ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
17 juillet 2024 ( *1 )
« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Sécurité juridique – Protection juridictionnelle effective – Exception d’illégalité – Limitation des effets de l’arrêt dans le temps »
Dans l’affaire T‑402/21,
UniCredit Bank AG, établie à Munich (Allemagne), représentée par Mes F. Schäfer, H. Großerichter, F. Kruis et N. Bartmann, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. J. Kerlin, C. Flynn et D. Ceran, en qualité d’agents, assistés de Mes G. Coppo, S. Reinart et K. Bongs, avocats,
partie défenderesse,
soutenu par
Parlement européen, représenté par MM. U. Rösslein, M. Menegatti et Mme G. Bartram, en qualité d’agents,
et par
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J. Bauerschmidt, Mmes J. Haunold et A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),
composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík (rapporteur), K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,
greffier : Mme S. Jund, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 2 mars 2023,
rend le présent
Arrêt ( 1 )
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, UniCredit Bank AG, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.
[omissis]
III. Conclusions des parties
19 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, y compris ses annexes, en ce qu’elle la concerne ;
– condamner le CRU aux dépens.
20 Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens ;
– à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de la décision attaquée jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.
21 Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours en ce qu’il est fondé sur l’exception d’illégalité du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59 ;
– condamner la requérante aux dépens.
22 Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
IV. En droit
[omissis]
B. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée
[omissis]
2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des formes substantielles, au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, et du droit à une bonne administration, en ce que la décision attaquée est dépourvue de la motivation suffisante exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte
80 Le deuxième moyen s’articule autour de sept branches.
[omissis]
b) Sur la première branche, relative à l’exclusion de certains indicateurs de risque
95 La requérante soutient que le CRU n’a pas suffisamment exposé les motifs pour lesquels il n’avait pas appliqué, aux fins du calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021, les indicateurs de risque « ratio de financement net stable » (ci-après l’« indicateur RFNS »), et « fonds propres et engagements ou passifs éligibles détenus par l’établissement au-delà de l’[exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles] » (ci-après l’« indicateur EMEE » et l’« EMEE »),
ainsi que les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » visés à l’article 6, paragraphe 5, premier alinéa, sous a), du règlement délégué 2015/63.
96 Le CRU conteste les arguments de la requérante.
97 Il convient de relever, tout d’abord, que l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 prévoit que « [l]orsque les informations requises au titre d’un indicateur de risque spécifique visé à l’annexe II [de ce règlement délégué] ne font pas partie des exigences d’information prudentielle, visées à l’article 14 [dudit règlement délégué], applicables pour l’exercice de référence, cet indicateur de risque ne s’applique pas tant que cette exigence d’information prudentielle n’est pas
devenue applicable ».
98 En l’espèce, le CRU a indiqué, aux considérants 21 à 29 de la décision attaquée, qu’il n’avait pas appliqué les indicateurs RFNS et EMEE ni les sous-indicateurs « complexité » et « résolvabilité » au motif que, au moment de l’adoption de cette décision, les informations requises au titre de ces indicateurs et sous-indicateurs de risque n’étaient pas disponibles sous une forme harmonisée pour tous les établissements.
99 Plus particulièrement, s’agissant de l’indicateur RFNS, le CRU a relevé qu’« aucune norme contraignante harmonisée en matière de RFNS n’[était] appliquée dans [l’Union] et [qu’il] n’a[vait] donc pas été en mesure d’identifier des indicateurs au niveau national ». Quant à l’indicateur EMEE, le CRU a précisé que, « parce que les exigences relatives à l’EMEE [avaient] dans l’ensemble été mises en œuvre de manière progressive, [il] ne dispos[ait] pas de données lui permettant d’appliquer cet
indicateur au niveau de chaque établissement contribuant au [FRU] ». En ce qui concerne les sous-indicateurs « complexité » et « résolvabilité », le CRU a exposé que « les données requises pour [ces sous-indicateurs] n[’étaient] pas disponibles sous une forme harmonisée pour tous les établissements des États membres participants pour l’année de référence 2019 ».
100 Une telle motivation permet à la requérante de comprendre les motifs pour lesquels le CRU n’a pas appliqué les indicateurs et sous-indicateurs de risque concernés et remplit ainsi les exigences énoncées par la jurisprudence citée aux points 82 et 83 ci-dessus.
101 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.
102 Premièrement, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le CRU aurait dû expliquer dans la décision attaquée les motifs pour lesquels il estimait disposer d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de ne pas appliquer les indicateurs RFNS et EMEE ainsi que les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité », car cet argument repose sur une prémisse erronée. En effet, il résulte du libellé même de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 que le
CRU ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation afin de ne pas appliquer un indicateur de risque, puisque, une fois que les conditions prévues par cette disposition sont remplies, il est tenu de ne pas prendre en compte un tel indicateur.
103 Deuxièmement, la requérante soutient que la décision attaquée contient certaines « affirmations circonstancielles » concernant le défaut d’application des indicateurs et des sous-indicateurs de risque concernés, dont la requérante et les juridictions de l’Union ne sont pas en mesure de vérifier l’exactitude. Or, la requérante n’établit pas en quoi les considérations figurant dans la décision attaquée, à les supposer « circonstancielles », l’empêchent de comprendre les raisons pour lesquelles les
indicateurs et les sous-indicateurs de risque concernés n’ont pas été appliqués, d’autant plus que, ainsi qu’il a été relevé aux points 98 et 99 ci-dessus, la décision attaquée contient, sur ce point, des explications suffisantes.
104 Troisièmement, la requérante allègue, en substance, que le CRU n’a pas exposé, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles il n’avait pas tenu compte des indicateurs de risque qui étaient disponibles en Allemagne, aux fins de calculer le pourcentage de sa contribution ex ante déterminé sur la base nationale. De telles explications seraient pourtant nécessaires, puisque, selon l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 14, paragraphes 3
et 6, de ce même règlement délégué, un indicateur de risque doit être pris en considération lorsque des exigences d’information prudentielle relatives à cet indicateur sont applicables en vertu du droit national.
105 À cet égard, il ressort de la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus que le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié non seulement au regard du libellé de la décision attaquée, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications.
106 En ce qui concerne l’application de l’indicateur RFNS, le CRU a expliqué, au considérant 23 de la décision attaquée, lu conjointement avec le point 31 de l’annexe III de ladite décision, qu’« [il] n’a[vait] […] pas été en mesure d’identifier des indicateurs au niveau national », puisqu’il avait considéré que les exigences d’information prudentielle portant sur cet indicateur étaient inadéquates. De même, il ressort, en substance, du considérant 25 de cette décision, lu conjointement avec les
points 32 et 33 de l’annexe III de ladite décision, que le CRU ne disposait pas de données récoltées au niveau national lui permettant d’appliquer l’indicateur EMEE, en raison de la mise en œuvre progressive des exigences relatives à cet indicateur par les ARN.
107 Dans ces conditions, le CRU a fourni des éléments de motivation suffisants expliquant que les données requises pour l’application des indicateurs RFNS et EMEE n’étaient pas disponibles au niveau national.
108 Ensuite, l’annexe III de la décision attaquée indique, à son point 32, que la détermination des sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » dépend étroitement de l’exercice de planification de la résolution pour les établissements, étant ainsi entendu que ces sous-indicateurs de risque sont liés à l’élaboration des plans de résolution.
109 Or, en tant qu’opérateur économique avisé, la requérante devait être en mesure de savoir que les ARN n’avaient pas établi de tels plans à l’égard de l’ensemble des établissements redevables des contributions ex ante, ainsi que l’indique le CRU dans son mémoire en défense et sa duplique sans être contredit, et que, par conséquent, ces plans n’avaient pas été achevés pour l’ensemble des établissements ayant leur siège en Allemagne. La requérante était ainsi en mesure de comprendre que, en raison
de l’absence de plans de résolution établis pour l’ensemble des établissements allemands, le CRU ne disposait pas de données adéquates récoltées au niveau national aux fins de l’application des sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité ».
110 Enfin, l’argument de la requérante selon lequel le CRU aurait dû expliquer les motifs pour lesquels il n’avait pas ajusté à un niveau comparable les données qui n’avaient pas été collectées d’une manière uniforme dans l’ensemble de l’Union doit être rejeté, en ce qu’il repose sur une prémisse erronée. En effet, il ne résulte pas de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 que le CRU est tenu d’ajuster, d’une quelconque manière, les données collectées de façon non uniforme.
111 Dans ces conditions, la première branche du deuxième moyen doit être écartée.
c) Sur la deuxième branche, relative à la motivation du niveau cible annuel
112 La requérante soutient que la motivation fournie par le CRU ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles il a fixé le niveau cible annuel à un huitième de 1,35 % des dépôts couverts de tous les établissements en 2020. En particulier, le CRU n’aurait pas expliqué comment il avait examiné le modèle économique établi par le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission en vue de pronostiquer le taux de croissance des dépôts couverts et du total des dépôts au sein de l’union bancaire
lors de la période initiale. De même, le CRU n’aurait pas fourni d’explications quant à l’utilisation du modèle de simulation concernant différents scénarios de croissance des dépôts couverts et du niveau cible final.
113 Le CRU fait valoir que, aux considérants 35 à 48 de la décision attaquée ainsi qu’aux points 46 à 84 de l’annexe III de cette décision, les étapes suivies pour déterminer le niveau cible annuel et les facteurs qui ont été pris en compte à cette fin sont décrites de manière claire et précise. En outre, il ressortirait du considérant 40 de ladite décision que la modélisation économétrique du JRC reposait – à l’instar de l’évaluation du CRU – sur des données historiques relatives au total des
dépôts et des dépôts couverts et que la tendance à la croissance constante des dépôts couverts de tous les établissements serait confirmée. Par ailleurs, le modèle de simulation utilisé par le CRU aurait couvert une fourchette si large qu’il était évident que ce modèle n’aurait été qu’une étape dans le processus décisionnel.
114 À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, au terme de la période initiale, les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.
115 Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 114 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.
116 L’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 précise que, chaque année, les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final.
117 En ce qui concerne le mode de calcul des contributions ex ante, l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU détermine leur montant sur la base du niveau cible annuel, compte tenu du niveau cible final, et sur la base du montant moyen des dépôts couverts de l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.
118 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 48 de la décision attaquée, le CRU a fixé, pour la période de contribution 2021, le montant du niveau cible annuel à 11287677212,56 euros.
119 Aux considérants 36 et 37 de la décision attaquée, le CRU a expliqué, en substance, que le niveau cible annuel devait être déterminé sur la base d’une analyse portant sur l’évolution des dépôts couverts au cours des années précédentes, sur toute évolution pertinente de la situation économique ainsi que sur une analyse portant sur les indicateurs relatifs à la phase du cycle d’activité et sur les effets que des contributions procycliques auraient sur la situation financière des établissements.
Par la suite, le CRU a considéré approprié de fixer un coefficient qui était fondé sur cette analyse et sur les moyens financiers disponibles dans le FRU (ci-après le « coefficient »). Le CRU a appliqué ce coefficient à un huitième du montant moyen des dépôts couverts en 2020, aux fins d’obtenir le niveau cible annuel.
120 Le CRU a exposé la démarche suivie pour fixer le coefficient aux considérants 38 à 47 de la décision attaquée.
121 Au considérant 38 de la décision attaquée, le CRU a constaté une tendance constante à la hausse des dépôts couverts pour tous les établissements des États membres participants. En particulier, le montant moyen de ces dépôts, calculé trimestriellement, s’élevait pour l’année 2020 à 6,689 billions d’euros.
122 Aux considérants 40 et 41 de la décision attaquée, le CRU a présenté l’évolution pronostiquée des dépôts couverts pour les trois années restantes de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Il a estimé que les taux annuels de croissance des dépôts couverts jusqu’à la fin de la période initiale se situeraient entre 4 % et 7 %.
123 Aux considérants 42 à 45 de la décision attaquée, le CRU a présenté une évaluation de la phase du cycle d’activité et de l’effet procyclique potentiel que les contributions ex ante pourraient avoir sur la situation financière des établissements. Pour ce faire, il a indiqué avoir tenu compte de plusieurs indicateurs, tels que la prévision de croissance du produit intérieur brut de la Commission et les projections de la Banque centrale européenne (BCE) à cet égard ou le flux de crédit du secteur
privé en pourcentage du produit intérieur brut.
124 Au considérant 46 de la décision attaquée, le CRU a conclu que, s’il était raisonnable de s’attendre à la poursuite de la croissance des dépôts couverts au sein de l’union bancaire, le rythme de cette croissance serait inférieur à celui de l’année 2020. À cet égard, le CRU a indiqué, au considérant 47 de la décision attaquée, avoir adopté une « approche prudente » en ce qui concernait les taux de croissance des dépôts couverts pour les années à venir jusqu’à 2023.
125 Au regard de ces considérations, le CRU a fixé, au considérant 48 de la décision attaquée, la valeur du coefficient à 1,35 %. Il a ensuite calculé le montant du niveau cible annuel, en multipliant le montant moyen des dépôts couverts en 2020 par ce coefficient et en divisant le résultat de ce calcul par huit, conformément à la formule mathématique suivante, figurant au considérant 48 de ladite décision :
« Cible0 [montant du niveau cible annuel] = Total dépôts couverts2020 * 0,0135 * ⅛ = EUR 11287677212,56 ».
126 Lors de l’audience, le CRU a cependant indiqué qu’il avait déterminé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 comme suit.
127 Premièrement, sur la base d’une analyse prospective, le CRU a fixé le montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, pronostiqué pour la fin de la période initiale, à environ 7,5 billions d’euros. Pour aboutir à ce montant, le CRU a pris en compte le montant moyen des dépôts couverts en 2020, à savoir 6,689 billions d’euros, un taux de croissance annuel des dépôts couverts de 4 % ainsi que le nombre de périodes de
contribution restantes jusqu’à la fin de la période initiale, à savoir trois.
128 Deuxièmement, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU a calculé 1 % de ces 7,5 billions d’euros pour obtenir le montant estimé du niveau cible final devant être atteint le 31 décembre 2023, à savoir environ 75 milliards d’euros.
129 Troisièmement, le CRU a déduit de ce dernier montant les ressources financières déjà disponibles dans le FRU en 2021, c’est-à-dire environ 42 milliards d’euros, pour obtenir le montant qu’il restait à percevoir pendant les périodes de contribution restantes avant la fin de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Ce montant s’élevait à environ 33 milliards d’euros.
130 Quatrièmement, le CRU a divisé ce dernier montant par trois pour le répartir uniformément entre lesdites trois périodes de contribution restantes. Le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 a été ainsi fixé au montant mentionné au point 118 ci-dessus, à savoir environ 11,287 milliards d’euros.
131 Le CRU a également affirmé, lors de l’audience, qu’il avait rendu publics des éléments d’information sur lesquels avait été fondée la méthode décrite aux points 127 à 130 ci-dessus et qui auraient permis à la requérante de comprendre la méthode par laquelle le niveau cible annuel avait été déterminé. En particulier, il a précisé qu’il avait publié sur son site Internet, en mai 2021, c’est-à-dire après l’adoption de la décision attaquée, mais avant l’introduction du présent recours, une fiche
descriptive dénommée « Fact Sheet 2021 » (ci-après la « fiche descriptive »), qui indiquait le montant estimé du niveau cible final. De même, le CRU a affirmé que le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU était également disponible sur son site Internet ainsi que par le biais d’autres sources publiques, et ce bien avant l’adoption de la décision attaquée.
132 Afin d’examiner si le CRU a respecté son obligation de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, il convient tout d’abord de rappeler qu’un défaut ou une insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée). Par conséquent, le Tribunal peut, voire doit, prendre en compte
également d’autres défauts de motivation que ceux invoqués par la requérante, et ce, notamment, lorsque ceux-ci se révèlent au cours de la procédure.
133 À cette fin, les parties ont été entendues, au cours de la phase orale de la procédure, sur tous les éventuels défauts de motivation dont serait entachée la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel. En particulier, interrogé expressément et à plusieurs reprises à cet égard, le CRU a décrit, étape par étape, la méthode qu’il avait réellement suivie pour déterminer le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021, telle qu’elle est exposée aux
points 127 à 130 ci-dessus.
134 En ce qui concerne, ensuite, le contenu de l’obligation de motivation, il ressort de la jurisprudence que la motivation d’une décision prise par une institution ou un organe de l’Union doit être, notamment, dépourvue de contradictions pour permettre aux intéressés de connaître les motifs réels de cette décision, en vue de défendre leurs droits devant la juridiction compétente, et à cette dernière d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation
of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169 et jurisprudence citée ; du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 20 et 45 à 47, et du 16 décembre 2015, Grèce/Commission, T‑241/13, EU:T:2015:982, point 56).
135 De même, lorsque l’auteur de la décision attaquée fournit certaines explications concernant les motifs de celle-ci au cours de la procédure devant le juge de l’Union, ces explications doivent être cohérentes avec les considérations exposées dans cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 45 à 47, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 54 et 55).
136 En effet, si les considérations exposées dans la décision attaquée ne sont pas cohérentes avec de telles explications fournies lors de la procédure juridictionnelle, la motivation de la décision concernée ne remplit pas les fonctions rappelées aux points 82 et 83 ci-dessus. En particulier, une telle incohérence empêche, d’une part, les intéressés de connaître les motifs réels de la décision attaquée, avant l’introduction du recours, et de préparer leur défense à leur égard et, d’autre part, le
juge de l’Union d’identifier les motifs ayant servi de véritable support juridique à cette décision et d’examiner leur conformité aux règles applicables.
137 Enfin, il y a lieu de rappeler que, lorsque le CRU adopte une décision fixant les contributions ex ante, il doit porter à la connaissance des établissements concernés la méthode de calcul de ces contributions (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).
138 Il doit en aller de même pour la méthode de détermination du niveau cible annuel, ce montant revêtant une importance essentielle dans l’économie d’une telle décision. En effet, ainsi qu’il ressort du point 15 ci-dessus , le mode de calcul des contributions ex ante consiste en la répartition dudit montant entre tous les établissements concernés, de sorte qu’une augmentation ou une réduction de ce même montant entraîne une augmentation ou une réduction correspondante de la contribution ex ante de
chacun de ces établissements.
139 Il ressort de ce qui précède que, si le CRU est tenu de fournir aux établissements, par le biais de la décision attaquée, des explications concernant la méthode de détermination du niveau cible annuel, ces explications doivent être cohérentes avec les explications fournies par le CRU pendant la procédure juridictionnelle et portant sur la méthode réellement appliquée.
140 Or, tel n’est pas le cas dans la présente affaire.
141 En effet, il convient tout d’abord de relever que la décision attaquée a exposé, au considérant 48, une formule mathématique qu’elle a présentée comme étant à la base de la détermination du niveau cible annuel. Or, il s’avère que cette formule n’intègre pas les éléments de la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience. En effet, ainsi qu’il ressort des points 127 à 130 ci-dessus, le CRU a obtenu le montant du niveau cible annuel, dans le cadre de cette
méthode, en déduisant du niveau cible final les moyens financiers disponibles dans le FRU, en vue de calculer le montant qu’il restait à percevoir jusqu’à la fin de la période initiale et en divisant ce dernier montant par trois. Or, ces deux étapes du calcul ne trouvent aucune expression dans ladite formule mathématique.
142 Par ailleurs, cette constatation ne saurait être remise en cause par l’affirmation du CRU selon laquelle il a publié, en mai 2021, la fiche descriptive, qui contenait une fourchette indiquant les éventuels montants du niveau cible final et, sur son site Internet, le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU. En effet, indépendamment de la question de savoir si la requérante avait effectivement connaissance de ces montants, ces derniers n’étaient pas, à eux seuls, de nature à lui
permettre de comprendre que les deux opérations mentionnées au point 141 ci-dessus avaient été effectivement appliquées par le CRU, étant précisé, au surplus, que la formule mathématique prévue au considérant 48 de la décision attaquée ne les mentionnait même pas.
143 Des incohérences similaires affectent également la manière dont a été fixé le coefficient de 1,35 %, qui joue pourtant un rôle primordial dans la formule mathématique mentionnée au point 142 ci-dessus. En effet, ce coefficient pourrait être compris en ce sens qu’il est fondé, parmi d’autres paramètres, sur la croissance pronostiquée des dépôts couverts pendant les années restantes de la période initiale. Or, comme le CRU l’a reconnu lors de l’audience, ce coefficient a été fixé de manière à
pouvoir justifier le résultat du calcul du montant du niveau cible annuel, c’est-à-dire après que le CRU a calculé ce montant en application des quatre étapes exposées aux points 127 à 130 ci-dessus et, notamment, par la division par trois du montant issu de la déduction des moyens financiers disponibles dans le FRU du niveau cible final. Or, cette démarche ne ressort aucunement de la décision attaquée.
144 En outre, il convient de rappeler que, selon la fiche descriptive, le montant du niveau cible final estimé se situait dans une fourchette comprise entre 70 et 75 milliards d’euros. Or, cette fourchette s’avère incohérente avec la fourchette du taux de croissance des dépôts couverts comprise entre 4 % et 7 % figurant au considérant 41 de la décision attaquée. En effet, le CRU a indiqué à l’audience que, aux fins de la détermination du niveau cible annuel, il avait tenu compte du taux de
croissance des dépôts couverts de 4 % – qui était le taux le plus bas de la seconde fourchette – et qu’il avait ainsi obtenu le niveau cible final estimé de 75 milliards d’euros – qui constituait la valeur la plus élevée de la première fourchette. Il s’avère ainsi qu’il existe une discordance entre ces deux fourchettes. En effet, d’une part, la fourchette portant sur le taux d’évolution des dépôts couverts comprend également des valeurs supérieures au taux de 4 %, dont l’application aurait
pourtant abouti à un montant estimé du niveau cible final supérieur à ceux inclus dans la fourchette relative à ce niveau cible. D’autre part, il est impossible pour la requérante de comprendre la raison pour laquelle le CRU a inclus dans la fourchette afférente audit niveau cible des montants inférieurs à 75 milliards d’euros. En effet, pour y aboutir, il aurait été nécessaire d’appliquer un taux en deçà de 4 %, qui n’est pourtant pas compris dans la fourchette relative au taux de croissance
des dépôts couverts. Dans ces conditions, la requérante n’était pas en mesure de déterminer la manière dont le CRU avait utilisé la fourchette portant sur le taux d’évolution de ces dépôts pour aboutir au calcul du niveau cible final estimé.
145 Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience, ne correspond pas à celle décrite dans la décision attaquée, de sorte que les motifs réels, au regard desquels a été fixé ce niveau cible, ne pouvaient être identifiés sur la base de la décision attaquée ni par les établissements ni par le Tribunal.
146 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.
147 Par conséquent, il convient d’accueillir la deuxième branche du deuxième moyen. Compte tenu des enjeux juridiques et économiques de la présente affaire, il est pourtant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de poursuivre l’examen des autres moyens du recours.
[omissis]
4. Sur le sixième moyen, tiré de la violation des articles 6, 7 et 20 du règlement délégué 2015/63
250 La requérante prétend que la décision attaquée contrevient aux articles 6 et 7 ainsi qu’à l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, dans la mesure où le CRU n’a pas pris en compte, aux fins du calcul du multiplicateur d’ajustement, les indicateurs RFNS et EMEE et les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité ». En particulier, les articles 6 et 7 de ce règlement délégué ne conféreraient pas au CRU le pouvoir discrétionnaire d’ignorer certains indicateurs de
risque. En outre, l’article 20, paragraphe 1, dudit règlement délégué, lu conjointement avec l’article 14 de ce même règlement délégué, ne saurait non plus fonder l’absence de prise en compte de ces indicateurs de risque. L’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 ne s’appliquerait en effet qu’aux informations énoncées à son annexe II. Or, cette annexe ne mentionnerait pas, à tout le moins, l’indicateur EMEE ni les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité ».
251 Le CRU conteste cette argumentation.
252 Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, sous a), paragraphe 3, sous a) et paragraphe 5, sous a), du règlement délégué 2015/63, le CRU doit, en principe, tenir compte des indicateurs EMEE et RFNS et des sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » pour déterminer le profil de risque des établissements concernés.
253 Cependant, conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, intitulé « Dispositions transitoires », un indicateur de risque ne s’applique pas tant que les informations requises au titre de cet indicateur de risque spécifique, mentionné à l’annexe II de ce règlement délégué, ne font pas partie des exigences d’information prudentielle mentionnées à l’article 14 du même règlement délégué, à savoir les exigences d’information prudentielle établies par le règlement d’exécution
no 680/2014 de la Commission, du 16 avril 2014, définissant des normes techniques d’exécution en ce qui concerne l’information prudentielle à fournir par les établissements, conformément au règlement no 575/2013 (JO 2014, L 191, p. 1), ou, le cas échéant, par le droit national.
254 L’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, dont la légalité n’a pas été contestée dans la présente affaire, soumet ainsi la possibilité de ne pas appliquer un indicateur de risque à la double condition que, en premier lieu, les informations requises au titre d’un tel indicateur ne fassent pas partie des exigences d’information prudentielle mentionnées à l’article 14 de ce règlement délégué et que, en second lieu, cet indicateur soit mentionné à l’annexe II dudit règlement délégué,
laquelle est intitulée « Données à soumettre aux autorités de résolution » et contient quinze catégories de données.
255 En ce qui concerne la première condition, il y a lieu de relever que, pour déterminer si, conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, les informations requises au titre d’un indicateur de risque spécifique font partie des exigences d’information prudentielle, il appartient au CRU de vérifier si les établissements étaient tenus de déclarer ces informations à des fins prudentielles à l’autorité compétente pour l’exercice de référence en cause conformément au règlement
d’exécution no 680/2014 ou au droit national. Selon une lecture conjointe de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphes 1 à 4, du règlement délégué 2015/63, cet exercice de référence est celui de l’année à laquelle se rapportent les états financiers annuels approuvés disponibles au 31 décembre de l’année précédant la période de contribution. Il s’ensuit que, en ce qui concerne la présente affaire, l’exercice de référence est celui de l’année à laquelle se rapportent les états
financiers annuels approuvés disponibles au 31 décembre 2020 (ci-après l’« exercice de référence pertinent »). Ainsi que l’affirme le CRU, sans être contesté par la requérante, cet exercice correspond à celui de l’année 2019.
256 S’agissant de la seconde condition mentionnée au point 254 ci-dessus, il convient de relever que, selon le libellé de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, cette disposition a vocation à s’appliquer, notamment, lorsque les données mentionnées à l’annexe II de ce règlement délégué constituent en elles-mêmes des indicateurs de risque.
257 Cependant, contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 s’applique également dans une situation dans laquelle l’annexe II de ce règlement délégué se réfère aux données qui, sans constituer des indicateurs de risque en elles-mêmes, sont déterminantes pour le calcul de tels indicateurs de risque qui, quant à eux, ne sont pas mentionnés dans cette annexe. Un indicateur de risque peut ainsi ne pas s’appliquer lorsque les données
indispensables pour son calcul figurent dans ladite annexe.
258 À cet égard, force est de rappeler que, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, et du 19 juillet 2012, ebookers.com Deutschland, C‑112/11, EU:C:2012:487, point 12). En outre, il y a lieu de tenir compte de l’effet utile de celle-ci (voir
arrêt du 13 décembre 2012, BLV Wohn- und Gewerbebau, C‑395/11, EU:C:2012:799, point 25 et jurisprudence citée).
259 En ce qui concerne le contexte et les objectifs poursuivis par l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, cette disposition tient compte du fait que le processus de mise en place des exigences prudentielles et des exigences d’information correspondantes revêt un caractère progressif qui s’étale dans le temps. En effet, ainsi qu’il découle, notamment, du considérant 6 de la directive 2014/59, le règlement délégué 2015/63 a été adopté à un moment où ces exigences n’étaient pas
encore définitivement arrêtées ou faisaient encore l’objet d’ajustements. À cet égard, la requérante n’a pas sérieusement contesté l’affirmation du CRU selon laquelle les autorités compétentes détermineraient progressivement certaines desdites exigences qui, à leur tour, influenceraient les données qui doivent être disponibles pour calculer les indicateurs de risque prévus par le règlement délégué 2015/63. Il s’ensuit que de telles données nécessaires pour le calcul de certains de ces
indicateurs de risque pouvaient ne pas être disponibles pour l’ensemble des établissements concernés ou, à tout le moins, pour l’ensemble des établissements ayant leur siège dans un État membre, pendant au moins une partie de la période initiale, étant précisé que ces données pouvaient ne pas être déclarées à titre d’informations prudentielles selon le droit de l’Union ou, le cas échéant, le droit national.
260 Dans ce contexte, l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 vise à éviter que des charges disproportionnées ou discriminatoires soient, le cas échéant, imposées aux établissements lors du calcul des contributions ex ante en raison précisément de cette mise en œuvre progressive des exigences prudentielles et des exigences d’information qui y sont afférentes. En effet, ce calcul implique un exercice comparatif. À cet égard, le CRU a expliqué, en substance, sans être contredit, que,
si les données indispensables pour le calcul de certains indicateurs de risque n’étaient pas déclarées à titre d’informations prudentielles par l’ensemble des établissements ou, à tout le moins, par l’ensemble des établissements ayant leur siège dans un État membre, le CRU serait obligé de prendre en compte des données relatives à de tels indicateurs qui ne sont pourtant pas comparables.
261 Un tel risque n’existe pas uniquement lorsque les données en question constituent en elles-mêmes des indicateurs de risque, mais aussi lorsque ces données, sans constituer des indicateurs de risque en elles-mêmes, sont pourtant nécessaires pour le calcul de ces derniers.
262 Dans ces conditions, l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas seulement lorsque les données mentionnées à l’annexe II de ce règlement délégué constituent en elles-mêmes des indicateurs de risque, mais également lorsque les données mentionnées à cette annexe sont indispensables pour le calcul des indicateurs de risque.
263 C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner si le CRU a pu s’abstenir d’appliquer, lors du calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021, deux indicateurs de risque, à savoir les indicateurs RFNS et EMEE, et deux sous-indicateurs de risque, à savoir les sous-indicateurs « complexité » et « résolvabilité », sans violer les articles 6 et 7 ainsi que l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63.
264 Concernant l’indicateur RFNS, en premier lieu, il ressort de l’article 17 du règlement d’exécution (UE) 2021/451 de la Commission, du 17 décembre 2020, définissant des normes techniques d’exécution pour l’application du règlement no 575/2013 en ce qui concerne l’information prudentielle à fournir par les établissements, et abrogeant le règlement d’exécution no 680/2014 (JO 2021, L 97, p. 1), lu conjointement avec l’article 23, deuxième alinéa, de ce même règlement d’exécution, que les
établissements ne devaient déclarer à l’autorité compétente les données propres à l’indicateur RFNS à des fins prudentielles et sur une base harmonisée qu’à compter du 28 juin 2021, c’est-à-dire postérieurement à l’exercice de référence pertinent.
265 En outre, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si l’éventuelle existence d’une obligation de déclaration des informations requises pour l’indicateur RFNS à titre d’informations prudentielles en droit national obligeait le CRU à en tenir compte pour la détermination de cet indicateur, à tout le moins dans le cadre du calcul de la contribution ex ante sur la base nationale, le CRU a expliqué, dans son mémoire en défense et sa duplique ainsi que lors de l’audience,
sans être contredit, que, en tout état de cause, une telle obligation ne découlait pas du droit de l’État membre où était établie la requérante, à savoir l’Allemagne, pour ce qui concernait l’exercice de référence pertinent. Dans ces conditions, aucun élément dans le dossier dont dispose le Tribunal ne démontre que, pour l’exercice de référence pertinent, les données portant sur l’indicateur RFNS faisaient partie des exigences d’information prudentielle en vertu du droit allemand.
266 Le fait que la requérante a déclaré ces données en Allemagne est dénué, à ce titre, de pertinence, puisqu’il n’a pas été établi que ces déclarations étaient effectuées sur la base d’exigences d’information prudentielle, conformément au règlement no 680/2014 ou au droit allemand.
267 En second lieu, l’indicateur RFNS fait partie des données explicitement énumérées à l’annexe II du règlement délégué 2015/63.
268 Dans ces conditions, le CRU n’a pas violé les articles 6, 7 et 20 du règlement délégué 2015/63 en ne prenant pas en compte l’indicateur RFNS dans le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021.
269 En ce qui concerne l’indicateur EMEE, aucune disposition du règlement d’exécution no 680/2014 n’exigeait que les établissements fournissent, pour l’exercice de référence pertinent, des informations sur leurs engagements éligibles à titre d’informations prudentielles à l’autorité compétente. Une telle obligation n’a été instaurée qu’à partir du 28 juin 2021, ainsi que cela découle du titre I du règlement d’exécution (UE) 2021/763 de la Commission, du 23 avril 2021, définissant des normes
techniques d’exécution pour l’application du règlement no 575/2013 et de la directive 2014/59 en ce qui concerne la déclaration à des fins de surveillance et la publication de l’EMEE (JO 2021, L 168, p. 1), lu conjointement avec l’article 17, deuxième alinéa, de ce règlement d’exécution.
270 L’article 45, paragraphe 1, de la directive 2014/59, invoqué par la requérante, ne remet pas en cause ce constat. Cette disposition oblige les États membres à veiller à ce que les établissements satisfassent à tout moment aux exigences de fonds propres et d’engagements éligibles lorsque cela est imposé par ledit article ou par d’autres dispositions de cette directive. En revanche, ladite disposition ne comporte pas d’obligation de déclarer les engagements éligibles à titre d’informations
prudentielles pendant l’exercice de référence pertinent.
271 En outre, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si l’éventuelle existence d’une obligation de déclaration des engagements éligibles à titre d’informations prudentielles en droit national obligeait le CRU à en tenir compte pour la détermination de l’indicateur EMEE en ce qui concerne, à tout le moins, le calcul de la contribution ex ante sur la base nationale, le CRU a expliqué, dans son mémoire en défense et sa duplique ainsi que lors de l’audience, sans être
contredit par la requérante, que, en tout état de cause, une telle obligation ne découlait pas du droit allemand pour ce qui concernait l’exercice de référence pertinent. Dans ces conditions, aucun élément dans le dossier dont dispose le Tribunal ne démontre que, en vertu du droit allemand, les informations relatives à l’indicateur EMEE faisaient l’objet d’exigences d’information prudentielle pendant l’exercice de référence pertinent.
272 La circonstance selon laquelle la requérante a déclaré en Allemagne, à partir de l’année 2017, des informations relatives à l’indicateur EMEE ne permet pas d’apporter la preuve contraire, puisque, ainsi qu’il découle du point 271 ci-dessus, il n’est pas établi que, au regard du droit national, ces informations étaient déclarées à titre d’informations prudentielles.
273 Par ailleurs, si l’indicateur EMEE n’est pas mentionné en tant que tel à l’annexe II du règlement délégué 2015/63, cette annexe mentionne néanmoins les « engagements éligibles » parmi les données à soumettre aux autorités de résolution. Ces engagements constituent d’ailleurs des données qui sont déterminantes pour le calcul de cet indicateur de risque. En effet, conformément à l’article 6, paragraphe 2, sous a), et à l’annexe I, sous le titre « Étape 1 », du règlement délégué 2015/63, ledit
indicateur se fonde sur des données telles que, notamment, les fonds propres, les engagements éligibles et l’EMEE, étant entendu que, aux fins du calcul de cet indicateur, le CRU doit déterminer l’excédent des fonds propres et des engagements éligibles par rapport à l’EMEE.
274 Dans ces conditions, le CRU a pu s’abstenir d’appliquer l’indicateur EMEE sans violer les articles 6, 7 et 20 du règlement délégué 2015/63.
275 S’agissant des sous‑indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » il ressort de l’article 6, paragraphe 6, sous a), iv), du règlement délégué 2015/63 que, lorsque le CRU détermine le sous‑indicateur de risque « complexité », il lui incombe de tenir compte de la mesure dans laquelle, conformément au titre II, chapitre II, de la directive 2014/59, le modèle économique et la structure organisationnelle de l’établissement concerné sont jugés complexes. De même, selon l’article 6,
paragraphe 6, sous b), ii), du même règlement délégué, lorsque le CRU détermine le sous-indicateur de risque « résolvabilité », il lui appartient de prendre en compte la mesure dans laquelle, conformément au titre II, chapitre II, de la même directive, cet établissement peut faire l’objet d’une résolution rapide et sans obstacles juridiques.
276 Le CRU doit ainsi déterminer les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » en tenant compte des prescriptions découlant du titre II, chapitre II, de la directive 2014/59, à savoir « Résolvabilité », qui comporte les articles 15 à 18.
277 À cet égard, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2014/59, l’évaluation de la résolvabilité d’un établissement est effectuée par l’autorité de résolution en même temps que l’élaboration et la mise à jour du plan de résolution et aux fins de celles-ci, conformément à l’article 10 de ladite directive.
278 De même, ainsi que le CRU l’a expliqué à l’audience, sans être contredit, aux fins d’évaluer la résolvabilité d’un établissement, il est nécessaire de tenir compte de sa complexité, étant précisé que plus la structure d’un tel établissement est complexe, plus les incidences sur sa résolvabilité sont importantes. Dans ces conditions et compte tenu du renvoi de l’article 6, paragraphe 6, sous a), iv), du règlement délégué 2015/63 aux articles 15 à 18 de la directive 2014/59, y compris donc à son
article 15, paragraphe 3, l’appréciation de la complexité est également effectuée lors de l’élaboration du plan de résolution.
279 Il s’ensuit que l’élaboration des plans de résolution constitue une condition préalable à la détermination par le CRU des sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité ».
280 Par ailleurs, selon l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2014/59, aux fins d’élaborer le plan de résolution des établissements, l’autorité de résolution tient compte, au minimum, des éléments indiqués à la section C de l’annexe de cette directive. Parmi ces éléments, elle doit prendre en considération, conformément à la section C, point 17, de cette annexe, le montant des engagements utilisables pour un renflouement interne de l’établissement ainsi que leur type, ces engagements étant
définis à l’article 2, paragraphe 1, point 71, de la directive 2014/59 dans sa version modifiée par la directive (UE) 2019/879, du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019 (JO 2019, L 150, p. 296).
281 Or, ainsi qu’il résulte d’une lecture conjointe de l’article 3, point 17, du règlement délégué 2015/63 et de l’article 2, paragraphe 1, point 71, de la directive 2014/59, lesdits engagements correspondent aux « engagements éligibles » au sens de ce règlement délégué.
282 Il en résulte que les engagements éligibles constituent une donnée nécessaire pour que le CRU puisse fixer les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité ».
283 À cet égard, d’une part, il ressort des points 269 à 271 ci-dessus que les établissements n’étaient pas tenus de déclarer les engagements éligibles à des fins prudentielles à l’autorité compétente pour l’exercice de référence pertinent, en vertu du règlement d’exécution no 680/2014. D’autre part, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si l’éventuelle existence d’une telle obligation de déclaration des engagements éligibles obligeait le CRU à en tenir compte pour la
détermination des sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » en ce qui concernait, à tout le moins, le calcul de la contribution ex ante sur la base nationale, aucun élément dont dispose le Tribunal ne démontre qu’une telle obligation existait en droit allemand.
284 Par conséquent, la première condition prévue par l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 est satisfaite s’agissant des sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité ».
285 En ce qui concerne la seconde condition prévue par l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, si les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » ne figurent pas, en tant que tels, dans l’annexe II du règlement délégué 2015/63, les engagements éligibles, qui sont une donnée nécessaire pour leur détermination, y sont explicitement mentionnés.
286 Dans ces conditions, le CRU n’a pas violé les articles 6, 7 et 20 du règlement délégué 2015/63, en ne prenant pas en compte les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » pour la période de contribution 2021.
287 Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments avancés par la requérante.
288 Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le CRU aurait dû se procurer les informations requises pour l’adoption d’une décision fixant les contributions ex ante par un moyen autre que la communication de ces informations au travers des déclarations à des fins prudentielles faites par chaque établissement, il suffit de constater qu’une telle obligation ne découle d’aucune disposition de la réglementation applicable.
289 Sur ce point, la requérante ne saurait, notamment, prétendre que le CRU était obligé d’appliquer l’indicateur RFNS en utilisant les données nationales des ARN, dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 265 ci-dessus, aucun élément dans le dossier dont dispose le Tribunal n’établit que les informations relatives à cet indicateur de risque devaient être déclarées à titre d’informations prudentielles en vertu du droit allemand.
290 Deuxièmement, l’argument de la requérante tiré du point 137 de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), doit être rejeté, car ni ce point ni cet arrêt ne se sont prononcés sur l’applicabilité de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63.
291 Troisièmement, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, l’approche du CRU concernant l’application de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 est erronée s’agissant de la partie de la contribution ex ante calculée sur la base nationale, car il est constant que les indicateurs RFNS et EMEE ainsi que les sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » étaient disponibles pour les établissements allemands. Ainsi, le CRU aurait dû les prendre en
considération pour calculer la contribution déterminée sur la base nationale. Il en irait d’autant plus ainsi que l’absence d’application de ces indicateurs et de ces sous-indicateurs de risque ne saurait être justifiée par le principe d’égalité de traitement dès lors que, dans le cadre de la directive 2014/59, seuls les établissements d’un même État membre auraient vocation à être comparés. Dans ces conditions, il ne serait pas contraire à ce principe que les informations portant sur ces
indicateurs disponibles dans chacun des États membres ne soient pas identiques entre chacun de ces États.
292 À cet égard, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si l’éventuelle existence d’une obligation de déclaration des données relatives aux indicateurs RFNS et EMEE et aux sous-indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité » en droit national obligeait le CRU à en tenir compte en ce qui concernait, à tout le moins, le calcul de la contribution ex ante sur la base nationale, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 265, 271 et 283 ci-dessus,
il n’a pas été établi qu’il existait en Allemagne, pour l’exercice de référence pertinent, une telle obligation. Dans ces conditions, il ne ressort pas du dossier devant le Tribunal qu’il existait une base juridique permettant ou obligeant le CRU à tenir compte de ces données en ce qui concernait uniquement la base nationale.
293 Quatrièmement, la requérante estime qu’il était effectivement possible et, partant, obligatoire de prendre en considération tous les indicateurs et sous-indicateurs de risque, puisque le CRU devait veiller à organiser une collecte des données appropriées ou à adapter a posteriori les données fournies de manière non uniforme pour leur conférer le niveau d’uniformité requis. En outre, le CRU aurait pu compléter les données manquantes à l’aide d’une estimation ou d’une expertise.
294 Sur ce point, il suffit de relever que la réglementation applicable n’exige pas que le CRU complète les données manquantes dans le cadre des exigences d’information prudentielle ni qu’il ajuste, d’une quelconque manière, les données collectées de façon non uniforme.
295 Eu égard à ce qui précède, le sixième moyen doit être rejeté.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) La décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique est annulée en ce qu’elle concerne UniCredit Bank AG.
2) Les effets de la décision SRB/ES/2021/22, en ce qu’elle concerne UniCredit Bank AG, sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au Fonds de résolution unique de cet établissement pour la période de contribution 2021.
3) Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par UniCredit Bank AG.
4) Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.
Kornezov
De Baere
Petrlík
Kecsmár
Kingston
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 juillet 2024.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.
( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.