ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
13 novembre 2024 ( *1 )
« Médicaments à usage humain – Médicaments génériques – Décision d’autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Dexmedetomidine Accord – dexmédétomidine – Éligibilité d’un médicament en tant que médicament de référence – Article 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/83/CE »
Dans l’affaire T‑223/20,
Orion Oyj, établie à Espoo (Finlande), représentée par Me C. Schoonderbeek, avocat, Mmes J. Mulryne et E. Amos, solicitors, et Mme J. Stratford, BL,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mmes L. Haasbeek, E. Mathieu et M. R. Lindenthal, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Accord Healthcare, SL, représentée par Mme C. Drew, solicitor, M. D. Piccinin, barrister, et M. T. Johnston, BL,
partie intervenante,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),
composé de M. S. Papasavvas, président, Mme O. Porchia, MM. L. Madise, P. Nihoul et S. Verschuur (rapporteur), juges,
greffier : M. A. Marghelis, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 27 février 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Orion Oyj, demande l’annulation de la décision d’exécution C(2020) 942 (final) de la Commission européenne, du 13 février 2020, portant autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain « Dexmedetomidine Accord – dexmédétomidine » (ci-après le « Dexmedetomidine Accord »), au titre du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil[, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour
l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1)] (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 La requérante est une entreprise pharmaceutique qui a son siège social en Finlande et qui développe, fabrique et commercialise des produits pharmaceutiques, des substances pharmaceutiques actives et des tests de diagnostic à usage humain et à usage vétérinaire.
Sur l’AMM tchèque du Precedex
3 Au début des années 90, la requérante a développé la substance active dénommée « chlorhydrate de dexmédétomidine ».
4 Le 9 septembre 1994, la requérante a conclu un contrat de licence et de fourniture avec la société Abbott Laboratories Inc. (ci-après « Abbott »), en vertu duquel la première a accordé à la seconde une licence exclusive pour fabriquer et commercialiser le chlorhydrate de dexmédétomidine dans « tous les pays et territoires du monde, à l’exception de la Finlande, de la Suède, de la Norvège, du Danemark et de l’Islande ». En outre, ledit contrat prévoyait que Fermion, une filiale de la requérante,
fournissait ladite substance active à Abbott.
5 Dans ce cadre, le 18 décembre 1998, Abbott a introduit auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA), dénommée à l’époque des faits Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (EMEA), par le biais de la procédure centralisée au sens de l’article 3 du règlement (CEE) no 2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour
l’évaluation des médicaments (JO 1993, L 214, p. 1), une demande d’autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM ») pour le chlorhydrate de dexmédétomidine, sous le nom commercial de Primadex, dénommé ultérieurement Precedex (ci-après le « Precedex »). L’indication du Precedex était la suivante : « sédatif alpha 2 ayant des propriétés analgésiques destiné à être utilisé dans un contexte de soins intensifs ».
6 Dans le cadre de cette demande d’AMM, Abbott a soumis, notamment, trois essais cliniques, afin de démontrer la sécurité et l’efficacité du Precedex et d’étayer l’évaluation de son rapport bénéfice/risque.
7 Lors de l’examen de la demande d’AMM du Precedex, le rapporteur et le corapporteur au sein du comité des médicaments à usage humain de l’EMA (ci-après le « CHMP »), dénommé à l’époque des faits comité des spécialistes pharmaceutiques (CSP), ont soulevé des préoccupations sérieuses quant au caractère adéquat des trois essais cliniques. Plus particulièrement, leur rapport d’évaluation soulevait seize questions et quatre objections majeures, qui ont été entérinées par le CHMP lors de sa réunion qui
s’est tenue du 18 au 20 mai 1999. Ces objections concernaient le manque de représentativité des données cliniques pour la population des patients visée par l’indication proposée, l’absence de preuve de la sécurité et de l’efficacité du Precedex sans sédation supplémentaire, le manque de comparaison avec les sédatifs existants et l’insuffisance de données sur ses effets cardiovasculaires.
8 Dans ces conditions, compte tenu de l’ampleur et des coûts des essais cliniques supplémentaires que le CHMP estimait nécessaires, Abbott a, le 16 mars 2000, retiré la demande initiale, puis a cessé ses démarches pour obtenir une AMM auprès de la Commission européenne dans le cadre de la procédure centralisée.
9 Par la suite, Abbott a décidé de demander différentes AMM pour le Precedex dans plusieurs pays européens qui n’étaient pas encore membres de l’Union européenne, dont la République tchèque.
10 Ainsi, le 29 août 2000, Abbott a introduit une demande d’AMM auprès du Státní ústav pro Kontrolu léčiv (SUKL, Institut national de contrôle des médicaments, République tchèque).
11 Selon la requérante, les données cliniques présentées à l’appui de cette demande d’AMM étaient identiques à celles jointes à la demande initiale déposée auprès de l’EMA (voir point 5 ci-dessus), Abbott n’ayant effectué aucune étude complémentaire.
12 Le 23 octobre 2002, Abbott a obtenu du SUKL une AMM pour le Precedex en République tchèque, en vertu du droit tchèque tel qu’il était en vigueur à l’époque (ci-après l’« AMM tchèque du Precedex »). Le Precedex était indiqué pour « la sédation des patients intubés pendant une thérapie par ventilation mécanique dans les unités de soins intensifs » et devait « être administré en perfusion continue pendant 24 heures maximum ».
13 À la demande du SUKL, deux experts externes ont examiné certains documents soumis par Abbott à l’appui de la demande d’AMM tchèque du Precedex, à savoir la notice du médicament en cause et un résumé de ses caractéristiques en tchèque ainsi que d’autres documents en anglais. Le rapport d’évaluation desdits experts, dont la réalisation a nécessité 20 heures de travail entre le 25 septembre et le 15 novembre 2000, comporte environ quatre pages de texte et ne fait aucunement référence aux essais
cliniques soumis par Abbott.
14 Le 25 mars 2002, la requérante et Abbott sont convenues d’un amendement à la licence exclusive pour fabriquer et commercialiser le chlorhydrate de dexmédétomidine, par lequel l’« Europe » et « les anciens États de l’Union soviétique » ont été retirés du territoire de ladite licence. Ainsi, Abbott a restitué à la requérante la licence exclusive pour fabriquer et commercialiser le Precedex dans les États qui, à cette date, étaient membres de l’Union.
15 Le 1er mai 2004, la République tchèque a adhéré à l’Union.
16 En vertu des articles 2, 10, 24 et 54 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33), la République
tchèque était tenue d’appliquer le droit de l’Union à partir de la date de son adhésion.
17 Le 3 mai 2004, en accord avec la requérante, Abbott a cédé la licence exclusive pour fabriquer et commercialiser le Precedex dans plusieurs pays européens, tels que la République tchèque, à la société Hospira Inc.
18 Les ventes du Precedex réalisées en République tchèque par Abbott et Hospira entre novembre 2002 et décembre 2006 étaient modestes et ont complètement cessé à partir de 2007.
19 Le 30 septembre 2008, Hospira a restitué à la requérante la licence exclusive pour fabriquer et commercialiser le Precedex dans certains pays, dont la République tchèque.
20 Le 10 juin 2010, la requérante a sollicité le retrait de l’AMM tchèque du Precedex, peu de temps après l’avoir acquise auprès d’Hospira, et ce retrait est devenu effectif à compter du 30 juillet 2010.
Sur l’AMM du Dexdor
21 Le 18 décembre 2005, le CHMP, à la suite d’une demande d’AMM introduite par la requérante, a confirmé que la procédure centralisée pouvait être suivie pour une demande d’AMM d’un médicament ayant pour substance active le chlorhydrate de dexmédétomidine, nommé Dexdor, au motif que ce dernier, conformément à l’article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement no 726/2004, constituait une « innovation significative sur le plan thérapeutique », quand bien même la mise sur le marché du Precedex,
contenant la même substance active, avait déjà été autorisée en République tchèque (voir point 12 ci-dessus).
22 Par la suite, la requérante a lancé un programme clinique conçu pour répondre aux préoccupations manifestées par le CHMP dans le cadre de l’analyse de la demande initiale déposée auprès de l’EMA pour le Precedex (voir point 7 ci-dessus).
23 En 2008, alors que le programme clinique du Dexdor était en cours, la requérante a soumis une demande de plan d’investigation pédiatrique, conformément à l’article 7 du règlement (CE) no 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relatif aux médicaments à usage pédiatrique, modifiant le règlement (CEE) no 1768/92, les directives 2001/20/CE et 2001/83/CE ainsi que le règlement no 726/2004 (JO 2006, L 378, p. 1). Dans ce cadre, la requérante a rappelé à l’EMA l’existence de
l’AMM tchèque du Precedex, tout en contestant sa conformité au droit de l’Union. Par courrier du 5 février 2009, l’EMA s’est donc adressée au SUKL pour lui demander des précisions sur la date d’octroi de l’AMM tchèque du Precedex ainsi que sur la conformité de cette dernière au droit de l’Union. Dans sa réponse du 20 février 2009, le SUKL a indiqué que toutes les AMM nationales octroyées depuis 1998, telles que l’AMM tchèque du Precedex, étaient conformes au droit de l’Union. Sur la base de cette
réponse, l’EMA a informé la requérante qu’il n’était pas requis qu’elle soumette un plan d’investigation pédiatrique.
24 Le 14 janvier 2010 a eu lieu une réunion de présoumission entre l’EMA et la requérante concernant la demande d’AMM du Dexdor. Lors de cette réunion, la requérante a répété que, selon elle, l’AMM tchèque du Precedex n’était pas conforme au droit de l’Union, de sorte que le Precedex n’était pas éligible en tant que médicament de référence, au sens de l’article 10, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un
code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 (JO 2004, L 136, p. 34), d’un médicament générique au sens de l’article 10, paragraphe 2, sous b), de la même directive. La requérante a également indiqué qu’elle avait l’intention de renoncer à l’AMM tchèque du Precedex dès qu’elle lui serait transmise. L’EMA a répondu que si une partie souhaitait contester une AMM
existante, elle devait le faire devant le juge lorsque la demande d’AMM d’un médicament générique était soumise.
25 En septembre 2010, après avoir finalisé le programme clinique, la requérante a introduit auprès de l’EMA, par le biais de la procédure centralisée, une demande d’AMM pour le Dexdor.
26 Le 21 juillet 2011, le Dexdor a obtenu un avis favorable du CHMP.
27 Le 16 septembre 2011, la Commission a octroyé à la requérante, en vertu de l’article 3 du règlement no 726/2004, une AMM pour le Dexdor. L’indication était la suivante : « [s]édation en USI ([u]nité de [s]oins [i]ntensifs) chez l’adulte nécessitant un état de sédation pas plus profond que celui permettant une réponse à un stimulus verbal [correspondant à un score de 0 à -3 sur l’échelle de vigilance-agitation de Richmond (RASS)] ». Cette indication était plus restreinte que celle accordée au
Precedex.
28 Le 22 septembre 2011, l’EMA a publié le rapport européen public d’évaluation (ci-après l’« EPAR ») du Dexdor. Ledit rapport comporte 79 pages, dont 70 sont consacrées à l’évaluation scientifique effectuée par le CHMP entre le 20 octobre 2010 et le 21 juillet 2011, laquelle aborde, notamment, des aspects de qualité, des aspects cliniques et non cliniques ainsi que l’efficacité et la sécurité cliniques, avant d’évaluer le rapport bénéfice/risque du médicament. En outre, l’EPAR indique que des AMM
de la substance active dexmédétomidine ont déjà été octroyées antérieurement tant en Pologne en 2001 que dans plusieurs pays ne relevant pas de l’Espace économique européen (EEE) depuis 1999.
29 Enfin, le 5 janvier 2018, la requérante a présenté à l’EMA une demande d’extension de l’AMM du Dexdor afin d’inclure l’indication suivante : « [s]édation de patients adultes non intubés avant et/ou pendant les actes à visée diagnostique ou chirurgicale nécessitant une sédation, telle qu’une sédation procédurale/vigile ».
30 Le 28 juin 2018, l’EMA a publié l’EPAR concernant l’indication supplémentaire mentionnée au point 29 ci-dessus. Ledit rapport comporte 142 pages, dont 125 sont consacrées à l’évaluation scientifique effectuée par le CHMP entre le 27 janvier et le 28 juin 2018, laquelle aborde, notamment, des aspects cliniques ainsi que l’efficacité et la sécurité cliniques, avant d’évaluer le rapport bénéfice/risque du médicament pour l’indication supplémentaire proposée.
31 Le 6 août 2018, la Commission a autorisé cette indication supplémentaire.
Sur les échanges entre la requérante et la Commission concernant l’AMM tchèque du Precedex en 2015 et en 2016
32 Dans le courant de l’année 2015, la requérante a eu connaissance du fait que des demandes d’AMM de médicaments génériques avaient été introduites dans plusieurs États membres.
33 Par un courrier du 14 juillet 2015, la requérante a indiqué que les demandes relatives aux AMM nationales ayant antérieurement été octroyées pour le Precedex (voir point 28 ci-dessus) étaient fondées sur un dossier qui avait, auparavant, été considéré comme étant insuffisant par l’EMA, de sorte que lesdites AMM du Precedex n’avaient pas été délivrées conformément au droit de l’Union. En outre, la requérante a demandé à la Commission de prendre des mesures pour établir que le Dexdor avait droit à
l’intégralité de la période de protection réglementaire des données prévue par l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83 et par l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 (ci-après la « période de PRD »).
34 Dans sa réponse du 24 juillet 2015, la Commission a indiqué que l’EMA examinerait le respect de la période de PRD au moment de la soumission d’une demande d’AMM d’un médicament générique dans le cadre de la procédure centralisée.
35 Par un courrier du 30 mars 2016, la requérante a répété que, selon elle, l’AMM tchèque du Precedex n’était pas conforme au droit de l’Union, de sorte que celle-ci ne pouvait pas être prise en compte pour le calcul de la période de PRD. Dans ce cadre, la requérante a fait valoir, notamment, que le rapport d’évaluation établi par des experts tchèques à la suite de la demande de ladite AMM ne répondait pas aux exigences du droit de l’Union. Par ailleurs, elle a sollicité, à nouveau, l’intervention
de la Commission dans les procédures au niveau national.
36 Par un courrier du 17 mai 2016, la Commission a souligné qu’elle avait été informée que les questions spécifiques de la requérante avaient été discutées à plusieurs reprises, et pour la dernière fois en avril 2016 lors d’une réunion du groupe de coordination pour la procédure de reconnaissance mutuelle et la procédure décentralisée (Coordination Group for Mutual Recognition and Decentralised Procedures – Human), et que, lors de cette réunion, l’État membre concerné avait expliqué les raisons pour
lesquelles le Precedex pouvait être considéré comme un médicament de référence. La Commission a conclu que, partant, elle n’était plus en mesure d’intervenir dans cette affaire.
37 Par un courrier du 20 mai 2016, la requérante a demandé à la Commission de confirmer sa position.
38 Dans sa réponse du 3 juin 2016, la Commission a expliqué qu’elle ne participait pas aux procédures de demande d’AMM en question pendantes au niveau national, qu’elle n’était pas un organe d’appel, de sorte qu’elle n’était pas en mesure d’intervenir, et que, en cas de désaccord avec la décision de l’autorité compétente au niveau national, la Cour de justice de l’Union européenne aurait reconnu le droit du titulaire d’une AMM, sous certaines conditions, d’ester en justice.
Sur l’AMM du Dexmedetomidine Accord
39 Le 23 novembre 2018, l’intervenante a introduit auprès de l’EMA une demande d’AMM pour le Dexmedetomidine Accord, un médicament générique, au sens de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2001/83, des médicaments de référence Precedex et Dexdor.
40 Cette demande reposait sur les données pharmaceutiques, précliniques et cliniques présentées à l’appui de la demande d’AMM du Dexdor et ne faisait référence au Precedex que s’agissant de la notion d’autorisation globale de mise sur le marché (ci-après l’« AGMM ») et donc du point de départ correspondant de la période de PRD.
41 Plus précisément, l’intervenante considérait que la période de PRD du Dexdor avait expiré le 1er mai 2010, au motif que celui-ci relevait, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, de la même AGMM que le Precedex. Dès lors, le Dexdor ne bénéficiait pas, selon elle, d’une période de PRD autonome et indépendante.
42 Dans le cadre de l’examen de la demande d’AMM du Dexmedetomidine Accord, l’EMA a envoyé, le 30 novembre 2018, un courriel au SUKL en lui demandant plusieurs informations concernant l’AMM tchèque du Precedex : premièrement, la date de la soumission de la demande d’AMM ; deuxièmement, la date à laquelle l’AMM avait été accordée conformément au droit de l’Union ; troisièmement, les informations relatives à une suspension, un retrait ou une révocation éventuels de l’AMM pour des raisons de santé
publique ; quatrièmement, la base légale sur le fondement de laquelle l’AMM avait été octroyée et, cinquièmement, le statut légal de l’AMM, au sens de l’article 70 de la directive 2001/83.
43 En réponse, le SUKL a indiqué, dans un courriel du 4 décembre 2018, premièrement, que la demande d’AMM du Precedex avait été soumise le 31 août 2000 ; deuxièmement, que le Precedex avait été autorisé le 21 novembre 2002, mais que, en raison de l’adhésion de la République tchèque à l’Union le 1er mai 2004, ledit médicament devait être considéré comme ayant été autorisé conformément au droit de l’Union seulement à partir de cette date ; troisièmement, que l’AMM n’avait pas été révoquée pour des
raisons de santé publique, mais retirée à la suite d’une demande du 10 juin 2010 de son titulaire, qui était à l’époque la requérante, avec effet au 30 juillet 2010 ; quatrièmement, que le Precedex avait été autorisé conformément à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83 et, cinquièmement, que ledit médicament était soumis à prescription médicale.
44 Le 5 août 2019, les représentants de la requérante ont adressé un courrier à l’EMA, dans lequel il était une nouvelle fois indiqué, notamment, que la demande d’AMM pour le Precedex avait été fondée sur les mêmes essais cliniques que ceux ayant été soumis et rejetés par l’EMA, que le rapport d’évaluation de ladite demande établi par des experts tchèques (joint en annexes 5 et 6 audit courrier) n’était pas conforme au droit de l’Union, qu’Abbott, puis Hospira, étaient les titulaires de l’AMM
tchèque du Precedex et que, peu après le transfert de cette AMM à la requérante en 2010, cette dernière avait renoncé à ladite autorisation. Une copie de ce courrier a été envoyée à la Commission.
45 Par un courrier du 19 septembre 2019, l’EMA a indiqué que les observations de la requérante avaient été soigneusement examinées, tout en soulignant qu’elle validait uniquement des demandes qui étaient conformes au droit de l’Union. Une copie de ce courrier a été envoyée à la Commission.
46 Le 12 décembre 2019, le CHMP a rendu un avis favorable recommandant l’octroi d’une AMM au Dexmedetomidine Accord.
47 Le même jour, l’EMA a publié l’EPAR du Dexmedetomidine Accord, qui résumait l’évaluation scientifique qu’elle avait effectuée entre le 28 décembre 2018 et le 12 décembre 2019. Ledit rapport comporte 18 pages, dont dix sont consacrées à l’évaluation scientifique effectuée par le CHMP, laquelle aborde, notamment, des aspects de qualité ainsi que des aspects cliniques et non cliniques, avant d’évaluer le rapport bénéfice/risque du médicament.
48 En ce qui concerne l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence, il est indiqué dans l’EPAR mentionné au point 47 ci-dessus que la demande d’AMM pour le Dexmedetomidine Accord « concerne un médicament générique au sens de l’article 10, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/83[...] et mentionne un médicament de référence, au sens de l’article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/83[...], pour lequel, compte tenu de l’adhésion de la République tchèque à l’U[nion]
le 1er mai 2004, il est considéré qu’une [AAM] a été accordée dans un État membre conformément au [droit de l’Union] et sur la base d’un dossier complet conformément à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83[...] ».
49 Le 13 février 2020, par la décision attaquée, la Commission a autorisé la mise sur le marché du Dexmedetomidine Accord. L’indication était identique à celle accordée au Dexdor et était donc plus restreinte que celle accordée au Precedex.
Conclusions des parties
50 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
51 La Commission ainsi que l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
52 Au soutien de son recours, la requérante invoque trois moyens.
53 Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 10, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/83, en ce que le Precedex a été accepté comme médicament de référence quand bien même l’AMM tchèque dudit médicament n’avait pas été octroyée conformément au droit de l’Union, notamment à l’article 12, paragraphe 2, du règlement no 726/2004 et à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83.
54 Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, en ce que la Commission a conclu que la période de PRD du Dexdor avait expiré au motif que les deux médicaments de référence, le Precedex et le Dexdor, relevaient de la même AGMM, malgré la non-conformité de l’AMM tchèque du Precedex avec le droit de l’Union.
55 Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du principe de bonne administration, en ce que la décision attaquée ne fournit pas de motivation à l’appui de la conclusion selon laquelle l’AMM tchèque du Precedex avait été accordée conformément au droit de l’Union, d’une part, et selon laquelle ni la Commission ni l’EMA n’ont examiné impartialement les informations fournies à cet égard par la requérante à plusieurs reprises, d’autre part.
56 Par conséquent, la question principale est de savoir si, au vu des circonstances propres à la présente affaire, la Commission a, à suffisance de droit, examiné l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence au sens l’article 10, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/83.
57 Cette question doit être examinée au regard de l’objectif essentiel poursuivi par la réglementation applicable, à savoir sauvegarder la santé publique en mettant en œuvre des moyens qui ne puissent pas freiner le développement de l’industrie pharmaceutique et les échanges de médicaments au sein de l’Union, ainsi qu’il ressort des considérants 2 et 3 de la directive 2001/83.
58 Or, étant donné que la Commission invoque, en substance, son incompétence à cet égard, il convient d’examiner d’abord les arguments soulevés par cette dernière avant de répondre aux arguments de fond soulevés par la requérante pour démontrer que le Precedex n’était pas éligible en tant que médicament de référence.
Sur l’examen effectué par l’EMA et la Commission
59 À titre liminaire, il convient de constater que, en l’espèce, l’examen de l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence s’est limité à un échange de courriels entre l’EMA et le SUKL, au cours duquel l’EMA a posé cinq questions (voir point 42 ci-dessus), auxquelles le SUKL a répondu (voir point 43 ci-dessus).
60 À cet égard, il y a lieu de relever que, en réponse à la deuxième question de l’EMA concernant la date de l’octroi de l’AMM tchèque du Precedex en conformité avec le droit de l’Union, le SUKL a indiqué que ladite AMM avait été accordée le 21 novembre 2002, mais que, du fait de l’adhésion de la République tchèque, le 1er mai 2004, à l’Union, elle était considérée comme étant conforme au droit de l’Union à compter de cette dernière date.
61 Afin de justifier l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence, l’EMA a repris cette réponse du SUKL dans l’EPAR du Dexmedetomidine Accord (voir point 48 ci-dessus).
62 Or, les parties s’accordent sur le fait qu’une AMM ne saurait être considérée comme étant conforme au droit de l’Union du simple fait que le pays émetteur a adhéré à l’Union après l’octroi de ladite AMM sans prévoir des mesures transitoires pour la mettre en conformité avec le droit de l’Union. En effet, en l’absence de telles dispositions transitoires, la République tchèque devait s’assurer que l’AMM tchèque du Precedex était, à partir du 1er mai 2004, conforme à la directive 2001/83, mais cette
absence ne pouvait donner lieu à une quelconque présomption selon laquelle ladite AMM était effectivement conforme au droit de l’Union.
63 En outre, aux troisième et quatrième questions de l’EMA, le SUKL a répondu que l’AMM tchèque du Precedex avait été octroyée conformément à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83 et qu’elle n’avait pas été retirée pour des raisons de santé publique (voir point 43 ci-dessus).
64 Dans ces conditions, il peut être considéré que, en acceptant le Precedex comme médicament de référence, la Commission s’est exclusivement fondée sur l’affirmation du SUKL selon laquelle l’AMM tchèque dudit médicament était conforme au droit de l’Union au 1er mai 2004, date d’adhésion de la République tchèque à l’Union, sans avoir effectué d’examen supplémentaire.
Sur la compétence de la Commission pour examiner l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence et son obligation en la matière
65 Ainsi qu’il est indiqué au point 58 ci-dessus, en réponse au premier moyen soulevé par la requérante, la Commission, soutenue par l’intervenante, estime que l’argumentation de la requérante quant à la non-éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence est dénuée de pertinence, dans la mesure où tant elle-même que l’EMA étaient liées par l’affirmation du SUKL selon laquelle l’AMM tchèque du Precedex était conforme au droit de l’Union depuis le 1er mai 2004. Partant, elles ne seraient
pas compétentes, dans le cadre de l’examen de la demande d’AMM pour le Dexmedetomidine Accord, pour procéder à un examen de l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence.
66 En effet, il ressortirait de l’arrêt du 14 mars 2018, Astellas Pharma (C‑557/16, EU:C:2018:181), qu’il n’appartient pas à la Commission de contrôler la légalité ou la conformité au droit de l’Union de décisions prises par le SUKL. Ainsi, la compétence de la Commission et de l’EMA se limiterait à obtenir la confirmation de l’autorité compétente ayant accordé l’AMM du médicament de référence que celle-ci est conforme au droit de l’Union.
67 En outre, l’arrêt du 16 octobre 2008, Synthon (C‑452/06, EU:C:2008:565, point 32), établirait qu’il ne revient ni à la Commission ni à l’EMA de procéder à une nouvelle évaluation scientifique d’un médicament de référence précédemment autorisé par une autorité compétente d’un État membre.
68 Par ailleurs, la Commission et l’intervenante s’appuient sur l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), pour soutenir qu’il n’était pas permis à l’EMA ni à la Commission de procéder à une évaluation de l’AMM tchèque du Precedex, dès lors qu’une telle évaluation ne faisait pas partie de l’examen consistant à déterminer si les deux médicaments relevaient ou non de la même AGMM, d’une part, et que, s’il n’était pas exigé de
revenir sur des questions factuelles concernant les substances actives d’AMM initiales, il n’était pas non plus exigé de revenir sur des questions concernant la conformité de ces dernières au droit de l’Union, d’autre part.
69 En d’autres termes, la Commission, soutenue par l’intervenante, fait valoir qu’elle ne saurait remettre en cause l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence.
70 À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 726/2004, de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, aucun médicament ne peut être mis sur le marché sans qu’une AMM ait été octroyée par l’autorité compétente en conformité avec les exigences de fond prévues par ladite directive.
71 En particulier, l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83 dispose que chaque demande est accompagnée d’un dossier complet comportant les résultats des essais pharmaceutiques, précliniques et cliniques et l’article 21, paragraphe 4, de ladite directive prévoit que l’autorité nationale compétente rédige un rapport d’évaluation dans lequel elle émet ses commentaires sur, notamment, lesdits résultats.
72 L’article 10 de la directive 2001/83, lequel s’applique à la procédure centralisée sur la base de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 726/2004, prévoit toutefois une procédure abrégée en vue de l’octroi de l’autorisation d’un médicament générique d’un médicament de référence, lequel est défini, audit article 10, paragraphe 2, sous a), comme « un médicament autorisé au sens de l’article 6, conformément à l’article 8 [du même règlement] ». Ladite procédure abrégée dispense le demandeur de
l’AMM du médicament générique de l’obligation de fournir les résultats des essais pharmaceutiques, précliniques et cliniques. Cette dispense a pour objectif de permettre aux producteurs des médicaments génériques de faire l’économie du temps et des coûts nécessaires à la réunion de ces données et d’éviter que les essais sur l’homme ou sur l’animal ne soient répétés sans nécessité impérieuse [arrêts du 16 octobre 2003, AstraZeneca, C‑223/01, EU:C:2003:546, point 42, et du 18 juin 2009, Generics
(UK), C‑527/07, EU:C:2009:379, point 23].
73 Or, la procédure abrégée n’assouplit nullement les normes de sécurité et d’efficacité auxquelles doivent satisfaire les médicaments autorisés dans l’Union. Ainsi, cette procédure est seulement disponible lorsque tous les renseignements et documents démontrant la sécurité et l’efficacité du médicament de référence sont et restent à la disposition de l’autorité compétente saisie de la demande d’AMM du médicament générique (arrêts du 5 octobre 1995, Scotia Pharmaceuticals, C‑440/93, EU:C:1995:307,
point 17 ; du 16 octobre 2003, AstraZeneca, C‑223/01, EU:C:2003:546, point 27, et du 23 octobre 2014, Olainfarm, C‑104/13, EU:C:2014:2316, points 25, 28 et 29). En effet, l’accès auxdits renseignements et documents permet à cette dernière de vérifier, le cas échéant, la sécurité et l’efficacité du médicament de référence et, par conséquent, du médicament générique faisant l’objet de la demande d’AMM.
74 De même, lorsque l’AMM du médicament de référence a été retirée pour des raisons de sécurité ou d’efficacité ou lorsque l’autorité compétente saisie d’une demande d’AMM d’un médicament générique dispose d’indices mettant en doute la sécurité ou l’efficacité du médicament de référence, ce dernier est susceptible d’être rejeté comme médicament de référence (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2003, AstraZeneca, C‑223/01, EU:C:2003:546, point 45).
75 Ainsi, l’éligibilité d’un médicament en tant que médicament de référence, au sens de l’article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/83, dépend de sa conformité avec les exigences de fond prévues dans cette directive pour assurer la sauvegarde de la santé publique. En effet, le législateur n’a pas prévu de règle obligeant une autorité compétente saisie d’une demande d’AMM d’un médicament générique à reconnaître l’AMM d’un médicament de référence octroyée antérieurement par une autre
autorité compétente.
76 Cela étant, il y a lieu de constater que la directive 2001/83 et le règlement no 726/2004 forment un cadre juridique uniforme et harmonisé applicable aux autorisations des médicaments, dans lequel ces derniers doivent satisfaire aux mêmes exigences de fond et peuvent prétendre à la même protection, quelle que soit la procédure d’autorisation (arrêt du 15 septembre 2015, Novartis Europharm/Commission, T‑472/12, EU:T:2015:637, points 74 et 76).
77 Puisque la Commission et les autorités compétentes des États membres sont soumises aux mêmes règles harmonisées, elles peuvent considérer qu’une AMM octroyée par l’une d’elles a été précédée d’un examen attentif des résultats des essais pharmaceutiques, précliniques et cliniques, assurant ainsi une évaluation fiable du rapport bénéfice/risque du médicament, conformément aux exigences de fond découlant du droit de l’Union. Cela découle directement de la finalité de la procédure abrégée prévue à
l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83 (voir point 72 ci-dessus).
78 Dès lors, la Commission a, à bon droit, fait valoir qu’elle pouvait en principe se fonder sur la confirmation qu’elle avait demandée au SUKL, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2001/83, selon laquelle l’AMM tchèque du Precedex avait bien été délivrée.
79 Toutefois, il convient de relever que l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2001/83 autorise l’autorité saisie d’une demande d’AMM d’un médicament générique, en l’espèce la Commission, à demander à celle ayant octroyé l’autorisation du médicament de référence de lui faire parvenir non seulement une confirmation que le médicament de référence est ou a été autorisé, mais aussi toute autre documentation pertinente. Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence (voir point 73
ci-dessus), cette documentation peut inclure les résultats des essais pharmaceutiques, précliniques et cliniques soumis à l’appui de la demande d’AMM du médicament de référence ainsi que l’évaluation desdits résultats effectuée par l’autorité compétente.
80 Ainsi, comme la Commission l’a reconnu lors de ses plaidoiries et en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, il lui est permis de demander à l’autorité compétente ayant octroyé l’AMM pour le médicament de référence davantage d’informations et même de lui donner accès au dossier relatif à cette AMM, lorsqu’elle est en possession d’indices remettant en cause le fait que ladite AMM repose sur un dossier démontrant la sécurité et l’efficacité dudit médicament en conformité avec les
exigences de fond prévues par la directive 2001/83.
81 Par ailleurs, il convient également de rappeler que le principe de bonne administration, prévu à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, auquel la requérante fait référence dans le cadre de son troisième moyen et auquel se rattache le devoir de diligence, fait obligation à l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2012, Applied
Microengineering/Commission, T‑387/09, EU:T:2012:501, point 76 et jurisprudence citée, et du 16 septembre 2013, ATC e.a./Commission, T‑333/10, EU:T:2013:451, point 84 et jurisprudence citée).
82 Au vu de ce qui précède, il convient de conclure, tant sur le fondement de l’article 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/83, appliquée à la procédure centralisée sur la base de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 726/2004, que sur celui du principe de bonne administration, que, contrairement à ce qu’elle fait valoir, la Commission était compétente pour examiner l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence et en avait l’obligation, pour le cas où les informations
fournies par la requérante avant l’adoption de la décision attaquée auraient été susceptibles de remettre en cause son éligibilité en tant que médicament de référence.
83 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les références faites par la Commission et l’intervenante aux arrêts du 16 octobre 2008, Synthon (C‑452/06, EU:C:2008:565, point 32), du 14 mars 2018, Astellas Pharma (C‑557/16, EU:C:2018:181), et du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213).
84 En effet, contrairement à ce que prétendent la Commission et l’intervenante, dans son arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), la Cour s’est limitée à apprécier l’existence d’une AGMM.
85 De même, il convient d’écarter l’application par analogie, revendiquée par la Commission et l’intervenante, du principe énoncé dans l’arrêt du 14 mars 2018, Astellas Pharma (C‑557/16, EU:C:2018:181), selon lequel les juridictions d’un État membre, saisies d’un recours formé par le titulaire de l’AMM d’un médicament de référence contre l’AMM d’un médicament générique octroyée par l’autorité compétente dudit État membre, ne sont pas compétentes pour vérifier si l’AMM du médicament de référence
octroyée dans un autre État membre était conforme au droit de l’Union. Force est de constater que ce principe, dégagé à propos de la compétence des juridictions nationales, n’est pas directement applicable en l’espèce.
86 En effet, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 mars 2018, Astellas Pharma (C‑557/16, EU:C:2018:181), concerne le cadre spécifique de la procédure décentralisée, au sens de l’article 28 de la directive 2001/83, dans laquelle les États membres concernés par la demande d’AMM en question exercent leurs compétences en principe sur un pied d’égalité, tandis que la présente affaire concerne la procédure centralisée, dans laquelle la Commission est compétente pour prendre une décision pour l’Union.
Ainsi, ledit arrêt concerne, de façon générale, la compétence des juridictions nationales des États membres, et non pas celle de la Commission en tant qu’autorité compétente dans le cadre d’une procédure centralisée.
87 En outre, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel une application par analogie de la procédure de reconnaissance mutuelle, prévue à l’article 28, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/83, et de l’arrêt du 16 octobre 2008, Synthon (C‑452/06, EU:C:2008:565), confirmerait l’absence de compétence de la Commission pour examiner l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence. En effet, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’applicabilité de ladite
analogie, cette procédure et cet arrêt confirment que, quand bien même l’autorité compétente saisie d’une demande d’AMM d’un médicament générique doit, en principe, reconnaître une AMM d’un médicament de référence préalablement octroyée par une autre autorité compétente, elle est exempte d’une telle obligation si elle dispose d’informations remettant en cause le fait que ladite AMM a été octroyée sur la base d’un dossier comportant tous les renseignements et documents requis et qu’une évaluation
rigoureuse dudit dossier, notamment des résultats des essais pharmaceutiques, précliniques et cliniques, a eu lieu.
88 En effet, il découle de l’arrêt du 16 octobre 2008, Synthon (C‑452/06, EU:C:2008:565), que, même si l’autorité compétente d’un État membre saisie d’une demande de reconnaissance mutuelle doit en principe reconnaître l’AMM préalablement octroyée par l’autorité compétente d’un autre État membre, cette obligation est conditionnée par la disponibilité d’un dossier comportant tous les renseignements et documents requis par l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83, tels que les résultats des
essais pharmaceutiques, précliniques et cliniques, et d’un rapport d’évaluation comportant les commentaires de l’autorité compétente relatifs, notamment, auxdits résultats (article 21, paragraphe 4, de la même directive).
89 Par ailleurs, la conclusion figurant au point 82 ci-dessus ne saurait non plus être remise en cause par l’argument soulevé par la Commission, soutenue par l’intervenante, selon lequel la requérante disposait d’autres possibilités pour contester la conformité de l’AMM tchèque du Precedex et, dans ce contexte, pour se prévaloir des défaillances du dossier joint à la demande de ladite AMM, lesquelles remettraient en cause l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence, telles que le
retrait de l’AMM tchèque du Precedex, la contestation de cette dernière devant les juridictions tchèques ou la saisine de la Commission d’une plainte au titre de l’article 258 TFUE.
90 En effet, la compétence de la Commission pour examiner l’éligibilité d’un médicament de référence et son obligation en la matière ne dépendent pas des possibilités dont aurait disposé le titulaire de l’AMM dudit médicament pour contester antérieurement cette AMM (voir points 70 à 82 ci‑dessus).
91 En tout état de cause, il convient de constater que l’argument de la Commission et de l’intervenante est erroné.
92 À cet égard, premièrement, il convient de constater que la requérante n’est devenue titulaire de l’AMM tchèque du Precedex qu’en 2010, (voir point 20 ci-dessus), de sorte qu’il peut être conclu qu’elle a demandé le retrait de cette AMM dans les meilleurs délais après l’avoir acquise, étant précisé qu’elle ne pouvait pas procéder à une telle demande avant de devenir la titulaire de ladite AMM.
93 S’agissant, deuxièmement, de l’affirmation selon laquelle la requérante aurait pu contester l’AMM tchèque du Precedex devant les juridictions tchèques, il y a lieu de noter que la Commission et l’intervenante n’ont fourni aucun élément susceptible de remettre en cause l’affirmation de la requérante selon laquelle celle-ci ne disposait pas de la qualité pour agir contre ladite AMM devant les juridictions tchèques.
94 S’agissant, troisièmement, de la possibilité pour la requérante de saisir la Commission d’une plainte au titre de l’article 258 TFUE, il suffit de noter qu’il découle du dossier que la requérante a effectivement, à plusieurs reprises, fait part à la Commission de ses inquiétudes concernant l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence (voir points 23, 24, 33, 35 et 44 ci-dessus), sans que cette dernière ait donné une quelconque suite aux soucis ainsi exprimés.
95 Il résulte de ce qui précède, ainsi qu’il est indiqué au point 82 ci-dessus, que la Commission avait le devoir d’examiner les défaillances alléguées du dossier joint à la demande de l’AMM tchèque du Precedex, pour le cas où celles-ci auraient été susceptibles de remettre en cause l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence.
Sur les indices remettant en cause l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence
96 Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir que le Precedex n’était pas éligible en tant que médicament de référence, puisque l’AMM tchèque dudit médicament n’était pas conforme au droit de l’Union, notamment à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83 et à l’article 12, paragraphe 2, du règlement no 726/2004. À cet égard, elle affirme principalement que le dossier à l’origine de l’AMM tchèque du Precedex contenait les mêmes essais cliniques que ceux soumis par Abbott
auprès de l’EMA en 1999 et qu’aucun nouvel essai clinique n’a été soumis au SUKL au moment de l’adhésion de la République tchèque à l’Union. La requérante a fait part de cette affirmation à la Commission bien avant l’adoption de la décision attaquée, notamment en lui adressant un courrier le 14 juillet 2015 (voir point 33 ci-dessus) et en adressant un courrier à l’EMA, transmis en copie à la Commission, le 5 août 2019 (voir point 44 ci-dessus).
97 À première vue, cette affirmation, que la requérante a fondée sur des informations prétendument reçues d’Abbott et du SUKL, semble probable étant donné, d’une part, la brève période d’environ cinq mois qui s’est écoulée entre le retrait par Abbott de la demande d’AMM du Precedex auprès de l’EMA (le 16 mars 2000) et l’introduction de la demande d’AMM du même médicament auprès du SUKL (le 31 aout 2000) et, d’autre part, le fait qu’Abbott n’a démontré aucune volonté de faire des investissements dans
des essais cliniques supplémentaires concernant le Precedex (voir points 8 à 10 ci-dessus).
98 En outre, comme cela est indiqué aux points 79 à 82 ci-dessus, la Commission aurait facilement pu vérifier si Abbott avait effectivement soumis les mêmes essais cliniques à l’EMA et au SUKL, en demandant à ce dernier de lui fournir une copie du dossier ou, plus particulièrement, des essais cliniques.
99 Il y a donc lieu d’examiner si ladite affirmation de la requérante, à la supposer établie, est susceptible de remettre en cause l’éligibilité du Precedex.
100 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83, lu conjointement avec l’annexe I de cette même directive, précise les renseignements et les documents qui doivent figurer dans le dossier accompagnant une demande d’AMM. Ceux-ci incluent, notamment, les résultats des essais pharmaceutiques, précliniques et cliniques qui doivent, notamment, être pertinents pour l’indication envisagée et permettre de se faire une opinion suffisamment fondée et
scientifiquement valable sur le rapport bénéfice/risque du médicament. En l’absence desdits renseignements et documents, la demande d’AMM doit être rejetée sans que l’autorité compétente ait aucun pouvoir d’appréciation à ce sujet (arrêt du 12 novembre 1996, Smith & Nephew et Primecrown, C‑201/94, EU:C:1996:432, point 30).
101 Il y a également lieu de noter la particularité de la présente affaire au regard de la situation qui se produit généralement dans le cadre de l’application de la procédure abrégée. S’il est courant que l’autorité saisie de la demande d’AMM du médicament de référence soit la première à évaluer les essais cliniques et que l’autorité compétente saisie de la demande d’AMM du médicament générique reprenne ensuite cette évaluation, en l’espèce, la séquence des événements est inversée. En effet, l’EMA,
chargée en 2018 de l’examen de la demande d’AMM du médicament générique, à savoir le Dexmedetomidine Accord, avait déjà examiné les essais cliniques relatifs à la demande d’AMM du médicament de référence, à savoir le Precedex, avant que ceux-ci ne soient soumis au SUKL (voir points 5 à 7 et 39 à 49 ci-dessus).
102 Dans ce cadre, la requérante renvoie aux faits suivants, lesquels n’ont pas été contestés par la Commission.
103 À la suite de la demande d’AMM introduite par Abbott auprès de l’EMA en 1998, le rapporteur et le corapporteur au sein du CHMP ont soulevé des préoccupations sérieuses quant au caractère adéquat des trois essais cliniques soumis par Abbott (voir point 7 ci-dessus). En particulier, selon le CHMP, lesdits essais étaient insuffisants pour démontrer le rapport bénéfice/risque du Precedex.
104 En dépit de plusieurs tentatives d’Abbott pour répondre aux préoccupations du CHMP, tous les membres dudit comité étaient d’avis qu’il convenait d’adopter un avis négatif et de recommander à la Commission de rejeter la demande d’Abbott. Par la suite, Abbott a retiré sa demande en mars 2000, au lieu d’attendre son rejet formel (voir point 8 ci-dessus).
105 Dans ce contexte, la requérante a indiqué, sans avoir été contestée par la Commission, qu’il était pratique courante à l’époque que les autorités compétentes encouragent le demandeur d’une AMM à retirer sa demande et à solliciter des avis scientifiques, si elles estimaient que ladite demande était susceptible d’être rejetée pour des raisons fondamentales.
106 Sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la demande d’AMM pour le Precedex doit être considérée comme ayant été refusée par la Commission, au sens des articles 12, paragraphe 2, des règlements nos 2309/93 et 726/2004, qui obligent les autorités compétentes des États membres à reconnaître pleinement le refus d’une demande d’AMM dans le cadre d’une procédure centralisée, il convient de constater qu’il découle des recommandations de la Commission dans le cadre du document intitulé « Avis aux
demandeurs ‑ Volume 2A : Procédures d’autorisation de mise sur le marché ‑ Chapitre 2 : Reconnaissance mutuelle » qu’un dossier faisant l’objet d’un avis négatif du CHMP, tel que celui relatif à ladite demande, devrait, en principe, être complété, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83, par de nouveaux essais précliniques et cliniques afin de pouvoir être accepté.
107 En effet, la version des recommandations mentionnées au point 106 ci-dessus, publiée en février 2004, en vigueur à la date d’adhésion de la République tchèque à l’Union, et celle publiée en février 2007, en vigueur au moment de l’adoption de la décision attaquée, prévoient chacune, à son paragraphe 2.3, que la procédure de reconnaissance mutuelle au niveau national ne peut être mise en œuvre s’agissant de dossiers qui ont déjà été introduits dans le cadre de la procédure centralisée, mais qui
ont été retirés après une évaluation par l’EMA des données cliniques soumises. En outre, il découle du paragraphe 2.3 de la version de ces recommandations publiée en février 2007 qu’un tel dossier doit avoir été complété par de nouveaux essais cliniques avant que celui-ci ne puisse être soumis en tant que nouvelle demande. Cette interprétation desdites recommandations, soutenue par la requérante, n’a pas été contestée par la Commission.
108 Quand bien même les recommandations mentionnées aux points 106 et 107 ci-dessus ne sauraient modifier la portée des dispositions du droit de l’Union, il y a lieu de leur accorder une certaine importance dans la mesure où elles représentent les points de vue harmonisés de la Commission et des autorités compétentes des États membres sur l’application de la directive 2001/83 (voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2003, AstraZeneca, C‑223/01, EU:C:2003:546, point 28, et du 20 janvier 2005,
SmithKline Beecham, C‑74/03, EU:C:2005:39, point 42). En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que, en adoptant et en publiant des recommandations, une institution de l’Union, telle que la Commission, se limite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces recommandations (voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 60, et du 10 novembre 2022, Commission/Valencia
Club de Fútbol, C‑211/20 P, EU:C:2022:862, point 35).
109 Ainsi, l’éventuelle absence d’essais cliniques supplémentaires dans le dossier relatif à l’AMM tchèque du Precedex constituait un indice dont la Commission était en possession et qui remettait en cause le fait que ladite AMM était fondée sur des données cliniques permettant de se faire une opinion fondée et scientifiquement valable sur le rapport bénéfice/risque dudit médicament, comme cela est requis par l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83, lu conjointement avec l’annexe I de
cette même directive.
110 Dans ce cadre, la Commission, soutenue par l’intervenante, fait valoir que, si la requérante était réellement d’avis que le dossier clinique soumis par Abbott au SUKL était inadéquat, elle aurait facilement pu empêcher que ledit médicament soit désigné comme médicament de référence, en demandant simplement le retrait de l’AMM tchèque du Precedex en raison de préoccupations de santé publique. En effet, il découlerait de l’arrêt du 16 octobre 2003, AstraZeneca (C‑223/01, EU:C:2003:546, point 45),
qu’un médicament, dont l’AMM a été retirée pour une telle raison, ne peut être regardé comme un médicament de référence au sens de l’article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/83.
111 À cet égard, il convient de constater, s’agissant des circonstances du retrait de l’AMM tchèque du Precedex en 2010, que la nature des préoccupations soulevées par le CHMP en 1999 (voir point 7 ci-dessus) impliquait l’existence d’un risque potentiel grave pour la santé publique au sens de la ligne directrice concernant la définition d’un risque potentiel grave pour la santé publique dans le cadre de l’article 29, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/83 (JO 2006, C 133, p. 5), publiée par la
Commission. En effet, l’absence de données cliniques démontrant de façon satisfaisante l’efficacité et la sécurité du médicament donne lieu à un tel risque. À ce sujet, il est important de rappeler que l’une des objections du CHMP concernait le fait que la population de patients ayant fait l’objet des essais cliniques soumis par Abbott n’était pas représentative de toute la population des patients en soins intensifs visée par l’indication envisagée.
112 Certes, afin de répondre aux préoccupations du CHMP, la requérante a réalisé des essais cliniques supplémentaires entre 2005 et 2010 (voir points 21, 22 et 25 ci-dessus). Toutefois, force est de constater que l’indication du médicament, qui faisait l’objet desdits essais et a finalement été autorisée par la Commission dans le cadre de l’AMM du Dexdor, ne concernait qu’une partie de l’indication autorisée par le SUKL. En effet, ainsi que la requérante l’a expliqué lors de l’audience, l’indication
de l’AMM tchèque du Precedex couvrait, en substance, tous les patients postopératoires en soins intensifs, tandis que les essais cliniques supplémentaires réalisés par ses soins ne portaient que sur un sous-ensemble spécifique desdits patients.
113 En d’autres termes, quand bien même, en 2010, la requérante aurait été en possession de données cliniques démontrant l’efficacité et la sécurité du Dexdor pour l’indication autorisée par la Commission, de telles données faisaient défaut, et manquent encore, pour une partie de l’indication visée par l’AMM tchèque du Precedex.
114 Ainsi, la Commission était en possession d’indices remettant en cause le fait que l’AMM tchèque du Precedex était fondée sur des données cliniques pertinentes pour l’indication envisagée, comme cela est requis par l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83, lu conjointement avec l’annexe I de cette même directive, et qu’elle n’avait pas été retirée pour des raisons de santé publique (voir point 110 ci-dessus).
115 S’agissant de l’affirmation de la Commission selon laquelle il serait inexact de supposer que les préoccupations du CHMP ont été automatiquement reprises par le SUKL, étant donné les différentes compétences de ce dernier et de l’EMA, il convient de constater que le rapport d’évaluation relatif à l’AMM tchèque du Precedex ne comporte aucun élément provenant d’une quelconque analyse des essais cliniques soumis par Abbott (voir point 13 ci-dessus).
116 En effet, comme la requérante l’a indiqué, sans avoir été contestée par la Commission, et contrairement aux EPAR établis dans le cadre des demandes d’AMM pour le Dexdor et le Dexmedetomidine Accord (voir points 28, 30 et 47 ci-dessus), le rapport d’évaluation relatif à l’AMM tchèque du Precedex est rudimentaire et ne comporte quasi aucune évaluation critique du dossier.
117 Certes, des avis scientifiques sur un même dossier peuvent différer, mais il n’était pas loisible à la Commission de simplement faire prévaloir l’avis du SUKL sur celui que le CHMP avait préalablement émis sur le même dossier, sans avoir vérifié si le SUKL avait réellement examiné les essais cliniques et si cet éventuel examen avait remis en cause l’avis du CHMP qui précédait.
118 Par ailleurs, quant à l’affirmation de la Commission selon laquelle ni elle ni l’EMA n’étaient en possession du rapport d’évaluation relatif à l’AMM tchèque du Precedex, de sorte que, en ce qui la concernait, elle n’était pas en mesure de vérifier l’exactitude des allégations de la requérante à ce sujet, il suffit de noter que ledit rapport a été envoyé, par la requérante, à la Commission et à l’EMA le 5 août 2019 (voir point 44 ci-dessus).
119 Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que la Commission disposait, au moment de l’adoption de la décision attaquée, d’indices remettant en cause l’éligibilité du Precedex en tant que médicament de référence. Par conséquent, il convient d’accueillir le premier moyen et, par suite, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens.
Sur les dépens
120 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
121 Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supportera ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que l’intervenante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) La décision d’exécution C(2020) 942 (final) de la Commission européenne, du 13 février 2020, portant autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain « Dexmedetomidine Accord – dexmédétomidine », au titre du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil [du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des
médicaments], est annulée.
2) La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par Orion Oyj.
3) Accord Healthcare, SL supportera ses propres dépens.
Papasavvas
Porchia
Madise
Nihoul
Verschuur
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 novembre 2024.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.