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24/01/2024 | CJUE | N°T-602/22

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Veneziana Energia Risorse Idriche Territorio Ambiente Servizi SpA (Veritas) contre Commission européenne., 24/01/2024, T-602/22


 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

24 janvier 2024 ( *1 )

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Document communiqué dans le cadre d’une procédure EU Pilot de remboursement de la TVA – Document émanant d’un État membre – Refus d’accès – Accord préalable de l’État membre – Exception relative à la protection des procédures juridictionnelles – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑602/22,

Veneziana Energia Risorse Idriche Territorio Ambiente Servizi SpA (Veritas), établie à Ven

ise (Italie), représentée par Me A. Pasqualin, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

24 janvier 2024 ( *1 )

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Document communiqué dans le cadre d’une procédure EU Pilot de remboursement de la TVA – Document émanant d’un État membre – Refus d’accès – Accord préalable de l’État membre – Exception relative à la protection des procédures juridictionnelles – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑602/22,

Veneziana Energia Risorse Idriche Territorio Ambiente Servizi SpA (Veritas), établie à Venise (Italie), représentée par Me A. Pasqualin, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A.-C. Simon et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, S. Gervasoni (rapporteur) et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

vu l’ordonnance du 20 septembre 2023 ordonnant à la Commission de produire le document dont elle avait refusé l’accès à la requérante et la production de ce document par la Commission le 26 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Veneziana Energia Risorse Idriche Territorio Ambiente Servizi SpA (Veritas), demande l’annulation de la décision C(2022) 5221 final de la Commission, du 15 juillet 2022, refusant de lui communiquer la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019 envoyée dans le cadre de la procédure EU Pilot 9456/19/TAXUD relative au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) indûment perçue sur la redevance italienne pour l’hygiène de
l’environnement [tariffa di igiene ambientale, instituée par l’article 49 du decreto legislativo n. 22 (décret législatif no 22), du 5 février 1997, ci-après la « redevance TIAI »].

Cadre juridique

2 L’article 4 du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), dispose en ses paragraphes 2, 4 et 5 :

« 2.   Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

[…]

– des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

[…]

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[…]

4.   Dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 1 ou 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.

5.   Un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci. »

Antécédents du litige

3 La procédure EU Pilot constitue une procédure de coopération entre la Commission européenne et les États membres qui vise à permettre à la Commission de se forger une opinion quant à savoir si, sur une question donnée, le droit de l’Union européenne est respecté et correctement appliqué au sein des États membres. Ce type de procédure, qui s’est substitué à partir de 2008 à la phase informelle de la phase précontentieuse d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, vise à résoudre
d’éventuelles infractions au droit de l’Union de manière efficace en évitant, dans la mesure du possible, l’engagement d’une procédure en manquement, tout en pouvant déboucher sur l’engagement d’une telle procédure (voir arrêt du 9 octobre 2018, Pint/Commission, T‑634/17, non publié, EU:T:2018:662, point 31 et jurisprudence citée).

4 Dans le cadre de la procédure EU Pilot 9456/19/TAXUD engagée en l’espèce à la suite notamment de la plainte de la requérante (ci-après la « procédure EU Pilot »), la Commission a demandé aux autorités italiennes des clarifications à propos des modalités de remboursement de la TVA indûment perçue sur la redevance TIAI.

5 Par lettre du 2 août 2021, la Commission a informé la requérante qu’elle avait reçu la réponse des autorités italiennes et avait décidé de ne pas engager une procédure d’infraction pour non-respect du droit de l’Union par ces autorités.

6 Le 21 octobre 2021, la requérante a demandé à la Commission une copie de la réponse des autorités italiennes résumée dans la lettre du 2 août 2021.

7 La Commission a répondu, par lettre du 15 novembre 2021 (ci-après la « réponse initiale »), d’abord, en identifiant le document demandé comme étant la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019 envoyée dans le cadre de la procédure EU Pilot, puis en refusant l’accès à cette lettre au motif que sa divulgation porterait atteinte à la protection de procédures juridictionnelles en cours en Italie, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001.

8 La requérante a adressé une demande confirmative à la Commission le 30 novembre 2021, tendant à ce que celle-ci révise sa position.

9 La Commission a confirmé, le 15 juillet 2022, le refus de donner accès à la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019, à la suite de l’opposition à la divulgation de ladite lettre par ces dernières en vertu de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001, sur le fondement de l’exception au droit d’accès prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du même règlement (ci-après la « décision attaquée »).

Conclusions des parties

10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– à titre de mesure d’instruction, ordonner à la Commission de produire la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019 ;

– à titre de mesure d’instruction également, ordonner à la Commission de produire la réponse desdites autorités à leur consultation préalable à l’adoption de la décision attaquée ;

– ordonner toute autre mesure d’instruction qui serait jugée utile ;

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

11 À la suite de la communication par la Commission, en annexe au mémoire en défense, de ses échanges avec les autorités italiennes postérieurs à la réponse initiale et à la demande confirmative de la requérante, cette dernière a limité sa demande de production de la réponse des autorités italiennes à celle antérieure à ladite demande confirmative (voir point 10, deuxième tiret, ci-dessus).

12 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

13 La République italienne conclut au rejet du recours.

En droit

14 La requérante invoque deux moyens au soutien du recours. Le premier est tiré, en substance, de la violation de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 et de l’obligation de motivation. Le second est tiré, en substance, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, dudit règlement, lu en combinaison avec le paragraphe 5 du même article, de l’obligation d’examen diligent et de l’obligation de motivation.

Sur le premier moyen, tiré en substance de la violation de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 et de l’obligation de motivation

15 La requérante fait valoir, premièrement, que, compte tenu de la contradiction entre la réponse initiale, d’une part, qui ne fait aucune référence à l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 et à l’opposition des autorités italiennes permise par cette disposition, et la décision attaquée, d’autre part, qui mentionne ladite disposition ainsi que cette opposition, elle n’est pas en mesure de déterminer quelle procédure a été appliquée et si elle l’a été à bon droit. Elle précise, dans la
réplique, reprocher à la Commission, non une différence entre la réponse initiale et la décision attaquée, mais une inexactitude de la décision attaquée en ce qu’elle aurait indiqué erronément que la réponse initiale était fondée sur les dispositions combinées de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1049/2001.

16 La requérante en déduit, deuxièmement, que, dans la mesure où il ne ressortirait pas de la procédure devant la Commission de manifestation antérieure de volonté des autorités italiennes, une évaluation exhaustive de la demande d’accès serait requise, à la différence de l’hypothèse de l’opposition effective d’un État membre, dans laquelle la jurisprudence aurait admis un examen à première vue de l’opposition par la Commission. Or, en l’espèce, la Commission n’aurait pas mené l’examen approfondi
exigé et n’aurait pas procédé à l’appréciation autonome requise en l’absence d’exercice par les autorités italiennes de la faculté prévue à l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001.

17 Il doit être relevé, en premier lieu, à propos de l’allégation de violation de l’obligation de motivation, que la requérante se borne en réalité à contester le bien-fondé de l’appui par la Commission sur l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001.

18 En effet, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35, et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 28). Un acte insuffisamment motivé, au sens de l’obligation de motivation formelle, est celui qui ne permet pas de comprendre pourquoi, sur
quel fondement ou pour quelle raison il a été adopté, alors que les motifs d’un acte, qui sont ses raisons et justifications, peuvent être suffisamment connus et compréhensibles, mais insuffisants pour le justifier légalement, en ce qu’ils ne sont pas étayés, pertinents ou conformes aux dispositions applicables.

19 Or, en l’espèce, la requérante a clarifié son argumentation dans la réplique, en précisant qu’elle ne reprochait pas à la Commission une différence entre la réponse initiale et la décision attaquée l’empêchant de connaître, de comprendre et donc de contester les motifs de cette décision, ce qui aurait correspondu à une contestation de forme, mais qu’elle critiquait l’appui erroné sur l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 en l’absence d’opposition effective à la divulgation par les
autorités italiennes, en particulier avant la réponse initiale (voir point 15 ci-dessus). Ainsi, la requérante conteste la non-conformité de la décision attaquée aux dispositions applicables.

20 En tout état de cause, il peut être considéré en l’espèce que la décision attaquée, en ce qu’elle mentionne l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1049/2001, permet à la requérante de connaître ses motifs et au Tribunal de contrôler leur légalité, ainsi que l’exige la jurisprudence relative au respect de l’obligation de motivation (voir arrêt du 24 mai 2011, NLG/Commission, T‑109/05 et T‑444/05, EU:T:2011:235, point 81 et jurisprudence citée). En effet, il ressort sans ambiguïté de la
décision attaquée que les autorités italiennes ont été consultées en vertu de l’article 4, paragraphe 4, dudit règlement et qu’elles ont exprimé leur opposition à la divulgation de leur lettre du 17 octobre 2019 sur le fondement de l’article 4, paragraphe 5, du même règlement. En particulier, la Commission y indique, dans une partie introductive (point 1), avoir adopté une réponse initiale de refus de divulgation à la suite de la consultation des autorités italiennes, en application de
l’article 4, paragraphes 4 et 5, de ce règlement, et consacre une partie de la décision attaquée (point 2.1) à l’exposé des motifs de l’opposition des autorités italiennes.

21 Il est vrai que l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 n’a pas été mentionné dans la réponse initiale. Toutefois, cette circonstance ne permet pas de considérer que la décision attaquée serait insuffisamment motivée. En effet, d’une part, même sans citer cette disposition, la réponse initiale indique clairement l’opposition des autorités italiennes à la divulgation de leur lettre du 17 octobre 2019. D’autre part, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux
exigences de l’article 296 TFUE doit certes être appréciée au regard de son contexte, mais elle doit l’être au regard surtout de son libellé, clair en l’occurrence (voir point 20 ci-dessus), et également de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63, et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 29). Or, en l’espèce, comme le soulignent la
Commission et la République italienne, les articles 7 et 8 dudit règlement prévoient une procédure en deux étapes, permettant à l’institution concernée de traiter avec davantage de promptitude les demandes initiales, avant d’adopter le cas échéant, en cas de demande confirmative, une position circonstanciée, et ainsi plus complète, de refus de ladite demande (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 54, et du 11 décembre
2018, Arca Capital Bohemia/Commission, T‑440/17, EU:T:2018:898, point 18). Il ne saurait, partant, être déduit de l’absence de mention de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 dans la réponse initiale un doute quant au fondement effectif de la décision attaquée sur cette disposition qui y est citée.

22 Un tel doute est d’autant moins permis qu’il ressort des écritures de la requérante que la motivation de la décision attaquée l’a mise en mesure de comprendre que cette dernière était fondée sur l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001, dès lors qu’elle conteste par ailleurs l’appui sur ladite disposition en l’espèce au motif que les autorités italiennes n’auraient pas exercé la faculté prévue par cette disposition.

23 Précisément, s’agissant, en second lieu, de l’appui prétendument illégal de la décision attaquée sur l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001, il a été jugé qu’il ne résulte ni de cette disposition, ni de la jurisprudence que, afin de pouvoir former une opposition, il est nécessaire que l’État membre, auteur du document en cause, fasse au préalable une demande formelle spécifique à l’institution concernée et il n’est pas davantage requis que l’État membre invoque explicitement ladite
disposition. Rien n’indique dans le libellé de cette dernière, qui est une disposition de caractère procédural consacrée au processus d’adoption d’une décision de l’Union (arrêts du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, points 78 et 81, et du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 53), que l’État membre doit présenter une demande formelle, sans laquelle l’opposition exprimée par celui-ci ne saurait être prise en
considération dans l’adoption de ladite décision (arrêt du 8 février 2018, POA/Commission, T‑74/16, non publié, EU:T:2018:75, points 32 à 34). Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, l’État membre n’est pas tenu de procéder en deux temps pour s’opposer à la divulgation de l’un de ses documents, d’abord en demandant à la Commission de ne pas divulguer le document en cause sans son accord préalable, puis en refusant de donner cet accord.

24 Il s’ensuit également que, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que l’État membre concerné soit consulté au titre de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 n’exclut pas l’application subséquente de l’article 4, paragraphe 5, du même règlement. Ces deux dispositions n’ont pas été envisagées comme étant exclusives l’une de l’autre, mais plutôt, ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires dudit règlement (voir proposition modifiée de règlement du Parlement européen
et du Conseil relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, JO 2001, 240 E, p. 165, point 2.4), comme une disposition relative aux tiers en général (paragraphe 4) et une disposition s’appliquant aux tiers spécifiques que sont les États membres et reprenant la déclaration no 35 annexée au traité d’Amsterdam (paragraphe 5) (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2018, Malte/Commission, T‑653/16, EU:T:2018:241, points 98 et 99, et conclusions de l’avocat
général Poiares Maduro dans l’affaire Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:433, point 48).

25 En outre, aux fins de garantir une application effective de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001, notamment en donnant à l’État membre concerné la possibilité d’exiger son accord préalable pour la divulgation d’un document dont il est l’auteur, encore faut-il que celui-ci soit informé de l’existence d’une demande d’accès à ce document, ce qui est précisément l’objet de la consultation prévue à l’article 4, paragraphe 4, du même règlement.

26 Ainsi, en l’espèce, il peut être considéré que les objections exprimées par les autorités italiennes à la divulgation de leur lettre du 17 octobre 2019, à la suite de leur consultation, et ressortant des courriers électroniques envoyés à la Commission les 31 mars, 5 avril et 6 mai 2022, traduisent le refus de ces autorités de divulguer ladite lettre sans leur accord préalable ainsi que leur désaccord subséquent à cette divulgation au titre de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001.
Plus précisément, lesdites autorités ont indiqué le 31 mars 2022 que, dans l’attente de l’obtention des éléments requis, elles ne pouvaient autoriser l’accès à cette lettre. Le 5 avril 2022, elles ont confirmé le refus d’accès et, le 6 mai 2022, elles ont fourni des précisions relatives à ce refus. Il en résulte la manifestation effective de volonté des autorités italiennes, en l’occurrence antérieure à la décision attaquée, de s’opposer à la divulgation, ce qui suffit, en l’absence d’exigence
temporelle particulière fixée par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 autre que celle d’un accord « préalable » à la divulgation.

27 Il n’est, dès lors, pas pertinent que la Commission n’ait pas établi, comme elle l’affirme dans la décision attaquée, sans que cela soit confirmé par la République italienne dans son mémoire en intervention, que les autorités italiennes auraient exprimé leur opposition dès avant l’envoi de la réponse initiale.

28 Il s’ensuit que la Commission s’est, à juste titre, fondée sur l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 et que, conformément au contrôle des motifs de non-divulgation avancés par l’État membre impliqué par cette disposition (voir point 40 ci-après), il ne lui appartenait pas de procéder à une appréciation exhaustive des raisons de la décision d’opposition des autorités italiennes.

29 Le premier moyen doit, par conséquent, être écarté, sans qu’il y ait lieu de demander à la Commission de produire ses échanges avec les autorités italiennes préalables à l’envoi de la réponse initiale.

Sur le second moyen, tiré en substance de la violation de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, lu en combinaison avec le paragraphe 5 du même article, de l’obligation d’examen diligent et de l’obligation de motivation

30 La requérante reproche à la Commission d’avoir méconnu son obligation, qui demeurerait même dans l’hypothèse d’une évaluation à première vue de l’opposition à la divulgation, de vérifier et d’expliquer en quoi l’accès au document demandé pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé, en l’occurrence celui fondé sur la protection des procédures juridictionnelles au titre de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001. Elle se fonde, à cet
égard, sur la nécessaire interprétation stricte des exceptions au droit d’accès du public aux documents ainsi que sur les termes hypothétiques employés dans la décision attaquée, la mention d’une seule procédure juridictionnelle nationale en cours, d’ailleurs non précisée, et l’absence d’explication relative à l’atteinte à l’égalité des armes devant le juge par rapport à elle-même, demanderesse d’accès en l’espèce. Elle souligne, dans ses observations sur le mémoire en intervention,
l’insuffisance du motif tiré du caractère particulièrement plausible d’un renvoi préjudiciel dans les procédures juridictionnelles nationales en cause, qui avait été avancé par les autorités italiennes pour justifier le refus d’accès. En outre, les motifs fournis dans la décision attaquée seraient insuffisants, vagues et dépourvus de toute substance.

31 La requérante souligne, dans la réplique, en se fondant sur la jurisprudence, la nécessité d’un lien effectif entre l’accès demandé et la rupture de l’équilibre procédural dans le cadre d’un litige clairement déterminé, alors que, en l’espèce, la seule procédure à laquelle elle était partie aurait été définitivement clôturée avant l’adoption de la décision attaquée. Elle relève par ailleurs que, contrairement à ce que la Commission prétend dans le cadre de la présente instance, celle-ci a averti
les autorités italiennes de la nécessité d’expliquer de quelle manière la divulgation du document demandé porterait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé en cause, d’autant que, selon sa propre appréciation, ledit document pouvait être divulgué. Elle ajoute que, en tout état de cause, la Commission a manqué à son devoir d’examiner si l’État membre avait dûment motivé sa position, en s’assurant de l’existence d’une telle motivation et en en faisant état dans la décision
attaquée.

32 Il convient de rappeler que le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 33, et du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 40). En vertu de l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement, ce droit couvre non seulement les documents
établis par une institution, mais également ceux reçus par elle de tiers, au nombre desquels figurent les États membres, ainsi que le précise expressément l’article 3, sous b), du même règlement.

33 Toutefois, ce droit d’accès n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 62, et du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 41). En particulier, l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 énonce qu’un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de lui sans son accord préalable.

34 En l’espèce, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen, la République italienne a exercé la faculté qui lui était ouverte par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 et a demandé à la Commission de ne pas divulguer la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019.

35 L’exercice du pouvoir dont l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 investit l’État membre concerné se trouve encadré par les exceptions matérielles qu’énumèrent les paragraphes 1 à 3 de ce même article, cet État membre se voyant à cet égard simplement reconnaître un pouvoir de participation à la décision de l’institution. L’accord préalable de l’État membre concerné auquel se réfère cet article 4, paragraphe 5, s’apparente ainsi non à un droit de veto discrétionnaire, mais à une
forme d’avis conforme quant à l’inexistence de motifs d’exception tirés des paragraphes 1 à 3 du même article. Le processus décisionnel ainsi institué par ledit article 4, paragraphe 5, exige donc que l’institution et l’État membre concernés s’en tiennent aux exceptions matérielles prévues auxdits paragraphes 1 à 3 (voir arrêt du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 58 et jurisprudence citée).

36 Dès lors que la mise en œuvre de règles du droit de l’Union est ainsi confiée conjointement à l’institution et à l’État membre qui a exercé la faculté ouverte par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 et que, partant, une telle mise en œuvre est tributaire du dialogue devant se nouer entre eux, ceux-ci sont tenus, conformément à l’obligation de coopération loyale énoncée à l’article 4, paragraphe 3, TUE, d’agir et de coopérer de sorte que lesdites règles puissent recevoir une
application effective (arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 85).

37 Néanmoins, l’intervention de l’État membre concerné n’affecte pas, au regard du demandeur, le caractère d’acte de l’Union de la décision que lui adresse ultérieurement l’institution en réponse à la demande d’accès dont il l’a saisie concernant un document détenu par cette dernière (arrêts du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 94, et du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 60).

38 Il résulte de la jurisprudence exposée aux points 32 à 37 ci-dessus, premièrement, que l’État membre concerné qui, au terme du dialogue noué avec l’institution, serait opposé à la divulgation du document en cause est tenu de motiver cette opposition au regard des exceptions énumérées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1049/2001. L’institution ne saurait en effet donner suite à l’opposition manifestée par un État membre à la divulgation d’un document qui émane de lui si cette
opposition est dénuée de toute motivation ou si la motivation avancée n’est pas articulée par référence à ces exceptions. Lorsque, nonobstant l’invitation expresse en ce sens adressée par l’institution à l’État membre concerné, ce dernier demeure en défaut de lui fournir une telle motivation, ladite institution doit, si elle considère pour sa part qu’aucune desdites exceptions ne s’applique, donner accès au document sollicité (arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802,
points 87 et 88).

39 En outre, ainsi qu’il ressort notamment des articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001, l’institution est elle-même tenue de motiver la décision de refus qu’elle oppose à l’auteur de la demande d’accès. Une telle obligation implique que l’institution fasse état, dans sa décision, non seulement de l’opposition manifestée par l’État membre concerné à la divulgation du document demandé, mais également des raisons invoquées par cet État membre aux fins de conclure à l’application de l’une des
exceptions au droit d’accès prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du même règlement. De telles indications sont en effet de nature à permettre au demandeur de comprendre l’origine et les raisons du refus qui lui est opposé et à la juridiction compétente d’exercer, le cas échéant, le contrôle qui lui est dévolu (arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 89).

40 Il s’ensuit, deuxièmement, qu’il n’incombe pas à l’institution de procéder, au regard du document dont la divulgation est refusée, à une appréciation exhaustive des motifs d’opposition invoqués par l’État membre sur le fondement des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001 (arrêts du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 65, et du 5 avril 2017, France/Commission, T‑344/15, EU:T:2017:250, point 45). Ainsi, l’obligation
d’examen concret et individuel qui découle du principe de transparence n’est pas d’application lorsque la demande d’accès concerne un document émanant d’un État membre au titre de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 (arrêts du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 81, et du 8 février 2018, POA/Commission, T‑74/16, non publié, EU:T:2018:75, point 61). En effet, exiger une telle appréciation exhaustive pourrait aboutir à ce que, une fois celle-ci
effectuée, l’institution saisie puisse, à tort, procéder à la communication au demandeur du document en cause nonobstant l’opposition dûment motivée de l’État membre dont émane ce document (arrêt du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 64).

41 En revanche, l’obligation d’examen diligent de l’institution doit la conduire à vérifier si les explications données par l’État membre pour s’opposer à la divulgation de ses documents lui paraissent prima facie fondées. Il importe à l’institution de vérifier si, compte tenu des circonstances de l’espèce et des règles de droit applicables, les motifs avancés par l’État membre au soutien de son opposition étaient de nature à justifier à première vue un tel refus et, partant, si ces motifs
permettaient à ladite institution d’assumer la responsabilité que lui confère l’article 8 du règlement no 1049/2001. Il s’agit d’éviter l’adoption par l’institution d’une décision qu’elle n’estimait pas défendable alors qu’elle en est l’auteur et donc responsable de sa légalité (voir arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 70 et jurisprudence citée).

42 Par le présent moyen, la requérante conteste précisément tant le respect de l’obligation de motivation (premier grief) que celui de l’obligation d’examen diligent (deuxième grief) et le résultat de cet examen (troisième grief).

43 S’agissant, en premier lieu, du respect en l’espèce de l’obligation de motivation, il convient de relever que, au point 2.1 de la décision attaquée, la Commission a exposé que les autorités italiennes avaient, en se prévalant de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, fondé leur refus de divulgation sur l’atteinte à l’intégrité de procédures juridictionnelles pendantes relatives au remboursement de la TVA, dont elles ont communiqué les références, et sur l’atteinte à
l’égalité des armes en cas d’accès de l’autre partie auxdites procédures à leur lettre du 17 octobre 2019, qui avait été communiquée à titre confidentiel aux autorités de l’Union dans le cadre de la procédure EU Pilot relative au remboursement de la TVA indûment perçue sur la redevance TIAI. Elle a également mentionné les éventuels renvois préjudiciels à la Cour évoqués par les autorités italiennes en se fondant sur le fait que la TVA faisant l’objet des procédures nationales en cause était
soumise à des règles européennes harmonisées.

44 Il peut en être déduit que la Commission s’est assurée de l’existence de la motivation de l’opposition des autorités italiennes et a fait état des motifs invoqués à cet égard dans la décision attaquée. Elle a ainsi permis à la requérante de comprendre les motifs du refus de divulgation de la lettre desdites autorités du 17 octobre 2019.

45 Le premier grief tiré de la violation de l’obligation de motivation doit, partant, être écarté.

46 S’agissant, en deuxième lieu, du respect par la Commission de son obligation d’examen diligent du refus de divulgation des autorités italiennes, il y a lieu de constater que, au point 2.2 de la décision attaquée intitulé « Évaluation prima facie de la Commission », après avoir rappelé les dispositions applicables, en particulier l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, ainsi que la jurisprudence correspondante, la Commission a rappelé que lesdites autorités avaient
souligné que leur lettre du 17 octobre 2019 contenait leur position sur la question du remboursement de la TVA indûment perçue sur la redevance TIAI, que cette question était en cause dans des affaires pendantes devant les juridictions italiennes, dont les références ont été fournies, et qu’il y avait une grande probabilité de renvois préjudiciels devant la Cour. La Commission a, ensuite, estimé que la divulgation de ladite lettre placerait ces autorités dans une situation de net désavantage par
rapport aux autres parties, car celles-ci connaîtraient à l’avance la position des autorités en question et pourraient ajuster et affiner leurs arguments, ce qui entraînerait un avantage systématique en leur faveur. Elle en a conclu qu’il existait un risque réel et non hypothétique de mettre en péril et de compromettre sérieusement les procédures juridictionnelles en cours en Italie en vertu de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001.

47 Une telle analyse correspond à l’évaluation prima facie requise par la jurisprudence citée aux points 40 et 41 ci-dessus.

48 En effet, il s’agit seulement pour la Commission de vérifier si les éléments fournis par les autorités italiennes rendent plausible l’atteinte à la protection des procédures juridictionnelles au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001. Un tel contrôle de plausibilité implique par nature l’usage de termes non clairement affirmatifs, ce qui ne saurait, dès lors, être reproché à la Commission.

49 En revanche, il ne s’agit pas pour la Commission de s’assurer de l’atteinte concrète et effective à la protection des procédures juridictionnelles en Italie. À cet égard, contrairement à ce que prétend la requérante, en rappelant aux autorités italiennes la nécessité d’expliquer de quelle manière la divulgation du document demandé porterait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé en cause, la Commission s’est bornée à rappeler à ces autorités leur obligation d’effectuer un tel
contrôle, mais n’a pas estimé devoir elle-même procéder à ce contrôle.

50 Enfin, le fait que la Commission ait indiqué aux autorités italiennes, après la demande confirmative, qu’elle estimait que leur lettre du 17 octobre 2019 pouvait être divulguée atteste également de l’examen diligent mené en l’occurrence, dès lors que cette indication était accompagnée d’une demande d’explications supplémentaires et du rappel des critères jurisprudentiels permettant la protection de l’intérêt en cause, conformément à la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus et au dialogue
devant se nouer entre la Commission et l’État membre concerné en vertu de l’obligation de coopération loyale (voir point 36 ci-dessus).

51 Il s’ensuit que le deuxième grief tiré du non-respect par la Commission de son obligation d’examen diligent de l’opposition des autorités italiennes doit également être écarté.

52 S’agissant, en troisième lieu, du bien-fondé du refus de divulgation de la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019 au titre de la protection des procédures juridictionnelles en vertu de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, il convient de rappeler, à titre liminaire, que lorsqu’un État membre invoque l’article 4, paragraphe 5, dudit règlement et avance des motifs de refus énumérés aux paragraphes 1 à 3 du même article, il relève de la compétence du juge
de l’Union de contrôler, à la demande de l’intéressé auquel a été opposé un refus d’accès par l’institution sollicitée et pour la protection juridictionnelle de celui-ci, si ce refus a pu être valablement fondé sur lesdites exceptions, et ce que ce refus procède de l’appréciation de celles-ci par l’institution elle-même ou par l’État membre concerné (arrêts du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 72, et du 24 mai 2011,
Batchelor/Commission, T‑250/08, EU:T:2011:236, point 67). Lorsque l’accès est refusé sur le fondement de l’article 4, paragraphe 5, du règlement en question, le juge de l’Union exerce donc un contrôle complet de la décision de refus de la Commission qui repose sur l’appréciation matérielle par l’État membre concerné de l’applicabilité des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, de ce règlement, et ce même si la Commission a refusé l’accès à un document émanant d’un État membre après
avoir constaté, sur la base d’un contrôle prima facie, que, selon elle, les motifs d’opposition présentés par cet État membre n’étaient pas invoqués de manière manifestement inappropriée (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, points 70 à 72).

53 Il convient également de rappeler que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document en cause.

54 La protection des procédures juridictionnelles implique notamment que soient assurés tant le respect du principe d’égalité des armes que la bonne administration de la justice et l’intégrité de la procédure juridictionnelle (arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 38).

55 D’une part, s’agissant du respect du principe de l’égalité des armes, il convient d’observer que, si le contenu de documents exposant la position d’une institution ou d’un État membre dans un litige devait faire l’objet d’un débat public, les critiques portées à l’encontre de ceux-ci risqueraient d’influencer indûment la position défendue par l’institution ou l’État membre devant les juridictions en cause. En outre, l’accès aux documents afférents à la position d’une institution ou d’un État
membre dans une procédure juridictionnelle en cours par une autre partie serait susceptible de fausser l’équilibre indispensable entre les parties à un litige, équilibre qui est à la base du principe de l’égalité des armes, dans la mesure où seuls l’institution ou l’État membre concernés par une demande d’accès à des documents, et non l’ensemble des parties à la procédure, seraient soumis à l’obligation de divulgation. Le respect du principe de l’égalité des armes est pourtant indispensable, dès
lors qu’il est un corollaire de la notion même de « procès équitable » (voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, points 86 et 87 et jurisprudence citée, et du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 132).

56 D’autre part, s’agissant de la bonne administration de la justice et de l’intégrité de la procédure juridictionnelle, il convient de rappeler que l’exclusion de l’activité juridictionnelle du champ d’application du droit d’accès aux documents se justifie au regard de la nécessité de garantir, tout au long de la procédure juridictionnelle, que les débats entre les parties ainsi que le délibéré de la juridiction concernée sur l’affaire en instance se déroulent en toute sérénité, sans pressions
extérieures sur l’activité juridictionnelle. Or, la divulgation de documents exposant la position défendue par une institution ou un État membre dans une procédure juridictionnelle pendante permettrait d’exercer, ne fût-ce que dans la perception du public, des pressions extérieures sur l’activité juridictionnelle et de porter préjudice à la sérénité des débats (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541,
points 92 et 93).

57 Ainsi, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, l’intérêt public s’oppose à la divulgation du contenu des documents rédigés aux seules fins d’une procédure juridictionnelle particulière. Ces documents comprennent les mémoires ou actes déposés au cours d’une procédure juridictionnelle, les documents internes concernant l’instruction d’une affaire en cours, les communications relatives à l’affaire entre la direction générale concernée et le service juridique
ou un cabinet d’avocats (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 41 et jurisprudence citée).

58 L’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 s’oppose également à la divulgation des documents qui n’ont pas été rédigés pour les seuls besoins d’un litige particulier, mais dont la divulgation est susceptible de compromettre, dans le cadre d’un litige particulier, le principe de l’égalité des armes. Toutefois, pour que cette exception puisse s’appliquer, il faut que les documents demandés, au moment de la prise de la décision refusant l’accès à ceux-ci, aient un lien
pertinent avec une procédure juridictionnelle pendante. Dans ce cas, bien que lesdits documents n’aient pas été élaborés dans le cadre d’une procédure juridictionnelle particulière, l’intégrité de la procédure juridictionnelle concernée et le principe de l’égalité des armes entre les parties pourraient être sérieusement mis à mal si des parties bénéficiaient d’un accès privilégié à des informations internes de l’autre partie ayant un rapport étroit avec les aspects juridiques d’un litige pendant
ou potentiel, mais imminent (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 42 et jurisprudence citée).

59 En l’espèce, il n’est pas contesté que la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019 n’a pas été rédigée pour les seuls besoins d’un litige particulier. Il s’agit d’une réponse desdites autorités à une demande d’informations de la Commission dans le cadre de la procédure EU Pilot engagée à leur égard à la suite de plaintes relatives aux modalités de remboursement de la TVA indûment perçue sur la redevance TIAI. Il est rappelé que l’objectif des procédures EU Pilot est de vérifier si le
droit de l’Union est respecté et appliqué correctement au sein des États membres (voir point 3 ci-dessus). À cette fin, la Commission a recours habituellement à des demandes de renseignements et d’informations, adressées tant aux États membres impliqués qu’aux citoyens et entreprises concernés (arrêt du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑669/11, EU:T:2014:814, point 64). Il s’agit donc d’une procédure de nature administrative, qui peut conduire à l’engagement d’une procédure de manquement,
en ce compris une action en manquement devant la Cour, ce qui n’a toutefois pas été le cas en l’espèce, dès lors que la Commission a décidé de ne pas engager une telle procédure (voir point 5 ci-dessus).

60 Les autorités italiennes ont néanmoins fait valoir auprès de la Commission que la divulgation de la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019 pourrait porter atteinte à la position des administrations compétentes en tant que parties dans une série de recours pendants devant les juridictions italiennes, en communiquant un tableau récapitulatif de l’ensemble des procédures juridictionnelles concernées (ci-après le « tableau »), tableau que la Commission a produit en annexe au mémoire en
défense.

61 Il importe, tout d’abord, de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort du tableau que plusieurs procédures sont pendantes et non une seule. Compte tenu du tableau et de la mention, à plusieurs reprises dans la décision attaquée, d’une pluralité de procédures juridictionnelles nationales (point 2.1, quatrième, huitième et neuvième alinéas, dont l’un faisant référence au tableau, ainsi que point 2.2, douzième et quatorzième alinéas), la référence à une seule procédure
aux deux derniers alinéas du point 2.2 de la décision attaquée peut être considérée comme une erreur de plume. Il peut être ajouté que, en tout état de cause, l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles peut justifier un refus de divulgation, même si une seule procédure juridictionnelle est concernée (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 98).

62 Par ailleurs, dans la mesure où la requérante s’appuie sur le fait qu’elle-même n’est partie qu’à une seule des procédures référencées dans le tableau, laquelle au surplus était clôturée au moment de la prise de décision sur la demande d’accès, il peut être relevé que la divulgation de la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019 pourrait lui conférer une très large publicité, permettant notamment aux parties aux autres procédures encore pendantes de s’en prévaloir à l’encontre des
autorités italiennes dans le cadre desdites procédures (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 56).

63 Il convient, ensuite, de déterminer si la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019 présente un lien pertinent avec les procédures juridictionnelles nationales recensées dans le tableau, autres que celle à laquelle la requérante était partie et qui était clôturée au moment de la prise de décision sur la demande d’accès.

64 Ainsi qu’il ressort du tableau, parmi les douze procédures mentionnées, exception faite de celle de la requérante, neuf étaient pendantes au moment de la prise de décision sur la demande d’accès, ainsi que l’exige la jurisprudence relative à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 (voir arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission,T‑485/18, EU:T:2020:35, point 42 et jurisprudence citée), et portaient sur des recours introduits par ou à
l’encontre de l’administration fiscale italienne à propos du remboursement de la TVA sur la redevance TIAI en application de l’article 30 ter, paragraphe 2, du decreto n. 633 del Presidente della Repubblica – Istituzione e disciplina dell’imposta sul valore aggiunto (décret no 633 du président de la République instituant et réglementant la TVA), du 26 octobre 1972, (supplément ordinaire à la GURI no 292, du 11 novembre 1972).

65 Il existe, dès lors, un lien évident entre ces procédures, qui portent sur des litiges opposant l’administration fiscale italienne et des contribuables au sujet du remboursement de la TVA sur la redevance TIAI, et la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019, produite en exécution d’une mesure d’instruction, qui, ainsi qu’il ressort de ses termes, constitue une prise de position des autorités ministérielles italiennes sur les modalités de ce remboursement. En effet, ladite lettre
divulgue la position des autorités italiennes sur la question litigieuse soulevée dans les procédures pendantes devant les juridictions italiennes, établissant ce faisant le lien pertinent et le rapport étroit avec les aspects juridiques des litiges pendants requis par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2023, Troy Chemical Company/Commission, T‑662/21, non publié, EU:T:2023:442, point 57 et jurisprudence citée).

66 Or, d’une part, l’égalité des armes entre les parties pourrait être sérieusement mise à mal si des parties bénéficiaient d’un accès privilégié à ces informations de l’autre partie ayant certes un rapport étroit avec les aspects juridiques des litiges pendants, mais communiquées à titre confidentiel à la Commission dans le cadre de la procédure EU Pilot (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2022, Leino-Sandberg/Parlement, T‑421/17 RENV, non publié, EU:T:2022:592, point 41 et jurisprudence
citée). En outre, la divulgation de la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019 serait de nature à obliger, de fait, les autorités italiennes à se défendre contre des allégations portées par les parties adverses contre des considérations figurant dans ladite lettre dont elles ne se sont, le cas échéant, pas prévalues aux fins de leur défense devant les juridictions italiennes et, ainsi, nuirait à l’efficacité de leur défense, alors que les autres parties aux procédures en cause ne
subiraient pas une telle contrainte (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2022, Leino-Sandberg/Parlement, T‑421/17 RENV, non publié, EU:T:2022:592, point 51 et jurisprudence citée). En effet, comme le souligne la République italienne, compte tenu de la nature différente, d’une part, de la procédure EU Pilot, visant à résoudre une éventuelle infraction au droit de l’Union, et, d’autre part, des procédures juridictionnelles pendantes en cause opposant l’administration fiscale italienne à des
contribuables, les éléments indiqués par les autorités italiennes à la Commission et aux juges nationaux ne sont pas nécessairement les mêmes.

67 D’autre part, la divulgation de la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019 exposant la position défendue par ces autorités sur une question au cœur de plusieurs litiges pendants permettrait d’exercer, ne fût-ce que dans la perception du public, des pressions extérieures sur l’activité juridictionnelle et de porter préjudice à la sérénité des débats (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, points 92
et 93). Or, l’exclusion de l’activité juridictionnelle du champ d’application du droit d’accès aux documents se justifie au regard de la nécessité de garantir, tout au long de la procédure juridictionnelle, que les débats entre les parties ainsi que le délibéré de la juridiction concernée sur l’affaire en instance se déroulent en toute sérénité, sans pressions extérieures sur l’activité juridictionnelle (voir arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18,
EU:T:2020:35, point 40 et jurisprudence citée).

68 Ces considérations ne sont pas remises en cause par l’argument de la requérante selon lequel la simple affirmation du caractère particulièrement plausible d’un renvoi préjudiciel par les juridictions italiennes concernées ne suffit pas à justifier le refus de divulgation de la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019.

69 Il a certes été jugé que, pour que l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 puisse s’appliquer à des documents qui n’ont pas été élaborés dans le cadre d’une procédure juridictionnelle particulière, il faut que les documents demandés aient, au moment de la prise de la décision refusant leur accès, un lien pertinent soit avec une procédure juridictionnelle pendante devant le juge de l’Union et pour laquelle l’institution concernée invoque cette
exception, soit avec une procédure pendante devant une juridiction nationale, à condition qu’elle soulève une question d’interprétation ou de validité d’un acte de droit de l’Union, de sorte que, eu égard au contexte de l’affaire, un renvoi préjudiciel paraît particulièrement plausible (arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, points 88 et 89, et du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑852/16, EU:T:2018:71, point 67).

70 Toutefois, les arrêts mentionnés au point 69 ci-dessus ont été rendus dans des affaires dans lesquelles étaient en cause des documents établis par les institutions elles-mêmes, et non, comme en l’espèce, à propos de documents émanant d’États membres et transmis à une institution. En effet, s’agissant d’un document établi par une institution, l’atteinte à l’égalité des armes et à la capacité de défense de l’institution concernée ne peut être portée que dans le cadre d’instances auxquelles elle
prend part, c’est-à-dire d’instances se déroulant en principe devant le juge de l’Union.

71 En revanche, dans le cas d’un document émanant d’un État membre et lié à des procédures pendantes devant les juridictions nationales auxquelles l’État est partie, comme en l’espèce, c’est la garantie de l’égalité des armes dans ces procédures nationales qui est prise en compte. Il s’ensuit qu’est dépourvue de pertinence en l’espèce la question de savoir si un renvoi préjudiciel par les juridictions italiennes saisies des procédures nationales en cause était particulièrement plausible (voir, en ce
sens, ordonnance du 27 mars 2014, Ecologistas en Acción/Commission, T‑603/11, non publiée, EU:T:2014:182, points 56 à 65).

72 Il y a lieu par conséquent d’écarter le troisième grief tiré de l’absence d’atteinte à la protection des procédures juridictionnelles par la divulgation de la lettre des autorités italiennes du 17 octobre 2019.

73 Il résulte de tout ce qui précède que le second moyen doit être écarté, de même que le recours en son entier doit être rejeté, sans qu’il y ait lieu d’ordonner d’autres mesures d’instruction.

Sur les dépens

74 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

75 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République italienne supportera, dès lors, ses propres dépens.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) Veneziana Energia Risorse Idriche Territorio Ambiente Servizi SpA (Veritas) est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

  3) La République italienne supportera ses propres dépens.

da Silva Passos

Gervasoni

  Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 janvier 2024.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-602/22
Date de la décision : 24/01/2024

Analyses

Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Document communiqué dans le cadre d’une procédure EU Pilot de remboursement de la TVA – Document émanant d’un État membre – Refus d’accès – Accord préalable de l’État membre – Exception relative à la protection des procédures juridictionnelles – Obligation de motivation.


Parties
Demandeurs : Veneziana Energia Risorse Idriche Territorio Ambiente Servizi SpA (Veritas)
Défendeurs : Commission européenne.

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2024:26

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