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13/11/2024 | CJUE | N°T-64/20

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Deutsche Telekom AG contre Commission européenne., 13/11/2024, T-64/20


 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)

13 novembre 2024 ( *1 )

« Concurrence – Concentrations – Marchés allemands des services télévisuels et services de télécommunications – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE – Engagements – Appréciation des effets horizontaux et verticaux de l’opération sur la concurrence – Rapport de concurrence entre les parties à la concentration – Changement propre à la concentration – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’a

ffaire T‑64/20,

Deutsche Telekom AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Mes C. von Köckritz, U. Soltész, M. ...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)

13 novembre 2024 ( *1 )

« Concurrence – Concentrations – Marchés allemands des services télévisuels et services de télécommunications – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE – Engagements – Appréciation des effets horizontaux et verticaux de l’opération sur la concurrence – Rapport de concurrence entre les parties à la concentration – Changement propre à la concentration – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑64/20,

Deutsche Telekom AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par Mes C. von Köckritz, U. Soltész, M. Wirtz, M. Schulz, P. Lohs et S. Zinndorf, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte, J. Szczodrowski et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Vodafone Group plc, établie à Newbury (Royaume-Uni), représentée par Mme V. Vollmann, solicitor, Mes C. Jeffs, A. Chadd et D. Seeliger, avocats,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, R. da Silva Passos (rapporteur), Mme I. Reine, MM. L. Truchot et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 21 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Deutsche Telekom AG, demande l’annulation de la décision C(2019) 5187 final de la Commission, du 18 juillet 2019, déclarant compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE l’opération de concentration visant à l’acquisition par Vodafone Group plc de certains actifs de Liberty Global plc (affaire COMP/M.8864 – Vodafone/Certain Liberty Global Assets) (ci-après la « décision attaquée »).

I. Antécédents du litige

A. Entreprises en cause

2 Vodafone Group plc (ci-après l’« intervenante » ou « Vodafone »), établie au Royaume-Uni, est principalement active dans l’exploitation de réseaux de télécommunications mobiles et dans la fourniture de services de télécommunications mobiles, comme les services vocaux, de messagerie et de données mobiles. Certaines de ses sociétés d’exploitation fournissent aussi des services de télévision par câble, de téléphonie fixe, d’Internet à haut débit ou de télévision utilisant le protocole Internet
(Internet Protocole Television, IPTV). Au sein de l’Union européenne, Vodafone est présente dans douze États membres, dont la République tchèque, l’Allemagne, la Hongrie et la Roumanie. En Allemagne, Vodafone possède un réseau câblé coaxial présent dans treize Länder sur seize (Bavière, Berlin, Brandebourg, Brême, Hambourg, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Basse-Saxe, Rhénanie-Palatinat, Sarre, Saxe, Saxe-Anhalt, Schleswig-Holstein et Thuringe), lui permettant d’offrir des services de
télévision et d’Internet à haut débit. Dans cet État membre, Vodafone est également active dans la fourniture au détail de services de télécommunications mobiles au niveau national et propose des services de télécommunications fixes à l’échelle nationale par l’intermédiaire d’un accès de gros au réseau fixe de la requérante.

3 Liberty Global plc, également établie au Royaume-Uni, propose des services de télévision, d’Internet à haut débit, de téléphonie fixe ainsi que des services mobiles dans différents pays de l’Union. Liberty Global possède et exploite des réseaux câblés proposant des services de télévision, d’Internet à haut débit et de téléphonie vocale en République tchèque, en Allemagne, en Hongrie et en Roumanie. Liberty Global est présente en Allemagne sous le nom de Unitymedia GmbH et en République tchèque, en
Hongrie et en Roumanie sous le nom d’UPC. En Allemagne, Unitymedia possède un réseau câblé coaxial présent dans les trois Länder que ne couvre pas le réseau câblé de Vodafone, à savoir la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, la Hesse et le Bade-Wurtemberg, lui permettant d’offrir des services de télévision et d’Internet à haut débit. En outre, Liberty Global est active en tant qu’opérateur de réseau mobile virtuel en Allemagne et en Hongrie.

4 La requérante, établie en Allemagne, propose notamment des services IPTV, d’Internet à haut débit, de téléphonie fixe, principalement sur le fondement de son réseau téléphonique en cuivre et de son réseau de fibre optique, ainsi que des services mobiles dans différents pays de l’Union.

B. Procédure administrative

5 Le 19 octobre 2018, la Commission européenne a reçu notification, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1), d’un projet de concentration par lequel Vodafone annonçait son intention d’acquérir le contrôle exclusif des activités de télécommunications de Liberty Global en République tchèque, en Allemagne, en Hongrie
et en Roumanie. L’opération consistait en un contrat d’achat et de vente par lequel Vodafone prévoyait d’acquérir 100 % des actions des sociétés qui exerçaient les activités de télécommunications de Liberty Global concernées (ci-après l’« opération » ou la « concentration »). En Allemagne, l’opération consistait en l’acquisition de 100 % des actions de Unitymedia.

6 Le 11 décembre 2018, après examen préliminaire de la notification et sur le fondement de la première phase d’enquête sur le marché, la Commission a émis des doutes sérieux quant à la compatibilité de l’opération avec le marché intérieur et a décidé d’ouvrir la procédure en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004.

7 Le 25 mars 2019, la Commission a adressé une communication des griefs à Vodafone (ci-après la « communication des griefs »).

8 Le 8 avril 2019, Vodafone a présenté sa réponse écrite à la communication des griefs.

9 Le 6 mai 2019, Vodafone a proposé des engagements en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 afin de remédier aux problèmes de concurrence identifiés par la Commission. Le 7 mai, la Commission a lancé une consultation des acteurs du marché portant sur ces engagements.

10 Le 11 juin 2019, à la suite de certaines modifications, Vodafone a présenté une série définitive d’engagements (ci-après les « engagements définitifs »).

11 Le 18 juillet 2019, la Commission a, en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, adopté la décision attaquée.

C. Décision attaquée

12 Dans la décision attaquée, la Commission a, dans un premier temps, apprécié les effets de la concentration, notamment en Allemagne. Dans un second temps, la Commission a vérifié si les engagements proposés par la partie ayant notifié l’opération étaient de nature à la rendre compatible avec le marché intérieur et l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).

1.   Appréciation des effets de la concentration sur la concurrence en Allemagne

13 En ce qui concerne l’Allemagne, la Commission a d’abord analysé les effets horizontaux de la concentration, à savoir les effets qui résultaient de la circonstance que les parties à ladite concentration étaient des concurrents existants ou potentiels sur le marché en cause. Ensuite, la Commission a examiné les effets verticaux de la concentration, à savoir les effets qui résultaient de la circonstance que les parties à ladite concentration opéraient à différents niveaux de la chaîne
d’approvisionnement. Enfin, la Commission a apprécié les effets congloméraux de la concentration, à savoir les effets qui résultaient de la circonstance que les parties à ladite concentration entretenaient une relation qui n’était ni horizontale ni verticale, mais étaient actives sur des marchés étroitement liés entre eux et, notamment, fournissaient des produits ou services complémentaires.

a)   Effets horizontaux

14 La Commission a notamment examiné les effets horizontaux non coordonnés sur les marchés suivants : le marché de la fourniture au détail de services d’accès fixe à Internet en Allemagne (ci-après le « marché de l’accès fixe à Internet »), le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision, le marché de la fourniture au détail d’offres multiservices (multiple play), le marché de la fourniture au détail de services de télévision, le marché de gros de la
fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision et le marché de gros de la transmission de signaux de télévision en Allemagne (ci-après le « marché de rachat de signaux de télévision »).

1) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de l’accès fixe à Internet

15 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de l’accès fixe à Internet, des opérateurs de télécommunications (offreurs) fournissent des abonnements permettant aux clients finals (demandeurs) d’accéder à Internet au moyen d’une connexion de télécommunication fixe. En l’espèce, la Commission a considéré que, pour les besoins de sa décision, le marché pertinent était le marché global de la fourniture au détail de l’accès fixe à Internet (incluant tous les types de services, les modes de
distribution ainsi que les vitesses et les bandes passantes) aux clients résidentiels et aux petites entreprises, à l’exclusion de la fourniture de services d’accès fixe à Internet au moyen d’infrastructures de réseau mobile. S’agissant de la dimension géographique du marché, la Commission a considéré que le marché était de dimension nationale.

16 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que la concentration entraverait de manière significative l’exercice d’une concurrence effective sur le marché de l’accès fixe à Internet, en raison notamment de l’élimination de l’importante pression concurrentielle que les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre avant l’opération, en particulier dans l’empreinte câblée de Unitymedia, et de la création d’un acteur avec une part de marché en termes d’abonnés de plus de 30 % (qui
serait supérieure à 40 % sur l’empreinte câblée de Unitymedia, voire supérieure encore dans certains Länder et quartiers).

2) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision

17 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision, les détenteurs d’infrastructures (offreurs) fournissaient des signaux de télévision à des clients (demandeurs), principalement au moyen du câble, du satellite, de la voie terrestre, selon la norme de radiodiffusion vidéo numérique – terrestre (Digital Video Broadcasting – Terrestrial, DVB-T), et de l’IPTV.

18 En ce qui concerne la délimitation du marché de produits, la Commission a observé que le marché allemand de la fourniture de services de transmission de signaux de télévision était caractérisé par l’importance de la location de logements et des sociétés de logements. Ces dernières négociaient et concluaient des contrats de fourniture de services de télévision de base pour le compte de leurs locataires, puis répercutaient les frais dans le cadre du loyer mensuel en application d’une spécificité du
droit allemand dénommée « Nebenkostenprivileg » (privilège en matière de charges). La Commission a expliqué que la majorité des foyers qui recevaient la télévision au détail en Allemagne étaient situés dans des immeubles à logements multiples (multi dwelling units, MDU). Ces MDU appartenaient à des sociétés de logements ou à des propriétaires privés (ci-après les « clients MDU »). En ce qui concernait les logements individuels ou unifamiliaux (single-dwelling units, SDU), les consommateurs finals
(ci-après les « clients SDU ») choisissaient généralement leur propre distributeur de télévision et payaient directement pour leur abonnement.

19 Pour les besoins de la décision attaquée, la Commission a, compte tenu des résultats de l’enquête de marché et des spécificités du marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision vers des clients habitant des immeubles à logements multiples en Allemagne (ci-après le « marché MDU »), estimé qu’il convenait de distinguer le marché MDU et le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision aux clients SDU (ci-après le
« marché SDU »). Par ailleurs, elle a considéré que la délimitation géographique des marchés MDU et SDU pouvait être laissée en suspens.

20 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération n’était susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective ni sur le marché MDU ni sur le marché SDU, en raison d’effets horizontaux non coordonnés.

3) Effets horizontaux non coordonnés sur les éventuels marchés de la fourniture au détail d’offres multiservices

21 La Commission a précisé que le terme « multiservice » se rapportait à des offres comprenant deux ou plusieurs des services fournis au détail par le même prestataire aux consommateurs sur le fondement de contrats uniques ou multiples, à savoir les services de télécommunications mobiles, les services de téléphonie fixe, les services d’accès fixe à Internet et les services de télévision. Des offres multiservices comprenant deux, trois ou quatre de ces services sont dénommées respectivement double,
triple ou quadruple services (double play ou « 2P » ; triple play ou « 3P » et quadruple play ou « 4P »). Des offres multiservices comprenant un ou plusieurs de ces services fixes en combinaison avec un composant mobile étaient désignées comme des offres « multiservices fixe-mobile » (fixed-mobile multiple play) ou « convergence fixe mobile » (CFM). La Commission a considéré que, aux fins de sa décision, la question de savoir s’il existait un ou plusieurs marchés multiservices distincts de chacun
des marchés des services de télécommunications sous-jacents pris individuellement pouvait être laissée en suspens.

22 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération entraverait de manière significative une concurrence effective sur le marché de la fourniture au détail d’offres groupées « double play » comprenant des services de téléphonie fixe et des services d’accès à Internet fixe en Allemagne en raison d’effets horizontaux non coordonnés. En revanche, la Commission a conclu que l’opération n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective, premièrement, sur un éventuel
marché de la fourniture au détail d’offres groupées « triple service » (triple play) incluant des services de téléphonie fixe, des services d’accès fixe à Internet et des services de télécommunications mobiles en Allemagne, deuxièmement, sur un éventuel marché de la fourniture au détail d’offres groupées « triple service » (triple play) incluant des services de téléphonie fixe, des services d’accès fixe à Internet et des services de télévision en Allemagne et, troisièmement, sur un éventuel
marché de la fourniture au détail d’offres groupées « quadruple service » (quadruple play) en Allemagne, en raison d’effets horizontaux non coordonnés. La Commission a souligné que cela ne préjugeait pas de l’appréciation des effets de conglomérat de la concentration en ce qui concernait la fourniture des différentes composantes des offres groupées.

4) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision

23 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision, les offreurs étaient les fournisseurs de services de télévision linéaires, à savoir des flux linéaires de programmes dont l’horaire de diffusion était fixé par la chaîne de télévision, et non linéaires, à savoir des flux de programmes fournis à la demande de l’utilisateur final. Ces offreurs servaient les clients finals désireux d’avoir recours à de tels services (demandeurs). Les services
de télévision fournis par les distributeurs de télévision aux utilisateurs finals consistaient en des bouquets de chaînes linéaires de télévision en clair ou de chaînes linéaires de télévision payantes ainsi qu’en des contenus agrégés dans des services non linéaires, tels que la vidéo à la demande (Video on demand, VOD). Le contenu télévisuel pouvait être fourni aux utilisateurs finals par un certain nombre de moyens techniques, dont le câble, le satellite, la télévision terrestre (DVB-T) et
l’IPTV. Les offreurs de services de télévision par contournement ou « hors offre du fournisseur d’accès fixe à Internet » (over the top, OTT) fournissaient des chaînes et des contenus de manière tant linéaire que non linéaire par l’intermédiaire d’Internet. En l’espèce, la Commission a considéré, pour les besoins de la décision attaquée, que le marché était de dimension nationale et que, d’un point de vue matériel, la délimitation exacte du marché pouvait rester en suspens.

24 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération n’était pas susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision en Allemagne, en raison d’effets horizontaux non coordonnés.

5) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision et sur le marché de rachat de signaux de télévision

25 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision, les télédiffuseurs (offreurs) fournissaient des chaînes linéaires (en clair ou payantes) que les fournisseurs au détail de services de télévision (demandeurs) acquéraient afin de fournir des services audiovisuels aux utilisateurs finals. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que ce marché était limité à l’Allemagne et qu’il devait être segmenté entre les
chaînes de télévision en clair et les chaînes de télévision payantes.

26 Sur le marché de rachat de signaux de télévision, les fournisseurs au détail de services de télévision (offreurs) utilisaient leur infrastructure pour offrir aux télédiffuseurs (demandeurs) un service de transmission de signaux de télévision pour leurs chaînes. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il convenait de délimiter le marché pertinent comme étant le marché de gros de la transmission de signaux de télévision par câble dont l’étendue géographique était l’empreinte de
chaque réseau câblé et a précisé qu’elle tiendrait compte d’un marché de produits qui englobait l’IPTV. Elle a ajouté qu’elle apprécierait les effets de l’opération au niveau national.

27 Dans la décision attaquée, la Commission a reconnu que le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision ainsi que le marché de rachat de signaux de télévision étaient étroitement liés, dans la mesure où les négociations entre les télédiffuseurs et les plateformes de télévision (fournisseurs au détail de services de télévision) couvraient habituellement les deux aspects (transmission de signaux et acquisition de chaînes). Dès lors, la Commission a indiqué qu’elle
analyserait les effets de la concentration sur ces deux marchés dans la même section de la décision attaquée.

28 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération n’entraverait pas de manière significative la concurrence effective sur le marché de gros de la fourniture de chaînes de télévision en Allemagne.

29 Sur le marché de rachat de signaux de télévision, la Commission a examiné si, en raison de l’augmentation de son pouvoir de marché en tant que fournisseur au détail de services de télévision, l’entité issue de la concentration pourrait, premièrement, obtenir de la part des télédiffuseurs des conditions qui auraient finalement un impact négatif sur l’accès aux contenus de télévision par les fournisseurs au détail de services de télévision concurrents, deuxièmement, influencer négativement
l’ampleur et la qualité du contenu de la programmation proposée en Allemagne, troisièmement, entraver l’apparition de services de télévision innovants et, quatrièmement, entraver l’émergence d’applications de publicité ciblée ou segmentée (adressable TV, ATV).

30 D’abord, la Commission a expliqué que, même si la transaction pouvait donner lieu à une augmentation du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration sur le marché de rachat de signaux de télévision, il n’était pas possible de conclure que, en conséquence de cette augmentation de pouvoir de marché, ladite entité serait susceptible d’obtenir des conditions des télédiffuseurs et des titulaires de droits de télévision, sous la forme de contrats d’exclusivité, qui auraient une incidence
négative sur l’accès des fournisseurs au détail de services de télévision concurrents aux chaînes ou aux contenus.

31 Ensuite, la Commission a considéré que, en raison du pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration, celle-ci aurait la capacité et l’incitation à mettre en place une stratégie sur le marché de rachat de signaux de télévision qui pourrait nuire aux consommateurs en aval en raison d’une moindre qualité de l’expérience du téléspectateur, d’un choix réduit et des investissements moindres dans les contenus par les télédiffuseurs. En particulier, en raison de l’accroissement du pouvoir
de marché de l’entité issue de la concentration, l’opération pourrait aboutir à une forme de verrouillage partiel des chaînes en clair ou payantes, notamment par l’aggravation des conditions contractuelles et financières imposées par cette entité aux télédiffuseurs et, par conséquent, à une dégradation qualitative de l’offre de télévision aux téléspectateurs finals en Allemagne.

32 Par ailleurs, la Commission a considéré que, en raison du pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration, cette dernière aurait la capacité et l’incitation à mettre en place une stratégie sur le marché de rachat de signaux de télévision visant à entraver l’émergence et le développement de services de télévision innovants tels que la transmission de signaux de télévision hybrides à haut débit (Hybrid Broadcast Broadband TV, HBBTV) et l’offre de services de télévision OTT. Or, une
telle entrave pourrait nuire aux consommateurs situés en aval en raison d’une moindre qualité de l’expérience du téléspectateur et d’un choix réduit.

33 Enfin, la Commission a estimé que l’opération n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective en ce qui concernait la possibilité pour l’entité issue de la concentration d’empêcher ou d’entraver l’émergence et le développement des applications ATV.

b)   Effets verticaux

34 S’agissant des effets verticaux de la concentration, la Commission a notamment examiné la probabilité d’une éviction des fournisseurs au détail de services de transmission de signaux de télévision aux clients MDU.

35 Sur le marché intermédiaire de la transmission de signaux de télévision (ci-après le « marché intermédiaire »), les opérateurs du réseau de niveau 3 (offreurs), à savoir le réseau qui court depuis la tête de réseau câblée jusqu’à la limite de propriété, fournissent des signaux de télévision aux opérateurs du réseau de niveau 4 (demandeurs), à savoir le réseau qui parcourt la propriété immobilière. En l’espèce, la Commission a considéré, pour les besoins de sa décision, que le câble et la fibre
jusqu’au foyer (fibre to the home, FTTH) ou jusqu’à l’immeuble (fibre to the building, FTTB) faisaient partie du même marché pertinent et que, d’un point de vue géographique, le marché était régional, à savoir limité à l’empreinte câblée de l’opérateur de niveau 3.

36 Au terme de son analyse, la Commission a conclu que l’opération n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective sur le marché MDU délimité au niveau national, ainsi que sur le marché potentiel régional correspondant à l’empreinte câblée de Unitymedia, en raison d’effets verticaux non coordonnés.

c)   Effets congloméraux

37 Dans la mesure où, comme elle l’avait précédemment expliqué, il n’était pas possible de conclure à l’existence d’un seul marché des offres multiservices en Allemagne, la Commission a également examiné si la concentration engendrerait des effets de conglomérat en verrouillant des concurrents sur le marché de détail des services de télécommunications mobiles, sur le marché de détail des services de téléphonie fixe, sur le marché de l’accès fixe à Internet et sur le marché de détail des services de
télévision.

38 Au terme de son analyse, la Commission a conclu que la concentration n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective en raison d’effets congloméraux en Allemagne.

d)   Conclusion sur les effets de la concentration en Allemagne

39 Dans la décision attaquée, la Commission a dès lors constaté une entrave significative à une concurrence effective (ci-après « ESCE ») sur le marché de l’accès fixe à Internet et sur le marché de rachat de signaux de télévision.

2.   Engagements rendus obligatoires dans la décision attaquée

40 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les engagements souscrits par Vodafone étaient de nature à rendre l’opération compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE. Elle en a déduit que l’opération, telle que modifiée à la suite des engagements offerts par Vodafone, n’entraverait pas de manière significative la concurrence effective sur les marchés sur lesquels des problèmes de concurrence avaient été identifiés.

41 Les engagements souscrits par Vodafone étaient les suivants :

– l’engagement préalable de permettre à un nouveau câblo-opérateur, à savoir Telefónica, d’accéder au réseau câblé de l’entité issue de la concentration afin de lui permettre de proposer des services d’accès fixe à Internet au détail (et, s’il le souhaitait, des services de téléphonie vocale fixe) et ses propres services de télévision OTT ou ceux de tierces parties (l’engagement « Wholesale Cable Broadband Access ») ;

– un engagement relatif à la télévision OTT (ci-après l’« engagement OTT »), qui comportait deux aspects, à savoir, premièrement, l’engagement de ne pas limiter sur le plan contractuel, directement ou indirectement, la possibilité pour les télédiffuseurs, dont les contenus étaient diffusés sur la plateforme de télévision de l’entité issue de la concentration, de distribuer ces contenus par l’intermédiaire d’un service OTT et, deuxièmement, l’engagement de maintenir une capacité d’interconnexion
directe suffisante entre son réseau Internet couvrant l’Allemagne et des fournisseurs tiers de services (de transit) d’interconnectivité Internet ;

– l’engagement de ne pas augmenter les redevances de rachat versées par les télédiffuseurs en clair (ci-après l’« engagement relatif aux redevances de rachat ») ;

– l’engagement de continuer de diffuser le signal HBBTV des télédiffuseurs en clair (ci-après l’« engagement HBBTV »).

42 C’est ainsi que l’article 1er de la décision attaquée a énoncé que l’opération était compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 et de l’article 57 de l’accord EEE. Par ailleurs, les articles 2 et 3 de cette même décision ont prévu respectivement des conditions et des obligations afin de garantir que Vodafone se conformât aux engagements que cette dernière avait souscrits à l’égard de la Commission.

II. Procédure et conclusions des parties

43 Par ordonnance du 30 juin 2022, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire certains documents.

44 Par ordonnance du 30 mars 2023, prise sur le fondement de l’article 103, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire, d’une part, une nouvelle version non confidentielle de la décision attaquée et de certaines de ses annexes, à communiquer à la requérante, contenant plusieurs passages jusqu’alors occultés et, d’autre part, une nouvelle version confidentielle de la décision attaquée et de l’une de ses annexes, à communiquer aux seuls représentants
de la requérante ayant préalablement signé un engagement de confidentialité, contenant d’autres passages jusqu’alors occultés.

45 Par acte du 16 mai 2023, le Tribunal a posé à la requérante, à la Commission et à l’intervenante plusieurs questions écrites pour réponses écrites et pour réponses lors de l’audience.

46 Par acte déposé au greffe le 2 juin 2023, la requérante a fait part de ses observations sur les documents produits par la Commission conformément à l’ordonnance du 30 mars 2023.

47 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 septembre 2023.

48 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

49 La Commission et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

50 À l’appui de son recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004 et d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne le marché MDU, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne le rapport de concurrence entre les parties à la concentration sur le marché SDU, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant les effets verticaux sur les services intermédiaires de
transmission de signaux de télévision, le quatrième, d’erreurs manifestes d’appréciation concernant les effets de la concentration sur les marchés de gros de l’acquisition de chaînes de télévision et de la transmission de signaux de télévision et, le cinquième, d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a jugé que les engagements en matière de télévision OTT et de redevances de rachat suffisaient à rendre la concentration compatible avec le marché intérieur.

A. Principes jurisprudentiels applicables

1.   Sur l’intensité du contrôle juridictionnel

51 Il est de jurisprudence constante que les règles de fond du règlement no 139/2004 et, en particulier, l’article 2 de celui-ci confèrent à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique, et que, en conséquence, le contrôle par le juge de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentrations, doit être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous-tendent les normes de
caractère économique faisant partie du régime des concentrations (arrêts du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C‑202/06 P, EU:C:2007:814, point 53, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 85).

52 Le contrôle exercé par le juge de l’Union sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère le règlement no 139/2004 doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P,
EU:C:2023:561, point 84, et du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T‑282/06, EU:T:2007:203, point 60).

53 En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêts du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 51, et du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, point 107).

54 Cela étant, s’il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de la Commission aux fins de l’application des règles de fond du règlement no 139/2004, cela n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également
contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 145, et du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, point 60).

2.   Sur les règles de preuve

55 Une analyse prospective, telle que celles qui sont nécessaires en matière de contrôle des concentrations, nécessite d’être effectuée avec une grande attention, dès lors qu’il ne s’agit pas d’examiner des événements du passé, au sujet desquels l’on dispose souvent de nombreux éléments permettant d’en comprendre les causes, ni même des événements présents, mais bien de prévoir les événements qui se produiront dans l’avenir, selon une probabilité plus ou moins forte, si aucune décision interdisant
ou précisant les conditions de la concentration envisagée n’est adoptée (arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 42).

56 Par ailleurs, la nature prospective de l’analyse économique que doit effectuer la Commission s’oppose à ce que celle-ci, afin de démontrer qu’une concentration entraverait ou, au contraire, n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective, soit tenue de respecter un niveau de preuve particulièrement élevé. Dans ces conditions, compte tenu, notamment, de la structure symétrique de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004 et du caractère prospectif des analyses
économiques de la Commission en matière de contrôle des concentrations, il y a lieu de considérer que, afin de déclarer qu’une opération de concentration est incompatible ou compatible avec le marché intérieur, il suffit que la Commission démontre, au moyen d’éléments suffisamment significatifs et concordants, qu’il est plus probable qu’improbable que la concentration concernée entraverait ou non de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie
substantielle de celui-ci (arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, points 86 et 87).

57 En ce qui concerne les exigences de preuve, il ressort des points 50 à 53 de l’arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392), que la Commission est, en principe, tenue de prendre position soit dans le sens de l’autorisation de l’opération de concentration dont elle est saisie, soit dans celui de l’interdiction de celle-ci, selon son appréciation de l’évolution économique attribuable à l’opération en cause dont la probabilité est la plus
forte. Il s’agit donc d’une appréciation de probabilités et non d’une obligation pesant sur la Commission de démontrer sans doutes raisonnables qu’une concentration ne soulève pas de problèmes de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T‑79/12, EU:T:2013:635, point 47).

58 Dans ce contexte, il appartient à la Commission d’évaluer globalement le résultat du faisceau d’indices utilisé pour évaluer la situation de concurrence. Il se peut, à cet égard, que certains éléments soient privilégiés et que d’autres soient écartés. Cet examen et la motivation qu’il comporte font l’objet du contrôle de légalité exercé par le Tribunal sur les décisions de la Commission en matière de concentrations (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07,
EU:T:2010:280, point 136).

59 Finalement, il y a lieu de relever qu’aucun principe de droit de l’Union ne s’oppose à ce que la Commission se fonde sur un seul élément de preuve documentaire, pourvu que la valeur probante de celui-ci ne fasse pas de doute [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T‑380/17, EU:T:2020:471, point 460 (non publié)].

60 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens soulevés au soutien du recours mentionnés au point 50 ci-dessus.

B. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004 et d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne le marché MDU

61 À l’appui de son premier moyen, la requérante soutient que l’analyse effectuée par la Commission dans la décision attaquée concernant les effets horizontaux non coordonnés de la concentration sur le marché MDU est entachée d’une erreur de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation.

1.   Considérations liminaires

62 À la section VIII.C.2.4 de la décision attaquée, la Commission a examiné les effets horizontaux non coordonnés de l’opération sur le marché MDU. Comme il a été indiqué au point 19 ci-dessus, la Commission a considéré que la délimitation géographique de ce marché pouvait être laissée en suspens.

63 Après avoir, aux considérants 683 à 701 de la décision attaquée, exposé certaines spécificités du marché MDU, la Commission a examiné, aux considérants 702 à 712 de la même décision, les parts de marché des parties à la concentration tant au niveau national qu’au niveau de leurs empreintes câblées respectives, ainsi que les niveaux de concentration du marché MDU, avant de conclure, aux considérants 718 à 720 de ladite décision, que, bien que ce marché fût très concentré et que chacune des parties
détienne une très forte position dans son empreinte câblée respective, l’opération ne donnerait lieu à aucun changement spécifique (merger-specific change), puisque les parties n’étaient pas concurrentes sur ce marché, eu égard à l’absence de recoupement significatif entre leurs activités.

64 La Commission a ensuite examiné, aux considérants 721 à 764 de la décision attaquée, les contraintes concurrentielles exercées par les parties. Dans le cadre de cette analyse, la Commission a considéré que ni Vodafone (voir considérants 723 à 746) ni Unitymedia (voir considérants 747 à 764) n’exerçaient une contrainte concurrentielle dans l’empreinte câblée de l’autre partie, que rien n’indiquait que tel aurait été le cas en l’absence de l’opération et qu’elles n’étaient, dès lors, pas des
concurrents potentiels.

65 Aux considérants 765 à 785 de la décision attaquée, la Commission a analysé les contraintes concurrentielles exercées par les parties l’une sur l’autre et a conclu que ces dernières n’étaient ni des concurrents réels directs (voir considérants 766 à 772) ni des concurrents réels indirects (voir considérants 773 à 785).

66 Finalement, aux considérants 786 à 831 de la décision attaquée, la Commission a examiné et comparé les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents, et plus particulièrement par Tele Columbus, par la requérante ainsi que par d’autres acteurs de plus petite taille préalablement à l’opération (voir considérants 787 à 820) et à l’issue de celle-ci (voir considérants 821 à 831), avant de conclure qu’il était probable que ces contraintes demeurent inchangées.

67 Eu égard à l’absence de changement propre à la concentration et au fait que celle-ci n’éliminerait aucune concurrence directe, indirecte ou potentielle entre les parties et n’affaiblirait pas les contraintes concurrentielles exercées par leurs concurrents, la Commission a conclu que cette opération ne donnerait lieu à aucun effet horizontal anticoncurrentiel non coordonné et, partant, à aucune ESCE sur ce marché (voir considérants 832 à 835 de la décision attaquée).

68 En l’espèce, l’argumentation de la requérante au soutien du présent moyen, visant cet examen effectué par la Commission dans la décision attaquée concernant les effets horizontaux non coordonnés de la concentration sur le marché MDU, peut être divisée en deux branches, tirées, la première, d’une erreur de droit et de la violation de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, au motif que la Commission n’a pas considéré que l’opération conduirait à la création ou au renforcement
d’une position dominante et, la seconde, d’erreurs manifestes d’appréciation.

69 À cet égard, le Tribunal estime opportun de commencer par l’examen de la seconde branche du premier moyen.

2.   Sur la seconde branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation

70 La requérante soutient, en substance, que, dans la décision attaquée, la Commission aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne, premièrement, le rapport de concurrence entre les parties à la concentration et, deuxièmement, les effets concurrentiels de l’opération sur le marché MDU.

a)   Sur les erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne le rapport de concurrence entre les parties à la concentration

71 La requérante fait valoir que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lorsqu’elle a estimé, dans la décision attaquée, que les parties à la concentration n’étaient, préalablement à cette opération, ni des concurrents réels (directement ou indirectement) ni des concurrents potentiels. Par ailleurs, la requérante invoque un examen insuffisant par la Commission de l’existence d’une collusion tacite entre les parties antérieurement à la concentration.

1) Sur la concurrence directe

72 La requérante fait valoir que les parties à la concentration étaient des concurrents directs avant l’opération.

73 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents directs, après avoir constaté que celles-ci étaient quasiment exclusivement actives dans leurs empreintes câblées respectives, ne se chevauchant pas, avec pour conséquence que les clients sur le marché MDU ne pouvaient passer (switch) d’une partie à la concentration à l’autre (voir considérant 766).

74 Quant aux quelques contrats conclus par les parties à la concentration en dehors de leurs empreintes câblées, la Commission a indiqué que les parties avaient expliqué qu’ils n’étaient pas le résultat d’une concurrence active de leur part, mais qu’ils avaient été exceptionnellement conclus, soit qu’il s’agissait de contrats spécifiques hérités du passé, soit qu’il s’agissait de contrats avec des sociétés de logements actives au niveau national, déjà clientes de l’une des parties et désireuses de
collaborer avec celle-ci pour l’ensemble de leurs propriétés (voir considérant 768 de la décision attaquée).

75 La Commission a ajouté que cette absence de concurrence directe entre les parties avait été confirmée par les réponses apportées par les concurrents et les sociétés de logements dans le cadre de l’enquête de marché, de même que par les données des parties relatives à leur participation aux appels d’offres sur le marché MDU (voir considérants 769 à 771 de la décision attaquée).

76 En l’espèce, en premier lieu, la requérante fait valoir que si le marché MDU devait être considéré comme étant de dimension nationale avant l’opération, les deux parties étaient nécessairement des concurrents réels. Que les parties se fassent « activement concurrence » sur ce marché ou qu’elles limitent leurs activités à certains segments (géographiques) du marché, à savoir leurs empreintes câblées respectives, serait sans importance à cet égard. En effet, ni le règlement no 139/2004 ni la
jurisprudence des juridictions de l’Union n’exigeraient l’élimination d’une concurrence « active » entre deux entreprises pour établir qu’il y a une ESCE.

77 En second lieu, la requérante soutient que, même si les marchés géographiques en cause étaient limités aux empreintes câblées des parties à la concentration, la décision attaquée contient des indications selon lesquelles il existait, à tout le moins, une certaine interaction concurrentielle directe entre elles avant l’opération. En effet, il ressortirait clairement des tableaux nos 16 (voir considérant 710) et 17 (voir considérant 714) de la décision attaquée que des chevauchements limités, mais
loin d’être insignifiants, entre les activités des parties à la concentration auraient existé, à tout le moins, sur l’empreinte câblée de Unitymedia. Par ailleurs, les considérants 767 et suivants de la décision attaquée mentionneraient des cas spécifiques de « contrats hérités du passé » ou de « contrats fractionnés » conclus par les parties à la concentration en dehors de leur empreinte câblée.

78 Il en découle que la conclusion de la Commission selon laquelle les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents directs avant l’opération est, selon la requérante, manifestement erronée.

79 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

80 À cet égard, il convient de préciser qu’une concurrence directe entre des entreprises existe lorsqu’elles se disputent les mêmes clients.

81 En l’espèce, il n’est pas contesté que les réseaux câblés des parties à la concentration ne se chevauchent pas et que, dans les faits, lorsqu’un client MDU souhaite conclure un contrat avec un fournisseur de signaux de télévision, il n’a, en principe, que la possibilité de choisir entre la partie à la concentration dans l’empreinte câblée de laquelle se situe l’immeuble à raccorder et l’un de ses concurrents, tels que la requérante. Que le marché MDU ait été, préalablement à l’opération,
d’ampleur nationale ou qu’il ait été limité aux empreintes câblées des parties à la concentration n’y change rien, puisque, dans les deux cas, ce constat s’applique.

82 Il en découle que les produits commercialisés par les parties à la concentration n’étaient, en pratique, pas en concurrence et, partant, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu que ces parties n’étaient pas des concurrents directs préalablement à la concentration.

83 Les arguments avancés par la requérante ne permettent pas de démontrer le contraire.

84 En premier lieu, il convient de relever que, en réponse à une question posée pour réponse écrite le 16 mai 2023 par le Tribunal, la Commission a confirmé qu’il existait des indices sérieux indiquant que le marché MDU était, préalablement à l’opération, limité d’un point de vue géographique à l’empreinte câblée de chacune des parties, mais que, en raison de l’existence de fournisseurs et de clients actifs à l’échelle nationale et du fait que les éventuelles différences de prix au sein du pays
n’étaient pas liées à ces empreintes, elle n’avait pu exclure complètement la possibilité d’un marché MDU d’ampleur nationale.

85 Ainsi, la circonstance que la Commission ait envisagé que le marché puisse être de dimension nationale ne signifie pas qu’elle ait considéré que, sur un tel marché hypothétique, les parties à la concentration se livraient une concurrence directe. C’est seulement dans un second temps, dans le cadre de son examen des effets de l’opération sur le marché MDU, que la Commission a apprécié si, sur un éventuel marché national, l’opération aboutirait, compte tenu de l’activité des parties, à une perte de
concurrence directe entre elles. La circonstance que, dans la décision attaquée, la Commission ait envisagé que le marché MDU pouvait déjà être de dimension nationale avant l’opération ne permet donc pas d’en déduire que les parties à la concentration étaient nécessairement des concurrents réels sur un tel marché, comme le fait valoir la requérante. Enfin, il n’est pas exclu que deux entreprises opèrent avec d’autres entreprises sur un même marché géographique, sans que ces deux entreprises
sollicitent pour autant les mêmes clients, notamment en raison des limites géographiques de leurs réseaux câblés.

86 Il y a lieu d’ajouter que le constat effectué par la Commission au considérant 768 de la décision attaquée, selon lequel les parties ne se faisaient pas une « concurrence active », avait pour seul objectif d’expliquer que c’était uniquement en réponse à des demandes non sollicitées émanant de clients MDU que les parties avaient conclu, à de très rares occasions, des contrats portant sur la fourniture de signaux de télévision sur l’empreinte câblée de l’autre partie. Pour répondre à de telles
demandes, les parties devaient alors acquérir des services intermédiaires de transmission de signaux de télévision auprès d’un autre opérateur. La Commission n’a, ce faisant, nullement considéré que l’élimination d’une concurrence « active » était nécessaire pour établir l’existence d’une ESCE.

87 En second lieu, s’il n’existait aucun chevauchement entre les réseaux câblés des parties à la concentration, ce que la requérante ne remet pas en doute, il est vrai que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté qu’il existait néanmoins certains chevauchements entre leurs activités, ces opérateurs achetant, dans ce cas, des services intermédiaires de transmission de signaux de télévision auprès de l’autre partie ou d’un autre opérateur de réseau de niveau 3 pour pouvoir atteindre les
clients MDU concernés.

88 Or, il convient de relever que si elle conteste leur caractère négligeable, la requérante ne remet pas en question les chiffres, en tant que tels, divulgués par la Commission au cours de la procédure devant le Tribunal relatifs aux contrats conclus par les parties à la concentration en dehors de leurs empreintes câblées et au nombre de clients concernés. À cet égard, il y a lieu de relever que ces chiffres montrent que ces contrats représentaient un nombre très limité de clients MDU en termes de
foyers raccordés et une part de marché, puisqu’inférieure à 1 %, si négligeable qu’elle ne pourrait représenter une concurrence résiduelle devant être protégée.

89 De tels contrats en dehors de leurs empreintes câblées n’étaient, en outre, conclus qu’exceptionnellement par les parties à la concentration, ce que la requérante a elle-même confirmé lors de l’enquête de marché, ainsi que cela ressort du considérant 770 de la décision attaquée.

90 Par conséquent, la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents directs avant la concentration.

2) Sur la concurrence indirecte

91 La requérante fait valoir que les parties à la concentration étaient des concurrents indirects avant l’opération.

92 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a vérifié si une contrainte concurrentielle indirecte existait entre les parties à la concentration préalablement à celle-ci. Dans ce cadre, la Commission a précisé que pour faire naître une ESCE, toute pression concurrentielle indirecte existante qui serait éliminée à la suite de l’opération devrait être particulièrement forte (voir considérant 776). À l’issue de cette analyse, la Commission a conclu que les
parties à la concentration n’étaient pas des concurrents indirects en se fondant sur une série d’éléments.

93 Premièrement, la Commission a tenu compte du fait que les quelques personnes ayant répondu à l’enquête de marché qui avaient fait valoir qu’il existait une concurrence indirecte entre les parties à la concentration reconnaissaient elles-mêmes que le prix sur le marché MDU dépendait de facteurs locaux et n’était pas comparable entre les différentes régions concernées (voir considérant 774 de la décision attaquée).

94 Deuxièmement, la Commission a indiqué que trois mécanismes de transmission possibles avaient été identifiés lors de l’enquête de marché, qui auraient pu donner lieu à une concurrence indirecte entre les parties, le premier provenant des concurrents actifs au niveau national, tels que la requérante, le deuxième découlant des clients actifs au niveau national et le troisième provenant d’intermédiaires spécialisés, tels que des cabinets d’avocats ou des entreprises de conseil (voir considérant 775
de la décision attaquée). La Commission a ensuite expliqué qu’elle n’avait découvert aucun élément de preuve démontrant que ces mécanismes de transmission avaient pu engendrer une concurrence indirecte entre les parties ou prouvant qu’une telle concurrence indirecte avait existé (voir considérant 777 de la décision attaquée).

95 Ainsi, la majorité des sociétés de logements ayant participé à l’enquête de marché ont répondu qu’elles n’utilisaient jamais (pour ce qui est des sociétés locales, qui auraient pu influer sur le troisième mécanisme de transmission) ou rarement (pour ce qui est des sociétés d’ampleur nationale, qui auraient pu influer sur le deuxième mécanisme de transmission) des analyses comparatives (benchmarking) indirectes. Quant aux opérateurs concurrents, seules la requérante et Tele Columbus ont indiqué
avoir souvent recours à de telles analyses comparatives (voir considérants 778 à 780 de la décision attaquée). Toutefois, aucun de ces deux concurrents n’a pu fournir à la Commission d’exemples concrets démontrant l’existence d’une relation de concurrence indirecte entre les parties, tels que la preuve d’un alignement des conditions sur le marché MDU dans l’ensemble de l’Allemagne (voir considérant 781 de la décision attaquée).

96 Troisièmement, la Commission a examiné les documents internes des parties à la concentration et n’a trouvé aucune preuve que Vodafone ou Unitymedia aurait tenu compte des conditions de l’autre partie dans le cadre de ses négociations sur le marché MDU (voir considérant 782 de la décision attaquée). La Commission a également tenu compte d’éléments de preuve fournis par les parties à la concentration, démontrant l’absence d’alignement, au niveau national, des conditions applicables aux contrats
conclus sur le marché MDU (voir considérant 783 de la décision attaquée).

97 Finalement, la Commission a tenu compte du fait que ce type d’analyses comparatives interrégionales ne pouvait en tout cas constituer un moyen de levier effectif, vu l’absence de concurrence réelle entre les parties et, partant, l’impossibilité pour les sociétés de logements de passer d’une partie à la concentration à l’autre (voir considérant 784 de la décision attaquée).

98 En l’espèce, en premier lieu, la requérante soutient que la Commission a fait une application erronée de l’article 2 du règlement no 139/2004 lorsqu’elle a considéré, au considérant 776 de la décision attaquée, que, pour faire naître une ESCE, toute pression concurrentielle indirecte existante qui aurait été éliminée à la suite de l’opération aurait dû être particulièrement forte. Selon la requérante, la concurrence indirecte constitue une forme pertinente de concurrence réelle, protégée par le
règlement no 139/2004, et ce sans qu’importe le degré d’une telle concurrence. Étant donné que les deux parties à la concentration auraient occupé une position dominante dans leurs empreintes câblées respectives avant l’opération, même une augmentation limitée du pouvoir de marché consistant en l’élimination d’une pression concurrentielle (directe ou indirecte) aurait entraîné une ESCE, ainsi que l’aurait admis la Commission elle‑même s’agissant de la position des parties à la concentration sur
les marchés télévisuels de gros.

99 En second lieu, la requérante indique que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté des éléments importants de concurrence indirecte, à savoir le fait que les parties à la concentration surveillaient leurs activités respectives et comparaient leurs offres de produits, que les grandes sociétés de logements comparaient les offres des parties à la concentration et qu’il existait une concurrence en matière d’infrastructure entre les parties à la concentration. Selon la requérante, ce qui
importe pour prouver l’existence d’une pression concurrentielle indirecte c’est que les parties à l’opération tiennent compte des conditions offertes par l’autre partie lorsqu’elles déterminent leur propre stratégie commerciale.

100 Il en découle, selon la requérante, que la conclusion de la Commission selon laquelle l’opération ne donne pas lieu à une diminution de la concurrence indirecte entre les parties est manifestement erronée.

101 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

102 À titre liminaire, il y a lieu de préciser que des entreprises qui ne se livrent pas une concurrence directe peuvent néanmoins se trouver dans un rapport de concurrence indirecte, notamment lorsqu’elles subissent des pressions concurrentielles similaires de la part d’autres entreprises que chacune d’entre elles concurrence directement ou lorsque d’autres facteurs, tels que les exigences imposées par les clients, limitent de façon comparable leurs possibilités de fixer leurs prix et conditions
commerciales.

103 En premier lieu, s’agissant du fait que les parties à la concentration surveillaient leurs activités respectives et comparaient leurs offres de produits, il convient de relever que la requérante reconnaît elle-même que les considérants 460 et suivants ainsi que les considérants 892 et suivants de la décision attaquée auxquels elle se réfère concernent le marché de l’accès fixe à Internet et le marché SDU, mais pas le marché MDU.

104 Par ailleurs, la Commission a expliqué que ces cas d’analyses comparatives n’avaient pas été au-delà de « simples analyses comparatives commerciales visant à surveiller et éventuellement à imiter les meilleures pratiques dans le secteur ». Or, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, cette forme de comparaison, qui consiste en une analyse des performances du marché ou des meilleures pratiques dans le secteur, y compris dans d’autres États membres ou dans des États tiers, ne saurait
être qualifiée de pressions concurrentielles indirectes au sens du point 102 ci-dessus.

105 En effet, la Commission a précisé, en réponse à une question pour réponse écrite posée par le Tribunal, que, pour qu’une analyse comparative directe pût donner lieu à une pression concurrentielle indirecte, il devait selon elle exister des éléments montrant que les informations recueillies par ce biais par une partie concernant l’autre partie étaient effectivement prises en compte par la première dans le cadre de l’adoption de ses décisions commerciales et que ces informations exerçaient, dès
lors, une pression sur cette partie en déclenchant une réaction concurrentielle de sa part. Or, en l’espèce, la Commission n’a trouvé aucun élément indiquant que tel avait été le cas, sur le marché MDU, en ce qui concerne les analyses comparatives auxquelles se réfère la requérante, et force est de constater que cette dernière ne démontre pas le contraire, ou que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en raisonnant de la sorte.

106 Il en découle qu’il n’existait aucune pression concurrentielle indirecte, dont l’élimination aurait pu donner lieu à une augmentation, même limitée, du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration, ce qui différencie le marché MDU des marchés télévisuels de gros, où la Commission a constaté l’existence d’une ESCE, résultant du pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration (voir points 31 et 32 ci-dessus).

107 Finalement, il ressort de la décision attaquée (voir notamment considérant 697), et la requérante ne le conteste pas, que de nombreux contrats avec des clients MDU étaient le résultat de négociations, de mises en concurrence ou de procédures formelles d’appel d’offres. Les contrats qui résultaient de ces négociations ou de ces procédures comportaient de nombreuses exigences en ce qui concernait notamment l’infrastructure, les services fournis et la maintenance. Par ailleurs, la Commission a
relevé que, à l’issue de l’enquête de marché, il y avait un accord sur le fait que les prix ne variaient pas en fonction de la région géographique en tant que telle, mais plutôt en fonction du degré de concurrence, des coûts d’infrastructure (par exemple, des coûts d’ingénierie civile) et du regroupement des immeubles à desservir. En outre, comme l’ont admis les tiers, la « fixation des prix des contrats relatifs aux MDU [était] spécifique aux facteurs locaux et ne [pouv]ait être comparée d’une
zone à l’autre ». Les contrats conclus avec les clients MDU n’étaient donc pas des contrats types qui auraient pu aisément faire l’objet d’une analyse comparative sur le fondement d’une simple observation des pratiques du secteur.

108 En deuxième lieu, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, seule Vonovia, parmi les six sociétés de logements nationales et les 230000 autres sociétés de logements dont certaines étaient actives dans plusieurs Länder, a répondu avoir souvent recours à des analyses comparatives, mais que celle-ci n’avait pas été en mesure de fournir d’exemples pertinents révélant une concurrence indirecte entre les parties à la concentration, ainsi que cela ressort du
considérant 779 et du considérant 781, sous c), de la décision attaquée.

109 Dans la duplique, la Commission a précisé à cet égard qu’elle avait demandé des informations complémentaires à Vonovia et à GdW (cette dernière étant une organisation faîtière et de confédération qui représentait environ 3000 sociétés de logements qui, au total, géraient environ six millions de logements en Allemagne) à la suite de leurs réponses aux questionnaires de l’enquête de marché, mais qu’elles n’avaient pas été en mesure de fournir des preuves de l’analyse comparative indirecte qui
était prétendument pratiquée par certaines associations de logements.

110 Enfin, les observations déposées par GdW au cours de la procédure administrative, produites par la requérante devant le Tribunal, ne permettent pas de remettre en cause une telle appréciation, dans la mesure où elles ne contiennent pas davantage d’exemples concrets d’analyses comparatives ou, plus généralement, d’une concurrence indirecte entre les parties.

111 Dès lors, les arguments avancés par la requérante ne remettent pas en cause le constat de la Commission selon lequel les sociétés de logements nationales ou locales n’avaient pas, en l’espèce, participé à la création d’une contrainte concurrentielle indirecte entre les parties à la concentration.

112 En troisième lieu, en ce qui concerne la concurrence en matière d’infrastructure entre les parties à la concentration, il y a lieu de relever qu’il ressort du considérant 441 et du considérant 453, sous b), de la décision attaquée que la Commission a constaté que les activités d’investissement et d’innovation dans le réseau mises en œuvre par chaque partie à la concentration n’avaient eu aucune incidence concurrentielle directe sur la stratégie d’innovation et d’investissement dans le réseau de
l’autre partie et que la surveillance par chaque partie des activités menées par l’autre partie dans ce cadre n’avait pas été au-delà de « simples analyses comparatives commerciales visant à surveiller et éventuellement à imiter les meilleures pratiques dans le secteur », ce que la requérante ne contredit pas.

113 Or, comme indiqué aux points 104 et 105 ci-dessus, cette forme de comparaison, qui consiste en une analyse des performances du marché ou des meilleures pratiques dans le secteur, y compris dans d’autres États membres ou dans des États tiers, n’est qu’une forme de comparaison librement choisie, mais ne correspond pas à la forme de pressions concurrentielles indirectes visées au point 102 ci-dessus.

114 En quatrième lieu, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a expliqué, d’une part, que l’examen des documents internes des parties à la concentration n’avait fourni aucun élément suggérant que lesdites parties prenaient en compte leurs termes et conditions respectives lors de leurs négociations portant sur les contrats MDU et, d’autre part, que les parties à la concentration avaient présenté des éléments convaincants pour contester l’alignement des contrats MDU sur
l’ensemble du territoire allemand. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, ces constatations étaient pertinentes pour apprécier si chaque partie à la concentration tenait compte des conditions offertes par l’autre partie lorsqu’elle déterminait sa stratégie commerciale, et donc pour apprécier s’il existait une concurrence indirecte entre elles préalablement à la concentration sur le marché MDU.

115 Il découle de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a, de manière manifestement erronée, conclu dans la décision attaquée que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents indirects.

116 Dans la mesure où la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en concluant à l’absence de concurrence indirecte entre les parties à la concentration, il n’est plus nécessaire d’examiner le bien-fondé de l’argumentation portant sur la question de savoir si l’élimination de ce type de concurrence doit être « particulièrement forte » pour faire naître une ESCE au sens de l’article 2 du règlement no 139/2004.

3) Sur la concurrence potentielle

117 La requérante fait valoir que, à supposer que les parties à la concentration ne puissent être considérées comme des concurrents réels, elles auraient à tout le moins été des concurrents potentiels avant l’opération.

118 À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a, tout d’abord, examiné si Vodafone était un concurrent potentiel de Unitymedia. Dans ce cadre, la Commission a rappelé que Vodafone était principalement active dans sa propre empreinte câblée et a relevé que cet opérateur avait indiqué n’avoir aucun projet d’expansion de son réseau câblé, notamment dans l’empreinte de Unitymedia, en raison du manque de rentabilité de l’investissement sous-jacent (voir
considérant 726).

119 Étant donné que quasiment tous les opérateurs concurrents ont répondu, dans le cadre de l’enquête de marché, qu’ils s’attendaient à ce que Vodafone étendît son réseau câblé dans l’empreinte de Unitymedia, la Commission a ensuite mené des investigations concernant l’évolution probable de la pression concurrentielle exercée par Vodafone si l’opération n’avait pas lieu. À cet égard, la Commission a indiqué que la capacité théorique que Vodafone s’étendît dans l’empreinte câblée de Unitymedia
n’était pas suffisante, considérant que pour démontrer qu’il existait une concurrence potentielle entre les parties à la concentration dont l’élimination aurait donné lieu à une ESCE, il fallait que celle-ci se produisît avec une probabilité suffisante (voir considérant 730 de la décision attaquée).

120 Aux considérants 731 à 746 de la décision attaquée, la Commission a expliqué qu’elle n’avait pas découvert un ensemble cohérent de preuves suggérant qu’une extension de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia aurait été probable ou raisonnablement prévisible en l’absence de l’opération, mais qu’elle avait plutôt identifié une série d’éléments démontrant le contraire.

121 En effet, la Commission a relevé que, premièrement, Vodafone n’avait jamais dupliqué le réseau câblé de Unitymedia par le passé et a constaté que cet opérateur n’avait que très peu développé son réseau câblé, même dans sa propre empreinte et aux environs de celle-ci, alors qu’un tel développement était plus rentable qu’une duplication de réseau câblé. Deuxièmement, l’analyse des documents internes de Vodafone effectuée par la Commission a confirmé que cet opérateur ne prévoyait pas de projets de
duplication du réseau câblé de Unitymedia, étant donné que semblables projets n’auraient pas satisfait à ses critères d’investissement. La Commission a tenu compte de projections effectuées par Vodafone, prenant en considération les infrastructures dont disposait déjà cet opérateur, lesquelles avaient confirmé cette absence de rentabilité. Troisièmement, la Commission a indiqué qu’elle n’avait trouvé aucun élément qui aurait montré que la duplication du réseau câblé d’un autre opérateur serait
devenue plus rentable à l’avenir.

122 Par ailleurs, la Commission a estimé que les travaux de duplication entrepris par d’autres opérateurs tels que Tele Columbus, des opérateurs locaux ou encore la requérante répondaient à des considérations commerciales spécifiques et différentes de celles visant à développer un réseau parallèle à celui d’un opérateur concurrent. S’agissant de Tele Columbus, la Commission a observé que cet opérateur n’avait consenti aucun investissement significatif pour l’expansion de son réseau de niveau 3 (voir
considérant 744 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a précisé qu’elle ne disposait d’aucun indice selon lequel il aurait été probable que Vodafone eût l’intention de pénétrer dans l’empreinte de Unitymedia par des moyens techniques ou commerciaux qui auraient différé de l’extension de son propre réseau câblé (voir considérant 742 de la décision attaquée).

123 Ensuite, la Commission a examiné si Unitymedia était un concurrent potentiel de Vodafone. Dans ce cadre, la Commission a rappelé que Unitymedia était principalement active dans sa propre empreinte câblée et a relevé que cet opérateur avait indiqué n’avoir aucun projet d’expansion de son réseau câblé, notamment dans l’empreinte de Vodafone, en raison du manque de rentabilité de l’investissement sous-jacent (voir considérant 726 de la décision attaquée).

124 Étant donné que quasiment tous les opérateurs concurrents ont indiqué, en réponse à l’enquête de marché, qu’ils s’attendaient à ce que Unitymedia étendît son réseau dans l’empreinte câblée de Vodafone, tout en reconnaissant néanmoins que Unitymedia avait une incitation moindre à agir de la sorte que ne l’avait Vodafone, la Commission a mené des investigations concernant l’évolution probable de la pression concurrentielle exercée par Unitymedia en l’absence de l’opération.

125 Aux considérants 755 à 764 de la décision attaquée, la Commission a expliqué qu’elle n’avait pas découvert un ensemble cohérent de preuves suggérant qu’une extension de Unitymedia dans l’empreinte câblée de Vodafone aurait été probable ou raisonnablement prévisible en l’absence de l’opération, mais qu’elle avait plutôt identifié une série d’éléments, relativement similaires à ceux découverts en ce qui concernait Vodafone, démontrant le contraire.

126 En effet, la Commission a relevé que, premièrement, Unitymedia n’avait jamais dupliqué le réseau câblé de Vodafone par le passé et a constaté que cet opérateur n’avait que très peu développé son réseau câblé, même dans sa propre empreinte et aux environs de celle-ci, alors qu’un tel développement était plus rentable qu’une duplication de réseau câblé. Deuxièmement, l’analyse des documents internes de Unitymedia effectuée par la Commission a confirmé que cet opérateur ne prévoyait pas de projets
de duplication du réseau câblé de Vodafone, étant donné que semblables projets n’auraient pas satisfait à ses critères d’investissement. La Commission a tenu compte d’une projection effectuée par Unitymedia confirmant cette absence de rentabilité. Finalement, la Commission a indiqué que les autres facteurs pris en compte lors de l’examen de l’existence d’une concurrence potentielle exercée par Vodafone étaient également applicables dans le cas de Unitymedia.

127 En l’espèce, en premier lieu, la requérante soutient qu’une entreprise est un concurrent potentiel sur un marché donné s’il existe des possibilités réelles et concrètes que l’entreprise concernée entre sur le marché et concurrence les entreprises établies. Il serait donc uniquement pertinent de savoir si une entreprise a la capacité d’intégrer un marché particulier. Cette capacité constituerait, en tant que telle, une concurrence potentielle et serait protégée par le règlement no 139/2004, sans
qu’il y eût lieu d’établir que ladite entreprise aurait concrètement l’intention d’employer cette capacité de manière effective à l’avenir. Ainsi, une situation de concurrence potentielle devrait être principalement évaluée de manière objective, en vue de déterminer si l’entrée sur le marché serait objectivement possible et donc si le nouvel entrant potentiel exerçait une pression significative sur les entreprises qui étaient déjà actives sur le marché en cause. Les intentions subjectives ou les
projets commerciaux des parties à la concentration, tels que les plans d’investissement et les seuils de rentabilité internes, ne seraient pas déterminants à cet égard.

128 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’enquête menée auprès des entreprises déjà actives sur les marchés en cause aurait clairement confirmé que les parties à la concentration auraient pu, de manière réaliste, étendre leurs infrastructures de réseau câblé (ou en fibre) dans l’empreinte de l’autre partie. Les acteurs du marché auraient, en outre, déclaré que les parties à la concentration auraient probablement été amenées à devenir des concurrents plus agressifs dans leurs empreintes
câblées respectives au cours des deux ou trois prochaines années.

129 En troisième lieu, la décision attaquée contiendrait, selon la requérante, plusieurs exemples concrets qui démontreraient la faisabilité objective et la viabilité économique d’une expansion dans la zone de couverture d’un autre câblo-opérateur. La requérante elle-même ainsi que Tele Columbus et d’autres opérateurs en Europe auraient procédé à des duplications de réseaux câblés, ce qui démontrerait qu’une telle opération serait économiquement viable. Par ailleurs, la Commission aurait eu tort de
se limiter à examiner la probabilité d’une concurrence potentielle par le biais d’une duplication du réseau câblé de l’autre partie, alors que les parties à la concentration auraient très bien pu desservir des clients MDU en dehors de leurs empreintes câblées respectives sur le fondement de services intermédiaires de transmission de signaux de télévision fournis par un autre opérateur. La Commission n’aurait pas non plus tenu compte de l’existence de « zones blanches », dans lesquelles aucun
opérateur n’était présent, de sorte que la question de la duplication de réseaux ne se posait pas.

130 En quatrième lieu, la Commission aurait eu tort de se fonder sur les critères d’investissement des parties pour conclure à l’absence de rentabilité d’une duplication du réseau câblé de l’autre partie, étant donné que de tels critères peuvent être modifiés à tout moment, voire manipulés, et que la « viabilité économique » serait un concept objectif. Dans ses observations du 2 juin 2023, la requérante fait en outre valoir que les critères d’investissement des parties à la concentration, tels que
mentionnés dans la décision attaquée, ne correspondaient nullement à la pratique du secteur, ni aux critères d’investissement des autres acteurs du marché, et étaient d’ailleurs bien supérieurs aux siens, ce qui montrait qu’ils avaient été délibérément fixés afin de faire paraître non rentable tout projet de duplication du réseau câblé de l’autre partie.

131 En cinquième lieu, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que le Bundeskartellamt (Office fédéral des ententes, Allemagne) aurait considéré que les parties étaient à tout le moins des concurrents potentiels.

132 Il en découle que la Commission a, selon la requérante, commis une erreur manifeste d’appréciation, en ce qu’elle a considéré que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents potentiels préalablement à cette opération.

133 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

134 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, en matière de contrôle des concentrations, selon une jurisprudence constante, l’examen des conditions de concurrence repose non seulement sur la concurrence actuelle que se font les entreprises déjà présentes sur le marché en cause, mais aussi sur la concurrence potentielle, afin de savoir si, compte tenu de la structure du marché et du contexte économique et juridique régissant son fonctionnement, il existe des possibilités réelles et
concrètes que les entreprises concernées se fassent concurrence entre elles, ou qu’un nouveau concurrent puisse entrer sur le marché en cause et concurrencer les entreprises établies (voir arrêt du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, EU:T:2006:187, point 116 et jurisprudence citée).

135 Afin de vérifier si une entreprise constitue un concurrent potentiel sur un marché, la Commission se doit de contrôler si, en l’absence de la concentration en cause, auraient existé des possibilités réelles et concrètes que celle-ci intégrât ledit marché et concurrençât les entreprises qui y étaient établies. Une telle démonstration ne doit pas reposer sur une simple hypothèse, mais doit être étayée par des éléments de fait ou une analyse des structures du marché pertinent. Ainsi, une entreprise
ne saurait être qualifiée de concurrent potentiel si son entrée sur le marché ne correspond pas à une stratégie économique viable (voir, par analogie, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 86 et jurisprudence citée).

136 Par ailleurs, la viabilité économique d’une stratégie d’entrée sur le marché ne saurait être assimilée à la simple rentabilité d’une telle stratégie. Si tel était le cas, une simple capacité théorique d’entrer sur un marché pourrait être considérée comme suffisante pour constater l’existence d’une concurrence potentielle. Dès lors, la Commission peut tenir compte de l’intérêt commercial ou économique à entrer sur un marché de l’entreprise dont la qualité de concurrent potentiel est analysée
(voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T‑87/05, EU:T:2005:333, points 177, 185, 187, 188, 191 et 195, et du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, EU:T:2006:187, point 123) et, partant, s’appuyer sur ses critères d’investissement. Ainsi, la Commission ne saurait qualifier une entreprise de concurrent potentiel sur le fondement de considérations générales et abstraites sans qu’elle tienne compte des intérêts commerciaux de cette entreprise, de sa stratégie de
développement à court et moyen terme ainsi que des critères de rentabilité qu’elle s’est fixés à cet effet.

137 Il s’ensuit que lorsque la Commission constate, premièrement, que l’entreprise concernée n’a accompli aucune démarche pour entrer sur le marché dans un laps de temps suffisamment court calculé à la lumière des caractéristiques du marché, deuxièmement, que ladite entreprise ne considère pas qu’il est économiquement rationnel et intéressant pour elle d’entrer sur le marché et donc, troisièmement, que ladite entreprise n’envisage pas d’entrer sur le marché à l’avenir d’une manière significative,
elle peut, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, conclure que l’entreprise en cause n’est pas un concurrent potentiel de l’autre partie à la concentration.

138 En deuxième lieu, en ce qui concerne la perception des entreprises déjà actives sur le marché en cause telle qu’exprimée lors de l’enquête de marché, force est de constater qu’il ressort des considérants 727, 728, 752 et 753 de la décision attaquée que la Commission a bien tenu compte de l’opinion des opérateurs concurrents, puisqu’il découle de ces considérants qu’elle a engagé un examen approfondi de l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration en raison
notamment des observations formulées par ceux-ci.

139 À cet égard, il y a lieu de souligner que si la Commission est en droit de tenir compte de la perception des entreprises actives sur le marché, celle-ci ne saurait néanmoins être décisive pour porter une appréciation sur l’existence d’une concurrence potentielle.

140 En effet, bien que l’opinion des concurrents puisse constituer une importante source d’information sur l’impact prévisible d’une opération de concentration sur le marché, elle ne saurait lier la Commission dans son appréciation autonome de l’impact de la concentration sur ce marché [voir, en ce sens, arrêts du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, EU:T:1999:65, points 290 et 291, et du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T‑380/17, EU:T:2020:471, point 673 (non
publié)].

141 En troisième lieu, en ce qui concerne les éléments qui démontrent, selon la requérante, la faisabilité objective et la viabilité économique d’une expansion dans la zone de couverture d’un autre câblo-opérateur, il suffit, pour écarter ce grief, de rappeler, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 136 ci-dessus, que la viabilité économique d’une stratégie d’entrée sur le marché ne saurait être assimilée à la simple rentabilité d’une telle stratégie, et qu’il convient de tenir
compte de l’intérêt commercial ou économique à entrer sur un marché de l’entreprise dont la qualité de concurrent potentiel est analysée.

142 Par conséquent, même si les éléments et les exemples avancés par la requérante démontraient qu’une expansion dans l’empreinte câblée de l’autre partie à la concentration était objectivement faisable et économiquement rentable, il n’en demeure pas moins que la Commission a, dans la décision attaquée, expliqué de manière détaillée, en se fondant notamment sur leurs documents internes, qu’aucune des parties à la concentration n’avait, préalablement à la concentration, l’intention de dupliquer le
réseau de l’autre partie ou un intérêt économique à le faire, étant donné que les investissements sous-jacents ne satisfaisaient pas à leurs critères d’investissement respectifs. D’ailleurs, la Commission a également pris en considération le fait que les parties à la concentration n’avaient, par le passé, jamais dupliqué leurs réseaux respectifs. Il convient de considérer que ce qui précède suffit pour rejeter ce troisième grief formulé par la requérante.

143 En outre, les éléments avancés par la requérante ne permettent pas de démontrer qu’il aurait été objectivement faisable et économiquement rentable pour les parties à la concentration d’étendre leurs activités sur le marché MDU dans l’empreinte câblée de l’autre partie.

144 Ainsi, premièrement, s’agissant du fait que d’autres concurrents étaient disposés à étendre leur réseau, la Commission a expliqué, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles ces stratégies n’étaient pas applicables aux parties à une autre concentration.

145 En ce qui concerne plus particulièrement le cas de la requérante, ainsi que cela ressort notamment du considérant 744, sous c), de la décision attaquée, sa situation était très différente de celle des parties à la concentration, au motif qu’elle possédait déjà un réseau de fibre optique très étendu et qu’elle utilisait ce réseau pour fournir des services d’accès à haut débit via la technologie de ligne d’abonné numérique (Digital Subscriber Line, DSL). Partant, afin d’étendre à de nouvelles
zones son offre à des clients MDU, la requérante pouvait s’appuyer sur ses propres lignes de fibre optique ou ses conduites existantes et n’avait généralement besoin de construire que de courtes parties du réseau de niveau 3.

146 En ce qui concerne Tele Columbus, les éléments de preuve présentés au considérant 744, sous a), et aux considérants 797 à 799 de la décision attaquée, non contestés par la requérante, indiquent que cette société n’avait pas véritablement entrepris de duplication du réseau câblé d’un autre opérateur au cours des années ayant précédé l’adoption de la décision attaquée. En particulier, la figure 20, reprise au considérant 798 de la décision attaquée, montre que le nombre de foyers connectés au
réseau de Tele Columbus n’avait pas sensiblement augmenté entre 2012 et 2018, si ce n’est en raison de l’acquisition d’actifs préexistants d’autres sociétés.

147 En ce qui concerne les cas de duplication de réseaux câblés dans d’autres États membres invoqués par la requérante, ainsi que l’indique la Commission dans ses écritures, ces phénomènes peuvent s’expliquer par des facteurs historiques ou par la faiblesse des coûts de déploiement dans ces États membres. Par ailleurs, la Commission a mentionné devant le Tribunal des exemples d’États membres dans lesquels les réseaux câblés ne se chevauchaient pas. La Commission a également indiqué, d’une manière
étayée, que le fait que les opérateurs n’étendent pas, en principe, leurs réseaux câblés constituait une tendance générale en Europe. Il s’ensuit que les cas de duplication de réseaux invoqués par la requérante ne permettent pas de remettre en cause les appréciations de la Commission au sujet de la concurrence potentielle entre les parties à la concentration.

148 Deuxièmement, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission ne s’est pas limitée à examiner la probabilité d’une concurrence potentielle par le biais d’une duplication du réseau câblé de l’autre partie à la concentration, ainsi que cela ressort du considérant 745 de la décision attaquée pour ce qui est de Vodafone et du considérant 763 de ladite décision pour ce qui est de Unitymedia. La Commission a, dans ce cadre, considéré qu’il était également peu probable qu’une partie
pénétrât sur l’empreinte câblée de l’autre partie à partir de moyens non fondés sur l’infrastructure tels que, notamment, les lignes louées, l’infrastructure satellite ou les réseaux de niveau 4.

149 Par ailleurs, la Commission a expliqué devant le Tribunal, sans être contredite par la requérante, que, bien qu’il fût théoriquement possible de fournir des services de transmission de signaux de télévision à des clients MDU sans utiliser sa propre infrastructure de niveau 3, il ne s’agissait pas, en pratique, d’une possibilité intéressante d’un point de vue concurrentiel. À cet égard, il convient également de relever que, au considérant 820 de la décision attaquée, la Commission a constaté que
les opérateurs de niveau 4 dépendaient complètement de la volonté des parties d’offrir des services de transmission intermédiaire de signaux de télévision à des conditions compétitives, ce que la requérante ne conteste pas. Ensuite, au considérant 1479 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les opérateurs de niveau 4 avaient expliqué eux-mêmes qu’ils étaient actifs dans un segment de niche du marché, tandis que les associations de logements avaient affirmé que ces opérateurs ne
satisfaisaient fréquemment pas aux exigences requises en matière de niveau de service et n’étaient pas en mesure de prendre en charge les mises à niveau du réseau de niveau 3, ce que la requérante ne conteste pas non plus. Or, ces éléments corroborent le constat de la Commission selon lequel il était peu probable que les parties à la concentration étendent leurs activités dans l’empreinte câblée de l’autre partie en s’appuyant sur des moyens non fondés sur l’infrastructure.

150 Troisièmement, en ce qui concerne l’existence de « zones blanches » dont la Commission n’aurait pas tenu compte, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cet argument, contestée par la Commission, force est de constater que si aucun opérateur n’avait jusqu’alors déployé de réseau câblé dans ces zones, il était très peu probable que les parties à la concentration décident toutes deux de s’y implanter. À cet égard, il convient également de relever que l’enquête de la
Commission n’a mis en évidence aucun élément indiquant que, sans l’opération, les parties se seraient déployées dans la même zone blanche et la requérante n’a produit aucun élément démontrant le contraire.

151 En quatrième lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’aurait pas pu se fonder sur les critères d’investissement des parties à la concentration, étant donné que ceux-ci auraient pu être modifiés à tout moment, voire manipulés, et qu’ils ne correspondraient pas à la pratique du secteur, il y a lieu de rappeler que la viabilité économique d’une stratégie d’entrée sur le marché ne saurait être assimilée à la simple rentabilité d’une telle stratégie et que
la Commission peut se fonder sur l’intérêt commercial ou économique à entrer sur un marché de l’entreprise dont la qualité de concurrent potentiel est analysée (voir points 135 et 136 ci-dessus) et, partant, sur ses critères d’investissement.

152 À cet égard, il convient d’observer que la Commission doit se fonder sur un ensemble d’éléments afin d’apprécier si une concurrence potentielle existe. Dans cet exercice, elle ne saurait faire abstraction des stratégies d’investissement des entreprises concernées. Il en va ainsi notamment pour de grands groupes internationaux tels que Vodafone, qui doivent pouvoir arbitrer entre des projets d’investissements relatifs à plusieurs marchés nationaux en se fondant à cet effet sur les meilleurs taux
de rendement. Par ailleurs, force est de constater que les éléments fournis par la requérante ne suffisent pas pour conclure que la Commission était en possession d’indices de l’inexactitude des chiffres présentés par la partie ayant notifié l’opération.

153 Il convient, par ailleurs, de souligner que différentes mesures visant à décourager et à punir la transmission d’informations inexactes ou trompeuses sont prévues par la réglementation applicable au contrôle des concentrations. En effet, les parties qui notifient une opération de concentration sont soumises, au titre de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004
(JO 2004, L 133, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 172, p. 9), à l’obligation expresse de fournir à la Commission de manière véridique et complète les faits et circonstances pertinents pour la décision de compatibilité, cette obligation étant sanctionnée à l’article 14 du règlement no 139/2004. Par ailleurs, la Commission peut aussi révoquer, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 3, sous a), et de l’article 8, paragraphe 6, sous a), du règlement no 139/2004, la décision de compatibilité si
celle-ci repose sur des indications inexactes dont une des entreprises concernées est responsable ou si elle a été obtenue par tromperie (arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 185).

154 Enfin, il convient de constater, d’une part, qu’il ressort notamment du considérant 742 et de la note en bas de page no 553 de la décision attaquée que la Commission a vérifié les projections effectuées par les parties à la concentration, dans le cadre desquelles ces dernières ont examiné la rentabilité, eu égard à leurs critères d’investissement, de plusieurs projets de déploiement d’infrastructure, et a considéré que les résultats de celles-ci étaient suffisamment robustes et, d’autre part,
que la Commission ne s’est pas fondée sur les seuls critères d’investissement des parties à la concentration pour conclure à l’absence de concurrence potentielle entre elles, mais qu’elle a notamment tenu compte du fait que, en pratique, ni Vodafone ni Unitymedia n’avaient jamais dupliqué le réseau câblé de l’autre partie et que ces parties n’avaient que de manière négligeable étendu leur réseau à l’intérieur de leur propre empreinte câblée, alors qu’une telle extension interne était plus
rentable.

155 En cinquième lieu, s’agissant des décisions de l’Office fédéral des ententes dont la Commission n’aurait pas tenu compte, il y a lieu de relever que, eu égard à la répartition précise des compétences sur laquelle repose le règlement no 139/2004, les décisions des autorités nationales ne sauraient lier la Commission dans le cadre des procédures de contrôle des concentrations (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C‑202/06 P, EU:C:2007:814,
point 56, et du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 139), a fortiori lorsqu’elles concernent les parties à une autre concentration et une autre période.

156 Il découle de ce qui précède que la requérante ne parvient pas à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée, qu’il était peu probable que les parties à la concentration, en l’absence de celle-ci, aient étendu leurs activités sur le marché MDU dans l’empreinte câblée de l’autre partie, de sorte qu’il existât entre elles une concurrence potentielle que l’opération aurait éliminée, donnant ainsi lieu à une ESCE.

4) Sur la position dominante collective résultant d’une collusion tacite entre les parties à la concentration

157 À plusieurs reprises, la requérante fait valoir que si les parties à la concentration ne s’étaient pas fait concurrence et n’avaient jamais dupliqué leurs réseaux câblés, c’était parce qu’elles se trouvaient en situation de position dominante collective résultant d’une collusion tacite entre elles, sur laquelle la Commission n’avait pas suffisamment mené d’investigations.

158 Ainsi, la requérante fait valoir que l’absence de concurrence active entre les parties à la concentration ne signifie pas qu’elles n’étaient pas concurrentes, mais tend plutôt à indiquer qu’elles détenaient une position dominante collective résultant d’une collusion tacite entre elles, visant à se partager le marché allemand et à éviter de créer l’impression d’un rapport de concurrence entre elles aux fins de faciliter l’approbation de la concentration, prévue de longue date. À l’appui de
pareille allégation, la requérante se réfère à plusieurs décisions de l’Office fédéral des ententes, qui aurait constaté l’existence d’une position dominante collective entre les parties, et fait valoir que le marché MDU présente toutes les caractéristiques d’un marché sous dominance collective et qu’il n’existe aucune autre explication crédible à l’absence de concurrence active entre les parties à la concentration.

159 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

160 À cet égard, il y a lieu d’observer que la requérante ne soutient pas que l’opération aurait créé ou renforcé une position dominante collective sur le marché MDU, entravant ainsi de manière significative la concurrence effective dans le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci, mais fait plutôt valoir que les parties à la concentration se trouvaient, préalablement à celle-ci et en raison d’une collusion tacite entre elles, en situation de position dominante collective.

161 En supposant que la requérante vise, par son argument, à dénoncer une entente, il résulte de l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 que ce dernier est seul applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3 de ce règlement, pour lesquelles le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), ne trouve pas, en principe, à s’appliquer. En revanche,
ce dernier règlement est le seul applicable aux comportements des entreprises qui, sans constituer une opération de concentration au sens du règlement no 139/2004, sont néanmoins susceptibles d’aboutir à une coordination entre elles contraire à l’article 101 TFUE et qui, pour ce motif, sont soumis au contrôle de la Commission ou des autorités de concurrence nationales (arrêt du 7 septembre 2017, Austria Asphalt, C‑248/16, EU:C:2017:643, points 32 et 33).

162 Il en découle que le grief de la requérante tiré d’une collusion tacite alléguée entre les parties à la concentration préalablement à celle-ci est inopérant, puisqu’il n’a pas trait à l’objet de la décision attaquée, à savoir une concentration soumise au règlement no 139/2004, mais qu’il vise plutôt des pratiques tombant potentiellement dans le champ d’application des articles 101 ou 102 TFUE et du règlement no 1/2003. Ainsi, même si les allégations de la requérante étaient fondées, c’est-à-dire
même dans l’hypothèse où il aurait existé, préalablement à l’opération, une collusion implicite ou tacite entre les parties à la concentration expliquant l’absence de concurrence réelle ou potentielle entre elles sur le marché MDU, comme le fait valoir la requérante, cela n’aurait pas permis de remettre en cause la conclusion à laquelle est parvenue la Commission en ce qui concerne ce marché, à savoir l’absence de concurrence entre les parties à la concentration dont l’élimination aurait pu
donner lieu à une ESCE.

163 En revanche, si la requérante vise, par son argument, à dénoncer l’existence d’une position dominante collective, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les allégations de tiers tirées d’une position dominante collective des parties à la concentration résultant d’une collusion tacite entre elles n’étaient pas confirmées par un examen des documents internes desdites parties et étaient contredites par les preuves qui figuraient au dossier au sujet de
la rentabilité insuffisante de la duplication du réseau câblé de l’autre partie (voir notes en bas de page nos 534 et 566). Les arguments avancés par la requérante ne permettent pas de remettre en cause ce constat de la Commission.

164 En effet, en ce qui concerne, en premier lieu, les décisions de l’Office fédéral des ententes, il y a lieu de rappeler qu’elles ne sauraient lier la Commission.

165 En ce qui concerne, en deuxième lieu, le marché MDU, qui présenterait, selon la requérante, toutes les caractéristiques d’un marché sous dominance collective, il convient de relever que la plupart des contrats sur ce marché sont conclus à l’issue de négociations, de mises en concurrence ou de procédures formelles d’appel d’offres lancées par les clients (voir considérant 697 de la décision attaquée), ce que la requérante ne conteste pas, avec pour conséquence qu’il est peu probable que ce marché
remplisse la condition de la transparence nécessaire pour permettre aux entreprises en position dominante collective d’aligner leur comportement sur celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 121).

166 En ce qui concerne, en troisième lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle seule une collusion tacite entre les parties à la concentration pouvait expliquer l’absence de concurrence active entre elles, il convient de rappeler qu’il ressort de l’examen des précédents griefs invoqués par la requérante à l’appui de la seconde branche du présent moyen que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a considéré que cette absence de concurrence entre les parties
découlait, principalement, de l’absence de chevauchement entre leurs empreintes câblées respectives et des coûts substantiels d’infrastructure engendrés par une duplication du réseau câblé de l’autre partie, ne satisfaisant pas aux critères d’investissement des parties à la concentration. Force est par ailleurs de constater que la requérante ne fournit pas le moindre élément de preuve à même d’étayer pareille allégation.

167 Il découle de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a, de manière manifestement erronée, conclu dans la décision attaquée que les allégations de tiers tirées d’une collusion tacite entre les parties à la concentration n’étaient pas fondées.

b)   Sur les erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne les effets concurrentiels de l’opération sur le marché MDU

168 La requérante soutient que, puisque les parties à la concentration étaient des concurrents réels ou potentiels avant l’opération, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que l’opération n’aurait engendré aucun changement propre à la concentration. Au contraire, dans ce contexte, l’opération aurait entraîné une augmentation, liée à la concentration, du pouvoir de marché de Vodafone et une élimination de la pression concurrentielle entre les parties à la
concentration. Par ailleurs, la requérante fait valoir que l’opération aurait affaibli davantage la pression concurrentielle exercée par les concurrents restants de l’entité issue de la concentration.

1) Sur l’augmentation du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration et l’élimination de la pression concurrentielle entre les parties

169 La requérante fait valoir que, à la suite de l’opération, une seule entreprise, à savoir l’entité issue de la concentration, aurait décidé de la stratégie commerciale et de la politique des prix sur l’ensemble du territoire allemand, ce qui constitue un changement des conditions de concurrence sur le marché MDU propre à la concentration, puisque, avant l’opération, chacune des deux parties adoptait ses décisions stratégiques de manière individuelle, sans savoir avec certitude le comportement que
l’autre partie allait adopter. La requérante ajoute que cette pression concurrentielle existant entre les parties aurait été, à l’issue de l’opération, définitivement éliminée. La requérante fait valoir qu’un tel changement des conditions de concurrence sur le marché suffit pour constater l’existence d’une ESCE et, en outre, que la Commission a commis une erreur de droit en considérant que celui-ci n’était pas une conséquence directe et immédiate de l’opération.

170 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

171 À cet égard, il convient de souligner que l’argument de la requérante tiré de ce que l’opération aurait entraîné une augmentation, liée à la concentration, du pouvoir de marché de Vodafone et une élimination de la pression concurrentielle entre les parties à la concentration est fondé sur la prémisse que, avant l’opération, les parties à la concentration étaient des concurrents réels ou, à tout le moins, potentiels ou, en tout état de cause, que lesdites parties se trouvaient en situation de
collusion tacite.

172 Or, ainsi que cela ressort de l’examen de la seconde branche du présent moyen ci-dessus, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation lorsque cette dernière avait considéré que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents réels ou potentiels sur le marché MDU. Par ailleurs, les arguments de la requérante tirés d’une collusion alléguée tacite entre les parties à la concentration, préalablement à l’opération, ont été rejetés pour
les raisons exposées aux points 157 à 167 ci-dessus.

173 Il en découle que cet argument de la requérante est fondé sur une prémisse erronée, de sorte qu’il ne saurait être accueilli.

2) Sur l’affaiblissement de la pression concurrentielle exercée par les concurrents restants

174 La requérante fait valoir que l’opération aurait affaibli également la pression concurrentielle exercée par les concurrents restants des parties à la concentration sur le marché MDU, ce qui suffisait pour constater l’existence d’une ESCE.

175 En premier lieu, la requérante fait valoir que, à la suite de l’opération, ça aurait été Vodafone, et non plus Unitymedia, qui aurait déterminé, notamment dans l’empreinte câblée de cette dernière, la stratégie commerciale, dont la politique en matière de tarification, de l’entité issue de la concentration vis-à-vis de Tele Columbus, à savoir le concurrent le plus puissant des parties, de même que vis-à-vis d’autres opérateurs du réseau de niveau 4, en ce qui concernait les services
intermédiaires de transmission de signaux de télévision. Après l’opération, ces opérateurs auraient dépendu, dès lors, y compris dans l’empreinte câblée de Unitymedia, de Vodafone, réputée selon la requérante vouloir nuire à ses petits concurrents par des conditions non viables sur le plan économique, alors que tel n’était pas le cas avant l’opération.

176 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que d’autres concurrents (tels qu’elle-même et des acteurs locaux de plus petite taille) n’étaient déjà pas en mesure d’exercer une pression concurrentielle significative sur Unitymedia et sur Vodafone avant l’opération, notamment en raison du « Nebenkostenprivileg » (privilège des frais locatifs accessoires), qui favorisait les opérateurs de réseaux câblés, étant donné que ce mécanisme permettait aux sociétés de logements de facturer directement à
leurs locataires les frais de distribution de la télévision par câble en tant que frais accessoires, ce qui réduisait leur incitation à changer de fournisseur.

177 En troisième lieu, la requérante soutient que le pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration vis-à-vis des télédiffuseurs signifie que cette dernière aurait eu la capacité et aurait été incitée à affaiblir davantage ses concurrents restants en matière d’infrastructures de télévision sur le marché MDU en les évinçant (à tout le moins partiellement) ou en détériorant leurs conditions d’accès aux chaînes de télévision ou aux contenus audiovisuels, ou aux caractéristiques de ces
chaînes ou aux contenus audiovisuels qui présentaient un intérêt du point de vue de la concurrence. Or, la Commission n’aurait pas tenu compte de ces possibilités de « verrouillage partiel » et de leurs répercussions sur la situation concurrentielle sur le marché MDU.

178 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

179 À cet égard, il est vrai que la situation dans laquelle la pression concurrentielle exercée par les concurrents se verrait fortement réduite en conséquence d’une opération de concentration peut donner lieu à une ESCE.

180 Or, en l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante admet explicitement que les autres concurrents sur le marché MDU, tels qu’elle-même et des acteurs locaux de plus petite taille, n’étaient déjà pas en mesure d’exercer une pression concurrentielle significative sur Unitymedia et sur Vodafone avant l’opération, en raison notamment du « Nebenkostenprivileg » (privilège des frais locatifs accessoires), lequel constituait selon elle une importante barrière à l’entrée et à l’expansion sur ce
marché.

181 Dès lors, les autres concurrents n’exerçaient, de l’aveu même de la requérante, aucune pression concurrentielle sur les parties à la concentration avant l’opération. Ainsi, il est peu probable que cette opération ait pu avoir pour effet de fortement réduire la pression concurrentielle exercée par ces autres concurrents et, de ce fait, de donner lieu à une ESCE. Il s’ensuit que le présent grief, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission en ce qui concerne les effets
concurrentiels de l’opération sur le marché MDU, en ce que cette dernière n’aurait pas tenu compte du fait que l’opération aurait affaibli davantage la pression concurrentielle exercée par les concurrents restants de l’entité issue de la concentration, doit être rejeté.

182 En outre, les arguments de la requérante sont difficilement dissociables de ceux qu’elle invoque dans le cadre de son troisième moyen. En effet, il y a lieu de constater que lorsque la requérante allègue une modification des incitations de l’entité issue de la concentration en matière de tarification et de verrouillage à l’égard de Tele Columbus et d’autres opérateurs, elle invoque des effets verticaux non coordonnés qui consistent dans l’éviction des fournisseurs au détail de services de
transmission de signaux de télévision aux clients MDU en Allemagne. Or, ces effets ont été examinés par la Commission aux considérants 1467 à 1506 de la décision attaquée, que la requérante conteste par son troisième moyen, lequel sera examiné ci-après.

183 De même, il y a lieu de souligner que la question du pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration sur le marché de gros de la transmission de signaux de télévision en Allemagne et de ses effets vis-à-vis des télédiffuseurs et des fournisseurs de services de télévision au détail a été abordée par la Commission aux considérants 1006 et suivants de la décision attaquée, dans une partie dédiée de celle-ci consacrée à d’éventuels effets horizontaux non coordonnés de l’opération sur
le marché de gros en question. La requérante conteste ces appréciations par son quatrième moyen, qui sera analysé ci-après.

184 Il découle de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, en ce qu’elle aurait omis de constater un affaiblissement de la concurrence exercée par les autres concurrents du fait de cette opération, donnant lieu à une ESCE.

3.   Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit et de la violation de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004

185 La requérante soutient, en substance, que la Commission a violé l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, au motif qu’elle n’a pas considéré que la création de la position dominante de Vodafone sur le marché MDU constituait un changement structurel des conditions de marché qui était propre à la concentration, donnant lieu à une ESCE.

186 En premier lieu, la requérante rappelle que, dans la décision attaquée, la Commission a conclu que les parties à la concentration détenaient toutes deux une position dominante sur le marché MDU dans leurs empreintes câblées respectives. La requérante en déduit que la combinaison de ces deux empreintes qui, ensemble, couvraient la totalité de l’Allemagne aurait conféré inévitablement à l’entité issue de la concentration une position dominante au niveau national qu’aucune des parties à la
concentration prises individuellement ne détenait avant l’opération, ce qui aurait constitué un changement structurel très important des conditions de marché propre à la concentration, lequel aurait donné lieu à une ESCE. La Commission aurait, selon la requérante, erronément considéré qu’un tel changement n’était pas propre à la concentration, étant donné que les parties détenaient déjà une position dominante dans leurs empreintes câblées respectives avant l’opération.

187 En réponse à une question posée pour réponse écrite par acte du 16 mai 2023 par le Tribunal, la requérante a précisé à cet égard que, selon elle, la création ou le renforcement d’une position dominante constituait, en soi, l’exemple type d’une ESCE et que, partant, s’il y avait création ou renforcement d’une position dominante, cela suffisait pour conclure à l’existence d’une ESCE. En l’espèce, la Commission aurait, dès lors, erronément examiné si la concentration aurait donné lieu, d’une part,
à une diminution propre à la concentration de la concurrence entre les parties et, d’autre part, à des effets propres à la concentration sur les concurrents, alors qu’elle aurait dû se limiter à constater que cette opération aurait créé une position dominante nationale de par la fusion de deux acteurs en position dominante sur le plan régional. La création d’une telle position dominante nationale aurait été bien propre à la concentration et constitutive d’une ESCE, ce que la Commission aurait dû
relever.

188 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que si les parties à la concentration devaient être considérées comme collectivement dominantes sur le marché MDU avant l’opération, le passage d’une position dominante collective à une position dominante individuelle aurait constitué également un changement structurel important des conditions de concurrence sur ce marché, en ce qu’il aurait éliminé définitivement toute possibilité de rupture de l’équilibre collusoire caractérisant une position
dominante collective, et donc d’amélioration de la situation concurrentielle sur le marché.

189 En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission commet une erreur de droit lorsqu’elle considère que la constatation d’une ESCE exige nécessairement la constatation de la suppression « d’importantes pressions concurrentielles » que les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre avant l’opération. Selon la requérante, il ressort du considérant 25 du règlement no 139/2004 que la suppression « d’importantes pressions concurrentielles » entre les parties à la concentration
concerne uniquement les concentrations sur des marchés oligopolistiques et est requise uniquement pour constater une ESCE fondée sur des effets non coordonnés dans des cas n’impliquant pas la création ou le renforcement d’une position dominante.

190 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

191 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, conformément à l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, seules les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché intérieur. Il découle du libellé de ces dispositions que le critère
essentiel pour examiner la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur réside dans la création d’une ESCE dans celui-ci. L’utilisation de l’adverbe « notamment » indique que la création ou le renforcement d’une position dominante constitue l’un des cas dans lesquels une telle entrave peut être constatée.

192 De plus, le Tribunal a déjà jugé que la circonstance qu’une concentration aurait produit des effets anticoncurrentiels n’était pas, en soi, suffisante pour considérer que cette concentration aurait été incompatible avec le marché intérieur, dès lors qu’elle n’aurait pas entravé de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 octobre 2021, Polskie Linie Lotnicze LOT/Commission,
T‑296/18, EU:T:2021:724, point 107).

193 Par conséquent, la circonstance qu’une concentration créerait ou renforcerait une position dominante n’est pas, en soi, suffisante pour considérer que cette concentration serait incompatible avec le marché intérieur, dès lors qu’elle n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, de sorte que l’argument de la requérante selon lequel, dès lors qu’il y a création ou renforcement d’une position dominante, cela
suffit pour conclure à l’existence d’une ESCE, ne saurait prospérer.

194 Il convient ensuite de souligner que l’objectif du règlement no 139/2004 est d’instaurer un contrôle effectif de toutes les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective, dans le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci, y compris celles donnant lieu à des effets non coordonnés (arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C‑376/20 P, EU:C:2023:561, points 109 et 113).

195 En outre, il y a lieu de relever que, en matière de contrôle des concentrations, la Commission est tenue de mener une analyse prospective, consistant à examiner en quoi une telle opération pourrait modifier les facteurs déterminant l’état de la concurrence sur un marché donné afin de vérifier s’il en résulterait une ESCE (arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 43 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of
America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 47).

196 Partant, il ne pourrait être reproché à la Commission d’avoir, en l’espèce, effectué une analyse prospective portant notamment sur les effets horizontaux non coordonnés de la concentration sur le marché MDU. Dès lors que, dans le cadre de cette analyse, la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, constater, ainsi que cela ressort de l’examen ci-dessus de la seconde branche du présent moyen, que la concentration n’éliminerait pas de contraintes concurrentielles entre les
parties et n’affaiblirait pas davantage les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents restants, elle pouvait conclure à l’absence d’ESCE. La Commission n’avait donc pas à examiner, en outre, si cette opération créerait ou renforcerait une position dominante, notamment en raison de la couverture d’étendue nationale, à l’issue de la concentration, des réseaux câblés combinés des parties à celle-ci.

197 Par ailleurs, il n’est pas possible de considérer, abstraitement, que l’étendue du réseau câblé des parties à la concentration puisse constituer un facteur déterminant l’état de la concurrence sur le marché MDU au sens de la jurisprudence mentionnée au point 195 ci-dessus, dont la modification donnerait lieu à une ESCE. Partant, la simple extension géographique du réseau câblé de l’entité issue de la concentration, qu’elle soit propre ou non à celle-ci, ne donne pas nécessairement lieu à la
modification d’un facteur déterminant de l’état de la concurrence sur le marché MDU et, dès lors, à une ESCE.

198 En deuxième lieu, il ressort des points 163 à 166 ci-dessus, d’une part, que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, qu’il n’existait aucune indication selon laquelle les parties à la concentration se trouvaient, préalablement à celle-ci, en situation de position dominante collective sur le marché MDU résultant d’une collusion tacite entre elles et, d’autre part, que les arguments avancés à cet égard par la requérante ne
permettaient pas de démontrer le contraire.

199 En troisième lieu, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait commis une erreur de droit en considérant que les pressions concurrentielles supprimées par une opération de concentration devaient être suffisamment « importantes » pour pouvoir donner lieu à une ESCE ne saurait prospérer.

200 En effet, il ressort de l’examen de la seconde branche du présent moyen que, en l’espèce, il n’existait pas de pressions concurrentielles entre les parties à la concentration sur le marché MDU préalablement à celle-ci. Par conséquent, même si la Commission aurait dû considérer que seule la suppression d’« importantes » pressions concurrentielles pouvait éventuellement donner lieu à une ESCE, cela n’aurait pas affecté la légalité de la décision attaquée.

201 Il découle de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur de droit ou a enfreint l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, avec pour conséquence que la première branche du premier moyen doit être écartée.

202 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

C. Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne le rapport de concurrence entre les parties à la concentration sur le marché SDU

203 À l’appui de son deuxième moyen, la requérante soutient que l’analyse effectuée par la Commission dans la décision attaquée concernant les effets horizontaux non coordonnés de la concentration sur le marché SDU est entachée d’une erreur de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation.

1.   Considérations liminaires

204 À la section VIII.C.2.5 de la décision attaquée, la Commission a examiné les effets horizontaux non coordonnés de l’opération sur le marché SDU. Comme il a été indiqué au point 19 ci-dessus, la Commission a considéré que la délimitation géographique de ce marché pouvait être laissée en suspens.

205 Après avoir, aux considérants 843 à 848 de la décision attaquée, exposé certaines spécificités du marché SDU, la Commission a examiné, aux considérants 849 à 859 de ladite décision, les parts de marché des parties à la concentration tant au niveau national qu’au niveau de leurs empreintes câblées respectives, ainsi que les niveaux de concentration du marché SDU, avant de conclure, aux considérants 860 à 862 de la même décision, que, bien que ce marché fût très concentré, l’opération ne donnerait
lieu à aucun changement propre à la concentration (merger-specific change), puisque les parties ne se faisaient concurrence sur ce marché que de façon très limitée et que leurs activités ne se chevauchaient pas de manière significative.

206 La Commission a ensuite examiné, aux considérants 863 à 885 de la décision attaquée, les contraintes concurrentielles exercées par les parties qui seraient éliminées par l’opération ainsi que leur évolution probable en l’absence de celle-ci.

207 S’agissant de Vodafone, la Commission a rappelé que, au sujet de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision à des clients MDU, elle avait conclu que les éléments de preuve du dossier ne permettaient pas d’étayer les allégations de tiers relatives à une perte de concurrence potentielle de sa part. Elle a souligné que les éléments du dossier suggéraient que les produits IPTV et OTT de Vodafone avaient une position très limitée sur le marché SDU. Elle en a déduit
que Vodafone n’était pas un acteur significatif dans l’empreinte câblée de Unitymedia et que ni son offre IPTV ni sa nouvelle plateforme OTT ne constituaient une contrainte concurrentielle à l’égard de cette dernière (voir considérants 865 à 880 de la décision attaquée).

208 S’agissant de Unitymedia, la Commission a souligné que, quelle que soit la délimitation du marché, sa part de marché résultait de sa seule présence sur son empreinte câblée. Par ailleurs, la Commission a rappelé que, au sujet de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision à des clients MDU, elle avait conclu que les éléments de preuve du dossier ne permettaient pas d’étayer les allégations de tiers relatives à une perte de concurrence potentielle de sa part (voir
considérants 881 à 885 de la décision attaquée).

209 Aux considérants 886 à 896 de la décision attaquée, la Commission a analysé les contraintes concurrentielles exercées par les parties l’une sur l’autre et a conclu que ces dernières n’étaient ni des concurrents réels directs (voir considérants 887 à 891) ni des concurrents réels indirects (voir considérants 892 à 896).

210 S’agissant de la concurrence directe, la Commission a relevé que les parties à la concentration fournissaient au détail des services de transmission de signaux de télévision à des clients SDU presque exclusivement à l’intérieur de leurs empreintes câblées respectives, qui ne se chevauchaient pas. Si la Commission a constaté, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, un chevauchement limité provenant des produits IPTV et OTT de Vodafone, elle a néanmoins considéré que l’opération ne ferait pas
disparaître une concurrence directe significative entre les parties à la concentration. La Commission est parvenue à ce constat en tenant compte, premièrement, de la part de marché limitée de Vodafone dans cette zone, deuxièmement, du fait que lesdites parties n’étaient pas des concurrents proches, car elles utilisaient des technologies de transmission différentes et, troisièmement, du fait que les produits IPTV et OTT de Vodafone n’avaient rien d’unique, avec pour conséquence qu’ils pouvaient
aisément être remplacés par d’autres produits.

211 S’agissant de la concurrence indirecte, la Commission a expliqué que les documents internes qu’elle avait identifiés au sujet du marché de l’accès fixe à Internet et qui suggéraient que les parties se comparaient l’une à l’autre concernaient également, dans une certaine mesure, le marché SDU. Cependant, à la suite des explications fournies par les parties, la Commission a considéré que ces documents n’établissaient pas qu’une analyse comparative (benchmarking) allant au-delà de simples
comparaisons commerciales visant à surveiller et, éventuellement, à imiter les meilleures pratiques dans l’industrie avait eu lieu. Ensuite, la Commission a souligné qu’une analyse des prix de détail n’indiquait pas que Vodafone et Unitymedia se contraignaient indirectement par l’intermédiaire d’un mécanisme de tarification séquentiel transmettant les modifications de prix d’une entreprise sur l’empreinte câblée de l’autre à la suite d’une adaptation de leurs prix par les concurrents actifs au
niveau national.

212 Enfin, aux considérants 897 à 903 de la décision attaquée, la Commission a examiné les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents restants sur le marché SDU, et plus particulièrement par la requérante, par Tele Columbus, par les opérateurs urbains (city carriers) tels que NetCologne et par les opérateurs de services de satellites, et a considéré que, à l’issue de la concentration, ces nombreux concurrents demeureraient actifs sur ce marché. La Commission a également constaté que
les éléments de preuve du dossier démontraient que les concurrents établis sur ce marché faisaient face à des pressions concurrentielles croissantes de la part de nouveaux opérateurs ainsi que de nombreux fournisseurs de services de télévision OTT et a considéré que l’opération n’affaiblirait pas la concurrence exercée par les concurrents.

213 Par conséquent, la Commission a conclu que cette opération ne donnerait lieu à aucune ESCE sur le marché SDU résultant d’effets horizontaux non coordonnés (voir considérant 907 de la décision attaquée).

214 En l’espèce, l’argumentation de la requérante au soutien du présent moyen, visant cet examen effectué par la Commission dans la décision attaquée des effets horizontaux non coordonnés de la concentration sur le marché SDU, peut être divisée en trois branches, tirées, la première, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation, au motif que la Commission n’a pas considéré que l’opération conduirait à la création d’une position dominante donnant lieu à une ESCE, la deuxième, d’une
erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission n’a pas conclu, dans la décision attaquée, que l’opération éliminerait la concurrence réelle et potentielle entre les parties à la concentration et, la troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation, au motif que la Commission n’a pas estimé que l’opération affaiblirait les concurrents restants.

2.   Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation, au motif que la Commission n’a pas considéré que l’opération conduirait à la création d’une position dominante donnant lieu à une ESCE

215 La requérante soutient que si le marché en cause est compris comme incluant uniquement la télévision par câble et l’IPTV, l’opération conduit à des parts de marché cumulées très élevées tant au niveau national que dans l’empreinte câblée de Unitymedia, lesquelles indiquent l’existence d’une position dominante. Au vu de la position très solide de l’entité issue de la concentration, la simple élimination d’un chevauchement mineur pourrait conduire à une ESCE.

216 La Commission conteste les arguments de la requérante.

217 À cet égard, il convient de rappeler qu’une concentration créant ou renforçant une position dominante ne donne pas automatiquement lieu à une ESCE, ainsi que cela ressort de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004.

218 Or, en l’espèce, premièrement, la requérante ne démontre pas en quoi la concentration, dans l’hypothèse où elle aboutirait à la création d’une position dominante sur le marché SDU d’ampleur nationale ou au renforcement d’une position dominante sur le marché SDU limité à l’empreinte câblée de Unitymedia, donnerait lieu à une ESCE.

219 Deuxièmement la requérante se réfère uniquement aux « parts de marché cumulées très élevées » et en déduit que « ces parts de marché combinées indiquent en tant que telles l’existence d’une position dominante de l’entité issue de la concentration » sur le marché SDU. Or, contrairement à pareille allégation, ces parts de marché ne suffisent pas pour démontrer que l’entité issue de la concentration se trouverait en position dominante à l’issue de cette opération.

220 À cet égard, d’une part, il convient de relever qu’il ressort du tableau no 20 repris au considérant 850 de la décision attaquée, dont le contenu n’est pas contesté par la requérante, que sur le marché SDU de dimension nationale incluant le câble, l’IPTV, le satellite et la télévision terrestre (DVB-T), les parties à la concentration détenaient chacune une part de marché de [10-20] % avant l’opération et qu’elles détiendraient ensemble une part de marché cumulée de [20-30] % après l’opération et
que, sur le marché SDU de dimension nationale limité au câble et à l’IPTV, ces parties détenaient chacune une part de marché de [20-30] % avant l’opération et que leur part de marché combinée serait de [40-50] % après celle-ci. Or, de telles parts de marché ne sauraient en tant que telles avoir pour conséquence que la concentration crée ou renforce une position dominante.

221 D’autre part, il convient également de relever que la Commission a constaté que l’entité issue de la concentration devrait faire face à une importante concurrence, notamment de la part de la requérante et de Tele Columbus, ces deux opérateurs détenant des parts de marché significatives sur le marché SDU, qu’il soit d’ampleur nationale ou qu’il soit limité à l’empreinte câblée de Unitymedia, ce que la requérante ne conteste pas, avec pour conséquence que cette entité n’aurait pas la possibilité
de se comporter sur ce marché avec l’indépendance qui caractérise une position dominante, sous peine de voir ses clients SDU se tourner vers ces deux concurrents, vers des opérateurs urbains, voire vers des fournisseurs de services de satellite.

222 Par conséquent, la Commission n’ayant commis aucune erreur quant à l’absence de création d’une position dominante sur le marché SDU à la suite de l’opération, la prémisse sur laquelle se fonde la requérante afin de démontrer l’existence d’une ESCE (voir point 215 ci-dessus) est erronée.

223 Il découle de ce qui précède que la première branche du deuxième moyen est suffisamment compréhensible et, partant, qu’elle est recevable, contrairement à ce que soutient la Commission, mais que la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d’appréciation en ne concluant pas que l’opération aurait conduit à la création d’une position dominante donnant lieu à une ESCE sur le marché SDU, avec pour conséquence que cette branche est non fondée.

3.   Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission n’a pas conclu que l’opération éliminerait la concurrence réelle et potentielle entre les parties à la concentration

224 La requérante fait valoir que, pour les raisons exposées en ce qui concerne le marché MDU, l’avis de la Commission selon lequel l’opération n’aurait pas entraîné de diminution de la concurrence réelle (directe ou indirecte) ou potentielle entre les parties à la concentration sur le marché SDU est entaché d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation.

225 En particulier, en premier lieu, la requérante conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle les analyses comparatives entre les parties à la concentration ne prouveraient pas l’existence d’un rapport de concurrence indirecte et n’iraient pas au-delà de « simples analyses comparatives commerciales visant à surveiller et éventuellement à imiter les meilleures pratiques dans le secteur ». Selon la requérante, la Commission a omis d’apprécier en quoi l’existence de « simples analyses
comparatives commerciales » n’aurait pas suffi à constituer une concurrence réelle pertinente entre les parties à la concentration avant l’opération, en particulier si l’on considère qu’il existait entre elles une concurrence directe (à tout le moins limitée) sur le marché SDU.

226 La requérante fait valoir, en deuxième lieu, que la Commission n’explique pas pourquoi une pression concurrentielle indirecte entre les parties à la concentration résultant de la transmission des changements de prix par le biais d’acteurs nationaux, tels que Tele Columbus ou la requérante, nécessiterait un « mécanisme de fixation séquentielle des prix », ni pourquoi ce mécanisme exigerait que les « changements d’éléments de prix » soient « systématiquement engagés par Vodafone ou Unitymedia, de
manière suffisamment rapprochée dans le temps et dans le même ordre ». Le seul fait que Tele Columbus et la requérante appliquent une politique nationale uniforme en matière de prix et qu’elles soient en concurrence avec les deux parties à la concentration dans leurs empreintes câblées respectives est, selon la requérante, suffisant pour créer une concurrence indirecte entre les parties à la concentration.

227 La requérante conteste, en troisième lieu, l’affirmation effectuée par la Commission au considérant 890 de la décision attaquée, selon laquelle Vodafone et Unitymedia ne sont pas des concurrentes proches au motif qu’elles utilisent des technologies différentes. En effet, cette affirmation est, selon elle, en contradiction avec l’appréciation effectuée par la Commission de la position de Vodafone sur le marché de l’accès fixe à Internet, en conséquence de laquelle elle a constaté une ESCE en
raison notamment de l’élimination de fortes contraintes concurrentielles entre les parties, malgré l’utilisation de ces mêmes technologies différentes, à savoir le câble pour ce qui était de Unitymedia et la technologie DSL pour ce qui était de Vodafone. La requérante ajoute que Vodafone comptait 800000 clients DSL à haut débit dans l’empreinte câblée de Unitymedia et que tous ces abonnés DSL auraient pu être desservis par l’offre IPTV de Vodafone à court terme et sans investissements
importants. La requérante en déduit que Vodafone avait à tout le moins la possibilité d’augmenter de manière rapide et significative sa clientèle IPTV dans l’empreinte câblée de Unitymedia.

228 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

229 À cet égard, il y a lieu de rappeler que les arguments de la requérante tirés d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation avancés dans le cadre de son premier moyen afférent au marché MDU ont été rejetés (voir points 72 à 90 ci-dessus en ce qui concerne la concurrence directe, points 91 à 116 ci-dessus en ce qui concerne la concurrence indirecte et points 117 à 156 ci-dessus en ce qui concerne la concurrence potentielle). La requérante ne pourrait, dès lors, se fonder valablement
sur une référence à ces arguments à l’appui de la deuxième branche de son deuxième moyen.

230 S’agissant des arguments spécifiques que la requérante invoque dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, il convient de procéder aux appréciations qui suivent.

231 En ce qui concerne, en premier lieu, le fait que les parties à la concentration surveillaient leurs activités respectives et comparaient leurs offres de produits, il convient de relever que la Commission a expliqué que ces cas d’analyses comparatives n’avaient pas été au-delà de « simples analyses comparatives commerciales visant à surveiller et éventuellement à imiter les meilleures pratiques dans le secteur » et que cette forme de comparaison, qui consistait en une analyse des performances du
marché ou des meilleures pratiques dans le secteur, y compris dans d’autres États membres ou dans des États tiers, ne pouvait, en soi, donner lieu à la moindre pression concurrentielle entre deux entreprises dont la disparition, en raison d’une opération de concentration, pourrait donner lieu à une ESCE. Comme l’indique à juste titre la Commission, si un câblo-opérateur européen surveille, voire imite, les meilleures pratiques d’un câblo-opérateur des États-Unis connaissant un succès important,
cela ne signifie pas pour autant que ces deux opérateurs se trouvent en situation de concurrence réelle, bien qu’indirecte.

232 La Commission a en outre indiqué que, en réponse à une question posée par le Tribunal, rien ne prouvait en l’espèce que ces analyses comparatives avaient été conçues pour guider les décisions commerciales de la partie qui les avait réalisées en réaction au comportement commercial de l’autre partie, ou qu’elles aient effectivement conduit à une quelconque réaction de l’une ou de l’autre des parties sur le plan de sa stratégie commerciale. Par ailleurs, il ressort du considérant 894 de la décision
attaquée, dont le contenu n’est pas contesté par la requérante, que les documents en question émanaient des équipes chargées des relations publiques (public affairs), de la communication et des relations avec les investisseurs, sans influence sur la stratégie commerciale des parties.

233 Le premier grief de la requérante formulé à l’appui de la deuxième branche du présent moyen doit, partant, être écarté.

234 En ce qui concerne, en deuxième lieu, les arguments de la requérante relatifs au mécanisme de fixation séquentielle des prix, il ne pourrait être reproché à la Commission d’avoir examiné si, en l’espèce, les parties à la concentration fixaient leurs prix de manière telle que cela aurait pu révéler l’existence d’un lien de concurrence indirecte entre elles.

235 En effet, ainsi que cela ressort de l’examen de la première branche du présent moyen, la Commission ne disposait pas de preuves suffisantes qui démontraient que les parties à la concentration surveillaient et comparaient leurs offres respectives dans une mesure telle que cette comparaison avait une influence sur leur stratégie commerciale. Dans ces circonstances, l’examen d’un mécanisme de transmission, sous la forme d’une fixation séquentielle des prix, permettait de vérifier s’il existait
malgré tout un lien entre les pratiques tarifaires des parties et, partant, une pression concurrentielle indirecte entre elles.

236 À cet égard, l’allégation de la requérante selon laquelle des pressions concurrentielles indirectes entre les parties à la concentration découlaient déjà du fait que Tele Columbus et elle-même appliquaient une politique nationale uniforme en matière de prix et étaient en concurrence avec les deux parties à la concentration dans leurs empreintes câblées n’est pas étayée. En outre, si tel était le cas, une modification de ses prix par l’une des parties à la concentration déclencherait, par le
biais de la réaction de Tele Columbus ou de la requérante face à ce changement, une modification des prix de l’autre partie. Or, c’est précisément ce que la Commission a recherché, et qu’elle n’a pas trouvé, dans le cadre de son examen de l’existence d’un mécanisme de fixation séquentielle des prix, ainsi que cela ressort du considérant 896 de la décision attaquée.

237 Le deuxième grief de la requérante formulé à l’appui de la deuxième branche du présent moyen doit, partant, être écarté.

238 En ce qui concerne, en troisième lieu, l’affirmation de la Commission au considérant 890 de la décision attaquée, contestée par la requérante, selon laquelle Vodafone et Unitymedia n’étaient pas des concurrents proches, au motif qu’elles utilisaient des technologies différentes, il convient tout d’abord de rejeter l’existence d’une contradiction alléguée entre cette affirmation et l’appréciation effectuée par la Commission de la position de Vodafone sur le marché de l’accès fixe à Internet.

239 En effet, une analyse comparée des motifs de la décision attaquée afférents au marché de l’accès fixe à Internet et des motifs de ladite décision afférents au marché SDU montre que, sur ces marchés, la situation de Vodafone était différente.

240 Sur le marché de l’accès fixe à Internet, il ressort du considérant 413 de la décision attaquée que Vodafone détenait une part non négligeable de [5-10] % sur l’empreinte câblée de Unitymedia. Par ailleurs, il ressort du considérant 417 de ladite décision que la Commission a constaté que la clientèle de Vodafone dans cette zone était en pleine croissance. Enfin, s’agissant de l’offre d’accès fixe à Internet au moyen de la technologie DSL sur l’empreinte câblée de Unitymedia, la Commission a
relevé, au considérant 454 de la décision attaquée, que Vodafone avait été en mesure d’opérer d’une manière plus compétitive que les autres fournisseurs d’accès opérant sur le fondement d’un accès de gros en raison de sa situation particulière et, plus précisément, de la détention d’actifs spécifiques. Il en découle que la Commission détenait plusieurs éléments de preuve qui démontraient l’importance de la position de Vodafone sur le marché de l’accès fixe à Internet dans l’empreinte câblée de
Unitymedia.

241 Par comparaison, sur le marché SDU, il ressort du tableau no 21, repris au considérant 853 de la décision attaquée, que le chevauchement entre les activités de Vodafone et celles de Unitymedia dans l’empreinte câblée de cette dernière était négligeable, puisque la part de marché de Vodafone y était quasiment nulle (que ce marché soit limité au câble et à l’IPTV ou qu’il englobe également le satellite et la télévision terrestre), comme l’a précisé la Commission au cours de la procédure devant le
Tribunal. Par ailleurs, il ressort de la première phrase du considérant 873 de la décision attaquée, divulguée par la Commission conformément à l’ordonnance du 30 mars 2023, que la Commission a observé que le nombre d’abonnés à l’IPTV de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia avait diminué au cours des deux années qui avaient précédé l’opération.

242 Il en découle que la position de Vodafone sur ces deux marchés était différente, avec pour conséquence que la Commission pouvait, sans se contredire, adopter une appréciation différente en ce qui concerne le marché SDU de celle concernant le marché de l’accès fixe à Internet et conclure à l’existence d’une ESCE sur ce dernier marché, en raison notamment de l’élimination de fortes contraintes concurrentielles entre les parties, malgré l’utilisation de ces mêmes technologies différentes.

243 S’agissant, finalement, de l’allégation de la requérante selon laquelle Vodafone aurait pu convertir ses clients DSL à haut débit dans l’empreinte câblée de Unitymedia en clients IPTV, il ressort de la première phrase du considérant 874 de la décision attaquée, divulguée par la Commission conformément à l’ordonnance du 30 mars 2023, que Vodafone a cessé de vendre son produit IPTV, fondé sur la technologie DSL, à de nouveaux clients en mars 2019, ce que la requérante ne conteste pas. La
Commission n’a pas, dès lors, commis d’erreur manifeste d’appréciation en ne tenant pas compte, dans son examen de l’existence d’une concurrence potentielle exercée par Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia sur le marché SDU, de la possibilité, invoquée par la requérante, que Vodafone convertisse ces clients DSL en clients SDU.

244 Le troisième grief de la requérante formulé à l’appui de la deuxième branche du présent moyen doit, partant, être écarté.

245 Il découle de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne concluant pas que l’opération aurait éliminé la concurrence réelle et potentielle entre les parties à la concentration sur le marché SDU, avec pour conséquence que la deuxième branche du deuxième moyen doit être écartée.

4.   Sur la troisième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission n’a pas estimé que l’opération affaiblirait les concurrents restants

246 Se référant à ses premier, troisième et quatrième moyens, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que l’immense pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration vis-à-vis des télédiffuseurs sur les marchés télévisuels de gros aurait affaibli davantage les pressions concurrentielles exercées par les concurrents restants, ce qui aurait dû suffire, selon elle, pour constater une ESCE sur le marché SDU.

247 Selon la requérante, la détérioration des conditions de concurrence aurait affecté encore plus d’acteurs que sur le marché MDU, puisqu’il existait plus de concurrents actifs sur le marché SDU, qui auraient tous fait face à une nouvelle entité capable et désireuse de conclure des accords d’exclusivité (totale ou partielle) avec des chaînes de télévision-fournisseurs de contenu et de détériorer l’accès des concurrents aux marchés télévisuels de gros en amont.

248 La Commission conteste les arguments de la requérante.

249 À cet égard, en vue de démontrer un affaiblissement de la pression concurrentielle exercée par les concurrents restants sur le marché SDU, la requérante invoque le même argument que celui qu’elle avait avancé à cette fin dans le cadre de son premier moyen afférent au marché MDU, auquel elle se réfère d’ailleurs à l’appui de la troisième branche du présent moyen. Or, cet argument a été rejeté pour les raisons exposées aux points 174 à 184 ci-dessus, notamment en raison du fait que les concurrents
de plus petite taille n’étaient, de l’aveu de la requérante, déjà pas en mesure, avant la concentration, d’exercer une pression concurrentielle sur les parties à la concentration, de sorte que cette troisième branche ne saurait prospérer.

250 En tout état de cause, il y a lieu de constater que la requérante ne remet pas en question le constat de la Commission, formulé aux considérants 897 à 901 de la décision attaquée, selon lequel de nombreux concurrents, tels que la requérante, Tele Columbus et plusieurs opérateurs urbains (city carriers), voire des opérateurs de services de satellite, demeureraient actifs sur le marché SDU à l’issue de la concentration et ne conteste pas non plus l’existence, sur ce marché, de pressions
concurrentielles croissantes de la part de nouveaux opérateurs ainsi que de nombreux fournisseurs de services de télévision OTT (voir considérant 903), qui a permis à la Commission de conclure que la concentration n’affaiblirait pas les pressions concurrentielles exercées par les concurrents restants sur le marché SDU.

251 Dès lors, la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a considéré que l’opération n’aurait pas entraîné un affaiblissement de la pression concurrentielle exercée par les concurrents des parties à la concentration sur le marché SDU, avec pour conséquence que la troisième branche du deuxième moyen doit être écartée.

252 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

D. Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation concernant les effets verticaux de l’opération sur les services intermédiaires de transmission de signaux de télévision

253 À l’appui de son troisième moyen, la requérante soutient que l’analyse effectuée par la Commission dans la décision attaquée concernant les effets verticaux de l’opération sur les services intermédiaires de transmission de signaux de télévision serait entachée d’erreurs manifestes d’appréciation.

1.   Considérations liminaires

254 Comme exposé au point 35 ci-dessus, sur le marché intermédiaire, les opérateurs du réseau de niveau 3, tels que Vodafone et Unitymedia, fournissent, via un accès de gros, des signaux de télévision aux opérateurs de réseau de niveau 4, tels que Tele Columbus, afin de permettre à ces derniers de fournir au détail des services de transmission de signaux de télévision, notamment aux clients MDU.

255 Dans la décision attaquée, la Commission a analysé les effets verticaux de la concentration et a, notamment, examiné la probabilité d’une éviction de ces opérateurs par l’entité issue de la concentration qui aurait pris la forme d’une détérioration de leurs conditions sur le marché intermédiaire en amont dans l’empreinte câblée de Unitymedia, en réponse à des plaintes reçues à cet égard (voir considérants 1476 à 1506).

256 À titre préliminaire, la Commission a tout d’abord observé, au considérant 1476 de la décision attaquée, que la concentration ne créerait aucun nouveau lien vertical entre le marché intermédiaire en amont et le marché MDU en aval, étant donné que tant Vodafone que Unitymedia étaient déjà actives sur ces deux marchés dans leurs empreintes câblées respectives. La Commission a dès lors considéré que la concentration ne donnerait lieu à aucun changement propre dans la structure des marchés
concernés, que ce soit en amont ou en aval. La Commission a également expliqué que, étant donné que Tele Columbus était le seul concurrent important s’approvisionnant sur le marché intermédiaire auprès des parties à la concentration, elle avait concentré son analyse sur les effets probables, sur la contrainte concurrentielle exercée par cet opérateur, d’une détérioration de ses conditions commerciales (voir considérants 1478 à 1480).

257 Ensuite, en ce qui concernait, premièrement, la capacité de l’entité issue de la concentration d’évincer Tele Columbus, la Commission a vérifié si cette entité aurait la capacité technique de cesser de fournir un accès de gros à Tele Columbus ou de détériorer, à l’égard de cette dernière, les conditions relatives à cet accès sur le marché intermédiaire (voir considérants 1483 à 1491 de la décision attaquée).

258 Dans ce cadre, la Commission a indiqué qu’il existait un accord-cadre entre Unitymedia et Tele Columbus stipulant que ce dernier opérateur était contractuellement protégé à moyen terme en ce qui concernait une partie de ses clients desservis grâce aux signaux intermédiaires fournis par Unitymedia. La Commission en a déduit que l’entité issue de la concentration aurait la capacité de détériorer les conditions commerciales applicables aux services intermédiaires de transmission de signaux de
télévision de Tele Columbus en ce qui concernait une partie seulement de ses clients MDU dans l’empreinte câblée de Unitymedia.

259 La Commission a ensuite ajouté que, pour que l’entité issue de la concentration pût avoir la capacité technique d’évincer Tele Columbus du marché MDU, elle devait bénéficier d’une puissance de marché significative sur le marché intermédiaire en amont. Eu égard au peu d’alternatives crédibles disponibles sur ce marché, la Commission a considéré que tel serait le cas à l’issue de la concentration, mais a ajouté que tel était également déjà le cas préalablement à cette opération, puisque Unitymedia
disposait déjà, dans son empreinte câblée, d’une telle puissance vis-à-vis de Tele Columbus. La Commission en a déduit que la concentration ne modifierait en rien cela, avec pour conséquence que cette opération n’aurait aucun impact sur la capacité de l’entité issue de la concentration d’évincer les opérateurs du réseau de niveau 4 dans l’empreinte câblée de chacune des parties à la concentration.

260 En ce qui concernait, deuxièmement, l’intérêt de l’entité issue de la concentration à évincer Tele Columbus, la Commission a vérifié si cette entité pourrait être incitée, à l’issue de cette opération, à appliquer ses conditions d’accès à son réseau de niveau 3, considérées par Tele Columbus comme moins favorables que celles qu’appliquait Unitymedia, également dans l’empreinte câblée de cette dernière (voir considérants 1492 à 1496 de la décision attaquée).

261 Dans ce cadre, la Commission a estimé que, même si les conditions d’accès de Vodafone devaient être considérées comme moins favorables et même si l’entité issue de la concentration était incitée à les appliquer dans l’empreinte câblée de Unitymedia à l’issue de cette opération, un tel changement dans la stratégie commerciale de cette entité ne découlerait nullement d’une modification de la structure du marché provoquée par la concentration. En d’autres termes, une éventuelle détérioration des
conditions d’accès à son réseau de niveau 3 offertes par l’entité issue de la concentration aux opérateurs de réseau de niveau 4 ne découlerait, selon la Commission dans la décision attaquée, que d’un simple changement dans l’approche commerciale de cette entité, qui aurait très bien pu avoir lieu indépendamment de la concentration et qui, partant, n’aurait pas été propre à celle-ci.

262 La Commission en a conclu que l’entité issue de la concentration n’aurait aucun intérêt à évincer Tele Columbus du marché MDU propre à la concentration.

263 Troisièmement, la Commission a examiné les effets qu’aurait eus sur la concurrence le scénario où Vodafone aurait eu la capacité et l’intérêt à étendre, à l’issue de la concentration, ses conditions prétendument moins favorables sur le marché intermédiaire dans l’empreinte câblée de Unitymedia et a conclu, pour les raisons suivantes, que de tels effets auraient été limités (voir considérants 1497 à 1505 de la décision attaquée).

264 Tout d’abord, elle est parvenue à cette conclusion parce qu’elle a constaté que l’affaiblissement de Tele Columbus dans l’empreinte câblée de Unitymedia n’affecterait pas l’activité principale de cet opérateur, à savoir l’offre au détail de services de transmission de signaux de télévision sur le marché MDU par le biais de son propre réseau de niveau 3, situé en grande partie dans l’empreinte câblée de Vodafone (voir considérant 1501 de la décision attaquée).

265 Ensuite, la Commission a également considéré que Tele Columbus ne constituait pas une contrainte concurrentielle importante sur le marché MDU dans l’empreinte câblée de Unitymedia. En effet, la Commission a constaté que Tele Columbus ne pouvait pas participer aux appels d’offres lancés par des clients MDU requérant des mises à jour du réseau de niveau 3, que la part de marché de Tele Columbus concernée ne représentait que [0-5] % et que Tele Columbus n’avait pas participé à un nombre
significatif d’appels d’offres dans l’empreinte câblée de Unitymedia. La Commission en a déduit que très peu d’opportunités existantes ou nouvelles pouvaient être affectées par un verrouillage de Tele Columbus. En tout état de cause, même si l’accès de Tele Columbus aux intrants était verrouillé dans l’empreinte câblée de Unitymedia, la Commission a relevé qu’un tel verrouillage ne concernerait que ses activités de revendeur du produit de cette dernière, lesquelles ne donnaient pas lieu à une
contrainte concurrentielle importante (voir considérants 1502 et 1503 de la décision attaquée).

266 Enfin, la Commission a expliqué que Tele Columbus n’avait déployé que de manière très limitée son réseau de niveau 3 au cours des années précédant la décision attaquée et que rien ne prouvait que cet opérateur aurait, si la concentration n’avait pas eu lieu, utilisé le signal de Unitymedia pour construire sa propre infrastructure (voir considérant 1504 de la décision attaquée).

267 En tout cas, la Commission a pris note du fait que Vodafone avait fait deux offres irrévocables à Tele Columbus, lui garantissant que ses conditions commerciales applicables aux services intermédiaires de transmission de signaux de télévision demeureraient, à l’issue de la concentration, inchangées dans l’empreinte câblée de Unitymedia (voir considérant 1505 de la décision attaquée).

268 La Commission en a conclu que la concentration n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective sur le marché MDU en raison d’effets verticaux non coordonnés (voir considérant 1506 de la décision attaquée).

269 En l’espèce, l’argumentation de la requérante au soutien du présent moyen peut être divisée en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir que la Commission nierait à tort que la transposition probable, par Vodafone, de ses conditions commerciales moins favorables applicables aux services intermédiaires de transmission de signaux de télévision à l’égard des opérateurs de réseau de niveau 4, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, à l’issue de la concentration,
serait propre à celle-ci. À l’appui de cette première branche, la requérante remet en cause le raisonnement suivi par la Commission aux considérants 1494 à 1496 de la décision attaquée. Dans le cadre de la seconde branche, la requérante conteste la conclusion à laquelle est parvenue la Commission quant aux effets sur la concurrence sur le marché MDU en aval d’une détérioration, à l’égard de Tele Columbus, des conditions sur le marché intermédiaire dans l’empreinte câblée de Unitymedia.

270 À cet égard, le Tribunal estime opportun de commencer par l’examen de la seconde branche.

2.   Sur la seconde branche, tirée d’erreurs manifestes commises par la Commission dans son appréciation des effets potentiels d’une stratégie d’éviction sur la concurrence en aval

271 En premier lieu, la requérante fait valoir que, dans le cadre de son examen des effets potentiels d’une détérioration des conditions applicables sur le marché intermédiaire, sur la concurrence en aval, la Commission n’aurait pas tenu compte d’éléments de preuve existants, à savoir des déclarations de Tele Columbus, selon lesquelles cette dernière ne se serait appuyée que temporairement sur les services intermédiaires de transmission de signaux de télévision fournis par Unitymedia préalablement à
la concentration, en attendant de déployer son propre réseau de niveau 3. Par ailleurs, la Commission aurait aussi sous-estimé le fait que d’autres opérateurs du réseau de niveau 4 auraient eux aussi pu utiliser, de manière temporaire, l’accès au réseau de niveau 3 des parties à la concentration pour atteindre des clients MDU, avant de déployer leur propre réseau de niveau 3.

272 En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission a erronément considéré qu’une éviction de Tele Columbus n’aurait pas affaibli la pression concurrentielle exercée par cette dernière sur le marché MDU, puisque semblable éviction n’aurait affecté que ses activités de revente du produit de Unitymedia. Or, selon la requérante, étant donné que Tele Columbus était libre de décider du prix et des conditions applicables à la revente de ce produit, elle exerçait bien une pression
concurrentielle sur Unitymedia.

273 En troisième lieu, la requérante fait valoir que la Commission n’aurait pas dû, dans le cadre de son analyse des effets verticaux de l’opération, tenir compte de l’offre irrévocable de Vodafone de ne pas détériorer les conditions contractuelles appliquées à Tele Columbus dans l’empreinte câblée de Unitymedia. En effet, pareille offre ne répondait manifestement pas aux exigences de la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément aux règlements
nos 139/2004 et 802/2004 (JO 2008, C 267, p. 1, ci-après la « communication concernant les mesures correctives ») et ne pouvait, de ce fait, constituer un fondement suffisant pour exclure l’existence d’une ESCE sur le marché MDU en raison d’effets verticaux non coordonnés.

274 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

275 À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ressort du paragraphe 31 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 265, p. 6, ci-après les « lignes directrices sur les concentrations non horizontales ») que se produit un verrouillage du marché des intrants lorsque, à l’issue de la concentration en cause, la nouvelle entité est susceptible de restreindre l’accès
aux produits ou aux services qu’elle aurait fournis si ladite concentration n’avait pas eu lieu, notamment lorsque cette entité est susceptible d’accroître les coûts de ses concurrents situés en aval, en rendant plus difficile pour ces derniers l’approvisionnement en intrants à des prix et à des conditions identiques à ceux qui auraient prévalu en l’absence de cette concentration.

276 Aux termes du paragraphe 32 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales, lors de l’évaluation de la probabilité d’un scénario de verrouillage anticoncurrentiel du marché des intrants, la Commission examine, premièrement, si l’entité issue de la concentration aurait, à l’issue de l’opération de concentration, la capacité de verrouiller l’accès aux intrants de manière significative, deuxièmement, si elle aurait intérêt à le faire et, troisièmement, si une stratégie de
verrouillage du marché aurait une incidence négative significative sur la concurrence en aval.

277 Il convient d’observer que ces trois conditions sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’elles est suffisante pour exclure le risque de verrouillage des intrants anticoncurrentiel (arrêts du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, points 118 et 119, et du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T‑691/18, non publié, EU:T:2021:43, points 111 et 112). Par ailleurs, en ce qui concerne plus particulièrement la troisième de ces conditions, il convient de relever que, pour que
pareille condition soit remplie, il faut démontrer une incidence négative qui soit significative sur la concurrence en aval, ce qui ressort du paragraphe 32 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales.

278 Il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, malgré l’absence de nouveau lien vertical entre le marché intermédiaire en amont et le marché MDU en aval résultant de la concentration, la Commission a, aux considérants 1476 à 1506, examiné ces trois conditions sans que cette approche soit, en tant que telle, critiquée par la requérante.

279 À l’appui de la seconde branche du présent moyen, la requérante avance plusieurs éléments aux fins de démontrer que la Commission aurait, dans la décision attaquée, conclu de manière manifestement erronée que la troisième condition n’était pas remplie.

280 À cet égard, il y a lieu de relever que, dans ce cadre, la requérante ne remet pas en cause plusieurs éléments importants sur lesquels s’est appuyée la Commission aux fins de démontrer le caractère limité des effets qu’aurait sur la concurrence une stratégie d’éviction mise en place par l’entité issue de la concentration, qui consisterait à détériorer, à l’égard de Tele Columbus (et d’autres opérateurs de réseau de niveau 4), les conditions commerciales applicables aux services intermédiaires de
transmission de signaux de télévision dans l’empreinte câblée de Unitymedia.

281 Ainsi, la requérante ne conteste pas qu’une telle stratégie n’affecterait pas l’activité principale de Tele Columbus, puisque celle-ci s’exerçait en dehors de l’empreinte câblée de Unitymedia. Par ailleurs, la requérante ne remet pas en question plusieurs des éléments qui ont conduit la Commission à conclure qu’une éventuelle stratégie de verrouillage du marché n’aurait en tout cas pas d’incidence négative significative sur la concurrence en aval, à savoir le fait que Tele Columbus ne pouvait
pas participer aux appels d’offres requérant des mises à jour du réseau de niveau 3, le caractère minime, puisque de [0-5] %, de la part de marché de Tele Columbus concernée, et la participation limitée de Tele Columbus à des appels d’offres dans l’empreinte câblée de Unitymedia.

282 En outre, il convient d’examiner les autres arguments avancés par la requérante.

283 S’agissant, en premier lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle Tele Columbus ne se serait appuyée que temporairement sur les services intermédiaires de transmission de signaux de télévision fournis par Unitymedia en attendant de déployer son propre réseau de niveau 3, il y a lieu d’observer que la requérante fait essentiellement valoir que les appréciations de la Commission étaient fondées sur la réponse de Vodafone à la communication des griefs et soutient que la Commission
n’explique pas en quoi cette réponse serait plus crédible que les propres déclarations de Tele Columbus elle-même.

284 Or, il ressort du considérant 798 et de la figure 20 de la décision attaquée, auxquels se réfère la Commission au considérant 1504 de ladite décision, que les appréciations effectuées par la Commission sont fondées à la fois sur la réponse à la communication des griefs et sur les propres chiffres communiqués par Tele Colombus elle-même. Les éléments de preuve présentés au considérant 744, sous a), et aux considérants 797 à 799 de la décision attaquée montrent que Tele Columbus n’avait pas
véritablement entrepris de duplication du réseau câblé d’un autre opérateur au cours des années ayant précédé l’adoption de la décision attaquée, ce que la requérante ne conteste d’ailleurs pas. En particulier, la figure 20 de la décision attaquée, incluse au considérant 798 de ladite décision, montre que le nombre de foyers connectés au réseau de Tele Columbus n’avait pas sensiblement augmenté entre 2012 et 2018, si ce n’est en raison de l’acquisition d’actifs préexistants d’autres sociétés.
Or, la requérante ne produit aucun élément de preuve contredisant la conclusion selon laquelle Tele Columbus « n’a[vait] que très peu développé son infrastructure de niveau 3 ces dernières années ».

285 La requérante fait encore valoir qu’un investissement dans l’infrastructure de niveau 3 n’aurait pas entraîné automatiquement une augmentation du nombre de foyers effectivement connectés (contrairement à ce qui ressortait du considérant 799 de la décision attaquée). En outre, selon la requérante, la stagnation du nombre total de foyers connectés ne suffisait pas à démontrer l’importance de Tele Columbus sur le plan de la concurrence, puisque l’acquisition de nouveaux clients grâce à l’expansion
du réseau aurait pu être compensée par la perte temporaire d’autres clients.

286 À cet égard, il y a lieu de souligner que l’absence d’augmentation du nombre de foyers effectivement connectés par Tele Columbus constituait une indication sérieuse de l’absence d’investissement significatif dans l’extension de son réseau ou, à tout le moins, de l’absence de succès ou de rentabilité d’une éventuelle expansion de réseau. Par ailleurs, la requérante ne propose pas de méthodes pour mesurer l’effet concurrentiel d’une extension de réseau autres que celle de l’augmentation de foyers
connectés.

287 Enfin, la requérante soutient que d’autres concurrents, tels qu’elle-même, auraient pu utiliser l’accès (temporaire) à l’infrastructure de niveau 3 des parties à la concentration pour pouvoir entrer en concurrence sur le marché MDU, avant de déployer de manière continue leurs propres réseaux (fibre) de niveau 3.

288 Cependant, ainsi que l’a indiqué en substance la Commission au considérant 1479 de la décision attaquée, les opérateurs indépendants de niveau 4 ne jouent qu’un rôle très limité dans les rapports de concurrence. Par ailleurs, comme le fait valoir la Commission sans être contredite par la requérante, cette dernière n’avait, à la date de la décision attaquée, pas fait usage de l’accès à l’infrastructure de niveau 3 des parties à la concentration pour pouvoir entrer en concurrence sur le marché
MDU, avant de déployer de manière continue son propre réseau de fibre optique. Enfin, la requérante n’a produit aucun élément prouvant qu’elle comptait, dans un avenir proche, accéder à l’infrastructure de niveau 3 des parties à la concentration pour pouvoir entrer en concurrence sur le marché MDU, avant de déployer de manière continue son propre réseau de fibre optique.

289 S’agissant, en deuxième lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle Tele Columbus exerçait une contrainte concurrentielle sur Unitymedia, malgré le fait qu’elle ne faisait que revendre le produit de cette dernière dans l’empreinte câblée de celle-ci, force est de constater que cette simple allégation n’est pas accompagnée d’éléments permettant de remettre en cause les explications qui figurent aux considérants 1501 et 1503 de la décision attaquée, tels que rappelés aux points 264
et 265 ci-dessus.

290 Il s’ensuit que les arguments avancés par la requérante ne démontrent pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, lorsqu’elle a considéré que les éléments dont elle disposait montraient que l’affaiblissement de Tele Columbus sur l’empreinte câblée de Unitymedia aurait des effets limités sur la concurrence sur le marché MDU.

291 S’agissant, en troisième lieu, des offres irrévocables faites par Vodafone à Tele Columbus et de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission ne pouvait en tenir compte, il découle de ces deux offres que Vodafone a signalé clairement sa volonté de ne pas détériorer les conditions de Tele Columbus dans l’empreinte câblée de Unitymedia, ce dont la Commission était en droit de tenir compte dans son examen des effets. En effet, aucune disposition du règlement no 139/2004 n’empêchait la
Commission de prendre en considération cet élément de fait afin de renforcer sa conclusion selon laquelle l’opération n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective sur le marché MDU, ainsi que sur le marché potentiel régional correspondant à l’empreinte câblée de Unitymedia, en raison d’effets verticaux non coordonnés.

292 La Commission a, ainsi que cela ressort de la décision attaquée, uniquement pris acte des offres irrévocables de Vodafone en tant qu’élément de fait supplémentaire au soutien de sa conclusion. En effet, la Commission n’a pas fait de ces offres une obligation au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004.

293 Partant, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a considéré qu’une éventuelle stratégie de verrouillage n’aurait pas eu une incidence négative significative sur la concurrence en aval.

294 Par ailleurs, la capacité de verrouiller l’accès aux intrants de manière significative, l’intérêt à le faire et les effets négatifs sur la concurrence en aval d’une stratégie de verrouillage du marché constituent trois conditions cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’elles est suffisante pour exclure le risque de verrouillage des intrants anticoncurrentiel (voir point 277 ci-dessus et jurisprudence citée).

295 Par conséquent, dans la mesure où la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans son appréciation des effets potentiels d’une stratégie d’éviction sur la concurrence en aval (à savoir la troisième de ces conditions), la seconde branche du troisième moyen doit être rejetée. Partant, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de la première branche, tirée du caractère prétendument erroné du raisonnement suivi par la Commission aux
considérants 1494 à 1496 de la décision attaquée, à l’issue duquel la Commission a conclu que l’entité issue de la concentration n’aurait aucun intérêt à évincer Tele Columbus du marché MDU propre à la concentration (à savoir la deuxième de ces conditions).

296 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la seconde branche du troisième moyen et le troisième moyen dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

E. Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission concernant les effets de l’opération sur le marché de gros de l’acquisition de chaînes de télévision et sur le marché de rachat de signaux de télévision

297 À l’appui de son quatrième moyen, la requérante soutient que l’analyse effectuée par la Commission dans la décision attaquée concernant les effets de l’opération sur le marché de gros de l’acquisition de chaînes de télévision et sur le marché de rachat de signaux de télévision est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation.

1.   Considérations liminaires

298 Comme exposé aux points 25 et 26 ci-dessus, sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision, les télédiffuseurs (offreurs) fournissaient des chaînes de télévision que les fournisseurs au détail de services de télévision (demandeurs), tels que Vodafone, Unitymedia ou la requérante, acquéraient afin de fournir des services audiovisuels aux utilisateurs finals. Sur le marché de rachat de signaux de télévision, ces mêmes fournisseurs de services de télévision au
détail (offreurs) utilisaient leur infrastructure pour offrir à ces mêmes télédiffuseurs (demandeurs), en échange du paiement de redevances de rachat, un service de transmission de signaux de télévision pour leurs chaînes. En d’autres termes, les acteurs sur le marché de rachat de signaux de télévision étaient les mêmes que sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision, mais les fournisseurs de services de télévision, tels que les parties à la concentration,
se situaient du côté de l’offre sur le premier marché et du côté de la demande sur le second marché. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que ces deux marchés de gros étaient étroitement liés, dans la mesure où les négociations entre les télédiffuseurs et les fournisseurs au détail de services de télévision couvraient habituellement les deux aspects (transmission de signaux, d’une part, et acquisition de chaînes, d’autre part).

299 Au terme de son analyse de ces marchés, la Commission a considéré que l’opération n’entraverait pas de manière significative la concurrence effective sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision.

300 Sur le marché de rachat de signaux de télévision, la Commission a conclu à l’existence d’une ESCE résultant de la capacité et de l’incitation de l’entité issue de la concentration, d’une part, à aggraver les conditions contractuelles et financières imposées par cette entité aux télédiffuseurs et, d’autre part, à entraver l’émergence et le développement de services de télévision innovants, tels que l’OTT et la HBBTV, et a considéré que cela aurait des effets négatifs sur les téléspectateurs en
Allemagne (voir, d’une part, considérants 1205 à 1265 et, d’autre part, considérants 1266 à 1292 de la décision attaquée).

301 La Commission a, en revanche, considéré qu’il n’était pas possible de conclure que, à la suite de l’augmentation du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration sur ce marché, ladite entité obtiendrait probablement des conditions de la part des télédiffuseurs et des titulaires de droits de télévision prenant la forme d’accords d’exclusivité, qui auraient une incidence négative sur l’accès des fournisseurs au détail de télévision concurrents aux chaînes ou aux contenus de télévision.

302 À cet égard, la Commission a tout d’abord observé, au considérant 1164 de la décision attaquée, que ce marché n’était pas caractérisé, en Allemagne, par de tels accords d’exclusivité entre télédiffuseurs et titulaires de droits de télévision, d’une part, et fournisseurs de services de télévision au détail, d’autre part.

303 La Commission a ensuite examiné si, en raison de l’augmentation de son pouvoir de marché en tant que fournisseur au détail de signaux de télévision, l’entité issue de la concentration aurait la possibilité de contraindre les télédiffuseurs et titulaires de droits de télévision à lui concéder des accords d’exclusivité portant sur des chaînes ou contenus télévisés. Dans ce cadre, la Commission a indiqué avoir, en particulier, concentré son analyse sur la ligue allemande de football (Bundesliga), à
savoir l’événement sportif le plus important en Allemagne, tout en précisant que les mêmes considérations s’appliquaient à d’autres événements sportifs ou contenus télévisés populaires, pour lesquels elle n’avait pas trouvé de preuves directes dans le dossier (voir considérant 1165 de la décision attaquée).

304 Premièrement, aux considérants 1173 à 1176 de la décision attaquée, la Commission a examiné si Sky, détenteur de la majorité des droits exclusifs de diffusion de la Bundesliga, serait susceptible d’accepter de conclure des accords d’exclusivité avec l’entité issue de la concentration. La Commission a conclu qu’il était peu probable que tel soit le cas, étant donné que s’il est vrai que Sky dépendait de l’entité issue de la concentration pour distribuer ses contenus, ce télédiffuseur dépendait de
la même manière, voire davantage, d’autres moyens de diffusion, notamment de l’opérateur de télévision par satellite Astra, avec pour conséquence que Sky perdrait une part substantielle de ses revenus dans l’hypothèse où elle conclurait un accord d’exclusivité avec l’entité issue de la concentration. La Commission a également tenu compte du fait que Sky, acteur international et principal fournisseur de services de télévision payants en Allemagne, bénéficiait d’une puissance d’achat compensatrice
certaine.

305 Deuxièmement, aux considérants 1177 à 1183 de la décision attaquée, la Commission a vérifié si l’entité issue de la concentration pourrait raisonnablement suivre une stratégie visant à obtenir un accès exclusif à d’autres chaînes ou contenus télévisés, vis-à-vis notamment de télédiffuseurs ou titulaires de droits de télévision bénéficiant d’une puissance d’achat compensatrice moindre que Sky. Se fondant sur des documents internes des parties à la concentration et sur leur réponse à la
communication des griefs, la Commission a considéré que, même si l’entité issue de la concentration avait la capacité de mettre en œuvre une telle stratégie, il était douteux qu’elle fût incitée à le faire étant donné qu’une telle stratégie aurait eu des coûts d’implémentation élevés, mais des résultats incertains en termes de bénéfices.

306 Troisièmement, aux considérants 1184 à 1197 de la décision attaquée, la Commission a approfondi son analyse portant sur l’incitation de l’entité issue de la concentration à évincer ses concurrents grâce à l’acquisition de droits exclusifs sur certains contenus télévisés, en examinant les documents internes des parties afférant à une telle stratégie. Selon la Commission, il ressortait de ces documents que chacune des parties à la concentration avait déjà envisagé la possibilité d’acquérir des
chaînes ou des contenus sportifs de manière exclusive, mais avait finalement abandonné de tels projets, ce que ces parties avaient expliqué, éléments de preuve à l’appui, en réponse à la communication des griefs. La Commission en a déduit qu’il ne pouvait être conclu que l’entité issue de la concentration aurait été incitée à utiliser sa clientèle plus large aux fins de négocier avec les télédiffuseurs certains accords exclusifs portant sur des contenus « premium », en vue d’évincer les
fournisseurs au détail concurrents de services de télévision.

307 Finalement, dans un souci d’exhaustivité, la Commission a examiné, aux considérants 1198 à 1203 de la décision attaquée, si une hypothétique stratégie d’exclusivité mise en place par l’entité issue de la concentration pourrait produire des effets anticoncurrentiels significatifs provoquant, en particulier, l’éviction de fournisseurs au détail concurrents de services de télévision, avec des conséquences néfastes sur les consommateurs.

308 Se fondant sur des données démontrant que la grande majorité des téléspectateurs allemands ne changeraient pas de fournisseur au détail de services de télévision afin d’avoir accès à des contenus sportifs exclusifs, la Commission a estimé que, même dans l’hypothèse où l’entité issue de la concentration mettrait en œuvre une stratégie d’exclusivité, cela ne priverait pas les fournisseurs concurrents d’une importante base de clientèle. La Commission a également tenu compte du fait que, même dans
pareille hypothèse, l’entité issue de la concentration serait confrontée à la concurrence de Sky, laquelle poursuivait une stratégie de distribution non exclusive de ses contenus télévisés sur différentes plateformes, ce qui permettrait aux fournisseurs concurrents d’avoir, en tout cas, accès à ses contenus « premium ». La Commission en a déduit qu’il était improbable que la mise en place d’une stratégie d’exclusivité par l’entité issue de la concentration pût produire des effets
anticoncurrentiels significatifs.

309 Pour l’ensemble de ces raisons, la Commission a conclu, au considérant 1204 de la décision attaquée, que même si l’entité issue de la concentration bénéficiait d’un pouvoir de marché accru à l’issue de cette opération, il n’était pas possible de conclure que cette dernière aurait obtenu probablement des conditions de la part des télédiffuseurs et des titulaires de droits de télévision prenant la forme d’accords d’exclusivité, qui auraient une incidence négative sur l’accès des fournisseurs au
détail de télévision concurrents aux chaînes ou aux contenus de télévision.

310 En l’espèce, l’argumentation de la requérante au soutien du présent moyen est divisée en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir que la conclusion à laquelle est parvenue la Commission, à savoir que les télédiffuseurs et les titulaires de droits de télévision n’auraient pas été susceptibles d’accorder des accords d’exclusivité à l’entité issue de la concentration en dépit de l’accroissement du pouvoir de marché de cette dernière, est inexacte et repose sur
une appréciation incomplète et manifestement erronée des effets de l’opération sur la concurrence sur le marché de rachat de signaux de télévision. À l’appui de la seconde branche, la requérante reproche à la Commission de s’être limitée à examiner si l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’incitation d’entraver l’émergence et le développement de la télévision OTT et HBBTV, mais n’aurait pas tenu compte de l’incidence de l’opération sur d’autres services télévisuels aussi
innovants, tels que l’IPTV.

2.   Sur la première branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation concernant le verrouillage du marché moyennant des accords d’exclusivité (partielle ou totale)

311 À l’appui de la première branche du présent moyen, en premier lieu, la requérante fait valoir que l’appréciation, dans la décision attaquée, de l’incitation de l’entité issue de la concentration à conclure des accords d’exclusivité totale serait erronée et incomplète.

312 En deuxième lieu, la requérante soutient que l’appréciation, dans la décision attaquée, de l’incitation de l’entité issue de la concentration à mettre en œuvre une stratégie d’exclusivité partielle serait incomplète.

313 En troisième lieu, la requérante conteste la conclusion de la Commission, selon laquelle un hypothétique verrouillage complet ou partiel des contenus ne serait pas susceptible d’avoir des effets anticoncurrentiels significatifs.

a)   Sur le caractère prétendument incomplet et erroné de l’examen de la Commission portant sur l’incitation de l’entité issue de la concentration à conclure des accords d’exclusivité totale

314 Selon la requérante, premièrement, la Commission n’a pas tenu compte du fait que les coûts découlant de la conclusion d’accords d’exclusivité totale diminueraient à mesure que le nombre de clients finals de la plateforme augmente et a, de ce fait, erronément conclu que l’entité issue de la concentration ne serait pas incitée à conclure de tels accords. La requérante ajoute que Unitymedia avait, par le passé, acquis certains droits sur la Bundesliga, ce qui montrait qu’une telle stratégie avait
déjà existé. Or, eu égard à l’augmentation de sa clientèle découlant de l’opération, une exclusivité aurait été plus intéressante pour l’entité issue de la concentration.

315 Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’examen mené par la Commission est incomplet, étant donné qu’il n’a porté que sur l’hypothèse de l’acquisition de droits exclusifs pour la Bundesliga, et erroné, puisque la Commission a, à tort, considéré que les considérations applicables aux droits de la Bundesliga s’appliqueraient également à d’autres manifestations sportives ou contenus populaires, alors que les avantages potentiels d’une stratégie de verrouillage de tels contenus étaient, selon
la requérante, différents.

316 Troisièmement, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les avantages d’une stratégie d’exclusivité pour l’entité issue de la concentration (et la propension des télédiffuseurs à accepter des accords d’exclusivité) seraient susceptibles de changer à l’avenir, en raison des possibilités accrues qu’aurait l’entité issue de la concentration de proposer des offres groupées multiservices à une très large clientèle dans toute l’Allemagne et du fait que des
contenus exclusifs pourraient aider l’entité issue de la concentration à augmenter ses ventes d’offres CFM à des clients qui pourraient visionner ces contenus sur leur téléphone portable.

317 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

318 À cet égard, premièrement, il convient de relever que la requérante ne remet pas en cause les appréciations de la Commission ayant permis à cette dernière de conclure qu’il était peu probable que l’entité issue de la concentration fût incitée à conclure un accord d’exclusivité totale avec Sky, telles qu’exposées aux considérants 1173 à 1176 de la décision attaquée (voir point 304 ci-dessus), fondées notamment sur le fait que Sky dépendait de la même manière, voire davantage, d’autres opérateurs
que l’entité issue de la concentration pour pouvoir diffuser ses contenus. Lors de l’audience de plaidoiries, la requérante a d’ailleurs confirmé qu’elle ne contestait pas le fait que l’incitation de Sky à conclure un accord d’exclusivité totale avec l’entité issue de la concentration fût limitée.

319 Par ailleurs, en ce qui concerne les appréciations de la Commission ayant permis à cette dernière de conclure qu’il était douteux que l’entité issue de la concentration fût incitée à passer des accords d’exclusivité totale avec d’autres fournisseurs de contenus que Sky, telles qu’exposées aux considérants 1177 à 1183 de la décision attaquée (voir point 305 ci-dessus), la requérante fait valoir, de manière générale, que les coûts découlant de la conclusion d’accords d’exclusivité totale diminuent
à mesure que le nombre de clients finals de la plateforme augmente ou qu’une stratégie d’exclusivité est plus intéressante postérieurement à la concentration qu’elle ne l’était par le passé, mais elle n’apporte pas d’éléments concrets de nature à remettre en cause les explications de la Commission.

320 En particulier, la requérante ne démontre pas qu’il aurait existé, en Allemagne, une corrélation suffisamment forte entre la présence de chaînes ou de contenus attractifs sur la plateforme de télévision d’un opérateur et sa capacité à attirer de nouveaux téléspectateurs, ce qui aurait permis, avec un degré de probabilité suffisant, d’amortir les coûts élevés des accords d’exclusivité totale. En outre, la requérante n’apporte aucune preuve qui démontrerait de manière suffisante que l’entité issue
de la concentration aurait été incitée à adopter une stratégie commerciale fondée sur l’exclusivité totale dans le futur et qui permettrait, ainsi, de remettre en cause les appréciations de la Commission à cet égard.

321 Deuxièmement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle l’examen par la Commission de l’incitation de l’entité issue de la concentration à conclure des accords d’exclusivité totale serait incomplet, car limité à la Bundesliga, et erroné, il y a lieu de constater que le verrouillage du marché des intrants ne peut poser de problèmes de concurrence que s’il concerne un « intrant important » pour le produit situé en aval, comme relevé au paragraphe 34 des lignes directrices sur les
concentrations non horizontales.

322 Par conséquent, il y a lieu de considérer que si une stratégie de verrouillage total portant sur les contenus les plus attrayants (comme la Bundesliga) ne provoque pas suffisamment de changements de fournisseur pour être rentable, il est probable que d’autres types de contenus « moins importants » seraient encore moins susceptibles d’y parvenir, avec pour conséquence que l’entité issue de la concentration serait moins incitée à tenter de mettre en œuvre une stratégie de verrouillage total
portant sur de tels contenus. Il ne pourrait, dès lors, être reproché à la Commission d’avoir uniquement examiné la situation hypothétique d’une acquisition de droits exclusifs sur la Bundesliga et d’avoir estimé que ses considérations s’appliquaient aussi à des contenus moins populaires.

323 Par ailleurs, la requérante se limite à invoquer le caractère moins coûteux d’une stratégie de verrouillage de contenus moins attractifs, mais elle n’expose ni les raisons pour lesquelles il serait plus rentable, pour l’entité issue de la concentration, de mener une stratégie d’acquisition de droits exclusifs sur des contenus moins attractifs que la Bundesliga ni les raisons pour lesquelles de tels contenus seraient suffisamment « importants » au sens du paragraphe 34 des lignes directrices sur
les concentrations non horizontales pour qu’un verrouillage de cet intrant puisse donner lieu à des problèmes de concurrence.

324 En tout cas, contrairement à ce qu’invoque la requérante, il ressort des considérants 1184 à 1197 de la décision attaquée (voir point 306 ci-dessus) que la Commission a examiné la question de savoir si l’entité issue de la concentration serait incitée à acquérir des droits exclusifs sur d’autres manifestations sportives ou contenus populaires que la Bundesliga, en tenant notamment compte du fait que Unitymedia avait, comme l’a fait valoir la requérante, acquis certains droits sur la Bundesliga
en 2005.

325 Troisièmement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’aurait pas tenu compte des possibilités accrues qu’aurait l’entité issue de la concentration de proposer des offres groupées multiservices à une très large clientèle dans toute l’Allemagne, et du fait que des contenus exclusifs pourraient l’aider à augmenter ses ventes d’offres CFM, il y a lieu d’observer que, au considérant 149, sous b), iv) à vi), de la décision attaquée, la Commission a constaté la
faible pénétration des offres CFM en Allemagne, confirmée par les concurrents des parties à la concentration lors de l’enquête de marché. En effet, selon les rapports de tiers, en 2017, seuls 8,4 % des ménages ou 10,8 % de la base de clients du haut débit fixe, soit 3,5 millions de ménages, achetaient un produit CFM. La Commission a également constaté que l’étude du cabinet de conseil WIK-Consult produite par un tiers au cours de la procédure administrative concluait qu’il n’y aurait pas eu,
dans un avenir proche, de changements significatifs dans la dynamique concurrentielle en Allemagne grâce aux ventes groupées de produits fixes et de produits mobiles, étant donné que les consommateurs allemands auraient continué d’acheter séparément ces deux types de produits, ce que la requérante ne conteste pas.

326 Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir examiné si les avantages d’une stratégie d’exclusivité (et la propension des télédiffuseurs à accepter des accords d’exclusivité) étaient susceptibles de changer à l’avenir, en raison des possibilités accrues qu’aurait l’entité issue de la concentration de proposer des offres groupées multiservices, et en particulier des offres CFM, à une très large clientèle dans toute l’Allemagne.

327 Il découle de ce qui précède que le grief de la requérante tiré du caractère prétendument incomplet et erroné de l’examen de la Commission portant sur l’incitation de l’entité issue de la concentration à conclure des accords d’exclusivité totale doit être écarté.

b)   Sur le caractère prétendument incomplet de l’examen de la Commission portant sur l’incitation de l’entité issue de la concentration à conclure des accords d’exclusivité partielle

328 La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la possibilité pour l’entité issue de la concentration de s’engager dans un verrouillage partiel visant individuellement un ou plusieurs concurrents sur les marchés MDU et SDU en aval, tels qu’elle-même, par lequel les télédiffuseurs se verraient empêchés de distribuer à ceux-ci leurs chaînes et leurs contenus, ou par lequel ces concurrents se trouveraient privés de l’accès à certaines fonctionnalités télévisuelles innovantes,
telles que la VOD et la lecture en différé ou en rattrapage.

329 Or, selon la requérante, une telle stratégie de verrouillage partiel est d’autant plus probable qu’elle est moins coûteuse pour l’entité issue de la concentration et plus facile à accepter par les télédiffuseurs, tout en causant des effets préjudiciables sur les concurrents visés.

330 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

331 À cet égard, il convient de relever que les constatations effectuées par la Commission, dans le cadre de l’examen d’une éventuelle incitation à conclure des accords d’exclusivité totale avec Sky (voir considérants 1173 à 1176 de la décision attaquée et point 304 ci-dessus), étaient suffisantes pour permettre d’écarter une stratégie de la part de l’entité issue de la concentration fondée sur une exclusivité partielle avec cet opérateur. En effet, comme le fait valoir la Commission, étant donné
qu’elle a constaté que Sky n’avait aucune incitation à conclure des accords d’exclusivité totale eu égard notamment à sa dépendance à l’égard d’autres opérateurs que l’entité issue de la concentration, dont les opérateurs de télévision par satellite, ce que la requérante ne conteste pas, il était peu probable qu’elle concédât à cette entité une exclusivité qui aurait pris la forme d’une exclusion de certains opérateurs actifs sur les marchés MDU et SDU visés individuellement, d’autant que son
offre serait restée accessible sur d’autres plateformes, ou qu’elle aurait accepté de priver ces derniers de certaines fonctionnalités innovantes. Il ne pourrait, dès lors, être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la possibilité pour l’entité issue de la concentration de conclure de tels accords avec Sky, visant à priver certains de ses concurrents de contenus ou de fonctionnalités innovantes.

332 Par ailleurs, en ce qui concerne les autres télédiffuseurs que Sky, il y a lieu de constater que la requérante n’avance aucun élément qui indiquerait que l’absence de certains contenus ou de certaines fonctionnalités innovantes offerts par ceux-ci dans l’offre d’un concurrent aurait eu une incidence significative sur les changements de fournisseur et, partant, qu’une proportion potentiellement importante de sociétés de logements en ce qui concernait le marché MDU, ou de téléspectateurs allemands
en ce qui concernait le marché SDU, aurait été disposée à passer à l’offre de l’entité issue de la concentration pour la seule raison que ces chaînes ou fonctionnalités n’auraient pas été proposées par leur fournisseur actuel. La requérante ne démontre dès lors pas une incidence négative qui soit significative sur la concurrence en aval, au sens du paragraphe 32 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales.

333 En tout état de cause, la conclusion, par une entreprise en position dominante, d’accords d’exclusivité avec un fournisseur visant à évincer du marché en aval un ou plusieurs concurrents désignés individuellement est susceptible de constituer un comportement contraire au droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2011, Altstoff Recycling Austria/Commission, T‑419/03, EU:T:2011:102, point 51). Interrogée à cet égard lors de l’audience de plaidoiries, la requérante a d’ailleurs
confirmé que si l’entité issue de la concentration concluait un accord d’exclusivité totale ou partielle avec un télédiffuseur, cela constituerait potentiellement une infraction à l’article 101 ou 102 TFUE.

334 Par conséquent, il y a lieu de considérer qu’il était peu probable que l’entité issue de la concentration fût incitée à conclure de tels accords à l’issue de cette opération, ce qui s’appliquait également aux télédiffuseurs. En effet, il ressort de la jurisprudence que s’il est approprié de tenir compte des incitations à adopter des comportements anticoncurrentiels, il convient également de tenir compte du fait que lesdites incitations pourraient être réduites, voire éliminées, en raison de
l’illégalité des comportements en question, de la probabilité de leur détection, de leur poursuite par les autorités compétentes tant au niveau de l’Union qu’au niveau national et des sanctions pécuniaires qui pourraient en résulter (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission, T‑5/02, EU:T:2002:264, point 159, et du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, points 303 à 311). Il ne pourrait, dès lors, être reproché à la Commission de ne pas
avoir tenu compte de la possibilité improbable, eu égard à son caractère potentiellement illégal, que l’entité issue de la concentration conclût avec un télédiffuseur un accord d’exclusivité par lequel un ou plusieurs concurrents sur les marchés en aval, visés individuellement, auraient été privés d’accès à certains contenus ou à certaines fonctionnalités innovantes.

335 Il découle de ce qui précède que le grief de la requérante tiré du caractère prétendument incomplet de l’examen de la Commission portant sur l’incitation de l’entité issue de la concentration à conclure des accords d’exclusivité partielle doit être écarté.

336 Par ailleurs, la capacité de verrouiller l’accès aux intrants de manière significative, l’intérêt à le faire et l’incidence négative significative sur la concurrence en aval d’une stratégie de verrouillage du marché constituent trois conditions cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’elles est suffisante pour exclure le risque de verrouillage des intrants anticoncurrentiel (voir point 277 ci-dessus et jurisprudence citée).

337 Par conséquent, dans la mesure où la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la prétendue incitation de l’entité issue de la concentration à mettre en œuvre une stratégie d’éviction des fournisseurs au détail de services de télévision concurrents (à savoir la deuxième de ces conditions), la première branche du quatrième moyen doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le bien-fondé du troisième grief, tiré du
caractère prétendument erroné de l’examen de la Commission portant sur les effets d’une stratégie de verrouillage complet ou partiel des contenus sur la concurrence en aval (à savoir la troisième de ces conditions).

3.   Sur la seconde branche, tirée du caractère incomplet de l’appréciation des dommages pour la concurrence causés par l’opération du fait de la restriction des services télévisuels innovants

338 À titre liminaire, la requérante explique que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré à juste titre que, à l’issue de l’opération, l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’incitation nécessaires pour entraver l’émergence de services télévisuels innovants tels que la HBBTV et l’OTT, ce qui aurait pour effet de nuire aux consommateurs en réduisant la qualité de l’expérience de visionnage et en limitant leur choix. La requérante reproche toutefois à la Commission de
ne pas avoir tenu compte du fait que l’entité issue de la concentration pourrait également porter atteinte à d’autres services télévisuels innovants tels que l’IPTV.

339 À l’appui de pareille allégation, la requérante soutient que les services OTT n’offraient pas la même qualité que l’IPTV, qu’ils nécessitaient un équipement spécifique et qu’ils n’étaient pas aussi rentables que l’IPTV. Elle en déduit que toute préoccupation liée à la dégradation de la qualité et de l’expérience de visionnage offertes aux consommateurs finals en ce qui concerne l’OTT s’appliquait également à l’IPTV.

340 La requérante fait également valoir que la capacité et l’incitation de l’entité issue de la concentration à restreindre la distribution de contenus n’étaient pas moindres s’agissant des services d’IPTV de ses concurrents qu’elles ne l’étaient dans le cas de l’OTT et de la HBBTV offertes par les télédiffuseurs. La Commission n’aurait nullement expliqué en quoi une restriction de la transmission de contenus via l’IPTV n’aurait pas dû poser de problème et en quoi les services innovants autres que
l’OTT et la HBBTV des télédiffuseurs seraient moins pertinents ou moins dignes de protection. La requérante ajoute que, d’une part, l’allégation de la Commission selon laquelle l’OTT aurait pu changer la donne à moyen terme ne repose sur aucune preuve et que, même si tel était le cas, cela ne saurait justifier que l’on ignorât les effets négatifs de l’opération sur l’IPTV, laquelle avait déjà un attrait significatif sur le marché. D’autre part, l’entité issue de la concentration devait, selon la
requérante, être encore plus incitée à nuire à l’IPTV qu’à l’OTT, puisque l’IPTV était un véritable substitut à la télévision par câble et la seule technologie alternative en expansion sur le marché, alors que l’OTT était uniquement utilisée en complément d’un service de télévision par câble, mais non en remplacement de ce dernier.

341 À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que l’a expliqué la Commission, soutenue par l’intervenante, bien qu’étant un système qui permette la fourniture de services télévisuels au moyen du protocole Internet, l’IPTV relève d’un réseau dédié et géré qui est contrôlé par le fournisseur de services télévisuels, alors que la technologie OTT permet la diffusion directe par les télédiffuseurs de chaînes de télévision par Internet, sans que l’opérateur du réseau intervienne dans le contrôle ou
la distribution du contenu. Contrairement à ce qui est le cas pour l’IPTV, la technologie OTT permet dès lors une interaction plus directe entre les télédiffuseurs (les chaînes) et les téléspectateurs finals.

342 Par ailleurs, dans la décision attaquée, la Commission a exposé de nombreux éléments qui démontraient que l’OTT constituait bien une technologie dont l’utilisation était récente et en pleine croissance.

343 Ainsi, aux considérants 948 puis 950 à 954 de la décision attaquée, dans le cadre de son examen d’éventuels effets horizontaux de l’opération sur le marché de détail des services de télévision, la Commission a présenté d’une manière détaillée l’offre récente et croissante de services de télévision OTT.

344 Plus particulièrement, au considérant 948 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les fournisseurs au détail de télévision traditionnels proposaient de plus en plus des services de télévision linéaire via l’OTT. À cet égard, elle a relevé que Vodafone (Giga TV OTT), la requérante (Magenta TV) et Telefónica (O2 TV) proposaient chacun une offre autonome de télévision OTT. La Commission a également constaté que d’autres acteurs offraient un produit de télévision OTT en tant qu’option
supplémentaire pour leurs seuls abonnés de télévision existants, dont Unitymedia (Horizon Go), United Internet (1 & 1 TV app), Tele Columbus (Advance TV app), NetCologne (NetGo app) et M-Net (M-Net TV Plus App).

345 Au considérant 950 de la décision attaquée, la Commission a souligné que les fournisseurs de services OTT, tels qu’Amazon Prime et Netflix, disposaient déjà d’une large clientèle, puisque chacun avait déjà (au moins) plus de trois millions d’abonnés en Allemagne, Netflix envisageant de croître de plus de 20 % cette année-là.

346 Au considérant 951 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les services spécialisés OTT étaient également de plus en plus répandus en Allemagne et, au considérant 952 de ladite décision, elle a observé que plusieurs télédiffuseurs avaient également commencé à offrir leurs propres services OTT.

347 Par ailleurs, aux considérants 1127 à 1132 de la décision attaquée, dans le cadre de son examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision et sur le marché de rachat de signaux de télévision, la Commission a fourni des explications afférentes à l’évolution des services OTT et, notamment, à l’évolution de la demande portant sur de tels services.

348 À cet égard, la Commission a rappelé, au considérant 1127 de la décision attaquée, que, dans le cadre de la délimitation du marché pertinent, elle avait relevé que la distribution OTT devenait de plus en plus pertinente dans le secteur de la télévision en Allemagne, comme dans beaucoup d’autres pays.

349 Au considérant 1129 de la décision attaquée, si la Commission a indiqué que la plupart des télédiffuseurs considéraient toujours les produits OTT comme étant actuellement complémentaires des services de télévision linéaire de base, elle a également souligné, éléments de preuve à l’appui, que les mêmes données démontraient l’importance rapidement croissante de la distribution d’OTT en Allemagne, dans la mesure où 11,7 % des personnes interrogées avaient déclaré pouvoir imaginer utiliser l’OTT
comme moyen exclusif de recevoir la télévision à domicile. Par ailleurs, la Commission a rappelé que certains distributeurs d’OTT, tels que Netflix, Amazon et DAZN, étaient déjà très populaires et a relevé que plusieurs participants à l’enquête de marché avaient fait valoir que les services OTT pouvaient remplacer dans une certaine mesure les services de télévision traditionnels.

350 Au considérant 1130 de la décision attaquée, se référant à divers documents cités en note en bas de page de la décision attaquée, la Commission a expliqué que, comme le signalaient les autorités publiques allemandes dans le domaine des médias, l’OTT gagnait du terrain en tant que principal mode de réception de contenus audiovisuels, avec une augmentation de 6 % entre 2017 et 2018. Par ailleurs, en termes d’audience nationale, les fournisseurs d’OTT étaient passés de 7,3 % en 2015-2016 à 12,8 %
en 2017-2018. En ce qui concernait spécifiquement le segment de la télévision « premium », l’OTT était passée de 16,8 % en 2015-2016 à 23 % en 2017-2018. En outre, un taux de croissance similaire avait été observé au cours des mêmes années en termes d’abonnés (de 25,3 à 33,4 %) et de revenus (de 10,6 à 19,1 %). La Commission a également indiqué que, par comparaison, les parts de marché de la télévision par câble avaient diminué au cours de la même période.

351 Enfin, au considérant 1132 de la décision attaquée, la Commission a mentionné une évolution rapide de la situation. À cet égard, la Commission a souligné que le développement des services OTT pourrait être en mesure de limiter substantiellement le pouvoir de marché des plateformes de télévision traditionnelles et de rééquilibrer la position de négociation des différents acteurs, notamment en présence des conditions de marché appropriées.

352 Il y a dès lors lieu de constater que l’allégation de la Commission selon laquelle l’OTT pourrait changer la donne à moyen terme est bien fondée sur de nombreux éléments de preuve, contrairement à ce que soutient la requérante.

353 Par ailleurs, la requérante n’apporte aucun élément de preuve permettant, d’une part, de remettre en cause les constatations qui précèdent et, d’autre part, d’établir que l’IPTV connaissait une croissance semblable à l’OTT, que l’IPTV présentait un potentiel de croissance semblable ou que l’OTT n’offrait pas la même qualité que l’IPTV, nécessitait un équipement spécifique et ne serait pas aussi rentable que l’IPTV, avec pour conséquence que toute préoccupation liée à la dégradation de la qualité
et de l’expérience de visionnage offertes aux consommateurs finals en ce qui concerne l’OTT aurait dû également s’appliquer à l’IPTV. Il convient également de relever que la requérante ne conteste pas l’explication effectuée par la Commission au considérant 291 de la décision attaquée, selon laquelle 8 % des foyers seulement avaient souscrit à l’IPTV en Allemagne, révélant la part de marché limitée de cette technologie.

354 S’agissant ensuite de l’incitation de l’entité issue de la concentration à faire obstacle à l’émergence de services de télévision innovants, la Commission a souligné, au considérant 1275 de la décision attaquée, que les services OTT et HBBTV visaient à créer une connexion directe entre les télédiffuseurs et les téléspectateurs, limitant ainsi l’intermédiation des plateformes de télévision classiques, telles que celles des parties à la concentration. La Commission en a déduit que l’entité issue
de la concentration pourrait être incitée à verrouiller l’émergence de tels services en vue de préserver un modèle d’entreprise fondé sur le contrôle de la clientèle par la plateforme de télévision et l’absence d’interaction entre cette clientèle et les télédiffuseurs, le même problème ne se posant pas en ce qui concernait l’IPTV, qui n’offrait pas une telle interaction.

355 À cet égard, la Commission a souligné que les exemples cités par les participants à l’enquête de marché et les documents internes des parties à la concentration indiquaient que ces dernières étaient déjà incitées à limiter le développement des services OTT et HBBTV et a expliqué que l’incitation existante augmenterait à la suite de l’opération. En effet, d’abord, le pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration aurait limité la possibilité pour les télédiffuseurs de résister à la
tentative de Vodafone d’adopter de telles stratégies. Ensuite, l’entité issue de la concentration n’aurait eu aucune incitation à introduire des services interactifs innovants pour réagir à des services similaires offerts par le principal concurrent comparable, à savoir Unitymedia. Enfin, étant donné que l’éviction réussie de la concurrence des services OTT au niveau de la vente au détail aurait profité à tous les fournisseurs au détail de services de télévision existants, ces derniers auraient
été incités à « surfer » (free-ride) sur les efforts de verrouillage de leurs concurrents au niveau de la fourniture au détail. Toutefois, la réunion de Vodafone et de Unitymedia aurait permis à l’entité issue de la concentration d’internaliser l’avantage pour les deux parties d’évincer avec succès les services OTT. La Commission en a déduit que cela renforcerait l’incitation de l’entité issue de la concentration à s’engager dans une telle stratégie (voir considérants 1280 à 1283 de la décision
attaquée).

356 Il en découle que la Commission disposait d’éléments de preuve lui permettant de conclure, au considérant 1284 de la décision attaquée, que les parties à la concentration pourraient avoir été incitées à entraver la croissance des services OTT et HBBTV afin de préserver un modèle économique dans lequel la plateforme de télévision contrôlait directement la relation avec le client et où les télédiffuseurs étaient empêchés de contourner l’intermédiation des réseaux câblés.

357 Or, la requérante n’établit pas que l’entité issue de la concentration serait, de la même manière, incitée à restreindre la distribution de contenus au moyen de la technologie IPTV.

358 À cet égard, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient la requérante, il découle des différents considérants de la décision attaquée mentionnés aux points 342 à 351 ci-dessus que l’IPTV n’est pas un véritable substitut à la télévision par câble et n’est pas la seule technologie alternative en expansion, alors que l’OTT pourrait bien devenir un service utilisé en remplacement de la télévision par le câble.

359 Dès lors, la requérante ne démontre pas que la Commission était tenue, en l’espèce, d’apprécier l’incitation de l’entité issue de la concentration à restreindre la distribution de contenus au moyen de la technologie IPTV et, partant, qu’elle a commis une erreur manifeste en ne procédant pas à une telle analyse. Par ailleurs, à la lumière des considérations qui précèdent, la requérante a été en mesure, d’une part, de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission n’a pas procédé à une telle
appréciation et, d’autre part, de faire valoir ses droits, de sorte que la Commission n’a pas méconnu son obligation de motivation à cet égard.

360 La seconde branche du quatrième moyen doit donc être rejetée, ainsi que le quatrième moyen dans son ensemble.

F. Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission, en ce qu’elle a jugé que les engagements OTT et de redevances de rachat suffisaient à rendre la concentration compatible avec le marché intérieur

361 À l’appui de son cinquième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’engagement OTT, l’engagement relatif aux redevances de rachat et l’engagement HBBTV (ci-après, pris ensemble, les « engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision ») offerts par les parties à la concentration étaient susceptibles d’éliminer l’ESCE constatée sur le marché de rachat de signaux de télévision. Selon la requérante, ces
engagements étaient, au contraire, manifestement inappropriés et insuffisants.

1.   Considérations liminaires

362 Comme exposé aux points 31 et 32 ci-dessus, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que, en raison du pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration sur le marché de rachat de signaux de télévision, l’opération aurait pu aboutir, d’une part, à une forme de verrouillage partiel des chaînes en clair ou payantes, notamment par l’aggravation des conditions contractuelles et financières imposées par cette entité aux télédiffuseurs et, par conséquent, à une dégradation
qualitative de l’offre de télévision aux téléspectateurs finals en Allemagne et, d’autre part, à la mise en place par cette entité d’une stratégie visant à entraver l’émergence et le développement de services de télévision OTT et HBBTV, ce qui aurait pu nuire aux consommateurs en raison d’une moindre qualité de l’expérience du téléspectateur et d’un choix réduit (voir, d’une part, considérants 1205 à 1265 et, d’autre part, considérants 1266 à 1292).

363 En vue d’éliminer cette ESCE constatée sur le marché de rachat de signaux de télévision, la Commission a accepté plusieurs engagements offerts par Vodafone, à savoir l’engagement OTT, qui empêchait l’entité issue de la concentration de limiter la possibilité pour les télédiffuseurs dont les contenus étaient diffusés sur sa plateforme de distribuer ces contenus par l’intermédiaire d’un service OTT et qui leur garantissait, pour ce faire, une capacité d’interconnexion directe suffisante,
l’engagement HBBTV, qui contraignait l’entité issue de la concentration à continuer à diffuser le signal HBBTV des télédiffuseurs en clair, et l’engagement relatif aux redevances de rachat, qui empêchait l’entité issue de la concentration d’augmenter les redevances de rachat qui lui étaient versées par les télédiffuseurs en clair, ainsi que cela ressort des points 40 et 41 ci-dessus.

364 En l’espèce, l’argumentation de la requérante au soutien du présent moyen peut être divisée en quatre branches, tirées, la première, de l’application d’un critère juridique erroné pour apprécier le caractère approprié des engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision, la deuxième, du caractère inefficace de ces engagements, en ce qu’ils n’auraient pas éliminé les problèmes de concurrence constatés, la troisième, de la présentation tardive de l’engagement relatif aux
redevances de rachat et, la quatrième, de l’absence d’élimination de l’ESCE sur tous les marchés en cause.

365 La Commission, soutenue par l’intervenante, rétorque que le cinquième moyen est inopérant, au motif que la requérante ne conteste pas l’appréciation de l’engagement « Wholesale Cable Broadband Access », alors que celui-ci contribuait également à l’élimination des problèmes de concurrence constatés sur le marché de rachat de signaux de télévision.

366 À cet égard, le Tribunal estime opportun de commencer par l’examen du bien-fondé des quatre branches soulevées par la requérante à l’appui du présent moyen.

2.   Sur la première branche, tirée de l’application d’un critère juridique erroné pour apprécier le caractère approprié des engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision

367 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission aurait dû considérer les engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision comme étant manifestement insuffisants, au motif qu’ils portaient uniquement sur le comportement de l’entité issue de la concentration. En effet, la communication concernant les mesures correctives n’aurait pas permis, en principe, d’accepter des engagements de nature comportementale pour remédier à des problèmes de concurrence horizontaux, tels que
ceux constatés sur le marché de rachat de signaux de télévision.

368 En second lieu, la requérante soutient que la Commission a apprécié le caractère approprié de ces engagements sur le fondement d’un critère juridique erroné et trop clément. À cet égard, la requérante fait valoir que la terminologie vague utilisée par la Commission dans la décision attaquée révèle une possibilité, mais non une certitude, que ces engagements étaient suffisants et efficaces pour éliminer totalement les problèmes de concurrence constatés sur le marché de rachat de signaux de
télévision, avec pour conséquence que ces mesures n’auraient pas dû être acceptées.

369 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

370 En ce qui concerne, en premier lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle les engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision seraient uniquement comportementaux et, partant, insuffisants pour remédier à des problèmes de concurrence de nature horizontale, il est vrai que, comme le constate la requérante, la Commission explique au point 15 de la communication concernant les mesures correctives que les engagements à caractère structurel, tels que l’engagement de céder une
activité, sont généralement préférables du point de vue de l’objectif défini dans le règlement no 139/2004, dans la mesure où ils empêchent durablement les problèmes de concurrence qui résulteraient de la concentration notifiée et ne nécessitent pas de mesures de surveillance à moyen ou à long terme. Par ailleurs, comme le rappelle la requérante, la Commission souligne au point 17 de ladite communication que les engagements relatifs au comportement futur de l’entité issue de la concentration ne
peuvent être recevables qu’exceptionnellement, dans des circonstances très spécifiques.

371 Ensuite, la Commission n’est habilitée à accepter que des engagements de nature à rendre l’opération de concentration compatible avec le marché intérieur. En d’autres termes, les engagements proposés par les entreprises concernées doivent permettre à la Commission de conclure que l’opération de concentration en cause n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du
renforcement d’une position dominante au sens de l’article 2, paragraphe 2, de ce règlement (voir arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 294 et jurisprudence citée).

372 Les engagements pris au cours de la phase II ont, notamment, pour objet de remédier aux problèmes de concurrence constatés par la Commission lors de la phase I et qui ont conduit la Commission à ouvrir la phase II. En conséquence, lorsque le Tribunal est amené à examiner si les engagements pris au cours de la phase II sont, eu égard à leur portée et à leur contenu, de nature à permettre à la Commission d’adopter une décision d’approbation de la concentration, il lui appartient de vérifier que la
Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer que lesdits engagements constituaient une réponse directe et suffisante aux problèmes de concurrence constatés lors de la phase I (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 298).

373 Enfin, les engagements comportementaux ne sont pas insuffisants de par leur nature pour empêcher une ESCE dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante et doivent être appréciés au cas par cas au même titre que les engagements structurels (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T‑87/05, EU:T:2005:333, point 100 et jurisprudence citée).

374 C’est ainsi que, au point 15 de la communication concernant les mesures correctives, la Commission souligne qu’il n’est pas possible d’exclure a priori que d’autres types d’engagements que les engagements à caractère structurel puissent également empêcher la formation d’une ESCE.

375 Il résulte de ce qui précède que, certes, dans la communication concernant les mesures correctives, la Commission affiche une préférence pour les engagements structurels, en particulier en raison de la facilité de leur mise en œuvre. Toutefois, il y a lieu de constater que c’est principalement le caractère approprié et suffisant des engagements pour résoudre le problème de concurrence identifié, ainsi que la certitude que lesdits engagements pourront être mis en œuvre, qui gouverne l’acceptation
de ces derniers.

376 La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que la Commission aurait dû rejeter les engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision comme étant manifestement insuffisants au seul motif qu’ils portaient uniquement sur le comportement de l’entité issue de la concentration, ce qui permet d’écarter le premier grief.

377 En ce qui concerne, en second lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle la terminologie utilisée par la Commission dans la décision attaquée révèlerait que cette dernière n’avait aucune certitude que les engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision auraient été suffisants et efficaces pour remédier à l’ESCE constatée sur le marché de rachat de signaux de télévision, il convient de relever que la Commission doit déclarer une opération de concentration compatible s’il
est suffisamment probable que ladite opération, telle que modifiée par les engagements proposés par les parties à la concentration, n’entravera pas d’une manière significative une concurrence effective, dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, point 110 et jurisprudence citée).

378 Par ailleurs, les engagements proposés par la partie ayant notifié l’opération en cause ne peuvent être considérés comme étant de nature à rendre l’opération compatible avec le marché intérieur que dans la mesure où la Commission est en mesure de conclure, avec certitude, qu’il sera possible de les mettre en œuvre et que les remèdes qui en résultent seront suffisamment viables et durables pour que l’ESCE constatée, que les engagements ont pour finalité d’empêcher, ne soit pas susceptible de se
produire dans un avenir relativement proche (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 294 et jurisprudence citée).

379 Il en découle que si la Commission doit avoir la certitude que les engagements proposés pourront être mis en œuvre et qu’ils seront suffisamment viables et durables, elle peut déclarer une concentration compatible s’il est suffisamment probable que lesdits engagements seront suffisants et efficaces pour éliminer l’ESCE constatée.

380 Par ailleurs, la requérante n’est pas fondée à soutenir que les formulations utilisées par la Commission montreraient que cette dernière se serait fondée sur une simple possibilité que les engagements éliminent totalement tous les effets négatifs constatés résultant de l’opération sur le marché de rachat de signaux de télévision.

381 En effet, il est vrai que la partie de la décision attaquée consacrée à l’appréciation des engagements finals comporte certaines formulations qui, prises isolément, pourraient être interprétées comme l’expression d’un doute par la Commission. Toutefois, ces formulations doivent être lues à la lumière de l’ensemble de cette partie de la décision attaquée et, plus particulièrement, des conclusions qui ont été formulées par la Commission aux considérants 1965, 1972 et 1973 de la décision attaquée.

382 À cet égard, force est de constater que, à titre de conclusion générale, la Commission a indiqué, au considérant 1973 de la décision attaquée, que « les engagements définitifs, dans leur intégralité, [étaient] adéquats et suffisants pour éliminer les problèmes de concurrence soulevés, selon lesquels l’opération aurait pour effet d’entraver de manière significative la concurrence effective » et « que les engagements définitifs [pouvaient] être mis en œuvre de manière efficace à bref délai ».

383 Il découle de ce qui précède que la première branche du présent moyen doit être écartée.

3.   Sur la deuxième branche, tirée du caractère inefficace des engagements concernant le marché de rachat de signaux de télévision, en ce qu’ils n’élimineraient pas les problèmes de concurrence constatés

384 À l’appui de la deuxième branche du présent moyen, la requérante fait valoir que les engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision étaient totalement inefficaces et inappropriés pour atteindre l’objectif de la Commission de compenser le pouvoir de négociation accru de l’entité issue de la concentration vis-à-vis des télédiffuseurs.

385 En effet, en premier lieu, la requérante soutient que l’engagement OTT ne protégeait pas les télédiffuseurs distribuant des chaînes linéaires sans services de télévision de rattrapage sur la plateforme de l’entité issue de la concentration, ni les télédiffuseurs proposant des offres non linéaires (services de VOD).

386 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, étant donné que l’OTT ne pourrait qu’à moyen terme limiter le pouvoir de marché des plateformes de télévision traditionnelle, selon ce qu’indique la Commission elle-même au considérant 1132 de la décision attaquée, l’engagement OTT était inefficace, en ce qu’il ne pourrait être effectif que de manière tardive, après que les conditions de concurrence sur le marché se soient davantage détériorées, ce qui était contraire aux exigences énoncées au
point 9 de la communication concernant les mesures correctives.

387 En troisième lieu, la requérante explique que le deuxième aspect de l’engagement OTT, à s’avoir l’engagement relatif à l’interconnexion pour les services OTT, était insuffisant, étant donné que des problèmes de capacité pourraient se poser sur l’ensemble de l’empreinte du réseau câblé, et plus particulièrement au niveau de la boucle locale, où tous les clients devaient partager la capacité limitée du câble coaxial, ce qui démontrait que le fait d’assurer une capacité suffisante d’interconnexion
ou d’appairage ne garantirait pas à lui seul une qualité de réception suffisante aux clients de la télévision OTT et n’améliorerait pas les conditions de concurrence.

388 En quatrième lieu, la requérante affirme que les engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision étaient insuffisants en ce qu’ils ne diminueraient pas la capacité et l’incitation de l’entité issue de la concentration à nuire aux services télévisuels innovants, tels que l’IPTV de tiers. Selon la requérante, l’entité issue de la concentration resterait donc libre de restreindre l’utilisation par les télédiffuseurs des services IPTV de tiers et, ainsi, de nuire à ces
télédiffuseurs, aux fournisseurs concurrents de services de détail de télévision et à leurs clients.

389 En cinquième lieu, la requérante fait valoir que les engagements n’empêcheraient pas l’entité issue de la concentration d’imposer aux télédiffuseurs d’autres conditions défavorables susceptibles d’aboutir à des résultats identiques, voire pires que ceux que ces engagements étaient censés éliminer. D’autres éléments discutés lors des négociations multidimensionnelles entre l’entité issue de la concentration et les télédiffuseurs auraient pu ainsi être négativement affectés. Par conséquent,
l’engagement relatif aux redevances de rachat aurait été voué à rester sans effet puisqu’il n’aurait pas inclus la détérioration d’autres conditions contractuelles au détriment des télédiffuseurs et n’aurait pas empêché l’entité issue de la concentration d’abuser de son pouvoir de marché.

390 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

391 À cet égard, en ce qui concerne, en premier lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement OTT aurait été inefficace, en ce qu’il n’aurait pas protégé les télédiffuseurs distribuant des chaînes linéaires sans services de télévision de rattrapage sur la plateforme de l’entité issue de la concentration et les télédiffuseurs proposant des offres non linéaires, force est de constater que pareille allégation est fondée sur une interprétation erronée de l’engagement OTT.

392 En effet, il ressort du point 13 de la section B.II du texte des engagements que, par le biais de l’engagement OTT, Vodafone s’est engagée à ne pas conclure ou à ne pas renouveler d’accord avec un télédiffuseur portant sur la distribution des chaînes linéaires de ce télédiffuseur et des services de télévision de rattrapage relatifs au contenu de ces chaînes linéaires via la plateforme TV de Vodafone, qui aurait inclus des termes restreignant directement ou indirectement la capacité de ce
télédiffuseur à offrir un service OTT, ou ses chaînes linéaires via un service OTT, ou son contenu pour inclusion dans un service OTT en Allemagne (voir également considérant 1924 de la décision attaquée).

393 Or, étant donné que le concept de « télédiffuseur » est défini dans les engagements comme tout « fournisseur d’une ou [de] plusieurs chaînes de télévision linéaire », le texte de l’engagement OTT ne saurait être interprété dans le sens proposé par la requérante, en ce sens qu’il ne se serait appliqué qu’aux télédiffuseurs qui distribuaient à la fois des chaînes linéaires et des services de télévision de rattrapage par l’intermédiaire de la plateforme de l’entité issue de la concentration et donc
en ce sens que l’engagement relatif aux restrictions OTT n’aurait pas protégé les télédiffuseurs distribuant des chaînes linéaires sans services de télévision de rattrapage sur la plateforme de l’entité issue de la concentration, ni les télédiffuseurs proposant également des offres non linéaires.

394 La mention, dans le texte des engagements, d’un accord avec un télédiffuseur qui incluait la distribution des chaînes linéaires de ce télédiffuseur « et » des services de télévision de rattrapage relatifs au contenu de ces chaînes linéaires via la plateforme TV de Vodafone visait à étendre la portée de l’engagement non seulement aux accords portant sur la distribution des chaînes linéaires, mais également aux accords portant à la fois sur la distribution des chaînes linéaires et sur les services
associés à la distribution de chaînes linéaires qu’étaient les services de télévision de rattrapage relatifs au contenu de ces chaînes linéaires, plutôt qu’à exclure les accords conclus ou à conclure avec des télédiffuseurs distribuant des chaînes linéaires sans services de télévision de rattrapage sur la plateforme de l’entité issue de la concentration ou avec des télédiffuseurs proposant également des offres non linéaires.

395 Il en découle que l’engagement OTT doit plutôt être interprété en ce sens qu’il visait, d’une part, les accords négociés avec les télédiffuseurs qui portaient uniquement sur la distribution des chaînes linéaires de ce télédiffuseur et, d’autre part, les accords négociés avec les télédiffuseurs qui portaient sur la distribution des chaînes linéaires de ce télédiffuseur et la fourniture de services de télévision de rattrapage relatifs au contenu de ces chaînes linéaires via la plateforme TV de
Vodafone, ce qui permet d’écarter ce premier grief de la requérante.

396 En tout état de cause, il y a lieu de relever que la requérante ne fournit aucune indication au sujet de l’incidence, sur l’efficacité de l’engagement OTT, de son interprétation dudit engagement selon laquelle il n’aurait pas protégé les télédiffuseurs distribuant des chaînes linéaires sans services de télévision de rattrapage sur la plateforme de l’entité issue de la concentration ou les télédiffuseurs proposant également des offres non linéaires. En particulier, la requérante ne démontre pas
que l’engagement OTT aurait été insuffisant pour remédier au problème de concurrence constaté sur le marché de rachat de signaux de télévision, justifiant son adoption, au motif qu’il ne se serait pas appliqué aux télédiffuseurs distribuant des chaînes linéaires sans services de télévision de rattrapage sur la plateforme de l’entité issue de la concentration ou aux télédiffuseurs proposant également des offres non linéaires. À cet égard, la requérante n’apporte aucun élément qui permettrait
d’apprécier le nombre de télédiffuseurs qui n’auraient pas pu, dans ce cas, bénéficier de l’engagement OTT.

397 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement OTT aurait été inefficace, en ce qu’il n’aurait pu être effectif que de manière tardive, il y a lieu de relever qu’il ressort du considérant 1266 de la décision attaquée que le problème de concurrence constaté, auquel ce remède visait à apporter une solution, consistait dans la possibilité accrue qu’aurait l’entité issue de la concentration d’entraver l’émergence et le développement de certains
services télévisuels innovants, dont l’importance croissante avait été constatée, permettant davantage d’interaction entre le télédiffuseur et les téléspectateurs, dont l’OTT.

398 Par conséquent, indépendamment de la question du cadre temporel dans lequel les services OTT auraient été à même de limiter substantiellement le pouvoir de marché des plateformes de télévision traditionnelle, force est de constater que l’engagement OTT, en ce qu’il empêcherait Vodafone, dès la date de l’adoption de la décision attaquée, non seulement de conclure ou de renouveler un accord avec un télédiffuseur qui aurait inclus des termes restreignant directement ou indirectement la capacité de
ce télédiffuseur à offrir un service OTT en Allemagne, mais l’obligerait également à ne pas mettre en œuvre de telles clauses qui auraient existé et à retirer semblables restrictions dans les contrats existants, était immédiatement susceptible d’empêcher Vodafone d’entraver l’émergence et le développement des services OTT et, partant, de remédier au problème de concurrence constaté pour lequel il avait été adopté. Il en découle que l’engagement OTT pourrait bien être exécuté de façon effective
et dans des délais rapides, conformément au point 9 de la communication concernant les mesures correctives, ce qui permet d’écarter le deuxième grief de la requérante.

399 En ce qui concerne, en troisième lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement relatif à l’interconnexion pour les services OTT aurait été insuffisant, étant donné que des problèmes de capacité auraient pu se poser sur l’ensemble de l’empreinte du réseau câblé, avec pour conséquence qu’une capacité suffisante d’interconnexion ou d’appairage n’aurait pas garanti une qualité de réception suffisante aux clients de la télévision OTT, il y a lieu de relever qu’il ressort du point 15
de la section B.II du texte des engagements que l’objectif de ce remède était de maintenir au moins trois routes non congestionnées vers le réseau IP de l’entité issue de la concentration en Allemagne. En d’autres termes, l’objectif était de fournir une capacité d’interconnexion suffisante pour permettre aux clients haut débit de l’entité issue de la concentration d’accéder à tout service OTT en Allemagne, soit via les points d’interconnexion décrits au point 16 de la section B.II du texte des
engagements, soit autrement.

400 À cette fin, le point 16 de la section B.II du texte des engagements prévoyait, notamment, les obligations qui suivent. Premièrement, Vodafone veillerait à ce que l’utilisation de pointe quotidienne sur l’ensemble des points d’interconnexion de l’entité issue de la concentration avec chacun des groupes d’au moins trois fournisseurs d’interconnectivité réputés qui étaient disposés à vendre des services de transit ne dépassât pas 80 %, avec pour conséquence qu’il y aurait au moins 20 % de capacité
disponible au-delà de la pointe journalière. Deuxièmement, Vodafone veillerait à ce que la capacité disponible au-delà de la pointe journalière fût d’au moins 20 Gbit/s. Ce chiffre serait revu chaque année selon une procédure décrite dans le texte des engagements. Or, la requérante n’explique pas concrètement en quoi cela aurait été insuffisant.

401 À cet égard, il y a également lieu de relever que la Commission et l’intervenante ont expliqué en substance, sans être contredites, que l’entité issue de la concentration serait fortement incitée à minimiser une congestion au niveau de la boucle locale, au motif qu’une telle congestion aurait entraîné un risque important pour elle de perdre des clients sur le marché de l’accès fixe à Internet au profit d’autres fournisseurs.

402 En outre, il convient de constater que, au considérant 1929 de la décision attaquée, la Commission a relevé que la neutralité d’Internet, garantie par le règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, établissant des mesures relatives à l’accès à un Internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) no 531/2012
concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (JO 2015, L 310, p. 1), aurait dû empêcher l’entité issue de la concentration d’adopter des pratiques unilatérales restrictives visant à contourner l’engagement, telles que la redéfinition des priorités en matière de trafic ou la discrimination, ce que la requérante ne conteste pas.

403 À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la requérante ne démontre pas que l’engagement relatif à l’interconnexion pour les services OTT aurait été insuffisant pour garantir une qualité de réception suffisante aux clients de la télévision OTT, ce qui permet d’écarter le troisième grief.

404 En ce qui concerne, en quatrième lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle les engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision auraient été insuffisants en ce qu’ils n’auraient pas diminué la capacité et l’incitation de l’entité issue de la concentration à nuire aux services télévisuels innovants, tels que l’IPTV de tiers, il convient de rappeler, ainsi que cela ressort de l’examen de la seconde branche du quatrième moyen, que si la Commission a considéré, dans la
décision attaquée, que l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’incitation d’entraver l’émergence et le développement de services télévisuels innovants tels que la HBBTV et l’OTT et que Vodafone avait, pour remédier à ce problème de concurrence, proposé les engagements OTT et HBBTV, elle n’a pas estimé que tel serait le cas de l’IPTV, considérant que ce produit était, contrairement à l’OTT, en phase de ralentissement, avec une part de marché limitée de 8 % (voir considérant 291
de la décision attaquée), ce que la requérante ne conteste pas.

405 Par ailleurs, il ressort des points 338 à 360 ci-dessus que la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en n’examinant pas si l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’intérêt à entraver l’émergence et le développement d’autres services innovants, tels que l’IPTV, avec pour conséquence qu’il n’était pas nécessaire d’imposer un engagement à cet égard, de sorte que le quatrième grief ne saurait être accueilli.

406 En ce qui concerne, en cinquième lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle les engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision n’auraient pas empêché l’entité issue de la concentration d’imposer aux télédiffuseurs d’autres conditions défavorables susceptibles d’aboutir à des résultats identiques, voire pires, que ceux que ces engagements étaient censés éliminer, il convient de constater que la requérante et l’intervenante s’accordent sur le fait que les négociations
entre les télédiffuseurs et les plateformes de télévision ne se limitaient pas aux flux de revenus des télédiffuseurs vers l’entité issue de la concentration, c’est-à-dire aux redevances de rachat, mais couvraient également les paiements liés aux contenus et les paiements au titre de la qualité technique ou des fonctionnalités et services supplémentaires, qui étaient effectués par l’entité issue de la concentration au bénéfice des télédiffuseurs.

407 Force est toutefois de constater, tout d’abord, que, au considérant 1221 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les redevances de rachat étaient directement liées à la transmission de signaux de télévision par câble et semblaient donc être le principal élément du flux de paiement qui serait affecté par le pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration sur le marché de rachat de signaux de télévision. Par ailleurs, au considérant 1959 de ladite décision, la Commission
a expliqué que, bien que le développement récent des services de télévision à valeur ajoutée eût contribué à une augmentation du flux de revenus des plateformes de télévision vers les télédiffuseurs, les redevances de rachat représentaient toujours un élément financier extrêmement pertinent dans la relation contractuelle entre les télédiffuseurs en clair et les plateformes de télévision par câble. La Commission a ajouté que certains éléments du dossier suggéraient que l’effet de l’opération sur
le flux de recettes de l’entité issue de la concentration vers les télédiffuseurs était susceptible d’être limité [voir section VIII.C.2.11.3.9(ii) de la décision attaquée], alors qu’aucun élément dans le dossier ne suggérait qu’il en était de même pour les redevances de rachat (voir également considérant 1261).

408 Il en découle que la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste, tenir compte de la circonstance que l’engagement de ne pas augmenter les redevances de rachat pouvait contrebalancer le risque que l’étendue et la qualité de l’offre télévisuelle aux clients de détail soient réduites, en raison d’une aggravation significative des conditions contractuelles imposées par l’entité issue de la concentration aux télédiffuseurs en clair.

409 Ensuite, il y a lieu de considérer que la Commission était fondée à tenir compte du caractère complémentaire de l’engagement relatif aux redevances de rachat et de l’engagement OTT, au motif que le premier intervenait directement sur la relation financière entre l’entité issue de la concentration et les télédiffuseurs en cause en ce qui concernait les offres de télévision traditionnelle et linéaire, et que le second aurait un effet pour la fourniture de services supplémentaires.

410 Par ailleurs, au cours de la procédure devant le Tribunal, la Commission a soutenu, sans être contestée par la requérante, que si l’entité issue de la concentration venait à ajouter des paiements considérables autres que les redevances de rachat, cela constituerait un contournement des engagements facilement identifiable.

411 Finalement, à supposer que le cinquième grief de la requérante sur le contournement des engagements s’applique également à la télévision payante, la requérante n’a pas davantage apporté d’éléments pour contredire l’affirmation de la Commission selon laquelle, en ce qui concernait les chaînes de télévision payantes, tout comportement du type de celui décrit par la requérante serait contraire à l’engagement OTT.

412 Il découle de ce qui précède que le cinquième grief est suffisamment compréhensible et, partant, qu’il est recevable, contrairement à ce que soutient la Commission, mais qu’il n’est pas fondé. Il convient, par conséquent, d’écarter ce grief, de même que la deuxième branche du présent moyen.

4.   Sur la troisième branche, tirée de la présentation tardive de l’engagement relatif aux redevances de rachat

413 À l’appui de la troisième branche du présent moyen, la requérante soutient que l’engagement relatif aux redevances de rachat a été présenté après l’expiration du délai de présentation des mesures correctrices, avec pour conséquence que la Commission n’a pas pu procéder à une nouvelle consultation des acteurs du marché. Or, il ressortirait de la communication concernant les mesures correctives que seuls les engagements qui suppriment complètement, en levant toute ambiguïté, les problèmes de
concurrence constatés pourraient être admis tardivement, ce qui ne serait pas le cas de cet engagement, eu égard aux arguments développés dans le cadre des deux premières branches du cinquième moyen. La Commission aurait, dès lors, dû rejeter l’engagement relatif aux redevances de rachat.

414 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

415 À cet égard, il convient de relever qu’il ressort de l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 802/2004 que les engagements que les entreprises concernées proposent conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 doivent être communiqués à la Commission dans un délai de 65 jours ouvrables à compter de la date d’engagement de la procédure. Lorsque le délai d’adoption d’une décision adoptée en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 est prorogé, la période
de 65 jours ouvrables est automatiquement prorogée d’un nombre identique de jours ouvrables.

416 Par ailleurs, il ressort du point 94 de la communication concernant les mesures correctives que lorsque les parties modifient les engagements proposés après le délai de 65 jours ouvrables, la Commission n’acceptera ces engagements modifiés que si elle peut établir clairement – sur le fondement de son appréciation des informations déjà obtenues dans le cadre de l’enquête, notamment des résultats de la consultation antérieure des acteurs du marché et sans avoir recours à une autre consultation du
même type – que, une fois mis en œuvre, de tels engagements supprimeront complètement, en levant toute ambiguïté, les problèmes de concurrence constatés, et à condition qu’elle dispose d’un temps suffisant pour effectuer une analyse adéquate et pour consulter de façon appropriée les États membres. Par ailleurs, il ressort de la note en bas de page no 107 de cette communication, se rapportant à son point 94, que la consultation des États membres suppose normalement que la Commission soit en
mesure d’adresser à ces deniers un projet de décision finale comprenant une appréciation des engagements modifiés au moins dix jours ouvrables avant la réunion du comité consultatif avec les États membres.

417 Enfin, il y a lieu de relever que la jurisprudence a considéré que ces deux conditions étaient cumulatives et les a précisées, en ce sens que la Commission peut tenir compte d’engagements soumis tardivement par les parties à une opération de concentration notifiée, premièrement, si ceux-ci résolvent clairement et sans besoin d’enquête supplémentaire les problèmes concurrentiels préalablement identifiés et, deuxièmement, s’il existe un temps suffisant pour consulter les États membres sur ces
engagements (voir arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, EU:T:2010:280, point 455 et jurisprudence citée).

418 En l’espèce, force est de constater que ces deux conditions sont remplies.

419 S’agissant, premièrement, de la première condition, il ressort de l’examen des première et deuxième branches du présent moyen que les arguments de la requérante tirés du caractère inefficace et insuffisant des engagements, et notamment de l’engagement relatif aux redevances de rachat, ont été rejetés. Partant, il doit être considéré que la requérante n’a pas démontré que la Commission ne pouvait pas établir clairement – sur le fondement de son appréciation des informations déjà obtenues dans le
cadre de l’enquête, notamment des résultats de la consultation antérieure des acteurs du marché – que, une fois mis en œuvre, l’engagement relatif aux redevances de rachat aurait résolu clairement et sans besoin d’enquête supplémentaire les problèmes concurrentiels préalablement identifiés.

420 S’agissant, deuxièmement, de la seconde condition, il convient de relever qu’il ressort des considérants 25 et 26 de la décision attaquée que la partie ayant notifié l’opération a soumis un projet révisé d’engagements le 11 juin 2019 et que le comité consultatif a discuté du projet de décision et émis une opinion favorable le 28 juin. Il en découle que, en l’espèce, la Commission a bien été en mesure d’adresser aux États membres un projet de décision finale comprenant une appréciation des
engagements modifiés au moins dix jours ouvrables avant la réunion du comité consultatif, ce que la requérante ne conteste pas, et, partant, qu’elle a bénéficié d’un temps suffisant pour consulter les États membres sur l’engagement relatif aux redevances de rachat.

421 Il découle de ce qui précède que la Commission pouvait tenir compte de l’engagement relatif aux redevances de rachat malgré sa présentation tardive, avec pour conséquence que la troisième branche du présent moyen doit être écartée.

5.   Sur la quatrième branche, tirée de l’absence d’élimination de l’ESCE sur tous les marchés en cause

422 La requérante fait valoir que, eu égard à ses arguments précédents, développés dans le cadre des premier, deuxième et quatrième moyens, les engagements étaient insuffisants en ce qu’ils n’élimineraient pas l’ESCE sur les marchés MDU et SDU, ni les effets de verrouillage au détriment des concurrents de l’entité issue de la concentration sur les marchés télévisuels de gros, à savoir des problèmes que la Commission a omis de recenser dans la décision attaquée.

423 La Commission conteste les arguments de la requérante.

424 À cet égard, il suffit de constater que les arguments auxquels renvoie la requérante, développés à l’appui de ses premier, deuxième et quatrième moyens, ont été rejetés ci-dessus pour les raisons exposées dans le cadre de l’examen de ces moyens. Il en découle que la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, en estimant que l’opération ne donnait lieu à aucune ESCE sur les marchés MDU et SDU et à aucun effet négatif significatif pour la concurrence
sur le marché de gros de l’acquisition de chaînes de télévision et sur le marché de rachat de signaux de télévision, de sorte que la quatrième branche du présent moyen ne saurait prospérer.

425 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le cinquième moyen comme étant, en tout état de cause, non fondé.

G. Sur la demande d’adoption de mesures d’organisation de la procédure de la requérante

426 Dans ses observations du 2 juin 2023, la requérante a demandé au Tribunal d’ordonner à la Commission de produire certains documents confidentiels non encore divulgués, afin de vérifier que ceux-ci venaient bien au soutien de la conclusion à laquelle elle était parvenue en ce qui concerne l’absence de lien de concurrence entre les parties à la concentration sur le marché MDU.

427 Toutefois, il résulte notamment des points 71 à 167 ci-dessus qu’une telle mesure d’organisation de la procédure n’est pas nécessaire pour statuer sur le recours.

428 Par conséquent, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande de la requérante.

429 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

IV. Sur les dépens

430 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de Vodafone.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) Deutsche Telekom AG est condamnée aux dépens.

Van der Woude

da Silva Passos

Reine

  Truchot

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 novembre 2024.

Signatures

Table des matières

  I. Antécédents du litige
  A. Entreprises en cause
  B. Procédure administrative
  C. Décision attaquée
  1. Appréciation des effets de la concentration sur la concurrence en Allemagne
  a) Effets horizontaux
  1) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de l’accès fixe à Internet
  2) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision
  3) Effets horizontaux non coordonnés sur les éventuels marchés de la fourniture au détail d’offres multiservices
  4) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision
  5) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision et sur le marché de rachat de signaux de télévision
  b) Effets verticaux
  c) Effets congloméraux
  d) Conclusion sur les effets de la concentration en Allemagne
  2. Engagements rendus obligatoires dans la décision attaquée
  II. Procédure et conclusions des parties
  III. En droit
  A. Principes jurisprudentiels applicables
  1. Sur l’intensité du contrôle juridictionnel
  2. Sur les règles de preuve
  B. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004 et d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne le marché MDU
  1. Considérations liminaires
  2. Sur la seconde branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation
  a) Sur les erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne le rapport de concurrence entre les parties à la concentration
  1) Sur la concurrence directe
  2) Sur la concurrence indirecte
  3) Sur la concurrence potentielle
  4) Sur la position dominante collective résultant d’une collusion tacite entre les parties à la concentration
  b) Sur les erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne les effets concurrentiels de l’opération sur le marché MDU
  1) Sur l’augmentation du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration et l’élimination de la pression concurrentielle entre les parties
  2) Sur l’affaiblissement de la pression concurrentielle exercée par les concurrents restants
  3. Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit et de la violation de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004
  C. Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne le rapport de concurrence entre les parties à la concentration sur le marché SDU
  1. Considérations liminaires
  2. Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation, au motif que la Commission n’a pas considéré que l’opération conduirait à la création d’une position dominante donnant lieu à une ESCE
  3. Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission n’a pas conclu que l’opération éliminerait la concurrence réelle et potentielle entre les parties à la concentration
  4. Sur la troisième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission n’a pas estimé que l’opération affaiblirait les concurrents restants
  D. Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation concernant les effets verticaux de l’opération sur les services intermédiaires de transmission de signaux de télévision
  1. Considérations liminaires
  2. Sur la seconde branche, tirée d’erreurs manifestes commises par la Commission dans son appréciation des effets potentiels d’une stratégie d’éviction sur la concurrence en aval
  E. Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission concernant les effets de l’opération sur le marché de gros de l’acquisition de chaînes de télévision et sur le marché de rachat de signaux de télévision
  1. Considérations liminaires
  2. Sur la première branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation concernant le verrouillage du marché moyennant des accords d’exclusivité (partielle ou totale)
  a) Sur le caractère prétendument incomplet et erroné de l’examen de la Commission portant sur l’incitation de l’entité issue de la concentration à conclure des accords d’exclusivité totale
  b) Sur le caractère prétendument incomplet de l’examen de la Commission portant sur l’incitation de l’entité issue de la concentration à conclure des accords d’exclusivité partielle
  3. Sur la seconde branche, tirée du caractère incomplet de l’appréciation des dommages pour la concurrence causés par l’opération du fait de la restriction des services télévisuels innovants
  F. Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission, en ce qu’elle a jugé que les engagements OTT et de redevances de rachat suffisaient à rendre la concentration compatible avec le marché intérieur
  1. Considérations liminaires
  2. Sur la première branche, tirée de l’application d’un critère juridique erroné pour apprécier le caractère approprié des engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision
  3. Sur la deuxième branche, tirée du caractère inefficace des engagements concernant le marché de rachat de signaux de télévision, en ce qu’ils n’élimineraient pas les problèmes de concurrence constatés
  4. Sur la troisième branche, tirée de la présentation tardive de l’engagement relatif aux redevances de rachat
  5. Sur la quatrième branche, tirée de l’absence d’élimination de l’ESCE sur tous les marchés en cause
  G. Sur la demande d’adoption de mesures d’organisation de la procédure de la requérante
  IV. Sur les dépens

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Septième chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-64/20
Date de la décision : 13/11/2024
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Concurrence – Concentrations – Marchés allemands des services télévisuels et services de télécommunications – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE – Engagements – Appréciation des effets horizontaux et verticaux de l’opération sur la concurrence – Rapport de concurrence entre les parties à la concentration – Changement propre à la concentration – Erreur manifeste d’appréciation.

Concurrence

Télécommunications

Concentrations entre entreprises


Parties
Demandeurs : Deutsche Telekom AG
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: da Silva Passos

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2024:815

Source

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