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25/09/2024 | CJUE | N°T-485/21

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen (BNetzA) contre Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie., 25/09/2024, T-485/21


 ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

25 septembre 2024 ( *1 )

« Énergie – Marché intérieur de l’électricité – Région de calcul de la capacité – Région CORE – Adoption par l’ACER de la méthodologie pour la répartition des coûts du redispatching et des échanges de contrepartie – Détermination du niveau de tolérance pour les flux de boucle légitimes – Article 16, paragraphe 13, du règlement (UE) 2019/943 »

Dans l’affaire T‑485/21,

Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Po

st und Eisenbahnen (BNetzA), établie à Bonn (Allemagne), représentée par Mes U. Karpenstein et K. Reiter, avocats,

partie r...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

25 septembre 2024 ( *1 )

« Énergie – Marché intérieur de l’électricité – Région de calcul de la capacité – Région CORE – Adoption par l’ACER de la méthodologie pour la répartition des coûts du redispatching et des échanges de contrepartie – Détermination du niveau de tolérance pour les flux de boucle légitimes – Article 16, paragraphe 13, du règlement (UE) 2019/943 »

Dans l’affaire T‑485/21,

Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen (BNetzA), établie à Bonn (Allemagne), représentée par Mes U. Karpenstein et K. Reiter, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller et N. Scheffel, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), représentée par MM. P. Martinet, Z. Vujasinovic et E. Tremmel, en qualité d’agents, assistés de Mes P. Goffinet, L. Bersou et M. Shehu, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de M. F. Schalin, président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl, M. I. Nõmm, Mme G. Steinfatt et M. D. Kukovec (rapporteur), juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience des 12 et 13 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen (BNetzA), demande l’annulation de la décision de la commission de recours de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) du 28 mai 2021 confirmant la décision no 30/2020 de l’ACER, du 30 novembre 2020, sur la proposition des gestionnaires de réseau de transport d’électricité (ci-après les « GRT ») de la région
comprenant la Belgique, la République tchèque, l’Allemagne, la France, la Croatie, le Luxembourg, la Hongrie, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie (ci-après la « région CORE ») pour le calcul de la capacité dénommée « CORE », relative à la méthodologie pour la répartition des coûts du redispatching et des échanges de contrepartie, et rejetant son recours dans l’affaire A-001-2021 (consolidée) (ci-après la « décision attaquée »).

Antécédents du litige

2 La requérante est l’autorité de régulation nationale (ci-après l’« ARN ») allemande, au sens de l’article 57, paragraphe 1, de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (JO 2019, L 158, p. 125). Conformément à l’article 56, paragraphe 1, première phrase, point 1, du Gesetz über die Elektrizitäts- und Gasversorgung (Energiewirtschaftsgesetz – EnWG) (loi
relative à l’approvisionnement en électricité et en gaz), du 7 juillet 2005 (BGBI. 2005 I, p. 1970), elle assume en Allemagne les compétences attribuées aux ARN par le règlement (UE) 2015/1222 de la Commission, du 24 juillet 2015, établissant une ligne directrice relative à l’allocation de la capacité et à la gestion de la congestion (JO 2015, L 197, p. 24).

3 Conformément à l’article 74, paragraphe 1, du règlement 2015/1222, les GRT de chaque région pour le calcul de la capacité proposent, au plus tard seize mois après la décision relative aux régions pour le calcul de la capacité, une méthodologie commune pour la répartition des coûts du redispatching et des échanges de contrepartie (ci-après la « méthodologie pour la répartition des coûts »).

4 Le 17 novembre 2016, l’ACER a adopté, conformément à l’article 15 du règlement 2015/1222, la décision no 06/2016, relative à la détermination des régions pour le calcul de la capacité. L’article 1er et l’annexe I de cette décision énumèrent les territoires des États membres compris dans la région CORE.

5 La proposition de méthodologie pour la répartition des coûts des GRT de la région CORE aurait dû être soumise dans les seize mois suivant cette décision, à savoir au plus tard le 17 mai 2018.

6 Toutefois, les GRT de la région CORE n’ont pas soumis de proposition de méthodologie pour la répartition des coûts dans le délai mentionné au point 5 ci-dessus. Conformément à l’article 9, paragraphe 4, du règlement 2015/1222, ces GRT ont fait savoir aux ARN et à l’ACER qu’ils avaient besoin de plus de temps pour l’élaboration d’une telle proposition. L’ACER en a informé la Commission européenne, qui a consulté les GRT, les ARN ainsi que l’ACER afin d’aider lesdits GRT à élaborer cette proposition
et à la soumettre pour approbation le plus tôt possible.

7 Le 27 mars 2019, conformément à l’article 9, paragraphe 7, sous h), du règlement 2015/1222, les GRT de la région CORE ont soumis à l’ensemble des ARN de cette région une proposition de méthodologie pour la répartition des coûts, accompagnée d’un document explicatif. Ces ARN disposaient d’un délai de six mois pour statuer sur cette proposition, conformément à l’article 9, paragraphe 10, dudit règlement.

8 Le 26 septembre 2019, à la demande desdits ARN, l’ACER a décidé de prolonger de six mois, soit jusqu’au 27 mars 2020, le délai qui leur était imparti pour l’approbation de ladite proposition.

9 Le 27 mars 2020, le président du Forum des régulateurs de l’énergie de la région CORE a annoncé, au nom de toutes les ARN de cette région, que ces dernières n’étaient pas en mesure de prendre, pour le jour même, une décision sur la proposition soumise, celle-ci étant considérée comme largement incomplète, et ce dans une mesure telle que les ARN n’étaient en mesure ni de l’approuver ni d’en demander une modification.

10 Le même jour, les ARN de la région CORE n’étant pas parvenues à un accord en ce qui concernait la proposition de méthodologie pour la répartition des coûts soumise par les GRT, l’ACER s’est déclarée compétente pour adopter une décision sur cette proposition, conformément à l’article 5, paragraphe 3, et à l’article 6, paragraphe 10, du règlement (UE) 2019/942 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, instituant une agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de
l’énergie (JO 2019, L 158, p. 22), ainsi qu’à l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222. Selon cette dernière disposition, l’ACER était tenue d’adopter une telle décision dans un délai de six mois, conformément à l’article 6, paragraphe 12, sous a), du règlement 2019/942.

11 À l’issue d’une longue période de coopération, de consultations et de discussions entre l’ACER, toutes les ARN de la région CORE et tous les GRT de cette région sur la proposition de méthodologie pour la répartition des coûts soumise par ces GRT et sur les modifications apportées à cette proposition au cours de plusieurs réunions et tours de vote, le conseil des régulateurs de l’ACER, lequel est composé de représentants des ARN, a rendu un avis favorable sur ladite proposition le 18 novembre
2020, en application de l’article 22, paragraphe 5, sous a), du règlement 2019/942.

12 Le 30 novembre 2020, l’ACER a adopté, par la décision no 30/2020, la méthodologie pour la répartition des coûts (« Common methodology for redispatching and countertrading cost sharing for the Core CCR in accordance with Article 74 of Commission Regulation (EU) 2015/1222 of 24 July 2015 »), telle qu’elle figure à l’annexe I de cette dernière décision (ci-après la « méthodologie pour la répartition des coûts contestée »).

13 Le 29 janvier 2021, la requérante a formé un recours en annulation devant la commission de recours de l’ACER contre la décision no 30/2020, conformément à l’article 28 du règlement 2019/942. D’autres GRT et ARN de la région CORE ont également introduit un recours contre cette décision. Le 18 février 2021, la commission de recours a consolidé l’ensemble de ces recours.

14 Le 28 mai 2021, la commission de recours a adopté la décision attaquée par laquelle elle a confirmé la décision no 30/2020 et rejeté dans leur totalité les recours en annulation formés contre elle.

Conclusions des parties

15 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal n’annulerait pas la décision attaquée dans son intégralité, annuler cette dernière dans la mesure où elle confirme l’article 1er, paragraphe 1, deuxième phrase, l’article 2, paragraphe 2, sous j), l’article 3, l’article 7 et l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe I de la décision no 30/2020 ;

– condamner l’ACER aux dépens.

16 L’ACER conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

17 La République fédérale d’Allemagne, intervenant au soutien des conclusions de la requérante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.

En droit

18 Au soutien de son recours, la requérante soulève six moyens.

19 Le premier moyen est tiré du fait que la décision attaquée prévoit une extension illégale du champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée à des éléments de réseau autres que les éléments entre zones (ci-après les « interconnexions »), le deuxième, du fait que la décision attaquée exclut de façon illégale la prise en compte des flux décongestionnants lors de la répartition des coûts, le troisième, d’une détermination erronée du niveau de tolérance pour les flux de
boucle légitimes (ci-après le « niveau de tolérance »), le quatrième, d’une priorité erronée accordée aux flux de boucle par rapport aux flux internes dans la détermination des causes des congestions de réseau, le cinquième, d’une illégalité de la méthode appliquée, prise dans son ensemble, et, le sixième, de l’irrégularité de l’obligation, mise à la charge des GRT, de soumettre des propositions de modification de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée.

20 L’ACER conclut au rejet de l’ensemble des moyens soulevés par la requérante comme étant non fondé.

21 Le Tribunal estime opportun de traiter successivement les premier, quatrième et troisième moyens.

Sur le premier moyen, relatif au champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée

22 La requérante invoque trois griefs au soutien de son premier moyen, tiré du fait que la décision attaquée prévoit une extension illégale du champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée à des éléments de réseau autres que les interconnexions. Néanmoins, la requérante semble accepter le fait que les congestions sur des éléments critiques de réseau entraînent également une restriction des échanges entre zones au sens du règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen
et du Conseil, du 5 juin 2019, sur le marché intérieur de l’électricité (JO 2019, L 158, p. 54). Partant, la requérante semblerait accepter, à tout le moins à titre subsidiaire, l’inclusion des éléments critiques de réseau internes dans le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée.

23 En premier lieu, la requérante fait valoir que le champ d’application ainsi délimité est incompatible avec l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 et avec l’article 74 du règlement 2015/1222.

24 En deuxième lieu, la requérante, en invoquant l’absence de base juridique pour l’adoption de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, soutient que, au regard du principe des compétences d’attribution, l’ACER ne peut pas justifier l’extension du champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée par rapport à ce qui est prévu par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, par la considération selon laquelle les dispositions dudit règlement et du
règlement 2015/1222 n’excluraient pas une telle extension du champ d’application.

25 En troisième lieu, la requérante soutient que le champ d’application étendu de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée ne saurait non plus être justifié par des considérations relatives à la sécurité d’exploitation et au principe du « pollueur-payeur ».

26 La République fédérale d’Allemagne partage les arguments avancés par la requérante.

27 L’ACER conteste les arguments de la requérante et de la République fédérale d’Allemagne.

Observations liminaires

28 À titre liminaire, en premier lieu, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la commission de recours a réfuté les arguments tirés de l’illégalité du champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, en substance, aux points 89 à 379 (« First Consolidated Plea – Excessive scope of the RDCTCS and unlawful determination of XNEs »), aux points 1078 à 1105 (« Eighth Consolidated Plea – Polluter Pays Principle ») ainsi qu’aux points 1126 à 1191 (pages 203
à 212) (« Fourteenth Consolidated Plea – ACER exceeded its competence and infringed the principle of conferral ») de ladite décision.

29 Ainsi qu’il ressort, en substance, des points 196 à 210 de la décision attaquée, celle-ci est fondée, en partie, sur une interprétation de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 en ce sens que cette disposition reflète le principe du « pollueur-payeur ». De même, cette disposition impose de déterminer l’origine des flux physiques contribuant à la congestion entre zones sans limiter, en revanche, la répartition des coûts aux actions correctives réalisées à l’égard des congestions sur
les interconnexions.

30 De même, ainsi qu’il ressort, en substance, des points 173 à 180 de la décision attaquée, la commission de recours a considéré que la méthodologie pour la répartition des coûts contestée était conforme à l’article 74, paragraphe 2, du règlement 2015/1222, dans la mesure où les opérations sur les éléments de réseau inclus dans le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée avaient une incidence transfrontalière.

31 En second lieu, l’examen du premier moyen implique de déterminer, en ce qui concerne la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, telle que confirmée par la décision attaquée, sa base juridique, son objet et son champ d’application.

32 Dans un premier temps, s’agissant de la base juridique et de l’objet de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, il convient de relever que celle-ci a été adoptée conformément à l’article 74 du règlement 2015/1222 et qu’il est prévu, au paragraphe 2 de cette disposition, l’adoption de solutions de partage des coûts pour les mesures correctives ayant une incidence transfrontalière. Ladite méthodologie a ainsi pour objet de répartir, entre les GRT, les coûts engendrés par
l’activation des actions correctives coûteuses, à savoir le redispatching et les échanges de contrepartie.

33 À cet égard, l’article 2, point 13, du règlement 2015/1222 définit l’« action corrective » comme étant « toute mesure appliquée par un ou plusieurs GRT, manuellement ou automatiquement, afin de préserver la sécurité d’exploitation ».

34 L’article 2, point 26, du règlement 2019/943 définit le redispatching comme étant une mesure, y compris de réduction, qui est activée par un ou plusieurs GRT ou gestionnaires de réseau de distribution et consistant à modifier le modèle de production, de charge, ou les deux, de manière à modifier les flux physiques sur le système électrique et soulager ainsi une congestion physique ou assurer autrement la sécurité du système.

35 L’article 2, point 27, du règlement 2019/943 définit quant à lui l’échange de contrepartie comme étant un échange entre zones entrepris par des gestionnaires de réseau entre deux zones de dépôt des offres pour soulager une congestion physique.

36 La congestion, qui constitue un risque pour la sécurité d’exploitation nécessitant une action corrective, est quant à elle définie à l’article 2, point 4, du règlement 2019/943 comme étant « une situation dans laquelle toutes les demandes d’échange d’énergie entre des portions de réseau formulées par des acteurs du marché ne peuvent pas toutes être satisfaites parce que cela affecterait de manière significative les flux physiques sur des éléments de réseau qui ne peuvent pas accueillir ces
flux ».

37 Une congestion est causée par des flux physiques. Il existe plusieurs types de flux physiques définis par la méthodologie pour la répartition des coûts contestée. Parmi ceux-ci, l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée définit les flux alloués comme étant « un flux physique sur un élément de réseau où la source et le récepteur sont situés dans des zones de dépôt des offres différentes ». Les flux internes sont définis, à l’article 2,
paragraphe 2, sous o), de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée comme étant « un flux physique sur un élément de réseau dont la source et le récepteur ainsi que l’élément de réseau complet sont situés dans la même zone de dépôt des offres ». Selon l’article 2, paragraphe 2, sous p), de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, un flux de boucle est « un flux physique sur un élément de réseau où la source et le récepteur sont situés dans la même zone, et l’élément
de réseau, ou une partie de celui-ci, est situé dans une zone différente ».

38 Par ailleurs, il convient de relever que l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 prévoit la répartition des coûts des actions correctives visant à soulager les congestions entre deux zones de dépôt des offres en fonction de la contribution à cette congestion des flux résultant des transactions internes à une zone. En effet, il dispose, notamment, que « [l]ors de la répartition des coûts des actions correctives entre les gestionnaires de réseau de transport, les autorités de régulation
examinent dans quelle mesure les flux résultant de transactions internes aux zones de dépôt des offres contribuent à la congestion observée entre deux zones de dépôt des offres et répartissent les coûts, en fonction de cette contribution à la congestion, entre les gestionnaires de réseau de transport des zones de dépôt des offres qui sont responsables de la création de tels flux, à l’exception des coûts induits par les flux résultant de transactions internes aux zones de dépôt des offres qui sont
inférieurs au niveau attendu sans congestion structurelle dans une zone de dépôt des offres ».

39 À cet égard, une zone de dépôt des offres est définie, à l’article 2, point 65, du règlement 2019/943, comme étant « la plus grande zone géographique à l’intérieur de laquelle les acteurs du marché peuvent procéder à des échanges d’énergie sans allocation de capacité ». Actuellement, les zones faisant partie de la région CORE correspondent, dans la plupart des cas, aux territoires des États membres.

40 Dans un second temps, comme cela ressort de l’article 5, paragraphe 1, de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, afin de répartir les coûts des actions correctives, il convient d’identifier l’élément de réseau sur lequel chaque action corrective est effectivement réalisée.

41 Ainsi qu’il est souligné aux points 106 à 110 de la décision attaquée, le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée s’étend non seulement à des éléments de réseau entre zones (interconnexions), mais également à tous les éléments de réseau internes avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kilovolts (kV).

42 En effet, la méthodologie pour la répartition des coûts contestée prévoit, à son article 3, paragraphe 4, que tous les « éléments de réseau ayant une incidence transfrontalière » sont « éligibles pour une répartition des coûts ».

43 D’une part, s’agissant des éléments de réseau ayant une incidence transfrontalière, la méthodologie pour la répartition des coûts contestée définit, à son article 2, paragraphe 2, sous j), ces éléments comme étant « des éléments de réseau [...] identifiés comme ayant une incidence transfrontalière et sur lesquels des violations de la sécurité opérationnelle doivent être gérées de manière coordonnée ».

44 À cet égard, il ressort des points 106 à 110 de la décision attaquée et il est, au demeurant, constant entre les parties que la notion d’« éléments de réseau ayant une incidence transfrontalière » doit être comprise dans le même sens que celui figurant dans la définition visée à l’article 5 de la méthodologie pour le redispatching et les échanges de contrepartie coordonnés dans la région CORE conformément à l’article 35, paragraphe 1, du règlement 2015/1222, adoptée par la décision no 35/2020 de
l’ACER, du 4 décembre 2020 sur la méthodologie pour le redispatching et les échanges de contrepartie coordonnés dans la région CORE (ci-après la « méthodologie RDCT »), et à l’article 5 de la méthodologie pour la coordination régionale de la sécurité d’exploitation dans la région CORE conformément à l’article 76, paragraphe 1, du règlement (UE) no 2017/1485 de la Commission, du 2 août 2017, établissant une ligne directrice sur la gestion du réseau de transport de l’électricité (JO 2017, L 220,
p. 1), adoptée par la décision no 33/2020 de l’ACER, du 4 décembre 2020 sur la méthodologie pour la coordination régionale de la sécurité d’exploitation dans la région CORE (ci-après la « méthodologie ROSC »).

45 La notion d’« éléments de réseau ayant une incidence transfrontalière » vise ainsi, d’une part, tous les éléments critiques de réseau, conformément à l’article 5, paragraphe 1, et à l’article 7 des méthodologies communes de calcul de la capacité journalière et infrajournalière, adoptées par la décision no 02/2019 de l’ACER, du 21 février 2019 sur les propositions des GRT de la région CORE concernant les méthodologies communes de calcul de la capacité journalière et infrajournalière (ci-après les
« méthodologies CCM »), à savoir, actuellement, les interconnexions et les éléments de réseau internes déterminés par les GRT ayant un coefficient d’influencement, tel que défini par l’article 2, point 22, du règlement (UE) no 543/2013 de la Commission, du 14 juin 2013, concernant la soumission et la publication de données sur les marchés de l’électricité et modifiant l’annexe I du règlement (CE) no 714/2009 du Parlement européen et du Conseil (JO 2013, L 163, p. 1), égal ou supérieur à 5 %, et,
d’autre part et en principe, tous les éléments de réseau internes avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kV.

46 Conformément à la définition figurant à l’article 2, point 69, du règlement 2019/943, un élément critique de réseau est « un élément de réseau situé soit à l’intérieur d’une zone de dépôt des offres, soit entre des zones de dépôt des offres, qui est pris en considération dans le processus de calcul de la capacité [d’échange entre zones] et limite la quantité d’électricité qui peut être échangée [entre celles-ci] ».

47 Les éléments critiques de réseau sont, donc, soit des interconnexions, soit des éléments internes dont le coefficient d’influencement est égal ou supérieur à 5 %. Au sens de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, les éléments de réseau ayant une incidence transfrontalière sont tous des éléments critiques de réseau ainsi que les éléments de réseau internes avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kV.

48 D’autre part, s’agissant de la notion d’« opérations de redispatching et d’échanges de contrepartie ayant une incidence transfrontalière », il convient de relever que l’article 3, paragraphe 1, de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée précise que cette dernière vise les opérations de redispatching et d’échanges de contrepartie ayant une incidence transfrontalière, qui sont identifiées par la méthodologie RDCT et par la méthodologie ROSC.

49 Il en résulte, comme cela a été confirmé par les parties, que, au sens de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, les opérations de redispatching et les échanges de contrepartie ayant une incidence transfrontalière sont, en principe, toutes les opérations de redispatching et d’échanges de contrepartie visant à soulager une congestion sur des éléments de réseau ayant une incidence transfrontalière.

Analyse du champ d’application

– Sur l’étendue du champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée

50 Selon la requérante, il convient d’exclure de la répartition les coûts des actions correctives attribués aux éléments de réseau internes qui ne sont pas des interconnexions ou, tout au plus, des éléments critiques de réseau. En particulier, la requérante soutient que, en tout état de cause, les congestions sur les éléments de réseau ayant un niveau de tension supérieure ou égale à 220 kV sont des congestions internes, qui n’entrent pas dans la définition des congestions entre zones au sens de
l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

51 Il y a donc lieu d’examiner si la requérante fait valoir à bon droit que la répartition des coûts des actions correctives devrait être limitée aux éléments critiques de réseau, tels qu’ils ressortent des méthodologies CCM, dès lors qu’il s’agit des éléments qui « limite[nt] la quantité d’électricité qui peut être échangée », selon l’article 2, point 69, du règlement 2019/943. Partant, seule une congestion sur ces éléments serait une congestion entre zones, au sens de l’article 16, paragraphe 13,
du règlement 2019/943.

52 Premièrement, il convient d’examiner si les éléments critiques de réseau sont les seuls à avoir une incidence transfrontalière au sens de l’article 74, paragraphe 2, du règlement 2015/1222.

53 Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 74, paragraphe 2, du règlement 2015/1222, la méthodologie pour la répartition des coûts contestée « comporte des solutions de partage des coûts pour les opérations ayant une incidence transfrontalière ». Par ailleurs, l’article 74, paragraphe 4, sous b), du même règlement établit que la méthodologie pour la répartition des coûts contestée doit définir « quels sont les coûts générés par le recours au redispatching ou aux échanges de contrepartie dans le
but d’assurer la fermeté de la capacité d’échange entre zones, qui sont éligibles à la répartition entre tous les GRT d’une région pour le calcul de la capacité », en l’espèce la région CORE.

54 Ainsi, afin d’établir si la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, telle que confirmée par la décision attaquée, est compatible avec l’article 74, paragraphe 2, du règlement 2015/1222, il convient d’examiner dans quelle mesure les actions correctives dont elle vise à répartir les coûts ont pour but d’assurer la fermeté de la capacité d’échange entre zones.

55 Toutefois, il importe de rappeler que le règlement 2015/1222 est un acte d’exécution du règlement 2019/943, comme cela ressort de l’article 18, paragraphe 5, du règlement (CE) no 714/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité et abrogeant le règlement (CE) no 1228/2003 (JO 2009, L 211, p. 15), ultérieurement remplacé par le règlement 2019/943. Celui-ci est donc une norme juridique
hiérarchiquement supérieure et postérieure au règlement 2015/1222. Or, sauf dans le cas où leur sens est clair et dépourvu d’ambiguïté et n’exige donc aucune interprétation, les dispositions d’un règlement d’exécution doivent faire l’objet, si possible, d’une interprétation conforme aux dispositions du règlement de base (arrêt du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 150). L’article 74 du règlement 2015/1222 doit ainsi être interprété
conformément à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

56 À cet égard, il convient de souligner que l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 ne définit ni les éléments de réseau sur lesquels les actions correctives visent à soulager les congestions entre des zones, ni les éléments de réseau sur lesquels les coûts des actions correctives visant à soulager les congestions entre des zones doivent être répartis.

57 Dans le même sens, l’article 2, point 4, du règlement 2019/943 ne précise pas davantage quels sont les éléments de réseau sur lesquels les congestions physiques, y compris celles liées aux échanges entre zones, se produisent.

58 Or, l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 vise les coûts des actions correctives activées par les GRT afin d’assurer les échanges entre zones et, par la suite, exige de répartir lesdits coûts entre les GRT en fonction de la mesure dans laquelle les flux résultant de transactions internes aux zones contribuent à la congestion observée entre deux zones.

59 Par conséquent, selon l’objet de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, il convient de déterminer quelles congestions doivent être soulagées de manière coordonnée pour assurer les échanges entre zones, ce qui, conformément aux points 54 et 55 ci-dessus, permettra ensuite d’établir si les actions correctives visées par la méthodologie pour la répartition des coûts contestée ont pour but d’assurer la fermeté de la capacité d’échange entre zones, au sens de l’article 74, paragraphe 4,
sous b) du règlement 2015/1222.

60 Deuxièmement, il importe de souligner que, afin de réaliser une telle analyse visant à déterminer quelles actions correctives permettent d’assurer les échanges entre zones et sont ainsi concernées par la répartition des coûts, il convient d’expliciter le rôle des actions correctives dans le contexte du processus de calcul de la capacité d’échange entre zones, tel que prévu par les méthodologies CCM, ainsi que du processus d’évaluation régionale de la sécurité d’exploitation, tel qu’établi par la
méthodologie ROSC, conformément à l’article 76, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1485 (ci-après le « processus CROSA »).

61 En premier lieu, il convient de relever que le processus de calcul de la capacité d’échange entre zones commence deux jours avant la livraison de l’électricité et est utilisé pour déterminer la quantité d’énergie qui peut être échangée entre zones, dans le cadre des limites de sécurité d’exploitation.

62 Le processus de calcul de la capacité n’est effectué que sur les éléments critiques de réseau. D’une part, les GRT peuvent limiter, avant que le marché ne soit ouvert, la quantité d’énergie qui peut être échangée par les participants, afin de respecter les limites de sécurité d’exploitation. D’autre part, ce processus utilise également les actions correctives, comme le redispatching et les échanges de contrepartie. Ces actions correctives, qui pourraient être activées afin de maximiser la
capacité d’échange entre zones disponible, conformément à l’article 16, paragraphe 4, du règlement 2019/943, sont prises en considération par les GRT, mais pas encore activées.

63 En effet, aucune action corrective n’est activée lors du calcul de la capacité d’échange entre zones et aucun coût ne survient.

64 En second lieu, il convient de relever que les actions correctives coûteuses du redispatching et des échanges de contrepartie, qui font l’objet du présent litige, surviennent uniquement dans le cadre du processus CROSA, étroitement lié au calcul de la capacité d’échange entre zones.

65 Conformément à l’article 76, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement 2017/1485, régissant la préparation coordonnée des actions correctives ayant une incidence transfrontalière, et comme cela ressort de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la méthodologie ROSC, le processus CROSA a pour objectif de coordonner, de valider et de mettre en œuvre les actions correctives ayant une incidence transfrontalière. Ainsi qu’il ressort des articles 5 et 9 de ladite méthodologie ROSC, les actions
correctives ayant une incidence transfrontalière sont toutes celles qui sont à tout le moins parfois en mesure d’adresser les violations des limites de courant sur les éléments de réseau ayant une incidence transfrontalière, à savoir, en principe, tous les éléments critiques de réseau pris en compte pour le calcul de la capacité d’échange entre zones et tous les autres éléments de réseau avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kV.

66 De même, selon le considérant 12 et l’article 5, paragraphe 1, de la méthodologie ROSC, le processus CROSA assure, en principe, la sécurité d’exploitation de tous les éléments de réseau avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kV après la connaissance des résultats du marché et l’allocation de la capacité d’échange entre zones. À ce moment-là, les GRT disposent des informations détaillées sur l’énergie qui sera injectée ou retirée du réseau.

67 Le processus CROSA commence par l’évaluation locale de la sécurité d’exploitation, effectuée par chaque GRT dans son réseau, conformément à l’article 13 et à l’article 14, paragraphe 1, de la méthodologie ROSC, ce qui aboutit à la création, par chaque GRT, d’un modèle de réseau individuel.

68 Par la suite, conformément à l’article 18 de la méthodologie ROSC, les modèles de réseau individuels sont fournis aux coordinateurs régionaux et fusionnés par ces derniers en vue de la création d’un modèle de réseau commun pour toutes les heures de la journée, lequel comprend « une série de données à l’échelle de l’Union […] décrivant les caractéristiques […] du système électrique », conformément à l’article 2, point 2), du règlement 2015/1222.

69 Lorsqu’un flux sur un élément de réseau dépasse le flux maximal, il est nécessaire de préparer et de mettre en œuvre une action corrective, afin de respecter les limites de sécurité d’exploitation.

70 Ainsi qu’il ressort du considérant 10 de la méthodologie ROSC, une optimisation des actions correctives est prévue dans le cadre du processus CROSA.

71 Plus particulièrement, cette optimisation au sein du processus CROSA, décrite à l’article 2, paragraphe 1, sous p), de la méthodologie ROSC, implique de déterminer concrètement, lors de chaque itération, quelle congestion sur quel élément de réseau, critique ou non critique, doit être gérée de manière coordonnée.

72 Ainsi, pour chaque heure dans le modèle de réseau commun, on identifie, parmi toutes les actions correctives disponibles des GRT, l’établissement de celle qui est la plus efficace et présente le meilleur rapport coût/efficacité, conformément à l’article 76, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement 2017/1485, et qui peut résoudre toutes les congestions sur toutes les interconnexions et sur tous les éléments de réseau internes avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kV dans le modèle de
réseau commun, et ce sans en créer de nouvelles, conformément aux articles 20, 23 et 24 ainsi qu’à l’article 27, paragraphe 1, de la méthodologie ROSC.

73 Troisièmement, à la lumière de ce qui précède, il convient d’analyser si, ainsi que cela a été relevé par la requérante, seuls les coûts engendrés par les mesures correctives sur les éléments critiques de réseau (et partant, seuls les interconnexions ou, tout au plus, les éléments de réseau internes ayant un coefficient d’influencement égal ou supérieur à 5 %) devraient être inclus dans le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée. À cette fin, comme cela a
été avancé au point 59 ci-dessus, il convient de déterminer quelles congestions doivent être soulagées de manière coordonnée pour assurer les échanges entre zones.

74 À cet égard, en premier lieu, le seul fait d’inclure dans le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée des coûts engendrés par les congestions sur les éléments de réseau avec un niveau de tension égal ou supérieur à 220 kV ne saurait être contraire à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, dès lors que cette disposition implique uniquement de déterminer quelles congestions doivent être soulagées de manière coordonnée pour assurer les échanges entre
zones.

75 En deuxième lieu, le GRT peut utiliser un niveau maximal de 30 % de la capacité de chaque élément critique de réseau pour soulager des congestions sur ce dernier, à condition que, comme prévu à l’article 16, paragraphe 8, premier alinéa, sous b), du règlement 2019/943, 70 % de ladite capacité reste disponible pour les échanges entre zones, selon l’article 16, paragraphes 1 et 8, du règlement 2019/943.

76 Néanmoins, le fait que les congestions puissent être soulagées en utilisant jusqu’à 30 % de la capacité d’un sous-groupe d’éléments de réseau n’implique pas qu’il faille uniquement partager les coûts des actions correctives réalisées sur ce sous-groupe d’éléments.

77 En troisième lieu, il importe de relever que la fermeté de la capacité minimale de 70 % de chaque élément critique de réseau est assurée de la manière la plus efficace par l’optimisation des actions correctives activées sur tous les éléments de réseau avec un niveau de tension égal ou supérieur à 220 kV. Ainsi, cette optimisation des actions correctives sur tous ces éléments atteint les objectifs du règlement 2019/943, notamment la production de signaux de marché encourageant l’efficacité et la
sécurité d’approvisionnement, conformément à l’article 1er, sous a), du règlement 2019/943.

78 Cette optimisation contribue à réduire les coûts des actions correctives, permettant ainsi de limiter la réduction de la capacité d’échange entre zones, comme cela ressort de l’article 16, paragraphe 4, du règlement 2019/943.

79 En quatrième lieu, quand les actions correctives activées par un GRT sur les éléments internes qui ne sont pas des éléments critiques de réseau font partie de la solution optimale nécessaire pour atténuer également les congestions sur des éléments critiques de réseau, les coûts afférents aux premiers éléments doivent être répartis entre les GRT de la même manière que ceux afférents aux seconds. Par conséquent, la non-inclusion des éléments de réseau avec un niveau de tension égal ou supérieur
à 220 kV dans le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts aboutirait à une limitation injustifiée, notamment à la lumière de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, lequel exige la répartition de tous les coûts des actions correctives activées pour résoudre une congestion entre zones, à l’exception des coûts relatifs aux flux contribuant à la congestion observée entre deux zones de dépôt des offres ne dépassant pas le niveau de tolérance.

80 Si la répartition des coûts était limitée aux éléments critiques de réseau, celle-ci deviendrait aléatoire, dès lors que les coûts liés à la gestion des congestions seraient répartis de manière différente en fonction de l’élément sur lequel une action corrective serait activée. Comme l’observe à juste titre l’ACER, cela conduirait à une discrimination entre les différents éléments de réseau et, ainsi, entre les GRT propriétaires de ces éléments, qui n’est pas prévue par la réglementation en
cause.

81 Dès lors, les flux résultant de transactions internes contribuant à la congestion observée entre deux zones de dépôt des offres, décrits à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, qui réduisent la capacité d’échange entre zones sur les éléments critiques de réseau, ne peuvent pas être traités différemment, dans la répartition des coûts, lorsque ces flux transitent par des éléments non critiques de réseau. Les actions correctives activées sur ces deux groupes d’éléments sont optimisées
afin de résoudre les problèmes liés aux congestions.

82 En cinquième lieu, les actions correctives activées sur des éléments non critiques de réseau peuvent parfois résoudre des congestions sur les éléments critiques de réseau, comme l’observe l’ACER, en réponse aux questions du Tribunal.

83 Par conséquent, quand ces actions correctives peuvent contribuer à résoudre de telles congestions sur des éléments critiques de réseau, leurs coûts doivent être partagés, conformément au principe du « pollueur-payeur ». En revanche, si elles ne peuvent pas contribuer, à un moment particulier, à résoudre une congestion sur les éléments critiques de réseau, cela n’implique pas que les éléments sur lesquels les actions correctives sont activées perdent leur lien avec les échanges entre zones. En
effet, d’une part, ces actions correctives ont néanmoins été choisies dans le cadre du processus CROSA, eu égard aux autres congestions et actions correctives, afin de trouver la solution optimale au niveau régional. D’autre part, cette congestion, pour autant qu’elle soit causée par un flux transfrontalier, à savoir un flux de boucle, revêt une incidence transfrontalière.

84 De plus, comme il est prévu au considérant 35 du règlement 2019/943, dans un marché ouvert et compétitif, les GRT devraient être indemnisés pour les coûts engendrés par le passage de flux transfrontaliers d’électricité sur leurs réseaux par les gestionnaires des réseaux de transport d’où les flux transfrontaliers sont originaires et des systèmes où ces flux aboutissent.

85 Ainsi, les mesures correctives sur tous les éléments de réseau inclus dans le processus CROSA sont potentiellement pertinentes pour les échanges entre zones, selon l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, et ce indépendamment de leur coefficient d’influencement, celui-ci étant une notion reprise par les méthodologies CCM, laquelle ne saurait déterminer la répartition des coûts selon l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

86 En tout état de cause, il convient de relever que, si les GRT établissent qu’un élément non critique de réseau avec un niveau de tension égal ou supérieur à 220 kV ne peut jamais être utile pour assurer la sécurité régionale et pour assurer la fermeté de la capacité d’échange entre zones allouée, ils peuvent exclure celui-ci du processus CROSA, conformément à l’article 5, paragraphe 1, sous b), et à l’article 7, paragraphe 3, sous b), de la méthodologie ROSC, et, par conséquent, de la répartition
des coûts.

87 En sixième lieu, s’agissant du considérant 12 du règlement 2015/1222, qui exige la coordination entre les actions correctives transfrontalières et internes, il y a lieu de souligner que toutes les actions correctives dans le cadre du processus CROSA ont une incidence transfrontalière, tandis que toutes les autres actions correctives sont internes. Ainsi, le processus CROSA assure la coordination avec les actions correctives internes et veille également à la sécurité des éléments de réseau
« internes ».

88 En l’absence d’une gestion coordonnée par le processus CROSA, il existerait un risque de violation de la sécurité d’exploitation, mettant en danger les échanges entre zones. En effet, il convient de souligner que le fonctionnement du réseau est une condition indispensable pour la sécurité d’approvisionnement énergétique, dès lors que l’électricité ne peut être fournie aux citoyens de l’Union qu’au moyen du réseau, conformément au considérant 2 du règlement 2015/1222.

89 Partant, les congestions « entre zones » sont toutes les congestions qui sont actuellement, dans la région CORE, gérées de manière coordonnée dans le cadre du processus CROSA. Par conséquent, le principe du « pollueur-payeur » doit s’appliquer aux coûts relatifs à cette gestion coordonnée.

90 Il y a lieu de souligner que la coordination et la répartition des coûts ne dépendent pas de la question de savoir s’il y a un échange ou un flux alloué particulier sur un élément de réseau à un moment donné, parce que toutes les actions correctives activées sur tous les éléments de réseau, critiques et non critiques, avec un niveau de tension égal ou supérieur à 220 kV, contribuent potentiellement à faciliter les échanges entre zones, alors que leur contribution concrète à la facilitation des
échanges peut varier en fonction, notamment, de la topologie du réseau, des conditions du marché et des programmes particuliers de production et de consommation. Partant, il n’est pas possible d’exclure d’emblée les éléments de réseau avec un niveau de tension égal ou supérieur à 220 kV du champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée.

91 En septième lieu, ainsi qu’il ressort du point 167 de la décision attaquée, et sans que cela soit contesté par les parties, les éléments de réseau avec un niveau de tension égal ou supérieur à 220 kV ont été considérés comme étant des éléments ayant une incidence transfrontalière dans la mesure où ces éléments ne seraient pas structurellement congestionnés en l’absence d’échanges d’énergie. En outre, ainsi qu’il ressort dudit point, l’ensemble des GRT de la région CORE a estimé, dans la note
explicative de la méthodologie ROSC, que ces éléments étaient les plus pertinents pour le processus CROSA.

92 À cet égard, il ressort de la page 8 de la note explicative de la méthodologie ROSC, sur laquelle au demeurant les parties ont eu l’occasion de s’exprimer lors de l’audience, que les GRT ont estimé que les éléments de réseau les plus pertinents pour le processus CROSA étaient les éléments de réseau avec un niveau de tension de 220 kV et de 380 kV, « étant donné que ces éléments [étaie]nt utilisés pour faciliter les échanges d’énergie entre zones de dépôt des offres dans le système énergétique
européen ».

93 Dans la note explicative de la méthodologie ROSC, les GRT ont expliqué que les éléments de réseau avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kV facilitaient les échanges d’énergie entre zones de dépôt des offres dans le système énergétique européen. Toutefois, les GRT n’ont pas établi quels éléments devraient être considérés dans la répartition des coûts des actions correctives.

94 Par ailleurs, le niveau de tension de 220 kV a été choisi dans la région CORE en raison de son maillage particulièrement dense, alors que l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 n’empêchait pas de choisir d’autres solutions, comme cela a été clarifié lors de l’audience.

95 En outre, la répartition des coûts dans ce contexte est nécessaire pour la réalisation d’un marché de l’électricité intégré au niveau européen.

96 A fortiori, le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée n’est pas défini géographiquement et ne peut pas être limité aux seuls éléments de réseau situés sur la frontière entre deux zones de dépôt des offres, voire aux interconnexions qui lient les réseaux des États membres. En revanche, comme cela a été constaté au point 59 ci-dessus, l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 exige d’identifier quelles congestions doivent être soulagées de manière
coordonnée afin d’assurer les échanges entre zones.

97 Eu égard à ce qui précède, la requérante soutient à tort que la décision attaquée est contraire à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, car seuls les interconnexions ou, tout au plus, les éléments critiques de réseau devraient être inclus dans la répartition des coûts.

98 Dans la région CORE, toutes les congestions soulagées par les actions correctives activées conformément à la méthodologie ROSC, telle qu’établie par la décision no 33/2020 et confirmée par la décision attaquée, correspondent à des « congestions entre […] zones » visées à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

99 Il y a également lieu de constater que, dans la région CORE, toutes les actions correctives activées conformément à la méthodologie ROSC, telle qu’établie par la décision no 33/2020, contribuent à assurer la fermeté de la capacité d’échange entre zones, conformément à l’article 74, paragraphe 4, sous b), du règlement 2015/1222.

100 Partant, la décision attaquée ne saurait non plus être réputée contraire à l’article 74 du règlement 2015/1222, interprété conformément à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943. C’est donc à juste titre que la commission de recours a rejeté le recours formé à l’encontre de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée.

101 Les arguments soulevés par la requérante à l’encontre de la décision attaquée ne sauraient infirmer cette conclusion.

102 Dans un premier temps, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel seule une congestion sur une interconnexion ou, tout au plus, sur un élément critique de réseau interne est une congestion dont les coûts peuvent être répartis sur la base de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, il y a lieu de souligner que, dans le contexte de l’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, la seule hypothèse dans laquelle les coûts relatifs aux éléments non
critiques de réseau sont répartis conformément à cette disposition est celle où la congestion sur ces éléments est causée par des flux de boucle, tels que décrits au point 37 ci-dessus, dépassant le niveau de tolérance mentionné à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

103 Selon le considérant 6 de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, les flux de boucle dépassant le niveau de tolérance sont le principal facteur de congestions faisant l’objet d’une répartition des coûts. Cela résulte du constat selon lequel les congestions causées par des flux internes sont supportées par le propriétaire de l’élément de réseau congestionné, alors que, comme il ressort de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, les coûts provoqués par des flux
résultant de transactions internes contribuant à la congestion observée entre deux zones de dépôt des offres doivent être partagés proportionnellement entre GRT.

104 Or, un flux de boucle est un « flux transfrontalier », au sens de l’article 2, point 3, du règlement 2019/943, à savoir un « flux physique d’électricité circulant sur un réseau de transport d’un État membre, qui résulte de l’impact de l’activité de producteurs, de consommateurs, ou des deux, situés en dehors de cet État membre sur son réseau de transport », lequel n’est pas limité aux éléments critiques de réseau.

105 Partant, une congestion causée par un flux transfrontalier, tel qu’un flux de boucle, ne saurait être qualifiée de congestion qui serait exclue du champ d’application de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

106 De plus, si une congestion sur un élément non critique de réseau est causée uniquement par des flux internes, les coûts des actions correctives visant à traiter cette congestion seront supportés, en tout état de cause, par le propriétaire dudit élément de réseau, conformément à l’article 76, paragraphe 1, sous b), v), du règlement 2017/1485. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le principe du « pollueur-payeur » reste l’exception à la règle, car ce principe ne s’applique, de
facto, qu’aux flux de boucle dépassant le niveau de tolérance, alors que le principe du « propriétaire-payeur » s’applique à d’autres flux, tels que les flux de boucle ne dépassant pas le niveau de tolérance, et les flux internes.

107 En outre, une congestion qui n’est pas une congestion « entre zones » au sens de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 est celle qui apparaît sur les éléments de réseau exclus de la coordination régionale de la sécurité d’exploitation, que ce soit parce que cela a été décidé par les GRT, ou parce qu’il s’agit d’éléments qui sont exclus d’emblée de la coordination des actions correctives, à savoir les éléments de réseau ayant un niveau de tension inférieur à 220 kV.

108 Dans un deuxième temps, il convient de relever que la seule exception à la règle de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 selon laquelle les coûts liés aux actions correctives relatives aux flux résultant de transactions internes qui contribuent à la congestion observée entre deux zones de dépôt des offres doivent être répartis est celle relative auxdits flux ne dépassant pas le niveau de tolérance, pour lesquels les coûts doivent être supportés par le propriétaire de l’élément de
réseau congestionné.

109 À cet égard, il convient de noter que, contrairement à ce que soutient la requérante, le législateur n’a pas voulu exclure un groupe d’éléments de réseau de la répartition des coûts, dès lors qu’il a prévu, à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, la répartition des coûts produits par le soulagement coordonné des congestions entre zones.

110 De même, le fait que l’article 76, paragraphe 1, sous b), v), du règlement 2017/1485 prévoit la possibilité d’adopter d’autres méthodologies visant la répartition des coûts liés aux différentes actions correctives visées à l’article 22 dudit règlement, qui complètent le cas échéant la méthodologie commune élaborée en application de l’article 74 du règlement 2015/1222, n’a pas de pertinence pour l’interprétation de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, qui est, de surcroît, une
norme de rang supérieur.

111 Dans un troisième temps, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, tel que confirmé par la décision attaquée, serait contraire à l’article 290, paragraphe 1, et à l’article 291 TFUE ou dépourvu de base juridique, en ce que l’ACER aurait étendu le champ d’application prévu par la législation.

112 En particulier, les actions correctives coordonnées sur les éléments de réseau avec un niveau de tension égal ou supérieur à 220 kV permettent les échanges entre zones, aident à prévenir la limitation de la capacité d’échange entre zones et assurent la fermeté de ladite capacité, et ce conformément à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

113 De la même manière et étant donné que le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée est conforme à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, il ne saurait être reproché à l’ACER d’avoir élargi le champ d’application de celle-ci au-delà de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, en s’appuyant sur le principe du « pollueur-payeur ».

114 De même, il convient de rejeter les arguments de la requérante tirés d’une violation des principes concernant la délégation de pouvoirs énoncés dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7, p. 9).

115 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’ACER est une agence de l’Union, créée par le législateur lors de l’adoption du règlement 2019/942. Comme il est indiqué, à juste titre, aux points 1151 à 1158 de la décision attaquée, les pouvoirs de celle-ci pour l’adoption d’une décision telle que la méthodologie pour la répartition des coûts contestée sont régis par ledit règlement, notamment son article 6, ainsi que par l’article 74 du règlement 2015/1222 et l’article 16, paragraphe 13, du règlement
2019/943.

116 Comme cela ressort du point 10 ci-dessus, l’ACER s’est déclarée compétente pour adopter une décision du fait que les ARN de la région CORE n’étaient pas parvenues à un accord concernant la proposition de méthodologie pour la répartition des coûts soumise par les GRT, conformément à l’article 5, paragraphe 3, et à l’article 6 du règlement 2019/942 ainsi qu’à l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222.

117 Les pouvoirs dont disposait l’ACER pour adopter la méthodologie pour la répartition des coûts contestée sont donc encadrés de manière précise et sont, conformément aux articles 28 et 29 du règlement 2019/942, susceptibles d’un contrôle juridictionnel au regard des objectifs fixés par la Commission dans le règlement 2015/1222 ainsi que par le législateur dans le règlement 2019/943 (voir, par analogie, arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 53).

118 C’est, dès lors, à bon droit que la commission de recours a rejeté les arguments de la requérante à cet égard.

119 Dans un quatrième temps, ne saurait non plus prospérer l’argument de la requérante et de la République fédérale d’Allemagne, tiré de la genèse législative de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, selon lequel le législateur aurait voulu exclure de la répartition entre les GRT les coûts découlant des actions correctives réalisées sur les éléments situés à l’intérieur des zones lorsqu’il a refusé de modifier, lors de la rédaction de cette disposition, son libellé en remplaçant « la
congestion observée entre deux zones de dépôt des offres » par « la congestion observée entre et à l’intérieur des zones de dépôt des offres ».

120 À cet égard, indépendamment de la question de savoir si la République fédérale d’Allemagne et la requérante peuvent s’appuyer sur des documents relatifs au trilogue législatif afin de démontrer la volonté du législateur lors de l’adoption de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, il suffit de constater que l’éventuel refus d’inclure expressément les congestions à l’intérieur d’une zone ne serait pas déterminant pour la question de savoir quels sont les éléments dont il convient de
tenir compte pour l’appréciation des contributions aux congestions « entre deux zones ».

121 Comme cela ressort des points 56 à 59 et 109 ci-dessus, l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 ne définit pas les éléments de réseau sur lesquels les coûts des actions correctives visant à soulager les congestions entre des zones doivent être répartis, ce qui n’implique pas que le législateur ait voulu exclure un groupe d’éléments de réseau de la répartition des coûts.

122 Partant, il y a lieu d’écarter les arguments de la requérante selon lesquels il faudrait exclure les éléments de réseau internes de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée sur la base de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 et de l’article 74 du règlement 2015/1222.

– Quant aux incitations dérivées de l’inclusion des éléments de réseau internes dans le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée

123 Il y a lieu de relever que l’inclusion de tous les éléments de réseau internes, y compris ceux ayant un niveau de tension égal ou supérieur à 220 kV, dans le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée ne comporte pas d’incitations allant à l’encontre des objectifs de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

124 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 prévoit l’obligation pour les GRT de supporter les coûts des actions correctives liés aux flux résultant de transactions internes qui contribuent à la congestion observée entre deux zones de dépôt des offres ne dépassant pas le niveau de tolérance. Cela incite les GRT à développer leur réseau afin de pouvoir accueillir de tels flux, lorsqu’ils ne dépassent pas le niveau de tolérance, lequel correspond au
niveau de flux de boucle attendu sans congestion structurelle dans une zone de dépôt des offres.

125 En revanche, le cadre juridique pertinent ne prévoit pas l’obligation pour les GRT de développer leurs réseaux afin d’accueillir les flux de boucle au-dessus du niveau de tolérance mentionné au point 124 ci-dessus. En effet, ces flux sont, par leur nature, imprévus et imprévisibles et le GRT qui accueille ces flux n’a pas d’influence sur ces derniers.

126 Il convient de noter, sur ce point, que, comme cela est indiqué au considérant 27 du règlement 2019/943, la réduction des répercussions des flux de boucle et des congestions internes sur les échanges entre zones se trouve parmi les objectifs principaux du législateur européen lors de l’établissement de ce cadre normatif.

127 De même, il ressort de la page59 de l’analyse d’impact de la Commission, du 30 novembre 2016, réalisée dans le contexte de l’élaboration du paquet législatif « Énergie » (SWD(2016) 410), que les flux de boucle peuvent réduire la capacité d’échange entre zones et conduire à un redispatching, hors marché, coûteux, ainsi qu’à des distorsions significatives des prix et à des signaux d’investissement dans les zones avoisinantes. Cela entraîne une perte sensible de prospérité.

128 De plus, l’exclusion des éléments non critiques de réseau aboutirait à ce que le GRT qui émettrait les flux de boucle ne soit pas incité à investir suffisamment dans son réseau, car il ne supporterait pas le coût total des actions correctives nécessaires pour résoudre les congestions qu’il aurait causées. En effet, c’est uniquement ce GRT, qui a la connaissance et la responsabilité de son réseau, qui peut adopter d’autres mesures nécessaires, telles que la reconfiguration de la zone ou les
investissements dans son réseau. Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 35, paragraphe 5, du règlement 2019/943, chaque GRT est responsable de son réseau et, partant, ses problèmes internes ne devraient pas être à la charge des GRT voisins.

129 En outre, si chacun des deux GRT responsables et voisins était incité à investir dans son propre réseau, que ce soit pour accueillir ou pour réduire les flux de boucle, cela aboutirait, en l’absence de coordination entre ces deux GRT, à un surinvestissement et à une mauvaise allocation des ressources, comme cela a été évoqué pertinemment par l’ACER au point 261 de son mémoire en défense.

130 Eu égard aux appréciations qui précèdent, il convient d’observer qu’un GRT ne saurait être exempté des coûts qu’il occasionne pour les autres GRT sur les éléments non critiques de leurs réseaux avec ses flux de boucle dépassant le niveau de tolérance, même si les actions correctives sur ces éléments contribuent à assurer les échanges entre zones.

131 Une telle approche serait, en outre, contraire au principe de solidarité énergétique, tel qu’interprété par la Cour.

132 Le principe de solidarité énergétique comporte des droits et des obligations tant pour l’Union que pour les États membres, l’Union étant tenue par une obligation de solidarité à l’égard des États membres et ces derniers par une obligation de solidarité entre eux et à l’égard de l’intérêt commun de l’Union et des politiques menées par elle (arrêt du 15 juillet 2021, Allemagne/Pologne, C‑848/19 P, EU:C:2021:598, point 49).

133 Dans ces conditions, il serait contraire au principe de solidarité énergétique de permettre aux GRT émettant des flux de boucle transitant par d’autres zones de dépôt des offres de se soustraire aux coûts des actions correctives, activées dans l’intérêt commun afin d’optimiser la capacité d’échange entre zones, en assurant, en même temps, aussi efficacement que possible, la sécurité du réseau, ce dont profite l’ensemble des GRT ainsi que, partant, les consommateurs d’électricité.

134 Eu égard aux appréciations qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen.

Sur le quatrième moyen, relatif à la priorisation des flux de boucle

135 Par son quatrième moyen, la requérante, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, fait valoir que la méthodologie pour la répartition des coûts contestée introduit erronément, à son article 7, paragraphe 6, sous a), une priorisation des flux de boucle, en tant que source de congestion, par rapport aux flux internes, qui aboutit à une pénalisation de ces flux.

136 Selon la requérante, la prise en compte prioritaire des flux de boucle par rapport aux flux internes dans la détermination des causes des congestions contrevient au principe du « pollueur-payeur », crée de mauvaises incitations et est incompatible avec les principes d’équité et de non‑discrimination.

137 En premier lieu, la prise en compte prioritaire des flux de boucle par rapport aux flux internes dans la répartition des coûts serait contraire au principe du « pollueur-payeur » consacré à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943. En effet, les flux de boucle et les flux internes contribueraient physiquement de la même façon et au même moment à la congestion d’éléments de réseau. De ce fait, les GRT des zones de dépôt des offres qui génèrent les flux de boucle et les GRT des zones qui
créent les flux internes devraient participer aux coûts des actions correctives à proportion de leur contribution respective à la congestion. La priorité donnée aux flux de boucle sur les flux internes irait à l’encontre de ce principe.

138 En deuxième lieu, la prise en compte prioritaire des flux de boucle par rapport aux flux internes crée, selon la requérante, de mauvaises incitations, tant pour les GRT des réseaux en congestion que pour ceux de la zone de dépôt des offres qui induit les flux de boucle.

139 En troisième lieu, selon la requérante, la décision attaquée contrevient également au principe d’équité ainsi qu’au principe de non‑discrimination. Les flux internes et de boucle illégitimes seraient « condamnables » au même degré selon les critères du droit de l’Union et, en particulier, au regard de la finalité poursuivie par les règlements 2019/943 et 2015/1222, selon laquelle une répartition des coûts doit être établie en fonction de la contribution à la congestion.

140 La République fédérale d’Allemagne soutient les arguments de la requérante.

141 L’ACER conteste les arguments de la requérante, tels que soutenus par la République fédérale d’Allemagne.

142 Conformément à l’article 16, paragraphe 13, premier alinéa, du règlement 2019/943, la répartition des coûts s’effectue « en fonction [de la] contribution à la congestion ».

143 Selon l’article 7, paragraphe 6, de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, la contribution à la congestion des différents types de flux est déterminée de la manière suivante.

144 La « surcharge » sur l’élément de réseau concerné est identifiée. La surcharge correspond, en principe, au volume des flux qui dépasse la capacité maximale de l’élément de réseau concerné.

145 En outre, un ordre de priorité entre les différents types de flux est établi. Selon cet ordre de priorité, les flux de boucle congestionnants dépassant le niveau de tolérance sont identifiés, à l’article 7, paragraphe 6, sous a), de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, comme contribuant en première ligne à l’éventuelle surcharge, tandis que les flux internes congestionnants sont identifiés, à l’article 7, paragraphe 6, sous b), de cette même méthodologie, comme contribuant en
deuxième ligne à ladite surcharge. Selon cet ordre de priorité, suivent les flux de boucle congestionnants émanant des autres régions de calcul de la capacité, les flux de boucle congestionnants ne dépassant pas le niveau de tolérance, les flux alloués congestionnants et les flux congestionnants des transformateurs déphaseurs.

146 Tous les flux ne « contribuent » à la surcharge que pour autant qu’ils dépassent la capacité maximale de l’élément de réseau concerné.

147 Ainsi, si les flux internes, pris avec les autres flux qui sont d’un rang inférieur sur la liste de priorité, dépassent la capacité maximale de l’élément de réseau concerné et si, en plus, il y a des flux de boucle dépassant le niveau de tolérance, la partie des coûts relatifs aux flux internes et aux flux de boucle se détermine en fonction de l’ampleur de ces flux qui dépassent la capacité maximale de l’élément de réseau concerné, selon l’ordre de priorité établi à l’article 7, paragraphe 6, de
la méthodologie pour la répartition des coûts contestée.

148 C’est au regard de ces éléments d’explication qu’il convient d’examiner les griefs de la requérante, selon lesquels la priorisation des flux de boucle par rapport aux flux internes découlant de l’ordre de priorité établi à l’article 7, paragraphe 6, de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée ne serait pas conforme à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, selon lequel la répartition des coûts doit s’effectuer « en fonction [de la] contribution à la congestion » et,
partant, du principe du « pollueur-payeur ».

149 À cet égard, d’une part, il y a lieu de constater qu’une interprétation littérale des termes « en fonction [de la] contribution à la congestion » est conciliable tant avec l’approche retenue dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée qu’avec celle défendue par la requérante. En effet, ces termes peuvent être compris en ce sens qu’une « contribution » à la congestion n’existe qu’à partir du moment où la capacité maximale de l’élément de réseau concerné est dépassée. De plus, il
y a lieu de considérer qu’une interprétation littérale des termes « en fonction [de la] contribution à la congestion » permet de prévoir un ordre de priorité entre les différents types de flux, afin de répartir entre ceux-ci les coûts en fonction de leur contribution à la congestion.

150 D’autre part, il est également possible, dans un sens strictement causal, de comprendre les termes « en fonction [de la] contribution à la congestion » en ce sens que tous les flux sur l’élément de réseau concerné « contribuent » de la même manière à la congestion éventuelle.

151 Dans ces conditions, il convient d’examiner si la priorisation des flux de boucle se justifie au regard de leur nature différente par rapport aux flux internes ou si, comme le soutient la requérante, une différenciation, et donc une priorisation, n’est pas admissible.

152 Selon la requérante, il ressort de plusieurs dispositions que le législateur de l’Union mettrait les flux internes et les flux de boucle sur un pied d’égalité, ce qui interdirait, sous peine d’enfreindre les principes d’équité et de non-discrimination, de les traiter différemment lors de l’allocation des coûts des actions correctives.

153 À cet égard, il convient, certes, d’observer, comme cela ressort du considérant 27 du règlement 2019/943, que le législateur de l’Union est soucieux d’éviter que la capacité d’échange entre zones ne soit limitée en raison des flux internes et des flux de boucle et qu’il a ainsi fixé, à l’article 16, paragraphe 8, de ce règlement, un niveau maximal de 30 % de la capacité de chaque élément critique de réseau qui peut être utilisé, notamment, pour gérer des congestions provoquées par les flux
internes et les flux de boucle.

154 Cependant, l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 introduit lui-même, à cet égard, une différenciation entre les flux internes et les flux de boucle. En effet, cette disposition prévoit, à son premier alinéa, la détermination d’un niveau de tolérance pour « les flux résultant de transactions internes aux zones de dépôt des offres qui sont inférieurs au niveau attendu sans congestion structurelle dans une zone de dépôt des offres ». Même si cela ne ressort pas expressément du texte de
l’article 16, paragraphe 13, dudit règlement, ce niveau de tolérance ne semble devoir être déterminé que pour les flux de boucle, étant donné que, selon le second alinéa de cette disposition, ce niveau est défini pour chaque frontière d’une zone de dépôts des offres.

155 De plus, même en l’absence de congestion structurelle, des flux de boucle sont, dans une certaine mesure, inéluctables dans un réseau d’électricité interconnecté fortement maillé (voir point 180 ci-après). C’est pourquoi la détermination d’un niveau de tolérance pour les flux de boucle a pour objet d’exclure de tels flux de la répartition des coûts engendrés par les actions correctives.

156 Il s’ensuit que, contrairement aux allégations de la requérante, l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, en prévoyant l’établissement d’un niveau de tolérance pour les flux de boucle, traite ces flux différemment des flux internes.

157 Dans ces conditions, l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 doit être interprété en ce sens qu’il permet que soient traités différemment, pour la répartition des coûts des actions correctives, les flux internes et les flux de boucle dépassant le niveau de tolérance, une telle différenciation apparaissant justifiée au regard de leur nature différente, dans le contexte de la réglementation en cause.

158 À cet égard, il convient également de souligner que, conformément à l’article 40, paragraphe 1, sous a), de la directive 2019/944, chaque GRT est chargé « de garantir la capacité à long terme du réseau de répondre à des demandes raisonnables de transport d’électricité, d’exploiter, d’entretenir et de développer, dans des conditions économiquement acceptables, des réseaux de transport sûrs, fiables et efficaces ».

159 Les GRT doivent ainsi supporter les frais de développement et d’entretien du réseau qu’ils gèrent ainsi que les coûts des actions correctives, à l’exclusion uniquement des actions correctives pour lesquelles une répartition des coûts s’applique.

160 Or, comme cela a été rappelé au point 133 de la décision no 30/2020, les réseaux d’électricité ont, historiquement parlant, été établis afin de permettre des flux internes et cette fonction demeure, aujourd’hui encore, l’une des raisons d’être de ces réseaux. Ainsi, les flux internes constituent la fonction de base d’un réseau d’électricité.

161 Avec la création du marché commun de l’électricité, les réseaux ont été ouverts, pour permettre des échanges transfrontaliers d’électricité, et la réglementation de l’Union oblige les GRT, en ayant recours à leurs réseaux, à assurer ces échanges.

162 Dès lors, l’apparition des flux de boucle est, dans une certaine mesure, une conséquence inéluctable, bien que non désirée, de l’interconnexion des réseaux d’électricité fonctionnant selon un modèle zonal, tel que celui de la région CORE.

163 En outre, contrairement aux flux internes et aux flux transfrontaliers alloués dans le contexte de l’allocation de capacité d’échange entre zones, il n’y a aucun intérêt à ce que les flux de boucle transitent par les réseaux voisins interconnectés et induisent des congestions.

164 Dans ces conditions, il ne saurait, en principe et au risque de ne pas respecter l’obligation, prescrite par l’article 74, paragraphe 6, sous c), du règlement 2015/1222, d’assurer une distribution équitable des coûts, être imposé aux GRT de subir les coûts des actions correctives relatives aux flux de boucle dépassant le niveau de tolérance qui transitent par leurs réseaux.

165 Étant donné que les flux de boucle sont, dans une certaine mesure, inéluctables dans un réseau d’électricité interconnecté fortement maillé, le niveau de tolérance, devant être déterminé en vertu de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, doit être compris comme étant la « limite de sacrifice » jusqu’à laquelle les coûts induits par la contribution des flux de boucle aux congestions doivent être supportés par le GRT responsable des éléments de réseau concernés.

166 Ainsi, au-dessus du niveau de tolérance, il n’existe pas de justification pour imposer aux GRT de subir les coûts des actions correctives relatives aux flux de boucle qui transitent par leurs réseaux.

167 Il en découle que la priorisation des flux de boucle par rapport aux flux internes est justifiée par leur nature différente et, par conséquent, que la commission de recours n’a pas, dans la décision attaquée, enfreint le principe du « pollueur-payeur » consacré à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, ni les principes d’équité et de non‑discrimination, en considérant que la priorisation des flux de boucle, dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, n’était pas
illégale.

168 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’invocation du fait que le législateur mettrait sur un pied d’égalité les flux de boucle et les flux internes dans le cadre du processus de calcul et d’allocation de la capacité d’échange entre zones établi à l’article 16, paragraphe 8, du règlement 2019/943.

169 En effet, le fait que, sous l’angle de l’intérêt à assurer la capacité pour les échanges d’électricité transfrontaliers, tant les flux de boucle que les flux internes risquent de limiter une telle capacité n’implique pas pour autant que ces types de flux devraient également être traités de la même manière s’agissant de la répartition des coûts des actions correctives. Le calcul de ladite capacité et la répartition des coûts desdites actions sont deux questions différentes et n’ont pas la même
finalité. Enfin, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le traitement différent des flux de boucle par rapport aux flux internes, lors de la répartition des coûts des actions correctives, ne saurait non plus être remis en cause en raison des fausses incitations que produirait ce traitement différent.

170 La requérante méconnaît, à cet égard, le fait que les flux internes constituent, comme il a été rappelé aux points 158 à 160 ci-dessus, la fonction de base d’un réseau de transport d’électricité.

171 Ainsi, c’est uniquement dans le cas où ces flux, conjointement avec les autres flux qui sont d’un rang inférieur sur la liste de priorité, y compris les flux de boucle ne dépassant pas le niveau de tolérance, excèdent la capacité maximale de l’élément de réseau concerné qu’il est justifié d’inciter, par la répartition des coûts des actions correctives, le GRT responsable des flux internes à investir dans son réseau.

172 En revanche, il n’existe pas de justification pour inciter un GRT à investir dans son réseau afin de pouvoir accueillir davantage de flux de boucle dépassant le niveau de tolérance.

173 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le quatrième moyen.

Sur le troisième moyen, relatif au niveau de tolérance

174 Par son troisième moyen, la requérante, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, soutient que la décision de la commission de recours est illégale en ce que ladite commission a confirmé la décision no 30/2020 par laquelle l’ACER avait procédé à une détermination erronée du niveau de tolérance et a ainsi violé l’article 16, paragraphe 13, second alinéa, du règlement 2019/943.

175 En premier lieu, la requérante fait valoir que l’ACER, en fixant elle-même un niveau de tolérance provisoire pour les flux de boucle, a méconnu les dispositions procédurales pertinentes. L’article 16, paragraphe 13, second alinéa, du règlement 2019/943 serait, par rapport aux articles 9 et 74 du règlement 2015/1222, à la fois la lex posterior, la lex superior et la lex specialis, de sorte que l’ACER n’était pas compétente en vertu de l’article 9 du règlement 2015/1222. En outre, l’ACER n’aurait
pas davantage pu se baser sur l’article 6, paragraphe 10, du règlement 2019/942, étant donné que les GRT n’auraient ni effectué l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, second alinéa, du règlement 2019/943 ni soumis une proposition de niveau de tolérance aux ARN pour approbation, de sorte que ces dernières n’auraient pas été « saisies du problème » du niveau de tolérance, au sens de l’article 6, paragraphe 10, deuxième alinéa, sous a), du règlement 2019/942.

176 En deuxième lieu, la requérante soutient que l’ACER a également méconnu les dispositions matérielles résultant de l’article 16, paragraphe 13, second alinéa, du règlement 2019/943. L’ACER aurait fixé le niveau de tolérance sans avoir disposé de l’analyse requise. En outre, elle ne l’aurait pas déterminé « pour chaque frontière » et au « niveau attendu sans congestion structurelle », comme cela serait requis par l’article 16, paragraphe 13, second alinéa, du règlement 2019/943.

177 En troisième lieu, la requérante fait valoir que l’ACER n’était pas compétente, en raison d’une prétendue « nécessité », pour déterminer un niveau de tolérance provisoire.

178 La République fédérale d’Allemagne soutient les arguments de la requérante.

179 L’ACER conteste les arguments de la requérante, tels que soutenus par la République fédérale d’Allemagne.

180 Il est constant que, même en l’absence de congestion structurelle, des flux de boucle sont inéluctables dans un réseau d’électricité interconnecté fortement maillé fonctionnant selon un modèle zonal.

181 Pour cette raison, la détermination d’un niveau de tolérance pour les flux de boucle a pour objet d’exclure de tels flux de la répartition des coûts engendrés par le redispatching et les échanges de contrepartie.

182 S’agissant de la détermination du niveau de tolérance, l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 dispose ce qui suit :

« Lors de la répartition des coûts des actions correctives entre les [GRT], les [ARN] répartissent les coûts […] à l’exception des coûts induits par les flux résultant de transactions internes aux zones de dépôt des offres qui sont inférieurs au niveau attendu sans congestion structurelle dans une zone de dépôt des offres.

Ce niveau est analysé et défini conjointement par tous les [GRT] d’une région de calcul de la capacité [d’échange] pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres et est soumis à l’approbation de toutes les [ARN] de la région de calcul de la capacité. »

183 Premièrement, il ressort de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 que le niveau de tolérance présuppose de simuler quel serait le niveau des flux de boucle attendu en l’absence de congestion structurelle.

184 La « congestion structurelle » est définie, à l’article 2, point 6, du règlement 2019/943, comme étant « une congestion qui survient dans le réseau de transport, qui peut être définie de façon non ambiguë, qui est prévisible et géographiquement stable dans le temps, et qui est récurrente dans les conditions normales du réseau d’électricité ».

185 Deuxièmement, il ressort de l’article 16, paragraphe 13, second alinéa, du règlement 2019/943 que la détermination du niveau de tolérance doit être précédée d’une analyse et que cette analyse doit être effectuée par les GRT.

186 Troisièmement, il ressort de cette même disposition que le niveau de tolérance doit être analysé et déterminé « pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres ».

187 En l’espèce, il est constant que les GRT n’ont pas effectué l’analyse requise.

188 En outre, il est constant que l’ACER n’a pas non plus effectué cette analyse.

189 À cet égard, il ressort du point 112 de la décision no 30/2020 que, en l’absence d’un niveau de tolérance analysé et défini par les GRT et approuvé par les ARN conformément à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, l’ACER a examiné si elle était en position d’effectuer elle-même cette analyse et a conclu que tel n’était pas le cas, en raison des contraintes de ressources, du temps disponible et de l’expertise nécessaire.

190 En outre, il ressort du considérant 8 de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée et des points 110 à 114 de la décision no 30/2020 que l’ACER, dans une telle situation, s’est considérée autorisée à fixer elle-même, de manière provisoire, un niveau de tolérance.

191 De plus, il ressort des points 115 à 122 de la décision no 30/2020 que l’ACER a fixé le niveau de tolérance provisoire pour toute la région CORE de manière uniforme à 10 % de la capacité maximale de chaque élément de réseau concerné et a ensuite réparti ce niveau de manière égale entre toutes les zones de dépôt des offres produisant des flux de boucle sur l’élément de réseau concerné.

192 Dans la décision attaquée, la commission de recours a rejeté, comme étant non fondée, la critique relative à cette détermination, par l’ACER, d’un niveau de tolérance provisoire pour les raisons exposées aux points 909 à 1077 (pages 137 à 164), 1210 à 1221 (pages 187 à 189) et 1192 à 1226 (pages 212 à 218) de la décision attaquée.

193 À cet égard, il ressort, notamment, des points 924 à 946 (pages 140 à 144), 1217 à 1221 (pages 187 à 189) et 1199 à 1226 (pages 213 à 218) de la décision attaquée que l’ACER a estimé devoir fixer elle-même le niveau de tolérance, étant donné que la fixation d’un tel niveau était, à son sens, indispensable pour pouvoir adopter la méthodologie pour la répartition des coûts.

194 En outre, il ressort de ces mêmes points de la décision attaquée que la détermination du niveau de tolérance par l’ACER reposerait sur une « analyse rigoureuse ».

195 Il ressort également de ces éléments de la décision attaquée que la commission de recours a considéré que l’ACER était autorisée à, voire obligée de, fixer elle-même un niveau de tolérance provisoire sans disposer de l’analyse prescrite à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, afin d’éviter une situation d’impasse.

196 À cet égard, la nature provisoire du niveau de tolérance ainsi fixé par l’ACER est soulignée dans la décision attaquée. En effet, il ressort du point 943 (page 143) de ladite décision que les GRT peuvent encore, à tout moment, effectuer l’analyse requise et que les ARN peuvent remplacer, à tout moment, le niveau de tolérance provisoire fixé dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée par un niveau de tolérance définitif.

197 Au regard de ce qui précède, il convient d’examiner si la commission de recours a pu, sans commettre d’erreur de droit, considérer, dans la décision attaquée, que la détermination du niveau de tolérance effectuée par l’ACER dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée était conforme aux exigences résultant de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943. Si tel n’est pas le cas, il conviendra d’examiner si, comme l’a relevé la commission de recours, l’ACER, dans la
situation particulière du cas d’espèce, pouvait néanmoins se fonder sur une compétence implicite lui permettant de déterminer un niveau de tolérance d’une manière différente de celle établie par cette disposition.

Sur le respect des exigences résultant de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943

198 Conformément à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, le niveau de tolérance est analysé et défini « pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres » et doit correspondre au « niveau attendu sans congestion structurelle ».

199 En premier lieu, il convient d’examiner si la méthode pour déterminer le niveau de tolérance suivie par l’ACER dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, confirmée par la décision attaquée, respecte l’exigence selon laquelle ce niveau doit être analysé et défini « pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres ».

200 À cet égard, il ressort de l’article 7, paragraphes 3 et 4, de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée que le niveau de tolérance est déterminé en deux étapes.

201 Lors d’une première étape, un niveau de tolérance commun pour toute la région CORE est appliqué à chaque élément de réseau ayant une incidence transfrontalière. Ce niveau de tolérance commun est fixé à 10 % de la capacité maximale de l’élément de réseau concerné.

202 Lors d’une seconde étape, le niveau de tolérance commun est divisé de manière égale, pour chaque élément de réseau concerné, par le nombre de zones de dépôt des offres de la région CORE dont émanent des flux de boucle passant par cet élément de réseau. Dans l’hypothèse où une zone de dépôt des offres n’utiliserait pas complètement la part du niveau de tolérance qui lui est attribuée, la partie non utilisée serait ensuite répartie de manière égale entre les zones de dépôt des offres restantes.

203 Il en découle que le niveau de tolérance de chaque élément de réseau ayant une incidence transfrontalière correspond à 10 % de sa capacité maximale, divisé de manière égale par le nombre de zones de dépôt des offres de la région CORE dont émanent des flux de boucle passant par cet élément de réseau.

204 Il est vrai, comme le soutient l’ACER, qu’une telle répartition aboutit à un niveau de tolérance individuel pour chaque zone de dépôt des offres et, partant, que cette détermination du niveau de tolérance implique une certaine « individualisation » de ce dernier, en ce que ce niveau est déterminé en fonction de la capacité maximale individuelle de chaque élément de réseau pertinent et en fonction du nombre de zones de dépôt des offres dont émanent des flux de boucle passant par ces éléments de
réseau.

205 Toutefois, force est de constater que l’« individualisation » mentionnée au point 204 ci-dessus n’est pas celle prescrite, à l’article 16, paragraphe 13, second alinéa, du règlement 2019/943, par les termes « pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres ».

206 En effet, comme le soutient en substance la requérante, sans être contredite sur ce point par l’ACER, le niveau des flux de boucle change en fonction des caractéristiques des zones de dépôt des offres, telles que la taille, le degré de maillage, la proportion de l’injection d’électricité issue d’énergies renouvelables et le nombre de frontières de la zone de dépôt des offres concernée. Ainsi, le niveau des flux de boucle peut varier d’une zone de dépôt à l’autre, sur une « frontière » au sens de
l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, voire sur les éléments ayant une incidence sur les congestions entre deux zones. C’est pourquoi l’article 16, paragraphe 13, second alinéa, du règlement 2019/943 exige que le niveau de tolérance soit déterminé en fonction des caractéristiques des zones de dépôt des offres en cause et des différentes frontières entre celles-ci.

207 Or, la détermination du niveau de tolérance effectuée par l’ACER repose, lors de la première étape, sur un niveau de tolérance unique pour toutes les zones de dépôt des offres dans la région CORE, avec pour conséquence qu’il n’est aucunement tenu compte des caractéristiques spécifiques de ces zones et des frontières entre celles-ci.

208 En outre, l’« individualisation » opérée lors de la seconde étape ne tient pas davantage compte des caractéristiques des différentes zones de dépôt des offres, mais dépend uniquement du nombre de zones de dépôt des offres dont émanent des flux de boucle passant par les éléments de réseau pertinents. Le même raisonnement s’applique dans l’hypothèse d’une répartition ultérieure de la quote-part non utilisée du niveau de tolérance par une zone de dépôt des offres, entre les autres zones de dépôts
des offres.

209 Il s’ensuit que le niveau de tolérance fixé par l’ACER ne respecte pas l’exigence prévue à l’article 16, paragraphe 13, second alinéa, du règlement 2019/943, selon laquelle le niveau de tolérance doit être défini « pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres ».

210 En second lieu, s’agissant de l’exigence selon laquelle le niveau de tolérance doit correspondre au « niveau attendu sans congestion structurelle », il est constant que l’analyse normalement requise pour déterminer le niveau de flux de boucle attendu sans congestion structurelle, prescrite par l’article 16, paragraphe 13, premier alinéa, du règlement 2019/943, n’a pas été effectuée en l’espèce.

211 Or, en l’absence d’une telle analyse, le niveau de tolérance fixé par l’ACER ne pourrait être conforme à l’exigence selon laquelle ce niveau doit correspondre au niveau de flux de boucle attendu en l’absence de congestion structurelle.

212 À cet égard, il ressort des points 958 (page 145) et 1221 (page 189) de la décision attaquée que l’ACER a considéré que le niveau de tolérance qu’elle avait fixé correspondait à une situation sans congestion structurelle.

213 En effet, il ressort du point 115 de la décision no 30/2020 et du point 215 du mémoire en défense que l’ACER a enquêté auprès des GRT quant au niveau de flux de boucle attendu en l’absence de congestion structurelle. Tandis que certains GRT ont indiqué des valeurs variant entre 3, 5 et 10 %, d’autres n’ont pas répondu ou ont indiqué des seuils plus importants que 10 %. Dans ces conditions, et en supposant que les réponses des GRT aient été influencées par leurs intérêts propres, l’ACER a fixé le
niveau de tolérance à 10 % de la capacité maximale de l’élément de réseau concerné en tant que « moyenne » des avis fournis, ainsi que cela ressort également du point 115 de la décision no 30/2020.

214 Il s’ensuit que la fixation à 10 % de la capacité maximale de l’élément de réseau concerné en tant que niveau de tolérance commun pour toutes les zones de dépôt des offres de la région CORE et en tant que première étape dans la détermination du niveau de tolérance par élément de réseau concerné ne repose sur aucune analyse du niveau de tolérance sans congestion structurelle, telle que prescrite par l’article 16, paragraphe 13, premier alinéa, du règlement 2019/943, mais se présente comme le
résultat d’un compromis au regard des avis divergents fournis par les GRT concernés.

215 En effet, comme le reconnaît l’ACER au point 930 (page 141) de la décision attaquée, l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, premier alinéa, du règlement 2019/943 présuppose, notamment, une analyse des investissements dans le réseau et des éventuelles reconfigurations des zones de dépôt des offres pour éliminer les congestions structurelles. Or, l’ACER admet ne pas avoir effectué une telle analyse.

216 Dans ces conditions, l’argument de l’ACER selon lequel sa détermination du niveau de tolérance reposerait sur une « analyse rigoureuse » est inopérant, puisque, en tout état de cause, cette analyse n’était pas celle prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

217 Il s’ensuit que le niveau de tolérance fixé par l’ACER ne respecte pas les exigences établies à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, selon lesquelles le niveau de tolérance doit correspondre au « niveau attendu sans congestion structurelle » et doit être défini « pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres ».

Sur les conditions pour reconnaître une compétence implicite

218 Il découle des appréciations qui précèdent que la détermination du niveau de tolérance effectuée par l’ACER dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée n’est pas conforme à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

219 Dans ces conditions, la question de savoir si, en principe, l’ACER était compétente pour déterminer elle-même un niveau de tolérance sur le fondement de l’article 6, paragraphe 10, deuxième alinéa, sous a), du règlement 2019/942, comme cela ressort du point 924 (page 140) de la décision attaquée, est dépourvue de pertinence. En effet, cette disposition ne saurait, en tout état de cause, permettre à l’ACER de fixer un niveau de tolérance non conforme aux exigences de l’article 16, paragraphe 13,
du règlement 2019/943.

220 Il convient donc d’examiner si, en dépit du fait que la détermination du niveau de tolérance effectuée par l’ACER n’était pas conforme aux exigences de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, l’ACER disposait, dans la situation spécifique dans laquelle elle se trouvait, d’une compétence implicite l’habilitant à déterminer un niveau de tolérance d’une manière différente de celle prescrite par cette disposition.

221 En effet, l’ACER justifie sa compétence pour déterminer un niveau de tolérance par la nécessité de son action. En l’absence de l’analyse du niveau de tolérance attendu sans congestion structurelle devant être effectuée par les GRT, l’ACER aurait été autorisée, afin d’éviter une situation d’impasse, à fixer elle-même, de manière provisoire, un niveau de tolérance dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée.

222 En premier lieu, il ne saurait en principe être admis, au regard du principe de légalité, qu’une agence de l’Union, telle que l’ACER, puisse déroger au cadre juridique applicable. Il en découle que l’ACER ne pouvait, en principe, déroger à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

223 En deuxième lieu, il convient de relever que, conformément à l’article 6, paragraphe 12, sous b), du règlement 2019/942, l’ACER peut « arrêter une décision provisoire afin de veiller à ce que […] la sécurité d’exploitation soit garantie ». Or, force est de constater que, en l’espèce, l’ACER ne s’est pas appuyée sur cette disposition pour établir le niveau de tolérance. Par ailleurs, et en tout état de cause, l’adoption de la méthodologie pour la répartition des coûts ne saurait être considérée
comme étant nécessaire afin de « veiller à ce que la sécurité de l’approvisionnement ou la sécurité d’exploitation soit garantie », au sens de l’article 6, paragraphe 12, sous b), du règlement 2019/942. En effet, cette méthodologie a pour objet la répartition des coûts des actions correctives et ne vise pas à déterminer les actions correctives devant être mises en œuvre afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement ou la sécurité d’exploitation.

224 De plus, l’existence de cette disposition et, partant, de la faculté d’adopter, dans des circonstances clairement délimitées, des décisions provisoires milite à l’encontre de la reconnaissance, au profit de l’ACER, d’une compétence implicite pour fixer, même de façon provisoire, le niveau de tolérance dans la méthodologie pour la répartition des coûts d’une manière différente de celle prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

225 En troisième lieu, conformément à la jurisprudence, la simple invocation de l’intérêt lié à l’efficacité ne saurait suffire pour créer une compétence au profit d’une agence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2019, E-Control/ACER, T‑332/17, non publié, EU:T:2019:761, point 69). La simple invocation de l’intérêt lié à l’efficacité ne saurait, dès lors, suffire pour permettre à une agence de l’Union de déroger au cadre juridique applicable.

226 Toutefois, il ne saurait être exclu que l’intérêt lié à l’efficacité, à condition que cela corresponde à un besoin réel pour assurer l’effet utile des dispositions des traités ou du règlement concerné, puisse justifier l’existence d’un pouvoir implicite décisionnel (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2019, E-Control/ACER, T‑332/17, non publié, EU:T:2019:761, point 69).

227 Ainsi, il convient d’examiner si, en l’espèce, les conditions pour reconnaître une compétence implicite au profit de l’ACER, en application de cette jurisprudence, étaient réunies.

Sur la reconnaissance d’une compétence implicite au profit de l’ACER

228 Conformément à la jurisprudence citée au point 226 ci-dessus, aux fins de vérifier si l’ACER pouvait se targuer d’une compétence implicite, il convient d’examiner si la reconnaissance d’une telle compétence au profit de celle-ci correspondait à un besoin réel pour assurer l’effet utile des dispositions en cause.

229 À cet égard, il résulte des points 924 à 946 (pages 140 à 144) et 1206 à 1220 (pages 214 à 216) de la décision attaquée que l’ACER a prétendu que la nécessité d’adopter une méthodologie pour la répartition des coûts dans le délai imparti l’avait contrainte à fixer elle-même le niveau de tolérance, et ce, malgré l’absence de l’analyse normalement requise.

230 Premièrement, s’agissant du besoin invoqué au regard du calendrier, il convient de constater que, certes, l’ACER était, en principe, tenue d’adopter une méthodologie pour la répartition des coûts dans le délai prévu par l’article 6, paragraphe 12, sous a), du règlement 2019/942 et l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222, à savoir un délai de six mois à partir du 27 mars 2020.

231 Toutefois, il convient de relever que le droit de l’Union n’attache aucune sanction au dépassement du délai de six mois prévu à l’article 6, paragraphe 12, sous a), du règlement 2019/942 et à l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222. Il ne s’agit donc pas d’un délai impératif, mais d’un délai indicatif.

232 Or, conformément à la jurisprudence, en présence d’un tel délai indicatif, même si l’organisme de l’Union auquel ce délai s’applique doit s’efforcer de respecter celui-ci, il peut lui être nécessaire, notamment en raison de la complexité de la tâche et sous réserve de l’atteinte aux intérêts d’un État membre, de disposer de davantage de temps (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2013, Espagne/Commission, T‑54/11, EU:T:2013:10, point 27).

233 Par conséquent, le point de départ du raisonnement de l’ACER est erroné, puisqu’il ne lui était pas impératif d’adopter une méthodologie pour la répartition des coûts dans le délai imparti, à savoir avant le 28 septembre 2020.

234 En outre, il est constant que l’analyse du « niveau attendu sans congestion structurelle » est complexe et requiert un temps considérable.

235 Il était donc, en principe, loisible à l’ACER d’accorder aux GRT suffisamment de temps pour effectuer l’analyse requise sans se voir reprocher de méconnaître le délai prévu à l’article 6, paragraphe 12, sous a), du règlement 2019/942 et à l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222.

236 Cela est d’autant plus vrai que l’obligation de déterminer un niveau de tolérance en procédant à l’analyse prévue par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 2020.

237 Or, au moment où les GRT de la région CORE ont soumis à l’ensemble des ARN de ladite région, pour approbation, leur proposition de méthodologie pour la répartition des coûts, à savoir le 27 mars 2019, le règlement 2019/943 n’était pas encore adopté.

238 À cet égard, force est de constater que ni la décision no 30/2020 ni la décision attaquée n’explorent les conséquences éventuelles sur le calendrier pour l’adoption de la méthodologie pour la répartition des coûts du fait que l’obligation de déterminer un niveau de tolérance et, dès lors, de procéder à l’analyse correspondante n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 2020.

239 Dès lors, le postulat de la commission de recours dans la décision attaquée, selon lequel il était nécessaire, pour l’ACER, d’adopter, sans pouvoir attendre l’analyse prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, en raison du délai qui lui était imparti pour ce faire, procède d’une lecture du cadre réglementaire ne tenant compte ni de la nature indicative du délai à respecter par l’ACER ni de la modification du cadre
juridique en vigueur.

240 Partant, la seule invocation d’un délai indicatif pour l’adoption par l’ACER de la méthodologie pour la répartition des coûts ne saurait suffire pour démontrer un besoin réel pour assurer l’effet utile des dispositions en cause.

241 Deuxièmement, l’ACER a justifié la nécessité de son action par l’inaction des GRT. En effet, il ressort du point 955 (page 145) de la décision attaquée que l’ACER a fait valoir que les GRT n’avaient pas été en mesure, « pendant une période de presque trois ans », d’effectuer l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

242 À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation de déterminer le niveau de tolérance en procédant à l’analyse prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 2020.

243 D’ailleurs, force est de constater que, contrairement à ce que soutient l’ACER au point 926 (page 140) de la décision attaquée, les GRT n’ont pas estimé obligatoire, dans le document explicatif du 22 février 2019 accompagnant la proposition de méthodologie pour la répartition des coûts du 27 mars 2019, de déterminer un niveau de tolérance, mais ont plutôt perçu cela comme une option qui leur était laissée.

244 Même en admettant que la nécessité de fixer un niveau de tolérance ait été reconnue par les GRT avant l’adoption du règlement 2019/943, il n’en demeure pas moins que l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 précise la manière dont le niveau de tolérance devait être déterminé, à savoir à partir d’une analyse du « niveau [de flux de boucle] attendu sans congestion structurelle » et « pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres ».

245 Or, l’ACER ne soutient pas qu’il était acquis, avant l’entrée en vigueur du règlement 2019/943, que le niveau de tolérance devait être déterminé de cette manière.

246 Dans ces conditions, l’ACER ne pouvait pas légitimement reprocher aux GRT de ne pas avoir été en mesure, « pendant une période de presque trois ans », d’effectuer l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

247 Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par les documents produits par l’ACER lors de l’audience, afin de démontrer que les GRT et les ARN de la région CORE discutaient encore de la manière dont l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 devait être opérée.

248 Indépendamment de la question de savoir si ces documents sont recevables, force est de constater que les négociations en cours, invoquées par l’ACER, sont dénuées de pertinence dans le cas d’espèce.

249 En effet, conformément à la jurisprudence, la légalité d’une décision doit être appréciée uniquement à la lumière des éléments de fait et de droit existant au moment où elle a été adoptée (voir arrêt du 27 avril 2022, Roos e.a./Parlement, T‑710/21, T‑722/21 et T‑723/21, EU:T:2022:262, point 211 et jurisprudence citée). Ainsi, les éléments invoqués par l’ACER, qui sont postérieurs à la décision attaquée, ne sauraient être pris en compte aux fins d’apprécier la légalité de cette décision.

250 Troisièmement, l’ACER a justifié la nécessité de son action par le non-respect par les GRT du délai qu’elle leur avait fixé. À cet égard, elle indique avoir imposé aux GRT un délai de quatre mois, allant du 18 avril au 20 août 2020, pour effectuer l’analyse prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 et ajoute que ceux-ci n’ont pas respecté ce délai.

251 Or, comme il ressort des points 930 (page 141), 954 (page 145) et 1131 (page 202) de la décision attaquée, l’ACER elle-même considérait que l’analyse prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 était complexe et requerrait un temps considérable.

252 De surcroît, l’ACER ne démontre pas que, pendant le délai de quatre mois qu’elle avait imparti aux GRT, elle a facilité, d’une manière ou d’une autre, le travail de ces derniers en vue d’effectuer l’analyse prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

253 Or, conformément à l’article 6, paragraphe 11, du règlement 2019/942, lequel reflète le principe de coopération loyale, consacré par l’article 4, paragraphe 3, TUE, l’ACER est tenue de consulter les ARN et les GRT lorsqu’elle prépare une décision sur le fondement de l’article 6, paragraphe 10, dudit règlement.

254 En vertu du principe de coopération loyale et en tenant compte de la volonté claire du législateur de l’Union de rendre la prise de décisions sur des questions transfrontalières, difficiles, mais indispensables, plus efficace et plus rapide (arrêt du 7 septembre 2022, BNetzA/ACER, T‑631/19, EU:T:2022:509, point 46), l’ACER était censée faciliter l’élaboration, par les GRT et les ARN, de l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

255 Dans ces conditions, l’ACER ne peut légitimement reprocher aux GRT de ne pas avoir été en mesure d’effectuer l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 dans le délai imparti, à savoir quatre mois.

256 Quatrièmement, l’ACER a encore justifié la nécessité d’adopter la méthodologie pour la répartition des coûts contestée sans pouvoir attendre l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 par deux autres considérations.

257 D’une part, lors de l’audience, l’ACER a fait valoir qu’il aurait fallu donner suffisamment de temps aux GRT, après l’adoption de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, pour qu’ils puissent mettre en place les dispositifs nécessaires à sa bonne mise en œuvre.

258 Or, il convient de relever que, selon l’article 13, paragraphe 2, de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, lu conjointement avec l’article 37, paragraphe 2, de la méthodologie RDCT, une première étape de la mise en œuvre de la première de ces méthodologies était prévue pour le 4 juin 2023, tandis que l’application complète de celle-ci était prévue pour le 4 juin 2025.

259 Ainsi, étant donné que la première mise en œuvre partielle de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée ne devait intervenir que deux ans et demi après l’adoption de celle-ci et sa mise en œuvre complète, quatre ans et demi après ladite adoption, la simple invocation du besoin pour les GRT de mettre en place les dispositifs nécessaires à la bonne mise en œuvre de cette méthodologie ne saurait suffire à démontrer, eu égard à la très longue période prévue pour ladite mise en œuvre,
un besoin réel d’adopter cette méthodologie sans pouvoir attendre l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

260 D’autre part, il ressort du point 946 (page 144) de la décision attaquée que l’ACER considère que la mise en œuvre de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée devait être effectuée simultanément avec celle de la méthodologie RDCT et celle de la méthodologie ROSC.

261 À cet égard, il suffit de constater que, en l’espèce, il n’est nullement question de trancher la question de savoir si l’ACER était autorisée à prévoir les mêmes dates pour la mise en œuvre de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, de la méthodologie RDCT et de la méthodologie ROSC, mais plutôt de déterminer si l’ACER pouvait adopter la méthodologie pour la répartition des coûts contestée sans pouvoir attendre l’analyse prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement
2019/943.

262 Dans ces conditions, l’argument tiré de la prétendue nécessité de mettre en œuvre simultanément la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, la méthodologie RDCT et la méthodologie ROSC est dénué de pertinence par rapport à la question de savoir à quel moment la méthodologie pour la répartition des coûts devait être adoptée.

263 Partant, l’ACER ne pouvait pas non plus justifier la nécessité de son action par des considérations relatives au souci de donner suffisamment de temps aux GRT pour qu’ils puissent mettre en place les dispositifs nécessaires à la bonne mise en œuvre de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée simultanément avec deux autres méthodologies.

264 Il s’ensuit que l’ACER n’a pas établi qu’il était nécessaire d’adopter la méthodologie pour la répartition des coûts contestée sans pouvoir attendre l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

265 Par conséquent, l’ACER n’a pas démontré qu’il existait un besoin réel pour assurer l’effet utile des dispositions en cause justifiant la reconnaissance d’une compétence implicite à son profit.

266 En tout état de cause, force est de constater que la détermination du niveau de tolérance effectuée par l’ACER n’est pas à même d’assurer l’effet utile des dispositions en cause.

267 Certes, cette détermination du niveau de tolérance a permis à l’ACER d’adopter la méthodologie pour la répartition des coûts contestée le 30 novembre 2020, soit un peu au-delà du délai, expirant le 27 septembre 2020, qui lui était imparti pour ce faire. Toutefois, cela n’a pas permis d’assurer l’effet utile des dispositions matérielles en cause.

268 En effet, la méthodologie pour la répartition des coûts contestée doit, conformément à l’article 74, paragraphe 6, sous a), du règlement 2015/1222, comporter des incitations à investir efficacement en faveur de la gestion des congestions. En outre, selon le considérant 34 du règlement 2019/943, ladite gestion devrait permettre de fournir des signaux économiques corrects aux GRT et aux acteurs du marché.

269 Or, comme il a été constaté au point 217 ci-dessus, le niveau de tolérance déterminé par l’ACER, confirmé par la décision attaquée, ne respecte pas les exigences de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, selon lesquelles le niveau de tolérance doit correspondre au « niveau attendu sans congestion structurelle » et être défini « pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres ».

270 Dans ces conditions, la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, en raison de cette détermination du niveau de tolérance, ne saurait fournir, par le biais de la répartition des coûts des actions correctives, des « signaux économiques corrects » pour les investissements dans les réseaux.

271 En outre, force est également de constater que la mise en balance de l’intérêt de respecter le délai imparti et de celui de respecter l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, apparemment effectuée par l’ACER, ne justifie pas la détermination d’un niveau de tolérance non conforme à la réglementation pertinente.

272 En effet, comme cela a été souligné au point 231 ci-dessus, le délai qui était imparti à l’ACER pour adopter une méthodologie pour la répartition des coûts n’était qu’indicatif, de sorte que, dans une mise en balance, la volonté de respecter ce délai ne saurait primer sur le respect des exigences de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

273 Ce résultat ne saurait être remis en cause par l’argument de l’ACER selon lequel elle n’a déterminé le niveau de tolérance que de manière provisoire. En effet, la nature provisoire de ladite détermination ne permet en aucune façon d’atténuer la violation, commise par l’ACER et la commission de recours, du cadre réglementaire pertinent.

274 Or, la circonstance selon laquelle la nature provisoire de la détermination du niveau de tolérance n’existe que de jure ne permet pas d’amoindrir le non-respect par l’ACER du cadre réglementaire pertinent.

275 Partant, l’ACER ne peut justifier sa démarche consistant à faire primer, dans la mise en balance, l’intérêt du respect du délai imparti sur l’intérêt du respect des exigences de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 en invoquant la nature provisoire de l’ingérence en découlant par rapport au cadre réglementaire, par la détermination non conforme à celui-ci d’un niveau de tolérance. En conséquence, l’ACER ne pouvait pas se fonder, pour sa détermination du niveau de tolérance, sur une
compétence implicite.

276 Eu égard aux appréciations qui précèdent, il convient de conclure que la détermination du niveau de tolérance par l’ACER, dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, telle que confirmée par la décision attaquée, méconnaît l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, en ce que ce niveau ne correspond ni au critère selon lequel le niveau de tolérance doit correspondre au « niveau attendu sans congestion structurelle », ni au critère selon lequel le niveau de tolérance doit
être défini « pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres ». En outre, il ressort de ce qui précède que l’ACER n’était pas davantage habilitée à déterminer de manière différente un niveau de tolérance, afin de respecter le délai qui lui était imparti pour adopter la méthodologie pour la répartition des coûts contestée.

277 Dans ces conditions, il convient d’accueillir le troisième moyen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs invoqués par la requérante au soutien de celui-ci.

278 Dans la mesure où le troisième moyen concerne un élément central de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, faisant l’objet de la décision attaquée, le Tribunal est dans l’impossibilité de ne procéder qu’à une annulation partielle de la décision attaquée.

279 Par conséquent, il convient d’accueillir le recours de la requérante sur le fondement du troisième moyen et d’annuler la décision attaquée, en ce qu’elle confirme la décision no 30/2020 et rejette le recours de la requérante dans l’affaire A-001-2021 (consolidée).

280 Dans ces conditions, il n’y pas lieu d’examiner les cinquième et sixième moyens soulevés par la requérante.

Sur l’éventuel maintien de la décision attaquée

281 Aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme étant définitifs.

282 En réponse à des mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal, les parties se sont prononcées à cet égard.

283 En l’occurrence, l’ACER fait valoir que l’annulation de la décision attaquée et, par conséquent, de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée aura des conséquences graves. Les GRT devront supporter l’ensemble des coûts de toutes les actions correctives activées sur leurs éléments de réseau, même si ces actions ont été nécessaires en raison de flux de boucle émanant d’autres zones de dépôt des offres. Cette situation aurait probablement pour effet que les GRT seraient incités à
limiter la capacité d’interconnexion, ce qui se traduirait par des coûts d’électricité plus importants.

284 Conformément à la jurisprudence, pour des motifs de sécurité juridique, les effets d’un acte peuvent être maintenus, notamment, lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves pour les personnes concernées et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs d’incompétence de son auteur ou de violation des formes substantielles (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank
Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 175 et jurisprudence citée).

285 À cet égard, d’une part, il importe de constater que l’annulation de la décision attaquée repose, notamment, sur une violation du droit matériel, à savoir une violation de l’article 16, paragraphe 13, second alinéa, du règlement 2019/943, et non uniquement sur une violation des formes substantielles.

286 D’autre part, l’argumentation de l’ACER repose sur l’hypothèse selon laquelle la méthodologie pour la répartition des coûts contestée serait déjà d’application.

287 Or, il résulte des réponses des parties aux questions posées par le Tribunal que la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, faisant l’objet de la décision attaquée, ne sera pas d’application, dans son intégralité, avant le 4 juin 2025 et que, en raison des retards, cette application risque même d’être encore repoussée.

288 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de limiter l’effet de l’annulation de la décision attaquée.

Sur les dépens

289 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

290 L’ACER ayant succombé et la requérante ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner l’ACER aux dépens.

291 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République fédérale d’Allemagne supportera donc ses propres dépens.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

  1) La décision de la commission de recours de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) du 28 mai 2021, rendue dans le cadre de l’affaire A-001-2021 (consolidée), est annulée, en ce qu’elle confirme la décision no 30/2020 de l’ACER, du 30 novembre 2020, sur la proposition des gestionnaires de réseau de transport d’électricité de la région comprenant la Belgique, la République tchèque, l’Allemagne, la France, la Croatie, le Luxembourg, la Hongrie, les
Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie pour le calcul de la capacité dénommée « CORE », relative à la méthodologie pour la répartition des coûts du redispatching et des échanges de contrepartie, et rejette le recours de la requérante dans ladite affaire.

  2) L’ACER supportera ses propres dépens et ceux exposés par la Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen (BNetzA).

  3) La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

  Steinfatt

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 septembre 2024.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Troisième chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-485/21
Date de la décision : 25/09/2024

Analyses

Énergie – Marché intérieur de l’électricité – Région de calcul de la capacité – Région CORE – Adoption par l’ACER de la méthodologie pour la répartition des coûts du redispatching et des échanges de contrepartie – Détermination du niveau de tolérance pour les flux de boucle légitimes – Article 16, paragraphe 13, du règlement (UE) 2019/943.


Parties
Demandeurs : Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen (BNetzA)
Défendeurs : Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie.

Origine de la décision
Date de l'import : 27/09/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2024:653

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