l’examen des documents internes des parties à la concentration n’avait fourni aucun élément suggérant que lesdites parties prenaient en compte leurs termes et conditions respectives lors de leurs négociations portant sur les contrats MDU et, d’autre part, que les parties à la concentration avaient présenté des éléments convaincants pour contester l’alignement des contrats MDU sur l’ensemble
du territoire allemand. Le fait que la requérante n’estime pas « plausibles » pareils constats ne suffit pas à les remettre en question.

107 Par conséquent, la requérante ne démontre pas que la Commission a, de manière manifestement erronée, conclu dans la décision attaquée que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents indirects.

108 Dans la mesure où la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a considéré que l’opération n’aboutirait pas à la perte d’une quelconque concurrence indirecte, le présent grief doit être rejeté sans qu’il soit nécessaire d’apprécier si elle a commis une erreur en considérant que la concurrence indirecte devait être particulièrement forte ou qu’une transmission systématique des conditions était nécessaire.

109 La quatrième branche du présent moyen doit, partant, être écartée.

4. Sur la troisième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du droit d’être entendu et du principe de bonne administration affectant l’appréciation de l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration

[omissis]

b) Sur l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission, en ce que cette dernière se serait exclusivement fondée sur les critères d’investissement subjectifs et des documents internes des parties à la concentration

[omissis]

139 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, en matière de contrôle des concentrations, selon une jurisprudence constante, l’examen des conditions de concurrence repose non seulement sur la concurrence actuelle que se font les entreprises déjà présentes sur le marché en cause, mais aussi sur la concurrence potentielle, afin de savoir si, compte tenu de la structure du marché et du contexte économique et juridique régissant son fonctionnement, il existe des possibilités réelles et
concrètes que les entreprises concernées se fassent concurrence entre elles, ou qu’un nouveau concurrent puisse entrer sur le marché en cause et concurrencer les entreprises établies (voir arrêt du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, EU:T:2006:187, point 116 et jurisprudence citée).

140 Afin de vérifier si une entreprise constitue un concurrent potentiel sur un marché, la Commission se doit de contrôler si, en l’absence de la concentration en cause, auraient existé des possibilités réelles et concrètes que celle-ci intégrât ledit marché et concurrençât les entreprises qui y étaient établies. Une telle démonstration ne doit pas reposer sur une simple hypothèse, mais doit être étayée par des éléments de fait ou une analyse des structures du marché pertinent. Ainsi, une entreprise
ne saurait être qualifiée de concurrent potentiel si son entrée sur le marché ne correspond pas à une stratégie économique viable (voir, par analogie, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 86 et jurisprudence citée).

141 Par ailleurs, la viabilité économique d’une stratégie d’entrée sur le marché ne saurait être assimilée à la simple rentabilité d’une telle stratégie. Si tel était le cas, une simple capacité théorique d’entrer sur un marché pourrait être considérée comme suffisante pour constater l’existence d’une concurrence potentielle. Dès lors, la Commission peut tenir compte de l’intérêt commercial ou économique à entrer sur un marché de l’entreprise dont la qualité de concurrent potentiel est analysée
(voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T‑87/05, EU:T:2005:333, points 177, 185, 187, 188, 191 et 195, et du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, EU:T:2006:187, point 123) et, partant, s’appuyer sur ses critères d’investissement. Ainsi, la Commission ne saurait qualifier une entreprise de concurrent potentiel sur le fondement de considérations générales et abstraites sans qu’elle tienne compte des intérêts commerciaux de cette entreprise, de sa stratégie de
développement à court et moyen terme ainsi que des critères de rentabilité qu’elle s’est fixés à cet effet.

142 Il s’ensuit que lorsque la Commission constate, premièrement, que l’entreprise concernée n’a accompli aucune démarche pour entrer sur le marché dans un laps de temps suffisamment court calculé à la lumière des caractéristiques du marché, deuxièmement, que ladite entreprise ne considère pas qu’il est économiquement rationnel et intéressant pour elle d’entrer sur le marché et donc, troisièmement, que ladite entreprise n’envisage pas d’entrer sur le marché à l’avenir d’une manière significative,
elle peut, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, conclure que l’entreprise en cause n’est pas un concurrent potentiel de l’autre partie à la concentration. Pareil constat suffit pour écarter le premier grief de la requérante, selon lequel la Commission aurait en l’espèce méconnu les critères pertinents pour examiner la concurrence potentielle en se fondant quasiment exclusivement sur les critères d’investissement subjectifs et sur des documents internes des parties à la
concentration.

143 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’aurait pas pu se fonder sur les critères d’investissement des parties à la concentration, étant donné que ceux-ci auraient pu être modifiés à tout moment, voire manipulés, et qu’ils ne correspondraient pas à la pratique du secteur, il y a lieu de rappeler que la viabilité économique d’une stratégie d’entrée sur le marché ne saurait être assimilée à la simple rentabilité d’une telle stratégie et que
la Commission peut se fonder sur l’intérêt commercial ou économique à entrer sur un marché de l’entreprise dont la qualité de concurrent potentiel est analysée (voir points 140 et 141 ci-dessus) et, partant, sur ses critères d’investissement.

144 Par ailleurs, compte tenu de l’impératif de célérité et des délais stricts qui s’imposent à la Commission dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations, celle-ci ne peut pas, à défaut d’indices indiquant l’inexactitude des informations fournies, être tenue d’effectuer des vérifications s’agissant de toutes les informations qu’elle reçoit. En effet, bien que l’obligation d’examen diligent et impartial qui incombe à la Commission, dans le cadre d’une telle procédure, ne lui permette
pas de se fonder sur des éléments ou des informations qui ne peuvent pas être considérés comme véridiques, ledit impératif de célérité suppose, toutefois, que celle-ci ne peut pas vérifier par elle-même, dans le moindre détail, l’authenticité et la fiabilité de toutes les communications qui lui sont envoyées, la procédure de contrôle des concentrations reposant nécessairement et dans une certaine mesure sur la confiance (arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144,
point 184).

145 Il convient, qui plus est, de souligner que différentes mesures visant à décourager et à punir la transmission d’informations inexactes ou trompeuses sont prévues par la réglementation applicable au contrôle des concentrations. En effet, les parties qui notifient une opération de concentration sont soumises, au titre de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 802/2004, à l’obligation expresse de fournir à la Commission de manière véridique et complète les
faits et circonstances pertinents pour la décision de compatibilité, cette obligation étant sanctionnée à l’article 14 du règlement no 139/2004. Par ailleurs, la Commission peut aussi révoquer, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 3, sous a), et de l’article 8, paragraphe 6, sous a), du règlement no 139/2004, la décision de compatibilité si celle-ci repose sur des indications inexactes dont une des entreprises concernées est responsable ou si elle a été obtenue par tromperie (arrêt du
7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 185).

146 Enfin, il convient de constater, d’une part, qu’il ressort notamment du considérant 742 et de la note en bas de page n 553 de la décision attaquée que la Commission a vérifié les projections effectuées par les parties à la concentration, dans le cadre desquelles ces dernières ont examiné la rentabilité, eu égard à leurs critères d’investissement, de plusieurs projets de déploiement d’infrastructure, et a considéré que les résultats de celles-ci étaient suffisamment robustes et, d’autre part, que
la Commission ne s’est pas fondée sur les seuls critères d’investissement des parties à la concentration pour conclure à l’absence de concurrence potentielle entre elles, mais qu’elle a notamment tenu compte du fait que, en pratique, ni Vodafone ni Unitymedia n’avaient jamais dupliqué le réseau câblé de l’autre partie et que ces parties n’avaient que de manière négligeable étendu leur réseau à l’intérieur de leur propre empreinte câblée, alors qu’une telle extension interne était plus rentable.

147 Ce deuxième grief de la requérante portant sur la fiabilité des critères d’investissement des parties à la concentration ne peut, partant, être accueilli.

148 En troisième lieu, s’agissant de la décision de la Commission du 16 juin 2011 dans l’affaire M.5900 – LGI/KBW, mentionnée par la requérante, il importe de préciser que, dans cette décision, la Commission a renvoyé la concentration qui lui avait été notifiée et qui portait sur l’acquisition de KBW par LGI aux autorités compétentes de la République fédérale d’Allemagne, conformément à l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement no 139/2004, après avoir constaté que les conditions d’un renvoi
au titre de l’article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement no 139/2004 étaient réunies. Or, dans une telle décision de renvoi, la Commission ne statue pas sur la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 3 avril 2003, Royal Philips Electronics/Commission, T‑119/02, EU:T:2003:101, point 275, et du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, EU:T:2003:256, point 52). En effet, ce type de décision n’a pas pour objet de statuer
sur les effets de la concentration sur les marchés concernés faisant l’objet du renvoi, mais de transférer la responsabilité de cet examen aux autorités nationales compétentes qui en font la demande afin qu’elles statuent en application de leur droit national de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 3 avril 2003, Royal Philips Electronics/Commission, T‑119/02, EU:T:2003:101, point 276, et du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, EU:T:2003:256, point 53).

149 Par ailleurs, dans une décision de renvoi, la Commission ne saurait, sous peine de priver semblable mécanisme de sa substance, se livrer à un examen de la compatibilité de la concentration de nature à lier les autorités nationales concernées quant au fond, mais elle doit se borner à vérifier, au terme d’un examen prima facie, si, sur le fondement des éléments dont elle dispose au moment de l’appréciation du bien-fondé de la demande de renvoi, la concentration concernée menace de créer ou de
renforcer une position dominante sur les marchés concernés (voir arrêt du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, EU:T:2003:256, point 217 et jurisprudence citée).

150 Dès lors, il y a lieu de considérer que, dans la décision du 16 juin 2011 dans l’affaire M.5900 – LGI/KBW, la Commission n’a porté aucune appréciation définitive sur l’existence éventuelle d’une relation de concurrence potentielle entre les parties à la concentration. Cette appréciation est d’ailleurs confirmée par les formules hypothétiques utilisées dans cette décision.

151 Par ailleurs, à supposer même qu’une telle assertion de la requérante concernant l’affaire M.5900 – LGI/KBW soit exacte, il suffit de rappeler que la Commission n’est pas liée, en tout état de cause, par sa pratique antérieure. En effet, il convient de relever que lorsque la Commission statue sur la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur sur le fondement d’une notification et d’un dossier propres à cette opération, une partie requérante n’est pas en droit de remettre en cause
ses constatations au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, sur le fondement d’une notification et d’un dossier différents, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques (arrêts du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 118, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 142).

152 Quant aux décisions de l’Office fédéral des ententes invoquées par la requérante, il convient de relever que, eu égard à la répartition précise des compétences sur laquelle repose le règlement no 139/2004, les décisions des autorités nationales ne sauraient lier la Commission dans le cadre des procédures de contrôle des concentrations (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C‑202/06 P, EU:C:2007:814, point 56, et du 7 mai 2009, NVV
e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 139), a fortiori lorsqu’elles concernent les parties à une autre concentration et une autre période.

153 Il découle de ce qui précède que la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en tenant compte des critères d’investissement et des documents internes des parties à la concentration, en vue de déterminer si celles-ci devaient ou non être considérées comme des concurrents potentiels.

c) Sur l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission, en ce que cette dernière n’aurait pas suffisamment tenu compte d’autres éléments

[omissis]

160 À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de l’opinion des entreprises déjà actives sur le marché en cause, exprimée au cours de l’enquête de marché, il y a lieu de souligner que la Commission est en droit d’en tenir compte. Cependant, ce critère ne saurait être décisif pour porter une appréciation sur l’existence d’une concurrence potentielle.

161 En effet, bien que l’opinion des concurrents puisse constituer une importante source d’information sur l’impact prévisible d’une opération de concentration sur le marché, elle ne saurait lier la Commission dans son appréciation autonome de l’impact de la concentration sur ce marché [voir, en ce sens, arrêts du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, EU:T:1999:65, points 290 et 291, et du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T‑380/17, EU:T:2020:471, point 673 (non
publié)].

162 En tout état de cause, il y a lieu de constater qu’il ressort des considérants 727, 728, 752 et 753 de la décision attaquée que la Commission a bien tenu compte de l’opinion des opérateurs concurrents, puisqu’il découle de ces considérants qu’elle a engagé un examen approfondi de l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration, en raison notamment des observations formulées par ceux-ci.

163 Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle les parties à la concentration étaient déjà actives dans l’empreinte câblée de l’autre, que Vodafone réalisait déjà des investissements dans l’empreinte câblée de Unitymedia ou que ces parties surveillaient leurs activités respectives, il y a lieu de relever que ces éléments ont trait à l’existence prétendue d’une concurrence directe ou indirecte réelle, ce qui rend pareille allégation inopérante dans le cadre de la présente branche portant
sur la concurrence potentielle. En tout état de cause, il ressort de l’examen des première et deuxième branches ci-dessus que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu conclure, dans la décision attaquée, que les parties à la concentration n’étaient, sur le marché MDU, ni des concurrents directs ni des concurrents indirects.

164 Il découle de ce qui précède que le premier grief de la requérante doit être écarté.

165 S’agissant, en deuxième lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait, après avoir constaté que de plus petits opérateurs réalisaient des investissements en dehors de leurs zones de couverture, dû considérer que Vodafone et Unitymedia étaient elles aussi à même de le faire, force est de constater que la Commission a expliqué, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles ces stratégies n’étaient pas applicables aux parties à la concentration.

166 En ce qui concerne plus particulièrement le cas de la requérante, les éléments de preuve présentés au considérant 744, sous a), et aux considérants 797 à 799 de la décision attaquée, non contestés en tant que tels par la requérante, indiquent que cette dernière n’avait pas véritablement entrepris de duplication du réseau câblé au cours des années ayant précédé l’adoption de la décision attaquée. En particulier, la figure 20 incluse au considérant 798 de la décision attaquée montre que le nombre
de foyers connectés au réseau de la requérante n’avait pas sensiblement augmenté entre 2012 et 2018, si ce n’est en raison de l’acquisition d’actifs préexistants d’autres sociétés.

167 En ce qui concerne Deutsche Telekom, il ressort du considérant 744, sous c), de la décision attaquée et de la réponse de cet opérateur qui y est citée que sa situation était très différente de celle des parties à la concentration, notamment au motif que Deutsche Telekom possédait déjà un réseau de fibre optique très étendu et qu’elle utilisait ce réseau pour fournir des services d’accès à haut débit via la technologie de ligne d’abonné numérique (Digital Subscriber Line, DSL), ce que la
requérante ne conteste nullement. Partant, afin d’étendre à de nouvelles zones son offre à des clients MDU, Deutsche Telekom pouvait s’appuyer sur ses propres lignes de fibre optique ou ses conduites existantes et n’avait généralement besoin de construire que de courtes parties du réseau de niveau 3 nécessaire.

168 Il s’ensuit que les cas de duplication du réseau effectués par ces opérateurs ne permettent pas de remettre en cause les appréciations de la Commission au sujet de la concurrence potentielle entre les parties à la concentration.

169 Par conséquent, le deuxième grief de la requérante doit être écarté.

170 S’agissant, en troisième lieu, du fait que la Commission n’aurait pas tenu compte de l’infrastructure existante de Vodafone, notamment dans l’empreinte câblée de Unitymedia, et du fait que des coûts similaires auraient été nécessaires pour étendre un réseau câblé, que ce fût à l’intérieur ou à l’extérieur de l’empreinte câblée des parties à la concentration, il y a lieu de relever qu’il ressort du considérant 740 de la décision attaquée que les projections effectuées par Vodafone et vérifiées
par la Commission tenaient bel et bien compte des infrastructures existantes de cet opérateur ainsi que du déploiement de la 5G, lesquels ne permettaient toutefois pas de rendre une duplication du réseau câblé suffisamment rentable.

171 En outre, il convient de relever que, au considérant 737 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la duplication du réseau câblé n’était globalement pas attrayante pour Vodafone, « en particulier par rapport à l’ajout de nouveaux foyers dans sa propre empreinte câblée qui impliquait des investissements moindres dans les infrastructures et qui offrait des opportunités de revenus plus élevés en raison de l’absence d’un opérateur déjà en place ». Il s’ensuit que la Commission a
constaté qu’une duplication du réseau câblé en dehors de son empreinte s’avérait moins rentable qu’une extension du réseau câblé sur son propre territoire, ce que la requérante ne conteste pas. En l’espèce, la requérante se contente de faire valoir que les coûts liés au développement, par un câblo-opérateur, de son réseau à l’intérieur de son empreinte câblée auraient été similaires à ceux encourus pour une extension de son réseau câblé en dehors de sa zone de couverture, sans nullement étayer
pareille prétention, et notamment sans contester ces éléments avancés par la Commission.

172 Par ailleurs, il y a lieu de constater que, dans deux passages divulgués par la Commission, en application de l’ordonnance du 30 mars 2023, des considérants 736 et 759 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle avait constaté que, au cours des cinq dernières années, les parties à la concentration n’avaient étendu que de manière négligeable leur réseau à l’intérieur de leurs empreintes câblées respectives ou à proximité de celles-ci. Ce constat, non remis en cause par la requérante
dans ses observations du 2 juin 2023, corrobore la conclusion de la Commission selon laquelle une extension des parties à la concentration dans l’empreinte câblée de l’autre partie aurait été improbable en l’absence de l’opération. En effet, si Vodafone et Unitymedia n’avaient que de manière négligeable étendu leur réseau câblé à l’intérieur de leurs propres empreintes câblées respectives préalablement à l’opération, il était effectivement improbable qu’elles étendent leur réseau câblé en dehors
de leurs empreintes, et notamment dans celle de l’autre partie, puisqu’une telle extension était moins rentable qu’une extension à l’intérieur de leurs propres empreintes câblées respectives.

173 Par conséquent, ce troisième grief avancé par la requérante ne saurait prospérer.

174 S’agissant, en quatrième lieu, de la prétention de la requérante selon laquelle la Commission aurait omis de tenir compte du fait que Vodafone et Unitymedia auraient pu se faire concurrence sur le fondement de moyens non liés à l’infrastructure, force est de constater que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission ne s’est pas limitée à examiner la probabilité d’une concurrence potentielle par le biais d’une duplication de réseau câblé, ainsi que cela ressort du
considérant 745 de la décision attaquée pour ce qui est de Vodafone, et du considérant 763 pour ce qui est de Unitymedia. La Commission a, dans ce cadre, considéré qu’il était également peu probable qu’une partie pénétrât sur l’empreinte câblée de l’autre partie à partir de moyens non fondés sur l’infrastructure, tels que, notamment, les lignes louées, l’infrastructure satellite ou les réseaux de niveau 4, de sorte que ce quatrième grief ne saurait être accueilli.

175 En tout état de cause, la Commission a expliqué devant le Tribunal, sans être contredite par la requérante, que, bien qu’il fût théoriquement possible de fournir des services de transmission de signaux de télévision à des clients MDU sans utiliser sa propre infrastructure de niveau 3, il ne s’agissait pas, en pratique, d’une possibilité intéressante d’un point de vue concurrentiel. À cet égard, il convient également de relever que, au considérant 820 de la décision attaquée, auquel s’est référée
la requérante à plusieurs reprises dans le cadre de la présente procédure, la Commission a constaté que les opérateurs de niveau 4, dont la requérante, dépendaient complètement de la volonté des parties d’offrir des services de transmission intermédiaire du signal de télévision à des conditions compétitives, ce que la requérante ne conteste pas. Ensuite, au considérant 1479 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les opérateurs de niveau 4 avaient expliqué eux-mêmes qu’ils étaient
actifs dans un segment de niche du marché, tandis que les associations de logements avaient affirmé que les opérateurs de niveau 4 ne satisfaisaient fréquemment pas aux exigences requises en matière de niveau de service et n’étaient pas en mesure de prendre en charge les mises à niveau du réseau de niveau 3, ce que la requérante ne conteste pas non plus. Or, ces éléments corroborent le constat de la Commission selon lequel il était peu probable que les parties à la concentration étendent leurs
activités dans l’empreinte câblée de l’autre partie en s’appuyant sur des moyens non fondés sur l’infrastructure.

176 Par conséquent, il convient d’écarter le quatrième grief invoqué par la requérante.

[omissis]

e) Sur la prétendue collusion entre les parties à la concentration

188 La requérante fait également valoir que si les parties à la concentration ne s’étaient pas fait concurrence et n’avaient jamais dupliqué leurs réseaux câblés, c’était parce qu’il existait entre elles une collusion implicite ou tacite. Selon la requérante, si la Commission avait procédé de manière correcte, elle aurait dû constater que, dans l’hypothèse où ni Vodafone ni Unitymedia n’avaient étendu leurs activités sur le marché MDU dans l’empreinte câblée de l’autre, ça aurait été uniquement en
raison d’une pareille collusion.

[omissis]

191 À cet égard, il convient d’observer que la critique de la requérante ne porte pas sur la concentration examinée dans la décision attaquée, ni sur les effets de celle-ci sur le marché MDU, mais vise plutôt à tenter d’expliquer la raison pour laquelle les parties à cette opération ne se faisaient pas concurrence avant celle-ci.

192 Or, il résulte de l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 que ce dernier est seul applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3 de ce règlement, pour lesquelles le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), ne trouve pas, en principe, à s’appliquer. En revanche, ce dernier règlement est le seul applicable aux comportements des
entreprises qui, sans constituer une opération de concentration au sens du règlement no 139/2004, sont néanmoins susceptibles d’aboutir à une coordination entre elles contraire à l’article 101 TFUE et qui, pour ce motif, sont soumis au contrôle de la Commission ou des autorités de concurrence nationales (arrêt du 7 septembre 2017, Austria Asphalt, C‑248/16, EU:C:2017:643, points 32 et 33).

193 Il en découle que le grief de la requérante tiré d’une prétendue collusion implicite ou tacite entre les parties à la concentration préalablement à celle-ci est inopérant, puisqu’il n’a pas trait à l’objet de la décision attaquée, à savoir une concentration soumise au règlement no 139/2004, mais qu’il vise plutôt des pratiques tombant potentiellement dans le champ d’application des articles 101 ou 102 TFUE et du règlement no 1/2003. Ainsi, même si les allégations de la requérante étaient
fondées, c’est-à-dire même dans l’hypothèse où il aurait existé, préalablement à l’opération, une collusion implicite ou tacite entre les parties à la concentration expliquant l’absence de concurrence réelle ou potentielle entre elles sur le marché MDU, comme le fait valoir la requérante, cela n’aurait pas permis de remettre en cause la conclusion à laquelle est parvenue la Commission en ce qui concerne ce marché, à savoir l’absence de concurrence entre les parties à la concentration dont
l’élimination aurait pu donner lieu à une ESCE.

194 En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les allégations de tiers tirées d’une collusion tacite entre les parties à la concentration n’étaient pas confirmées par un examen des documents internes desdites parties et étaient contredites par les preuves qui figuraient au dossier au sujet de la rentabilité insuffisante de la duplication de réseaux câblés (voir notes en bas de page nos 534 et 566). Les arguments avancés par la
requérante, lesquels ont déjà tous été écartés ci-dessus, dans le cadre de l’examen de la présente branche, ne permettent pas de remettre en cause ce constat de la Commission. Par ailleurs, interrogée sur la question d’une collusion tacite entre les parties à la concentration lors de l’audience, la requérante n’a pas été en mesure de présenter le moindre commencement de preuve à cet égard. Enfin, en ce qui concerne les deux décisions de l’Office fédéral des ententes invoquées, il y a lieu de
rappeler qu’elles ne sauraient lier la Commission, comme cela a été rappelé au point 152 ci-dessus.

[omissis]

5. Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation, en ce que la Commission aurait omis de tenir compte de l’augmentation massive des ressources de l’entité issue de la concentration

[omissis]

b) Sur l’erreur manifeste d’appréciation

[omissis]

219 À cet égard, il importe de souligner que l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 mentionne bien la puissance économique et financière parmi les éléments dont il convient de tenir compte pour apprécier si une opération de concentration est compatible ou non avec le marché intérieur.

220 Toutefois, pour apprécier la compatibilité d’une opération de concentration avec le marché intérieur, la Commission tient compte d’un ensemble d’éléments tels que la structure des marchés en cause, la concurrence réelle ou potentielle d’entreprises, la position ainsi que la puissance économique et financière des entreprises concernées, les possibilités de choix des fournisseurs et des utilisateurs, l’existence de barrières à l’entrée et l’évolution de l’offre et de la demande (arrêt du
15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 125). Le constat d’une augmentation des ressources de l’entité issue de la concentration ne permet, partant, pas à lui seul de conclure à une ESCE.

221 Il s’ensuit que la circonstance qu’une opération de concentration entre deux entreprises cause une augmentation des ressources de l’entité issue de la concentration, même si elle est avérée, n’est pas suffisante, en soi, pour déclarer ladite opération incompatible avec le marché intérieur. En effet, il convient encore de démontrer que cette augmentation des ressources donne lieu à une ESCE.

222 Or, en l’espèce, sans qu’il soit nécessaire de trancher la question de savoir si l’augmentation des ressources était « propre » ou non à la concentration, la requérante ne démontre pas en quoi pareille augmentation aurait pu donner lieu à une ESCE.

223 Ce n’est pas parce qu’une concentration donne lieu à des synergies ou à des réductions de coûts en faveur de l’entité qui en est issue que cette opération entrave nécessairement la concurrence. En outre, ce n’est pas non plus parce qu’une concentration crée ou renforce une position dominante, ou qu’une seule entreprise dominante décide de la stratégie concurrentielle et de la politique de prix de l’entité issue de la concentration sur l’ensemble du territoire national, qu’elle donne
automatiquement lieu à une ESCE. En effet, la circonstance qu’une concentration créerait ou renforcerait une position dominante n’est pas, en soi, suffisante pour considérer que cette concentration serait incompatible avec le marché intérieur, dès lors qu’elle n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 octobre 2021, Polskie Linie Lotnicze LOT/Commission, T‑296/18,
EU:T:2021:724, point 107).

224 Par ailleurs, il convient de souligner que la Commission ne peut déclarer une concentration incompatible avec le marché intérieur que si elle constate une ESCE qui est la conséquence directe et immédiate de la concentration. Une telle entrave, qui découlerait des décisions futures de l’entité issue de la concentration, peut uniquement être considérée comme une conséquence directe et immédiate de la concentration si ce comportement futur est rendu possible et économiquement rationnel par la
modification des caractéristiques et de la structure du marché causée par la concentration (arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T‑79/12, EU:T:2013:635, point 118).

225 Or, en l’espèce, il est constant que tant Vodafone que Unitymedia se trouvaient déjà en position dominante sur le marché MDU sur leurs empreintes câblées respectives préalablement à la concentration, avec pour conséquence qu’elles avaient déjà toutes deux le pouvoir de se comporter, dans une mesure appréciable, de manière indépendante vis-à-vis de leurs concurrents et de leurs clients MDU. Par conséquent, même si, comme le fait valoir la requérante, l’entité issue de la concentration pouvait,
grâce à une augmentation de ses ressources, évincer ses concurrents restants de par l’application, notamment, de prix prédateurs, force est de constater que tel était déjà le cas avant l’opération et que ce comportement futur n’est, dès lors, pas rendu possible et économiquement rationnel par la modification des caractéristiques et de la structure du marché causée par la concentration.

226 En tout état de cause, si l’entité issue de la concentration mettait en place des pratiques anticoncurrentielles aux fins d’évincer la concurrence résiduelle sur le marché MDU, il resterait loisible aux tiers de dénoncer pareil abus potentiel auprès des autorités nationales de la concurrence ou de la Commission, sans préjudice de la possibilité pour celles-ci d’agir d’office, conformément à l’article 5 et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai
2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 250).

227 Finalement, la Commission n’est liée ni par la décision de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) du 14 août 2013, ni par sa propre pratique décisionnelle.

228 En ce qui concerne la décision de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf), force est par ailleurs de constater que celle-ci a été rendue en 2013, alors que l’opération avait été notifiée en 2018. Or, les marchés des télécommunications évoluent très rapidement. Dans ce contexte, l’écoulement de cinq ans pourrait également justifier l’absence de prise en considération de cette décision. Il convient également de relever que, eu égard à la répartition précise des
compétences sur laquelle repose le règlement no 139/2004, les décisions des autorités nationales ne sauraient lier la Commission dans le cadre des procédures de contrôle des concentrations (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C‑202/06 P, EU:C:2007:814, point 56, et du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 139).

229 En ce qui concerne la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, il convient de relever que lorsque la Commission statue sur la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur sur le fondement d’une notification et d’un dossier propres à cette opération, une partie requérante n’est pas en droit de remettre en cause ses constatations au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, sur le fondement d’une notification et d’un dossier
différents, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques (arrêts du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 118, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 142).

230 Il découle de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce que cette dernière n’a pas conclu à l’existence d’effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU du fait de l’augmentation des ressources résultant de l’opération de concentration.

[omissis]

D.   Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’irrégularités procédurales dans le cadre de l’examen des effets verticaux non coordonnés sur le marché intermédiaire et sur le marché MDU

[omissis]

3. Sur la seconde branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation

[omissis]

314 À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ressort du paragraphe 31 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 265, p. 6, ci-après les « lignes directrices sur les concentrations non horizontales ») que se produit un verrouillage du marché des intrants lorsque, à l’issue de la concentration en cause, la nouvelle entité est susceptible de restreindre l’accès
aux produits ou aux services qu’elle aurait fournis si ladite concentration n’avait pas eu lieu, notamment lorsque cette entité est susceptible d’accroître les coûts de ses concurrents situés en aval, en rendant plus difficile pour ces derniers l’approvisionnement en intrants à des prix et à des conditions identiques à ceux qui auraient prévalu en l’absence de cette concentration.

315 Aux termes du paragraphe 32 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales, lors de l’évaluation de la probabilité d’un scénario de verrouillage anticoncurrentiel du marché des intrants, la Commission examine, premièrement, si l’entité issue de la concentration aurait, à l’issue de l’opération de concentration, la capacité de verrouiller l’accès aux intrants de manière significative, deuxièmement, si elle aurait intérêt à le faire et, troisièmement, si une stratégie de
verrouillage du marché aurait une incidence négative significative sur la concurrence en aval.

316 Il convient d’observer que ces trois conditions sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’elles est suffisante pour exclure le risque de verrouillage des intrants anticoncurrentiel (arrêts du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, points 118 et 119, et du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T‑691/18, non publié, EU:T:2021:43, points 111 et 112). Par ailleurs, en ce qui concerne plus particulièrement la troisième de ces conditions, il convient de relever que, pour que
pareille condition soit remplie, il faut démontrer une incidence négative qui soit significative sur la concurrence en aval, ce qui ressort du paragraphe 32 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales.

317 Il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, malgré l’absence de nouveau lien vertical entre le marché intermédiaire en amont et le marché MDU en aval résultant de la concentration, la Commission a, aux considérants 1476 à 1506 de la décision attaquée, examiné ces trois conditions sans que cette approche soit, en tant que telle, critiquée par la requérante.

318 En l’espèce, le Tribunal estime opportun de commencer par examiner les arguments avancés par la requérante aux fins de démontrer que la Commission aurait, dans la décision attaquée, conclu de manière manifestement erronée que la troisième de ces conditions n’était pas remplie, soit son troisième grief, résumé au point 312 ci-dessus.

319 À cet égard, force est de constater que, dans ce cadre, la requérante ne remet pas en cause plusieurs des éléments qui ont conduit la Commission à conclure qu’une éventuelle stratégie de verrouillage du marché n’aurait en tout cas pas d’incidence négative significative sur la concurrence en aval.

320 Ainsi, la requérante ne conteste pas qu’une telle stratégie n’aurait pas affecté son activité principale, puisque celle-ci s’exerçait en dehors de l’empreinte câblée de Unitymedia. Par ailleurs, si la requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle elle n’était que peu active dans l’empreinte câblée de Unitymedia, elle n’étaye toutefois nullement pareille allégation et ne remet notamment pas en question le fait qu’elle ne pouvait pas participer aux appels d’offres requérant des
mises à jour du réseau de niveau 3, le caractère limité, puisque de [0-5] %, de sa part de marché concernée et sa participation limitée à des appels d’offres dans l’empreinte câblée de Unitymedia.

321 En outre, aucun des arguments avancés par la requérante n’est fondé.

322 S’agissant, premièrement, de l’allégation de la requérante selon laquelle elle exerçait une contrainte concurrentielle suffisante dans l’empreinte câblée de Unitymedia, malgré le fait qu’elle ne faisait qu’y revendre le produit de cette dernière, force est de constater que pareille allégation n’est pas accompagnée d’éléments permettant de remettre en cause les explications qui figurent aux considérants 1501 et 1503 de la décision attaquée, tels que rappelés aux points 283 et 284 ci-dessus.

323 Ainsi, la requérante n’étaye nullement son allégation selon laquelle la disparition des revendeurs, lesquels auraient réussi à remporter des appels d’offres par le passé, aurait une incidence négative significative sur la concurrence.

324 En outre, il convient de constater que, contrairement à l’allégation de la requérante, il n’est pas du ressort d’une procédure de contrôle des concentrations d’assurer un renforcement de la requérante en tant que principal concurrent des parties à la concentration et principale source de concurrence résiduelle, d’autant plus que la requérante ne précise pas en quoi consisterait un tel renforcement, ni de quelle base juridique il devrait découler.

325 Enfin, la requérante n’est pas fondée à invoquer le fait que, s’agissant des effets horizontaux non coordonnés sur le marché de l’accès fixe à Internet, la Commission a accepté une mesure corrective purement axée sur les revendeurs. En effet, ainsi que l’explique la Commission, il existe des différences importantes entre le marché MDU et le marché de l’accès fixe à Internet, qui rendaient nécessaire l’adoption d’une mesure corrective dans le cas de ce dernier. En effet, les conditions de
concurrence sur les deux marchés étaient différentes (voir considérants 391 et suivants ainsi que considérants 700 et suivants de la décision attaquée). À cet égard, sur le marché MDU, l’accent était surtout mis sur l’infrastructure à mettre à disposition (voir considérants 107 et 699 de la décision attaquée) et les fournisseurs de niveau 4 n’y exerçaient pas de pression concurrentielle significative (voir considérants 818 à 820 et 1478 à 1480 de la décision attaquée). En revanche, avant la
concentration, Vodafone exerçait une pression concurrentielle considérable sur le marché de l’accès fixe à Internet (voir considérants 445 à 499, et notamment considérant 454, de la décision attaquée), de sorte qu’une mesure corrective était nécessaire (voir, en particulier, considérant 1898 de la décision attaquée).

326 S’agissant, deuxièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle elle ne se serait appuyée que temporairement sur les services intermédiaires de transmission du signal de télévision fournis par Unitymedia en attendant de déployer son propre réseau de niveau 3, il ressort du considérant 798 et de la figure 20 de la décision attaquée, auxquels se réfère la Commission au considérant 1504 de ladite décision, que les appréciations effectuées par la Commission sont fondées à la fois sur la
réponse à la communication des griefs et sur les propres chiffres communiqués par la requérante elle-même. Les éléments de preuve présentés au considérant 744, sous a), et aux considérants 797 à 799 de la décision attaquée montrent que la requérante n’avait pas véritablement entrepris de duplication du réseau câblé d’un autre opérateur au cours des années ayant précédé l’adoption de la décision attaquée. En particulier, la figure 20 de la décision attaquée, incluse au considérant 798 de ladite
décision, montre que le nombre de foyers connectés au réseau de la requérante n’avait pas sensiblement augmenté entre 2012 et 2018, si ce n’est en raison de l’acquisition d’actifs préexistants d’autres sociétés. Or, la requérante ne fait que se référer à ses propres déclarations, mais ne produit aucun élément de preuve contredisant la conclusion selon laquelle elle « n’a[vait] que très peu développé son infrastructure de niveau 3 ces dernières années ».

327 Il s’ensuit que les arguments avancés par la requérante ne démontrent pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, lorsqu’elle a considéré que les éléments dont elle disposait montraient que l’affaiblissement de la requérante sur l’empreinte câblée de Unitymedia n’aurait pas d’incidence négative significative sur la concurrence sur le marché de la fourniture au détail des clients MDU.

328 Partant, il convient d’écarter le troisième grief formulé par la requérante à l’appui de la seconde branche du troisième moyen.

329 Compte tenu du caractère cumulatif des trois conditions relatives à l’existence d’un risque de verrouillage des intrants, qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante, le fait que la requérante n’ait pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la troisième de ces conditions n’était pas remplie suffit pour écarter pareil risque de verrouillage, sans qu’il faille encore examiner si la Commission aurait, de manière manifestement erronée,
considéré que les deux autres conditions n’étaient pas non plus remplies. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner le bien-fondé des premier et deuxième griefs formulés par la requérante à l’appui de la seconde branche du troisième moyen, qui portent, en substance, sur ces deux premières conditions.

330 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la requérante avait un intérêt à l’invoquer.

E.   Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché de rachat de signaux de télévision

[omissis]

2. Sur l’erreur manifeste d’appréciation alléguée par la requérante

[omissis]

348 En ce qui concerne, en premier lieu, le reproche qu’elle fait à la Commission de s’être prétendument limitée à analyser certains effets anticoncurrentiels touchant aux redevances de rachat ou aux services OTT et HBBTV, la requérante se borne à citer certaines fonctionnalités techniques et certains aspects commerciaux que la Commission aurait, selon elle, dû examiner, mais n’explique aucunement en quoi ceux-ci pourraient être affectés par la concentration, et plus particulièrement les raisons
pour lesquelles, et la manière avec laquelle, l’entité issue de la concentration aurait la capacité, et surtout l’intérêt, de détériorer ces fonctionnalités et aspects commerciaux lors de ses négociations avec les télédiffuseurs, en quoi, eu égard notamment à l’importance de ceux-ci, cela pourrait avoir pour effet d’entraver de manière significative une concurrence effective sur le marché de rachat de signaux de télévision et en quoi une telle détérioration probable de ces fonctionnalités et
aspects commerciaux serait propre à la concentration, ce qui permet d’écarter ce premier grief.

349 En tout état de cause, comme le fait valoir à juste titre la Commission, le simple fait que la Commission n’ait pas procédé à tous les examens souhaités ou jugés utiles par la requérante ne justifie pas, en soi, l’annulation de la décision attaquée.

350 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’allégation selon laquelle la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’incitation de mettre en place des exclusivités partielles aux fins d’interdire la diffusion de contenus par le biais de certains de ses concurrents, tels qu’elle-même, force est de constater que pareille allégation est très générale et n’est nullement étayée.

351 Par ailleurs, si la requérante fait valoir que l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’incitation d’instaurer une telle stratégie d’exclusivité partielle à l’encontre de certains de ses concurrents, force est de constater qu’elle n’essaie même pas de démontrer qu’une telle stratégie aurait une incidence négative significative sur la concurrence en aval, en s’appuyant par exemple sur des éléments de preuve démontrant qu’une proportion potentiellement importante de sociétés de
logements en ce qui concernait le marché MDU, ou de téléspectateurs allemands en ce qui concernait le marché SDU, aurait été disposée à passer à l’offre de l’entité issue de la concentration pour la seule raison que certaines chaînes n’auraient pas été proposées par leur fournisseur actuel. Or, comme cela ressort des points 315 et 316 ci-dessus et de la jurisprudence qui y est citée, les trois conditions mentionnées au paragraphe 32 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales
sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’elles est suffisante pour exclure le risque de verrouillage des intrants anticoncurrentiel, ce qui permet d’écarter ce deuxième grief.

352 En tout état de cause, la conclusion, par une entreprise en position dominante, d’accords d’exclusivité avec un fournisseur visant à évincer du marché en aval un ou plusieurs concurrents désignés individuellement est susceptible de constituer un comportement contraire au droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2011, Altstoff Recycling Austria/Commission, T‑419/03, EU:T:2011:102, point 51). Interrogée à cet égard lors de l’audience de plaidoiries, la Commission a d’ailleurs
confirmé que si l’entité issue de la concentration concluait un accord d’exclusivité totale ou partielle avec un télédiffuseur, cela constituerait potentiellement une infraction à l’article 101 ou 102 TFUE.

353 Par conséquent, il y a lieu de considérer qu’il était peu probable que l’entité issue de la concentration fût incitée à conclure de tels accords à l’issue de cette opération, ce qui s’appliquait également aux télédiffuseurs. En effet, il ressort de la jurisprudence que s’il est approprié de tenir compte des incitations à adopter des comportements anticoncurrentiels, il convient également de tenir compte du fait que lesdites incitations pourraient être réduites, voire éliminées, en raison de
l’illégalité des comportements en question, de la probabilité de leur détection, de leur poursuite par les autorités compétentes tant au niveau de l’Union qu’au niveau national et des sanctions pécuniaires qui pourraient en résulter (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission, T‑5/02, EU:T:2002:264, point 159, et du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, points 303 à 311). Il ne pourrait, dès lors, être reproché à la Commission de ne pas
avoir tenu compte de la possibilité improbable, eu égard à son caractère potentiellement illégal, que l’entité issue de la concentration conclût avec un télédiffuseur un accord d’exclusivité par lequel un ou plusieurs concurrents sur les marchés en aval, tels que la requérante, auraient été privés d’accès à certains contenus.

354 En ce qui concerne, en troisième lieu, l’allégation selon laquelle l’entité issue de la concentration pourrait exploiter sur le marché MDU les avantages dont elle bénéficierait sur le marché de rachat de signaux de télévision, il y a lieu de constater que ces éléments ont déjà été invoqués par la requérante à l’appui de la deuxième branche de son premier moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation, en ce que la Commission aurait, dans le cadre de son examen du
marché MDU, omis de tenir compte de l’augmentation massive des ressources de l’entité issue de la concentration. Or, cette deuxième branche a été rejetée pour les raisons exposées aux points 199 à 230 ci-dessus, de sorte que ce troisième grief ne saurait prospérer.

355 En tout état de cause, si les avantages allégués dont bénéficierait l’entité issue de la concentration lui permettaient d’offrir des prix plus avantageux aux clients MDU, comme le fait valoir la requérante, il y a lieu de considérer que cela était révélateur d’effets positifs pour les consommateurs, puisqu’il était probable qu’une telle réduction de prix se répercuterait dans le montant du loyer mensuel des locataires des immeubles concernés, plutôt que d’une ESCE. En outre, il convient de
constater que la requérante ne démontre nullement que les avantages qu’elle allègue, à savoir la perception de redevances de rachat et l’acquisition de contenus à des conditions plus avantageuses que les plus petits câblo-opérateurs, auraient été propres à la concentration.

356 Dès lors, la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché de rachat de signaux de télévision, avec pour conséquence que le quatrième moyen doit être rejeté.

F.   Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une irrégularité de procédure dans le cadre de l’examen des engagements

[omissis]

2. Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’engagement WCBA

[omissis]

370 Ensuite, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement WCBA serait inefficace parce qu’il ne permettrait pas de compenser la disparition de la pression concurrentielle par les infrastructures et les innovations exercée par Unitymedia avant l’opération, force est de constater que l’objectif principal de l’engagement WCBA était de remédier au problème concurrentiel découlant de la disparition de la pression concurrentielle exercée par l’activité DSL de Vodafone dans
l’empreinte câblée de Unitymedia, ainsi que cela ressort notamment du considérant 1898 de la décision attaquée.

371 En effet, à la suite de l’opération, l’activité exercée par Unitymedia au moyen de son réseau câblé perdurerait et serait reprise par Vodafone. En revanche, Vodafone prévoyait de mettre fin, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, à son activité DSL, qu’elle exerçait sur le fondement d’un accès de gros fourni par Deutsche Telekom (voir, notamment, considérants 566, 604 et 605 de la décision attaquée). Il s’ensuit que c’est l’activité DSL de Vodafone, c’est-à-dire une activité de revente du
produit DSL de Deutsche Telekom, qui disparaîtrait postérieurement à l’opération.

372 L’engagement WCBA n’aurait pu, partant, être considéré comme inefficace en ce qu’il prévoyait l’entrée d’un opérateur, Telefónica, qui n’aurait pas été actif en matière d’infrastructures, mais aurait fait uniquement de la revente, puisqu’il avait précisément pour objectif de compenser la disparition d’un opérateur, Vodafone, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, qui n’était pas actif en matière d’infrastructures, mais faisait uniquement de la revente, de sorte que ce premier grief ne saurait
être accueilli.

373 En tout état de cause, il ressort notamment du considérant 452 de la décision attaquée que, dans son empreinte câblée, Vodafone investissait et innovait antérieurement à l’opération. Par ailleurs, postérieurement à l’opération, l’activité câblée de l’entité issue de la concentration demeurerait confrontée, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, à la concurrence d’autres opérateurs, tels que Deutsche Telekom, United Internet et Telefónica, ce qui ressort également de ce considérant. Il en découle
que l’entité issue de la concentration serait probablement amenée, dans l’ancienne empreinte câblée de Unitymedia, à devoir effectuer des investissements en termes d’infrastructure et d’innovation similaires à ceux qu’effectuait cette dernière préalablement à l’opération. En tout cas, la requérante ne produit aucune preuve démontrant de manière suffisante que, malgré ces circonstances et, plus précisément, malgré la concurrence exercée par Deutsche Telekom, United Internet et Telefónica,
l’entité issue de la concentration cesserait d’investir et d’innover dans l’ancienne empreinte câblée de Unitymedia, avec pour conséquence que l’opération entraînerait une disparition de la pression concurrentielle découlant de tels investissements et innovations.

374 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’aurait pas pu accepter l’engagement WCBA en raison du caractère comportemental et non structurel de celui-ci, il est vrai que, comme le constate la requérante, la Commission explique au point 15 de la communication concernant les mesures correctives que les engagements à caractère structurel, tels que l’engagement de céder une activité, sont généralement préférables du point de vue de l’objectif
défini dans le règlement no 139/2004, dans la mesure où ils empêchent durablement les problèmes de concurrence qui résulteraient de la concentration notifiée et ne nécessitent pas de mesures de surveillance à moyen ou à long terme. Par ailleurs, la Commission souligne au point 17 de ladite communication que les engagements relatifs au comportement futur de l’entité issue de la concentration ne peuvent être recevables qu’exceptionnellement, dans des circonstances très spécifiques.

375 Ensuite, la Commission n’est habilitée à accepter que des engagements de nature à rendre l’opération de concentration compatible avec le marché intérieur. En d’autres termes, les engagements proposés par les entreprises concernées doivent permettre à la Commission de conclure que l’opération de concentration en cause n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du
renforcement d’une position dominante au sens de l’article 2, paragraphe 2, de ce règlement (voir arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 294 et jurisprudence citée).

376 Les engagements pris au cours de la phase II ont, notamment, pour objet de remédier aux problèmes de concurrence constatés par la Commission lors de la phase I et qui ont conduit la Commission à ouvrir la phase II. En conséquence, lorsque le Tribunal est amené à examiner si les engagements pris au cours de la phase II sont, eu égard à leur portée et à leur contenu, de nature à permettre à la Commission d’adopter une décision d’approbation de la concentration, il lui appartient de vérifier que la
Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer que lesdits engagements constituaient une réponse directe et suffisante aux problèmes de concurrence constatés lors de la phase I (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 298).

377 Selon le considérant 30 du règlement no 139/2004, lorsque les entreprises concernées modifient une concentration notifiée, notamment en présentant des engagements afin de la rendre compatible avec le marché intérieur, la Commission devrait pouvoir déclarer cette concentration, telle qu’elle est modifiée, compatible avec le marché intérieur. Ces engagements devraient être proportionnels au problème de concurrence et le résoudre entièrement (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2006, Cementbouw
Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 307).

378 Enfin, les engagements comportementaux ne sont pas insuffisants de par leur nature pour empêcher une ESCE dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante et doivent être appréciés au cas par cas au même titre que les engagements structurels (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T‑87/05, EU:T:2005:333, point 100 et jurisprudence citée).

379 C’est ainsi que, au point 15 de la communication concernant les mesures correctives, la Commission souligne qu’il n’est pas possible d’exclure a priori que d’autres types d’engagements que les engagements à caractère structurel puissent également empêcher la formation d’une ESCE.

380 Il résulte de ce qui précède que, certes, dans la communication concernant les mesures correctives, la Commission affiche une préférence pour les engagements structurels, en particulier en raison de la facilité de leur mise en œuvre. Toutefois, il y a lieu de constater que c’est principalement le caractère approprié et suffisant des engagements pour résoudre le problème de concurrence identifié, ainsi que la certitude que lesdits engagements pourront être mis en œuvre, qui gouverne l’acceptation
de ces derniers.

381 La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que la Commission aurait dû rejeter l’engagement WCBA au seul motif qu’il portait uniquement sur le comportement de l’entité issue de la concentration, ce qui permet d’écarter le deuxième grief.

382 En troisième lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante tirée d’une prétendue incapacité de Telefónica à exercer une forte pression concurrentielle sur le marché de l’accès fixe à Internet, force est de constater que le contenu du considérant 529 de la décision attaquée, invoqué par la requérante à l’appui du présent grief, concerne une déclaration de Deutsche Telekom sur la force concurrentielle de Telefónica antérieurement à la prise en compte de l’engagement WCBA, ce qui permet
d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait elle-même, dans ce considérant, reconnu cette incapacité de Telefónica.

383 Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante tiré des vitesses prétendument limitées qui seraient offertes à Telefónica en application de l’engagement WCBA, il est vrai que, au considérant 531 de la décision attaquée, la Commission a procédé aux constatations suivantes :

« Telefónica ne disposait que depuis peu d’une offre à 250 Mbit/s dans son portefeuille de produits. Jusqu’à présent, elle ne proposait que des vitesses de 10, 50 et 100 Mbit/s, ce que les concurrents considèrent comme une sérieuse limite à sa compétitivité. Cette introduction tardive de vitesses plus élevées dans son portefeuille de produits constitue une preuve importante de la compétitivité limitée de Telefónica sur le marché. »

384 Toutefois, il y a lieu de souligner que pareilles constatations effectuées par la Commission portaient sur la situation de Telefónica en l’absence de l’engagement WCBA.

385 Dès lors, il y a lieu de considérer que ces constatations, qui ne tiennent pas compte de l’ensemble des obligations souscrites par Vodafone dans le cadre de l’engagement WCBA, ne permettent de tirer aucune conclusion sur la capacité et l’incitation de Telefónica à opérer en tant que force concurrentielle viable et active une fois mis en œuvre cet engagement.

386 En outre, il convient de relever que, aux considérants 1896 à 1917 de la décision attaquée, dans une section intitulée « Portée », la Commission a examiné de manière détaillée l’engagement WCBA. Plus particulièrement, aux considérants 1901 à 1906 de ladite décision, la Commission a examiné les vitesses qui seraient offertes par Vodafone à Telefónica. Comme le souligne l’intervenante dans le cadre de la présente procédure, Telefónica disposait d’un débit maximal hypothétique de 250 Mbits/s pour
ses activités DSL. Par comparaison, l’engagement WCBA lui permettrait d’accéder à des débits allant jusqu’à 300 Mbits/s au moment de sa mise en œuvre et jusqu’à 500 Mbits/s ensuite. C’est ainsi que, au considérant 1906 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les vitesses disponibles dans le cadre de l’engagement WCBA offriraient des avantages significatifs par rapport à celles disponibles sur l’infrastructure DSL de Deutsche Telekom. En particulier, elle a relevé que cet
engagement offrirait des vitesses supérieures au produit le plus rapide techniquement disponible avec l’infrastructure DSL et créerait un concurrent qui était plus proche de Unitymedia que de l’activité DSL de Vodafone en termes de vitesse. D’une manière générale, la Commission a estimé que les vitesses disponibles en application de l’engagement WCBA constitueraient une amélioration par rapport à l’offre de gros de Deutsche Telekom et qu’elles seraient suffisantes pour permettre à Telefónica
d’exercer une concurrence effective sur le marché de l’accès fixe à Internet dans un avenir prévisible.

387 Ainsi, la seule circonstance que, antérieurement à la prise en compte de l’engagement WCBA, la Commission a considéré que l’introduction tardive de vitesses plus élevées dans son portefeuille de produits constituait une preuve importante de la compétitivité limitée de Telefónica sur le marché ne permet de tirer aucune conclusion sur la capacité et l’incitation de Telefónica à opérer en tant que force concurrentielle viable et active, et donc sur le caractère approprié et suffisant de
l’engagement WCBA, une fois mis en œuvre, ce qui permet d’écarter ce troisième grief.

388 Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la première branche du cinquième moyen, tirée d’une erreur manifeste qu’aurait commise la Commission dans l’appréciation de l’engagement WCBA, doit être écartée.

3. Sur la seconde branche, tirée d’une irrégularité procédurale et d’une erreur manifeste dans l’appréciation des engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision

389 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a commis une irrégularité de procédure en acceptant l’engagement relatif aux redevances de rachat, étant donné que celui-ci avait été présenté tardivement, après l’expiration du délai prévu à l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 802/2004, et sans consultation des acteurs du marché.

[omissis]

400 S’agissant, deuxièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement OTT aurait été insuffisant, étant donné que les services OTT n’auraient eu encore qu’une importance limitée en Allemagne et parce qu’il n’aurait pas protégé les autres câblo-opérateurs et les fournisseurs IPTV, force est de constater, d’une part, qu’il ressort du considérant 1266 de la décision attaquée que le problème de concurrence constaté, auquel ce remède visait à apporter une solution, consistait dans la
possibilité accrue qu’aurait l’entité issue de la concentration d’entraver l’émergence et le développement de certains services télévisuels innovants, dont l’importance croissante avait été constatée, permettant davantage d’interaction entre le télédiffuseur et les téléspectateurs, dont l’OTT.

401 Par conséquent, indépendamment de la question du cadre temporel dans lequel les services OTT auraient été à même de limiter la marge de manœuvre et le pouvoir de négociation accru de l’entité issue de la concentration, force est de constater que l’engagement OTT, en ce qu’il empêcherait Vodafone, dès la date de l’adoption de la décision attaquée, non seulement de conclure ou de renouveler un accord avec un télédiffuseur qui aurait inclus des termes restreignant directement ou indirectement la
capacité de ce télédiffuseur à offrir un service OTT en Allemagne, mais l’obligerait également à ne pas mettre en œuvre de telles clauses qui auraient existé et à retirer semblables restrictions dans les contrats existants (voir points 13 et 14 de la section B.II du texte des engagements), était immédiatement susceptible d’empêcher Vodafone d’entraver l’émergence et le développement des services OTT et, partant, d’éliminer le problème de concurrence constaté pour lequel il avait été adopté.

402 D’autre part, il convient de relever que si la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’incitation d’entraver l’émergence et le développement de services télévisuels innovants tels que la HBBTV et l’OTT et que Vodafone avait, pour remédier à ce problème de concurrence, proposé les engagements OTT et HBBTV, elle n’a pas estimé que tel aurait été le cas d’autres moyens de diffusion, tels que les autres câblo-opérateurs ou les
fournisseurs IPTV. En ce qui concerne ce dernier produit, force est de constater que celui-ci était, contrairement à l’OTT, en phase de ralentissement, avec une part de marché limitée de 8 % (voir considérant 291 de la décision attaquée), ce que la requérante ne conteste pas.

403 Or, la requérante n’a pas reproché à la Commission de n’avoir pas estimé que l’entité issue de la concentration aurait eu la capacité et l’intérêt à entraver l’émergence et le développement d’autres moyens de diffusion, tels que les autres câblo-opérateurs ou les fournisseurs IPTV, avec pour conséquence qu’il n’était pas nécessaire d’imposer un engagement à cet égard, ce qui permet d’écarter cette allégation de la requérante.

404 S’agissant, troisièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle la capacité existant entre le réseau Internet de l’entité issue de la concentration et les fournisseurs tiers de services d’interconnectivité Internet prévue dans le cadre de l’engagement OTT n’aurait pas suffi pour garantir une vitesse permettant la diffusion de services OTT, mais selon laquelle il aurait plutôt fallu fixer à 32 le nombre de logements raccordés par répartiteur, force est de constater que la requérante
n’étaye d’aucune preuve pareille allégation, de sorte que ce troisième grief ne saurait être accueilli.

405 En tout état de cause, il y a lieu de relever qu’il ressort du point 15 de la section B.II du texte des engagements que l’objectif du deuxième aspect de l’engagement OTT, portant sur l’interconnexion pour les services OTT, était de maintenir au moins trois routes non congestionnées vers le réseau IP de l’entité issue de la concentration en Allemagne. En d’autres termes, l’objectif était de fournir une capacité d’interconnexion suffisante pour permettre aux clients haut débit de l’entité issue de
la concentration d’accéder à tout service OTT en Allemagne, soit via les points d’interconnexion décrits au point 16 de la section B.II du texte des engagements, soit autrement.

406 À cette fin, le point 16 de la section B.II du texte des engagements prévoyait, notamment, les obligations qui suivent. Premièrement, Vodafone veillerait à ce que l’utilisation de pointe quotidienne sur l’ensemble des points d’interconnexion de l’entité issue de la concentration avec chacun des groupes d’au moins trois fournisseurs d’interconnectivité réputés qui étaient disposés à vendre des services de transit, via un ou plusieurs points d’interconnexion physiques en Allemagne, sur lesquels le
trafic pouvait circuler vers les clients haut débit, ne dépassât pas 80 %, avec pour conséquence qu’il y aurait au moins 20 % de capacité disponible au-delà de la pointe journalière. Deuxièmement, Vodafone veillerait à ce que la capacité disponible au-delà de la pointe journalière fût d’au moins 20 Gbit/s. Ce chiffre serait revu chaque année selon une procédure décrite dans le texte des engagements. Or, la requérante n’explique pas concrètement en quoi cela aurait été insuffisant.

407 À cet égard, il y a également lieu de relever que la Commission et l’intervenante ont expliqué en substance, sans être contredites, que l’entité issue de la concentration serait fortement incitée à minimiser une congestion au niveau de la boucle locale au motif qu’une telle congestion, provoquant des goulets d’étranglement « sur le dernier kilomètre » (on the last mile), aurait compromis également l’attractivité de sa propre offre fixe de services haut débit et l’aurait exposée au risque de
perdre des clients au profit d’autres opérateurs.

408 En outre, il convient de constater que, au considérant 1929 de la décision attaquée, la Commission a relevé que la neutralité d’Internet, garantie par le règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, établissant des mesures relatives à l’accès à un Internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) no 531/2012
concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (JO 2015, L 310, p. 1), aurait dû empêcher l’entité issue de la concentration d’adopter des pratiques unilatérales restrictives visant à contourner l’engagement, telles que la redéfinition des priorités en matière de trafic ou la discrimination, ce que la requérante ne conteste pas.

409 À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la requérante ne démontre pas que l’engagement OTT aurait été insuffisant pour garantir une qualité de réception suffisante aux clients de la télévision OTT, ce qui permet d’écarter le troisième grief.

410 S’agissant, quatrièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement OTT et l’engagement HBBTV n’aurait pas empêché l’entité issue de la concentration d’abuser de sa position, en portant atteinte à d’autres fonctionnalités techniques, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des points 348 et 349 ci-dessus que, dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la Commission aurait omis de constater que l’entité issue de la concentration aurait
pu également porter atteinte à d’autres fonctionnalités techniques, telles que le « CI Plus », la « TVHD », le guide électronique de programme ou les services de VOD, de télévision de rattrapage et de rediffusion instantanée, à savoir les mêmes que celles qu’elle cite à l’appui de la présente allégation.

411 Plus particulièrement, la requérante ne démontre pas, premièrement, en quoi lesdites fonctionnalités auraient pu être affectées par la concentration, de même que les raisons pour lesquelles, et la manière avec laquelle, l’entité issue de la concentration aurait eu la capacité, et surtout l’intérêt, de détériorer ces aspects lors de ses négociations avec les télédiffuseurs, deuxièmement, en quoi, eu égard notamment à l’importance de ceux-ci, cela aurait pu avoir pour effet d’entraver de manière
significative une concurrence effective sur le marché de rachat de signaux de télévision et, troisièmement, en quoi une telle détérioration probable de ces fonctionnalités aurait été propre à la concentration, avec pour conséquence qu’il n’était pas nécessaire d’imposer un engagement à cet égard, ce qui permet d’écarter cette allégation de la requérante.

412 S’agissant, cinquièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement relatif aux redevances de rachat n’aurait pas empêché l’entité issue de la concentration de rendre moins favorables, à l’égard des télédiffuseurs, d’autres conditions que ces redevances, il convient de constater que la requérante et l’intervenante s’accordent sur le fait que les négociations entre les télédiffuseurs et les plateformes de télévision ne se limitaient pas aux flux de revenus des télédiffuseurs
vers l’entité issue de la concentration, c’est-à-dire aux redevances de rachat, mais couvraient également les paiements liés aux contenus et les paiements au titre de la qualité technique ou des fonctionnalités et services supplémentaires, qui étaient effectués par l’entité issue de la concentration au bénéfice des télédiffuseurs.

413 Force est toutefois de constater, tout d’abord, que, au considérant 1221 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les redevances de rachat étaient directement liées à la transmission de signaux de télévision par câble et semblaient donc être le principal élément du flux de paiement qui serait affecté par le pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration sur le marché de rachat de signaux de télévision. Par ailleurs, au considérant 1959 de ladite décision, la Commission
a expliqué que, bien que le développement récent des services de télévision à valeur ajoutée eût contribué à une augmentation du flux de revenus des plateformes de télévision vers les télédiffuseurs, les redevances de rachat représentaient toujours un élément financier extrêmement pertinent dans la relation contractuelle entre les télédiffuseurs en clair et les plateformes de télévision par câble. La Commission a ajouté que certains éléments du dossier suggéraient que l’effet de l’opération sur
le flux de recettes de l’entité issue de la concentration vers les télédiffuseurs était susceptible d’être limité [voir section VIII.C.2.11.3.9(ii) de la décision attaquée], alors qu’aucun élément dans le dossier ne suggérait qu’il en était de même pour les redevances de rachat (voir également considérant 1261).

414 Il en découle que la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste, tenir compte de la circonstance que l’engagement de ne pas augmenter les redevances de rachat pouvait contrebalancer le risque que l’étendue et la qualité de l’offre télévisuelle aux clients de détail soient réduites, en raison d’une aggravation significative des conditions contractuelles imposées par l’entité issue de la concentration aux télédiffuseurs en clair.

415 Ensuite, il y a lieu de considérer que la Commission était fondée à tenir compte du caractère complémentaire de l’engagement relatif aux redevances de rachat et de l’engagement OTT, au motif que le premier intervenait directement sur la relation financière entre l’entité issue de la concentration et les télédiffuseurs en cause en ce qui concernait les offres de télévision traditionnelle et linéaire et que le second aurait un effet pour la fourniture de services supplémentaires.

416 Par ailleurs, au cours de la procédure devant le Tribunal, la Commission a soutenu, sans être contestée par la requérante, que si l’entité issue de la concentration venait à ajouter des paiements considérables autres que les redevances de rachat, cela constituerait un contournement des engagements facilement identifiable.

417 Finalement, à supposer que son allégation sur le contournement des engagements s’applique également à la télévision payante, la requérante n’a pas davantage apporté d’éléments pour contredire l’affirmation de la Commission selon laquelle, en ce qui concernait les chaînes de télévision payantes, tout comportement du type de celui qu’elle décrivait serait contraire à l’engagement OTT.

418 Il découle de ce qui précède que la requérante n’est pas en mesure de démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en acceptant l’engagement OTT, l’engagement relatif aux redevances de rachat et l’engagement HBBTV, avec pour conséquence que ce premier grief doit être écarté.

419 En ce qui concerne, en second lieu, la présentation tardive de l’engagement relatif aux redevances de rachat et l’irrégularité procédurale qui aurait découlé, dès lors, de son acceptation par la Commission, il convient de relever qu’il ressort de l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 802/2004, auquel se réfère la requérante, que les engagements que les entreprises concernées proposent conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 doivent être communiqués à la
Commission dans un délai de 65 jours ouvrables à compter de la date d’engagement de la procédure. Lorsque le délai d’adoption d’une décision adoptée en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 est prorogé, la période de 65 jours ouvrables est automatiquement prorogée d’un nombre identique de jours ouvrables.

420 Par ailleurs, il ressort du point 94 de la communication concernant les mesures correctives que lorsque les parties modifient les engagements proposés après le délai de 65 jours ouvrables, la Commission n’acceptera ces engagements modifiés que si elle peut établir clairement – sur le fondement de son appréciation des informations déjà obtenues dans le cadre de l’enquête, notamment des résultats de la consultation antérieure des acteurs du marché et sans avoir recours à une autre consultation du
même type – que, une fois mis en œuvre, de tels engagements supprimeront complètement, en levant toute ambiguïté, les problèmes de concurrence constatés, et à condition qu’elle dispose d’un temps suffisant pour effectuer une analyse adéquate et pour consulter de façon appropriée les États membres. Par ailleurs, il ressort de la note en bas de page no 107 de cette communication, se rapportant à son point 94, que la consultation des États membres suppose normalement que la Commission soit en
mesure d’adresser à ces deniers un projet de décision finale comprenant une appréciation des engagements modifiés au moins dix jours ouvrables avant la réunion du comité consultatif avec les États membres.

421 Enfin, il y a lieu de relever que la jurisprudence a considéré que ces deux conditions étaient cumulatives et les a précisées, en ce sens que la Commission peut tenir compte d’engagements soumis tardivement par les parties à une opération de concentration notifiée, premièrement, si ceux-ci résolvent clairement et sans besoin d’enquête supplémentaire les problèmes concurrentiels préalablement identifiés et, deuxièmement, s’il existe un temps suffisant pour consulter les États membres sur ces
engagements (voir arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, EU:T:2010:280, point 455 et jurisprudence citée).

422 En l’espèce, force est de constater que ces deux conditions sont remplies.

423 S’agissant, premièrement, de la première condition, il ressort des points 398 à 418 ci-dessus que les arguments de la requérante tirés du caractère insuffisant de l’engagement relatif aux redevances de rachat ont été rejetés. Partant, il doit être considéré que la requérante n’a pas démontré que la Commission ne pouvait pas établir clairement – sur le fondement de son appréciation des informations déjà obtenues dans le cadre de l’enquête, notamment des résultats de la consultation antérieure des
acteurs du marché – que, une fois mis en œuvre, l’engagement relatif aux redevances de rachat aurait résolu clairement et sans besoin d’enquête supplémentaire les problèmes concurrentiels préalablement identifiés.

424 S’agissant, deuxièmement, de la seconde condition, il convient de relever qu’il ressort des considérants 25 et 26 de la décision attaquée que la partie ayant notifié l’opération a soumis un projet révisé d’engagements le 11 juin 2019 et que le comité consultatif a discuté du projet de décision et a émis une opinion favorable le 28 juin. Il en découle que, en l’espèce, la Commission a bien été en mesure d’adresser aux États membres un projet de décision finale comprenant une appréciation des
engagements modifiés au moins dix jours ouvrables avant la réunion du comité consultatif, ce que la requérante ne conteste pas et, partant, qu’elle a bénéficié d’un temps suffisant pour consulter les États membres sur l’engagement relatif aux redevances de rachat.

425 Il découle de ce qui précède que la Commission pouvait tenir compte de l’engagement relatif aux redevances de rachat malgré sa présentation tardive, avec pour conséquence que le grief de la requérante tiré d’une prétendue irrégularité procédurale doit être écarté, de même que la seconde branche du présent moyen.

426 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.

[omissis]

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) Tele Columbus AG est condamnée aux dépens.

Van der Woude

da Silva Passos

Reine

  Truchot

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 novembre 2024.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Septième chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-69/20
Date de la décision : 13/11/2024
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Concurrence – Concentrations – Marchés allemands des services télévisuels et services de télécommunications – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE – Engagements – Appréciation des effets horizontaux et verticaux de l’opération sur la concurrence – Rapport de concurrence entre les parties à la concentration – Changement propre à la concentration – Erreur manifeste d’appréciation.

Concurrence

Télécommunications

Concentrations entre entreprises


Parties
Demandeurs : Tele Columbus AG
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: da Silva Passos

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2024:816

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