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14/09/2022 | CJUE | N°T-371/20

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Pollinis France contre Commission européenne., 14/09/2022, T-371/20


ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

14 septembre 2022 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux – Document d’orientation de l’EFSA relatif à l’évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques pour les abeilles – Positions individuelles des États membres – Refus d’accès – Article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 – Exception relative à la protection du processus décisionnel »

Dans les affaires jointes T‑371/20 et T‑554/20,

Pollinis France, établie à Paris (France), représentée par M^es C....

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

14 septembre 2022 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux – Document d’orientation de l’EFSA relatif à l’évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques pour les abeilles – Positions individuelles des États membres – Refus d’accès – Article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 – Exception relative à la protection du processus décisionnel »

Dans les affaires jointes T‑371/20 et T‑554/20,

Pollinis France, établie à Paris (France), représentée par M^es C. Lepage et T. Bégel, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M^mes S. Delaude, C. Ehrbar et M. G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),

composé de M^me A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. S. Frimodt Nielsen, J. Schwarcz, C. Iliopoulos et R. Norkus, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

vu la décision du 15 décembre 2020 portant jonction des affaires T‑371/20 et T‑554/20 aux fins de la fin de la phase écrite de la procédure, de l’éventuelle phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance,

à la suite de l’audience du 6 mai 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Pollinis France, demande l’annulation de la décision C(2020) 4231 final de la Commission, du 19 juin 2020 (ci-après la « première décision attaquée »), et de la décision C(2020) 5120 final de la Commission, du 21 juillet 2020 (ci-après la « seconde décision attaquée »), par lesquelles celle-ci lui a refusé l’accès à certains documents concernant le document d’orientation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur
l’évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques pour les abeilles, adopté par l’EFSA le 27 juin 2013, initialement publié le 4 juillet 2013 puis republié le 4 juillet 2014 (ci-après le « document d’orientation sur les abeilles de 2013 »), et lui a accordé un accès partiel à certains autres documents concernant le document d’orientation sur les abeilles de 2013.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante est une organisation non gouvernementale française opérant pour la défense de l’environnement et ayant l’objectif de protéger les abeilles sauvages et communes et de promouvoir l’agriculture durable dans le but d’aider à préserver les pollinisateurs.

A.      Affaire T‑371/20

3        Le 27 janvier 2020, en vertu du règlement (CE) n^o 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), et du règlement (CE) n^o 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la
participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), la requérante a présenté à la Commission européenne une demande d’accès à certains documents concernant le document d’orientation sur les abeilles de 2013.

4        Après des échanges que la Commission a eus avec la requérante afin de définir et de réduire la portée de sa demande, cette demande a été limitée, en substance, aux documents consignant la position des États membres, des membres du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feeds) (ci-après le « Scopaff ») et de la Commission concernant le document d’orientation sur les abeilles de 2013
ainsi qu’à tout projet portant sur ce sujet reçu ou rédigé par la Commission depuis le mois d’octobre 2018.

5        Par lettre du 16 mars 2020, la Commission a recensé 25 documents relevant de la demande d’accès de la requérante, a indiqué que 6 documents (documents 20 à 25) étaient disponibles sur le site Internet Europa et a rejeté la demande d’accès pour les 19 documents restants (documents 1 à 19) en vertu de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n^o 1049/2001. Il ressort du tableau annexé à cette lettre que lesdits documents 1 à 19 sont des courriels, ayant
parfois des annexes, transmis par certains États membres au sein du Scopaff entre les mois de janvier et de juillet 2019 et portant, en substance, sur le document d’orientation sur les abeilles de 2013 ou sur sa mise en œuvre, notamment sur un projet de modification des principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques visés à l’article 29, paragraphe 6, du règlement (CE) n^o 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur
le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1) (ci-après les « principes uniformes »).

6        Le 25 mars 2020, la requérante a présenté une demande confirmative d’accès aux documents.

7        Par courriel du 15 avril 2020, la Commission a informé la requérante que le délai pour répondre à la demande confirmative d’accès devait être prolongé et, par courriel du 11 mai 2020, elle a informé la requérante qu’elle n’était pas en mesure de lui communiquer une réponse à la demande confirmative dans ledit délai prolongé.

8        En l’absence de réponse explicite à la demande confirmative, la requérante a introduit, le 15 juin 2020, un recours visant à obtenir l’annulation de la décision implicite de rejet (ci-après la « décision implicite de rejet »), conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001.

9        Par la première décision attaquée, transmise à la requérante par courriel du 22 juin 2020, la Commission a répondu explicitement à la demande confirmative, en accordant un accès partiel au document 2, l’accès à certaines parties de celui-ci étant refusé en vertu des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous b), et à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001, et en refusant l’accès à tous les autres documents visés par cette demande (documents 1 et 3 à
19) en vertu de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001.

B.      Affaire T‑554/20

10      Le 8 avril 2020, la requérante a présenté à la Commission une seconde demande d’accès à certains documents concernant le document d’orientation sur les abeilles de 2013. Cette demande concernait, en substance, la correspondance, les ordres du jour, les procès-verbaux ou les rapports des réunions entre les membres du Scopaff et certains fonctionnaires ou membres de la Commission au sujet du document d’orientation sur les abeilles de 2013 au cours de la période comprise entre les mois de
juillet 2013 et de septembre 2018.

11      Par lettre du 8 mai 2020, la Commission a recensé 59 documents relevant de la seconde demande d’accès de la requérante et a rejeté cette demande pour l’ensemble desdits documents en vertu de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001. Il ressort du tableau annexé à cette lettre que lesdits documents sont des courriels ou des « commentaires », ayant parfois des annexes, transmis par certains États membres au sein du Scopaff entre les mois de
septembre 2013 et de décembre 2018 et portant, en substance, sur le document d’orientation sur les abeilles de 2013 ou sur sa mise en œuvre (ci-après, pris ensemble avec les documents 1 à 19 visés au point 5 ci-dessus, les « documents demandés »).

12      Le 25 mai 2020, la requérante a présenté une demande confirmative d’accès auxdits documents.

13      Par courriel du 17 juin 2020, la Commission a informé la requérante que le délai pour répondre à la demande confirmative devait être prolongé.

14      Par la seconde décision attaquée, la Commission a répondu à la demande confirmative en accordant un accès partiel à quatre documents (documents 3, 10, 12 et 33), l’accès à certaines parties de ceux-ci étant refusé en vertu des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous b), et à l’article 4, paragraphe 3, première alinéa, du règlement n^o 1049/2001, et en refusant l’accès à tous les autres documents visés par cette demande (documents 1, 2, 4 à 9, 11, 13 à 32 et 34 à 59) en vertu de
l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001. La Commission a par ailleurs précisé que lesdits documents étaient tous des courriels.

II.    Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le mémoire en adaptation de la requête recevable et fondé dans l’affaire T‑371/20 ;

–        déclarer le recours recevable et fondé dans l’affaire T‑554/20 ; 

–        annuler la première et la seconde décision attaquée ;

–        condamner la Commission à lui payer 3 000 euros au titre des dépens dans chaque affaire jointe.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer sans objet le recours formé contre la décision implicite de rejet et déclarer irrecevable le mémoire en adaptation de la requête et, à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé dans l’affaire T‑371/20 ;

–        rejeter le recours dans l’affaire T‑554/20 ;

–        rejeter comme irrecevable la demande tendant à la condamnation de la Commission au paiement de 3 000 euros au titre des dépens dans chaque affaire jointe ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

17      La requérante présente quatre moyens, en substance identiques, à l’encontre de chacune des décisions attaquées.

18      Le premier moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001, en ce que la Commission n’aurait pas correctement appliqué l’exception relative à la protection du processus décisionnel. Le deuxième moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001, en ce qu’un intérêt public supérieur justifierait la divulgation des documents demandés, lesquels devraient bénéficier de l’accès plus large
accordé aux documents législatifs. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n^o 1367/2006, en ce que l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001 devrait être interprétée d’autant plus strictement que les informations demandées concernent des émissions dans l’environnement. Le quatrième moyen est tiré de l’application erronée de l’article 4, paragraphe 1, sous b), et de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n^o 1049/2001.

19      Avant d’examiner ces moyens, il convient de préciser l’objet du recours dans l’affaire T‑371/20, compte tenu de la demande de non-lieu à statuer de la Commission et du mémoire en adaptation de la requête de la requérante.

A.      Sur l’objet du recours dans l’affaire T‑371/20

20      Le 15 juillet 2020, la Commission a présenté une demande de non-lieu à statuer sur le recours dans l’affaire T‑371/20. La requérante a présenté un mémoire en adaptation de la requête le 18 août 2020. Les observations de la requérante sur la demande de non-lieu à statuer et les observations de la Commission sur le mémoire en adaptation de la requête ont été présentées respectivement les 31 août et 1^er octobre 2020. Le 13 novembre 2020, le Tribunal a décidé de joindre au fond l’examen de la
demande de non-lieu à statuer.

21      En premier lieu, il est constant entre les parties que la décision implicite de rejet a été remplacée par la première décision attaquée, en ce que cette dernière donne une réponse explicite à la demande confirmative introduite par la requérante le 25 mars 2020.

22      Il convient de rappeler que, dès lors qu’une décision implicite de refus d’accès a été retirée par l’effet d’une décision explicite prise ultérieurement, il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en tant qu’il est dirigé contre ladite décision implicite (arrêt du 2 juillet 2015, Typke/Commission, T‑214/13, EU:T:2015:448, point 36 ; voir également, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, points 88 et 89).

23      Par conséquent, comme le fait valoir la Commission, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’annulation de la décision implicite de rejet.

24      En second lieu, toutefois, en application de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, la requérante a présenté un mémoire en adaptation de la requête compte tenu de l’adoption de la première décision attaquée après le dépôt de celle-ci, visant à ce que le recours soit désormais considéré comme concluant à l’annulation de cette décision explicite.

25      Or, si les conclusions des parties sont caractérisées, en principe, par leur immutabilité, l’article 86 du règlement de procédure prévoit une dérogation à ce principe. Ainsi, conformément à l’article 86, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, lorsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé par un autre acte ayant le même objet, le requérant peut, avant la clôture de la phase orale ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la
requête pour tenir compte de cet élément nouveau en introduisant ladite adaptation par acte séparé et dans le délai prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE dans lequel l’annulation de l’acte justifiant l’adaptation de la requête peut être demandée.

26      En l’espèce, la décision implicite de rejet a été remplacée par la première décision attaquée et le mémoire en adaptation de la requête a été déposé dans les formes et le délai prévus à cet effet, ce que la Commission a d’ailleurs reconnu expressément dans ses observations sur ledit mémoire en adaptation.

27      D’une part, la Commission a cependant observé, de façon générale, qu’il n’était pas clairement précisé si ce mémoire remplaçait ou complétait la requête, mais qu’elle s’est basée sur cette dernière compréhension. Interrogée à cet égard dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, la requérante, dans sa réponse déposée au greffe du Tribunal le 25 mars 2022, a confirmé que, en effet, son mémoire en adaptation complétait la requête. Or, dans la mesure où cette dernière est la
compréhension commune des parties et que, de surcroît, ainsi qu’il ressort de l’article 86, paragraphe 4, du règlement de procédure, le mémoire en adaptation ne doit pas remplacer intégralement la requête, mais doit contenir les conclusions adaptées et, s’il y a lieu, les moyens et les arguments adaptés ainsi que les preuves et les offres de preuve liées à l’adaptation des conclusions, l’observation de la Commission ne saurait remettre en cause la recevabilité du mémoire en adaptation en tant que
tel.

28      D’autre part, la Commission a excipé du caractère irrecevable, inopérant ou manifestement non fondé des moyens présentés dans le mémoire en adaptation. Néanmoins, dès lors que ces critiques portent sur la recevabilité, sur le caractère opérant ou sur le bien-fondé desdits moyens, elles relèvent de l’appréciation de chacun de ces moyens et sont donc dépourvues de pertinence s’agissant de la recevabilité du mémoire en adaptation dans son ensemble.

29      Par conséquent, les conditions prévues à l’article 86, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure étant réunies en l’espèce, il y a lieu de considérer que le recours dans l’affaire T‑371/20 a désormais pour objet une demande d’annulation de la première décision attaquée.

30      Par ailleurs, à ce dernier égard, la Commission a indiqué, sur la base d’une phrase contenue dans les observations sur la demande de non-lieu à statuer déposées par la requérante, que celle-ci ne semblait pas contester la première décision attaquée en ce qu’elle avait accordé un accès partiel au document 2 (voir point 9 ci-dessus). Or, il y a lieu de relever, d’une part, que la phrase de la requérante invoquée par la Commission se borne à faire état de son intérêt à obtenir l’annulation de
la première décision attaquée en rappelant que celle-ci continuait à refuser l’accès à tous les autres documents (point 9 ci-dessus) et, d’autre part, que le mémoire en adaptation de la requête ne limite pas l’objet du recours aux seuls documents ayant fait l’objet d’un refus total d’accès. Au demeurant, interrogée lors de l’audience, la requérante a confirmé que ses recours visaient à contester les décisions attaquées, y compris en ce qu’elles accordaient un accès partiel à certains documents, ce
dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience. Par conséquent, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce qui a été soutenu par la Commission, le recours dans l’affaire T‑371/20 a pour objet une demande d’annulation de la première décision attaquée dans son ensemble.

B.      Sur le premier moyen, tiré, en substance, de la violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001, en ce que la Commission n’aurait pas correctement appliqué l’exception relative à la protection du processus décisionnel

31      À titre liminaire, il convient d’observer que, certes, l’intitulé et les points initiaux et finaux du premier moyen des recours tel que développé dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 et dans la requête dans l’affaire T‑554/20 se réfèrent au second alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001, en reprenant en cela la terminologie et la structure du premier moyen présenté dans la requête dans l’affaire T‑371/20, portant sur la décision implicite de rejet.
Toutefois, les développements afférents audit moyen, contenus dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 et dans la requête dans l’affaire T‑554/20, ne portent pas uniquement sur une prétendue violation du second alinéa de ladite disposition, mais se réfèrent plus concrètement aux motifs avancés par la Commission dans les décisions attaquées et portent également sur le premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001.

32      Le premier moyen s’articule donc, en substance, en deux branches, portant sur la violation, la première, du second alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001 et, la seconde, du premier alinéa de la même disposition.

33      D’emblée, s’agissant de la première branche du premier moyen, ainsi que le fait valoir la Commission, dans la mesure où la requérante s’appuie sur un argumentaire tiré d’une mauvaise application de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n^o 1049/2001, voire d’une absence d’indication des raisons permettant d’appliquer ladite disposition, force est de constater que cette branche est inopérante, dès lors qu’elle ne saurait conduire à l’annulation des décisions attaquées. En
effet, dans celles-ci, la Commission n’a pas appliqué l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n^o 1049/2001, mais a refusé l’accès aux documents demandés sur la base de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du même règlement. Il est par ailleurs dépourvu de pertinence à cet égard que la Commission, dans sa lettre du 16 mars 2020 (voir point 5 ci-dessus), a invoqué le second alinéa dudit article 4, paragraphe 3, dès lors que les présentes affaires tendent à
l’annulation non pas de ladite lettre, mais des décisions attaquées, dans lesquelles la Commission s’est appuyée sur l’exception prévue au premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, dudit règlement. La première branche du premier moyen doit par conséquent être rejetée comme étant inopérante.

34      La seconde branche du premier moyen, portant sur la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001, comporte deux griefs. La requérante conteste, en substance, d’une part, la pertinence de l’exception prévue à ladite disposition, invoquée par la Commission, en ce que le processus décisionnel en cause ne serait pas en cours, et, d’autre part, les motifs avancés par la Commission pour justifier l’application de cette exception.

1.      Observations liminaires

35      Conformément à son considérant 1, le règlement n^o 1049/2001 s’inscrit dans la volonté de créer une union dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens. Ainsi que le rappelle le considérant 2 dudit règlement, le droit d’accès du public aux documents des institutions se rattache au caractère démocratique de ces dernières (voir arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement, T‑540/15, EU:T:2018:167,
point 57 et jurisprudence citée).

36      À cette fin, le règlement n^o 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1^er, à conférer au public un droit d’accès qui soit le plus large possible (voir arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement, T‑540/15, EU:T:2018:167, point 58 et jurisprudence citée).

37      Ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 11, le règlement n^o 1049/2001 prévoit, à son article 4, un régime d’exceptions autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (voir arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement, T‑540/15, EU:T:2018:167,
point 59 et jurisprudence citée).

38      Dès lors que de telles exceptions dérogent au principe d’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (voir arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement, T‑540/15, EU:T:2018:167, point 61 et jurisprudence citée).

39      Conformément au principe d’interprétation stricte, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant à la question de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement n^o 1049/2001 que cette institution invoque. En outre, le risque d’une telle
atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. La seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (voir arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement, T‑540/15, EU:T:2018:167, point 62 et jurisprudence citée).

40      Il convient de rappeler également que l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001 suppose qu’il soit démontré que l’accès aux documents demandés est susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à la protection du processus décisionnel de l’institution et que ce risque d’atteinte est raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement, T‑540/15, EU:T:2018:167,
point 63 et jurisprudence citée).

41      Pour relever de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001, l’atteinte au processus décisionnel doit être grave. Il en est notamment ainsi lorsque la divulgation du document visé a un impact substantiel sur le processus décisionnel. L’appréciation de la gravité dépend de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment des effets négatifs de cette divulgation sur le processus décisionnel invoqués par l’institution (arrêt du 7 juin 2011,
Toland/Parlement, T‑471/08, EU:T:2011:252, point 71 et jurisprudence citée).

42      Il ne saurait être exigé des institutions qu’elles présentent des éléments de preuve tendant à établir l’existence d’un tel risque. Il suffit, à cet égard, que la décision comporte des éléments tangibles permettant de conclure que le risque d’atteinte au processus décisionnel est, à la date de son adoption, raisonnablement prévisible et non purement hypothétique, faisant notamment état de l’existence, à une telle date, de raisons objectives permettant de prévoir raisonnablement que de telles
atteintes surviendraient en cas de divulgation des documents demandés (voir arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement, T‑540/15, EU:T:2018:167, point 65 et jurisprudence citée).

43      C’est au regard de ces dispositions et de ces principes qu’il convient d’examiner la seconde branche du premier moyen des recours.

2.      Sur le premier grief de la seconde branche du premier moyen, tiré de l’absence de caractère en cours du processus décisionnel

44      La requérante fait valoir que l’interprétation et l’utilisation par la Commission de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001 ne sont pas justifiées. Selon la requérante, le motif donné par la Commission pour refuser l’accès, à savoir protéger le processus décisionnel en cours, est contredit par l’indication de la Commission selon laquelle le processus décisionnel est arrêté. Cette dernière indication serait source de confusion et induirait
en erreur, le processus étant soit « arrêté », soit « en cours ». Même en admettant que le processus décisionnel serait suspendu et reprendrait sur une version révisée du document d’orientation sur les abeilles de 2013, ce document ne sera plus le même.

45      La Commission rétorque que le processus décisionnel en cause n’est pas achevé et précise que, dans les décisions attaquées, elle aurait employé le terme « arrêté » comme signifiant « suspendu » ou « mis en pause ». En outre, la circonstance que le document d’orientation sur les abeilles de 2013 puisse être modifié ne serait pas pertinente pour l’application de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001. La motivation de chacune des décisions
attaquées ne serait donc pas contradictoire.

46      À titre liminaire, il convient d’observer que, si la Commission a contesté la recevabilité et la pertinence de nombreux arguments présentés par la requérante au titre de la seconde branche du premier moyen en ce qu’ils ne porteraient pas sur l’exception appliquée dans les décisions attaquées ou qu’ils auraient été indûment présentés au stade de la réplique, tel n’est pas forcément le cas pour les arguments portant sur le caractère en cours du processus décisionnel repris au point 44
ci-dessus. En effet, dans ses observations sur le mémoire en adaptation de la requête dans l’affaire T‑371/20, la Commission a reconnu que de tels arguments figuraient dans ledit mémoire en adaptation et portaient sur l’exception invoquée dans les décisions attaquées, en indiquant que, « abstraction faite des points […] du mémoire en adaptation, qui [faisaient] référence au caractère en cours du processus décisionnel, la requérante n’a[vait] pas adapté ses moyens à la nouvelle base juridique
invoquée dans la [première décision attaquée] ». Il convient effectivement de constater que ces arguments ont été présentés dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20. En outre, ces arguments ont été présentés, de façon identique, dans la requête dans l’affaire T‑554/20. Par conséquent, toute allégation ultérieure de la Commission, présentée notamment dans ses mémoires en défense ou lors de l’audience, visant à suggérer que ces arguments seraient irrecevables ou inopérants ou que la
requérante ne contesterait pas que le processus décisionnel en cause serait en cours doit être écartée comme non fondée.

47      Il convient donc d’examiner le bien-fondé de ce premier grief de la requérante.

48      Il ressort du dossier que le document d’orientation sur les abeilles de 2013 a été préparé par l’EFSA en 2013 à la demande de la Commission. Ce document a été soumis par la Commission au Scopaff en 2013 pour avis, en vue de son adoption selon la procédure consultative prévue par le règlement (UE) n^o 182/2011 du Parlement Européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des
compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13), et ce conformément aux articles 77 et 79, paragraphe 2, du règlement n^o 1107/2009.

49      Il est constant entre les parties que le document d’orientation sur les abeilles de 2013 a fait l’objet de discussions pendant plusieurs années au sein du Scopaff, sans qu’un accord ait pu être trouvé sur son texte, en raison du désaccord entre les États membres, et sans que la Commission soit ainsi parvenue à adopter ledit document d’orientation.

50      En absence d’adoption du document d’orientation sur les abeilles de 2013 en tant que tel et aux fins d’une mise en œuvre partielle dudit document, en 2018, la Commission a proposé de mettre en œuvre certaines parties de celui-ci, et ce en introduisant des modifications aux principes uniformes prévus par le règlement (UE) n^o 546/2011 de la Commission, du 10 juin 2011, portant application du règlement n^o 1107/2009 en ce qui concerne les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des
produits phytopharmaceutiques (JO 2011, L 155, p. 127). La Commission a ainsi soumis, en 2018, un projet de règlement modificatif du règlement n^o 546/2011 au Scopaff pour avis, en vue de son adoption selon la procédure de réglementation avec contrôle prévue par la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO 1999, L 184, p. 23), et ce conformément à l’article 29, paragraphe 6, à l’article 78,
paragraphe 1, sous c), et à l’article 79, paragraphe 4, du règlement n^o 1107/2009.

51      Il est constant entre les parties que le Scopaff a donné un avis positif sur un projet de règlement modificatif du règlement n^o 546/2011 dans le courant du mois de juillet 2019, mais que celui-ci n’a pas non plus été adopté par la Commission, dès lors que, dans le cadre de la procédure de réglementation avec contrôle, le Parlement européen s’est opposé à son adoption au mois d’octobre 2019, considérant, en substance, que ledit projet ne prévoyait pas un niveau suffisant de protection.

52      Alors que, jusqu’en 2018, elle ne planifiait pas de révision du document d’orientation sur les abeilles de 2013, dans le courant du mois de mars 2019, la Commission a demandé à l’EFSA d’opérer une révision dudit document, afin de tenir compte de l’évolution scientifique depuis 2013.

53      C’est donc dans ce contexte que, dans les décisions attaquées, adoptées dans le courant des mois de juin et de juillet 2020, la Commission a indiqué que, dans l’attente de la finalisation de la révision du document d’orientation sur les abeilles de 2013 par l’EFSA, son examen au sein du Scopaff était « arrêté » et que cela signifiait que le processus décisionnel pouvait être considéré comme étant « en cours », puisqu’il serait amené à reprendre seulement après que l’EFSA aurait terminé la
révision dudit document d’orientation. Dans les décisions attaquées, la Commission a d’ailleurs indiqué avoir souligné auprès de l’EFSA l’importance de remettre « son rapport révisé » pour le mois de mars 2021 et lui avoir aussi demandé d’impliquer les experts des États membres et les parties prenantes, afin que tous les points de vue soient pris en compte, ce qui devrait permettre une acceptation rapide du document d’orientation sur les abeilles révisé.

54      Interrogée sur l’état du document d’orientation sur les abeilles révisé lors de l’audience, la Commission a indiqué que toute considération relative au contenu et au caractère éventuellement contraignant de ce document était hypothétique, le processus de révision dudit document par l’EFSA n’étant pas encore achevé. Il en irait de même pour toute considération relative à la forme de son éventuelle adoption par la Commission et à la procédure qui pourrait être suivie à cet effet.

55      Il découle des circonstances exposées aux points 48 à 54 ci-dessus que, contrairement à ce qui a été considéré par la Commission dans les décisions attaquées, le processus décisionnel auquel les documents demandés se rapportent ne pouvait pas être considéré comme étant en cours au moment de l’adoption desdites décisions.

56      En effet, il peut, certes, être considéré que les documents demandés se rapportent à un processus décisionnel de la Commission qui s’est déroulé de 2013 à 2019 et qui visait à la mise en œuvre totale ou partielle, par la Commission, du document d’orientation sur les abeilles de 2013, soit en adoptant ledit document d’orientation en tant que tel selon la procédure consultative prévue par le règlement n^o 182/2011, soit en modifiant les principes uniformes prévus par le règlement n^o 546/2011
selon la procédure de réglementation avec contrôle prévue par la décision 1999/468. Toutefois, force est de constater que, au moment de l’adoption des décisions attaquées, aucun processus décisionnel ne visait plus à mettre en œuvre ledit document d’orientation de 2013, ni en tant que tel ni sous forme d’une modification des principes uniformes. Au contraire, la Commission avait décidé, implicitement mais nécessairement, de ne plus mettre en œuvre ce document d’orientation de 2013 et avait même
expressément demandé à l’EFSA de procéder à la révision de celui-ci, une telle révision, toujours en cours au moment de l’adoption des décisions attaquées, impliquant d’ailleurs l’impossibilité de déterminer le contenu de l’éventuel document d’orientation révisé, la forme de son éventuelle adoption et la procédure qui serait éventuellement suivie à cet effet. Cette révision implique, partant, l’absence même de l’objet d’un processus décisionnel de la Commission au moment de l’adoption des décisions
attaquées.

57      L’argument de la Commission selon lequel, en dépit des circonstances mentionnées aux points 48 à 54 ci-dessus, elle avait toujours l’objectif de mettre en œuvre un document d’orientation sur les abeilles, afin de fournir aux autorités des États membres un document faisant état des « connaissances scientifiques et techniques actuelles » conformément à l’article 36, paragraphe 1, du règlement n^o 1107/2009, ne saurait conduire à une conclusion différente. En effet, à supposer même qu’un tel
objectif soit avéré, il n’implique nullement, en soi, qu’un processus décisionnel ayant pour objet un tel document était en cours au moment de l’adoption des décisions attaquées. Au contraire, les éléments du dossier tendent à démontrer que la Commission avait décidé de ne plus mettre en œuvre le document d’orientation sur les abeilles de 2013 et que, le cas échéant, un processus décisionnel ayant pour objet un document d’orientation sur les abeilles révisé aurait pu avoir lieu lorsque l’EFSA aurait
remis ce document à la Commission et que cette dernière aurait décidé de le mettre en œuvre, ce qui était d’ailleurs hypothétique au moment de l’adoption des décisions attaquées et le demeurait toujours à la date de l’audience. Pour les mêmes raisons, contrairement à ce qui est soutenu par la Commission, le fait que la requérante ait demandé, voire demande encore, que le document d’orientation sur les abeilles de 2013 soit adopté dans son entièreté n’implique nullement qu’un processus décisionnel
portant sur ce document était en cours au moment de l’adoption des décisions attaquées ou soit même encore en cours.

58      Par ailleurs, il convient d’observer que la circonstance que la révision du document d’orientation sur les abeilles de 2013 par l’EFSA était toujours en cours n’implique nullement qu’un processus décisionnel de la Commission portant sur la mise en œuvre de ce même document fût toujours en cours aux dates d’adoption des décisions attaquées. Au contraire, le déroulement même de ce processus de révision corrobore le constat suivant lequel, après le rejet de la modification des principes
uniformes, au moment de l’adoption des décisions attaquées, la Commission ne menait plus aucun processus décisionnel portant sur le document d’orientation sur les abeilles de 2013. En effet, ainsi que l’a souligné la requérante sans avoir été contredite par la Commission, jusqu’en 2018, cette dernière ne planifiait pas de demander une telle révision. Or, ainsi qu’il ressort des décisions attaquées, cette révision apparaît avoir été envisagée compte tenu de l’impossibilité d’adopter le document
d’orientation sur les abeilles de 2013 et dans la perspective de permettre une acceptation rapide d’un document d’orientation sur les abeilles révisé.

59      Il s’ensuit que le processus décisionnel de la Commission ayant pour objet le document d’orientation sur les abeilles de 2013 avait été clôturé au moment de l’adoption des décisions attaquées et que, par conséquent, dans les circonstances particulières des présentes affaires, la Commission ne pouvait pas valablement fonder lesdites décisions sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001, visant à protéger le processus décisionnel de
l’institution ayant trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision.

60      En effet, l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001 opère une distinction claire en fonction de la circonstance qu’une procédure est clôturée ou non. Une fois la décision adoptée, les exigences de protection du processus décisionnel présentent une acuité moindre, de sorte que la divulgation de tout document autre que ceux mentionnés à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n^o 1049/2001 ne peut jamais porter atteinte audit processus et que le refus de divulgation
d’un tel document ne saurait être autorisé, alors même que la divulgation de celui-ci aurait porté gravement atteinte à ce processus si elle avait eu lieu avant l’adoption de la décision en cause. Ainsi, les raisons invoquées par une institution et pouvant justifier le refus d’accès à un tel document dont la communication a été demandée avant la clôture de la procédure administrative pourraient ne pas être suffisantes pour opposer un refus de divulgation du même document après l’adoption de la
décision (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, points 78, 80 et 82).

61      Il convient donc d’accueillir le premier grief de la seconde branche du premier moyen et, en conséquence, d’annuler les décisions attaquées en ce qu’elles refusent l’accès aux documents demandés sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001.

62      Dans les circonstances des présentes affaires, cependant, il convient également d’examiner, au surplus, le second grief de la seconde branche du premier moyen, visant les motifs avancés par la Commission dans les décisions attaquées pour justifier l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001, à supposer donc que cette disposition soit applicable en l’espèce.

3.      Sur le second grief de la seconde branche du premier moyen, visant les motifs avancés dans les décisions attaquées

63      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans les décisions attaquées, la Commission s’est appuyée, en substance, sur un ensemble de trois motifs liés afin de refuser l’accès aux documents demandés sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001. Selon la Commission, premièrement, les procédures de comitologie préservaient la confidentialité des positions individuelles des États membres. Deuxièmement, la divulgation des positions des États
membres échangées dans un contexte de confidentialité compromettrait la coopération entre les États membres ainsi que la confiance mutuelle entre les États membres et la Commission. Certaines circonstances entourant les discussions sur le document d’orientation sur les abeilles de 2013 constitueraient des preuves solides de la complexité et du caractère sensible du processus décisionnel en cause, lequel devrait être protégé. Troisièmement, la Commission aurait été, et serait toujours, la cible de
pressions extérieures provenant de diverses parties prenantes ayant des intérêts contradictoires, de sorte que la divulgation des documents demandés exposerait un processus décisionnel long et complexe à davantage de pressions externes. La divulgation des documents demandés réduirait la marge de manœuvre et la flexibilité des États membres, qui devraient être libres d’explorer, sans pressions externes, toutes les options au sein des comités permanents.

64      Avant d’examiner les arguments de la requérante visant à contester ces motifs avancés par la Commission dans les décisions attaquées, il convient, préalablement, d’examiner la recevabilité desdits arguments, contestée par la Commission au motif qu’ils constitueraient un moyen nouveau.

a)      Sur la recevabilité des arguments de la requérante

65      La requérante, dans la réplique, indique qu’elle confirme que les décisions attaquées violeraient également le premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001, et ce sans modifier son argumentation, si ce n’est pour « remplacer “second alinéa” par “premier alinéa” », puisque le droit applicable serait le même. En tout état de cause, la requérante aurait expressément fait référence audit premier alinéa dans son mémoire en adaptation de la requête dans l’affaire
T‑371/20 et dans la requête dans l’affaire T‑554/20. Cet argumentaire ne serait donc pas un « nouveau moyen », puisque le raisonnement exposé est exactement le même et la requérante y aurait déjà fait référence. Au surplus, en s’appuyant sur la jurisprudence concernant l’ampliation des moyens, la requérante soutient que, en l’espèce, les deux alinéas constitueraient « des compléments nécessaires aux conditions de divulgation des documents […] en ce qui concerne la nécessité de protéger le processus
décisionnel » et que le sens de son argumentation, dans la requête et dans la réplique déposées dans chacune des affaires jointes, serait le même. La requérante conclut que le premier moyen ne serait donc pas irrecevable en ce qu’il porte sur le premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001.

66      La Commission, dans la duplique, s’agissant de la possibilité pour la requérante de préciser la portée du premier moyen, à titre liminaire, observe que la thèse de la requérante reposerait sur la prémisse erronée selon laquelle les premier et second alinéas de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001 concerneraient une seule et même exception, alors qu’ils porteraient sur deux exceptions distinctes qui s’appliquent de manière alternative. Dans ce cadre, d’une part, la Commission
soutient que la requérante a confirmé qu’elle entendait invoquer une violation du second alinéa de ladite disposition, l’invocation de cet alinéa n’étant donc pas une erreur matérielle. En revanche, ce serait la mention du premier alinéa de ladite disposition (une fois dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 et une fois dans la requête dans l’affaire T‑554/20) qui constituerait une erreur matérielle, car il n’y aurait aucune argumentation autonome à cet égard, d’autant plus que les
deux exceptions s’appliqueraient alternativement. Si la requérante entendait développer un raisonnement subsidiaire ou cumulatif portant sur le premier alinéa, elle aurait dû l’indiquer clairement dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 ou dans la requête dans l’affaire T‑554/20 ; elle ne saurait opérer une telle extension de façon rétroactive. D’autre part, la Commission soutient que la requérante ne saurait invoquer dans la réplique des arguments portant sur le premier alinéa au
motif qu’ils seraient étroitement liés à ceux avancés dans la requête, car les deux exceptions sont distinctes et protègent deux intérêts différents. Le fait que les documents pourraient relever des deux exceptions n’aurait aucune incidence sur l’appréciation que la Commission doit effectuer, laquelle diffère selon que l’intérêt protégé est un processus décisionnel en cours ou clôturé. Par ailleurs, le fait que la requérante aurait pu s’appuyer sur la même argumentation ne serait pas pertinent. La
Commission conclut donc que la requérante, dans la réplique, aurait invoqué un moyen nouveau qui serait irrecevable.

67      Premièrement, il y a lieu de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle l’argumentation développée en relation avec le second alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001 pourrait être transposée au premier alinéa de la même disposition, au motif que le droit applicable serait le même et que l’argumentation de la requérante pourrait donc demeurer la même en substituant simplement aux mots « second alinéa » les mots « premier alinéa ». En effet, cette allégation
repose sur des prémisses erronées. Ainsi qu’il ressort du point 60 ci-dessus, le raisonnement applicable dans le cadre de l’une et de l’autre de ces exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001 n’est pas le même, puisque ces deux exceptions visent à protéger deux intérêts différents et sont soumises à des conditions d’application différentes. En outre, la requérante ne saurait valablement prétendre pouvoir s’appuyer sur d’autres dispositions que celles invoquées au
motif qu’il serait suffisant de changer, dans son argumentaire, la seule référence aux dispositions en cause.

68      Secondement, toutefois, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, dans les actes introductifs d’instance, elle aurait invoqué une violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001 et que, par conséquent, dans la réplique, elle pourrait opérer une ampliation de l’argumentaire développé au soutien d’une telle invocation.

69      À cet égard, d’une part, il suffit de rappeler que, effectivement, ainsi qu’il ressort d’ailleurs des points 44 à 46 ci-dessus, dans le mémoire en adaptation de la requête dans l’affaire T‑371/20 et dans la requête dans l’affaire T‑554/20, dans le cadre du premier moyen, la requérante s’est expressément prévalue de la violation de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001, en indiquant que « la requérante consid[érait] que l’interprétation et
l’utilisation par la Commission de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa (protection du processus décisionnel en cours) du règlement […] n^o 1049/2001 n’[était] pas justifiée ».

70      En outre, en cohérence avec une telle invocation, dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 et dans la requête dans l’affaire T‑554/20, dans l’argumentaire développé dans le cadre du premier moyen, la requérante a rappelé expressément « le motif donné par la Commission pour refuser l’accès aux documents, à savoir “protéger le processus décisionnel en cours” ».

71      De même, dans la partie introductive tant du mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 que de la requête dans l’affaire T‑554/20, la requérante a rappelé que chacune des décisions attaquées était « fondée sur l’exception du premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3 (protection du processus décisionnel en cours) du règlement n^o 1049/2001 ».

72      Par ailleurs, dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 et dans la requête dans l’affaire T‑554/20, dans le cadre du troisième moyen des recours, la requérante a invoqué la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n^o 1367/2006, en relation avec l’exception prévue au premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001.

73      Il découle donc de la teneur du premier moyen, tout comme des recours dans leur ensemble, que l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001 a été expressément invoqué par la requérante dans le cadre des développements afférents au premier moyen des recours. L’argument de la Commission selon lequel ces mentions seraient des erreurs de plume de la requérante ne saurait donc être retenu.

74      S’il est certes regrettable que, dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 et dans la requête dans l’affaire T‑554/20, dans le cadre du premier moyen, la requérante ait invoqué indistinctement des dispositions ayant une portée différente, telles que les premier et second alinéas de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001, il n’en demeure pas moins que l’invocation de la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001 résulte tant
du mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 que de la requête dans l’affaire T‑554/20.

75      D’autre part, il est certes exact que, en sus des arguments déjà rappelés au point 44 ci-dessus, ce n’est que dans la réplique que, en réponse aux critiques de la Commission, la requérante a articulé davantage une telle invocation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001, en développant un argumentaire visant à étayer davantage la seconde branche du premier moyen.

76      En vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite sauf si ces moyens se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Toutefois, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable. Par ailleurs, les arguments dont la substance
présente un lien étroit avec un moyen énoncé dans la requête ne peuvent être considérés comme des moyens nouveaux et leur présentation est admise au stade de la réplique ou de l’audience (arrêt du 8 novembre 2018, “Pro NGO!”/Commission, T‑454/17, EU:T:2018:755, point 70).

77      Or, en l’espèce, contrairement à ce qui est soutenu par la Commission, l’argumentaire développé par la requérante dans la réplique ne constitue pas un moyen nouveau, mais présente un lien étroit avec l’invocation de la violation du premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001 qui était déjà contenue dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 et dans la requête dans l’affaire T‑554/20.

78      En effet, dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 et dans la requête dans l’affaire T‑554/20, la requérante a fait valoir que l’application du premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n^o 1049/2001 « n’[étai]t pas justifiée ». Par ailleurs, dans lesdits actes, la requérante a ajouté, certes de façon générale, que « la Commission a[vait] manqué d’expliquer comment l’accès aux documents demandés porterait spécifiquement et effectivement atteinte au processus
décisionnel ». Dans la réplique, la requérante a explicité pourquoi, selon elle, la Commission « n’a[vait] pas démontré que l’autorisation de la divulgation des documents demandés aurait fait courir un risque concret et effectif au processus décisionnel en cours » et, plus précisément, pourquoi les motifs avancés dans les décisions attaquée ne démontraient pas « de manière adéquate que l’autorisation de la divulgation des documents ferait courir un risque concret, effectif et sérieux au processus
décisionnel en cours ». Les arguments exposés dans la réplique dans chaque affaire visent donc à développer directement le grief contenu dans les actes introductifs portant sur l’absence de justification adéquate permettant d’appliquer l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001.

79      Par conséquent, dès lors que, en l’espèce, les arguments présentés dans la réplique dans chaque affaire concernant la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001 constituent une ampliation du moyen énoncé dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 et dans la requête dans l’affaire T‑554/20 portant sur cette même disposition, ils doivent être considérés comme étant recevables.

80      Par ailleurs, au surplus, il doit être relevé que ces arguments, en ce qu’ils portent sur les motifs avancés dans les décisions attaquées, coïncident, en substance, avec les arguments développés – de manière certes parfois regrettablement imprécise quant aux dispositions dont la violation était invoquée – dans le mémoire en adaptation dans l’affaire T‑371/20 et dans la requête dans l’affaire T‑554/20 en relation avec le contenu concret des décisions attaquées (voir points 31 et 74
ci-dessus).

81      Il convient donc d’examiner les arguments présentés par la requérante dans la réplique afin de remettre en cause les motifs rappelés au point 63 ci-dessus avancés par la Commission dans les décisions attaquées.

b)      Sur le bien-fondé des arguments de la requérante

82      La requérante soutient, d’une part, que le règlement intérieur type pour les comités (JO 2011, C 206, p. 11, ci-après le « règlement intérieur type ») ne peut pas prévaloir sur le règlement n^o 1049/2001 et, d’autre part, que la Commission n’a pas expliqué en quoi la divulgation des documents demandés aurait fait courir un risque concret et effectif au processus décisionnel en cours. Premièrement, la Commission ne démontrerait pas en quoi l’affectation de la confiance mutuelle entre les
États membres et la Commission porterait gravement atteinte au processus décisionnel. Le fait que le document d’orientation sur les abeilles de 2013 soit discuté depuis plus de sept ans ou soit en cours de révision serait dépourvu de pertinence à cet égard. Deuxièmement, les pressions extérieures invoquées par la Commission ne prouveraient pas non plus que la divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel. Ces pressions ne devraient même pas être prises en considération,
puisqu’elles ne seraient pas la conséquence directe de la divulgation des documents et il appartiendrait aux institutions de prendre les mesures nécessaires pour les éviter. En l’espèce, la Commission non seulement n’aurait pas établi la réalité des pressions alléguées, mais n’aurait pas expliqué pour quelles raisons ces pressions feraient courir un « risque sérieux » au processus décisionnel. Troisièmement, la Commission aurait dû démontrer l’existence d’un risque spécifique concernant chacun des
documents demandés.

83      La Commission soutient que les arguments de la requérante ne sont pas fondés. D’une part, la requérante méconnaîtrait le cadre juridique pertinent, en particulier le règlement intérieur type. D’autre part, la requérante semblerait contester pour la première fois, et de façon incohérente avec sa précédente argumentation, le fait que la Commission aurait subi des pressions extérieures. Les éléments étayant l’existence du risque pour le processus décisionnel ne devraient pas être considérés
isolement, mais comme faisant partie d’un faisceau d’indices concordants. Par ailleurs, la Commission précise qu’elle n’aurait pas appliqué de présomption générale, mais apprécié de manière spécifique le contenu de tous les documents demandés.

84      D’emblée, il convient de rejeter comme non fondés les arguments de la requérante en ce qu’ils pourraient être compris comme invoquant un défaut ou une insuffisance de motivation des décisions attaquées. En effet, ainsi qu’il ressort du point 63 ci-dessus, les décisions attaquées font état des motifs ayant conduit la Commission à refuser l’accès aux documents demandés. En revanche, la question de savoir si les motifs avancés par la Commission permettent de justifier valablement un tel refus
relève du bien-fondé des décisions attaquées, et non pas d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation de celles-ci. Il convient donc de poursuivre par l’examen de ces motifs.

1)      Sur la position individuelle des États membres dans les procédures de comitologie

85      Dans les décisions attaquées, la Commission a indiqué que les procédures de comitologie préservent la confidentialité des positions individuelles des États membres et que cela se reflète dans certaines dispositions du règlement intérieur type, adopté par la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n^o 182/2001, dispositions qui, selon la Commission, « excluent expressément les positions individuelles des États membres de l’accès du public ».

86      La requérante soutient que le règlement intérieur type ne peut pas prévaloir sur le règlement n^o 1049/2001.

87      La Commission rétorque que la requérante omet de prendre en compte le cadre juridique pertinent.

88      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le présent litige porte non pas, de façon générale, sur les règles régissant les travaux des comités de comitologie, ni sur l’accès direct à ces travaux, mais uniquement sur l’accès, à la suite d’une demande d’accès formée au titre du règlement n^o 1049/2001 par la requérante, à certains documents échangés au sein du Scopaff dans le cadre de l’examen du document d’orientation sur les abeilles de 2013, ces documents étant des courriels contenant,
en substance, la position individuelle de certains États membres sur ledit document d’orientation ou sur un projet de modification des principes uniformes visant à le mettre en œuvre (voir points 5, 11 et 14 ci-dessus).

89      En premier lieu, en l’espèce, il convient d’observer que, dans les décisions attaquées, afin de soutenir le motif selon lequel la position individuelle des États membres devait être protégée dans les procédures de comitologie et devait donc être exclue de l’accès du public, la Commission s’est appuyée uniquement sur le contenu de deux dispositions du règlement intérieur type, à savoir son article 10, paragraphe 2, et son article 13, paragraphe 2 : la première desdites dispositions indique
que le « compte rendu sommaire ne fait pas mention de la position individuelle des États membres au cours des délibérations du comité » et, la seconde, que les « délibérations du comité revêtent un caractère confidentiel ».

90      En d’autres termes, dans les décisions attaquées, la Commission ne s’est appuyée ni sur des dispositions du règlement n^o 1049/2001, voire du règlement n^o 182/2011, ni même sur le contenu d’un règlement intérieur dont le Scopaff se serait effectivement doté.

91      Par ailleurs, à ce dernier égard, interrogée dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, à la question de savoir si le Scopaff s’était doté d’un règlement intérieur, la Commission, dans sa réponse déposée au greffe du Tribunal le 15 mars 2022, a indiqué que ce comité ne s’était pas doté d’un règlement intérieur, mais qu’il organisait ses travaux conformément au règlement intérieur type. Toutefois, la Commission n’a produit aucun élément de preuve au soutien de cette dernière
indication. Interrogée lors de l’audience sur le fondement de cette approche du Scopaff, la Commission n’a pas évoqué de fondement particulier, mais a indiqué, en substance, que le Scopaff, n’ayant pas repris les règles du règlement intérieur type dans un règlement intérieur, s’y référait « par pratique » afin d’organiser ses travaux.

92      Force est donc de constater que, à la différence de la situation prise en compte par le Tribunal au point 86 de l’arrêt du 28 mai 2020, ViaSat/Commission (T‑649/17, non publié, EU:T:2020:235), relative à certaines activités d’un autre comité de comitologie, en l’espèce, aucun élément au dossier ne permet de considérer que le Scopaff se soit doté de règles internes correspondant aux dispositions du règlement intérieur type invoquées par la Commission dans les décisions attaquées et qui
souligneraient l’importance que ce comité attacherait à la confidentialité de certaines informations échangées en son sein et de ses délibérations.

93      En deuxième lieu, en tout état de cause, à supposer même que le Scopaff ait adopté ou suive « par pratique » les règles du règlement intérieur type, y compris les dispositions invoquées par la Commission dans les décisions attaquées, une telle circonstance ne permettrait pas de considérer que ces dispositions, même si elle devaient être interprétées en ce sens qu’elles souligneraient le caractère confidentiel des délibérations du Scopaff et des positions exprimées par les États membres dans
ce cadre, puissent exclure, par principe, certains documents du champ d’application du règlement n^o 1049/2001.

94      En effet, il convient de relever que le considérant 19 du règlement n^o 182/2011 précise qu’il convient de garantir l’accès du public aux informations concernant les travaux des comités, conformément au règlement n^o 1049/2001. À cet effet, l’article 9, paragraphe 2, du règlement n^o 182/2011 établit que les principes et les conditions concernant l’accès du public aux documents qui sont applicables à la Commission s’appliquent aux comités (une disposition identique figurait d’ailleurs à
l’article 7, paragraphe 2, de la décision 1999/468). Le règlement n^o 182/2011 rappelle ainsi que les comités sont soumis aux mêmes règles que la Commission en ce qui concerne l’accès du public aux documents, à savoir celles du règlement n^o 1049/2001, et ne contient pas de règle spécifique portant sur l’accès du public aux documents concernant les travaux des comités.

95      Certes, l’article 9, paragraphe 1, du règlement n^o 182/2011 prévoit que chaque comité adopte son règlement intérieur sur la base du règlement intérieur type, lequel est élaboré par la Commission, après avoir consulté les États membres, et publié au Journal officiel de l’Union européenne.

96      Toutefois, les dispositions du règlement intérieur d’un comité, voire même celles du règlement intérieur type, qu’elles aient été reprises ou non par le comité dans son règlement intérieur, ne sauraient permettre d’octroyer, en réponse à une demande d’accès du public, une protection aux documents allant au-delà de ce qui est prévu par le règlement n^o 1049/2001.

97      Ainsi, les dispositions du règlement intérieur type invoquées par la Commission dans les décisions attaquées ne sauraient permettre de protéger les positions individuelles exprimées par les États membres au-delà de ce qui est prévu à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001 (voir, par analogie, arrêt du 18 décembre 2008, Muñiz/Commission, T‑144/05, non publié, EU:T:2008:596, point 92).

98      Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que la réglementation de l’Union en matière d’accès aux documents ne saurait justifier qu’une institution refuse, par principe, l’accès à des documents ayant trait à ses délibérations au motif qu’ils contiennent des informations relatives à la position prise par les représentants des États membres [voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2001, British American Tobacco International (Investments)/Commission, T‑111/00, EU:T:2001:250, point 52 et
jurisprudence citée].

99      Il en découle que, s’agissant de l’accès du public aux documents inhérents aux travaux des comités de comitologie, la Commission ne saurait considérer que le cadre juridique pertinent exclut, par principe, l’accès du public aux positions individuelles des États membres.

100    En troisième lieu, au surplus, il convient d’observer que les dispositions du règlement intérieur type invoquées par la Commission dans les décisions attaquées ne sauraient être interprétées en ce sens qu’elles excluraient l’accès du public, sur demande, aux positions individuelles des États membres.

101    Premièrement, l’article 10, paragraphe 2, du règlement intérieur type porte sur le contenu du « compte rendu sommaire » des travaux des comités. Or, ainsi qu’il ressort de l’article 10, paragraphe 1, sous c), du règlement n^o 182/2011, le compte rendu sommaire est l’un des documents faisant partie du registre des travaux des comités tenu par la Commission en vertu de cette dernière disposition, documents dont les références sont publiées dans ledit registre, conformément au paragraphe 5 de la
même disposition. L’article 10 du règlement intérieur type ajoute, certes, à son paragraphe 2, que, si le compte rendu sommaire décrit les points de l’ordre du jour et les résultats des votes, il « ne fait pas mention de la position individuelle des États membres au cours des délibérations ». Toutefois, cette dernière disposition ne porte pas sur l’accès du public aux documents des comités, mais sur le contenu du registre des travaux des comités, en particulier sur le contenu de l’un des documents
qui le composent, le compte rendu sommaire. Or, la circonstance que le compte rendu sommaire ne fasse pas mention de la position individuelle des États membres est dépourvue d’incidence en matière d’accès aux documents et ne saurait donc préjuger de l’accès du public, sur demande, à des documents faisant état desdites positions individuelles. En outre, contrairement à ce qui a été soutenu par la Commission lors de l’audience, ladite disposition ne saurait être interprétée en ce sens que la position
individuelle des États membres ne devrait être enregistrée dans aucun document, puisque ladite disposition concerne uniquement le contenu du compte rendu sommaire.

102    Par ailleurs, dans la mesure où, devant le Tribunal, la Commission s’est également appuyée sur l’article 10, paragraphe 1, du règlement n^o 182/2011 afin de soutenir que la position individuelle des États membres devrait être protégée, puisque seuls les résultats des votes figureraient dans le registre des travaux des comités, un tel argument doit aussi être écarté suivant la même logique. En effet, ladite disposition concerne uniquement le contenu du registre des travaux du comité, et non
pas l’accès du public aux documents, lequel, ainsi qu’il découle de l’article 9, paragraphe 2, du règlement n^o 182/2011, peut avoir lieu conformément au règlement n^o 1049/2001.

103    Secondement, l’article 13, paragraphe 2, du règlement intérieur type indique, certes, que « [l]es délibérations du comité revêtent un caractère confidentiel ».

104    Toutefois, d’une part, ladite disposition se borne à évoquer le caractère confidentiel des « délibérations du comité », et non pas de l’ensemble de la procédure à l’issue de laquelle les membres du comité délibèrent (voir, par analogie, arrêt du 13 juillet 2017, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑60/15 P, EU:C:2017:540, point 81). D’autre part, sans qu’il y ait lieu de définir la notion de « délibérations du comité » au sens de ladite disposition, il suffit de relever que la portée
de cette disposition apparaît relativisée par l’ensemble de l’article 13 du règlement intérieur type. En effet, son paragraphe 1 indique que les demandes d’accès aux documents du comité sont traitées par la Commission conformément au règlement n^o 1049/2001 et son paragraphe 3 ajoute que « [l]es documents transmis aux membres du comité, aux experts et aux représentants de tierces parties revêtent un caractère confidentiel […], sauf si l’accès à ces documents est accordé conformément au paragraphe 1,
ou s’ils sont publiés par la Commission par ailleurs ».

105    Ainsi, l’article 13, paragraphes 1 et 3, du règlement intérieur type prévoit la possibilité que, conformément au règlement n^o 1049/2001, l’accès soit accordé notamment aux documents transmis par un membre du comité aux autres membres du comité et que, dans un tel cas, ces documents n’ont pas de caractère confidentiel ou perdent celui-ci. Or, ces dispositions n’excluent nullement des documents, tels que des courriels, contenant les observations ou les propositions d’un membre du comité sur un
projet de mesure, sauf à réduire indûment la portée dudit paragraphe 3 en matière d’accès aux documents.

106    Par ailleurs, contrairement à ce qui a été soutenu par la Commission lors de l’audience, rien n’étaie l’interprétation selon laquelle, compte tenu de la prétendue confidentialité découlant de l’article 13, paragraphe 2, du règlement intérieur type, les délibérations d’un comité seraient par principe sensibles.

107    Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce qui a été soutenu par la Commission dans les décisions attaquées, les procédures de comitologie, et en particulier le règlement intérieur type, n’exigent pas, en tant que tels, que l’accès à des documents faisant état de la position individuelle des États membres au sein du Scopaff soit refusé afin de protéger le processus décisionnel de ce comité, au sens de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001, ce qui
n’empêche nullement la Commission, dans des cas dûment justifiés, de refuser l’accès à des documents portant sur la position individuelle des États membres au sein dudit comité lorsque leur divulgation risquerait de porter une atteinte concrète aux intérêts protégés par les exceptions prévues à l’article 4 du règlement n^o 1049/2001.

2)      Sur la coopération et la confiance mutuelle ainsi que sur la complexité et la sensibilité du processus décisionnel

108    Dans les décisions attaquées, la Commission a indiqué que la divulgation de la position individuelle des États membres, exprimée dans un contexte de confidentialité, affecterait négativement leur coopération « dans les procédures de comitologie » et affecterait la confiance mutuelle entre les États membres et la Commission. La Commission a ajouté, en substance, que le fait que le document d’orientation sur les abeilles de 2013 avait fait l’objet de discussions depuis plus de six ans, le fait
qu’un accord n’avait pas été trouvé entre les États membres pendant cette période et le fait que ledit document d’orientation faisait l’objet d’une révision constituaient une preuve solide de la complexité et de la sensibilité du processus décisionnel qui devait être protégé en l’espèce. En outre, dans la seconde décision attaquée, la Commission a évoqué le caractère politiquement sensible du document d’orientation sur les abeilles de 2013, ce qui aurait été démontré par la durée des discussions à
cet égard.

109    La requérante fait valoir que la Commission n’aurait pas expliqué en quoi l’affectation de la confiance mutuelle porterait gravement atteinte au processus décisionnel et que les circonstances invoquées dans les décisions attaquées seraient dénuées de pertinence, alors que ce serait plutôt l’absence de transparence qui ferait obstacle au processus décisionnel.

110    La Commission rétorque, en substance, que les éléments invoqués dans les décisions attaquées doivent être considérés non pas individuellement, mais pris dans leur ensemble.

111    En premier lieu, dans la mesure où, dans les décisions attaquées, la Commission a évoqué la nécessité de protéger la coopération entre les États membres, il suffit de relever que, à cet égard, la Commission s’est appuyée sur une motivation d’ordre abstrait, portant sur la préservation de cette coopération dans les procédures de comitologie en général. De même, dans la mesure où, dans les décisions attaquées, la Commission a évoqué la nécessité de protéger la confiance mutuelle entre la
Commission et les États membres, puisque les positions individuelles de ces derniers auraient été échangées dans « un contexte de confidentialité », force est de constater que la Commission s’est également appuyée sur une motivation d’ordre général. Ces justifications se basent sur la prémisse selon laquelle les procédures de comitologie protégeraient, à l’égard d’une demande d’accès aux documents, la confidentialité des positions individuelles des États membres exprimées au sein des comités,
prémisse qui, toutefois, a déjà été écartée au point 107 ci-dessus. Il s’agit donc de justifications n’ayant aucun lien concret avec les circonstances spécifiques du processus décisionnel en cause dans la présente affaire.

112    Par conséquent, comme le relève la requérante, les explications contenues dans les décisions attaquées ne sont pas de nature à démontrer comment la coopération et la confiance mutuelle dans le processus décisionnel en cause seraient affectées en cas de divulgation des documents demandés.

113    Au demeurant, il convient de rappeler que les États membres sont tenus à un devoir de coopération loyale entre eux et avec les institutions de l’Union en vertu de l’article 4 TUE, de sorte que la divulgation des documents demandés ne saurait, en tout état de cause, faire craindre le non-respect d’une telle obligation et l’affaiblissement des devoirs des États membres à cet égard.

114    En second lieu, dans la mesure où, dans les décisions attaquées, la Commission s’est appuyée sur certaines circonstances factuelles pour soutenir que le processus décisionnel qu’il y aurait lieu de protéger en l’espèce serait complexe et sensible, voire que le document d’orientation sur les abeilles de 2013 serait politiquement sensible, il convient d’observer que la Commission ne s’est pas référée au contenu des documents demandés, mais, de façon générale, au processus décisionnel en cause
dans son ensemble ou au document d’orientation sur les abeilles de 2013.

115    À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que, dans les décisions attaquées, la Commission n’a donc pas soutenu, ni a fortiori démontré, que les documents demandés revêtiraient un caractère sensible ou qu’il s’agirait de documents sensibles au sens de l’article 9 du règlement n^o 1049/2001, disposition qui n’est nullement en cause en l’espèce. Par ailleurs, la Commission n’a pas fait valoir non plus qu’un quelconque État membre lui aurait demandé, conformément à l’article 4,
paragraphe 5, du règlement n^o 1049/2001, de ne pas divulguer, sans son accord, sa position sur le document d’orientation sur les abeilles de 2013.

116    Ensuite, il convient d’observer qu’il ressort de la jurisprudence que la complexité alléguée du processus décisionnel ne constitue pas, en elle-même, une raison particulière de craindre que la divulgation des documents demandés porterait gravement atteinte à ce processus (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 juin 2011, Toland/Parlement, T‑471/08, EU:T:2011:252, point 81). De même, la circonstance qu’un sujet est sensible ne saurait non plus constituer, en elle-même, une raison
objective suffisante de craindre une atteinte grave au processus décisionnel en cas de divulgation des documents demandés (voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2011, Toland/Parlement, T‑471/08, EU:T:2011:252, point 80, et du 20 septembre 2016, PAN Europe/Commission, T‑51/15, non publié, EU:T:2016:519, point 34). En effet, un sujet prétendument sensible ne saurait être confondu avec un document sensible (arrêt du 21 avril 2021, Pech/Conseil, T‑252/19, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:203, point 57).

117    Ainsi le Tribunal a déjà jugé que la complexité des discussions, les éventuelles divergences de vues entre les participants ou le caractère sensible d’un débat ne permettent pas de justifier, en tant que tels, l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2021, Pech/Conseil, T‑252/19, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:203, point 56).

118    Enfin, il convient de relever que les circonstances invoquées par la Commission dans les décisions attaquées ne permettent pas de craindre une atteinte grave au processus décisionnel en cas de divulgation des documents demandés.

119    Premièrement, le fait que le document d’orientation sur les abeilles de 2013 ait fait l’objet de discussions pendant plusieurs années et le fait que, pendant ce temps, un accord n’ait pas été trouvé entre les États membres ne corroborent pas l’exigence de protection des documents demandés invoquée par la Commission, mais, au contraire, dans les circonstances du cas d’espèce, tendent à la contredire. En effet, le processus décisionnel en cause n’a pas abouti à l’adoption du document
d’orientation sur les abeilles de 2013 alors qu’il est constant que ce processus s’est déroulé sans que le public ait eu accès à la position individuelle des États membres à cet égard. Ainsi, d’une part, l’absence d’aboutissement du processus n’a pas de lien avec une quelconque forme d’information ou de transparence à l’égard du public et, d’autre part, il n’est pas établi que l’absence d’accès aux documents demandés permettrait à ce processus d’aboutir. La divulgation de ces documents n’apparaît
donc pas comme étant susceptible de porter une quelconque atteinte au processus décisionnel en cause.

120    Secondement, le fait que le document d’orientation sur les abeilles de 2013 soit l’objet d’une révision par l’EFSA ne corrobore pas non plus l’exigence de protection invoquée par la Commission. En effet, la divulgation des documents demandés n’a pas d’impact sur ladite révision, laquelle est opérée par l’EFSA, et non pas par la Commission.

121    Il découle de ce qui précède que le motif invoqué dans les décisions attaquées portant sur la coopération et la confiance mutuelle ainsi que sur la complexité et la sensibilité du processus décisionnel n’est pas de nature à démontrer, dans les circonstances des présentes affaires, un risque d’atteinte grave au processus décisionnel en cause.

3)      Sur les pressions extérieures, la marge de manœuvre et la flexibilité

122    Dans les décisions attaquées, la Commission a indiqué qu’elle avait été, et était toujours, la cible de pressions extérieures de la part de plusieurs parties intéressées, représentant parfois des intérêts divergents. Elle a ajouté que les États membres, et la Commission elle-même, doivent être libres d’explorer toutes les options dans « les comités permanents » et être libres de pressions extérieures. La divulgation des documents demandés exposerait un processus décisionnel long et difficile
à davantage de pressions extérieures. Ainsi, selon la Commission, la divulgation des documents demandés réduirait la marge de manœuvre des États membres lors des votes ainsi que leur flexibilité, en portant sérieusement atteinte au processus décisionnel qui reprendra au sein de la Commission.

123    La requérante fait valoir que les pressions extérieures ne devraient pas être prises en compte et que, en tout état de cause, elles ne seraient pas la conséquence de la divulgation des documents demandés.

124    La Commission rétorque que la requérante elle-même a admis l’existence de ces pressions.

125    En premier lieu, s’agissant des pressions extérieures invoquées dans les décisions attaquées, il ressort de la jurisprudence que la protection du processus décisionnel contre une pression extérieure ciblée peut être de nature à constituer un motif légitime pour restreindre l’accès à des documents relatifs à ce processus décisionnel. Néanmoins, la réalité d’une telle pression extérieure doit être acquise avec certitude et la preuve que le risque d’affecter substantiellement le processus
décisionnel en cours était raisonnablement prévisible, en raison de ladite pression extérieure, doit être rapportée (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Muñiz/Commission, T‑144/05, non publié, EU:T:2008:596, point 86).

126    Or, force est de constater que, dans les décisions attaquées, le motif lié à l’existence de pressions extérieures a été avancé par la Commission de manière générale et vague.

127    Tout d’abord, si la Commission a indiqué qu’elle avait été, et était toujours, la cible de pressions extérieures de la part de plusieurs parties prenantes, il convient de relever que ces pressions ont été simplement alléguées, et leur réalité n’a pas été démontrée dans les décisions attaquées. Par ailleurs, la Commission a mentionné de telles pressions de façon si abstraite (« [l]a Commission a été, et est encore, la cible de pressions extérieures de la part de plusieurs parties intéressées,
représentant parfois des intérêts divergents ») qu’une telle justification pourrait être employée pour n’importe quel processus décisionnel dans n’importe quel domaine.

128    Certes, ainsi que le fait valoir la Commission, dans le mémoire en adaptation de la requête dans l’affaire T‑371/20, la requérante a indiqué qu’elle « reconna[issai]t que, dans ce processus, la Commission a[vait] été la cible de pressions extérieures ». Toutefois, en sus du fait que le contrôle de légalité du Tribunal porte sur les décisions attaquées et qu’une telle énonciation de la requérante ne saurait donc pallier l’absence d’indications contenues dans les décisions attaquées, cette
énonciation est tout aussi vague et générale que celle de Commission. En effet, si la requérante se réfère à « ce processus », elle ne précise pas non plus les pressions extérieures dont il s’agirait, de sorte qu’il ne saurait être conclu que la « réalité » desdites pressions aurait été acquise « avec certitude » au sens de la jurisprudence rappelée au point 125 ci-dessus.

129    Ensuite, en tout état de cause, comme le souligne, en substance, la requérante, la justification avancée dans les décisions attaquées concerne uniquement des pressions extérieures dont la Commission elle-même aurait été la cible. En revanche, les décisions attaquées ne se réfèrent à aucune pression extérieure qui aurait été subie par les États membres. En outre, les décisions attaquées ne fournissent aucun élément permettant d’établir un lien entre les pressions extérieures subies par la
Commission, à les supposer avérées, et l’atteinte qui résulterait de la divulgation des documents demandés, qui portent sur les positions individuelles des États membres.

130    Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans les décisions attaquées, la Commission n’a pas soutenu que le non-aboutissement du processus décisionnel serait la conséquence de pressions extérieures, mais a indiqué expressément qu’il découlait du désaccord entre les États membres, ce qui ne présente aucun lien avec les prétendues pressions subies par la Commission.

131    Enfin, si la Commission a indiqué que les États membres et elle-même devaient être libres des pressions extérieures pour explorer toute option dans les « comités permanents », il suffit d’observer qu’elle ne s’est pas référée au processus décisionnel en cause au sein du Scopaff, mais a visé expressément, de façon générale, les « comités permanents » dans leur ensemble.

132    En second lieu, s’agissant de la marge de manœuvre et de la flexibilité invoquées dans les décisions attaquées, tout d’abord, il convient de relever que la Commission s’est bornée à avancer des affirmations générales, lesquelles ne permettent pas d’établir que la divulgation des documents demandés entraînerait une réduction de la marge de manœuvre ou de la flexibilité des États membres au sein du Scopaff.

133    En effet, la Commission ne s’est référée à aucun élément concret susceptible de démontrer une quelconque détérioration de la position des États membres en cas de divulgation des documents demandés. Au contraire, ainsi qu’il a été observé au point 131 ci-dessus, lorsqu’elle a indiqué que les États membres devaient pouvoir explorer toutes les options, elle s’est référée non pas à la situation au sein du Scopaff dans le cadre du processus décisionnel en cause, mais, de façon générale, à leur
position au sein « des comités permanents ».

134    Ensuite, dans la mesure où les décisions attaquées devraient être comprises comme visant à établir un lien entre la réduction de la marge de manœuvre des États membres et les pressions extérieures subies par la Commission, il convient de rappeler que la Commission n’a fourni aucun élément permettant de considérer que lesdites pressions qu’elle subirait auraient un impact sur la position des États membres et que, partant, la divulgation des documents demandés réduirait leur marge de manœuvre
ou leur flexibilité.

135    Enfin, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que la circonstance que la marge de manœuvre et la capacité à obtenir un compromis entre les États membres seraient réduites ne saurait caractériser un risque suffisamment grave et raisonnablement prévisible pour justifier l’application de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, PAN Europe/Commission, T‑51/15, non publié, EU:T:2016:519, point 36).

136    Il découle de ce qui précède que le motif invoqué dans les décisions attaquées portant sur les pressions extérieures, la marge de manœuvre et la flexibilité n’est pas de nature à démontrer, dans les circonstances des présentes affaires, un risque d’atteinte grave au processus décisionnel en cause.

137    Il s’ensuit que les motifs avancés par la Commission dans les décisions attaquées ne sauraient justifier, dans les circonstances des présentes affaires, l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001, à supposer même, ainsi qu’il a été évoqué au point 62 ci-dessus, que cette disposition soit applicable en l’espèce.

138    Il convient donc d’accueillir également le second grief de la seconde branche du premier moyen et, sur ce fondement également, d’annuler les décisions attaquées en ce qu’elles refusent l’accès aux documents demandés sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001.

4.      Conclusions sur le premier moyen

139    Il résulte de tout ce qui précède que, dans les décisions attaquées, la Commission a enfreint l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001 en refusant la divulgation des documents demandés au motif qu’il en résulterait une atteinte grave au processus décisionnel en cours.

140    En conséquence, il n’y a pas lieu d’examiner la question de l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés compte tenu de leur caractère législatif et environnemental, question soulevée dans le cadre des deuxième et troisième moyens.

141    Il convient en revanche d’examiner le quatrième moyen.

C.      Sur le quatrième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 4, paragraphe 1, sous b), et de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n^o 1049/2001

142    La requérante fait valoir que les décisions attaquées ne sauraient être fondées sur la nécessité de protéger la vie privée et l’intégrité de l’individu s’agissant des données personnelles contenues dans les documents demandés, puisque, si de telles informations figurent dans lesdits documents, la Commission devrait les anonymiser et divulguer les autres parties des documents.

143    La requérante ajoute qu’elle ne serait pas liée par le contenu des décisions attaquées et qu’elle maintient que la Commission aurait pu divulguer les documents demandés après avoir anonymisé les informations sur les données à caractère personnel : si la Commission l’a fait pour le document 2 visé par la première décision attaquée et pour les documents 3, 10, 12 et 33 visés par la seconde décision attaquée, les documents restants n’ont pas encore été publiés.

144    La Commission rétorque que le quatrième moyen serait erroné sur le plan factuel et inopérant.

145    À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans les décisions attaquées, la Commission a accordé un accès partiel en vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n^o 1049/2001 à certains documents demandés, à savoir le document 2 visé par la première décision attaquée et les documents 3, 10, 12 et 33 visés par la seconde décision attaquée (voir points 9 et 14 ci-dessus). Ainsi, tout en ayant accordé un accès à certaines parties desdits documents, la Commission a refusé l’accès à
d’autres parties de ces documents. À cet effet, la Commission s’est appuyée sur les exceptions visant à protéger, d’une part, le processus décisionnel en cours, au titre de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001, et, d’autre part, la vie privée et l’intégrité de l’individu, au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du même règlement. C’est en relation avec lesdits documents auxquels la requérante a eu un accès partiel que la Commission, dans les décisions
attaquées, a donc appliqué l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n^o 1049/2001, afin de protéger les données à caractère personnel de certains individus.

146    Or, ainsi qu’il ressort de l’argumentaire développé par la requérante en relation avec le quatrième moyen, et ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, par ce moyen elle ne vise pas à soutenir que, s’agissant des documents auxquels elle a eu un accès partiel, la Commission aurait violé l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n^o 1049/2001, en ne lui accordant pas accès aux données à caractère personnel auxquelles l’accès lui a été refusé en vertu de ladite disposition. En
d’autre termes, tout en contestant les décisions attaquées en ce qu’elles ont accordé un accès partiel à certains des documents demandés, la requérante ne demande pas à avoir accès aux données à caractère personnel protégées par la Commission figurant dans ces documents et, au demeurant, elle n’a avancé aucun argument visant à remettre en cause l’application que la Commission a faite de ladite exception à cet égard. En revanche, ce que la requérante soutient, en substance, est que la Commission
aurait dû suivre la même approche pour les autres documents demandés, en ce sens qu’elle aurait également dû lui accorder un accès partiel à ces autres documents en se limitant à protéger les seules éventuelles données à caractère personnel qui y étaient contenues. L’argumentation de la requérante vise donc, en substance, à soutenir que la Commission aurait appliqué indûment l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n^o 1049/2001.

147    Dans ces circonstances, ainsi que le fait valoir la Commission, force est de constater que le quatrième moyen est inopérant, dès lors que, d’une part, il ne saurait remettre en cause l’application que la Commission a faite en l’espèce de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n^o 1049/2001 et que, d’autre part, l’application de ladite disposition est dépourvue d’impact sur celle de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, de ce règlement. En effet, une éventuelle violation de la
première disposition, à la supposer même établie, ne saurait conduire, par elle-même, à la divulgation des documents ou des parties de documents demandés auxquels l’accès a été refusé en vertu de la seconde disposition.

148    Le quatrième moyen doit donc être écarté.

149    La seconde branche du premier moyen ayant été accueillie en son premier grief (voir points 61 et 62 ci-dessus) et en son second grief (voir points 137 et 138 ci-dessus), l’accueil de chacun de ces griefs devant conduire, par lui-même, à l’annulation des décisions attaquées, il y a lieu d’annuler lesdites décisions.

IV.    Sur les dépens

150    La requérante demande que la Commission soit condamnée, dans chacune des présentes affaires, à lui payer un montant de 3 000 euros au titre des dépens.

151    À cet égard, il convient de rappeler que, dans la décision mettant fin à l’instance, le Tribunal détermine exclusivement la répartition de la charge des dépens entre les parties, sans se prononcer sur le montant de ceux-ci. En cas de contestation, la hauteur des dépens récupérables peut faire l’objet d’une procédure autonome, régie par les dispositions de l’article 170 du règlement de procédure, distincte de la décision sur la répartition des dépens. Ainsi, il ne saurait être procédé à la
taxation des dépens qu’à la suite de l’arrêt ou de l’ordonnance mettant fin à l’instance (arrêt du 6 février 2019, Karp/Parlement, T‑580/17, non publié, EU:T:2019:62, point 100).

152    Par conséquent, il y a lieu de rejeter comme irrecevable la partie du chef de conclusions de la requérante relatif aux dépens dans laquelle elle demande que le Tribunal fixe à 3 000 euros le montant que la Commission devrait lui verser au titre des dépens dans chacune des présentes affaires.

153    Il n’en demeure pas moins que la requérante sollicite la condamnation de la Commission aux dépens.

154    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

155    La Commission ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de la Commission européenne C(2020) 4231 final, du 19 juin 2020, et C(2020) 5120 final, du 21 juillet 2020, sont annulées, en ce qu’elles refusent l’accès aux documents demandés sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement (CE) n^o 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.

Marcoulli Frimodt Nielsen Schwarcz

Iliopoulos         Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 septembre 2022.

Signatures

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*      Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Sixième chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-371/20
Date de la décision : 14/09/2022
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux – Document d’orientation de l’EFSA relatif à l’évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques pour les abeilles – Positions individuelles des États membres – Refus d’accès – Article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 – Exception relative à la protection du processus décisionnel.

Dispositions institutionnelles

Accès aux documents


Parties
Demandeurs : Pollinis France
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Marcoulli

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2022:556

Source

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