ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
4 septembre 2024 ( *1 )
« Réglementation financière de l’Union – Exécution du budget de l’Union en gestion indirecte par une organisation internationale – Décision refusant à une personne morale la reconnaissance du statut d’organisation internationale – Recours en annulation – Régularité du mandat conféré aux avocats du requérant – Recevabilité – Décision adoptée en exécution d’un arrêt de la Cour – Article 266 TFUE – Autorité de la chose jugée – Principe de bonne administration – Sécurité juridique – Règlement (UE,
Euratom) no 966/2012 – Article 58 – Règlement délégué (UE) no 1268/2012 – Article 43 – Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 – Article 156 – Notions d’“organisation internationale” et d’“accord international” – Erreurs de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Responsabilité non contractuelle »
Dans l’affaire T‑509/21,
International Management Group (IMG), établi à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes L. Levi et J.-Y. de Cara, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. J. Baquero Cruz, J.-F. Brakeland, Mmes S. Delaude et L. Puccio, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),
composé de MM. L. Truchot (rapporteur), président, H. Kanninen, Mme R. Frendo, M. M. Sampol Pucurull et Mme T. Perišin, juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure, notamment la décision du 11 janvier 2022 de suspendre la procédure jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722),
à la suite de l’audience du 22 novembre 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours, le requérant, International Management Group (IMG), demande, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation de la décision du 8 juin 2021 par laquelle la Commission européenne a refusé de lui reconnaître, avec effet rétroactif au 16 décembre 2014, le statut d’organisation internationale prévu par la réglementation financière de l’Union européenne pour la mise en œuvre des fonds de l’Union selon le mode de la gestion indirecte (ci-après la « décision attaquée »)
et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis.
I. Antécédents du litige
A. Antécédents administratifs
2 Le requérant, initialement dénommé International Management Group – Infrastructure for Bosnia and Herzegovina (IMG-IBH), dont le siège principal est désormais situé à Belgrade (Serbie), a été créé le 25 novembre 1994 dans le but de permettre aux États et aux organisations internationales participant à la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine de disposer à cette fin d’une entité dédiée. Depuis lors, il a progressivement étendu ses activités dans les domaines de la reconstruction et du
développement.
3 Le 7 novembre 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2013) 7682 final, relative au programme d’action annuel pour 2013 en faveur du Myanmar/de la Birmanie à financer sur le budget général de l’Union, sur le fondement de l’article 84 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298,
p. 1). Cette décision prévoyait, notamment, un programme de développement du commerce dont le coût, estimé à 10 millions d’euros, devait être financé par l’Union et dont la mise en œuvre devait être assurée en gestion conjointe avec le requérant.
4 Le 17 février 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé la Commission de l’ouverture d’une enquête sur le statut du requérant. Le 15 décembre 2014, la Commission a reçu le rapport établi par l’OLAF au terme de son enquête (ci-après le « rapport de l’OLAF »), assorti d’une série de recommandations. Dans ce rapport, l’OLAF a considéré, en substance, que le requérant ne constituait pas une organisation internationale, au sens du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du
25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), et du règlement no 966/2012. En outre, l’OLAF a recommandé à la Commission d’imposer des sanctions au requérant ainsi que de récupérer les sommes qui lui avaient été versées à ce titre.
5 Le 16 décembre 2014, la Commission a décidé de confier la mise en œuvre, en gestion indirecte, du programme de développement du commerce prévu par la décision d’exécution C(2013) 7682 final, mentionnée au point 3 ci-dessus, à une autre organisation que le requérant (ci-après la « décision du 16 décembre 2014 »).
6 Enfin, le 8 mai 2015, la Commission a adressé au requérant une lettre ayant pour objet de l’informer des suites qu’elle entendait donner au rapport de l’OLAF, dans laquelle elle l’a informé que, tout en s’abstenant d’appliquer la plupart des recommandations de l’OLAF, elle avait décidé, notamment, que, jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue quant à son statut d’organisation internationale, ses services ne concluraient plus avec lui de nouvelle convention de délégation selon le mode de la
gestion indirecte prévu par le règlement no 966/2012 (ci-après la « décision du 8 mai 2015 »).
B. Antécédents judiciaires
7 Par une première requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2015 et enregistrée sous le numéro T‑29/15, puis par une seconde requête déposée le 14 juillet 2015 et enregistrée sous le numéro T‑381/15, le requérant a introduit un recours tendant, pour le premier, à l’annulation de la décision du 16 décembre 2014 et, pour le second, à l’annulation de la décision du 8 mai 2015 et à la réparation des dommages causés par celle-ci.
8 Par les arrêts du 2 février 2017, International Management Group/Commission (T‑29/15, non publié, EU:T:2017:56), et du 2 février 2017, IMG/Commission (T‑381/15, non publié, EU:T:2017:57), le Tribunal a rejeté les recours du requérant contre les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015.
9 Par deux pourvois introduits le 11 avril 2017 et enregistrés sous les numéros C‑183/17 P et C‑184/17 P, le requérant a demandé l’annulation des deux arrêts mentionnés au point 8 ci-dessus.
10 Par un arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), la Cour a, premièrement, annulé les deux arrêts mentionnés au point 8 ci-dessus, deuxièmement, annulé les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015, troisièmement, renvoyé l’affaire T‑381/15 devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande de réparation du requérant relative aux dommages prétendument causés par la décision du 8 mai 2015.
11 Par une requête déposée au greffe de la Cour le 10 janvier 2020, le requérant a demandé à la Cour d’interpréter les points 1 à 3 du dispositif de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78). Par une ordonnance du 9 juin 2020, International Management Group/Commission (C‑183/17 P‑INT, EU:C:2020:507), la Cour a rejeté cette demande en interprétation comme étant manifestement irrecevable.
C. Suites administratives de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P)
12 Par une lettre du 6 mai 2019, la Commission a invité le requérant, dans le cadre de l’exécution de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), à produire certains documents afin qu’il démontre qu’il répondait effectivement aux exigences requises pour avoir la possibilité de travailler avec elle selon le mode de la gestion indirecte.
13 Par une lettre du 25 juin 2019, le requérant a, en substance, demandé à la Commission de cesser de contester son statut d’organisation internationale.
14 Par une lettre du 18 juillet 2019 (ci-après la « lettre du 18 juillet 2019 »), la Commission a soutenu que l’exécution de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), n’exigeait pas « la reconnaissance automatique [du requérant] en tant qu’organisation internationale, mais la réévaluation de son statut juridique à la lumière de l’information disponible et des règles financières applicables ». Ainsi, la Commission a réitéré auprès
du requérant sa demande de production des documents mentionnés dans la lettre du 6 mai 2019, dont il est fait état au point 12 ci-dessus, et a précisé que, en cas de refus de sa part, elle s’adresserait directement aux États que le requérant avait considérés comme étant ses membres.
15 Le 26 novembre 2019, la Commission a demandé à la Belgique, au Danemark, à l’Allemagne, à la Grèce, à l’Espagne, à la France, à l’Italie, aux Pays-Bas, à l’Autriche, au Portugal, à la Finlande, à la Suède, au Royaume-Uni, au Canada, à la Norvège, à la Russie, à la Suisse et à la Turquie s’ils considéraient que le requérant était une organisation internationale, s’ils étaient membres de cette organisation et s’ils avaient signé un accord international ou intergouvernemental instituant le requérant
en qualité d’organisation internationale. Dans l’affirmative, la Commission a demandé auxdits États de lui adresser une copie certifiée de cet accord et la preuve que ses signataires disposaient de pleins pouvoirs à l’effet de le signer, ou une copie de l’instrument de ratification de cet accord.
16 Le 27 janvier, puis le 11 mars 2020, la Commission a réitéré la demande d’information du 26 novembre 2019, mentionnée au point 15 ci-dessus, auprès de la Belgique, du Danemark, de l’Allemagne, de la Grèce, de l’Espagne, de la France, de l’Autriche, de la Suède, du Royaume-Uni, du Canada et de la Turquie.
17 Le 25 mai 2020, la Commission a, une nouvelle fois, réitéré la demande d’information du 26 novembre 2019, mentionnée au point 15 ci-dessus, auprès de la Belgique, du Danemark, de l’Allemagne, de la Grèce, de l’Espagne, de la France, de la Suède, du Canada et de la Turquie, puis, le 14 octobre 2020, auprès de l’Allemagne et de la Turquie.
18 Par lettre du 19 février 2021, la Commission a informé le requérant qu’elle envisageait d’adopter une décision refusant de lui reconnaître le statut d’organisation internationale et l’a invité à présenter des observations.
19 Les 5 et 30 mars 2021, le requérant a présenté des observations écrites en réponse à la lettre de la Commission du 19 février 2021 mentionnée au point 18 ci-dessus.
20 Le 8 juin 2021, la Commission a adopté la décision attaquée.
D. Suites judiciaires de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P)
21 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 26 septembre 2019 et enregistrée sous le numéro T‑645/19, le requérant a introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la lettre du 18 juillet 2019 et, d’autre part, à la réparation des préjudices d’ordre matériel et moral prétendument causés par cette lettre.
22 Par une ordonnance du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T‑645/19, non publiée, EU:T:2020:388), le Tribunal a rejeté ce recours comme étant irrecevable.
23 En outre, par un arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T‑381/15 RENV, EU:T:2020:406), le Tribunal a rejeté la demande du requérant tendant à la réparation des préjudices prétendument causés par la décision du 8 mai 2015.
24 Le 19 novembre 2020, le requérant a formé deux pourvois, enregistrés sous les numéros C‑619/20 P et C‑620/20 P, tendant à l’annulation de l’ordonnance et de l’arrêt mentionnés, respectivement, au point 22 et au point 23 ci-dessus.
II. Faits postérieurs à l’introduction du recours
25 Par un arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722), la Cour a, premièrement, rejeté le pourvoi dans l’affaire C‑619/20 P formé contre l’ordonnance mentionnée au point 22 ci-dessus, deuxièmement, annulé partiellement l’arrêt mentionné au point 23 ci-dessus et, troisièmement, renvoyé l’affaire T‑381/15 RENV devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande du requérant tendant à la réparation du préjudice matériel prétendument causé par la décision du
8 mai 2015.
III. Conclusions des parties
26 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission à lui verser la somme de 23671903 euros en réparation de divers préjudices d’ordre matériel et moral ;
– condamner la Commission aux dépens.
27 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
IV. En droit
A. Sur la recevabilité
28 Il incombe au Tribunal d’examiner la question de la régularité du mandat délivré par le requérant à ses avocats, avant d’apprécier la recevabilité des annexes A.24 de la requête et C.1 de la réplique, dont la Commission a soutenu qu’elles étaient irrecevables.
1. Sur la question de la régularité du mandat délivré par le requérant à ses avocats
29 Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal sur l’organe compétent du requérant pour introduire une action en justice, la Commission a fait valoir que le mandat du 12 août 2021 délivré par le requérant à ses avocats, lequel figure à l’annexe A.3 de la requête, ne faisait pas référence à une décision de son comité permanent, de sorte qu’il était possible de douter de l’existence de cette décision.
30 Le requérant conteste le bien-fondé des allégations de la Commission.
31 À cet égard, il y a lieu de rappeler que les questions relatives à la recevabilité du recours revêtent un caractère d’ordre public, de sorte qu’il appartient aux juridictions de l’Union de les examiner à tout moment, même d’office (voir arrêt du 21 septembre 2023, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, C‑478/21 P, EU:C:2023:685, point 42 et jurisprudence citée).
32 En particulier, en vertu de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, de ce statut et à l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, pour pouvoir agir devant les juridictions de l’Union, les personnes morales autres que les États membres, les institutions de l’Union, les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO
1994, L 1, p. 3), et l’Autorité de surveillance AELE visée par ledit accord, doivent être représentées par un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie audit accord (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2023, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, C‑478/21 P, EU:C:2023:685, point 91).
33 Ainsi, en cas de contestation de la régularité du mandat conféré par une partie à son avocat, cette partie doit démontrer la régularité de ce mandat, ce qu’il appartient au Tribunal de vérifier (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2023, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, C‑478/21 P, EU:C:2023:685, point 93 et jurisprudence citée).
34 Cependant, si les juridictions de l’Union doivent exiger d’une partie la démonstration de la régularité du mandat conféré à son avocat en cas de contestation de celui-ci par une partie adverse, une telle exigence ne s’impose que pour autant que cette contestation repose sur des indices suffisamment concrets et précis (arrêt du 21 septembre 2023, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, C‑478/21 P, EU:C:2023:685, point 97).
35 En l’espèce, en premier lieu, l’article 18, sous d), des statuts du requérant indique, sans autre précision, qu’il dispose de la capacité juridique nécessaire à l’exercice de ses fonctions et à la réalisation de ses objectifs, en particulier, la capacité d’ester en justice.
36 En second lieu, en se bornant à faire valoir, lors de l’audience, que le mandat délivré par le requérant à ses avocats ne faisait pas référence à une décision de son comité permanent, la Commission n’a pas fondé sa contestation de la régularité dudit mandat sur des indices suffisamment concrets et précis.
37 La fin de non-recevoir tirée de l’irrégularité du mandat conféré par le requérant à ses avocats doit donc être rejetée.
2. Sur la recevabilité de l’annexe A.24 de la requête
38 Lors de l’audience, la Commission a soulevé l’irrecevabilité de l’annexe A.24 de la requête, en ce qu’elle comportait l’avis de son service juridique du 16 janvier 2015, dont elle n’avait pas autorisé la divulgation.
39 Le requérant conteste le bien-fondé de cette fin de non-recevoir.
40 À cet égard, il convient de rappeler que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre appréciation des preuves dont il découle que, dès lors qu’un élément de preuve a été obtenu régulièrement, sa recevabilité ne peut être contestée devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 65 et jurisprudence citée).
41 Or, selon une jurisprudence constante, il serait contraire à l’intérêt public qui veut que les institutions puissent bénéficier des avis de leur service juridique, donnés en toute indépendance, d’admettre que la production de tels documents internes puisse avoir lieu dans le cadre d’un litige devant une juridiction de l’Union sans que ladite production ait été autorisée par l’institution concernée ou ordonnée par cette juridiction (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2022, Nord Stream
2/Parlement et Conseil, C‑348/20 P, EU:C:2022:548, point 136 et jurisprudence citée).
42 En effet, par la production non autorisée d’un tel avis juridique, la partie requérante confronte l’institution concernée, dans la procédure portant sur la validité d’un acte attaqué, à un avis rendu par son propre service juridique lors de l’élaboration de cet acte. Or, en principe, le fait d’admettre que cette partie requérante puisse verser au dossier un avis juridique d’une institution dont la divulgation n’a pas été autorisée par cette dernière méconnaît les exigences d’un procès équitable
et revient à contourner la procédure de demande d’accès à un tel document, mise en place par le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43) (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil, C‑156/21, EU:C:2022:97, point 54 et jurisprudence citée).
43 Certes, il convient de tenir compte du principe de transparence, inscrit à l’article 1er, deuxième alinéa, et à l’article 10, paragraphe 3, TUE ainsi qu’à l’article 15, paragraphe 1, et à l’article 298, paragraphe 1, TFUE, qui permet, notamment, de garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique. Ainsi, en permettant que les divergences entre plusieurs points de vue soient ouvertement débattues, la
transparence contribue à augmenter la confiance de ces citoyens (voir arrêt du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil, C‑156/21, EU:C:2022:97, point 55 et jurisprudence citée).
44 Toutefois, ce n’est qu’à titre exceptionnel que le principe de transparence est susceptible de justifier une divulgation dans le cadre d’une procédure juridictionnelle d’un document d’une institution qui n’a pas été rendu accessible au public et qui comporte un avis juridique. C’est pourquoi le maintien, dans le dossier d’une affaire, d’un document comportant un avis juridique d’une institution n’est justifié par aucun intérêt public supérieur lorsque, d’une part, cet avis juridique n’est pas
relatif à une procédure législative pour laquelle s’impose une transparence accrue et, d’autre part, l’intérêt de ce maintien consiste seulement, pour la partie requérante concernée, à être en mesure de se prévaloir dudit avis juridique dans le cadre d’un litige. En effet, en pareille hypothèse, la production d’un tel avis juridique apparaît guidée par les propres intérêts de la partie requérante à étayer son argumentation, et non par un quelconque intérêt public supérieur, tel que celui de
rendre publique la procédure ayant abouti à l’acte attaqué (voir arrêt du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil, C‑156/21, EU:C:2022:97, point 56 et jurisprudence citée).
45 En premier lieu, en l’espèce, il y a lieu de constater que l’avis du service juridique de la Commission du 16 janvier 2015 mentionné au point 38 ci-dessus, dont la divulgation n’a pas été autorisée par cette institution, n’est pas relatif à une procédure législative pour laquelle s’impose une transparence accrue.
46 En second lieu, en réponse à la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, le requérant n’a pas fait état d’un intérêt autre que celui de pouvoir se prévaloir de cet avis juridique dans le cadre du présent litige, de sorte que sa production n’apparaît pas guidée par un intérêt public supérieur, mais par ses propres intérêts.
47 Dans ces conditions, il y a lieu d’accueillir la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’annexe A.24 et de déclarer ladite annexe irrecevable.
3. Sur la recevabilité de l’annexe C.1 de la réplique
48 La Commission fait valoir que le requérant n’a pas justifié le retard dans la production de l’attestation de la présidente de son comité permanent du 13 octobre 2022, qui figure à l’annexe C.1 du mémoire en réplique (ci-après « l’attestation du 13 octobre 2022 »), et ce en méconnaissance des exigences fixées à l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure.
49 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans les mémoires en réplique et en duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.
50 Selon la jurisprudence, si, conformément à la règle de forclusion prévue à l’article 85 du règlement de procédure, les parties doivent motiver le retard dans la présentation de leurs preuves ou de leurs offres de preuves nouvelles, il incombe au Tribunal de contrôler le bien-fondé du motif du retard dans la production de ces preuves ou de ces offres de preuves et de les écarter si cette production tardive n’est pas justifiée à suffisance de droit ou fondée. La présentation tardive, par une
partie, de preuves ou d’offres de preuves peut, notamment, être justifiée par le fait que cette partie ne pouvait pas disposer antérieurement des preuves en question ou si les productions tardives de la partie adverse justifient que le dossier soit complété, de façon à ce que soit assuré le respect du principe du contradictoire (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA, C‑669/19 P, non publié, EU:C:2020:713, point 41 et jurisprudence citée).
51 En l’espèce, il y a lieu de constater que, au point 51 du mémoire en réplique, le requérant n’a pas justifié la production tardive de l’attestation du 13 octobre 2022, qui a été établie par la présidente de son comité permanent et qu’il a jointe à ce mémoire « pour autant que de besoin ».
52 Certes, l’attestation du 13 octobre 2022 a été établie après que sa signataire, ancienne membre du corps diplomatique français qui indique avoir participé à l’approbation, en 1995, des statuts du requérant, a été élue à la présidence de son comité permanent le 29 juin 2022, et, partant, postérieurement à la date d’introduction de la requête, à savoir le 18 août 2021.
53 Toutefois, au point 25, cinquième tiret, de la requête, le requérant précise avoir soumis à l’OLAF, ainsi qu’au Tribunal, une déclaration et un courriel émanant de cette même diplomate datés, respectivement, du 20 mai et du 19 septembre 2014, attestant qu’elle avait bien participé à la signature de ses statuts lors de sa création.
54 En outre, au point 104, premier tiret, de la requête, le requérant soutient que des déclarations antérieures de cette même diplomate ont confirmé que tous les États qui avaient participé à la réunion du 25 novembre 1994 avaient signé son acte constitutif, de sorte qu’ils devraient tous être considérés comme ses membres fondateurs.
55 Ainsi, l’attestation du 13 octobre 2022 a été établie par sa signataire non pas en raison d’un élément nouveau lié à ses nouvelles fonctions de présidente du comité permanent du requérant, mais au titre de sa participation à la fondation de ce dernier en 1994 et en 1995, de sorte qu’elle ne comporte pas d’élément nouveau dont le requérant n’aurait pas eu connaissance antérieurement.
56 Par ailleurs, l’attestation du 13 octobre 2022 ne constitue pas non plus une preuve contraire fournie à la suite d’une nouvelle preuve qui aurait été annexée par la Commission au mémoire en défense.
57 Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter l’annexe C.1 comme étant tardive et donc irrecevable.
B. Sur les conclusions en annulation
58 Au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant invoque quatre moyens, tirés, le premier, de plusieurs erreurs de droit, notamment de la violation de l’article 266 TFUE, de l’autorité de la chose jugée et du principe de non-rétroactivité, le deuxième, de la violation du droit à une bonne administration, notamment des obligations de motivation et de diligence, le troisième, de la violation du principe de sécurité juridique et, le quatrième, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’autres
erreurs de droit.
59 En particulier, le deuxième moyen est composé, en substance, de trois branches, tirées, la première, de la violation de l’obligation de motivation, la deuxième, de la violation de l’obligation de diligence et, la troisième, de la violation de l’obligation d’impartialité.
60 La Commission conteste le bien-fondé de ces moyens.
61 Le Tribunal examinera la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation, puis, les premier, troisième et quatrième moyens, avant d’examiner les deuxième et troisième branches du deuxième moyen, tirées de la violation, respectivement, des obligations de diligence et d’impartialité.
1. Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation
62 Le requérant soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée, en ce que la Commission n’a pas mentionné qu’elle avait refusé toute réunion, discussion ou échange avec lui, malgré ses demandes répétées. Il reproche également à la Commission de ne pas avoir expliqué pourquoi les documents en sa possession ne permettaient pas de conclure, avec le degré requis de certitude légale, que ses États prétendument membres avaient valablement consenti à l’instituer en qualité d’organisation
internationale et de ne pas avoir avancé d’éléments justifiant la réévaluation de son statut, en l’absence de modification de sa situation factuelle et juridique.
63 À cet égard, il résulte de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») que le droit à une bonne administration comporte, notamment, l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.
64 Selon une jurisprudence bien établie, la motivation des actes des institutions de l’Union exigée à l’article 296 TFUE et à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation
doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de
l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts du 4 juin 2020, Hongrie/Commission, C‑456/18 P, EU:C:2020:421, point 57 et jurisprudence citée, et du 3 mai 2018, Malte/Commission, T‑653/16, EU:T:2018:241, point 53 et jurisprudence citée).
65 En outre, l’absence de motivation peut être constatée même lorsque la décision en cause comporte certains éléments de motivation. Ainsi, une motivation contradictoire ou inintelligible équivaut à une absence de motivation. Il en va de même lorsque les éléments de motivation figurant dans la décision en cause sont si lacunaires qu’ils ne permettent aucunement à son destinataire, dans le contexte de l’adoption de celle-ci, de comprendre le raisonnement de son auteur (voir, en ce sens, arrêt du
11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 55 et jurisprudence citée).
66 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée qu’elle est composée d’une lettre, datée du 8 juin 2021, adressée par la Commission au requérant, et d’une annexe d’une vingtaine de pages intitulée « Évaluation finale du statut juridique d’IMG en vue de son éligibilité à la gestion indirecte » (ci-après « l’évaluation finale »), cette annexe étant elle-même assortie de deux annexes.
67 En premier lieu, dans la lettre du 8 juin 2021, la Commission a informé le requérant que, au terme de l’évaluation finale, elle était parvenue à la conclusion qu’il n’était pas éligible à la mise en œuvre du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte en tant qu’organisation internationale, conformément aux règles financières applicables au budget de l’Union et aux fonds européens de développement.
68 Par ailleurs, la Commission a précisé que l’évaluation finale et sa conclusion constituaient la mise en œuvre de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), et que la décision attaquée s’appliquait à compter du 16 décembre 2014, date correspondant à la date d’effet de l’une des décisions annulées par cet arrêt de la Cour.
69 En deuxième lieu, il ressort de l’évaluation finale qu’elle est composée de quatre parties, relatives, la première, à l’occasion offerte par la Commission au requérant de présenter ses observations sur le projet de décision, la deuxième, à l’évaluation des observations du requérant, la troisième, aux commentaires du requérant sur les réponses des États interrogés par la Commission et, la quatrième, à la conclusion.
70 Premièrement, dans la première sous-partie de la première partie de l’évaluation finale, la Commission a indiqué que, par l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), la Cour avait annulé les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 principalement au motif que les doutes de la Commission quant au statut d’organisation internationale du requérant résultaient des prises de position d’une minorité des membres de ce dernier, à
savoir cinq États sur seize, et qu’une réévaluation complète de son statut juridique était donc nécessaire pour mettre en œuvre cet arrêt, afin de déterminer s’il était éligible, en tant qu’organisation internationale, à la mise en œuvre du budget de l’Union en gestion indirecte.
71 Deuxièmement, dans les troisième et quatrième sous-parties de la première partie de l’évaluation finale, la Commission a rappelé les dispositions successives de la réglementation financière de l’Union qui fixent les conditions d’éligibilité en vue de la mise en œuvre des fonds de l’Union en gestion indirecte, par des organisations internationales, depuis le 16 décembre 2014.
72 À cet égard, la Commission a considéré que la définition de la notion d’« organisation internationale », mentionnée dans la réglementation financière de l’Union, devait être interprétée conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous i), de la Convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331, ci-après la « convention de Vienne »), et conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), du projet d’articles sur la responsabilité
des organisations internationales adopté par la Commission du droit international des Nations unies à sa soixante‑troisième session, en 2011, et soumis à l’Assemblée générale dans le cadre de son rapport sur les travaux de ladite session (A/66/10) [Annuaire de la Commission du droit international, 2011, vol. II(2), ci-après le « projet d’articles »].
73 La Commission en a déduit que, pour prétendre à la gestion indirecte prévue par la réglementation de l’Union, une organisation internationale devait avoir été créée par un accord intergouvernemental ou international, tel que défini par l’article 2, paragraphe 1, sous a), l’article 7, paragraphe 1, ainsi que les articles 8 et 11 de la convention de Vienne.
74 Ainsi, la Commission a indiqué que, pour prétendre à la gestion indirecte en qualité d’organisation internationale, l’entité concernée devait avoir été établie comme telle par un traité régi par le droit international et conclu par au moins deux États, dont le consentement devait être exprimé par des représentants munis de pleins pouvoirs, ou selon les formalités prévues à l’article 11 de la convention de Vienne.
75 Troisièmement, dans la cinquième sous-partie de la première partie de l’évaluation finale, la Commission s’est référée aux points 94 et 95 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), et en a déduit que, si les États prétendument membres d’une organisation déclaraient ne pas avoir donné un consentement valide pour adhérer au traité ou à l’accord constitutif de cette organisation, ou déclaraient qu’ils n’en étaient pas ou plus
membres, la Commission ne disposerait pas d’une base légale lui permettant de considérer, de son propre chef, que cette entité constituait une organisation internationale au sens de la réglementation financière de l’Union.
76 En particulier, la Commission a estimé que, si un seul État reconnaissait pleinement sa participation à une organisation internationale ou reconnaissait avoir consenti à être lié par le traité constitutif de cette organisation, de telles circonstances seraient insuffisantes pour lui permettre de considérer cette entité comme une organisation internationale en application de la réglementation financière de l’Union, étant donné que l’existence d’une telle organisation et d’un accord international
requérait la participation d’au moins deux États.
77 Quatrièmement, dans la sixième sous-partie de la première partie de l’évaluation finale, relative aux documents que la Commission a reçus et pris en compte pour la réévaluation du statut juridique du requérant, la Commission a rappelé que l’intéressé n’avait fourni aucun des documents demandés par elle dans ses lettres des 6 mai et 18 juillet 2019 mentionnées, respectivement, au point 12 et au point 14 ci-dessus, et que, dans la mesure où les documents dont elle disposait ne lui permettaient pas
de conclure, avec le degré de sécurité juridique requis, que les prétendus membres de l’organisation requérante avaient valablement consenti à l’instituer en qualité d’organisation internationale et en étaient membres, elle avait interrogé, en novembre 2019, les autorités des États mentionnés sur le site Internet du requérant et présentés comme étant ses membres.
78 Cinquièmement, dans la septième sous-partie de la première partie de l’évaluation finale (ci-après la « sous-partie A.7 »), relative à l’évaluation préliminaire de l’éligibilité du requérant à la gestion indirecte en qualité d’organisation internationale, la Commission a examiné, d’une part, la question de savoir si elle-même avait effectivement participé à la création du requérant et, d’autre part, les réponses des États qu’elle avait interrogés dans les circonstances mentionnées aux points 15
à 17 ci-dessus.
79 S’agissant, d’une part, de la question de sa participation à la création du requérant, la Commission a constaté que ni la Communauté européenne ni l’Union à sa suite n’avaient conclu d’accord international conformément aux dispositions initialement prévues par l’article 228, paragraphe 2, TCE, en vue d’instituer le requérant en qualité d’organisation internationale et que l’Union ne pouvait donc être considérée comme étant membre d’une telle organisation. La Commission a ajouté que, même si elle
avait conclu un accord en vue d’instituer le requérant en qualité d’organisation internationale, un tel accord ne saurait être considéré comme un accord international que si deux États au moins y avaient adhéré.
80 D’autre part, s’agissant des réponses des États prétendument membres du requérant, la Commission a constaté qu’aucun de ces États ne reconnaissait avoir signé d’accord international ou intergouvernemental instituant le requérant en tant qu’organisation publique internationale, avoir dépêché des signataires dotés de pouvoirs à l’effet de signer, en leur nom, un accord international ou intergouvernemental ayant un tel objet, avoir appliqué des procédures internes en vue de la ratification d’un
accord international ou intergouvernemental à cet effet, ni avoir institué le requérant en qualité d’organisation publique internationale.
81 En outre, la Commission a précisé que seule l’Autriche avait reconnu être membre du requérant et que, selon les autorités de cet État, ce dernier était, à la date de sa création, un organe international temporaire et indépendant, doté d’une capacité juridique limitée, et non une organisation internationale.
82 Par ailleurs, la Commission a considéré que, si certaines organisations internationales n’avaient pas été formellement créées par un traité, mais avaient acquis ce statut en pratique, ces organisations étaient clairement et largement reconnues comme telles par les États qui en étaient membres et par différents organismes internationaux, ce qui n’était pas le cas du requérant.
83 De plus, tout en mentionnant spécifiquement les réponses de la Belgique, de l’Italie, de l’Autriche et de la Finlande, la Commission a estimé que les déclarations de certains des États consultés, selon lesquelles ils confirmaient avoir signé le document du 25 novembre 1994 relatif à l’établissement d’IMG-IBH (ci-après la « résolution du 25 novembre 1994 »), avoir participé à la réunion du même jour à l’occasion de laquelle ledit document avait été adopté et avoir été membres du comité de
gouvernance du requérant, n’étaient pas de nature à établir que ce dernier était une organisation internationale établie par un accord international.
84 Sixièmement, dans les deuxième et troisième parties de l’évaluation finale, la Commission a examiné les objections formulées par le requérant dans sa lettre du 30 mars 2021 et estimé qu’aucune de ces objections n’était de nature à remettre en cause la conclusion préliminaire selon laquelle il ne justifiait pas du statut d’organisation internationale et, par conséquent, il n’était pas éligible à la mise en œuvre des fonds de l’Union en gestion indirecte en tant qu’organisation internationale
depuis le 16 décembre 2014.
85 Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de constater que la décision attaquée a suffisamment exposé les considérations juridiques et factuelles sur lesquelles elle était fondée et qui étaient de nature à mettre le requérant à même d’en apprécier la légalité et à permettre au Tribunal d’exercer son contrôle.
86 En troisième lieu, les allégations du requérant selon lesquelles certains des motifs de la décision attaquée seraient insuffisamment précis ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion qui figure au point 85 ci-dessus.
87 Premièrement, s’agissant de l’absence d’indication, dans la décision attaquée, d’un refus, par la Commission, de toute réunion, discussion ou échange avec le requérant, malgré les demandes répétées de ce dernier, une telle attitude, à la supposer avérée, est dépourvue de pertinence pour déterminer si ladite décision est suffisamment motivée.
88 En effet, la mention d’éventuels échanges entre la Commission et le requérant préalablement à l’adoption de la décision attaquée concerne la procédure d’adoption de cette décision, et non son bien-fondé. Ainsi, une telle indication étant sans pertinence au regard des motifs de fait et de droit sur lesquels repose la conclusion à laquelle la Commission est parvenue dans la décision attaquée, le requérant ne saurait utilement lui reprocher une insuffisance de motivation en raison de son silence sur
ce point.
89 Deuxièmement, s’agissant des allégations du requérant selon lesquelles la Commission n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles les documents qu’elle avait en sa possession étaient insuffisants pour déterminer s’il détenait le statut d’organisation internationale, il ressort de la décision attaquée, en particulier de la sixième sous-partie de la première partie de l’évaluation finale, que la Commission a considéré que ces documents, qu’elle a énumérés dans la note en bas de page no 23 de
ladite évaluation, ne présentaient pas, de son point de vue, le degré requis de sécurité juridique, ce qui constitue une motivation certes brève, mais suffisante.
90 Troisièmement, s’agissant des allégations du requérant selon lesquelles la Commission n’aurait pas avancé d’éléments justifiant la réévaluation de son statut juridique en l’absence de modification de sa situation factuelle et juridique, il ressort de la décision attaquée, en particulier de la première sous-partie de la première partie de l’évaluation finale, que la Commission a considéré qu’une telle réévaluation était nécessaire en vue d’exécuter l’arrêt du 31 janvier 2019, International
Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78).
91 Par conséquent, la première branche du deuxième moyen, tirée de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, doit être rejetée comme étant non fondée.
2. Sur le premier moyen, tiré de plusieurs erreurs de droit, notamment de la violation de l’article 266 TFUE, de l’autorité de la chose jugée et du principe de non-rétroactivité
92 Le premier moyen comporte, en substance, trois branches, tirées, la première, de la violation de l’article 266 TFUE et de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), la deuxième, de la violation de la réglementation financière de l’Union et des lignes directrices de la Commission, du 7 janvier 2015, sur l’évaluation du statut des organisations internationales et la possibilité d’assimiler
des organisations à but non lucratif à des organisations internationales (ci-après les « lignes directrices ») ainsi que de divers principes, notamment le principe de non-rétroactivité, et, la troisième, de la violation du principe d’égalité.
a) Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 266 TFUE et de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P)
93 La première branche du premier moyen est composée de deux griefs, tirés, le premier, de la violation de l’article 266 TFUE et, le second, de la violation de l’autorité de la chose jugée.
1) Sur le premier grief, tiré de la violation de l’article 266 TFUE
94 Le requérant soutient que l’article 266 TFUE fait obligation à l’institution à l’origine d’un acte annulé d’adopter un nouvel acte ayant une portée rétroactive uniquement si cette institution se trouve en situation de compétence liée, ce que la Cour aurait confirmé au point 113 de l’arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722). Ainsi, à la suite de l’annulation des décisions résultant de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission
(C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), la Commission ne pouvait, selon le requérant, légalement revenir a posteriori sur la qualification d’organisation internationale qui lui était reconnue.
95 Selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 266 TFUE que l’institution dont émane l’acte annulé a l’obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt ayant prononcé l’annulation de cet acte et, pour se conformer à cet arrêt ainsi que pour lui donner pleine exécution, de respecter non seulement son dispositif, mais également les motifs qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été
jugé dans ce dispositif (voir arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722, point 101 et jurisprudence citée).
96 Cependant, l’article 266 TFUE ne spécifiant pas la nature des mesures qui doivent être prises par l’auteur de l’acte annulé aux fins de se conformer à l’obligation mentionnée au point 95 ci-dessus, il appartient à celui-ci d’identifier ces mesures, tout en disposant, dans le choix de celles-ci, d’un large pouvoir d’appréciation, pour autant qu’il se conforme au dispositif de l’arrêt qui a annulé cet acte et aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire (voir arrêt du 22 septembre 2022,
IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722, point 102 et jurisprudence citée).
97 En particulier, il ressort de la jurisprudence qu’une mesure prise pour l’exécution d’un arrêt prononçant l’annulation d’un acte peut, à titre exceptionnel, revêtir un caractère rétroactif lorsque le but à atteindre l’exige, c’est-à-dire si la décision rétroactive vise à satisfaire au moins un but d’intérêt général et si la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, Éditions Odile Jacob/Commission, C‑514/14 P, non publié, EU:C:2016:55,
point 50 et jurisprudence citée).
98 Ainsi, une décision rétroactive qui a été prise en exécution d’un arrêt d’annulation et qui a pour objet de remédier à l’illégalité censurée par cet arrêt vise à satisfaire un but d’intérêt général, à savoir le respect par l’administration de la légalité et de l’autorité de la chose jugée (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 106).
99 En effet, il résulte de la jurisprudence que l’annulation d’un acte par le juge de l’Union a pour effet d’éliminer rétroactivement cet acte de l’ordre juridique et que, lorsque l’acte annulé a déjà été exécuté, l’anéantissement de ses effets impose de rétablir la situation juridique dans laquelle la partie requérante se trouvait antérieurement à l’adoption de cet acte (voir arrêt du 21 septembre 2022, Casanova/BEI, T‑266/21, non publié, EU:T:2022:566, point 85 et jurisprudence citée).
100 En outre, il a également été jugé que, si un arrêt a pour effet d’annuler un acte rétroactivement, il n’oblige pas pour autant l’administration à adopter une nouvelle décision dont la substance serait différente de celle se rapportant à la décision annulée, pour autant que cette nouvelle décision et la procédure par laquelle elle est adoptée ne sont pas affectées par les mêmes vices que ceux qui avaient entraîné l’annulation de la première décision ou par de nouveaux vices (voir, en ce sens,
arrêt du 8 juin 2022, Darment/Commission, T‑92/21, non publié, EU:T:2022:341, point 49).
101 En l’espèce, il découle des points 57 à 59, 61 et 88 à 90 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), que la Commission a l’obligation de s’assurer que les entités auxquelles elle a confié ou envisage de confier des tâches d’exécution budgétaire, en vertu de la réglementation financière de l’Union relative à la gestion indirecte du budget de l’Union par des organisations internationales, possèdent une telle qualité au sens de
cette réglementation. Par ailleurs, cette institution a, en cas de doutes à ce sujet, l’obligation de lever ces doutes et de réunir tous les éléments nécessaires pour justifier sa décision en droit aussi bien qu’en fait, compte tenu des conséquences juridiques de cette décision sur l’entité concernée (arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722, point 111).
102 En outre, il résulte des points 92 à 97 et 104 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), dont le contenu a été rappelé aux points 22 et 23 de l’ordonnance du 9 juin 2020, International Management Group/Commission (C‑183/17 P‑INT, EU:C:2020:507), que les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 n’étaient pas justifiées en droit comme en fait (arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P,
EU:C:2022:722, point 112).
103 Compte tenu de ces appréciations et de ces constats, qui constituent le soutien du dispositif de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), la Commission n’était pas tenue de reconnaître, avec effet rétroactif, le statut d’organisation internationale que le requérant revendique, mais pouvait se conformer à son obligation d’exécuter ledit arrêt en prenant des mesures procédurales visant à lui permettre de remédier à
l’irrégularité constatée par la Cour et, potentiellement, d’adopter un nouvel acte, destiné à remplacer les décisions annulées par celle-ci, après avoir obtenu les éléments qu’elle jugeait nécessaires pour fonder en droit et en fait ce nouvel acte (arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722, point 113).
104 Ainsi, il résulte des motifs de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), dont la Cour a rappelé le sens et la portée dans l’ordonnance du 9 juin 2020, International Management Group/Commission (C‑183/17 P‑INT, EU:C:2020:507), qu’il n’était pas interdit à la Commission, à la suite de cet arrêt, d’effectuer ultérieurement une nouvelle évaluation de la qualité d’organisation internationale du requérant, en tenant compte de
l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722, point 142).
105 Par conséquent, en procédant à une réévaluation rétroactive du statut juridique du requérant à la suite de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), la Commission n’a pas violé l’article 266 TFUE, de sorte que le premier grief doit être rejeté comme étant non fondé.
2) Sur le second grief, tiré de la violation de l’autorité de la chose jugée
106 Le requérant considère que l’autorité de la chose jugée, dont sont revêtus les points 94 et 104 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), faisait obstacle à la réévaluation de son statut pour le passé.
107 À cet égard, selon une jurisprudence constante, l’autorité de la chose jugée ne s’attache pas qu’au dispositif de la décision juridictionnelle en cause, mais s’étend aux motifs de celle-ci, qui constituent le soutien nécessaire de son dispositif et sont, de ce fait, indissociables de ce dernier (voir arrêt du 17 septembre 2020, Alfamicro/Commission, C‑623/19 P, non publié, EU:C:2020:734, point 37 et jurisprudence citée).
108 De plus, l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par une décision juridictionnelle (voir arrêt du 17 septembre 2020, Alfamicro/Commission, C‑623/19 P, non publié, EU:C:2020:734, point 38 et jurisprudence citée).
109 Ainsi qu’il est indiqué au point 102 ci-dessus, il résulte des points 92 à 97 et 104 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), que les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 n’étaient pas justifiées en droit comme en fait, de sorte qu’elles ont été annulées par la Cour.
110 En particulier, aux points 92 à 97 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), la Cour a accueilli les moyens des deux pourvois par lesquels le requérant reprochait au Tribunal d’avoir jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation en justifiant les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 par l’existence de certains doutes relatifs à sa qualité d’organisation
internationale au sens de la réglementation financière de l’Union.
111 En effet, la Cour a jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en se limitant à affirmer que les arguments et les éléments de preuve présentés par le requérant ne remettaient pas en cause les doutes de la Commission quant à sa qualité d’organisation internationale et en s’abstenant de contrôler la légalité des décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 au regard de la notion d’« organisation internationale » au sens de la réglementation financière de l’Union.
112 Dans ce contexte, la Cour a, notamment, relevé qu’aucun des trois éléments sur lesquels la Commission s’était fondée pour adopter les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 n’était légalement susceptible de fonder des doutes au sujet de la qualité d’organisation internationale du requérant.
113 Selon ces trois éléments, premièrement, cinq États membres de l’Union, que le requérant présentait comme étant ses membres, ne se considéraient pas comme tels, deuxièmement, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) avait indiqué que le requérant ne constituait pas une agence spécialisée de l’ONU et, troisièmement, il existait des incertitudes relatives aux pouvoirs des personnes ayant représenté certains États présents lors de la signature de l’acte constitutif du
requérant.
114 Ainsi, la Cour a constaté que ces trois éléments ne portaient que sur cinq États présentés par le requérant comme faisant partie ou comme ayant fait partie de ses membres ainsi que sur les pouvoirs des personnes ayant représenté ces États lors de la signature de son acte constitutif, et non sur l’ensemble des États membres du requérant ou sur la qualité propre de ce dernier.
115 En particulier, au point 94 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), la Cour a jugé ce qui suit :
« En effet, s’agissant du premier de ces éléments, portant sur le point de savoir si plusieurs États présentés par IMG comme étant membres de celle-ci l’étaient effectivement, il ressort des propres constatations du Tribunal que les doutes de la Commission à ce propos ne concernaient que “certains” des membres d’IMG et, plus précisément, cinq d’entre eux sur un total de seize. Or, de tels doutes, à les supposer fondés, n’ont pas pour conséquence, en droit international, de priver l’entité dont
ces États ne seraient pas – ou plus – membres de la qualité d’“organisation internationale”, et cela d’autant moins lorsque, comme en l’espèce, les États concernés ne constituent qu’une partie largement minoritaire de l’entité en cause. »
116 Enfin, la Cour a considéré, aux points 98 à 106 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), premièrement, que le constat des erreurs de droit commises par le Tribunal impliquait d’annuler intégralement les arrêts du 2 février 2017, International Management Group/Commission (T‑29/15, non publié, EU:T:2017:56), et du 2 février 2017, IMG/Commission (T‑381/15, non publié, EU:T:2017:57), deuxièmement, que les deux litiges étaient
en état d’être jugés en ce que le requérant demandait l’annulation des décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015, troisièmement, que ces deux décisions étaient entachées d’illégalité au même titre que les arrêts susmentionnés, de telle sorte qu’elles devaient, elles aussi, être annulées intégralement et, quatrièmement, que la demande en réparation des préjudices causés au requérant par la décision du 8 mai 2015 n’était, en revanche, pas en état d’être jugée et devait donc être renvoyée au
Tribunal.
117 Ainsi, au point 104 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), la Cour a jugé ce qui suit :
« En l’espèce, il y a lieu, pour la Cour, de statuer définitivement sur les deux recours en annulation, qui sont en état d’être jugés. En effet, ainsi qu’il découle des points 92 à 96 du présent arrêt, les décisions litigieuses sont illégales, dans la mesure où les éléments invoqués par la Commission à l’appui de celles-ci ne sont pas de nature à mettre en doute la qualité d’organisation internationale d’IMG, au sens des réglementations financières de 2002 et de 2012. Partant, il y a lieu
d’annuler dans leur intégralité lesdites décisions. »
118 En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les motifs qui figurent aux points 94 et 104 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), ne peuvent être lus indépendamment des points 92 à 96 du même arrêt, auxquels le point 104 dudit arrêt se réfère, qui constituent le soutien nécessaire du dispositif par lequel la Cour a annulé les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015. Il s’ensuit que l’autorité de la chose jugée
attachée, notamment, au point 94 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), s’étend également au point 104 de cet arrêt.
119 En second lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision attaquée, telle qu’elle est résumée aux points 66 à 84 ci-dessus, que cette décision soit fondée sur l’un des trois éléments ayant nourri les doutes de la Commission et l’ayant conduite à adopter les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015.
120 Ainsi, la Commission ayant fondé la décision attaquée sur des motifs distincts de ceux qui soutenaient les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015, que la Cour a déclarés illégaux dans l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), c’est à tort que le requérant fait valoir que la décision attaquée viole l’autorité de la chose jugée qui s’attache, notamment, aux points 94 et 104 de cet arrêt. Partant, ce grief doit être rejeté
comme étant non fondé, ainsi que la première branche du présent moyen dans son ensemble.
b) Sur la deuxième branche, tirée de la violation du principe de bonne foi, de l’adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » et du principe de non-rétroactivité
121 Cette branche est composée de deux griefs, tirés, le premier, de la violation du principe de bonne foi et de l’adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » (ci-après l’« adage “nemo auditur” ») et, le second, de la violation du principe de non-rétroactivité des actes de l’Union.
122 Il y a lieu pour le Tribunal d’examiner, tout d’abord, le second grief, tiré de la violation du principe de non-rétroactivité des actes de l’Union, puis le premier grief.
1) Sur le second grief, tiré de la violation du principe de non-rétroactivité des actes de l’Union
123 Le requérant soutient que la décision attaquée méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes de l’Union, dès lors que rien ne justifiait la réévaluation rétroactive de son statut. En outre, il fait valoir que la rétroactivité de la décision attaquée n’est pas justifiée par les faits de la cause, mais par des faits nouveaux, analysés au regard de réglementations nouvelles.
124 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’exigence fondamentale de sécurité juridique, dans ses différentes manifestations, vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union. Le principe de sécurité juridique s’oppose, notamment, à ce qu’un acte de l’Union voie son entrée en vigueur fixée à une date antérieure à sa publication (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Galeote et Watson/Parlement, C‑715/21 P
et C‑716/21 P, non publié, EU:C:2023:190, point 113 et jurisprudence citée).
125 Toutefois, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée aux points 97 à 99 ci-dessus, une mesure prise pour l’exécution d’un arrêt prononçant l’annulation d’un acte peut, à titre exceptionnel, revêtir un caractère rétroactif, d’une part, lorsque le but à atteindre l’exige, c’est-à-dire si la décision rétroactive vise à satisfaire au moins un but d’intérêt général, et, d’autre part, lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée.
126 Ainsi, il convient de vérifier si les deux conditions mentionnées au point 125 ci-dessus sont réunies en l’espèce.
127 En premier lieu, s’agissant de la première condition tenant à la satisfaction d’un but d’intérêt général, il ressort de la jurisprudence citée aux points 98 et 99 ci-dessus qu’une décision rétroactive qui a été prise en exécution d’un arrêt d’annulation et qui a pour objet de remédier à l’illégalité censurée par cet arrêt vise à satisfaire un but d’intérêt général, dès lors que l’annulation d’un acte par le juge de l’Union impose à son auteur de combler le vide juridique provoqué par
l’annulation dudit acte et de rétablir la situation juridique dans laquelle la partie requérante se trouvait antérieurement à l’adoption de cet acte (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 106).
128 En l’espèce, il résulte de l’examen de la première branche du présent moyen, en particulier du point 103 ci-dessus, que la Commission pouvait se conformer à son obligation d’exécuter l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), en prenant des mesures procédurales visant à lui permettre de remédier à l’irrégularité constatée par la Cour et, potentiellement, d’adopter un nouvel acte, destiné à remplacer les décisions des
16 décembre 2014 et 8 mai 2015 annulées par celle-ci, après avoir obtenu les éléments qu’elle jugeait nécessaires pour fonder en droit et en fait ce nouvel acte.
129 Ainsi, dès lors que la Commission a adopté la décision attaquée en vue de remédier à l’illégalité des décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 et d’éviter un vide juridique à la suite de leur annulation par la Cour, elle se trouvait dans la situation exceptionnelle dans laquelle elle pouvait conférer à la décision attaquée un caractère rétroactif.
130 En outre, cette rétroactivité était d’autant plus nécessaire que, ainsi qu’il ressort du point 23 de l’ordonnance du 9 juin 2020, International Management Group/Commission (C‑183/17 P‑INT, EU:C:2020:507), la Cour, dans l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), n’avait en aucun cas tranché la question de savoir si, sur la base d’une analyse non entachée d’erreur de droit et de l’ensemble des éléments pertinents, il devait être
considéré ou au contraire exclu que le requérant possédait le statut d’organisation internationale lors de l’adoption des décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015.
131 Ainsi, l’absence de caractère rétroactif de la décision attaquée aurait laissé subsister un doute quant à la possibilité pour le requérant de revendiquer, pendant la période comprise entre le 16 décembre 2014 et la date d’adoption de la décision attaquée, le statut d’organisation internationale permettant, conformément à la réglementation financière de l’Union, d’exécuter le budget de l’Union en gestion indirecte.
132 Or, il découle clairement des points 57 à 59, 61 et 88 à 90 de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), ainsi que du point 111 de l’arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722), que la Commission a l’obligation de s’assurer que les entités auxquelles elle a confié ou envisage de confier des tâches d’exécution budgétaire, en vertu de la réglementation financière de l’Union relative à la
gestion indirecte du budget de l’Union par des organisations internationales, possèdent une telle qualité au sens de cette réglementation.
133 En effet, compte tenu du rôle et de la responsabilité que l’article 310, paragraphe 5, l’article 317, premier alinéa, TFUE ainsi que la réglementation financière attribuent à la Commission s’agissant de l’exécution du budget de l’Union, cette institution a la charge de veiller au respect du principe de bonne gestion financière. Il s’ensuit que, dans le cas où la Commission choisit de mettre en œuvre un mode d’exécution budgétaire impliquant le recours à un tiers, elle est tenue de veiller, lors
de cette mise en œuvre, puis tout au long de l’exécution des tâches budgétaires concernées, au respect des conditions applicables, notamment de celles gouvernant l’octroi des fonds correspondants et leur utilisation subséquente (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722, point 151 et jurisprudence citée).
134 Par conséquent, la clarification du statut juridique du requérant et l’obligation de remédier à l’illégalité des décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 constituaient des buts d’intérêt général permettant à la Commission d’adopter une nouvelle décision prenant rétroactivement effet à compter de la décision du 16 décembre 2014, de sorte que la première des conditions mentionnées au point 125 ci-dessus est remplie.
135 En deuxième lieu, s’agissant de la seconde condition tenant au respect de la confiance légitime, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le constat de la violation de ce principe suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, aient été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 2 juin 2022, Arnautu/Parlement, C‑573/21 P, non publiée, EU:C:2022:448,
point 34 et jurisprudence citée).
136 Dans ce cadre, il incombe au Tribunal de vérifier si les actes d’une autorité administrative ont créé, dans l’esprit d’un intéressé prudent et avisé, une confiance raisonnable et, si tel est le cas, d’établir le caractère légitime de cette confiance (voir ordonnance du 2 juin 2022, Arnautu/Parlement, C‑573/21 P, non publiée, EU:C:2022:448, point 35 et jurisprudence citée).
137 Or, il ne ressort pas du dossier que, à la suite de l’arrêt du 31 décembre 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), la Commission ait fourni au requérant des assurances précises, inconditionnelles et concordantes quant à l’adoption d’une décision tendant à lui reconnaître, de manière rétroactive, le statut d’organisation internationale à compter du 16 décembre 2014.
138 Par conséquent, la décision attaquée ne saurait être considérée comme étant intervenue en violation du principe de confiance légitime, de sorte que, les deux conditions rappelées au point 125 ci-dessus étant remplies, elle ne saurait non plus être considérée comme ayant violé le principe de non-rétroactivité.
139 En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la rétroactivité de la décision attaquée serait justifiée, non par les faits de la cause, mais par des faits nouveaux, analysés au regard de réglementations nouvelles, il est vrai que la réévaluation du statut juridique du requérant a été formellement engagée par la Commission après l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), et que les réponses des États interrogés dans
le cadre de cette procédure sont donc postérieures aux décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015.
140 À cet égard, il découle de la jurisprudence que, lors de l’adoption d’une décision à caractère rétroactif, le respect des principes gouvernant l’application de la loi dans le temps ainsi que les exigences relatives aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposent l’application des règles matérielles en vigueur à la date des faits en cause, quand bien même ces règles ne seraient plus en vigueur à la date de l’adoption de ladite décision (voir, en ce sens,
arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 40 et jurisprudence citée).
141 En particulier, dans le cadre d’une procédure visant à remplacer un acte annulé, l’institution concernée doit se placer à la date à laquelle elle avait adopté ledit acte annulé pour adopter l’acte de remplacement, sans préjudice de la possibilité d’invoquer, dans sa nouvelle décision, des motifs autres que ceux sur lesquels elle avait fondé sa première décision (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 58 et jurisprudence
citée).
142 Ainsi, le requérant est fondé à soutenir que le principe de non-rétroactivité, qui constitue l’une des composantes du principe de sécurité juridique, fait obstacle à ce que, lorsqu’une institution procède à l’exécution d’un arrêt d’annulation, ladite institution adopte une décision rétroactive en se fondant sur des faits qui n’étaient pas pertinents au regard du champ d’application temporel de cette décision ou sur des règles matérielles qui n’étaient pas en vigueur pendant la période concernée
par ladite décision.
143 Toutefois, en l’espèce, le requérant n’établit pas que la décision attaquée, en ce qu’elle est rétroactive, est fondée sur des règles matérielles qui n’étaient pas en vigueur pendant la période concernée par cette décision ou sur des faits qui sont postérieurs aux décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015.
144 D’une part, il ressort des motifs de la décision attaquée que la Commission s’est fondée sur les dispositions de la réglementation financière de l’Union applicables au requérant à la date du 16 décembre 2014, puis sur les dispositions de la même réglementation applicables à la période postérieure à cette date.
145 En effet, il résulte de la troisième sous-partie de la première partie de l’évaluation finale que la Commission a fait application, pour la période comprise entre le 16 décembre 2014 et le 31 décembre 2015, de l’article 58 du règlement no 966/2012 et de l’article 43 du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012, pour la période comprise entre le 1er janvier 2016 et le 1er août 2018, des mêmes règlements tels
que modifiés, respectivement, par le règlement (UE, Euratom) 2015/1929 du Parlement européen et du Conseil, du 28 octobre 2015 (JO 2015, L 286, p. 1), et le règlement délégué (UE) 2015/2462 de la Commission, du 30 octobre 2015 (JO 2015, L 342, p. 7), et, pour la période à compter du 2 août 2018, des articles 62 et 156 du règlement 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements
(UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).
146 D’autre part, le requérant ne démontre pas que les prises de position des États dont il prétend qu’ils sont ou ont été ses membres et que la Commission a prises en compte pour adopter la décision attaquée aient changé entre le 16 décembre 2014 et la date d’adoption de cette décision quant à la question de savoir s’il constituait une organisation internationale.
147 Il est vrai que, pour adopter la décision attaquée, la Commission a procédé, après le prononcé de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), à une consultation des États dont elle pensait qu’ils étaient ou avaient été membres du requérant. Il ressort cependant de l’examen des réponses de ces États que, si elles ne sont pas rédigées exactement dans les mêmes termes que les réponses apportées par les mêmes États lorsqu’ils
avaient été interrogés par l’OLAF en 2014, leur contenu est en substance identique.
148 Par conséquent, les prises de position des États en réponse à la procédure de consultation préalable à l’adoption de la décision attaquée ne comportent pas de faits nouveaux sur lesquels la Commission se serait fondée de manière rétroactive. Elles reflètent l’opinion de ces États sur la question de savoir si le requérant est une organisation internationale, telle que cette opinion avait été formulée auprès de l’OLAF avant l’adoption de la décision du 16 décembre 2014.
149 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le second grief comme étant non fondé.
2) Sur le premier grief, tiré de la violation du principe de bonne foi et de l’adage « nemo auditur »
150 Au soutien du premier grief, le requérant fait valoir que la décision attaquée, en ce qu’elle refuse de lui reconnaître le statut d’organisation internationale depuis le 16 décembre 2014, méconnaît le principe de bonne foi et l’adage « nemo auditur ».
151 Il convient de rappeler que l’article 76, sous d), du règlement de procédure prévoit que la requête présentée en première instance doit contenir les « moyens et [les] arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens ». Ainsi, selon une jurisprudence constante, il n’incombe pas au juge de l’Union de répondre aux arguments invoqués par une partie qui ne sont pas suffisamment clairs et précis, dans la mesure où ils ne font l’objet d’aucun autre développement et ne sont pas accompagnés
d’une argumentation spécifique les étayant (voir arrêt du 18 novembre 2021, Grèce/Commission, C‑107/20 P, non publié, EU:C:2021:937, point 76 et jurisprudence citée).
152 En premier lieu, il convient de constater que le requérant s’est abstenu de fournir des explications quant à l’incidence sur la légalité de la décision attaquée de l’adage « nemo auditur », selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».
153 Ainsi, l’argument tiré de la violation de l’adage « nemo auditur » est insuffisamment étayé au regard des exigences qui découlent de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.
154 En tout état de cause, à supposer que le requérant ait entendu soutenir que la Commission a commis une faute en se fondant sur l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), pour justifier a posteriori les décisions du 16 décembre 2014 et du 8 mai 2015, il résulte de l’examen, d’une part, du second grief de la première branche du premier moyen que la décision attaquée ne repose pas sur les mêmes motifs que ces décisions et, d’autre
part, du second grief de la présente branche que la Commission n’a pas méconnu le principe de non-rétroactivité des actes de l’Union.
155 Par conséquent, l’argument tiré de la violation de l’adage « nemo auditur » ne peut qu’être rejeté.
156 En second lieu, s’agissant du principe de bonne foi, il convient également de relever que le requérant n’a pas non plus défini la portée de ce principe ni les dispositions dont il s’inspirerait.
157 Dans un premier temps, à supposer que le requérant ait entendu se référer à l’obligation qui incombe aux parties à un contrat d’exécuter de bonne foi les stipulations dudit contrat qui les lie, il convient de constater que la décision attaquée n’est pas intervenue dans le cadre d’un contrat qu’il aurait conclu avec la Commission.
158 En outre, il y a lieu de préciser que l’annulation par la Cour des décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 demeure sans incidence sur l’absence de relations contractuelles entre le requérant et la Commission depuis le 16 décembre 2014.
159 En effet, la décision du 16 décembre 2014 avait pour objet de retirer au requérant son statut de destinataire de la décision d’exécution C(2013) 7682 final, relative au programme d’action annuel pour 2013 en faveur du Myanmar/de la Birmanie, et donc d’empêcher la conclusion d’une convention à cette fin entre lui et la Commission.
160 De même, la décision du 8 mai 2015 avait pour objet de surseoir à la participation du requérant à de nouveaux projets financés par l’Union jusqu’à ce que la Commission ait clarifié son statut juridique.
161 Ainsi, l’annulation des décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 n’a pas eu pour effet de rétablir des liens contractuels entre la Commission et le requérant, mais simplement de rendre possible la conclusion entre eux d’une convention pour la mise en œuvre du programme de développement du commerce au Myanmar/en Birmanie et, le cas échéant, d’autres conventions en matière de reconstruction et de développement, sous réserve que la Commission, à l’issue d’une réévaluation du statut juridique du
requérant, lui reconnaisse la qualité d’organisation internationale.
162 Dans un second temps, à supposer que le requérant ait entendu se référer au principe de bonne foi, en tant qu’il correspond à un principe coutumier du droit international public, il y a lieu de rappeler que ledit principe, tel qu’il est prévu à l’article 18 de la convention de Vienne, impose à un État de s’abstenir d’actes qui priveraient un traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur, lorsqu’il a signé le traité ou a échangé les instruments constituant le traité sous réserve
de ratification, d’acceptation ou d’approbation, tant qu’il n’a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité ou lorsqu’il a consenti à être lié par le traité.
163 Or, s’il est vrai que le principe de bonne foi s’impose aux institutions de l’Union (voir arrêt du 17 janvier 2007, Grèce/Commission, T‑231/04, EU:T:2007:9 point 85 et jurisprudence citée), le requérant n’a pas établi, ni même allégué, dans le cadre de ses écritures relatives au présent moyen, que l’Union avait signé un traité l’instituant en qualité d’organisation internationale ou avait échangé les instruments constituant un tel traité sous réserve de ratification, d’acceptation ou
d’approbation, ou, encore, avait consenti à être liée par un tel traité.
164 À cet égard, il résulte de la jurisprudence que la partie requérante est tenue d’exposer d’une manière suffisamment claire, à l’appui de chacun des moyens qu’elle invoque, l’argumentation en droit et en fait propre à la justifier, sans que le Tribunal soit contraint, du fait d’un manque de structure de la requête ou d’une insuffisance de précision ou de rigueur du raisonnement, de reconstituer celui-ci en rassemblant divers éléments épars de la requête, au risque de reconstruire ce moyen en lui
donnant une portée que la partie requérante n’entendait pas lui conférer. En décider autrement serait contraire à la fois à une bonne administration de la justice, au principe dispositif ainsi qu’aux droits de la défense de la partie défenderesse (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2020, Fleig/SEAE, C‑446/19 P, non publié, EU:C:2020:918, points 60 et 61).
165 Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argument tiré de la violation du principe de bonne foi comme étant insuffisamment étayé au regard des exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure et, par conséquent, le premier grief de la présente branche dans son intégralité.
c) Sur la troisième branche, tirée de la violation du principe d’égalité
166 Dans le mémoire en réplique, le requérant soutient que, contrairement à de nombreuses entités juridiques qui ne sont pas reconnues par la Commission comme des organisations internationales, mais qui sont des organismes publics, il n’a plus bénéficié, en raison des doutes de la Commission à la suite de l’enquête de l’OLAF le concernant, d’aucun contrat selon le mode de la gestion indirecte ni de contrat attribuable de gré à gré en application d’autres dispositions de la réglementation financière
prévues pour les situations de crise ou d’urgence, sans connaître les raisons de ce traitement discriminatoire.
167 Le requérant fait également valoir que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) n’est pas reconnue comme une organisation internationale par l’ensemble des États qui ont contribué à sa création et à ses activités ni ne dispose d’un acte légal constitutif selon le droit international et que ces circonstances n’ont pas fait obstacle à la reconnaissance de son statut d’organisation internationale par la Commission.
168 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de la Charte, constitue un principe général du droit de l’Union qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P,
EU:C:2022:557, point 95 et jurisprudence citée).
169 L’exigence tenant au caractère comparable des situations, afin de déterminer l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement, doit être appréciée au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent et, notamment, à la lumière de l’objet et du but poursuivi par l’acte qui institue la distinction en cause, étant entendu qu’il doit être tenu compte, à cet effet, des principes et des objectifs du domaine dont relève cet acte. Pour autant que les situations ne sont pas
comparables, une différence de traitement des situations concernées ne viole pas l’égalité en droit consacrée à l’article 20 de la Charte (voir arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 96 et jurisprudence citée).
170 En premier lieu, il convient de relever que la décision attaquée a pour seul objet de refuser au requérant la reconnaissance du statut d’organisation internationale prévu par la réglementation financière de l’Union pour la mise en œuvre des fonds de l’Union selon le mode de la gestion indirecte, sans préjudice de la possibilité pour ce dernier de se prévaloir d’autres modalités définies par cette réglementation en vue de sa participation éventuelle à l’exécution dudit budget.
171 Ainsi, dès lors que la décision attaquée ne fait pas obstacle à ce que le requérant participe à la gestion indirecte du budget de l’Union selon d’autres dispositions que celles prévues par la réglementation financière de l’Union au bénéfice des organisations internationales, il ne saurait utilement reprocher à cette décision d’être à l’origine d’un prétendu traitement discriminatoire tel que décrit au point 166 ci-dessus.
172 Par conséquent, les allégations du requérant résumées au point 166 ci-dessus, même à les supposer fondées, sont sans influence sur la légalité de la décision attaquée et sont donc inopérantes.
173 En second lieu, outre qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’OSCE ait été reconnue, par la Commission, comme une organisation internationale en vue de la gestion indirecte du budget de l’Union, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas démontré se trouver dans une situation comparable à celle de cette organisation.
174 En effet, le requérant n’a pas contesté les allégations de la Commission selon lesquelles, contrairement à lui, l’OSCE est reconnue comme une organisation internationale par un grand nombre de sujets du droit international, en particulier par une majorité des membres de cette organisation.
175 Par conséquent, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2022, TK/Commission, T‑435/21, non publié, EU:T:2022:303, point 42 ; voir également, par analogie, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52), la troisième branche doit être rejetée, de même que, par voie de conséquence, le premier moyen dans son intégralité.
3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique
176 Le requérant soutient que, en recourant préalablement à l’adoption de la décision attaquée à une procédure d’enquête auprès de certains États présentés comme étant ses membres, alors que la Commission disposait des documents utiles et de la méthode d’évaluation définie dans les lignes directrices, cette dernière a méconnu le principe de sécurité juridique.
177 À cet égard, en premier lieu, ainsi qu’il est rappelé au point 124 ci-dessus, l’exigence fondamentale de sécurité juridique, dans ses différentes manifestations, vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union.
178 Or, si cette exigence s’oppose, en principe, à ce qu’un acte de l’Union voie son entrée en vigueur fixée à une date antérieure à sa publication, il résulte de l’examen du premier moyen, notamment du point 149 ci-dessus, que la décision attaquée n’est pas intervenue en méconnaissance du principe de non-rétroactivité, qui est une expression particulière du principe de sécurité juridique.
179 Par conséquent, à supposer que le requérant ait entendu invoquer la violation du principe de sécurité juridique en ce qu’il recouvre le principe de non-rétroactivité des actes des institutions de l’Union, le présent moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
180 En deuxième lieu, il résulte également du principe de sécurité juridique que la législation de l’Union doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables, cet impératif de sécurité juridique s’imposant avec une rigueur particulière lorsqu’il s’agit d’une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose (voir arrêt du 9 juillet 2015, Cabinet Medical
Veterinar Dr. Tomoiagă Andrei, C‑144/14, EU:C:2015:452, point 34 et jurisprudence citée).
181 Toutefois, il y a lieu de constater que, en l’espèce, la décision attaquée ne relève pas de la législation ou de la réglementation de l’Union au sens de la jurisprudence citée au point 180 ci-dessus, mais constitue une décision à caractère individuel prise en application de la législation ou de la réglementation financière de l’Union.
182 En outre, il ressort de la motivation de la décision attaquée que la réévaluation du statut juridique du requérant, à laquelle la Commission a procédé, ne résulte pas d’une modification substantielle de la réglementation financière de l’Union régissant les conditions d’exécution du budget de l’Union en gestion indirecte ni d’une interprétation nouvelle de cette réglementation par la Commission.
183 En effet, il y a lieu de rappeler que l’article 53, sous c), et l’article 53 quinquies du règlement no 1605/2002, l’article 58, paragraphe 1, sous c), du règlement no 966/2012 et l’article 62 du règlement 2018/1046 attribuent à la Commission la responsabilité d’exécuter le budget de l’Union, tout en prévoyant plusieurs modes d’exécution de ce budget dont l’un, dénommé « gestion conjointe avec des organisations internationales » dans le premier de ces règlements et « gestion indirecte » dans les
deux autres, permet à cette institution de confier des tâches d’exécution budgétaire à de telles organisations, faculté dans l’exercice de laquelle elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722, point 148).
184 Or, la notion d’« organisation internationale », mentionnée à l’article 53, sous c), et à l’article 53 quinquies du règlement no 1605/2002, à l’article 58, paragraphe 1, sous c), ii), et paragraphe 8, du règlement no 966/2012 ainsi qu’à l’article 62, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement 2018/1046 a été définie, dans des termes quasi identiques, à l’article 43, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du
règlement no 1605/2002 (JO 2002, L 357, p. 1), puis à l’article 43, paragraphe 1, du règlement délégué no 1268/2012, qui a abrogé et remplacé le règlement no 2342/2002, et à l’article 156 du règlement 2018/1046. Ainsi, en vertu de ces trois dernières dispositions, cette notion recouvre les organisations de droit international public créées par des accords internationaux (voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission, C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78,
point 91).
185 Par conséquent, à supposer que le requérant ait entendu invoquer la violation du principe de sécurité juridique, tel qu’il est défini au point 180 ci-dessus, il ne serait pas fondé à soutenir que la décision attaquée procède d’une législation ou d’une réglementation de l’Union incertaine, ou constitue une application imprévisible de la législation ou de la réglementation financière de l’Union.
186 En troisième lieu, il résulte du point 111 de l’arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722), mentionné au point 101 ci-dessus, ainsi que du principe de bonne gestion financière, que la Commission a l’obligation de s’assurer que les entités auxquelles elle a confié ou envisage de confier des tâches d’exécution budgétaire, en vertu de la réglementation financière relative à la gestion indirecte du budget de l’Union par des organisations internationales,
possèdent une telle qualité au sens de cette réglementation.
187 Or, d’une part, le requérant n’a pas explicité les raisons pour lesquelles le principe de sécurité juridique ferait obstacle, dans une hypothèse telle que celle de l’espèce, à ce que, conformément au principe de bonne gestion financière, la Commission sollicite les États prétendument membres d’une organisation internationale en vue de vérifier si cette dernière revêt une telle qualité et répond aux exigences de la réglementation financière de l’Union relatives à la gestion indirecte du budget de
l’Union.
188 D’autre part, à supposer que le requérant ait entendu, en invoquant le principe de sécurité juridique, se référer au principe de confiance légitime, il résulte de l’examen du premier moyen que la décision attaquée n’est pas intervenue en violation dudit principe.
189 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme étant non fondé.
4. Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’autres erreurs de droit
190 Le quatrième moyen est composé, en substance, de trois branches, tirées d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de droit résultant, s’agissant de la première branche, du fait que la Commission n’a pas correctement identifié les membres du requérant, s’agissant de la deuxième branche, du fait qu’elle a refusé de qualifier l’acte constitutif du requérant d’accord international instituant une organisation internationale et, s’agissant de la troisième branche, du fait qu’elle a refusé de
reconnaître au requérant le statut d’organisation internationale nonobstant la pratique ultérieure de ses membres et la reconnaissance de ce statut par l’Union et certains États tiers.
191 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il est indiqué au point 183 ci-dessus, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle exerce sa responsabilité d’exécuter le budget de l’Union, en particulier lorsqu’elle choisit d’exécuter ce budget selon le mode de la gestion indirecte, et que, en application de cette modalité de gestion, elle confie des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales.
192 Ainsi, lorsque la Commission exerce les prérogatives définies au point 191 ci-dessus, les décisions faisant grief qu’elle adopte dans ce cadre sont soumises à un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation de la part du Tribunal, sans préjudice de l’examen des autres motifs d’illégalité susceptibles d’être invoqués dans le cadre d’un recours en annulation, conformément à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE.
193 Néanmoins, lorsque, comme en l’espèce, la Commission refuse de confier à une organisation des tâches d’exécution budgétaire selon le mode de la gestion indirecte au motif que cette organisation ne revêt pas le statut d’organisation internationale, la légalité d’une telle décision est soumise à un contrôle du Tribunal, à la fois de l’erreur de droit et de l’erreur manifeste d’appréciation.
194 En effet, d’une part, en pareille hypothèse, la mise en œuvre par la Commission des normes à caractère général qui permettent de définir et d’identifier des organisations internationales relève d’un contrôle de l’erreur de droit.
195 D’autre part, l’interprétation des règles propres de l’organisation qui prétend être une organisation internationale en vue de l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte ainsi que l’interprétation des prises de position de ses membres, qui sont susceptibles de revêtir une certaine complexité, sont soumises à un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation.
196 Ces précisions étant apportées, il y a lieu pour le Tribunal, préalablement à l’examen de l’argumentation du requérant, de préciser la définition de la notion d’« organisation internationale » telle qu’elle est prévue par la réglementation financière de l’Union pour l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte.
a) Sur la définition de la notion d’« organisation internationale » prévue par la réglementation financière de l’Union
197 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la notion d’« organisation internationale », telle que définie par les dispositions successives de la réglementation financière de l’Union, mentionnées au point 184 ci-dessus, recouvre les organisations de droit international public créées par des accords internationaux.
198 Or, en l’absence de définition plus précise des notions d’« organisation internationale » et d’« accord international », il convient de considérer que lesdites notions employées par la réglementation financière de l’Union correspondent à celles du droit international (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire IMG/Commission, C‑620/20 P, EU:C:2022:158, point 50).
199 En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que le droit de l’Union doit être interprété à la lumière des règles pertinentes du droit international, ce droit faisant partie de l’ordre juridique de l’Union et liant ses institutions (voir arrêt du 15 janvier 2015, Evans, C‑179/13, EU:C:2015:12, point 35 et jurisprudence citée).
200 Toutefois, dans la mesure où les notions d’« organisation internationale » et d’« accord international » sont utilisées par la réglementation financière de l’Union en vue de la finalité spécifique de l’exécution de son budget, elles doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, et ce afin de protéger les intérêts financiers de l’Union (voir, par analogie, arrêts du 2 juillet 2015, Demmer, C‑684/13, EU:C:2015:439, point 85, et du 20 décembre 2017, Erzeugerorganisation Tiefkühlgemüse,
C‑516/16, EU:C:2017:1011, point 58 ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire IMG/Commission, C‑620/20 P, EU:C:2022:158, point 51).
201 Ainsi, dans un litige tel que celui de l’espèce, le Tribunal doit faire application des notions du droit international public auxquelles se réfère la réglementation financière de l’Union en recourant aux instruments de ce droit qui définissent ces notions, tels qu’interprétés selon la jurisprudence.
202 En particulier, dans la présente affaire, il convient d’interpréter les notions d’« organisation internationale » et d’« accord international » prévues par la réglementation financière de l’Union pour l’exécution de son budget en gestion indirecte à la lumière des principes coutumiers du droit international public figurant, notamment, dans la convention de Vienne et le projet d’articles.
203 À cet égard, il ressort de l’article 2, paragraphe 1, sous i), de la convention de Vienne que l’expression « organisation internationale » s’entend d’une organisation intergouvernementale. Par ailleurs, l’article 2, sous a), du projet d’articles précise que cette expression désigne toute organisation instituée par un traité ou un autre instrument régi par le droit international et dotée d’une personnalité juridique internationale propre et que, outre des États, une organisation internationale
peut comprendre parmi ses membres des entités autres que des États.
204 En premier lieu, s’agissant de la condition afférente à l’institution par un traité ou un autre instrument régi par le droit international, il résulte de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la convention de Vienne que l’expression « traité » s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière.
205 Ainsi, ce ou ces instruments peuvent constituer l’expression du concours de volontés de deux ou de plusieurs sujets de droit international qu’ils formalisent [voir, en ce sens, avis 1/13 (Adhésion d’États tiers à la convention de La Haye), du 14 octobre 2014, EU:C:2014:2303, point 37].
206 En outre, il résulte de la jurisprudence des juridictions internationales que, quelle que soit son importance sur le plan politique, un document signé par des États ne saurait constituer un accord international s’il ne contient aucune disposition créant des droits ou des obligations auxquels ces États auraient consenti [voir arrêt de la Cour internationale de justice, Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), du 1er octobre 2018, Recueil 2018, p. 507, points 105
et 106 et jurisprudence citée].
207 En second lieu, s’agissant de la condition afférente à la possession d’une personnalité juridique internationale propre, premièrement, il ressort de la jurisprudence des juridictions internationales que la reconnaissance d’une organisation internationale est subordonnée à la détention, par l’organisation concernée, d’une personnalité morale.
208 En effet, une entité instituée par des États et, le cas échéant, par une ou plusieurs organisations internationales ne revêt pas, en l’absence d’une personnalité juridique qui lui est propre, le caractère d’organisation internationale, mais celui d’organe dépendant soit des États qui l’ont constitué [voir, en ce sens, arrêt de la Cour internationale de justice, Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), du 26 juin 1992, exceptions préliminaires, Recueil 1992, p. 240, point 47],
soit d’une organisation internationale auprès de laquelle cette entité est hébergée [voir, en ce sens, avis consultatif de la Cour internationale de justice, jugement no 2867 du Tribunal administratif de l’Organisation Internationale du Travail sur requête contre le Fonds International de Développement Agricole, du 1er février 2012, Recueil 2012, p. 10, points 57 et 61].
209 Deuxièmement, il ressort également de la jurisprudence des juridictions internationales que les organisations internationales bénéficient, en principe, de privilèges et d’immunités qui sont nécessaires à l’exercice de leurs missions [voir, en ce sens, arrêt de la Cour permanente d’arbitrage, Dr. Reineccius e.a. c. Bank for International Settlements, du 22 novembre 2002, affaire no 2000-04, point 108 ; avis consultatif de la Cour Internationale de justice, jugement no 2867 du Tribunal
administratif de l’Organisation Internationale du Travail sur requête contre le Fonds International de Développement Agricole, du 1er février 2012, Recueil 2012, p. 10, point 58, et arrêt de la Cour internationale de justice, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), du 20 avril 2010, Recueil 2010, p. 14, point 88].
210 En effet, à la différence de l’immunité juridictionnelle des États, fondée sur le principe « par in parem non habet imperium », les immunités des organisations internationales sont, en principe, conférées par les traités constitutifs de ces organisations (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, Supreme Site Services e.a., C‑186/19, EU:C:2020:638, point 61 et jurisprudence citée), et revêtent un caractère fonctionnel en ce qu’elles visent à éviter qu’une entrave soit apportée au
fonctionnement et à l’indépendance des organisations concernées [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE), C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 73 et jurisprudence citée].
211 Troisièmement, il résulte de la jurisprudence que les actes constitutifs des organisations internationales sont des traités d’un type particulier, en ce qu’ils ont pour objet de créer des sujets de droit nouveaux, dotés d’une certaine autonomie, auxquels les parties confient pour tâche la réalisation de buts communs. Ainsi, les organisations internationales sont régies par le principe de spécialité, c’est-à-dire qu’elles sont dotées par les États qui les créent de compétences d’attribution dont
les limites sont fonction des intérêts communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promouvoir et qui font normalement l’objet d’une formulation expresse dans leur acte constitutif [voir, en ce sens, avis consultatif de la Cour internationale de justice, Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, du 8 juillet 1996, Recueil 1996, p. 66, points 19 et 25 ; arrêts de la Cour internationale de justice, Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria, du 11 juin 1998, exceptions préliminaires, Recueil 1998, p. 275, points 64 à 67, et Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), du 20 avril 2010, Recueil 2010, p. 14, point 89].
212 Ainsi, une organisation internationale ne peut être réduite à un simple mécanisme facultatif mis à la disposition des parties, que chacune d’entre elles pourrait utiliser à sa guise. En effet, en créant une organisation internationale et en la dotant de tous les moyens nécessaires à son fonctionnement, ses fondateurs manifestent leur volonté de donner les meilleures garanties de stabilité, de continuité et d’efficacité à l’exercice des missions confiées à cette organisation, de sorte qu’ils ne
peuvent sortir unilatéralement et au moment qu’ils jugent opportun de ce cadre, ni lui substituer d’autres canaux de communication [voir, en ce sens, arrêt de la Cour internationale de justice, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), du 20 avril 2010, Recueil 2010, p. 14, points 90 et 91].
213 C’est à la lumière de ces définitions et de ces principes qu’il incombe au Tribunal d’examiner le bien-fondé de l’argumentation développée par le requérant au soutien du présent moyen.
b) Sur la première branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de droit relatives à l’identification des membres du requérant
214 La première branche est composée, en substance, de trois griefs, tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation résultant du fait que la Commission a effectué une distinction artificielle entre les États fondateurs du requérant, les États contributeurs, les membres de son comité de gouvernance et les membres du groupe gouvernemental d’appui (ci-après le « GSG »), le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans le cadre de l’interprétation des prises de
position de la Belgique et de l’Autriche et, le troisième, d’erreurs de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a considéré que l’Union n’était pas membre du requérant.
1) Sur le premier grief, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation résultant d’une distinction artificielle entre les États fondateurs du requérant, les États contributeurs et les membres de son comité de gouvernance
215 Le requérant reproche, en substance, à la Commission d’avoir mal identifié ses membres en effectuant une distinction artificielle entre ses États fondateurs, les États contributeurs, les membres de son comité de gouvernance et les membres du GSG. Ainsi, selon le requérant, l’ensemble des États et des organisations internationales ou régionales qui contribuent financièrement ou en nature aux opérations qu’il mène ainsi que les membres du GSG, qui sont ses membres fondateurs, doivent être
considérés comme membres de son comité de gouvernance et, partant, comme ses membres, même s’ils ne siègent pas de manière effective au sein dudit comité.
216 En premier lieu, il convient de relever qu’il ne ressort pas de la motivation de la décision attaquée que la Commission ait formellement opéré une distinction entre les États fondateurs du requérant, les États contributeurs, les membres de son comité de gouvernance, devenu comité permanent lors de la modification de ses statuts en 2012, et les membres du GSG.
217 Ainsi, dans la décision attaquée, la Commission se borne à constater qu’aucun des États qu’elle a consultés à la suite de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), à l’exception de l’Autriche, n’a reconnu être membre de l’organisation requérante depuis le 16 décembre 2014.
218 En second lieu, à supposer même que la décision attaquée puisse être interprétée comme effectuant une distinction entre les États fondateurs du requérant, les États contributeurs, les membres de son comité de gouvernance et les membres du GSG, premièrement, il y a lieu de rappeler que, aux termes de la résolution du 25 novembre 1994, seuls les membres du comité de gouvernance du requérant devaient assumer l’obligation de contribuer financièrement à son budget ou à ses opérations, et non
l’ensemble des membres du GSG qui étaient invités à signer ladite résolution.
219 Ainsi, la résolution du 25 novembre 1994 n’a imposé aucune obligation à ses signataires de devenir membres du comité de gouvernance du requérant ou d’adhérer à celui-ci, mais leur a laissé toute liberté à cet effet.
220 Deuxièmement, cette liberté pour les États et les organisations internationales signataires de la résolution du 25 novembre 1994 d’adhérer au requérant est confirmée par les propos tenus par le président de la séance du 25 novembre 1994 au cours de laquelle la résolution du même jour a été adoptée, tels qu’ils sont retranscrits dans le compte rendu de cette réunion daté du 29 novembre 1994 (ci-après le « compte rendu du 29 novembre 1994 »).
221 En effet, il ressort du compte rendu du 29 novembre 1994 que le président de la séance du 25 novembre 1994, au cours de laquelle la résolution du même jour a été adoptée, a insisté sur le fait que, en signant ce document, les États qui participaient à cette réunion en tant que membres du GSG ne deviendraient pas automatiquement membres du comité de gouvernance du requérant.
222 Par conséquent, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le seul fait pour un État ou une organisation internationale d’avoir été membre du GSG et d’avoir, en signant la résolution du 25 novembre 1994, participé à sa fondation ferait de cet État ou de cette organisation l’un de ses membres.
223 Troisièmement, il ressort des statuts du requérant que ceux-ci ne définissent ni la qualité des membres du requérant, ni la procédure d’adhésion à ce dernier, non plus que la procédure au terme de laquelle un État ou une organisation internationale perdrait la qualité de membre du requérant.
224 Toutefois, les statuts du requérant ont institué, par le comité de gouvernance, devenu comité permanent en 2012, un organe décisionnel dans lequel peuvent siéger des États et des organisations internationales, une procédure d’admission au sein de cet organe et une procédure de réexamen de la qualité de membre de ce même organe.
225 En particulier, dans sa rédaction issue de la modification en 2012 des statuts du requérant, l’article 5 desdits statuts définit les membres de son comité permanent ainsi qu’une procédure d’admission des membres de cet organe décisionnel, de même qu’une procédure de réexamen et de retrait de la qualité de membre dudit organe.
226 Ainsi, il résulte des statuts du requérant que la procédure d’admission d’un État ou d’une organisation internationale à son comité de gouvernance, devenu comité permanent, équivaut, pour l’État ou l’organisation internationale concerné, à une procédure d’adhésion au requérant.
227 En outre, les statuts du requérant doivent être interprétés en ce sens que, sans préjudice des procédures de réexamen et de retrait de la qualité de membre du comité permanent, il était loisible aux États et aux organisations internationales qui y avaient été admis de ne plus y siéger sans effectuer de formalité particulière.
228 En effet, il ne saurait être déduit de l’absence, dans les statuts du requérant, d’une clause définissant une procédure de renonciation volontaire à la qualité de membre de son comité de gouvernance que les États ou les organisations internationales qui ont été admis au sein de cette instance l’ont été à titre définitif, sans aucune possibilité de quitter cette organisation.
229 Cette interprétation est, au demeurant, corroborée par les prises de position de plusieurs États qui ont déclaré ne plus être membres du comité de gouvernance du requérant nonobstant l’absence d’une clause, dans les statuts de ce dernier, définissant une formalité particulière en vue de la renonciation volontaire à la qualité de membre de son comité de gouvernance.
230 Dans ces conditions, seuls les États et les organisations internationales qui avaient sollicité leur admission au sein du comité de gouvernance ou du comité permanent du requérant, dont la demande n’avait pas donné lieu à des objections de la part des membres de cette instance décisionnelle, et qui continuaient d’y siéger à la date du 16 décembre 2014 et, le cas échéant, au-delà, devaient être considérés comme étant membres de l’organisation requérante à la date d’effet de la décision attaquée.
231 Par conséquent, le requérant n’est pas fondé à reprocher à la Commission de ne pas avoir considéré certains États et certaines organisations internationales comme étant ses membres si ces États ou ces organisations ne siégeaient pas au sein de son comité de gouvernance ou de son comité permanent depuis le 16 décembre 2014, même s’ils avaient participé au GSG ou même s’ils contribuaient ou avaient contribué financièrement ou en nature à son budget ou à ses opérations.
232 Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant non fondé.
2) Sur le deuxième grief, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation entachant l’interprétation des prises de position de la Belgique et de l’Autriche
233 Le requérant fait valoir, en substance, qu’il ressort de l’analyse des réponses des États interrogés qu’au moins deux d’entre eux, à savoir la Belgique et l’Autriche, reconnaissent qu’il est une organisation internationale et sont ou ont été des membres fondateurs, de sorte qu’il justifierait du fait de disposer d’au moins deux États parmi ses membres et devrait être reconnu comme une organisation internationale.
234 Il y a lieu d’examiner séparément les arguments qui composent ce grief et qui sont relatifs à l’interprétation des réponses des autorités belges et autrichiennes.
i) Sur le premier argument, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation entachant l’interprétation de la réponse des autorités autrichiennes
235 Il ressort de la réponse de l’Autriche du 8 avril 2020 à la demande de consultation de la Commission que cet État a reconnu être membre du requérant.
236 Or, il résulte de la motivation de la décision attaquée, telle qu’elle est rappelée au point 81 ci-dessus, que la Commission n’a pas contesté cette prise de position des autorités autrichiennes.
237 En outre, il ressort également de la réponse des autorités autrichiennes, du 8 avril 2020, qu’elles ont considéré que, selon la résolution du 25 novembre 1994, qui ne constituait pas, de leur point de vue, un accord international, le requérant était, lors de sa fondation, un organe international, indépendant, temporaire et doté d’une capacité juridique limitée, et non une organisation internationale. Toutefois, les mêmes autorités ont également considéré que la pratique ultérieure, constituée
par la conclusion d’accords de siège et d’autres traités internationaux, et le caractère désormais permanent du requérant semblaient indiquer qu’il détenait la personnalité juridique internationale dans la mesure nécessaire à l’exercice de ses fonctions. Sur cette base, elles ont considéré que le requérant constituait une organisation internationale.
238 Or, il résulte de la motivation de la décision attaquée que la Commission a fidèlement reproduit le contenu de la réponse des autorités autrichiennes, tout en considérant que cette réponse ne remettait pas en cause la conclusion à laquelle cette institution était parvenue dans la sous-partie A.7, sous b), de l’évaluation finale, selon laquelle le requérant ne remplissait pas les conditions prévues par la réglementation financière de l’Union pour bénéficier de la gestion indirecte. En effet,
d’une part, le requérant n’avait pas été institué par un accord international en qualité d’organisation internationale et, d’autre part, il ressortait des réponses des États consultés par la Commission que la pratique ultérieure n’attestait pas une reconnaissance large et claire de son statut d’organisation internationale de la part des États et des organisations internationales qui en seraient membres.
239 Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans l’interprétation qu’elle a donnée de la réponse des autorités autrichiennes du 8 avril 2020. Ce premier argument doit donc être rejeté comme étant non fondé.
ii) Sur le second argument, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation entachant l’interprétation de la réponse des autorités belges
240 En premier lieu, il ressort de la réponse des autorités belges du 30 juin 2020 que, si ces autorités ont confirmé leur participation à la réunion du 25 novembre 1994 au cours de laquelle le requérant a été créé, la Belgique ne se considérait toutefois pas comme étant membre de l’organisation requérante. Les autorités belges ont également indiqué que le requérant pouvait, de leur point de vue, être considéré comme une organisation internationale, raison pour laquelle la Belgique et le requérant
avaient signé, le 13 juin 2012, un accord de siège qui, pour autant, n’accordait pas à ce dernier l’intégralité des privilèges fiscaux habituellement octroyés aux organisations internationales.
241 Or, il résulte de la motivation de la décision attaquée que la Commission a fidèlement reproduit le contenu de la réponse des autorités belges, tout en considérant que cette réponse ne remettait pas en cause la conclusion à laquelle cette institution était parvenue dans la sous-partie A.7, sous b), de l’évaluation finale, telle que résumée au point 238 ci-dessus.
242 En particulier, la Commission a considéré que la reconnaissance du statut d’organisation internationale du requérant, sous la forme d’un accord de siège conclu, notamment, par la Belgique, n’était pas de nature à établir que cette organisation constituait une organisation internationale, dès lors que les autorités belges avaient indiqué à la Commission que la Belgique n’en était pas membre.
243 En second lieu, à l’appui de son argumentation selon laquelle la Belgique devait être considérée comme l’un de ses membres, le requérant se prévaut d’une note d’analyse du service juridique du ministère belge des Affaires étrangères datée du 9 novembre 2009, annexée au rapport de l’OLAF.
244 Toutefois, s’il ressort de cette note que la Belgique a alors estimé que le requérant revêtait le caractère d’organisation internationale, cette note ne se prononce pas sur la question de savoir si cet État était membre du requérant à la date du 9 novembre 2009.
245 Par ailleurs, le requérant se plaint de ce que la Commission n’a pas suffisamment pris en compte le fait que la Belgique avait participé, d’une part, à la réunion du 25 novembre 1994 au cours de laquelle il avait été institué et, d’autre part, aux réunions de son comité de gouvernance jusqu’en 2013.
246 Or, la décision attaquée ne prenant effet qu’à compter du 16 décembre 2014, la participation des autorités belges à la création du requérant le 25 novembre 1994 et aux réunions de son comité de gouvernance, puis de son comité permanent, jusqu’en 2013, ne sont pas de nature à établir que la Belgique était membre de cette organisation à la date d’effet de ladite décision et, le cas échéant, ultérieurement.
247 Dans ces conditions, la Commission n’a pas entaché la décision attaquée d’erreur manifeste d’appréciation en considérant, au vu de la réponse des autorités belges du 30 juin 2020, que, à la date d’effet de la décision attaquée et ultérieurement, la Belgique n’était pas membre du requérant.
248 Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce second argument comme étant non fondé et, partant, le deuxième grief dans son ensemble.
3) Sur le troisième grief, tiré d’erreurs de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commises en refusant de reconnaître l’adhésion de l’Union au requérant
249 Le troisième grief est composé, en substance, de trois arguments. Au soutien du premier argument, le requérant invoque une erreur de droit tirée de ce que la Commission a considéré que l’Union ne pouvait adhérer à une organisation internationale si cette dernière ne comportait pas au moins deux États parmi ses membres. À l’appui du deuxième argument, il invoque une erreur manifeste d’appréciation tirée de ce que la Commission a considéré que l’Union n’était jamais devenue l’un de ses membres. Au
soutien du troisième argument, il invoque une erreur de droit tirée de ce que la Commission a considéré que l’Union ne pouvait être considérée comme ayant valablement adhéré à la résolution du 25 novembre 1994, faute d’avoir recouru à la procédure de conclusion des accords internationaux alors prévue par les Traités.
250 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’aucune disposition des Traités n’impose au juge de l’Union d’examiner, en tout état de cause, le bien-fondé des moyens ou des arguments soulevés à l’appui des demandes dont il est saisi. Au contraire, le juge de l’Union peut, notamment, pour des raisons tenant à une administration efficace de la justice, s’abstenir d’examiner le bien-fondé des moyens qui doivent être écartés comme étant irrecevables ou inopérants (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du
29 septembre 2022, HIM/Commission, C‑500/21 P, non publié, EU:C:2022:741, points 72 et 73).
251 En particulier, il résulte d’une jurisprudence constante que des griefs dirigés contre des motifs surabondants de l’acte dont la légalité est contestée ne sauraient entraîner l’annulation de cet acte et sont donc inopérants [voir, par analogie, ordonnance du 28 septembre 2023, QI/Commission, C‑32/23 P, non publiée, EU:C:2023:722, point 4 (prise de position de l’avocat général, point 34 et jurisprudence citée)].
252 En l’espèce, dans le cadre du présent grief, le requérant prétend établir son statut d’organisation internationale en se prévalant du fait que, à la date d’effet de la décision attaquée, il comprenait au moins deux membres, à savoir, d’une part, l’Autriche et, d’autre part, l’Union, laquelle aurait régulièrement adhéré à la résolution du 25 novembre 1994 et siégé à son comité de gouvernance, puis à son comité permanent.
253 Or, d’une part, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de savoir si la Commission a régulièrement adhéré à la résolution du 25 novembre 1994, il ressort des indications concordantes des parties que la Commission n’a plus siégé au comité de gouvernance du requérant à compter du 20 mai 2003.
254 Dans ces conditions, ainsi qu’il résulte de l’examen du premier grief de la présente branche, l’Union ne saurait être considérée comme étant membre du requérant pendant la période d’effet de la décision attaquée.
255 D’autre part, le requérant n’établit ni même ne soutient que, à la date d’effet de la décision attaquée, il comprenait parmi ses membres une autre organisation internationale.
256 À cet égard, s’il est prévu par la résolution du 25 novembre 1994 et l’article 5, paragraphe 1, des statuts du requérant que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) est membre de droit de son comité de gouvernance, il ressort d’une lettre du secrétaire général du HCR en date du 25 février 2014 que le HCR n’a plus contribué financièrement aux projets mis en œuvre par le requérant à compter de l’année 2000, n’a plus participé aux réunions dudit comité de gouvernance et n’a
plus siégé dans cette instance à compter de l’année 2010.
257 Dans ces conditions, dès lors que ni l’Union ni une autre organisation internationale, notamment le HCR, ne peuvent être considérées comme membres de l’organisation requérante à compter du 16 décembre 2014, le présent grief, même à le supposer fondé, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée et doit être rejeté. Partant, il y a également lieu de rejeter la première branche du présent moyen dans son ensemble.
c) Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs de droit entachant le refus de la Commission de qualifier la résolution du 25 novembre 1994 d’accord international instituant une organisation internationale
258 La deuxième branche est, en substance, composée de deux griefs, tirés, le premier, d’erreurs de droit en ce que la Commission a refusé de qualifier la résolution du 25 novembre 1994 d’accord international et, le second, d’une erreur d’interprétation quant à l’intention des signataires de ladite résolution d’octroyer au requérant le statut d’organisation internationale.
1) Sur le premier grief, tiré d’erreurs de droit résultant du refus de la Commission de qualifier la résolution du 25 novembre 1994 d’accord international
259 Le premier grief est composé, en substance, de trois arguments, tirés, le premier, de ce que la Commission a commis une erreur de droit quant au caractère juridiquement contraignant de la résolution du 25 novembre 1994, le deuxième, de ce que la Commission a commis une erreur de droit quant à l’exigence de signature de ladite résolution par des représentants dotés de pouvoirs à cet effet et, le troisième, de ce que la Commission a commis une erreur de droit quant à l’exigence d’instruments de
signature ou de ratification de ladite résolution.
i) Sur le premier argument, tiré d’une erreur de droit quant au caractère juridiquement contraignant de la résolution du 25 novembre 1994
260 Au soutien de cet argument, le requérant fait valoir, en substance, que la Commission a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en reprenant à son compte la position de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède selon laquelle la résolution du 25 novembre 1994 constituait une déclaration politique dépourvue de caractère juridiquement contraignant, de sorte qu’elle ne pouvait être qualifiée d’accord international.
261 À cet égard, il résulte de la motivation de la décision attaquée, notamment de la sous-partie A.7, sous c), de l’évaluation finale, que, au soutien de la conclusion selon laquelle la résolution du 25 novembre 1994 n’était pas un accord international, la Commission s’est prévalue des prises de position de l’Autriche et de la Finlande, datées, respectivement, du 8 avril et du 23 janvier 2020.
262 Ainsi, il ressort de la réponse de l’Autriche du 8 avril 2020 que, si les représentants de cet État ont signé la résolution du 25 novembre 1994, les autorités autrichiennes considèrent que ladite résolution ne constitue pas un accord international.
263 Par ailleurs, dans leur réponse du 23 janvier 2020, les autorités finlandaises ont indiqué que, lors de la réunion du 25 novembre 1994, les représentants de la Finlande avaient signé la résolution du même jour en considérant qu’il s’agissait d’une déclaration de nature politique dépourvue de caractère juridiquement contraignant.
264 En outre, s’il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission se soit expressément prévalue de la prise de position des autorités suédoises sur la question de savoir si la résolution du 25 novembre 1994 constituait un accord international, il résulte de la réponse de cet État du 2 juillet 2020 que ces autorités considèrent également, à l’instar des autorités autrichiennes et finlandaises, que ladite résolution ne revêt pas le caractère d’accord international.
265 Or, ainsi qu’il est indiqué au point 206 ci-dessus, un document signé par des États ne saurait constituer un accord international s’il ne contient aucune disposition créant des droits ou des obligations auxquels ces États auraient consenti. Ainsi, dans la présente affaire, il incombe au Tribunal d’examiner le contenu et la portée de la résolution du 25 novembre 1994, afin de déterminer si ce document comporte des engagements juridiquement contraignants pour ses signataires (voir, en ce sens et
par analogie, arrêt du 6 novembre 2008, Grèce/Commission, C‑203/07 P, EU:C:2008:606, point 56).
266 Premièrement, le point 1 de la résolution du 25 novembre 1994 fait état de l’accord des représentants des gouvernements et des organisations internationales participant à la réunion du même jour sur le fait de formaliser, à partir de cette date, l’établissement du requérant, ainsi que cela était projeté au cours des réunions préliminaires qui s’étaient tenues à Genève depuis juillet 1993, et ce conformément au compte rendu annexé à ladite résolution.
267 Deuxièmement, par son point 2, la résolution du 25 novembre 1994 a confirmé la nomination du directeur général du requérant.
268 Troisièmement, par son point 3, la résolution du 25 novembre 1994 a prévu la mise en place d’un comité de gouvernance, auquel pouvaient adhérer les gouvernements et les organisations internationales contribuant financièrement ou en nature, sur une base régulière, au budget ou aux opérations du requérant et auquel participaient de droit le HCR et la Force de protection des Nations Unies (Forpronu). En outre, ledit comité était compétent pour, notamment, adopter ses propres règles à la majorité
des deux tiers, fixer des orientations, adopter le budget du requérant et décider de ses besoins en personnel, nommer le directeur général à la majorité absolue, inviter des experts ou des représentants d’autres organisations internationales et réévaluer la nécessité de maintenir l’activité du requérant par périodes de six mois. Enfin, le GSG devait se réunir deux fois par an pour contrôler les opérations et les activités du requérant.
269 Quatrièmement, à son point 4, la résolution du 25 novembre 1994 a précisé que la signature de ce document n’emportait aucune obligation de contribuer au budget ou aux opérations du requérant, une telle obligation devant être assumée par les membres de son comité de gouvernance.
270 Cinquièmement, le point 5 de la résolution du 25 novembre 1994 a consigné l’accord des participants à la réunion du même jour sur le fait que, une fois qu’un cadre global pour la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine serait adopté, le requérant devait être intégré dans ce cadre global ou mettre progressivement un terme à ses activités, conformément à une décision en ce sens du GSG. Dans l’intervalle, les activités du requérant devaient être menées de façon intégrée à celles du HCR et en lien
étroit avec celles de la Forpronu.
271 Ainsi, il ressort des termes de la résolution du 25 novembre 1994 que ses signataires ont approuvé des règles d’organisation du requérant, notamment en confirmant son directeur général et en décidant de la mise en place d’un comité de gouvernance en son sein.
272 En particulier, si la résolution du 25 novembre 1994 n’emportait aucune obligation pour ses signataires de devenir membres du requérant, il n’en demeure pas moins que son point 5 prévoyait l’obligation pour les États membres du GSG de décider d’intégrer le requérant dans le cadre global pour la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine ou de mettre progressivement un terme à ses activités.
273 Ainsi, la résolution du 25 novembre 1994 comportait bien au moins un engagement juridiquement contraignant pour ses signataires, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme étant une déclaration dont la portée serait exclusivement politique.
274 Par conséquent, la Commission a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en reprenant à son compte la position de l’Autriche et de la Finlande, qui, ainsi qu’il résulte du point 264 ci-dessus, correspondait également à la position de la Suède, selon laquelle la résolution du 25 novembre 1994 constituait une déclaration politique dépourvue de caractère juridiquement contraignant. Ainsi, ce premier argument doit être accueilli.
ii) Sur le deuxième argument, tiré d’une erreur de droit quant à l’exigence de signature de la résolution du 25 novembre 1994 par des représentants dotés de pouvoirs à cet effet
275 Au soutien du deuxième argument, le requérant fait valoir que, sur le plan formel, la Commission a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit au regard des règles énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la convention de Vienne, en exigeant des États interrogés sur son statut juridique la production des pouvoirs habilitant les négociateurs à adopter la résolution du 25 novembre 1994.
276 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le droit international des traités a été codifié, en substance, par la convention de Vienne (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2015, Oberto et O’Leary, C‑464/13 et C‑465/13, EU:C:2015:163, point 35).
277 En particulier, l’article 7, paragraphe 1, de la convention de Vienne, relatif aux pleins pouvoirs, prévoit qu’une personne est considérée comme représentant un État pour l’adoption ou l’authentification du texte d’un traité ou pour exprimer le consentement de l’État à être lié par un traité si elle produit des pleins pouvoirs appropriés ou s’il ressort de la pratique des États intéressés ou d’autres circonstances qu’ils avaient l’intention de considérer cette personne comme représentant l’État
à ces fins et de ne pas requérir la présentation de pleins pouvoirs.
278 Néanmoins, par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, de la convention de Vienne, le paragraphe 2 du même article dispense de l’exigence de produire des pleins pouvoirs les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des Affaires étrangères, pour tous les actes relatifs à la conclusion d’un traité ; les chefs de mission diplomatique, pour l’adoption du texte d’un traité entre l’État accréditant et l’État accréditaire ; les représentants accrédités des États à une conférence
internationale ou auprès d’une organisation internationale ou de l’un de ses organes, pour l’adoption du texte d’un traité dans cette conférence, cette organisation ou cet organe.
279 Ainsi, lorsqu’un document est signé par des personnes qui n’ont pas l’autorité nécessaire pour engager les États dont elles relèvent, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la convention de Vienne, un tel document ne saurait être considéré comme un accord international juridiquement contraignant, sauf à ce que ces personnes soient habilitées à engager lesdits États sans avoir à produire de pleins pouvoirs, en application du paragraphe 2 du même article [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal
international du droit de la mer, Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), du 14 mars 2012, TIDM Recueil 2012, p. 4, points 96 et 98].
280 En outre, conformément à l’article 8 de la convention de Vienne, que la Commission a cité dans la quatrième sous-partie de la première partie de l’évaluation finale, un acte relatif à la conclusion d’un traité accompli par une personne qui ne peut, en vertu de l’article 7 de ladite convention, être considérée comme autorisée à représenter un État à cette fin est sans effet juridique, à moins qu’il ne soit confirmé ultérieurement par cet État.
281 À cet égard, il ressort des commentaires de la Commission du droit international sur le projet d’articles sur le droit des traités (Annuaire de la Commission du droit international, 1966, vol. II., p. 210-211), qui, conformément aux règles d’interprétation des traités prévues par les articles 31 et 32 de la convention de Vienne, peuvent être pris en compte pour l’interprétation de l’article 8 de ladite convention, que, malgré le défaut initial d’habilitation de son représentant, l’État peut
ultérieurement souscrire à l’acte accompli et établir ainsi son consentement à être lié par le traité, et qu’il sera aussi réputé l’avoir fait implicitement, s’il invoque les dispositions du traité ou s’il agit de manière telle qu’il paraît considérer l’acte de son représentant comme acquis.
282 En premier lieu, il ressort des réponses de ceux des États interrogés par la Commission qui avaient dépêché des représentants à la réunion du 25 novembre 1994 qu’aucun de ces États n’a été en mesure de produire les pleins pouvoirs qui auraient été octroyés à ces représentants en vue de les autoriser, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la convention de Vienne, à signer la résolution du même jour.
283 En outre, il ne résulte pas de ces réponses une pratique de ces États ou d’autres circonstances établissant leur intention de considérer les participants à la réunion du 25 novembre 1994 comme étant leurs représentants en vue de la signature de la résolution du même jour et de ne pas requérir la présentation de pleins pouvoirs.
284 En deuxième lieu, certes, il ressort de la réponse de la Suède du 2 juillet 2020 que la résolution du 25 novembre 1994 a été ultérieurement signée par le ministre suédois des Affaires étrangères, de sorte que cet État peut être considéré comme ayant bénéficié de la dispense des pleins pouvoirs prévue à l’article 7, paragraphe 2, sous a), de la convention de Vienne.
285 En troisième lieu, toutefois, il ressort de la convocation à la réunion du 25 novembre 1994, adressée par le HCR le 15 novembre 1994 au chef de la délégation permanente de la Commission auprès des organisations internationales à Genève, de l’attestation d’un ancien fonctionnaire de la Commission datée du 16 janvier 2020, qui figure à l’annexe A.43 de la requête, ainsi que de l’attestation d’un ancien fonctionnaire du gouvernement danois du 30 juillet 2019, qui figure à l’annexe A.44 de la
requête, que la résolution du 25 novembre 1994 a été négociée et adoptée par les représentants des États siégeant au sein du groupe de travail chargé des questions humanitaires de la conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie et à l’occasion d’une réunion de ce groupe de travail.
286 Ainsi, en l’absence d’approbation de la résolution du 25 novembre 1994 par l’ensemble des représentants des États accrédités à la conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie, ladite résolution, adoptée dans le cadre d’un groupe de travail, ne saurait être considérée comme un traité adopté dans le cadre de cette conférence, conformément à l’article 7, paragraphe 2, sous c), de la convention de Vienne.
287 En quatrième lieu, et en tout état de cause, il ressort du dossier et, notamment, des réponses des États interrogés par la Commission que, outre la reconnaissance par l’Autriche de sa qualité de membre du requérant, certains d’entre eux ont participé, le 10 mars 1995, à l’adoption de ses statuts (ci-après les « statuts initiaux »), notamment la France, dont la représentante a signé lesdits statuts en qualité de présidente du comité de gouvernance, et la Finlande, et que certains de ces États ont
siégé au sein de son comité de gouvernance ou de son comité permanent, notamment le Danemark, la France, les Pays-Bas, la Suède et la Norvège, les représentants de ces deux derniers États ayant signé les statuts du requérant adoptés en 2008 et en 2012 en qualité de présidents de son comité de gouvernance, devenu comité permanent.
288 Ainsi, par leur participation à l’adoption des statuts initiaux ou ultérieurs du requérant ou en siégeant au sein de son comité de gouvernance ou de son comité permanent, les États mentionnés au point 287 ci-dessus ont agi de manière telle qu’ils ont laissé paraître comme acquis les actes de signature de la résolution du 25 novembre 1994 par leurs représentants et ont ainsi confirmé ultérieurement, au sens de l’article 8 de la convention de Vienne, la signature de cette résolution qui avait pour
but d’instituer le requérant.
289 Dans ces conditions, la Commission a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en refusant de qualifier la résolution du 25 novembre 1994 d’accord international en raison de l’absence des pleins pouvoirs des participants à la réunion du même jour, dès lors que la signature de ladite résolution a été confirmée ultérieurement par au moins deux États. Ainsi, le présent argument doit être accueilli.
iii) Sur le troisième argument, tiré d’erreurs de droit quant à l’exigence d’instruments de signature ou de ratification de la résolution du 25 novembre 1994
290 Au soutien du troisième argument, le requérant fait valoir que la Commission a entaché la décision attaquée d’erreurs de droit au regard de certains principes du droit international public énoncés dans la convention de Vienne, en exigeant des États interrogés sur son statut juridique la preuve de la signature de son acte constitutif ou la production d’un instrument de ratification, alors qu’il ressortait du dossier à la disposition de la Commission que la résolution du 25 novembre 1994 avait été
dûment approuvée et signée par ses États fondateurs et que, en pratique, une organisation internationale n’est pas toujours créée par un accord formel.
291 En premier lieu, il convient de rappeler que, conformément à l’article 11 de la convention de Vienne, le consentement d’un État à être lié par un traité peut être exprimé par la signature, l’échange d’instruments constituant un traité, la ratification, l’acceptation, l’approbation ou l’adhésion, ou par tout autre moyen convenu.
292 En particulier, l’article 12, paragraphe 1, de la convention de Vienne dispose que le consentement d’un État à être lié par un traité s’exprime par la signature du représentant de cet État lorsque le traité prévoit que la signature aura cet effet ; lorsqu’il est par ailleurs établi que les États ayant participé à la négociation étaient convenus que la signature aurait cet effet ; lorsque l’intention de l’État de donner cet effet à la signature ressort des pleins pouvoirs de son représentant ou a
été exprimée au cours de la négociation.
293 En outre, l’article 12, paragraphe 2, de la convention de Vienne prévoit que, aux fins du paragraphe 1 du même article, le paraphe d’un texte vaut signature du traité lorsqu’il est établi que les États ayant participé à la négociation en étaient ainsi convenus et la signature ad referendum d’un traité par le représentant d’un État, si elle est confirmée par ce dernier, vaut signature définitive du traité.
294 En l’espèce, il résulte du point 6 de la résolution du 25 novembre 1994 et du compte rendu du 29 novembre 1994 que les participants à la réunion du 25 novembre 1994 étaient invités à signer ladite résolution.
295 Ainsi, dans la mesure où la signature d’un accord constitue, selon la convention de Vienne, l’une des modalités d’expression du consentement d’un État à être lié par cet accord, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit, au regard de l’article 12 de ladite convention, en interrogeant les États prétendument membres du requérant sur cette question et en sollicitant la production d’éventuels instruments de signature.
296 En second lieu, l’article 14, paragraphe 1, de la convention de Vienne dispose que le consentement d’un État à être lié par un traité s’exprime par la ratification lorsque le traité prévoit que ce consentement s’exprime par la ratification ; lorsqu’il est par ailleurs établi que les États ayant participé à la négociation étaient convenus que la ratification serait requise ; lorsque le représentant de cet État a signé le traité sous réserve de ratification ; lorsque l’intention de cet État de
signer le traité sous réserve de ratification ressort des pleins pouvoirs de son représentant ou a été exprimée au cours de la négociation.
297 En l’espèce, il ne ressort ni de la résolution du 25 novembre 1994 ni du compte rendu du 29 novembre 1994 que les participants à la réunion du 25 novembre 1994 aient prévu de procéder à une ratification de cette résolution.
298 Toutefois, une telle volonté de procéder par ratification aurait pu être exprimée par les représentants des États et des organisations internationales concernés au cours de la négociation ou lors de la signature, conformément aux hypothèses prévues à l’article 14, paragraphe 1, sous b) à d), de la convention de Vienne.
299 Par conséquent, le requérant n’est pas non plus fondé à reprocher à la Commission d’avoir interrogé les États qu’elle présumait être ses membres sur l’existence d’un instrument de ratification, afin d’établir l’existence d’un consentement de leur part à être liés par la résolution du 25 novembre 1994.
300 Par suite, il y a lieu de rejeter ce troisième argument comme étant non fondé.
iv) Sur l’incidence du bien-fondé des premier et deuxième arguments du présent grief sur la légalité de la décision attaquée
301 Il résulte des points 274 et 289 ci-dessus que la Commission a entaché la décision attaquée d’erreurs de droit en considérant que la résolution du 25 novembre 1994 ne constituait pas un accord international.
302 Cependant, ces erreurs de droit demeurent, à ce stade de l’examen de l’argumentation du requérant, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu’elles n’affectent pas la condition prévue par la réglementation financière de l’Union selon laquelle le requérant, pour pouvoir bénéficier de l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte prévu au bénéfice des organisations internationales, doit avoir été fondé par un accord international ayant eu pour
objet de l’instituer en qualité d’organisation internationale.
303 Dès lors, les illégalités constatées aux points 274 et 289 ci-dessus ne sont pas, à elles seules, de nature à emporter l’annulation de la décision attaquée.
2) Sur le second grief, tiré d’une erreur d’interprétation quant à l’intention des signataires de la résolution du 25 novembre 1994 d’octroyer au requérant le statut d’organisation internationale
304 Au soutien du présent grief, le requérant fait valoir, en substance, que la Commission a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit portant sur le contenu de la résolution du 25 novembre 1994, dès lors qu’elle a considéré que cet acte n’avait pas pour but d’instituer une organisation internationale, mais un mécanisme temporaire de financement conjoint.
305 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 31 de la convention de Vienne, qui exprime le droit coutumier international, un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes de ce traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (voir arrêt du 11 mars 2015, Oberto et O’Leary, C‑464/13 et C‑465/13, EU:C:2015:163, point 37 et jurisprudence citée).
306 En premier lieu, il convient de constater que la résolution du 25 novembre 1994 ne qualifie pas le requérant d’organisation internationale ni ne définit son statut juridique.
307 En deuxième lieu, il convient également de relever que la résolution du 25 novembre 1994 n’a même pas octroyé au requérant la personnalité juridique par le biais d’une clause lui conférant la capacité de conclure des accords ou d’ester en justice.
308 En troisième lieu, la résolution du 25 novembre 1994 n’a pas non plus prévu que le requérant pourrait bénéficier d’immunités pour l’exercice de ses activités, alors que, conformément à la jurisprudence citée aux points 209 et 210 ci-dessus, les organisations internationales bénéficient, en principe, pour l’exercice de leurs missions, d’immunités qui sont prévues par leurs traités constitutifs.
309 En quatrième lieu, il ressort des termes de la résolution du 25 novembre 1994 que ses signataires n’ont pas entendu, en fondant le requérant, instituer une organisation dotée de tous les moyens nécessaires à son fonctionnement et des meilleures garanties de stabilité, de continuité et d’efficacité pour l’exercice de ses missions, mais un mécanisme facultatif mis à la disposition des parties, que chacune d’entre elles pourrait utiliser à sa guise.
310 Premièrement, en effet, s’agissant de la stabilité et de la continuité des missions du requérant, le point 3 de la résolution du 25 novembre 1994 a prévu que le comité de gouvernance devait réévaluer tous les six mois la nécessité de maintenir l’activité du requérant, tandis que, aux termes de son point 5, les États parties à la résolution du 25 novembre 1994 devaient décider soit de l’intégrer dans le cadre global pour la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine, soit de mettre progressivement
fin à ses activités.
311 Deuxièmement, s’agissant de l’efficacité des missions du requérant, si le point 3 de la résolution du 25 novembre 1994 évoque le versement régulier de contributions à son bénéfice, de la part des États et des organisations internationales parties à cette résolution, cette dernière ne met pas à la charge desdits États et desdites organisations des contributions obligatoires en vue d’abonder le budget du requérant. Au contraire, la résolution prévoit expressément le caractère facultatif des
contributions, financières ou en nature, des membres du requérant.
312 Troisièmement, la résolution du 25 novembre 1994 n’a pas prévu de transfert de compétences obligatoires de la part des États et des organisations parties à ladite résolution au profit du requérant, ces États et ces organisations demeurant au contraire libres d’adhérer à celle-ci, d’en sortir unilatéralement et au moment qu’ils jugent opportun et de lui substituer d’autres canaux de communication.
313 En cinquième lieu, l’interprétation des termes et de la finalité de la résolution du 25 novembre 1994, dont il ressort que ses auteurs n’ont pas eu l’intention d’instituer une organisation internationale lorsqu’ils ont fondé le requérant, est corroborée par le contexte dans lequel cette résolution a été adoptée, tel qu’il ressort de plusieurs documents figurant au dossier.
314 Premièrement, il ressort du compte rendu du 29 novembre 1994 que, lors de la réunion du 25 novembre 1994 du groupe de travail chargé des questions humanitaires de la conférence sur l’ex-Yougoslavie, plusieurs États, notamment l’Allemagne, la Finlande, la Norvège et la Russie, ainsi que l’Office humanitaire de la Communauté européenne (ECHO), ont exprimé des réticences à l’égard d’une initiative qui aurait conduit à la mise en place d’un nouvel organisme institutionnalisé et ont insisté sur le
caractère temporaire de l’activité du requérant. En outre, aucun des participants à cette réunion n’a qualifié le requérant d’organisation internationale.
315 Deuxièmement, le requérant se prévaut d’un document intitulé en anglais « Terms of reference of IMG-IBH » (Cahier des charges d’IMG-IBH), dont le Tribunal comprend qu’il constitue une annexe de la résolution du 25 novembre 1994. En particulier, ce document énumère les missions du requérant qui consistaient, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine et dans les domaines de l’énergie, des services publics, de l’hébergement et du logement, à recueillir des informations, à évaluer les besoins
fondamentaux de la population, à déterminer les secteurs prioritaires exigeant une assistance internationale rapide, à identifier et élaborer des programmes ou des projets susceptibles d’être financés par la communauté internationale et à assister les États et les institutions internationales en vue du financement de programmes ou de projets.
316 Toutefois, le cahier des charges d’IMG-IBH ne se prononce pas sur le statut juridique du requérant ni ne lui confère la faculté de conclure des accords internationaux.
317 Troisièmement, l’attestation du 14 décembre 1994 rédigée par le coordonnateur de l’opération spéciale du HCR en ex-Yougoslavie, lequel avait présidé la réunion du 25 novembre 1994 au cours de laquelle la résolution du même jour avait été adoptée, se limite à faire état de la création formelle du requérant lors de cette réunion, sans préciser si cette initiative visait à doter le requérant d’une personnalité juridique et, le cas échéant, à lui conférer le statut d’organisation internationale.
318 Quatrièmement, il ressort de la convocation à la réunion du 25 novembre 1994 que cette réunion avait pour objet d’examiner la restructuration de l’entité à l’origine du requérant ainsi que son statut futur, et non de créer une organisation internationale.
319 Par conséquent, la Commission n’a pas entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en considérant que la résolution du 25 novembre 1994 n’avait eu ni pour objet ni pour effet de conférer au requérant le statut d’organisation internationale, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé et, par voie de conséquence, la deuxième branche du quatrième moyen dans son intégralité.
d) Sur la troisième branche, tirée d’erreurs de droit quant à la pratique ultérieure des signataires de la résolution du 25 novembre 1994 et la reconnaissance du statut d’organisation internationale par l’Union et certains États
320 La troisième branche du quatrième moyen est composée, en substance, de trois griefs, tirés, le premier, d’une erreur de droit en ce que la Commission a refusé de reconnaître au requérant son statut d’organisation internationale nonobstant la pratique ultérieure de ses membres, le deuxième, d’une erreur de droit en ce que la Commission n’a pas tenu compte de la reconnaissance du statut d’organisation internationale dont le requérant avait bénéficié de la part de l’Union et de certains États et,
le troisième, d’une erreur de droit en ce que la Commission s’est abstenue de prendre en compte le fait que ses membres ne l’avaient pas dissous et le fait qu’il satisfaisait au principe de spécialité.
1) Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit quant à la pratique ultérieure des signataires de la résolution du 25 novembre 1994
321 Au soutien de ce grief, le requérant fait valoir, en substance, que, à supposer même qu’il n’ait pas été institué en qualité d’organisation internationale par son acte constitutif, la Commission a commis une erreur de droit en refusant d’admettre qu’il avait progressivement acquis le statut d’organisation internationale permanente, compte tenu de la pratique ultérieure des signataires de la résolution du 25 novembre 1994 et, notamment, de ses membres. En effet, il indique que ses statuts
initiaux ont été modifiés en 2008 et en 2012 afin de le doter des moyens et des privilèges d’une organisation internationale, lesquels étaient appropriés à la poursuite de son action et à la conduite de ses activités.
322 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il ressortait des réponses des États consultés que la pratique ultérieure, faisant suite à l’adoption de la résolution du 25 novembre 1994, n’attestait pas une reconnaissance large et claire du statut d’organisation internationale du requérant de la part des États et des organisations internationales qui en seraient membres.
323 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 31, paragraphe 3, sous a) et b), de la convention de Vienne, il doit, notamment, être tenu compte, aux fins de l’interprétation d’un traité et en même temps que du contexte de celui-ci, de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions et de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application de ce traité par laquelle est établi l’accord des
parties à l’égard de l’interprétation du traité (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 120).
324 En particulier, il ressort de la jurisprudence que des instruments ne sauraient être considérés comme constitutifs d’un accord ultérieur ou d’une pratique ultérieure établissant l’accord des parties à l’égard de l’interprétation d’un traité, au sens de l’article 31, paragraphe 3, sous a) et b), de la convention de Vienne, si ces instruments ont été adoptés sans l’appui de tous les États parties audit traité [voir, en ce sens, arrêt de la Cour internationale de justice, Chasse à la baleine dans
l’Antarctique (Australie c. Japon ; Nouvelle-Zélande, intervenant), du 31 mars 2014, Recueil 2014, p. 226, point 83].
325 En outre, aux termes de l’article 32 de la convention de Vienne, il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation et, notamment, aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de l’article 31 de la même convention, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément audit article 31 laisse, notamment, le sens ambigu ou obscur, ou conduit à un résultat qui
est manifestement absurde ou déraisonnable.
326 En pareille hypothèse, conformément aux conclusions de la commission du droit international sur les accords et la pratique ultérieurs annexées à la résolution 73/202 de l’Assemblée générale du 20 décembre 2018 [texte adopté par la Commission du droit international à sa soixante-dixième session, en 2018, et soumis à l’Assemblée générale dans le cadre de son rapport sur les travaux de ladite session (A/73/10)], une pratique ultérieure est constituée par toute conduite d’une ou de plusieurs parties
dans l’application du traité, après la conclusion de celui-ci.
327 C’est au regard de ces dispositions et de ces principes qu’il incombe au Tribunal d’examiner si, au soutien du présent grief, le requérant est fondé à se prévaloir de la pratique ultérieurement suivie par ses membres, telle qu’elle ressort de ses statuts initiaux et de leurs modifications en 2008 et en 2012.
328 Il résulte de l’examen du second grief de la deuxième branche du quatrième moyen que, en ce qu’elles n’ont pas institué le requérant en qualité d’organisation internationale, les dispositions de la résolution du 25 novembre 1994 sont dénuées de tout caractère obscur ou ambigu et ne conduisent pas à une interprétation manifestement absurde ou déraisonnable, au sens de l’article 32 de la convention de Vienne.
329 Ainsi, la démonstration du fait que des accords ultérieurs ou une pratique ultérieure des signataires de la résolution du 25 novembre 1994 ont modifié l’interprétation des dispositions de cette résolution en vue de conférer au requérant le statut d’organisation internationale est subordonnée à la condition que l’ensemble des signataires de cette résolution ou, à tout le moins, l’ensemble des membres du requérant aient approuvé une telle modification, et ce conformément à la jurisprudence citée
au point 324 ci-dessus.
330 En l’espèce, il est vrai que, d’une part, les statuts initiaux du requérant lui ont conféré la personnalité juridique et ont prévu qu’une partie de son personnel bénéficierait du régime des immunités dont jouit le HCR et que, d’autre part, l’article 1er de ses statuts de 2012 l’a qualifié d’organisation internationale.
331 Toutefois, le requérant n’a pas établi que ses statuts initiaux et ses statuts de 2012 reflétaient la volonté de l’ensemble des signataires de la résolution du 25 novembre 1994 ou, à tout le moins, de ses membres, de lui conférer le statut d’organisation internationale, de sorte que la Commission aurait dû reconnaître ces instruments comme constituant des accords ultérieurs ou une pratique ultérieure au sens de l’article 31, paragraphe 3, sous a) et b), de la convention de Vienne.
332 Au contraire, en premier lieu, s’agissant des statuts initiaux, il ressort du compte rendu de la réunion du comité de gouvernance du 13 février 1995 à laquelle ont participé, sous l’égide du HCR, des représentants du Danemark, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, de la Finlande, de la Suède, du Royaume-Uni, de la Norvège et de la Communauté européenne, en vue d’élaborer ces statuts, que, à la suite d’une question de la Finlande, un agent du HCR a insisté sur le fait que le requérant avait
été créé pour assurer une mission temporaire, qu’il n’était pas prévu de créer une organisation internationale à part entière et que les statuts du requérant ne revêtiraient pas, à l’égard des États qui les approuveraient, le même caractère juridiquement contraignant que celui qui aurait résulté de la mise en œuvre d’une procédure de ratification, par tous les États concernés, de son acte constitutif.
333 En outre, il ressort d’une lettre des autorités finlandaises du 29 avril 2014 que, lors de la réunion du comité de gouvernance du 10 mars 1995, au cours de laquelle les statuts initiaux ont été approuvés à la majorité requise des deux tiers des membres dudit comité, le représentant de la Finlande n’a pas signé lesdits statuts en raison de doutes sur la nature juridique de ce document et que, en raison des assurances données par l’agent du HCR mentionné au point 332 ci-dessus, la Finlande a
finalement signé ces statuts lors de la réunion du comité de gouvernance du 19 juin 1995 en formulant une déclaration selon laquelle elle considérait que les statuts du requérant étaient de nature politique.
334 Ainsi, eu égard aux prises de position du HCR et de la Finlande lors de l’adoption des statuts initiaux du requérant, il ne ressort pas des circonstances dans lesquelles lesdits statuts ont été adoptés qu’ils reflètent la volonté de l’ensemble des signataires de la résolution du 25 novembre 1994, ni des membres du requérant, de lui conférer le statut d’organisation internationale.
335 En deuxième lieu, s’agissant des statuts du requérant adoptés en 2012, ce dernier a soutenu, lors de l’audience, qu’ils avaient été signés par la France, l’Italie, la Finlande, la Suède et la Norvège.
336 Or, premièrement, il convient de relever que, même en tenant pour acquises les allégations du requérant, il en résulterait que les statuts de 2012 n’auraient pas été adoptés avec l’appui de l’ensemble des signataires de la résolution du 25 novembre 1994.
337 Deuxièmement, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que, lors de l’adoption des statuts du requérant en 2012, celui-ci ait eu pour seuls membres la France, l’Italie, la Finlande, la Suède et la Norvège, de sorte que ces statuts devraient être considérés comme reflétant l’accord unanime des membres du requérant à cette date en vue de lui reconnaître la qualité d’organisation internationale.
338 Troisièmement, à supposer même que, lors de l’adoption des statuts de 2012, le requérant ait eu pour seuls membres les cinq États mentionnés au point 335 ci-dessus, il ressort des prises de position de ces États, en réponse à l’enquête de l’OLAF et à la procédure de consultation engagée par la Commission en vue de l’adoption de la décision attaquée, qu’elles contredisent la clause des statuts de 2012 reconnaissant au requérant la qualité d’organisation internationale.
339 En effet, d’une part, il résulte de la lettre adressée le 23 juin 2014 par les autorités suédoises à l’OLAF ainsi que de la réponse de ces autorités à la Commission du 2 juillet 2020 que la Suède considère que le requérant n’est pas une organisation internationale, et ce alors même qu’il est constant que l’ambassadeur de Suède à Belgrade a signé les statuts de 2012 du requérant, en qualité de président de son comité de gouvernance, devenu comité permanent.
340 D’autre part, il ressort des réponses apportées, dans le cadre de l’enquête de l’OLAF, par la France, l’Italie, la Finlande et la Norvège, ainsi que de leurs réponses à la Commission datées, respectivement, du 22 juillet, du 13 mars, du 14 janvier 2020 et du 20 décembre 2019, que ces États considèrent que le requérant n’est pas une organisation internationale.
341 Ainsi, eu égard aux prises de position de la France, de l’Italie, de la Finlande, de la Suède et de la Norvège, il ne ressort pas du dossier que la clause des statuts de 2012, aux termes de laquelle le requérant est une organisation internationale, reflète la volonté claire et sans équivoque de ces États de lui conférer un tel statut.
342 En troisième lieu, il convient de relever que, à supposer même que les statuts initiaux du requérant et ses statuts de 2012 aient été adoptés avec l’appui de l’ensemble des signataires de la résolution du 25 novembre 1994 ou, à tout le moins, de ses membres, il ressort de l’évolution desdits statuts que, si, à l’occasion de l’adoption des nouveaux statuts en 2008 et en 2012, lesdits membres du requérant ont entendu lui assurer une certaine stabilité et garantir la continuité de son action, ils
n’ont pas, pour autant, modifié sa nature de mécanisme facultatif de financement conjoint, que chacun d’eux pouvait utiliser à sa guise.
343 En particulier, lors de l’adoption des statuts de 2008 et de 2012, les membres du requérant n’ont pas modifié le mode de financement de ce dernier, fondé sur des contributions facultatives, ni ne lui ont confié de compétences obligatoires, de sorte qu’ils demeurent libres d’en sortir unilatéralement au moment qu’ils jugent opportun et de lui substituer d’autres canaux de communication.
344 Dans ce contexte, il y a lieu de constater que le sens des clauses des statuts initiaux, relatives aux immunités et à la personnalité juridique du requérant, et de la clause des statuts de 2012, aux termes de laquelle ce dernier est une organisation internationale, demeure ambigu au sens de l’article 32 de la convention de Vienne.
345 En outre, il ressort des réponses des États consultés par la Commission que, parmi les membres du requérant, seule l’Autriche considère que ce dernier peut être reconnu comme une organisation internationale.
346 Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, dans la décision attaquée, que la pratique ultérieure faisant suite à l’adoption de la résolution du 25 novembre 1994, puis à l’adoption des statuts initiaux et des statuts de 2012 n’attestait pas une reconnaissance suffisamment large et claire de la qualité d’organisation internationale du requérant, tant de la part des signataires de cette résolution que des membres du requérant.
347 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.
2) Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs de droit en ce que la Commission n’a pas tenu compte de la reconnaissance du statut d’organisation internationale dont le requérant a bénéficié de la part de l’Union et de certains États
348 Le présent grief est composé de deux arguments tirés, le premier, d’une violation des articles 27 et 46 de la convention de Vienne et, le second, d’une erreur de droit en ce que la Commission n’a pas tenu compte des accords de siège conclus par le requérant.
i) Sur le premier argument, tiré de ce que la Commission a violé les articles 27 et 46 de la convention de Vienne en ne reconnaissant plus le statut d’organisation internationale du requérant
349 Au soutien du premier argument, le requérant fait valoir que la conclusion de conventions entre lui et la Commission en gestion conjointe ou indirecte emportait nécessairement pour cette institution l’obligation de reconnaître son statut d’organisation internationale en application des articles 27 et 46 de la convention de Vienne.
350 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, conformément à son article 1er et à son article 2, paragraphe 1, sous a), la convention de Vienne régit les accords internationaux conclus par écrit entre États et régis par le droit international. Ainsi, selon l’article 3 de cette convention, celle-ci ne s’applique pas aux accords internationaux conclus entre des États et d’autres sujets du droit international, tels que l’Union.
351 Par conséquent, le requérant ne saurait utilement reprocher à la Commission, à l’appui du présent argument, d’avoir violé les articles 27 et 46 de la convention de Vienne, dont les dispositions ne sont pas directement applicables à l’Union.
352 En second lieu, à supposer que le requérant ait entendu invoquer les principes du droit international public figurant aux articles 27 et 46 de la convention de Vienne, en particulier à l’article 27, paragraphes 2 et 3, et à l’article 46, paragraphes 2 et 3, de la convention de Vienne, du 21 mars 1986, sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales (Documents officiels de la Conférence des Nations unies sur le droit des traités entre
États et organisations internationales ou entre organisations internationales, vol. II, p. 91), il découle de ces principes, d’une part, qu’une organisation internationale partie à un traité ne peut invoquer les règles de l’organisation comme justifiant la non-exécution du traité et, d’autre part, que le fait que le consentement d’une organisation internationale à être liée par un traité a été exprimé en violation des règles de l’organisation concernant la compétence pour conclure des traités ne
peut être invoqué par cette organisation comme viciant son consentement, à moins que cette violation n’ait été manifeste et ne concerne une règle d’importance fondamentale.
353 Or, premièrement, dès lors que la résolution du 25 novembre 1994 n’obligeait pas ses signataires à adhérer au requérant ni ne qualifiait ce dernier d’organisation internationale, il ne saurait être reproché à la Commission, par l’adoption de la décision attaquée, de ne pas avoir exécuté ladite résolution, à supposer même qu’elle l’ait dûment approuvée ou signée.
354 En outre, il résulte de l’examen du premier grief de la présente branche que le requérant n’est pas fondé à se prévaloir du statut d’organisation internationale en vertu de la pratique ultérieure faisant suite à la résolution du 25 novembre 1994 ou à l’adoption de ses statuts.
355 En tout état de cause, il résulte du point 253 ci-dessus que, la Commission n’ayant plus siégé au comité de gouvernance du requérant à compter du 20 mai 2003, l’Union n’en était plus membre pendant la période d’effet de la décision attaquée.
356 Ainsi, quand bien même la Commission aurait régulièrement adhéré au requérant en 1994 ou ultérieurement, elle était, à la date d’effet de la décision attaquée, déliée de toute obligation de lui reconnaître le statut d’organisation internationale qui aurait découlé d’une éventuelle pratique ultérieure faisant suite à la résolution du 25 novembre 1994 ou à l’adoption de ses statuts.
357 Deuxièmement, il ne ressort pas de la motivation de la décision attaquée que, même si la Commission conteste avoir régulièrement adhéré à la résolution du 25 novembre 1994, elle ait adopté ladite décision au motif que son consentement à être liée par cette résolution aurait été exprimé en violation des règles de l’Union concernant la compétence pour conclure des traités internationaux.
358 En particulier, il ne ressort pas de la motivation de la décision attaquée qu’elle soit fondée sur les principes énoncés à l’article 46 de la convention de Vienne et à l’article 46, paragraphes 2 et 3, de la convention de Vienne, du 21 mars 1986, sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales.
359 Par conséquent, le présent argument doit être rejeté.
ii) Sur le second argument, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission n’a pas tenu compte des accords de siège conclus par le requérant
360 Au soutien du second argument, le requérant fait valoir que la Commission a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en refusant de prendre en compte les réponses de la Belgique et de l’Autriche en ce que ces États se réfèrent aux accords de siège qu’il avait conclus, dès lors que de tels accords expriment la reconnaissance de son statut d’organisation internationale par les États signataires de ces accords, qu’ils soient membres ou non de cette organisation. Ainsi, il se prévaut de la
signature d’accords de siège avec la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, le Myanmar/la Birmanie et la Serbie.
361 À cet égard, il est vrai que, dans sa réponse à la Commission du 8 avril 2020, l’Autriche a indiqué que la pratique ultérieure faisant suite à l’adoption de la résolution du 25 novembre 1994 et des statuts du requérant, en particulier la conclusion d’accords de sièges, semblait montrer que ce dernier avait obtenu la personnalité juridique internationale dans la mesure nécessaire à l’exercice de ses missions. En outre, dans sa réponse à la Commission du 30 juin 2020, la Belgique a mentionné
l’accord de siège qu’elle avait conclu avec le requérant.
362 Néanmoins, il ressort de la motivation de la décision attaquée que la Commission a considéré que la reconnaissance du statut d’organisation internationale en faveur du requérant par des États qui ne sont pas membres de cette entité ne suffisait pas à établir qu’il répondait aux critères de définition des organisations internationales fixés par le droit international, notamment par les principes figurant dans le projet d’articles.
363 À cet égard, il résulte des points 204 à 212 et 323 à 325 ci-dessus que la reconnaissance du statut d’organisation internationale résulte du concours de volontés des États et, le cas échéant, des organisations internationales qui sont parties à l’accord constitutif de l’organisation concernée, cette intention devant clairement ressortir dudit accord constitutif ou des accords ultérieurs ou encore de la pratique ultérieure audit accord constitutif, sous réserve que ces accords ultérieurs et cette
pratique ultérieure expriment une telle reconnaissance de toutes les parties à l’accord constitutif.
364 Ainsi, le fait que des États qui n’ont pas adhéré à l’accord constitutif d’une organisation et qui n’en sont pas, ou plus, membres la considèrent comme une organisation internationale ne saurait emporter aucune obligation, pour la Commission, de reconnaître à cette organisation le statut d’organisation internationale, en vue, notamment, de l’autoriser à exécuter le budget de l’Union en gestion indirecte.
365 Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en ne tenant pas compte, pour l’adoption de la décision attaquée, des accords de siège conclus par le requérant avec les États mentionnés au point 360 ci-dessus, de sorte que le présent argument doit être rejeté comme étant non fondé.
3) Sur le troisième grief, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission s’est abstenue de prendre en compte le fait que ses membres ne l’avaient pas dissous et le fait qu’il satisfaisait au principe de spécialité
366 Au soutien du troisième grief, le requérant fait valoir que la Commission a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit, faute d’avoir tenu compte, d’une part, du fait que les États qui l’avaient institué n’avaient jamais procédé à sa dissolution, en dépit de son caractère provisoire, à l’origine, et, d’autre part, du fait qu’il satisfaisait au principe de spécialité.
367 À cet égard, il est vrai que les signataires de la résolution du 25 novembre 1994 qui ont adhéré au requérant ont entendu, lors de l’adoption des statuts de 2008 et de 2012, lui assurer une certaine stabilité et lui confier des tâches spécialisées dans les domaines de la reconstruction et du développement, au-delà du territoire de la Bosnie-Herzégovine.
368 Il résulte cependant de l’examen du second grief de la deuxième branche du présent moyen et du premier grief de la présente branche que ni les signataires de la résolution du 25 novembre 1994 ni les membres du requérant n’ont manifesté une intention unanime ou, à tout le moins, majoritaire, de lui conférer le statut d’organisation internationale.
369 Or, le fait que les membres du requérant ne l’ont pas dissous et le fait qu’il satisferait au principe de spécialité ne sont pas suffisants pour établir une telle intention et sont donc sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
370 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent grief ainsi que, par voie de conséquence, la troisième branche et le quatrième moyen dans son ensemble.
5. Sur les deuxième et troisième branches du deuxième moyen, tirées de la violation, respectivement, de l’obligation de diligence et de l’obligation d’impartialité
a) Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’obligation de diligence
371 Au soutien de la deuxième branche du deuxième moyen, le requérant invoque, en substance, sept griefs, tirés, le premier, d’erreurs commises par la Commission quant à l’identification des États devant être interrogés sur son statut juridique, le deuxième, d’erreurs commises par la Commission quant à la portée de l’accord de siège qu’il a conclu avec les autorités belges, le troisième, d’erreurs commises par la Commission quant à la définition de la notion d’« organisation internationale », le
quatrième, d’erreurs commises par la Commission en raison de l’absence de prise en compte, par cette dernière, des documents dont elle disposait déjà, le cinquième, d’erreurs commises par la Commission en raison du caractère incomplet du questionnaire adressé par cette dernière aux États qui étaient prétendument ses membres, le sixième, d’erreurs commises par la Commission en raison de l’inutilité de la demande de cette dernière tendant à ce que les États interrogés produisent son accord
constitutif dûment signé et, le septième, d’erreurs commises par la Commission en raison de l’absence d’une seconde consultation des États interrogés par cette dernière après la réception de ses observations en date des 5 et 30 mars 2021.
372 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’obligation de diligence, qui est inhérente au principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte et qui s’applique, de manière générale, à l’action de l’administration de l’Union dans ses relations avec le public, impose aux institutions de l’Union d’agir avec soin et prudence en examinant tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P,
EU:C:2022:722, point 168 et jurisprudence citée).
373 Ainsi, eu égard au contenu de l’obligation de diligence, le moyen tiré de la violation de cette obligation coïncide fréquemment avec celui tiré de l’erreur manifeste d’appréciation (arrêt du 16 juin 2022, SGL Carbon e.a./Commission, C‑65/21 P et C‑73/21 P à C‑75/21 P, EU:C:2022:470, point 32).
374 En effet, l’obligation de diligence pèse sur les institutions de l’Union dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation. Ainsi, lorsqu’une partie invoque l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise l’institution compétente, le juge de l’Union doit contrôler si cette institution a examiné, avec soin et prudence, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2022, SGL Carbon e.a./Commission, C‑65/21 P et C‑73/21 P à C‑75/21 P, EU:C:2022:470, points 30
et 31 et jurisprudence citée).
375 En l’espèce, il y a lieu de constater que, dans le cadre du quatrième moyen, le requérant a reproché à la Commission d’avoir commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation et que cette argumentation coïncide avec celle développée au soutien de la présente branche.
376 Or, dès lors qu’il résulte du point 370 ci-dessus que le quatrième moyen, tiré, notamment, de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation, doit être rejeté comme étant non fondé, le requérant n’est pas, par voie de conséquence, fondé à reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné sa situation avec soin et prudence et d’avoir ainsi violé l’obligation de diligence à l’occasion de l’adoption de la décision attaquée.
377 En tout état de cause, s’agissant du premier grief, tiré de ce que la Commission, d’une part, a interrogé à tort la Turquie sur le statut juridique du requérant et, d’autre part, n’a pas interrogé la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, le Myanmar/la Birmanie et la Serbie, il y a lieu de rappeler que, après le prononcé de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), le requérant a refusé de communiquer à la Commission
l’identité de ses membres.
378 Dans ce contexte, la Commission ne saurait être considérée comme ayant manqué à son obligation de diligence, en interrogeant les États dont le requérant avait indiqué, sur son propre site Internet, le 26 novembre 2019, qu’ils étaient ses membres, et parmi lesquels figurait la Turquie.
379 S’agissant de la Bosnie-Herzégovine, de la Macédoine du Nord, du Myanmar/de la Birmanie et de la Serbie, dont il n’est pas contesté qu’ils ne sont pas membres du requérant, il résulte de l’examen du second argument du deuxième grief de la troisième branche du quatrième moyen que les éventuelles prises de position de ces États sur la question de savoir si le requérant était une organisation internationale sont sans pertinence pour l’adoption de la décision attaquée.
380 S’agissant du deuxième grief, tiré d’une erreur de la Commission quant à la portée de l’accord de siège conclu entre les autorités belges et le requérant, il résulte également de l’examen du second argument du deuxième grief de la troisième branche du quatrième moyen que la portée de cet accord est sans pertinence pour l’adoption de la décision attaquée, dès lors que la Belgique n’était plus membre du requérant à la date d’effet de la décision attaquée, ainsi que cela ressort de l’examen du
second argument du deuxième grief de la première branche du quatrième moyen.
381 S’agissant du troisième grief, tiré d’une erreur de la Commission quant à la définition de la notion d’« organisation internationale », laquelle différerait de celle prévue dans les lignes directrices, il résulte de l’examen du quatrième moyen que la Commission n’a pas entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en se fondant sur la définition de ladite notion telle qu’elle résulte, notamment, de la convention de Vienne et du projet d’articles.
382 En outre, il ne ressort pas des lignes directrices que la définition de la notion d’« organisation internationale » qui figure dans ce document soit différente de celle sur laquelle la Commission s’est fondée pour adopter la décision attaquée.
383 S’agissant du quatrième grief, tiré de l’absence de prise en compte, par la Commission, des documents dont elle disposait déjà, il résulte de l’examen du quatrième moyen que les divers documents produits par le requérant et qui, pour la plupart, sont annexés au rapport d’enquête de l’OLAF ne démontrent pas l’intention unanime ou majoritaire des signataires de la résolution du 25 novembre 1994, ou, à tout le moins, de ses membres de lui conférer le statut d’organisation internationale.
384 S’agissant du cinquième grief, tiré du caractère incomplet du questionnaire adressé par la Commission aux États prétendument membres du requérant, il ressort dudit questionnaire que la Commission n’a pas seulement demandé aux États concernés s’ils étaient ou avaient été membres du requérant et s’ils avaient signé un accord international ou intergouvernemental l’instituant en qualité d’organisation internationale, mais également s’ils considéraient qu’il remplissait les conditions pour être
qualifié d’organisation internationale au sens de la réglementation financière de l’Union, de sorte que, au regard de la définition de la notion d’« organisation internationale », rappelée aux points 197 à 212 ci-dessus, ce grief doit être rejeté comme étant non fondé.
385 S’agissant du sixième grief, tiré de l’inutilité de la demande de la Commission tendant à ce que les États interrogés produisent l’accord constitutif du requérant dûment signé, il doit également être rejeté comme étant non fondé, ainsi qu’il résulte de l’examen du troisième argument du premier grief de la deuxième branche du quatrième moyen.
386 S’agissant du septième grief, tiré de l’absence d’une seconde consultation des États interrogés par la Commission après la réception des observations du requérant en date des 5 et 30 mars 2021, il résulte de l’examen du quatrième moyen que ces observations, réitérées dans la requête, n’étaient pas de nature à infirmer la conclusion de la Commission selon laquelle le requérant ne constituait pas une organisation internationale.
387 Par conséquent, la Commission n’a pas violé l’obligation de diligence, en s’abstenant de consulter une seconde fois les États qu’elle avait interrogés, après la réception des observations du requérant, de sorte que ce grief n’est pas fondé.
388 Dès lors, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du troisième moyen comme étant non fondée.
b) Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation d’impartialité
389 Au soutien de la troisième branche, le requérant fait valoir, en substance, quatre griefs, tirés de ce que la Commission a méconnu l’obligation d’impartialité, prise dans sa dimension objective, premièrement, en adressant aux États qu’elle avait choisi d’interroger des questions qui n’étaient pas pertinentes, utiles ou conformes au droit ou aux éléments du dossier, deuxièmement, en donnant à l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P,
EU:C:2019:78), une portée qu’il n’avait manifestement pas et en prétendant qu’elle se trouvait dans l’obligation de procéder à une réévaluation du statut juridique du requérant, de manière à orienter les réponses desdits États, troisièmement, en tenant à l’égard du requérant des propos inexacts et, quatrièmement, en exerçant des pressions sur les mêmes États en vue d’obtenir des réponses rédigées de manière à mieux soutenir sa position.
390 À cet égard, il convient de rappeler qu’il incombe aux institutions de se conformer à l’exigence d’impartialité dans ses deux composantes que sont, d’une part, l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé [voir
ordonnance du 24 mai 2022, Puigdemont i Casamajó e.a./Parlement et Espagne, C‑629/21 P(R), EU:C:2022:413, point 199 et jurisprudence citée].
391 En particulier, lorsqu’une partie requérante invoque une violation de l’impartialité objective, il résulte de la jurisprudence que, afin de démontrer que l’organisation d’une procédure administrative n’offre pas de garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé, il n’est pas requis d’établir l’existence d’un manque d’impartialité, mais il suffit qu’un doute légitime à cet égard existe et ne puisse pas être dissipé (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2019,
August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, point 37).
392 En premier lieu, s’agissant du premier grief, tiré de ce que la Commission a adressé aux États interrogés des questions inutiles, dépourvues de pertinence et non conformes au droit ou aux éléments du dossier, il ne ressort pas du dossier que, eu égard à la définition de la notion d’« organisation internationale » rappelée aux points 197 à 212 ci-dessus, les questions adressées par la Commission aux États qu’elle avait choisi d’interroger et relatives à une éventuelle signature ou ratification de
l’accord constitutif du requérant ainsi qu’à l’existence de pleins pouvoirs éventuellement accordés aux signataires dudit accord aient été inutiles, dépourvues de pertinence ou non conformes au droit ou aux éléments du dossier.
393 En outre, s’agissant des autres modes d’expression du consentement des États à être liés par la résolution du 25 novembre 1994, il est vrai que les lettres adressées aux États interrogés par la Commission ne mentionnent pas d’autres modes que la signature et la ratification de cet instrument.
394 Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à démontrer que la procédure de consultation, engagée par la Commission auprès des États dont elle pensait qu’ils étaient ou avaient été membres du requérant n’offrait pas de garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé ou comportement partial de sa part.
395 En effet, dans les courriers adressés auxdits États, la Commission a posé une question générale afin de savoir s’ils considéraient être membres du requérant. Ainsi, il était loisible aux États interrogés, à défaut de signature ou de ratification de l’accord constitutif du requérant, d’indiquer s’ils avaient consenti d’une autre manière à cet accord.
396 Par ailleurs, il résulte de la définition de la notion d’« organisation internationale », rappelée aux points 197 à 212 ci-dessus, et de l’examen du second argument du deuxième grief de la troisième branche du quatrième moyen que le requérant n’est pas fondé à reprocher à la Commission de ne pas avoir demandé aux États qu’elle avait interrogés s’ils le considéraient, traitaient ou qualifiaient d’organisation internationale indépendamment de leur statut de membre de cette organisation.
397 Par conséquent, il convient de rejeter le premier grief de la troisième branche du deuxième moyen comme étant non fondé.
398 En deuxième lieu, il convient de rejeter comme étant non fondé le deuxième grief, tiré de ce que la Commission aurait conféré à l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), une portée qu’il n’a pas, par voie de conséquence du rejet de la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 266 TFUE et de la violation de l’autorité de la chose jugée attachée audit arrêt, ainsi que du second grief de la deuxième
branche du même moyen, tiré de la violation du principe de non-rétroactivité des actes de l’Union.
399 En effet, il ressort des points 105, 120 et 149 ci-dessus que la Commission n’a pas commis d’erreur d’interprétation de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), lorsqu’elle a considéré que l’exécution correcte de cet arrêt emportait pour elle l’obligation de procéder à une réévaluation rétroactive du statut juridique du requérant.
400 En troisième lieu, au soutien du troisième grief, tiré de ce que la Commission aurait entaché de plusieurs inexactitudes ses correspondances avec les États qu’elle a interrogés, premièrement, le requérant reproche à la Commission d’avoir indiqué, tant dans les lettres du 26 novembre 2019 adressées auxdits États que dans les lettres de rappel du 11 mars 2020, qu’elle se trouvait dans l’obligation de procéder à une évaluation de son statut en application de l’article 266 TFUE.
401 Or, compte tenu du rejet du premier grief de la première branche du premier moyen, tiré de la violation de l’article 266 TFUE, le requérant n’est pas davantage fondé à soutenir que cette indication est erronée.
402 Deuxièmement, le requérant reproche à la Commission d’avoir indiqué, dans les lettres du 26 novembre 2019, qu’il avait refusé de lui fournir son accord constitutif.
403 En effet, par une lettre du 6 mai 2019, la Commission avait demandé au requérant de lui adresser, notamment, « une copie certifiée conforme de l’accord international (signé) portant création d’IMG en tant qu’organisation internationale » ainsi que « tout document, qui ne serait pas encore en [sa] possession [...], confirmant le statut d’IMG en tant qu’organisation internationale, et l’identité [de ses] membres actuels ou passés ».
404 Or, dans sa réponse du 25 juin 2019, le requérant a contesté le principe même de la demande de la Commission, au motif que sa reconnaissance antérieure comme organisation internationale, notamment par l’Union, ne pouvait être remise en cause en application des règles du droit international public. Il n’a donc pas donné suite à ladite demande.
405 Par ailleurs, le requérant n’a pas répondu à la lettre de relance de la Commission du 18 juillet 2019.
406 Par conséquent, l’indication selon laquelle le requérant a refusé de fournir à la Commission l’accord par lequel il avait été créé n’est pas inexacte.
407 En outre, si le requérant soutient que ce refus de coopération était justifié par le fait que la Commission disposait déjà de ses documents constitutifs, une telle justification n’apparaît pas dans sa réponse du 25 juin 2019.
408 Par conséquent, il était loisible à la Commission d’indiquer aux États, qu’elle avait choisi d’interroger, que le requérant avait refusé de lui fournir son accord constitutif, sans que cela soit de nature à démontrer que cette procédure de consultation n’offrait pas de garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé ou comportement partial de sa part.
409 Troisièmement, le requérant reproche à la Commission d’avoir précisé, notamment dans des échanges électroniques avec les autorités turques et italiennes, que, par son ordonnance du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T‑645/19, non publiée, EU:T:2020:388), le Tribunal avait déclaré qu’elle procédait à une exécution correcte de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78).
410 À cet égard, au point 69 de l’ordonnance du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T‑645/19, non publiée, EU:T:2020:388), le Tribunal a jugé, en substance, que l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), ne saurait être interprété en ce sens que la Commission, pour l’exécuter, ne pourrait procéder à un nouvel examen du statut d’organisation internationale du requérant, après avoir recueilli les informations qu’elle estime
nécessaires, mais, bien au contraire, en ce sens que le recours à un nouvel examen peut être considéré comme étant la conséquence nécessaire de cet arrêt.
411 En outre, par l’arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722), la Cour a rejeté le pourvoi introduit par le requérant contre l’ordonnance du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T‑645/19, non publiée, EU:T:2020:388).
412 Par conséquent, la mention, qui figure dans divers courriels de relance de la Commission, selon laquelle le Tribunal a jugé que la Commission procédait à une exécution correcte de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), n’apparaît pas inexacte, de sorte que ce troisième grief doit être rejeté comme étant non fondé.
413 En quatrième lieu, au soutien du quatrième grief, tiré de ce que la Commission a exercé des pressions sur certains des États interrogés en vue d’obtenir des réponses rédigées de manière à mieux soutenir sa conclusion, le requérant se prévaut des échanges entre la Commission et les autorités danoises des 5 et 12 juin 2020, par lesquels la Commission a demandé auxdites autorités de confirmer si le Danemark avait signé un accord international instituant le requérant en qualité d’organisation
internationale, dans la mesure où la Commission craignait que la première réponse desdites autorités ne soit jugée insuffisamment conclusive par le Tribunal ou la Cour en cas de recours contentieux.
414 À cet égard, il ressort de la lettre du représentant permanent du Danemark auprès de l’Union du 4 juin 2020 que, à la question de savoir si cet État avait signé un accord international instituant le requérant en qualité d’organisation internationale, les autorités danoises ont d’abord répondu qu’elles n’avaient pas été capables de retrouver un document signé à cet effet. Puis, à la suite des échanges électroniques entre la Commission et ces autorités des 5 et 12 juin 2020, mentionnés au
point 413 ci-dessus, la représentation permanente du Danemark auprès de l’Union a renvoyé, le 18 juin 2020, une nouvelle lettre modifiée dans le sens demandé par la Commission.
415 Or, les circonstances décrites au point 414 ci-dessus témoignent du souci de la Commission d’obtenir une réponse claire des autorités danoises à la question de savoir si le Danemark avait signé un accord international instituant le requérant en qualité d’organisation internationale. En conséquence, elles ne permettent pas de nourrir un doute légitime quant à l’existence d’un éventuel préjugé de la part de la Commission sur la solution à apporter s’agissant du statut du requérant.
416 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième grief de la troisième branche du deuxième moyen comme étant non fondé, ainsi que, par suite, la troisième branche dans son ensemble et le deuxième moyen dans son intégralité.
417 Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée doivent être rejetées.
C. Sur les conclusions indemnitaires
418 Au soutien des conclusions indemnitaires, le requérant présente deux chefs de préjudice qui constituent deux branches distinctes. Dans le cadre de la première branche, il sollicite une indemnisation à hauteur de 20000 euros en raison du délai déraisonnable caractérisant la procédure d’adoption de la décision attaquée. Dans le cadre de la seconde branche, il sollicite une indemnisation à hauteur de 23651903 euros en réparation des préjudices d’ordre financier et moral qu’il impute aux illégalités
entachant la décision attaquée, laquelle s’est substituée aux décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015.
419 La Commission conteste le bien-fondé des arguments du requérant.
1. Sur les conditions d’engagement de la responsabilité des institutions de l’Union
420 À titre liminaire, premièrement, il y a lieu de rappeler, que, selon une jurisprudence constante, pour que la responsabilité non contractuelle de l’Union soit susceptible d’être engagée dans un cas donné, il est nécessaire, entre autres conditions, que la personne qui demande la réparation du ou des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait d’un comportement ou d’un acte de l’Union établisse l’existence d’une violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux
particuliers (voir arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722, point 145 et jurisprudence citée).
421 En outre, cette violation doit être suffisamment caractérisée, exigence qui dépend elle-même du pouvoir d’appréciation dont dispose l’institution qui aurait violé cette règle et de la question de savoir si celle-ci a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposent à ce pouvoir, eu égard, notamment, au degré de clarté et de précision de ladite règle, aux difficultés d’interprétation ou d’application qui peuvent en découler ainsi qu’à la complexité de la situation à régler (voir
arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722, point 146 et jurisprudence citée).
422 Deuxièmement, tout préjudice dont il est demandé réparation dans le cadre d’un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, doit être réel et certain. En toute circonstance, il incombe à la partie mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union d’apporter des preuves concluantes tant, notamment, de l’existence que de l’étendue du préjudice qu’elle invoque (voir arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe
et Guardian Europe/Union européenne, C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 135 et jurisprudence citée).
423 Ainsi, l’existence d’un préjudice réel et certain ne saurait être envisagée de manière abstraite par le juge de l’Union, mais doit être appréciée en fonction des circonstances de fait précises qui caractérisent chaque espèce soumise à ce dernier (voir arrêt du 18 novembre 2021, Mahmoudian/Conseil, C‑681/19 P, non publié, EU:C:2021:933, point 32 et jurisprudence citée).
424 Troisièmement, la condition relative à l’existence d’un lien de causalité porte sur l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement de l’institution concernée et le dommage, lien dont il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve, de telle sorte que le comportement reproché doit être la cause déterminante du préjudice (voir arrêt du 27 avril 2023, Fondazione Cassa di Risparmio di Pesaro e.a./Commission, C‑549/21 P, non publié, EU:C:2023:340, point 114
et jurisprudence citée).
425 En effet, il incombe à la partie mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union d’apporter des preuves concluantes de l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement de l’institution en question et le dommage allégué (voir arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 62 et jurisprudence citée).
426 Néanmoins, selon un principe général commun aux systèmes juridiques des États membres, également appliqué par les juridictions de l’Union, la personne lésée, au risque de devoir supporter elle-même le dommage, doit faire preuve d’une diligence raisonnable pour limiter la portée du préjudice (voir ordonnance du 12 mai 2010, Pigasos Alieftiki Naftiki Etaireia/Conseil et Commission, C‑451/09 P, non publiée, EU:C:2010:268, point 39 et jurisprudence citée).
427 En effet, le lien de causalité peut être rompu par un comportement négligent de la personne lésée, dès lors que ce comportement s’avère constituer la cause déterminante du préjudice (arrêt du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 61).
428 C’est au regard de ces principes qu’il incombe au Tribunal d’examiner les conclusions indemnitaires présentées par le requérant.
2. Sur la première branche, tendant à la réparation du préjudice résultant de la violation d’un délai raisonnable
429 Au soutien de la première branche, le requérant fait valoir que, à la suite du prononcé de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), il a fallu plus de deux ans pour que la Commission adopte la décision attaquée et que ce délai revêt un caractère déraisonnable, de sorte qu’il emporte pour la Commission une obligation de réparation à hauteur de 20000 euros.
430 À cet égard, il doit être rappelé que pèse sur les institutions de l’Union l’obligation d’exercer leurs compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, en particulier le principe de bonne administration, qui est désormais expressément consacré à l’article 41 de la Charte, dont le paragraphe 1 dispose que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées par les institutions de l’Union, notamment dans un délai raisonnable (voir arrêt du 12 mai 2022,
Klein/Commission, C‑430/20 P, EU:C:2022:377, point 87 et jurisprudence citée).
431 Ainsi, il incombe à l’autorité administrative concernée de prendre position, lorsqu’elle est supposée le faire, et de clore une procédure ouverte dans un délai raisonnable (arrêt du 12 mai 2022, Klein/Commission, C‑430/20 P, EU:C:2022:377, point 89).
432 En outre, le caractère raisonnable de la durée de la procédure ne saurait être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de façon abstraite. Il doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et des différentes étapes procédurales que l’institution de l’Union a suivies, ainsi que du comportement des parties au cours de la procédure. À cet égard, la liste des critères
pertinents n’est pas exhaustive et l’appréciation du caractère raisonnable dudit délai n’exige pas un examen systématique, par le juge de l’Union, des circonstances de la cause au regard de chacun de ces critères (voir arrêt du 12 mai 2022, Klein/Commission, C‑430/20 P, EU:C:2022:377, point 86 et jurisprudence citée).
433 En l’espèce, il convient, en premier lieu, de déterminer si le délai pris par la Commission pour adopter la décision attaquée caractérise un dépassement d’un délai raisonnable, de sorte que la Commission aurait violé les exigences rappelées aux points 430 et 431 ci-dessus.
434 Premièrement, il y a lieu de relever que le délai de trois mois écoulé entre le prononcé de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), et la lettre du 6 mai 2019 par laquelle la Commission a invité le requérant à produire certains documents ne saurait être considéré comme étant déraisonnable eu égard à la complexité juridique de l’affaire et de cet arrêt.
435 À cet égard, il convient de rappeler que, aux points 190 et 191 de l’arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C‑619/20 P et C‑620/20 P, EU:C:2022:722), la Cour a confirmé que la notion d’« organisation internationale » à laquelle se référait la réglementation financière de l’Union était une notion générale dont l’interprétation, aux fins de cette réglementation, pouvait susciter des difficultés en l’absence, notamment, de jurisprudence à ce sujet et que l’application de cette notion pouvait
elle aussi, en l’espèce, se révéler complexe et entraîner des difficultés de qualification juridique des faits, compte tenu de la situation spécifique du requérant.
436 Deuxièmement, le requérant est également mal fondé à reprocher à la Commission le délai écoulé entre le 6 mai et le 18 juillet 2019, période pendant laquelle cette dernière a tenté de procéder à l’exécution de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), par le biais d’échanges écrits avec lui, ainsi que le délai écoulé entre le 18 juillet 2019, date à laquelle la Commission a réitéré sa demande du 6 mai 2019 auprès de lui, et le
26 novembre 2019, date à laquelle la Commission a adressé ses demandes de renseignements aux États prétendument membres du requérant.
437 De même, il y a lieu de prendre en compte le fait que le délai global de deux ans, quatre mois et huit jours au terme duquel la décision attaquée a été adoptée inclut le délai de consultation des États interrogés par la Commission, en raison du refus du requérant de lui fournir ses documents constitutifs dûment signés et assortis de justificatifs.
438 Par conséquent, cette partie du délai litigieux, comprise entre le 6 mai 2019 et le 10 février 2021, date de la réponse la plus tardive à la consultation engagée par la Commission, est imputable non pas à cette dernière, mais au requérant, qui a manqué de diligence raisonnable à la suite du prononcé de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78).
439 Troisièmement, il ne saurait être considéré que la Commission a tardé entre le 10 février et le 19 février 2021, date à laquelle elle a adressé au requérant son projet de décision pour recueillir ses observations. Par ailleurs, le requérant n’est pas fondé à se plaindre du délai d’un peu plus de trois mois, entre le 19 février et le 8 juin 2021, qui correspond à la fois au délai octroyé pour qu’il présente des observations et au délai pris par la Commission afin de prendre dûment en compte ses
observations, conformément à son droit d’être entendu.
440 Ainsi, il résulte de ce qui précède que le délai pris par la Commission pour élaborer et adopter la décision attaquée ne revêt pas un caractère déraisonnable au sens de la jurisprudence citée aux points 430 et 431 ci-dessus.
441 En second lieu, il convient de constater que le requérant n’établit pas l’existence d’un préjudice matériel ou moral résultant de la violation alléguée à l’appui de ce chef de conclusions.
442 Par conséquent, il y a lieu de rejeter la présente branche comme étant non fondée.
3. Sur la seconde branche, tendant à la réparation des préjudices d’ordre financier et moral prétendument occasionnés par la décision attaquée
443 Au soutien de la seconde branche, le requérant sollicite la condamnation de la Commission à lui verser la somme de 8651903 euros en réparation du préjudice financier qu’il impute à la décision attaquée ainsi que la somme de 15 millions d’euros en réparation de son préjudice moral.
444 À cet égard, il résulte du point 417 ci-dessus que les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée ont été rejetées, de sorte qu’il n’est pas satisfait à la première condition mentionnée au point 420 ci-dessus, permettant d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union et tenant à l’existence d’une violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
445 En outre, s’il est vrai que la Commission a entaché la décision attaquée d’erreurs de droit en refusant de qualifier la résolution du 25 novembre 1994 d’accord international, ces erreurs demeurent sans incidence sur la légalité de cette décision et ne sauraient, par conséquent, être considérées comme la cause directe et certaine des préjudices que le requérant lui impute.
446 Par ailleurs, le requérant ne se prévaut pas, au soutien des conclusions indemnitaires développées dans le cadre de la présente branche, de chefs d’illégalité qui différeraient de ceux qu’il a exposés au soutien de ses conclusions en annulation.
447 Par conséquent, il y a lieu de rejeter la seconde branche présentée au soutien des conclusions indemnitaires comme étant non fondée et, par suite, ces conclusions dans leur intégralité.
V. Sur les dépens
448 Conformément à l’article 134, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens, et chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent, respectivement, sur un ou plusieurs chefs. Enfin, aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de
l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
449 En l’espèce, le requérant a succombé en ses conclusions. Toutefois, il a été constaté que la Commission avait entaché d’erreur de droit le motif de la décision attaquée tiré de ce que la résolution du 25 novembre 1994 ne pouvait être qualifiée d’accord international, ce qui a pu inciter le requérant à introduire le présent recours, en vue de faire constater cette illégalité. Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il est équitable de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Truchot
Kanninen
Frendo
Sampol Pucurull
Perišin
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 septembre 2024.
Le greffier
V. Di Bucci
Le président
S. Papasavvas
Table des matières
I. Antécédents du litige
A. Antécédents administratifs
B. Antécédents judiciaires
C. Suites administratives de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P)
D. Suites judiciaires de l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P)
II. Faits postérieurs à l’introduction du recours
III. Conclusions des parties
IV. En droit
A. Sur la recevabilité
1. Sur la question de la régularité du mandat délivré par le requérant à ses avocats
2. Sur la recevabilité de l’annexe A.24 de la requête
3. Sur la recevabilité de l’annexe C.1 de la réplique
B. Sur les conclusions en annulation
1. Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation
2. Sur le premier moyen, tiré de plusieurs erreurs de droit, notamment de la violation de l’article 266 TFUE, de l’autorité de la chose jugée et du principe de non-rétroactivité
a) Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 266 TFUE et de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P)
1) Sur le premier grief, tiré de la violation de l’article 266 TFUE
2) Sur le second grief, tiré de la violation de l’autorité de la chose jugée
b) Sur la deuxième branche, tirée de la violation du principe de bonne foi, de l’adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » et du principe de non-rétroactivité
1) Sur le second grief, tiré de la violation du principe de non-rétroactivité des actes de l’Union
2) Sur le premier grief, tiré de la violation du principe de bonne foi et de l’adage « nemo auditur »
c) Sur la troisième branche, tirée de la violation du principe d’égalité
3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique
4. Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’autres erreurs de droit
a) Sur la définition de la notion d’« organisation internationale » prévue par la réglementation financière de l’Union
b) Sur la première branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de droit relatives à l’identification des membres du requérant
1) Sur le premier grief, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation résultant d’une distinction artificielle entre les États fondateurs du requérant, les États contributeurs et les membres de son comité de gouvernance
2) Sur le deuxième grief, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation entachant l’interprétation des prises de position de la Belgique et de l’Autriche
i) Sur le premier argument, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation entachant l’interprétation de la réponse des autorités autrichiennes
ii) Sur le second argument, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation entachant l’interprétation de la réponse des autorités belges
3) Sur le troisième grief, tiré d’erreurs de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commises en refusant de reconnaître l’adhésion de l’Union au requérant
c) Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs de droit entachant le refus de la Commission de qualifier la résolution du 25 novembre 1994 d’accord international instituant une organisation internationale
1) Sur le premier grief, tiré d’erreurs de droit résultant du refus de la Commission de qualifier la résolution du 25 novembre 1994 d’accord international
i) Sur le premier argument, tiré d’une erreur de droit quant au caractère juridiquement contraignant de la résolution du 25 novembre 1994
ii) Sur le deuxième argument, tiré d’une erreur de droit quant à l’exigence de signature de la résolution du 25 novembre 1994 par des représentants dotés de pouvoirs à cet effet
iii) Sur le troisième argument, tiré d’erreurs de droit quant à l’exigence d’instruments de signature ou de ratification de la résolution du 25 novembre 1994
iv) Sur l’incidence du bien-fondé des premier et deuxième arguments du présent grief sur la légalité de la décision attaquée
2) Sur le second grief, tiré d’une erreur d’interprétation quant à l’intention des signataires de la résolution du 25 novembre 1994 d’octroyer au requérant le statut d’organisation internationale
d) Sur la troisième branche, tirée d’erreurs de droit quant à la pratique ultérieure des signataires de la résolution du 25 novembre 1994 et la reconnaissance du statut d’organisation internationale par l’Union et certains États
1) Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit quant à la pratique ultérieure des signataires de la résolution du 25 novembre 1994
2) Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs de droit en ce que la Commission n’a pas tenu compte de la reconnaissance du statut d’organisation internationale dont le requérant a bénéficié de la part de l’Union et de certains États
i) Sur le premier argument, tiré de ce que la Commission a violé les articles 27 et 46 de la convention de Vienne en ne reconnaissant plus le statut d’organisation internationale du requérant
ii) Sur le second argument, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission n’a pas tenu compte des accords de siège conclus par le requérant
3) Sur le troisième grief, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission s’est abstenue de prendre en compte le fait que ses membres ne l’avaient pas dissous et le fait qu’il satisfaisait au principe de spécialité
5. Sur les deuxième et troisième branches du deuxième moyen, tirées de la violation, respectivement, de l’obligation de diligence et de l’obligation d’impartialité
a) Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’obligation de diligence
b) Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation d’impartialité
C. Sur les conclusions indemnitaires
1. Sur les conditions d’engagement de la responsabilité des institutions de l’Union
2. Sur la première branche, tendant à la réparation du préjudice résultant de la violation d’un délai raisonnable
3. Sur la seconde branche, tendant à la réparation des préjudices d’ordre financier et moral prétendument occasionnés par la décision attaquée
V. Sur les dépens
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( *1 ) Langue de procédure : le français.