ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
2 octobre 2024 ( *1 )
« Fonction publique – Agent contractuel – Refus de remboursement des frais de voyage annuel pour les enfants à charge –Article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut – Recours en annulation – Acte faisant grief – Décision fixant définitivement la position de l’administration – Recevabilité – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude »
Dans l’affaire T‑448/22,
PW, représenté par Mes S. Rodrigues et A. Champetier, avocats,
partie requérante,
contre
Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par Mmes A. Ireland, S. Falek et M. R. Coesme, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de MM. R. da Silva Passos, président, S. Gervasoni et Mme T. Pynnä (rapporteure), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal le 20 mars 2024,
– la question écrite du Tribunal au SEAE et sa réponse déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2024 ainsi que les observations du requérant sur cette réponse déposées au greffe du Tribunal le 28 mai 2024,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, PW, demande l’annulation de la décision implicite du 30 juillet 2021 rejetant sa demande de paiement des frais de voyage annuel pour l’intégralité de l’année 2020 en ce qui concerne ses enfants à charge.
Antécédents du litige
2 Le 16 février 2020, le requérant a rejoint la délégation de l’Union européenne située à Washington, DC (États-Unis), en tant qu’agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), au titre de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union (ci-après le « RAA »). L’épouse du requérant était au service du Parlement européen à Bruxelles (Belgique).
3 Par note du 9 mars 2020, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission européenne a informé le requérant de ses droits et allocations financières en application de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »). Concernant les allocations familiales, il était précisé dans cette note qu’elles étaient payées à l’épouse du requérant et, concernant les frais de voyage annuel, qu’ils étaient traités par le SEAE. Il y était
ajouté, dans la note de bas de page no 6, que, « dans le cas d’enfants dont les deux parents travaill[ai]ent dans les institutions, [ces derniers étaient] libres de demander le paiement des frais de voyage annuel pour [leurs] enfants sur la base du lieu d’origine de l’autre parent, si cela [était] plus avantageux », et que, « dans ce cas, une demande conjointe des deux parents serait nécessaire ».
4 Le 23 juin 2020, le requérant a contacté le SEAE afin de demander le paiement des frais de voyage annuel pour lui-même et pour ses enfants à charge. Le SEAE lui a répondu, le même jour, que le paiement des frais de voyage annuel avait été encodé sur sa rémunération du mois d’août 2020 et lui a envoyé une capture d’écran de ce que ce paiement inclurait. À la suite de cette réponse, le requérant a demandé que soit ajouté le paiement pour ses enfants à charge, demande à laquelle le SEAE a répondu,
toujours le 23 juin 2020, qu’il n’était pas possible de procéder à la correction des frais de voyage annuel, car les enfants du requérant n’apparaissaient pas comme étant à sa charge dans Sysper. Afin de pouvoir procéder au paiement, le SEAE a conseillé au requérant de contacter le PMO et de lui demander de revoir sa composition de ménage ainsi que les personnes à sa charge.
5 Le 26 juin 2020, le requérant a demandé au PMO de corriger le fait que ses enfants n’apparaissaient pas à sa charge dans Sysper. Il a ajouté que jusqu’à cette date, toutes les allocations, y compris les frais de voyage annuel pour le voyage aller-retour entre Bruxelles et Madrid (Espagne), étaient versées à son épouse, mais que, à partir du mois de février 2020, ils devraient lui être versés, pour un voyage aller-retour entre Washington et Madrid. Le même jour, le PMO a expliqué que la note du
9 mars 2020 confirmait que les allocations familiales étaient versées à l’épouse du requérant et a donné des instructions au requérant concernant la façon de procéder afin que les frais de voyage annuel pour les enfants à la charge du couple lui soient versés.
6 Toujours le 26 juin 2020, le requérant a demandé que soit transféré le paiement des frais de voyage annuel pour les enfants à la charge du couple sur son compte, demande qui a été confirmée par son épouse, conformément aux instructions du PMO, le 29 juin 2020.
7 Par courriel du 29 juin 2020, le PMO a confirmé au requérant avoir procédé au transfert du paiement des frais de voyage annuel pour les enfants du couple sur le compte du requérant à partir du 1er janvier 2021. Il a expliqué que le paiement des frais de voyage annuel était effectué tous les ans avec le paiement du salaire du mois de juin et que, dès lors, les demandes le concernant devaient être introduites avant le 2 mai et ne pouvaient pas être rétroactives. Puisque la demande du requérant avait
été introduite après le 2 mai 2020, le transfert ne pouvait prendre effet qu’à partir du 1er janvier 2021. Le PMO a indiqué, dès lors, que les frais de voyage annuel pour les enfants du couple avaient été versés à l’épouse du requérant pour l’année 2020.
8 Par courriel du 9 juillet 2020, le PMO a confirmé sa position en mentionnant que la note du 9 mars 2020 expliquait clairement que le paiement n’était pas fait automatiquement au parent pour lequel la distance était plus avantageuse, mais sur demande. À cause de son grade plus élevé, l’épouse du requérant recevait les allocations familiales et, de ce fait, le paiement des frais de voyage annuel. Dès lors, une demande commune visant à ce que soient transférés les frais de voyage annuel pour les
enfants à charge du couple au bénéfice du requérant aurait dû être faite avant le 2 mai 2020.
9 Tant le courriel du 29 juin 2020 que celui du 9 juillet 2020 comportaient la mention suivant laquelle le « message [correspondant] [était] envoyé à titre d’information et ne constitu[ait] pas une décision […] pouvant faire l’objet d’une réclamation au titre de l’article 90 du statut ».
10 Le 27 juillet 2020, le requérant a contesté la position du PMO en observant, notamment, que le délai appliqué par ce dernier n’avait été mentionné ni dans la note du 9 mars 2020 ni dans d’autres instructions données lors de son entrée en fonctions.
11 Avec le salaire du mois de juillet 2020, l’épouse du requérant a reçu le paiement des frais de voyage annuel pour les enfants à la charge du couple, calculés sur la base de la distance entre Bruxelles et Madrid.
12 Le 30 juillet 2020, le PMO a réitéré sa position telle qu’expliquée dans les courriels des 29 juin et 9 juillet 2020 et a ajouté que le paiement des frais de voyage annuel pour les enfants du couple avait déjà été effectué au bénéfice de l’épouse du requérant par le Parlement.
13 Par note du 19 novembre 2020, le PMO a informé le requérant que, à la suite de la demande commune du couple, les allocations familiales pour leurs quatre enfants à charge avaient été transférées sur le compte du requérant avec effet au 1er novembre 2020, tandis que l’allocation de foyer continuait à être versée à son épouse.
14 Par courriel du 7 décembre 2020, le requérant a indiqué au SEAE qu’il était parvenu à obtenir l’enregistrement de ses enfants à charge dans Sysper et a demandé la régularisation du paiement des frais de voyage annuel pour l’année 2020. Il a réitéré cette demande les 14 et 18 janvier 2021.
15 Par courriel du 18 janvier 2021, le SEAE a indiqué au requérant que, à la suite des rectifications intervenues dans le système Sysper, il serait procédé à un paiement de « 2/12 » pour ses enfants à charge avec son salaire du mois de février.
16 Par courriel du 11 février 2021, le requérant a indiqué au SEAE qu’il n’avait pas reçu le paiement des frais de voyage avec son salaire du mois de février, lui a communiqué sa fiche de salaire et lui a demandé quand le paiement des frais de voyage annuel serait effectué.
17 Le 12 février 2021, le SEAE a confirmé que le paiement avait été encodé correctement dans Sysper et a demandé au PMO de vérifier pourquoi il n’avait pas été exécuté. Le jour même, le PMO a indiqué que, même si les droits avaient été correctement encodés dans Sysper, il était trop tard pour procéder au paiement avec le salaire du mois de février et que le paiement serait fait avec le salaire du mois de mars.
18 Par courriel du 15 mars 2021, le requérant a indiqué tant au SEAE qu’au PMO que le paiement n’avait pas été fait avec son salaire du mois de mars et a demandé qu’il soit fait aussi rapidement que possible. Le jour même, le PMO, avec le SEAE en copie de son message, a confirmé que le paiement serait fait en avril.
19 Par courriel du 23 mars 2021, le requérant a demandé tant au SEAE qu’au PMO qu’il soit vérifié que tout était en ordre pour que ce paiement soit effectué correctement avec son salaire du mois d’avril.
20 Par courriel du 29 mars 2021, le PMO a informé le requérant que, après une analyse détaillée de son dossier, il apparaissait qu’il avait déjà reçu le paiement des frais de voyage annuel avec ses salaires des mois d’août 2020 (9882,10 euros), de décembre 2020 (1273,32 euros) et de février 2021 (3506,26 euros) et il a adressé au requérant un tableau avec des informations pertinentes à cet égard.
21 Par courriel du 30 mars 2021 adressé au PMO, avec le SEAE en copie, le requérant a contesté le montant total indiqué par le PMO dans son courriel du 29 mars 2021. En rappelant les démarches qu’il avait effectuées afin que ses enfants soient encodés comme étant à sa charge dans Sysper, il a expliqué qu’il considérait avoir le droit de recevoir le paiement de l’intégralité des frais de voyage annuel pour ses enfants à charge au titre de l’année 2020. Il a demandé que la position de l’administration
soit reconsidérée et que le paiement de l’ensemble des sommes correspondantes soit effectué. Par courriel du 7 juin 2021, le requérant a réitéré cette demande.
22 Le SEAE n’a pas répondu à ces courriels.
23 Le 28 octobre 2021, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la « décision implicite du 30 juillet 2021 refusant de corriger le calcul du remboursement des frais de voyage annuel […] pour 2020 », en faisant valoir une violation des articles 7 et 8 de l’annexe VII du statut, du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.
24 Par décision du 14 avril 2022, sa réclamation a été rejetée comme irrecevable, car le SEAE a considéré que l’acte faisant grief au requérant était le courriel du 18 janvier 2021.
Conclusions des parties
25 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision implicite du 30 juillet 2021 ;
– annuler, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;
– condamner le SEAE aux dépens.
26 Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ;
– en tout état de cause, rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité
27 Le SEAE a opposé au recours une exception d’irrecevabilité par laquelle il fait valoir que ce dernier est irrecevable, car la réclamation n’aurait pas été introduite contre un acte faisant grief au requérant au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Le SEAE fait valoir qu’il ne saurait être considéré qu’une décision implicite est intervenue le 30 juillet 2021. En effet, d’une part, l’acte faisant grief serait le courriel du SEAE du 18 janvier 2021, date à laquelle le SEAE a exprimé sa
position finale concernant le paiement des frais de voyage annuel pour les enfants à la charge du couple pour l’année 2020. D’autre part, le courriel du PMO du 29 mars 2021 serait de nature confirmative et ne saurait être considéré comme contenant des faits nouveaux et substantiels qui permettraient de considérer que le courriel du requérant du 30 mars 2021 constituait une demande de réexamen au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut.
28 En tout état de cause, le SEAE considère que le délai de trois mois afin de contester l’acte faisant grief par une réclamation introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut n’aurait pas été respecté. En effet, l’acte faisant grief étant le courriel du 18 janvier 2021, le délai de trois mois aurait expiré bien avant le 28 octobre 2021, date du dépôt de la réclamation.
29 Selon l’article 90, paragraphe 2, du statut, « toute personne visée au[dit] statut peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu’elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut » et « [l]a réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois ».
30 L’article 91, paragraphe 2, du statut prévoit que le recours devant le Tribunal est irrecevable si une réclamation n’a pas été formée préalablement et dans un délai de trois mois.
31 Selon une jurisprudence constante constituent des actes faisant grief les seules mesures émanant de l’autorité compétente qui produisent des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de l’intéressé, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, et qui fixent définitivement la position de l’institution (arrêts du 10 janvier 2006, Commission/Alvarez Moreno, C‑373/04 P, EU:C:2006:11, point 42 ; du 20 mai 2010,
Commission/Violetti e.a., T‑261/09 P, EU:T:2010:215, point 46, et du 8 octobre 2014, Bermejo Garde/CESE, T‑530/12 P, EU:T:2014:860, point 45).
32 En l’espèce, le courriel du 18 janvier 2021 émane de l’unité du SEAE compétente pour les questions de ressources humaines « droits, obligations et cellule médicale ». Il est signé par une assistante de cette unité. Il explique au requérant qu’une réponse ne lui avait pas été adressée auparavant, malgré sa demande du mois de décembre, car il fallait attendre un accord de la part du SEAE et du Parlement concernant le transfert des droits. Il y est mentionné qu’aucune régularisation ne pouvait être
faite en décembre, car ses enfants figuraient toujours au compte de son épouse. Le requérant y a été informé par l’auteur du courriel de ce qui suit :
« Je vois cependant maintenant que tout semble être ok dans Sysper et je vais alors procéder au paiement de 2/12 pour vos enfants que vous allez recevoir avec votre salaire de février. »
33 Il convient d’analyser si ce courriel fixe définitivement la position de l’institution dont elle émane, au sens de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, en tenant compte du fait que la qualification d’acte faisant grief ne dépend pas de la forme ou de l’intitulé de cet acte, mais est déterminée par sa substance (voir, en ce sens, ordonnance du 15 janvier 2009, Braun-Neumann/Parlement, T‑306/08 P, EU:T:2009:6, point 32).
34 À cet égard, il convient d’observer, premièrement, que la réponse du SEAE telle qu’exprimée dans le courriel du 18 janvier 2021 n’est pas suffisamment précise, ainsi que le fait valoir le requérant. En effet, la mention d’un paiement de « 2/12 » ne permet pas de comprendre, en elle-même, à quoi se réfère ce pourcentage, en tenant compte du nombre de paramètres (paiements annuels pour quatre enfants). Si, à la lumière des informations disponibles ultérieurement, notamment le courriel du PMO du
29 mars 2021, la réponse du SEAE est devenue plus explicite et a permis au requérant de demander, par son courriel du 30 mars 2021, le paiement des « 12/12 », les informations données par le SEAE dans le courriel du 18 janvier 2021 n’étaient pas suffisantes pour être considérées comme une décision fixant définitivement la position du SEAE et pour déclencher, de ce fait, le délai de réclamation.
35 Deuxièmement, à supposer même que la réponse concernant les « 2/12 » était suffisamment précise pour comprendre que deux mois sur douze (du bénéfice du paiement des frais de voyage annuel) pour chacun des quatre enfants du requérant seraient payés, cela restait une réponse partielle, car elle ne donnait aucune indication quant au traitement réservé par l’administration aux dix autres mois.
36 En effet, il ressort du dossier que le courriel du 18 janvier 2021 constitue une réponse au courriel du requérant du 7 décembre 2020, par lequel ce dernier a indiqué au SEAE qu’il avait complété la validation de l’enregistrement de ses enfants à sa charge dans Sysper et a demandé la régularisation du paiement des frais de voyage annuel, demande réitérée les 14 et 18 janvier 2021.
37 Or, si la demande du requérant concernait le paiement de la totalité des frais de voyage annuel pour 2020, la mention d’un paiement de « 2/12 » pour les enfants du requérant ne permettait pas de comprendre que le paiement du reste de la somme lui était refusé. Lu à la lumière de la demande du requérant à laquelle il constituait une réponse, le courriel du 18 janvier 2021 pouvait éventuellement lui laisser comprendre que le paiement de la somme restante suivrait.
38 Troisièmement, le contexte de l’adoption de l’acte, à savoir le comportement du SEAE à la suite du courriel du 18 janvier 2021, montre que le SEAE lui-même ne considérait pas sa position comme définitive.
39 En effet, le 11 février 2021, le requérant a indiqué, par courriel adressé au SEAE, qu’il n’avait pas reçu le paiement des frais de voyage pour ses enfants à charge avec son salaire de février et lui a communiqué sa fiche de salaire. Dans cette fiche figurait un paiement de 3506,26 euros au titre des frais de voyage annuel. Le requérant a réitéré la demande de paiement des frais de voyage annuel le 15 mars 2021. À chaque fois, le PMO a répondu que le paiement serait fait avec le salaire du mois
suivant.
40 Ce n’est qu’après une troisième demande de la part du requérant, le 25 mars 2021, que le PMO a informé ce dernier, par courriel du 29 mars 2021, que, après une analyse détaillée du dossier, il apparaissait qu’il avait déjà reçu le remboursement des frais de voyage annuel pour ses enfants à charge avec ses salaires des mois d’août 2020 (9882,10 euros), de décembre 2020 (1273,32 euros) et de février 2021 (3506,26 euros) et lui a adressé un tableau avec les informations pertinentes à cet égard.
41 Dès lors, le courriel du 18 janvier 2021 ne saurait être considéré comme fixant la position définitive du SEAE quant au paiement des frais de voyage annuel pour les enfants à la charge du requérant au sens de la jurisprudence exposée au point 31 ci-dessus. Il ne saurait donc constituer le point de départ du délai de trois mois prévu par l’article 90, paragraphe 2, du statut.
42 Le courriel du 29 mars 2021 ne saurait davantage constituer le point de départ de ce délai. En effet, d’une part, il émane du PMO, et non du SEAE, qui est l’autorité compétente en la matière, ainsi que l’explique le SEAE dans ses écritures et dans ses réponses aux questions posées par le Tribunal et qu’il ressort de la note du 9 mars 2020 (voir point 3 ci-dessus). D’autre part, si, par ce courriel, le PMO a expliqué au requérant qu’il avait « déjà reçu le paiement des frais de voyage », il n’a
pas pris position sur la demande du requérant, qui visait le paiement intégral des frais de voyage annuel pour ses enfants à charge au titre de l’année 2020. En outre, aucune des parties ne fait valoir que le courriel du 29 mars 2021 constituerait un acte faisant grief.
43 Il s’ensuit que le requérant était fondé, en application de l’article 90, paragraphe 1, du statut, à saisir l’administration, le 30 mars 2021, d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision.
44 Le défaut de réponse à cette demande dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de ladite demande vaut, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, décision implicite de rejet et c’est à bon droit que le requérant a formé une réclamation visant son annulation le 28 octobre 2021, en respectant le délai de trois mois prévu par l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, EU:C:1980:238, point 3).
45 Il s’ensuit que le recours est recevable.
Sur l’objet du litige
46 Conformément à une jurisprudence constante, bien que les conclusions du requérant tendent également à l’annulation de la décision portant rejet de sa réclamation, pour autant que de besoin, le présent recours a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, à savoir la décision implicite de rejet de la demande du requérant visant au paiement de l’ensemble des sommes auxquelles il considérait avoir droit au titre des frais de voyage annuel
(voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 5 décembre 2000, Campogrande/Commission, T‑136/98, EU:T:2000:281, point 27), sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 34).
47 En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation, qui constate l’irrecevabilité de la réclamation, est dépourvue de contenu autonome par rapport à la décision implicite du 30 juillet 2021.
48 Dans ces conditions, le recours doit être regardé comme tendant à l’annulation de la décision implicite du 30 juillet 2021 rejetant la demande du requérant de paiement des frais de voyage annuel pour l’intégralité de l’année 2020 en ce qui concerne ses enfants à charge.
Sur le fond
49 À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève deux moyens, tirés :
– le premier, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut et du principe de bonne administration ;
– le second, d’une violation des devoirs de sollicitude et de diligence.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut et du principe de bonne administration
50 Le requérant fait valoir que le SEAE a prétendu que les données encodées dans Sysper concernant ses enfants étaient erronées alors que ces données auraient dû être correctement encodées dans son profil Sysper depuis 2014. Le requérant aurait demandé la correction de ses données dans Sysper deux à trois mois avant la date où cette correction a été effectuée, en novembre 2020. Cela aurait eu comme conséquence qu’il n’a pas pu avoir le paiement des frais de voyage annuel dans leur intégralité, mais
seulement pour deux mois, et cela à partir du mois de novembre 2020. Or, un paiement partiel méconnaîtrait son droit à un paiement pour une année civile complète. En outre, le service des ressources humaines du SEAE serait parfaitement conscient de ces erreurs, qui ne seraient pas de la responsabilité du requérant et qui ne devraient pas lui porter préjudice. Il ne serait pas nécessaire que les enfants du requérant apparaissent comme personnes à charge pour que celui-ci bénéficie du paiement des
frais de voyage annuel en ce qui les concerne.
51 Le requérant ajoute qu’il ne saurait perdre son droit au paiement des frais de voyage annuel pour ses enfants à charge en raison du fait qu’il n’avait pas présenté sa demande avant le 2 mai 2020. En effet, la note du 9 mars 2020 indiquerait, dans la note bas de page no 6, que, « dans le cas d’enfants dont les deux parents travaillent pour les institutions européennes, [ils sont] libres de demander le paiement des frais de voyage annuel pour [leurs] enfants sur la base du lieu d’origine de l’autre
parent », sans spécifier de date limite. La note de bas de page no 9 du même document mentionnerait que la date limite interviendrait, « en cas d’entrée en service », « un an après la fin de la période de stage » et, « en cas de mobilité ou d’entrée en service sans période de stage », après « un an », information qui serait trompeuse. Le requérant aurait pu se fier à cette information qui lui avait été personnellement communiquée plutôt qu’à une information disponible sur l’intranet de son
service et dont il n’avait même pas connaissance. Dans un souci de bonne administration, le SEAE aurait dû indiquer le délai du 2 mai dans la note du 9 mars 2020.
52 En outre, selon le requérant, le SEAE ne saurait invoquer le paiement, par le Parlement, des frais de voyage pour l’année 2020 au bénéfice de son épouse, car le comportement d’une autorité investie du pouvoir de nomination ne saurait conditionner les actions d’une autre.
53 Le requérant ajoute, dans ses réponses aux questions posées par le Tribunal, qu’il ressort des informations soumises par le SEAE que c’est ce dernier qui est compétent pour fixer les conditions de paiement des frais de voyage annuel au bénéfice de son personnel affecté en dehors de l’Union. Une décision formelle par laquelle les conditions fixées par le PMO pour ce paiement auraient été reprises par le SEAE ferait défaut.
54 Le SEAE réfute les arguments du requérant et rétorque que la date limite fixée pour le changement de bénéficiaire du paiement des frais de voyage annuel pour l’année en cours, à savoir le 2 mai, n’a pas été respectée par le requérant et que les frais de voyage annuel avaient déjà été versés à son épouse. En outre, le paiement des frais de voyage au bénéfice du requérant pour deux mois constituerait une erreur administrative en faveur de ce dernier. En effet, il ne serait pas possible de payer au
bénéfice d’un agent les frais de voyage annuel pour deux mois uniquement.
55 À titre liminaire il convient de constater que, malgré l’énoncé, par le requérant, dans l’intitulé de son premier moyen, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, celui-ci ne présente pas d’arguments concernant une telle violation.
56 Il convient de rappeler que l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de l’annexe VII du statut prévoit que « le fonctionnaire qui a droit à une indemnité de dépaysement ou d’expatriation a droit, chaque année civile et dans la limite fixée au paragraphe 2, à un paiement forfaitaire des frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine […], pour lui-même et, s’il a droit à l’allocation de foyer, pour son conjoint et les personnes à sa charge au sens de l’article 2 » de ladite annexe.
L’article 8, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la même annexe dispose que, « lorsque deux conjoints sont fonctionnaires de l’Union européenne, chacun a droit pour lui-même et pour les personnes à sa charge au paiement forfaitaire des frais de voyage, selon les dispositions visées ci-avant », que « chaque personne à charge n’ouvre droit qu’à un seul paiement » et que, « [e]n ce qui concerne les enfants à charge, le paiement est déterminé suivant la demande des conjoints sur la base du lieu
d’origine de l’un ou de l’autre conjoint ».
57 Selon la jurisprudence, l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut a pour objectif de permettre au fonctionnaire et aux personnes à sa charge de se rendre, au moins une fois par an, au lieu d’origine du fonctionnaire, afin d’y conserver des liens familiaux, sociaux et culturels (voir arrêt du 16 février 2005, Reggimenti/Parlement, T‑354/03, EU:T:2005:54, point 68 et jurisprudence citée ; arrêt du 30 avril 2019, Ardalic e.a./Conseil, T‑523/16 et T‑542/16, non publié, EU:T:2019:272,
point 104). Toutefois, c’est dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire que le législateur a décidé que les membres de la fonction publique de l’Union se verraient rembourser les frais de voyage annuel exposés à l’occasion de leur congé annuel, alors qu’aucune règle supérieure du droit de l’Union ou de l’ordre international ne l’obligeait à reconnaître de tels droits aux fonctionnaires et aux membres de leur famille. Il dispose dès lors à plus forte raison d’un large pouvoir d’appréciation dans
la détermination des conditions et des modalités d’un tel remboursement (voir arrêt du 30 avril 2019, Ardalic e.a./Conseil, T‑523/16 et T‑542/16, non publié, EU:T:2019:272, point 48 et jurisprudence citée).
58 Selon l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, le paiement des frais de voyage annuel est forfaitaire et effectué sur la base d’une indemnité calculée par kilomètre de la distance géographique entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine du fonctionnaire ou de l’agent.
59 Après avoir consulté le comité du statut et le comité du personnel, la Commission a adopté la décision du 16 décembre 2013 portant dispositions générales d’exécution de l’article 8 de l’annexe VII du statut (ci-après les « DGE »), applicable au SEAE en vertu de la décision du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité du 3 février 2014 portant modification de l’annexe I de la décision du haut représentant du 22 novembre 2011 portant dispositions
générales d’exécution donnant effet au statut et au RAA.
60 L’article 1er, premier alinéa, des DGE prévoit que l’agent qui entre en fonction au cours d’une année civile et qui accomplit au cours de cette année au moins neuf mois de service bénéficie du paiement intégral des frais de voyage annuel prévu à l’article 8 de l’annexe VII du statut, qui est un montant forfaitaire. Ce n’est que s’il accomplit, au cours de cette année, moins de neuf mois de service que le fonctionnaire ou l’agent n’a droit qu’à une partie dudit paiement, calculée par douzième au
prorata du nombre de mois de service.
61 L’article 7 des DGE dispose que les paiements prévus par l’article 8 de l’annexe VII du statut sont effectués, chaque année, au plus tard au mois de juillet, sur la base des circonstances familiales de chaque agent ou fonctionnaire.
62 En vertu de l’accord de niveau de service conclu entre le PMO et le SEAE, adopté le 5 janvier 2011, le paiement des traitements du personnel du SEAE est effectué par le PMO. Le SEAE a en outre délégué la gestion du paiement des frais de voyage annuel au PMO pour le personnel du SEAE affecté dans l’Union. En vertu de l’article 16, paragraphe 1, de cet accord, le PMO a fixé les conditions dans lesquelles le paiement des frais de voyage annuel est octroyé à un nouveau bénéficiaire pour le personnel
affecté dans l’Union, y compris le délai du 2 mai. Il est en effet précisé sur la page Intranet fournie par le requérant que le paiement est effectué au parent qui reçoit les allocations lorsque les deux parents travaillent pour les institutions de l’Union et que le paiement des frais de voyage annuel est effectué sur la base du lieu d’origine de l’un des parents, à la suite d’une demande formelle signée par les deux parents. Il est également précisé sur la même page Intranet que cette demande ne
peut pas être rétroactive, que le paiement est effectué avec le salaire du mois de juin et que, en conséquence, les demandes effectuées après le 2 mai ne seront pas traitées pour l’année en cours.
63 En réponse à une question écrite du Tribunal, le SEAE, autorité compétente pour la gestion des frais de voyage annuel pour le personnel affecté en dehors de l’Union, a précisé qu’il avait décidé de s’aligner sur la règle du PMO, dans un souci d’égalité de traitement et afin de permettre un traitement fluide et cohérent de l’encodage des différents droits individuels. Ainsi, la règle édictée sur la page Intranet qui contient le délai du 2 mai ne fait pas de distinction entre le personnel affecté
dans l’Union et celui affecté en dehors.
64 Cette règle est accessible au personnel par le biais de l’intranet. Elle reflète la décision implicite du SEAE d’aligner le régime applicable aux deux catégories de personnel, à savoir le personnel affecté dans l’Union et celui affecté en dehors. Elle constitue ainsi une ligne directrice interne visant à garantir aux fonctionnaires concernés un traitement identique en ce qui concerne le paiement des frais de voyage annuel. En effet, il est de jurisprudence constante que la décision d’une
institution, communiquée à l’ensemble du personnel et précisant la procédure applicable dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation, constitue une directive interne qui doit, en tant que telle, être considérée comme une règle de conduite que l’administration s’impose à elle-même et dont elle ne peut s’écarter sans préciser les raisons qui l’y ont amenée, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement (voir, par analogie, arrêts du 9 juillet 2003, Efthymiou/Commission,
T‑22/01, EU:T:2003:197, point 54, et du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 51 et jurisprudence citée).
65 Il s’ensuit que, afin de gérer le paiement des frais de voyage annuel pour les enfants à charge dans le délai prévu par l’article 7 des DGE, le PMO a pu valablement fixer le délai du 2 mai de chaque année pour introduire la demande prévue par l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, qui détermine lequel des lieux d’origine des parents sera pris en compte comme base pour le paiement. En effet, la fixation d’un tel délai est tant raisonnable que nécessaire pour assurer la gestion de
nombreux dossiers par l’administration et le paiement des frais de voyage annuel dans le délai prévu par les DGE.
66 En outre, au vu de la nature forfaitaire du paiement et du délai fixé par les DGE pour l’effectuer, le PMO n’a pas dépassé son pouvoir d’appréciation lorsqu’il a prévu que la demande prévue par l’article 8, paragraphe 1, du statut ne pouvait pas être rétroactive. En effet, le respect de ce délai ne conditionne pas le paiement des frais de voyage annuel, qui est un droit statutaire et qui sera fait à l’un ou l’autre des parents, mais vise seulement à permettre à l’administration de disposer en
temps utile des informations relatives à la distance géographique sur la base de laquelle le montant du paiement est calculé.
67 En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que les frais de voyage annuel étaient payés à l’épouse du requérant sur la base de la distance entre Bruxelles et Madrid. Le requérant, entré en service au SEAE le 16 février 2020, disposait d’un délai suffisant pour introduire, avec son épouse, la demande prévue à l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, avant le 2 mai 2020.
68 Par ailleurs, le requérant ne saurait valablement prétendre qu’il ignorait que, afin que les frais de voyage annuel pour les enfants à sa charge soient calculés sur la base de son lieu d’affectation, il fallait que son épouse et lui-même introduisent une demande commune à cette fin. D’une part, cette demande est prévue par le statut et il résulte, en effet, de la jurisprudence que les fonctionnaires et les agents sont censés connaître le statut (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 1999,
Connolly/Commission, T‑34/96 et T‑163/96, EU:T:1999:102, point 168 et jurisprudence citée). D’autre part, la possibilité de procéder à une telle demande, qui devait être commune aux deux parents, avait été portée explicitement et personnellement à la connaissance du requérant par la note du 9 mars 2020 qui lui avait été adressée.
69 Concernant le délai dans lequel cette demande doit être introduite, le requérant soutient qu’il avait été amené à penser que le délai pour introduire ladite demande était d’un an à cause de la note de bas de page no 9 de la note du 9 mars 2020, qui indiquait que la date limite interviendrait, « en cas d’entrée en service », « un an après la fin de la période de stage » et, « en cas de mobilité ou d’entrée en service sans période de stage », après « un an ».
70 Cet argument ne saurait être accepté. En effet, il ressort clairement, à la simple lecture de la note du 9 mars 2020, que la note de bas de page no 9 concerne les droits afférents à un déménagement consécutif à une entrée en service ou à une mobilité, et non les frais de voyage annuel, qui sont concernés par la note de bas de page no 6.
71 Le requérant ne saurait davantage prétendre valablement qu’il ignorait le délai fixé pour l’introduction de la demande commune prévue par l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut et qu’il pensait avoir fait cette demande en temps utile.
72 Premièrement, ce délai est accessible au personnel du SEAE sur la page Intranet fournie par le requérant, ce qui est suffisant pour établir la prise de connaissance des fonctionnaires et des agents en fonction qui y ont accès (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a./Parlement, T‑229/11 et T‑276/11, EU:T:2013:127, points 33 et 34). Deuxièmement, au vu de l’article 7 des DGE, qui prévoit que les frais de voyage annuel sont remboursés au plus tard au mois de juillet,
il est possible de déduire qu’une demande concernant ce paiement doit être faite en temps utile avant cette échéance, afin de permettre à l’administration de la traiter. Troisièmement, le requérant affirme qu’il a été enregistré pour la première fois comme étant au service de l’Union en 2014, ce qui implique qu’il avait eu l’occasion de se familiariser avec les procédures de paiement, tandis que son entrée en fonction au SEAE a eu lieu en février 2020, ce qui lui laissait suffisamment de temps,
en tant qu’agent diligent, pour s’informer et introduire, avec son épouse, la demande prévue par l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, avant le 2 mai 2020.
73 Il s’ensuit que, eu égard au fait que la demande commune de la part du requérant et de son épouse n’a été finalisée que le 29 juin 2020, le SEAE n’a pas violé l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut en ne procédant pas au paiement intégral des frais de voyage annuel pour les enfants à la charge du requérant sur la base de la distance entre Madrid et Washington.
74 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du requérant concernant les erreurs dans son compte Sysper et une prétendue violation du principe de bonne administration.
75 En effet, ainsi qu’il ressort de l’ensemble du dossier, les prétendues erreurs dans Sysper ainsi que l’absence de réponse claire de la part du SEAE concernant les droits du requérant ont été sans incidence sur le refus de procéder au paiement intégral des frais de voyage pour les enfants du couple sur la base de la distance entre Washington et Madrid. Ce refus est la conséquence du fait que le requérant a présenté la demande commune prévue par l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut
de façon tardive, ainsi que l’a souligné le PMO, qui assure la gestion des paiements pour le compte du SEAE, dans le courriel du 29 juin 2020, et ainsi que l’a rappelé le SEAE dans la décision de rejet de la réclamation du 14 avril 2022. C’est à cause de ce retard dans l’introduction de la demande commune que les frais de voyage annuel pour les enfants à la charge du couple ont été versés à l’épouse du requérant, sur la base de la distance entre Bruxelles et Madrid, et non au requérant.
76 Partant, il convient de rejeter le premier moyen dans son ensemble.
Sur le second moyen, tiré d’une violation des devoirs de sollicitude et de diligence
77 Le requérant fait valoir que le SEAE n’a pas respecté les devoirs de sollicitude et de diligence, car il n’a pris en compte ni son intérêt, ni le contexte particulier de la pandémie de COVID-19, ni le fait que l’origine du problème se trouvait dans les erreurs administratives commises par l’administration.
78 Selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir, ainsi que le principe de bonne administration, implique notamment que, lorsqu’elle se prononce sur la situation d’un fonctionnaire, l’autorité compétente prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de
déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir arrêt du 25 juin 2003, Pyres/Commission, T‑72/01, EU:T:2003:176, point 77 et jurisprudence citée).
79 Or, tout d’abord, le requérant n’invoque pas en quoi l’administration n’aurait pas mis en balance ses intérêts et l’intérêt du service lorsqu’elle a simplement appliqué à son cas le délai pour introduire la demande commune prévue à l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut.
80 Ensuite, le requérant n’explique pas non plus en quoi sa santé serait affectée au sens de la jurisprudence citée au point 78 ci-dessus. La référence générale à la pandémie de COVID-19 qui aurait eu comme conséquence qu’il ait été mis en télétravail et qu’il soit retourné à Bruxelles n’est pas suffisante à cet égard.
81 Enfin, ainsi qu’il a été mentionné au point 75 ci-dessus, les prétendues erreurs commises par l’administration concernant la gestion de son dossier sont sans incidence sur le fait que les frais de voyage annuel pour les enfants du couple ont été payés à l’épouse du requérant et non au requérant, ce qui est dû au retard dans l’introduction de la demande commune prévue à l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut. Dès lors, cette situation ne saurait davantage être constitutive d’une
violation des devoirs de diligence et de sollicitude.
82 Il s’ensuit que les arguments du requérant ne sauraient prospérer et que son second moyen est rejeté.
83 Partant, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
84 Aux termes de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance.
85 En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que le requérant n’a pas pu obtenir, malgré ses multiples demandes, une réponse claire et complète émanant de l’autorité compétente, à savoir le SEAE, concernant le fond de sa demande de paiement des frais de voyage annuel pour l’intégralité de l’année 2020 en ce qui concerne ses enfants. En effet, même dans sa décision de rejet de la réclamation, le SEAE s’est contenté de rejeter la réclamation en tant qu’irrecevable. Le fait que le SEAE a
erronément considéré que la réclamation du requérant était tardive a favorisé, à tout le moins partiellement, la naissance du litige (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2018, CRM/Commission, T‑43/15, non publié, EU:T:2018:208, points 105 à108).
86 Partant, le Tribunal estime que les circonstances de l’espèce justifient de condamner le SEAE à supporter ses propres dépens et la moitié des dépens exposés par le requérant. Le requérant supportera quant à lui la moitié de ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) supportera ses propres dépens et la moitié des dépens exposés par PW.
3) PW supportera la moitié de ses propres dépens.
da Silva Passos
Gervasoni
Pynnä
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 octobre 2024.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.