ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
10 juillet 2024 ( *1 )
« Politique économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Règlement (UE) no 806/2014 – Exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles – Décision du CRU de ne pas octroyer d’exemption – Recours devant le comité d’appel du CRU – Rejet – Condition de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres – Marge d’appréciation du CRU – Sécurité juridique – Obligation de
motivation »
Dans l’affaire T‑540/22,
République française, représentée par M. T. Stéhelin, Mmes E. Timmermans et B. Travard, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mmes H. Ehlers, M. Fernández Rupérez et M. L. Forestier, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann et F. Louis, avocats,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),
composé de M. F. Schalin, président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl, M. I. Nõmm (rapporteur), Mme G. Steinfatt et M. D. Kukovec, juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 14 novembre 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la République française demande l’annulation de la décision no 3/2021 du comité d’appel du Conseil de résolution unique (CRU), du 8 juin 2022, rejetant le recours formé contre la décision SRB/EES/2021/44, du 4 novembre 2021, déterminant l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 6 novembre 2020, un groupe bancaire (ci-après le « groupe bancaire concerné ») a soumis, pour l’une de ses filiales, une demande d’exemption de l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (ci-après l’« EMEE ») appliquée sur une base individuelle en vertu de l’article 12 octies du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines
entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), dans sa version telle que modifiée par le règlement (UE) 2019/877 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019 (JO 2019, L 150, p. 226), au titre de l’article 12 nonies, paragraphe 1, dudit règlement, pour le cycle de la planification de résolution 2020.
3 Par la décision SRB/EES/2021/44, du 4 novembre 2021, déterminant l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles, le CRU n’a pas fait droit à la demande d’exemption du groupe bancaire concerné pour l’une de ses filiales.
4 Le 21 décembre 2021, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) (ci-après la « partie appelante devant le comité d’appel ») a formé un recours contre la décision SRB/EES/2021/44 auprès du comité d’appel du CRU.
5 Le 8 juin 2022, le comité d’appel a, par la décision attaquée, rejeté le recours de la partie appelante devant le comité d’appel.
Conclusions des parties
6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 2022, la République française a introduit le présent recours.
7 La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner le CRU aux dépens.
8 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 2 septembre 2022 également, la République française a demandé au Tribunal, au titre des articles 88 et 89 du règlement de procédure du Tribunal, d’adopter une mesure d’organisation de la procédure consistant à demander au CRU de produire son manuel interne relatif à l’EMEE.
9 Le CRU conclut en substance à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la République française aux dépens.
En droit
10 À l’appui de son recours, la République française soulève trois moyens, tirés, le premier, d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 12 nonies du règlement no 806/2014 et d’un « dépassement des limites du pouvoir d’appréciation du CRU », le deuxième, d’une violation du principe de sécurité juridique et, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation.
Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 12 nonies du règlement no 806/2014 et d’un « dépassement des limites du pouvoir d’appréciation du CRU »
11 Dans le cadre du premier moyen, la République française soutient que le comité d’appel a validé à tort l’interprétation et l’application par le CRU de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014, en ce qu’elles reviendraient en substance à exiger « par principe » la fourniture d’une garantie spécifique et à admettre « par exception » la possibilité de déroger à une telle exigence. Elle reproche audit comité de ne pas avoir cherché à déterminer si, en l’espèce, le CRU
était fondé à exiger une telle garantie.
12 Ce premier moyen comporte deux branches, tirées, la première, d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 et, la seconde, d’un dépassement, par le CRU, des limites de son pouvoir d’appréciation au titre de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014.
Sur la première branche, tirée d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014
13 Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la République française soutient que le CRU a exigé à tort « par principe », dans le cadre de l’examen d’une demande d’exemption au titre de l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, une garantie spécifique entre l’entité de résolution et sa filiale pour considérer que la condition prévue à l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), dudit règlement était remplie. Elle fait valoir qu’il existait un faisceau d’indices
concordants suffisamment probants, établi par la partie appelante devant le comité d’appel, démontrant que, par l’exigence de garantie spécifique, le CRU ne s’était pas limité à interpréter et à appliquer la condition prévue à l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014, mais, en réalité, avait appliqué un critère prévu par d’autres textes de droit de l’Union européenne de même niveau, non applicables en l’espèce.
14 Le CRU conteste l’argumentation de la République française.
15 À titre liminaire, il convient de rappeler que, pour éviter que les entités bancaires ne structurent leur passif d’une manière qui limite l’efficacité de l’instrument de renflouement interne et afin de protéger ainsi les dépôts des clients en cas de pertes massives, le législateur de l’Union a imposé aux banques de respecter en permanence l’EMEE. Celle-ci est exprimée en pourcentage du total des passifs et des fonds propres de l’entité. Il y a également lieu de souligner que l’article 12 octies
du règlement no 806/2014 impose une EMEE (ci-après l’« EMEE interne ») à des entités, en l’occurrence les filiales d’un groupe bancaire, qui ne sont pas elles-mêmes des entités de résolution.
16 L’EMEE interne peut être satisfaite de deux façons. En premier lieu, la filiale peut émettre des engagements en faveur de l’entité de résolution, en l’occurrence la société mère du groupe bancaire concerné, sous la forme, par exemple, d’obligations. En second lieu, ladite société mère peut répondre à l’EMEE interne de sa filiale au moyen d’une garantie qui satisfait à plusieurs conditions cumulatives énumérées à l’article 12 octies, paragraphe 3, du règlement no 806/2014.
17 L’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit la possibilité d’exempter les filiales de l’EMEE interne moyennant le respect de trois conditions cumulatives. La condition figurant à la lettre c) de cette disposition prévoit qu’« il n’existe, en droit ou en fait, aucun obstacle significatif, actuel ou prévu, au transfert rapide de fonds propres ou au remboursement rapide de passifs par l’entité de résolution à la filiale au sujet de laquelle une constatation a été effectuée
conformément à l’article 21, paragraphe 3, notamment lorsque l’entité de résolution fait l’objet d’une mesure de résolution ».
18 Il y a également lieu de rappeler que la mention figurant à l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 selon laquelle « [l]e CRU peut exempter de l’application de l’article 12 octies une filiale d’une entité de résolution établie dans un État membre participant » lorsqu’il est satisfait aux trois conditions que ladite disposition énumère implique nécessairement que cette disposition, pour partie, impose une compétence liée au CRU et, pour partie, lui délègue un pouvoir
discrétionnaire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 juillet 2018, Banque postale/BCE, T‑733/16, EU:T:2018:477, point 39).
19 Dans le cadre d’une première étape, le CRU examine si les trois conditions figurant à l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 sont remplies. Si lesdites conditions ne sont pas remplies, il n’est pas en droit d’accorder une exemption de l’EMEE. Il est alors dans une situation de compétence liée et doit rejeter la demande d’exemption.
20 Si les trois conditions énoncées à l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 sont remplies, la seconde étape intervient. En effet, dans ce cas, le CRU « peut » accorder une exemption de l’EMEE. Il s’agit ainsi d’une possibilité, qui implique nécessairement le droit pour le CRU d’accorder ou de ne pas accorder une exemption. Il dispose, dès lors, à cet égard, d’un pouvoir discrétionnaire (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Banque postale/BCE, T‑733/16, EU:T:2018:477,
point 41).
21 Dans la décision attaquée, le comité d’appel a estimé, en substance, que le CRU n’avait pas commis d’erreur de droit dans l’interprétation de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014. Le comité d’appel réfute en effet que l’approche suivie par le CRU aurait consisté, pour déterminer si un groupe bancaire qui sollicitait l’exemption satisfaisait à la condition prévue par la disposition susmentionnée, à exiger « par principe » la fourniture d’une garantie spécifique et à
admettre « par exception » la possibilité de déroger à une telle exigence.
22 Aux fins de déterminer si le comité d’appel a commis une erreur de droit lorsqu’il a vérifié l’examen opéré par le CRU de la condition figurant à l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014, dans le cadre de la demande d’exemption du groupe bancaire concerné, il convient de procéder à une interprétation de cette disposition.
23 À cet égard, il est de jurisprudence constante que, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et des objectifs qu’elle poursuit, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union [voir arrêt du 8 juillet 2019, Commission/Belgique (Article 260, paragraphe 3, TFUE – Réseaux à haut débit), C‑543/17, EU:C:2019:573, point 49 et jurisprudence citée ; ordonnance du 24 octobre
2019, Liaño Reig/CRU, T‑557/17, non publiée, EU:T:2019:771, point 59].
24 Premièrement, s’agissant de l’interprétation littérale de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014, force est de constater que cette disposition se limite à prévoir la condition selon laquelle il faut qu’« il n’existe, en droit ou en fait, aucun obstacle significatif, actuel ou prévu, au transfert rapide de fonds propres ou au remboursement rapide de passifs par l’entité de résolution à la filiale ».
25 Ainsi, l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 ne prévoit pas la possibilité d’exiger une garantie spécifique afin qu’il soit satisfait à la condition de l’absence d’obstacle significatif, actuel ou prévu, au transfert rapide de fonds propres ou au remboursement rapide de passifs (ci-après l’« obstacle au transfert rapide de fonds propres »), pas plus qu’elle ne contient de mention interdisant au CRU d’exiger une garantie spécifique à cet égard.
26 Dans ces circonstances, il convient de poursuivre l’examen de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 en procédant à une interprétation contextuelle et téléologique de l’article 12 nonies du même règlement, afin de déterminer si cette disposition permet au CRU d’exiger une garantie spécifique pour que soit remplie la condition figurant à l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), dudit règlement et que la filiale concernée puisse être exemptée de l’EMEE interne.
27 Deuxièmement, l’interprétation contextuelle de l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 consiste en un examen, d’une part, des travaux préparatoires dudit règlement et, d’autre part, de son articulation avec les autres dispositions de ce même règlement pris dans son ensemble ainsi qu’avec des dispositions d’autres actes juridiques de l’Union.
28 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 12 nonies du règlement no 806/2014 a été inséré par le règlement 2019/877.
29 Il ressort des travaux préparatoires du règlement 2019/877 – à savoir ceux de la proposition de règlement COM(2016) 851 final du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement no 806/2014 en ce qui concerne la capacité d’absorption des pertes de recapitalisation des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, du 23 novembre 2016 – que les deux types de modifications suivants font partie du même paquet législatif. D’une part, il s’agit des modifications proposées pour le
règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1, rectificatifs JO 2013, L 208, p. 68, et JO 2013, L 321, p. 6), visant à inclure l’exigence minimale de la norme de capacité totale d’absorption des pertes (TLAC), à savoir une norme que le sommet du G 20, qui s’est tenu à Antalya
(Turquie) les 15 et 16 novembre 2015, a adoptée et dont l’objectif est de faire en sorte que les banques d’importance systémique mondiale disposent de la capacité d’absorption des pertes et de recapitalisation nécessaire en cas de résolution. D’autre part, il s’agit des modifications proposées pour le règlement no 806/2014, prévoyant des obligations supplémentaires imposées au cas par cas aux banques systémiques et des exigences générales imposées aux banques établies dans l’union bancaire.
30 S’agissant des propositions de modifications du règlement no 806/2014, les travaux préparatoires indiquent que les articles 12 octies et 12 nonies (lesquels deviendront les articles 12 septies et 12 octies du règlement no 806/2014) portent sur le niveau d’application de l’EMEE et que, en ce qui concerne les établissements considérés comme étant des entités de résolution, l’EMEE s’applique au niveau du groupe de résolution. Lesdits travaux préparatoires soulignent également que les propositions
introduisent la notion d’« EMEE interne », dans le droit fil d’une notion similaire introduite par la norme TLAC, et que cela implique que les autres entités du groupe de résolution, qui ne sont pas elles-mêmes des entités de résolution, doivent émettre des instruments de dette éligibles au sein d’un groupe de résolution et que ces instruments doivent être achetés par les entités de résolution. Les propositions précisent également que, sous certaines conditions, l’EMEE interne peut être remplacée
par des garanties, couvertes par des sûretés, accordées par l’entité de résolution aux autres entités du groupe de résolution.
31 Il ressort également de ces mêmes travaux préparatoires que l’article 12 decies (qui deviendra l’article 12 nonies du règlement no 806/2014) précise que, sous certaines conditions, l’EMEE interne d’une filiale peut être levée par le CRU si la filiale et l’entreprise mère sont toutes deux établies dans le même État membre participant.
32 Ainsi, la référence à l’exigence d’une garantie n’est mentionnée de façon claire qu’en ce qui concerne le futur article 12 octies du règlement no 806/2014, relatif à l’« [a]pplication de l’exigence aux entités qui ne sont pas elles-mêmes des entités de résolution ». Les débats relatifs au futur article 12 nonies dudit règlement, relatif à la possibilité d’exemption de l’EMEE interne, n’ont pas porté sur l’éventualité d’exiger une garantie dans ce contexte-là.
33 En ce qui concerne l’articulation de l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 avec les autres dispositions du règlement no 806/2014 pris dans son ensemble ou des dispositions d’autres actes juridiques de l’Union, il convient de rappeler que le considérant 83 du règlement no 806/2014 prévoit que, « [p]our éviter que les entités ne structurent leur passif d’une manière qui limite l’efficacité de l’instrument de renflouement interne, il convient de leur imposer de respecter en
permanence l’[EMEE], exprimé[e] en pourcentage du total des passifs et des fonds propres de l’entité ».
34 S’agissant du règlement 2019/877, le considérant 19 de celui-ci indique que, « [s]i tant l’entité de résolution ou l’entreprise mère que ses filiales sont établies dans le même État membre et font partie du même groupe de résolution, le CRU devrait pouvoir renoncer à l’application de [l’EMEE] qui s’applique aux filiales qui ne sont pas des entités de résolution ou les autoriser à se conformer à [l’EMEE] au moyen de garanties couvertes par des sûretés entre l’entreprise mère et ses filiales,
garanties qui peuvent être déclenchées si des conditions équivalentes à celles prévues pour la dépréciation ou la conversion des engagements éligibles sont réunies » et que « [l]es sûretés dont est assortie la garantie devraient être hautement liquides et présenter un risque de marché et de crédit minimal ».
35 Le considérant 19 du règlement 2019/877 annonce, en substance, le contenu des nouveaux articles 12 octies et 12 nonies du règlement no 806/2014.
36 En effet, l’article 12 octies, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU peut autoriser les entités qui ne sont pas elles-mêmes des entités de résolution à répondre à l’EMEE interne qui leur est également imposée au moyen d’une garantie qui doit satisfaire à neuf conditions cumulatives. Il est, notamment, imposé que la garantie soit couverte par des sûretés qui représentent au moins 50 % de son montant. Ainsi qu’il découle du point 34 ci-dessus, cela implique que la société mère
doit, en fait, positionner à l’avance ses actifs liquides pour soutenir ladite garantie.
37 Quant à l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, il prévoit, comme cela a été rappelé au point 17 ci-dessus, la possibilité d’exempter de l’EMEE interne une filiale pour autant qu’il soit satisfait aux conditions figurant dans cette disposition, dont la condition tirée de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres.
38 Il y a lieu également de rappeler que la dernière phrase du considérant 2 du règlement 2019/877 souligne que « [l]es dispositions du règlement […] no 806/2014, tel que modifié par le présent règlement, relatives à la capacité d’absorption des pertes et de recapitalisation des établissements et entités devraient être appliquées de manière cohérente avec celles du règlement […] no 575/2013 et celles de la directive 2013/36/UE […] et de la directive 2014/59/UE ». Il convient de relever qu’une
disposition semblable à l’article 12 nonies du règlement no 806/2014 figure dans la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les
règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), dans sa version telle que modifiée par la directive (UE) 2019/879 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019, modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne la capacité d’absorption des pertes et de recapitalisation des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et la directive 98/26/CE (JO 2019, L 150, p. 296).
39 En effet, l’article 45 septies, paragraphe 3, sous c), de la directive 2014/59 prévoit la possibilité d’exemption d’une filiale s’il n’existe, en droit ou en fait, aucun obstacle significatif, actuel ou prévu, au transfert rapide de fonds propres ou au remboursement rapide de passifs par l’entité de résolution à la filiale.
40 Cependant, à la différence du règlement no 806/2014, l’article 45 septies, paragraphe 3, de la directive 2014/59 impose également, de façon expresse, une condition supplémentaire, distincte de la condition d’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres, à savoir celle d’une garantie offerte par la société mère au profit de sa filiale. Plus précisément, l’article 45 septies, paragraphe 3, sous d), de la directive 2014/59 impose que « l’entité de résolution donne toute garantie à
l’autorité compétente en ce qui concerne la gestion prudente de la filiale et [qu’elle] a[it] déclaré, avec le consentement de l’autorité compétente, se porter garante des engagements contractés par la filiale ». Elle prévoit également que cette dernière condition n’est pas requise si les risques de la filiale sont négligeables. Ainsi, sauf si les risques sont négligeables, cette condition supplémentaire doit exister pour que le CRU puisse exercer son pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non une
exemption. Force est de constater qu’une telle condition ne figure pas à l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.
41 Ainsi, il ressort d’une interprétation contextuelle que l’exigence de garanties couvertes par des sûretés entre l’entreprise mère et ses filiales n’est prévue à l’article 12 octies du règlement no 806/2014 qu’en tant que moyen pour se conformer à l’EMEE interne et que la condition d’une garantie ne figure pas à l’article 12 nonies, paragraphe 1, du même règlement dans le contexte d’une exemption, à la différence de ce que le législateur a prévu dans la directive 2014/59, adoptée également dans le
domaine de la résolution.
42 À ce stade, il résulte des éléments qui précèdent que la possibilité d’obtenir une exemption au titre l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 ne peut en aucune façon être conditionnée par l’exigence d’une garantie assortie d’une sûreté, qui serait semblable à celle prévue à l’article 12 octies, paragraphe 3, du même règlement. L’approche contraire reviendrait à faire perdre audit article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 tout effet utile et constituerait ainsi
une violation flagrante de cette disposition.
43 En revanche, les considérations qui précèdent ne permettent pas de corroborer la thèse de la République française selon laquelle le CRU ne peut exiger « aucune garantie » dans le cadre de l’examen d’une demande d’exemption. En effet, il ne saurait être déduit de l’interprétation contextuelle opérée ci-dessus que l’absence de mention d’une garantie dans la disposition relative à l’examen d’une demande d’exemption de l’EMEE interne (à savoir l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement
no 806/2014) empêche ipso jure le CRU d’imposer une exigence de ce type dans le cadre dudit examen. Si le CRU est tenu de rejeter une demande d’exemption lorsque l’une des conditions cumulatives prévues à l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 n’est pas remplie, il dispose en revanche d’une certaine marge d’appréciation s’agissant de déterminer dans quelles circonstances la troisième de ces conditions, tenant à l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres, est
remplie. Dès lors, il n’est pas exclu que, compte tenu de la marge dont il dispose pour apprécier la troisième condition figurant à l’article susmentionné, il soit fondé à imposer une garantie – différente de celle prévue à l’article 12 octies, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 – pour que soit contrecarrée l’existence d’un obstacle au transfert rapide de fonds propres.
44 Troisièmement, le Tribunal estime opportun de poursuivre son analyse en procédant à l’interprétation sur le plan téléologique de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014. Dans le cadre de cette interprétation, il convient de tenir compte de l’objectif général poursuivi par le règlement 2019/877 et le règlement no 806/2014.
45 À cet égard, le législateur énonce, au considérant 5 du règlement 2019/877, l’objectif essentiel qu’il poursuit, à savoir que « [l]e CRU [...] veill[e] à ce que les établissements et entités disposent d’une capacité d’absorption des pertes et de recapitalisation suffisante pour garantir, en cas de résolution, un processus rapide et sans heurts d’absorption des pertes et de recapitalisation, avec un impact minimal sur les contribuables et la stabilité financière[ ; p]our ce faire, les
établissements devraient satisfaire à une [EMEE] propre à chaque établissement, comme le prévoit le règlement […] no 806/2014 ».
46 Ainsi, et comme le souligne en substance le CRU, l’objectif principal commun au règlement no 806/2014 et à la directive 2014/59, poursuivi par le législateur en imposant l’EMEE à l’ensemble des établissements d’un groupe bancaire, est d’assurer une résolution efficace avec un impact négatif minimal sur l’économie réelle, le système financier et les finances publiques.
47 Par ailleurs, selon les considérants 17 et 18 du règlement 2019/877, alors que les établissements ou entités identifiés comme étant des entités de résolution devraient être soumis à l’EMEE uniquement au niveau consolidé du groupe de résolution, les établissements ou entités qui ne sont pas des entités de résolution devraient se conformer à l’EMEE au niveau individuel.
48 Le principe est donc celui d’une obligation de l’EMEE interne au niveau de chaque filiale du groupe bancaire concerné. Compte tenu de l’enjeu de minimisation d’impact sur les contribuables et de la stabilité financière qui sous-tend cette obligation, l’exception au principe ne peut s’envisager que si les conditions qui permettent de l’accorder sont remplies. La décision du CRU de renoncer à l’EMEE interne ne doit ainsi pas mettre en péril l’objectif de minimisation d’impact sur les contribuables
et de stabilité financière qui a sous-tendu la création de l’obligation consistant à positionner à l’avance l’EMEE interne au niveau de la filiale. En effet, comme le souligne à juste titre le CRU, en l’absence d’EMEE interne positionnée à l’avance au niveau de la filiale et si les pertes de la filiale devaient dépasser son capital légal, la filiale devrait elle-même être placée sous résolution et une telle situation serait en contradiction avec l’objectif qui sous-tend l’EMEE interne.
49 Partant, il y a lieu de considérer que le CRU doit être guidé par l’objectif rappelé au point 46 ci-dessus lorsqu’il applique le règlement no 806/2014 et examine si les conditions figurant à l’article 12 nonies, paragraphe 1, dudit règlement sont remplies.
50 Ainsi, lorsque le CRU examine une demande d’exemption de l’EMEE interne, il lui appartient d’apprécier s’il existe d’autres arrangements pouvant servir de substituts fonctionnels de l’EMEE interne. Dans le cadre de la marge d’appréciation dont il dispose, rappelée au point 43 ci-dessus, rien ne l’empêche d’estimer que, en fonction des circonstances propres à chaque demande d’exemption, une garantie est nécessaire pour qu’il soit satisfait à la condition de l’absence d’obstacle au transfert rapide
de fonds propres. Pour les raisons rappelées au point 42 ci-dessus, il ne lui est en revanche pas permis d’exiger une garantie dont les caractéristiques seraient semblables à celles de la garantie prévue à l’article 12 octies, paragraphe 3, du règlement no 806/2014.
51 À cet égard, il importe de souligner qu’il ne ressort pas de la décision attaquée que le CRU aurait exigé du groupe bancaire concerné une garantie correspondant à ou ayant des caractéristiques semblables à celle de l’article 12 octies, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 ni, a fortiori, que le comité d’appel aurait avalisé une telle approche du CRU.
52 Aucun des arguments avancés par la République française n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.
53 Premièrement, la République française ne saurait utilement reprocher au comité d’appel et au CRU de s’être focalisés uniquement sur la finalité générale du cadre de résolution et de l’EMEE interne, commune au règlement no 806/2014 et à la directive 2014/59/UE, et de ne pas avoir tenu compte des objectifs propres audit règlement consistant à réduire les risques de fragmentation du marché intérieur pour les services financiers. En effet, elle fait valoir que les exemptions à l’EMEE interne
applicables entre entités situées dans un même État membre contribuent à ces objectifs en réduisant les obstacles à la circulation de la liquidité et du capital intragroupe.
54 Or, ainsi qu’il est indiqué en substance au considérant 18 du règlement 2019/877 et comme cela a été rappelé au point 47 ci-dessus, l’objectif prioritaire de la mesure consistant à soumettre les établissements ou entités qui ne sont pas des entités de résolution à l’EMEE interne au niveau individuel est d’éviter les risques éventuels de perturbation du marché en permettant au CRU de procéder à la résolution d’un groupe de résolution sans soumettre certaines de ses filiales à une procédure de
résolution.
55 Dans ce cadre, l’objectif de réduction des obstacles à la circulation de la liquidité et du capital intragroupe, poursuivi par l’article 12 nonies du règlement no 806/2014 prévoyant que le CRU a la possibilité de renoncer à l’application de l’EMEE interne sous certaines conditions, apparaît comme secondaire. Un tel but ne saurait être poursuivi au détriment de l’objectif prioritaire rappelé au point 54 ci-dessus.
56 En ce sens, il convient de rappeler que le considérant 2 du règlement 2019/877 prévoit que les dispositions concernées du règlement no 806/2014, telles que modifiées par celles du règlement 2019/877, doivent être appliquées de manière cohérente, notamment avec celles de la directive 2014/59. Or, l’article 45 septies, paragraphe 3, sous d), de la directive 2014/59 prévoit que la société mère ne doit déclarer qu’elle se porte garante des engagements de sa filiale que dans l’hypothèse où les risques
de la filiale ne seraient pas négligeables. Le législateur privilégie ainsi une approche prudente en ne permettant l’exemption sans exigence d’une garantie que si des conditions strictes sont remplies et, en particulier, si une telle exemption ne présente, en substance, aucun risque.
57 Pour des raisons de cohérence, les dispositions du règlement no 806/2014, telles que modifiées par celles du règlement 2019/877, doivent également être appliquées d’une manière telle que l’octroi de l’exemption ne puisse être envisagé que si des conditions strictes sont remplies. Il s’ensuit que, lorsque le CRU examine si la condition figurant à l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 est remplie, il peut estimer que, dans le cas d’espèce, l’exigence d’une garantie
est nécessaire pour qu’il soit satisfait à cette condition. Le fait que l’article 12 nonies, paragraphe 1, dudit règlement ne prévoit pas explicitement l’exigence d’une garantie de la société mère au profit de sa filiale signifie que le législateur a laissé au CRU une marge d’appréciation quant à la nécessité éventuelle d’une telle garantie, marge d’appréciation qu’il n’a en revanche pas accordée à l’autorité de résolution dans le cadre de l’examen d’une exemption en application de la directive
2014/59.
58 Deuxièmement, c’est également en vain que la République française se prévaut de la réponse de la Commission à une question posée par un État membre sur la transposition de la directive 2019/879. La Commission avait souligné que, de façon volontaire, le législateur n’avait pas reproduit l’article 45 septies, paragraphe 3, sous d à f), et paragraphe 4, sous d) à f), de la directive 2014/59, telle que modifiée par la directive 2019/879, et qu’il appartenait aux autorités de résolution nationales et,
à la lumière des principes relatifs à la délégation de pouvoir établis dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), au CRU d’en tenir compte lorsqu’ils mettaient en œuvre les dispositions du règlement no 806/2014.
59 Or, l’approche suivie par le CRU, pour laquelle aucune erreur de droit n’a été relevée par le comité d’appel, est conforme à l’enseignement de l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), puisque cette approche ne consacre en aucune façon l’existence d’une obligation automatique de garantie pour qu’il soit satisfait à l’exigence de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres et puisqu’elle reconnaît plutôt au CRU une marge d’appréciation à cet égard pouvant le
conduire à exiger une garantie si, selon les circonstances de l’espèce, il l’estime nécessaire.
60 Troisièmement, la République française s’appuie sur les orientations publiques « MREL Policy » du CRU (ci-après les « orientations publiques ») et sur le manuel interne de celui-ci pour affirmer que le CRU demande en réalité de façon systématique la délivrance d’une garantie dans chaque cas d’espèce sans un examen in concreto et qu’il considère en réalité cette délivrance de garantie comme étant une condition visant à prouver l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres au sens de
l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014.
61 L’argumentation de la République française, fondée sur le manuel interne et les orientations publiques du CRU et consistant à soutenir, en substance, que le CRU a établi une nouvelle condition à part entière non prévue par la législation, à savoir celle de la délivrance d’une garantie, ne saurait prospérer.
62 En effet, tout d’abord, la mention d’une garantie aux fins de démontrer l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres n’a été insérée dans l’annexe II des orientations publiques qu’en juin 2022 et n’existait donc pas lorsque le CRU a adopté sa décision SRB/EES/2021/44 du 4 novembre 2021.
63 Ensuite, les orientations publiques indiquent de façon claire qu’elles ne sont pas destinées à produire un effet juridiquement contraignant et qu’elles ne se substituent en aucun cas aux exigences légales énoncées dans les législations nationales et de l’Union applicables. Il est également mentionné dans lesdites orientations qu’elles ne peuvent être invoquées à des fins juridiques, n’établissent aucune interprétation contraignante des lois de l’Union ou nationales et ne servent pas d’avis
juridique ni ne remplacent un tel avis.
64 Par ailleurs, dans le sens de la position adoptée par le comité d’appel (point 82 de la décision attaquée), l’approche décrite dans les orientations publiques dans leur version telle que modifiée en juin 2022, permettant au CRU de demander une garantie spécifique dans le cadre de l’appréciation de la condition de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres, est compatible avec le libellé de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014, ainsi qu’il ressort, en
particulier, des points 44 à 51 ci-dessus.
65 Certes, le fait que l’annexe II des orientations publiques du CRU dans leur version telle que modifiée en juin 2022 mentionne que, aux fins de démontrer le caractère librement transférable des fonds dans un scénario de résolution, les banques qui font une demande d’exemption doivent « normalement » présenter la preuve d’une garantie indique que le CRU privilégie la solution de la garantie qui se présente comme l’approche la plus sûre pour garantir l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds
propres. Cette annexe II ne saurait toutefois être interprétée en ce sens que le CRU exigerait, « dans tous les cas, par principe et de façon automatique » la délivrance d’une garantie. En précisant à cette même annexe II que, lorsque les spécificités d’un cas individuel le justifient, le CRU peut adopter une approche différente de son évaluation de la conformité avec l’article 12 nonies du règlement no 806/2014, le CRU confirme qu’il continue d’apprécier au cas par cas la façon dont il peut être
satisfait à la condition de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres.
66 En outre, en ce qui concerne le manuel interne du CRU, la République française soutient que ce dernier, dans un premier temps, y aurait mentionné que la délivrance d’une garantie était une condition à part entière pour pouvoir obtenir une exemption et, dans un second temps, aurait modifié cette approche en présentant ladite délivrance d’une garantie comme un élément visant à prouver l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres au sens de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du
règlement no 806/2014. Toutefois, cela tend plutôt à indiquer que le CRU a bien pris en compte la portée de cette disposition, dont il résulte que la délivrance d’une garantie ne peut être exigée d’office et de manière automatique, mais que la nécessité d’une telle garantie peut être envisagée dans le cadre de l’appréciation de l’exigence d’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres. Comme il ressort, en particulier, des points 44 à 51 ci-dessus, rien n’empêche le CRU d’exiger, selon
les circonstances de l’espèce, une garantie pour qu’il soit satisfait à l’exigence figurant à l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014.
67 Enfin, et en tout état de cause, il ressort des extraits de la décision SRB/EES/2021/44 et de la décision attaquée, notamment des points 68 à 71 de cette dernière, que le CRU a, en l’espèce, tranché la question de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres en indiquant qu’il procédait à une analyse in concreto de la situation du groupe bancaire concerné et, en particulier, des garanties de 2014 et de 2015 présentées par le groupe en question pour satisfaire à cette condition, et
que le comité d’appel a examiné cette approche du CRU et a conclu que ladite analyse était exempte d’erreur de droit en ce qu’elle avait été effectuée in concreto.
68 Ainsi, le raisonnement du comité d’appel et celui du CRU ne s’appuient pas sur les orientations publiques ni sur le manuel interne du CRU et ne procèdent donc pas d’une application mécanique de la condition de délivrance d’une garantie. C’est précisément ce que le comité d’appel a souligné au point 79 de la décision attaquée, à savoir que la décision SRB/EES/2021/44 était une décision individuelle concernant le groupe bancaire concerné et qu’elle ne se référait pas aux orientations publiques ni
au manuel interne du CRU.
69 En ce sens, les considérations relatives au manuel interne et aux orientations publiques, figurant, notamment, aux points 71 à 73 de la décision attaquée, constituent une réponse aux arguments avancés par la partie appelante devant le comité d’appel et visent à démontrer que l’inclusion de la garantie dans ces deux documents n’a pas transformé l’exercice de la marge d’appréciation du CRU en une exigence automatique de fait.
70 Compte tenu de ce qui précède, la première branche du premier moyen doit être rejetée.
Sur la seconde branche, tirée d’un dépassement, par le CRU, des limites de son pouvoir d’appréciation au titre de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014
71 La République française soutient que le comité d’appel aurait dû constater que le CRU avait excédé les limites de son pouvoir d’appréciation. En premier lieu, elle fait valoir que l’article 12 nonies du règlement no 806/2014 encadre les pouvoirs du CRU de manière précise, sur la base de critères objectifs, de sorte que l’usage de ces pouvoirs doit faire l’objet d’un contrôle rigoureux au regard de ces critères. Or, d’un côté, le comité d’appel aurait considéré que l’exigence d’une garantie
spécifique ne constituait qu’une simple possibilité pour le CRU, à l’issue d’une évaluation circonstanciée, et, d’un autre côté, il aurait avalisé l’approche de ce dernier consistant à exiger, par principe, la fourniture d’une garantie spécifique et à n’admettre que « par exception » la possibilité de déroger à une telle exigence. La République française reproche ainsi au comité d’appel de n’avoir opéré en réalité aucun contrôle effectif de l’exercice par le CRU de son pouvoir d’appréciation. En
deuxième lieu, la République française soutient que le comité d’appel n’a pas contrôlé si le CRU avait correctement exercé son pouvoir lorsque ce dernier avait apprécié le contenu de la garantie. En troisième lieu, et en ce sens, le comité d’appel n’aurait pas expliqué dans la décision attaquée quelle était la portée du pouvoir d’appréciation « contraint et limité » du CRU lorsqu’il a examiné si les conditions de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous a) à c), du règlement no 806/2014 étaient
remplies.
72 En premier lieu, il convient d’examiner si, comme le soutient la République française, le comité d’appel a avalisé une approche par laquelle le CRU aurait exigé, « par principe », la fourniture d’une garantie spécifique et n’aurait admis que « par exception » la possibilité de déroger à une telle exigence, imposant ainsi la délivrance d’une garantie sans exercer sa marge d’appréciation telle que rappelée au point 43 ci-dessus et, partant, sans qu’une analyse précise et in concreto des éléments
pertinents ait été effectuée préalablement.
73 Au préalable, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 85, paragraphes 3 et 4, du règlement no 806/2014, toute personne physique ou morale peut introduire un recours devant le comité d’appel contre une décision du CRU, telle que la décision SRB/EES/2021/44, que le recours contient les motifs qui sous-tendent celui-ci et qu’il appartient au comité d’appel de statuer sur ledit recours. Il en résulte que le comité d’appel examine les moyens dont il est saisi.
74 En l’espèce, la République française ne conteste pas que, ainsi que cela ressort du résumé des moyens figurant au point 35 de la décision attaquée, la partie appelante devant le comité d’appel avait fait valoir que, par l’intermédiaire de son manuel interne et de ses orientations publiques, le CRU aurait imposé de facto une condition supplémentaire pour l’octroi d’une exemption qui n’était pas prévue dans le règlement no 806/2014 et aurait ainsi commis une erreur de droit en dépassant les limites
de son pouvoir d’appréciation, en méconnaissant les objectifs poursuivis par les dispositions appliquées et en les privant de tout effet juridique pratique. La partie appelante avait soutenu, en substance, que l’approche in abstracto qu’aurait suivie le CRU aurait rendu l’exemption pratiquement impossible à obtenir.
75 Il convient également de rappeler que la banque concernée s’est prévalue de deux garanties pour faire valoir qu’il n’existait pas d’obstacle juridique ou factuel, significatif, actuel ou prévu au transfert rapide de fonds propres, au sens de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014. Les garanties en question de l’entreprise mère assurant les engagements de sa filiale avaient été données en 2014 et en 2015 dans le cadre de demandes de dérogation à l’application des
exigences prudentielles sur une base individuelle et à l’application des exigences de liquidité sur une base individuelle, conformément aux articles 7 et 8 du règlement no 575/2013.
76 Il convient de préciser que les arguments présentés par la partie appelante devant le comité d’appel au soutien de son premier moyen n’ont pas porté sur les appréciations de fond opérées par le CRU sur les garanties de 2014 et de 2015 dont s’est prévalu le groupe bancaire concerné pour soutenir que la condition de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres était remplie. En effet, les arguments en question visaient la prétendue erreur de droit commise par le CRU en ce qu’il aurait
excédé sa compétence en appliquant de façon mécanique et automatique une condition ne figurant pas à l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.
77 Il revenait ainsi au comité d’appel de vérifier si le CRU avait opéré un examen in concreto de la situation du groupe bancaire concerné ainsi que des garanties présentées à l’appui de sa demande d’exemption et s’il avait ainsi respecté les limites de sa marge d’appréciation. Dans ce cadre, il lui appartenait de vérifier que l’appréciation opérée par le CRU ne consistait pas en un examen in abstracto déguisé des garanties de 2014 et de 2015, mais en un examen in concreto crédible.
78 Partant, la République française soutient à tort que les moyens et arguments soulevés par la partie appelante devant le comité d’appel, tirés de l’erreur de droit commise par le CRU en ce qu’il aurait appliqué de façon erronée l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et aurait excédé les limites de sa compétence, auraient nécessairement dû conduire le comité d’appel à examiner si le CRU était fondé, à la lumière de l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce, à exiger
une garantie spécifique.
79 Eu égard aux moyens invoqués par la partie appelante devant le comité d’appel, tels que rappelés au point 76 ci-dessus, il convient de déterminer si le comité d’appel a pu considérer à bon droit que l’analyse du CRU – au terme de laquelle ce dernier a conclu qu’il existait un risque que les garanties de 2014 et de 2015 ne puissent pas fonctionner dans un scénario de non-viabilité et que ces dernières ne satisfaisaient pas à la condition de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds
propres – avait été réelle et concrète.
80 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 n’impose pas de règles précises quant à la manière dont la condition tirée de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres doit être remplie, mais impose, en substance, au CRU de s’assurer que les mécanismes existants, tels que des garanties, sont fonctionnellement équivalents à une EMEE interne dans un scénario de crise et, partant, qu’il n’existe pas de risque que, dans le cas où le
point de non-viabilité de la filiale serait atteint, les dirigeants de l’entreprise mère puissent hypothétiquement décider de se retirer et d’abandonner ainsi la filiale, et non de « transférer les fonds en aval » ni d’absorber les pertes ou de recapitaliser.
81 En l’espèce, cela a impliqué pour le comité d’appel de vérifier que le CRU avait effectué un examen réel et concret des garanties de 2014 et de 2015 et de leur efficacité dans un scénario de crise permettant au CRU de déterminer si ces mécanismes existants étaient fonctionnellement équivalents à une EMEE interne dans un scénario de liquidation et, partant, s’ils permettaient au groupe bancaire concerné de satisfaire à la condition de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres.
82 À cet égard, premièrement, il ressort de la décision attaquée, notamment de ses points 4, 7, 12, 15, 49, 68, 75, 76, 88, 108, 110 et 116, que le comité d’appel a examiné si le CRU avait procédé à une analyse in concreto de la demande d’exemption.
83 Le comité d’appel a rappelé que le CRU avait souligné que les garanties de 2014 et de 2015 avaient été constituées dans un autre contexte, à savoir, en application des articles 7 et 8 du règlement no 575/2013, en vue de permettre au groupe bancaire concerné de bénéficier d’une dérogation à l’application des exigences prudentielles en matière de capitaux, sur base individuelle, et à l’application des exigences prudentielles en matière de liquidité, sur base individuelle. Il a constaté que le CRU
avait mis en exergue l’existence d’un possible scénario dans lequel la détérioration de la situation de la filiale conduisait à sa défaillance lorsque l’aide financière du garant n’avait pas encore été fournie. Il a relevé que le CRU avait estimé que, dans un tel cas, les objectifs des garanties ne s’appliquaient plus.
84 Le comité d’appel a indiqué que le CRU s’était appuyé à ce sujet sur les appréciations de l’équipe de résolution interne. Ainsi que cela ressort du point 75 de la décision attaquée, cette dernière avait exprimé de vives réserves sur le fait que le droit de mettre en œuvre une garantie, lorsqu’elle existait, persisterait en cas de défaut ou de défaillance de la filiale et souligné que les créanciers de la filiale pourraient invoquer eux-mêmes un droit opposable à l’encontre du garant, de sorte
que, en définitive, l’entreprise mère, à savoir la garante, serait relevée de son obligation légale de garantir la défaillance de la filiale au moment où celle-ci en aurait le plus besoin.
85 Au point 75 de la décision attaquée, il est fait également mention des déclarations de l’équipe de résolution interne selon lesquelles le transfert rapide de fonds propres par l’entreprise mère devait être assuré à la filiale à l’égard de laquelle l’absence de viabilité avait été constatée conformément à l’article 21, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 et selon lesquelles le constat que la filiale était dans une situation de défaillance avérée ou prévisible pouvait intervenir dans une
situation où ladite filiale pouvait encore satisfaire à ses obligations et où, partant, les garanties de 2014 et de 2015 n’étaient pas encore déclenchées et n’étaient pas utilisables pour fournir l’aide requise.
86 Il ressort ainsi de la décision attaquée que l’examen des mécanismes existants par le CRU n’était en rien fictif, mais procédait bien d’une analyse réelle et concrète de la situation du groupe bancaire concerné. La République française soutient ainsi à tort que le CRU aurait imposé de façon automatique et in abstracto une garantie.
87 Il s’ensuit que le comité d’appel a pu, à bon droit, considérer, en substance, que le CRU avait opéré un examen in concreto de la situation du groupe bancaire concerné en vue de déterminer si celui-ci remplissait les conditions figurant à l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.
88 Deuxièmement, la conclusion selon laquelle le comité d’appel a considéré à bon droit que le CRU avait opéré une analyse réelle et concrète de la situation du groupe bancaire concerné découle également de la position qu’il a adoptée, notamment, aux points 73, 74 et 83 de la décision attaquée. Il y a indiqué sans ambiguïté que le CRU disposait d’une marge d’appréciation pour déterminer l’existence ou non d’obstacles au transfert rapide de fonds propres et que, dans ce contexte, le CRU pouvait
conclure à l’absence d’obstacle et accorder une exemption même si l’entreprise mère n’avait pas délivré de garantie au profit de sa filiale. À cet égard, le comité d’appel a précisé que la condition de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres pouvait être remplie selon les dispositions légales spéciales prévues par le droit national applicable et selon l’existence d’accords contractuels entre les sociétés d’un groupe.
89 Troisièmement, l’exercice par le CRU de sa marge d’appréciation et l’examen in concreto de la condition figurant à l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 sont également corroborés par le constat opéré par le comité d’appel selon lequel le raisonnement qui concerne l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres, figurant dans la décision attaquée, n’était pas fondé sur les orientations publiques ni sur le manuel interne du CRU, ainsi qu’il ressort des
points 61 à 68 ci-dessus.
90 Pour ce motif, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la République française visant à ce que le Tribunal adopte une mesure d’organisation de la procédure enjoignant au CRU de produire son manuel interne dans ses versions applicables en 2020 et 2021 au motif que le manuel en question aurait indiqué que la délivrance d’une garantie entre l’entité de résolution et sa filiale constituait une condition impérative que les équipes de résolution internes étaient tenues de respecter en vue de
l’application de l’article 12 nonies du règlement no 806/2014.
91 À cet égard, il convient de relever que les références faites au manuel interne du CRU dans la décision attaquée interviennent essentiellement dans le cadre de la réponse du comité d’appel aux arguments de la partie appelante devant ce dernier, qui se fondent sur ce document. La démonstration que la République française cherche à opérer en s’appuyant sur le manuel interne du CRU dans ses versions applicables en 2020 et 2021 est inopérante, dès lors qu’elle ne permettrait pas de remettre en cause
la conclusion, tirée à bon droit par le comité d’appel, selon laquelle le CRU a effectivement procédé à une analyse in concreto de la condition de l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres pour la filiale du groupe bancaire concerné.
92 Aucun des arguments avancés par la République française ne saurait remettre en cause cette conclusion.
93 Dans le cadre d’un premier argument, la République française reproche au comité d’appel d’avoir avalisé l’approche du CRU consistant à présumer que les garanties n’étaient pas activables en cas de crise et de ne pas avoir opéré d’analyse approfondie du droit national pour apprécier cette question.
94 Cette argumentation ne saurait prospérer. En effet, ainsi qu’il ressort, notamment, du point 86 ci-dessus, le comité d’appel s’est, au contraire, assuré que le CRU avait procédé à une analyse in concreto des éléments qui lui étaient soumis, sans appliquer à cet égard la moindre « présomption ». Au demeurant, il ne ressort pas de la décision attaquée que le groupe bancaire concerné ou la partie appelante devant le comité d’appel aurait identifié des dispositions du droit national applicable ou des
accords au sein dudit groupe qui auraient permis de satisfaire à la condition énoncée à l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014. Les seuls éléments présentés au soutien de la demande d’exemption, en vue de démontrer l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres, concernent les garanties de 2014 et de 2015. Or, ces garanties ont précisément fait l’objet d’une analyse concrète par le CRU.
95 À cet égard, il convient d’écarter en tout état de cause, en ce qu’ils ne sont nullement étayés, les arguments de la République française tirés de l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise le CRU en ignorant les effets bénéfiques produits par « des arrangements internes » existants, dans un scénario de résolution, et en considérant que les garanties de 2014 et de 2015 n’étaient pas activables dans un scénario de crise.
96 En effet, d’une part, la République française n’identifie pas de quels « arrangements internes » elle se prévaut à l’appui de son raisonnement, ni, a fortiori, ne décrit en quoi ces derniers auraient été susceptibles de produire des effets bénéfiques dans l’hypothèse d’un scénario de résolution.
97 D’autre part, la République française ne fait mention d’aucune disposition d’une loi nationale ou d’un principe du droit national au soutien de son argumentation relative au prétendu caractère activable des garanties de 2014 et de 2015. Tout au plus cite-t-elle un arrêt de la Cour de cassation (France) du 4 février 1985 en ce qu’il aurait consacré le fait que la notion d’« intérêt de groupe » peut permettre, à certaines conditions, d’écarter la défense stricte de l’intérêt social d’une société
lorsqu’elle octroie des concours financiers à une autre société du même groupe. En ce qui concerne cette notion d’« intérêt de groupe », la République française fait également référence dans sa réplique, par le biais d’un hyperlien, à un rapport du mois de juin 2015 intitulé « Vers une reconnaissance de l’intérêt de groupe dans l’Union européenne ? », Rapport du Club des Juristes (Commission Europe), qui énumère de façon succincte les conditions à remplir en droit français « pour éviter aux
dirigeants la qualification de délit d’abus de biens sociaux du fait de concours financiers entre les sociétés d’un même groupe » (pages 16 et 17 dudit rapport).
98 Force est de constater que tant les explications de la République française que le contenu du rapport auquel elle se réfère sont pour le moins vagues et imprécis. Ils ne permettent en aucune façon de déterminer les conséquences que le CRU aurait dû en tirer en l’espèce s’agissant des garanties de 2014 et de 2015. En outre, et comme cela ressort des écritures de la République française elle-même, des conditions doivent être remplies pour que la notion d’« intérêt de groupe » puisse permettre
d’écarter la défense stricte de l’intérêt social d’une société. Or, la République française n’a pas expliqué en quoi lesdites conditions auraient été réunies en l’espèce.
99 Dans le cadre d’un second argument, la République française fait valoir que des erreurs ont été commises par le CRU dans son interprétation de l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 au motif que le législateur n’a fait référence qu’aux obstacles « significatifs » et « prévus », et non à « tout obstacle»« futur »« éventuel », et que la réalité de tels obstacles n’a pas été démontrée en l’espèce.
100 Cet argument doit être écarté. En effet, le comité d’appel n’a commis aucune erreur dans l’interprétation de l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 en considérant, en substance, que l’obstacle au transfert rapide des garanties de 2014 et de 2015 et le risque en découlant correspondaient bien aux notions de « risque » et d’« obstacle significatif, actuel ou prévu » au sens de la disposition susmentionnée. Ainsi qu’il ressort des points 82 à 85 ci-dessus, l’examen opéré par le
comité d’appel pour déterminer si le CRU avait procédé à une analyse in concreto de la demande d’exemption révèle effectivement que les garanties de 2014 et de 2015 avaient été constituées dans un autre contexte et que, dans certains scénarios, celles-ci présentaient le risque significatif de ne pas ou de ne plus pouvoir être déclenchées.
101 En deuxième lieu, la République française soutient que le comité d’appel a commis une erreur en considérant que le CRU avait procédé à un examen in concreto de la situation du groupe bancaire concerné pour déterminer un « contenu » proportionné de la garantie. Elle soutient que le CRU aurait fixé le contenu en question de manière automatique et sans un examen concret de la situation, à un niveau au minimum équivalent au montant hypothétique de l’EMEE interne qui aurait été appliquée en l’absence
d’exemption, et que, partant, ce contenu ne serait pas proportionné.
102 Une telle argumentation doit être écartée. En effet, le comité d’appel a tout d’abord rappelé, au point 75 de la décision attaquée, la nécessité pour le CRU d’être raisonnablement convaincu que la garantie existante était fonctionnellement équivalente à l’EMEE interne positionnée à l’avance dans un scénario de crise. Ensuite, il a souligné que, en l’espèce, le CRU avait considéré, dans le cadre de sa marge d’appréciation rappelée au point 43 ci-dessus, que les seules garanties de 2014 et de 2015
présentées par le groupe bancaire concerné à l’appui de sa demande d’exemption présentaient le risque de ne pas être activables dans un scénario de crise et d’être ainsi inexistantes. Enfin, il a relevé que, pour combler le risque en question, le CRU avait estimé qu’une garantie fonctionnellement équivalente à l’EMEE interne dans un scénario de crise et d’un montant équivalent au montant hypothétique de ladite EMEE interne était donc nécessaire.
103 Ce faisant, c’est à bon droit que le comité d’appel a considéré que le CRU avait procédé à un examen in concreto de la situation du groupe bancaire concerné en vue de déterminer le contenu de la garantie.
104 Par ailleurs, et en tout état de cause, il convient, pour les motifs mentionnés aux points 96 à 98 ci-dessus, de rejeter les arguments tirés de l’application du droit français avancés par la République française aux fins de démontrer une erreur commise par le comité d’appel lors de son examen de l’approche suivie par le CRU pour déterminer le contenu de la garantie et aux fins d’établir que cette approche du CRU a été abstraite et non proportionnée.
105 En troisième lieu, la République française soutient que le comité d’appel a indiqué que le CRU disposait d’un pouvoir d’appréciation « contraint et limité » lors de l’examen des conditions énoncées à l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous a) à c), du règlement no 806/2014 permettant l’exemption, mais qu’il n’a pas expliqué la portée de ce pouvoir d’appréciation ni, partant, examiné les conséquences à tirer, en l’espèce, de ce pouvoir.
106 Une telle argumentation n’est pas fondée.
107 En effet, il ressort des points 18 à 20 ci-dessus que l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, pour partie, impose une compétence liée au CRU et, pour partie, lui délègue un pouvoir discrétionnaire.
108 Ainsi que l’a souligné le comité d’appel aux points 58 à 61 de la décision attaquée, le pouvoir discrétionnaire visé à la seconde étape mentionnée au point 20 ci-dessus n’est pas concerné en l’espèce, car la question litigieuse n’est pas de savoir si le CRU a correctement exercé ledit pouvoir, une fois toutes les conditions réunies. À cet égard, comme cela a été rappelé au point 43 ci-dessus, si le CRU est tenu de rejeter une demande d’exemption lorsque l’une des conditions cumulatives prévues à
l’article 12 nonies, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 n’est pas remplie, il dispose d’une certaine marge d’appréciation s’agissant de la détermination des circonstances dans lesquelles la troisième de ces conditions, tenant à l’absence d’obstacle au transfert rapide de fonds propres, est remplie.
109 Ainsi, et compte tenu des moyens tirés de ce que le CRU aurait établi une exigence automatique de garantie pour accorder l’exemption et aurait ainsi dépassé sa marge d’appréciation lors de la première étape, il revenait au comité d’appel d’examiner si le CRU avait bien opéré une appréciation in concreto lorsqu’il avait analysé la situation du groupe bancaire concerné et les garanties de 2014 et de 2015 invoquées par ce dernier et avait conclu à leur inefficacité ainsi qu’à la nécessité d’une
garantie de la société mère au profit de sa filiale.
110 Or, il résulte du raisonnement figurant aux points 22 à 103 ci-dessus que le comité d’appel a bien opéré l’examen mentionné au point 109 ci-dessus. Il ressort également des points susmentionnés que, au terme dudit examen, le comité d’appel a considéré à bon droit que le CRU avait effectivement opéré une appréciation in concreto et qu’il n’avait donc pas créé ni appliqué de condition nouvelle non prévue par l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 ni, partant, dépassé
les limites de sa marge d’appréciation au titre de cette disposition.
111 Eu égard à ces éléments, il n’y avait pas lieu pour le comité d’appel de s’expliquer davantage sur la portée de la marge d’appréciation du CRU ni d’examiner les conséquences à en tirer.
112 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen.
113 Partant, le premier moyen doit être écarté comme non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique
114 La République française soutient que le principe de sécurité juridique a été violé au motif que les critères que le CRU avait appliqués en vue de l’examen de la demande d’exemption n’étaient ni clairs ni précis et n’étaient pas prévisibles pour le groupe bancaire concerné. À cet égard, elle précise que, à la date de la demande d’exemption de l’EMEE au CRU, les orientations publiques censées définir la pratique du CRU s’agissant de l’EMEE ne mentionnaient pas la nécessité de fournir une garantie
et fait valoir que l’exigence d’une garantie était incluse dans le document interne du CRU.
115 Le CRU conteste cette argumentation.
116 Le principe de sécurité juridique constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui exige, notamment, qu’une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 9 mars 2017, Pologne/Commission, C‑105/16 P, non publié, EU:C:2017:191, point 54).
117 Le principe de sécurité juridique exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (arrêt du 28 septembre 2022, Malacalza Investimenti/BCE, T‑552/19 OP, non publié, EU:T:2022:587, point 52).
118 Cet impératif requiert que tout acte visant à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit de l’Union qui doit expressément être indiquée comme base juridique et qui prescrit la forme juridique dont l’acte doit être revêtu (voir arrêt du 19 juin 2015, Italie/Commission, T‑358/11, EU:T:2015:394, point 123 et jurisprudence citée). Le principe de prévisibilité fait partie intégrante du principe de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet
2014, National Iranian Oil Company/Conseil, T‑578/12, non publié, EU:T:2014:678, points 111 et 112).
119 En premier lieu, il importe de rappeler que la disposition dont l’application est au cœur du présent litige est l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014. Cette disposition prévoit que, pour que l’exemption de l’EMEE interne puisse être accordée, il doit être satisfait à l’exigence qu’« il n’existe, en droit ou en fait, aucun obstacle significatif, actuel ou prévu, au transfert rapide de fonds propres ou au remboursement rapide de passifs par l’entité de résolution à
la filiale ». Il y a lieu de considérer que cette disposition est claire, précise et prévisible dans ses effets, à savoir qu’elle prévoit que l’existence d’un obstacle au transfert rapide de fonds propres empêche l’octroi de l’exemption.
120 D’une part, il ne saurait être exigé que l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles il est satisfait ou non à la condition prévue par cette disposition dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance par le législateur (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 42). En effet, il n’est pas possible d’énumérer
les exemples d’obstacles au transfert rapide de fonds propres, tout comme il ne saurait être exigé du législateur que soient citées de façon positive les mesures qui assureraient le respect de la condition de l’absence desdits obstacles.
121 D’autre part, le principe de sécurité juridique ne s’oppose pas à ce que les autorités concernées jouissent d’une marge d’appréciation dans l’application des critères qui ont été définis par la réglementation. En l’espèce, le fait que le CRU dispose d’une marge pour apprécier s’il existe un obstacle au transfert rapide de fonds propres ou pour apprécier la manière appropriée dont cette condition doit être satisfaite n’implique pas pour autant que le principe de sécurité juridique a été violé.
122 Dans ce contexte, il y a lieu de relever que, dans ses écritures, la République française a fait valoir qu’elle n’avait pas soutenu que l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 interdisait en toute hypothèse au CRU d’exiger une garantie spécifique et a admis ainsi, en substance, que cette disposition permettait au CRU d’exiger une garantie spécifique. Ainsi, la demande d’une garantie faite par le CRU à la société mère de la filiale bancaire concernée n’est pas a
priori imprévisible ni ne constitue dès lors une atteinte au principe de sécurité juridique.
123 En second lieu, il convient d’examiner l’argumentation de la République française selon laquelle les opérateurs économiques ont reçu des signaux contradictoires en ce qui concernait les orientations publiques ainsi que le manuel interne du CRU et pouvaient ainsi avoir des doutes légitimes sur l’interprétation correcte de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014. La République française affirme en effet que, à la date de la demande d’exemption, les orientations
publiques censées éclairer les établissements bancaires en ce qui concernait la pratique du CRU sur l’EMEE ne mentionnaient nulle part la nécessité de fournir une garantie, mais que, dans son manuel interne, le CRU avait conditionné, à la délivrance d’une garantie spécifique, l’octroi de l’exemption à l’exigence minimale de fonds propres. Elle souligne que cette exigence de garantie spécifique n’avait été explicitement mentionnée dans les orientations publiques qu’en juin 2022. Selon elle, il
existait ainsi des divergences majeures entre la législation applicable (qui ne fixait aucune exigence de garantie spécifique), les orientations publiques (qui ne prévoyaient aucune garantie spécifique avant juin 2022) et le manuel interne du CRU (qui comportait une telle exigence impérative), de nature à caractériser une violation du principe de sécurité juridique.
124 Cette argumentation doit être rejetée.
125 En effet, premièrement, s’il est vrai que, lors de la demande d’exemption ayant donné lieu à la décision attaquée, l’exigence d’une garantie spécifique aux fins de satisfaire à la condition de l’absence d’obstacle au transfert de fonds propres ne figurait pas dans les orientations publiques, cette circonstance n’impliquait pas pour autant que le CRU ne pouvait jamais demander une telle garantie. Les banques ne pouvaient raisonnablement interpréter l’absence de mention explicite à cet égard comme
une renonciation définitive, par le CRU lui-même, à l’exigence d’une garantie spécifique.
126 À cet égard, et deuxièmement, les orientations publiques de 2020 ont clairement indiqué que la partie qui demandait l’exemption « d[evait] démontrer qu’il n’y a[vait] pas d’obstacle au transfert rapide de fonds propres ou au remboursement de passifs ». Les orientations publiques de 2020 ont donc rappelé sans ambiguïté l’obligation de résultat à laquelle étaient tenus les demandeurs d’exemption – à savoir l’existence d’un mécanisme de transfert de pertes intragroupe garantissant que les obstacles
potentiels au transfert de fonds propres étaient contournés – mais n’ont pas restreint les possibilités de mécanismes pour y parvenir. Ce faisant, le CRU a donc implicitement admis la possibilité que le mécanisme en question prenne la forme d’une garantie de l’entreprise mère au profit de sa filiale.
127 À cet égard, la République française se prévaut en vain de l’arrêt du 12 février 2014, Beco/Commission (T‑81/12, EU:T:2014:71), dans lequel le Tribunal a conclu à une violation du principe de sécurité juridique. L’arrêt en question concernait un avis interprétatif de la Commission destiné à éclairer des opérateurs économiques, mais qui aboutissait à un résultat opposé en ce qu’il avait émis des « signaux contradictoires ». Or, pour les raisons exposées au point 126 ci-dessus, il convient de
constater qu’il n’y a eu en l’espèce ni signaux contradictoires ni mesures imprévisibles.
128 Troisièmement, contrairement à ce que soutient la République française, les échanges qui ont eu lieu entre le groupe bancaire concerné, le CRU et l’équipe de résolution interne au cours de la procédure administrative peuvent être pris en compte dans l’appréciation du respect du principe de sécurité juridique, lequel ne se détermine pas uniquement in abstracto. Or, le comité d’appel a rappelé, notamment aux points 73 et 87 de la décision attaquée, que le CRU et l’équipe de résolution interne
avaient clairement exprimé leurs réserves sur les engagements de liquidité et de capital pour la filiale par le biais des garanties de 2014 et de 2015. Le groupe bancaire concerné avait donc été mis au courant de la position du CRU dans les circonstances de l’espèce.
129 Quatrièmement, il ressort de l’examen du premier moyen que, en aucune façon le comité d’appel n’aurait validé une approche prétendument suivie par le CRU consistant à faire application d’une obligation, par principe et de manière automatique, de délivrance d’une garantie spécifique à l’égard du groupe bancaire concerné. En effet, c’est à bon droit que ledit comité a considéré que le CRU avait examiné de façon concrète le cas d’espèce et, en particulier, les garanties de 2014 et de 2015.
130 À cet égard, le CRU fait opportunément observer qu’il a effectué une évaluation au cas par cas au cours du cycle de planification de la résolution de l’année 2020 et qu’il n’a pas demandé de garantie à toutes les banques. Il indique en effet avoir accordé six exemptions, dont trois sans garanties. Cet élément de fait corrobore la conclusion du comité d’appel selon laquelle le CRU n’exige pas de façon automatique et in abstracto la délivrance d’une garantie spécifique.
131 Enfin, le manuel interne du CRU dans ses versions applicables en 2020 et 2021 n’était pas accessible au groupe bancaire concerné. Dans ces conditions, ce document n’a pas pu donner de « signaux contradictoires » ni induire en erreur le groupe bancaire concerné. De plus, il ne ressort d’aucun point de la décision attaquée que le comité d’appel aurait validé une approche par laquelle le CRU aurait appliqué de façon purement mécanique des instructions figurant dans son manuel interne.
132 Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, le deuxième moyen doit être écarté comme non fondé.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
133 La République française soutient que le comité d’appel a considéré, à tort, que le CRU avait satisfait à l’obligation de motivation. Selon elle, la motivation figurant dans la décision du CRU, validée par le comité d’appel, est lacunaire, puisque qu’elle n’a pas permis de comprendre pourquoi la condition prévue à l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 n’était pas remplie ni quelles seraient les caractéristiques d’une garantie susceptible de répondre aux attentes du
CRU. Le CRU n’aurait donc pas justifié en quoi il existait un obstacle au transfert rapide de fonds propres ou au remboursement rapide de passifs par l’entité de résolution à la filiale. Elle ajoute que le comité d’appel s’est limité à indiquer que les éléments fournis par le groupe bancaire concerné (notamment les garanties de 2014 et de 2015) pouvaient ne pas être suffisants dans un scénario de crise pour assurer le transfert rapide des fonds propres et qu’une telle motivation ne permet pas de
justifier l’existence d’un obstacle « significatif » au transfert rapide des fonds, « en droit ou en fait, actuel ou prévu ».
134 Le CRU soutient que ce moyen doit être écarté.
135 La motivation exigée, notamment, par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, point 85 et jurisprudence citée).
136 L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées par l’acte au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait
aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 8 juillet 2020, Crédit agricole/BCE, T‑576/18, EU:T:2020:304, point 130 et jurisprudence citée).
137 En l’espèce, eu égard aux moyens invoqués par la partie appelante devant le comité d’appel, tels que rappelés aux points 76 à 78 ci-dessus, le Tribunal considère que le comité d’appel a spécifié, dans la décision attaquée, les éléments de fait et de droit revêtant une importance essentielle en ce que les motifs y figurant ont permis, d’une part, à la République française de connaître les justifications de ladite décision afin de la contester et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son
contrôle sur la légalité de cette décision.
138 En effet, la République française a pu contester le bien-fondé du raisonnement du comité d’appel figurant dans la décision attaquée. Elle a en effet pu faire valoir que le comité d’appel avait avalisé une interprétation erronée, par le CRU, de l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 et avait ignoré l’« excès de compétence » du CRU. De plus, ainsi qu’il ressort de l’analyse ci-dessus des moyens et des arguments soulevés dans la requête, le Tribunal a pu se prononcer
sur cette argumentation et exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée.
139 En particulier, les motifs, rappelés, notamment, aux points 82 à 88 ci-dessus, sur lesquels le comité d’appel s’est appuyé pour conclure que le CRU avait opéré un examen concret de la situation du groupe concerné, ont permis à suffisance de droit à la République française de connaître les justifications de l’approche retenue par le comité en question.
140 Par ailleurs, et en tout état de cause, les motifs figurant dans la décision du CRU ont permis à la République française de comprendre les raisons pour lesquelles le CRU avait estimé nécessaire que l’entreprise mère délivre une garantie au profit de sa filiale pour qu’il soit satisfait à la condition prévue à l’article 12 nonies, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 et celles pour lesquelles le CRU avait considéré que les garanties de 2014 et de 2015 étaient insuffisantes à cet égard.
Il convient d’ajouter que le contexte était bien connu du groupe bancaire concerné. En effet, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée et de celle du CRU, des échanges divers et intensifs entre le groupe bancaire concerné et le CRU sont intervenus au cours de la procédure administrative, des explications détaillées sur le caractère insuffisant de ces garanties ont été fournies et l’équipe de résolution interne responsable du groupe bancaire concerné a communiqué à ce dernier une liste des
caractéristiques clés d’une garantie, jugées pertinentes pour évaluer plus avant la demande d’exemption.
141 Par conséquent, c’est à tort que la République française allègue que la motivation de la décision attaquée est insuffisante.
142 Il s’ensuit que le troisième moyen doit être écarté comme non fondé.
143 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, le recours dans son ensemble doit être rejeté.
Sur les dépens
144 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République française ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du CRU.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La République française est condamnée aux dépens.
Schalin
Škvařilová-Pelzl
Nõmm
Steinfatt
Kukovec
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juillet 2024.
Le greffier
V. Di Bucci
Le président
S. Papasavvas
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( *1 ) Langue de procédure : le français.